« Loi constitutionnelle du 3 juin 1958 » : différence entre les versions

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Adoptée par l'[[Assemblée nationale (France)|Assemblée nationale]] et par le [[Conseil de la République]] dans le contexte de la [[crise de mai 1958]], la loi est [[Promulgation|promulguée]] le {{date|3 juin 1958|en France}}, et publiée au {{JORF}} le {{date|4 juin 1958-|en France}}.
Adoptée par l'[[Assemblée nationale (France)|Assemblée nationale]] et par le [[Conseil de la République]] dans le contexte de la [[crise de mai 1958]], la loi est [[Promulgation|promulguée]] le {{date|3 juin 1958|en France}}, et publiée au {{JORF}} le {{date|4 juin 1958-|en France}}.


== Fondement juridique de la loi constitutionnelle ==
== Parcours législatif de la loi constitutionnelle ==
La [[loi constitutionnelle]] se présente comme une [[loi]] adoptée selon la procédure de révision constitutionnelle prévue par l'[[s:Constitution du 27 octobre 1946#Article 90|{{nobr|article 90}}]] de la [[Constitution du 27 octobre 1946|Constitution du {{date-|27 octobre 1946}}]], mais ayant pour objet de créer une dérogation à cet article pour l'adoption de la révision constitutionnelle suivante.
La [[loi constitutionnelle]] se présente comme une [[loi]] adoptée selon la procédure de révision constitutionnelle prévue par l'[[s:Constitution du 27 octobre 1946#Article 90|{{nobr|article 90}}]] de la [[Constitution du 27 octobre 1946|Constitution du {{date-|27 octobre 1946}}]], mais ayant pour objet de créer une dérogation à cet article pour l'adoption de la révision constitutionnelle suivante.


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matériaux juridiques et politiques, Université de Perpignan|url=https://mjp.univ-perp.fr/france/co1958an.htm}}</ref>.
matériaux juridiques et politiques, Université de Perpignan|url=https://mjp.univ-perp.fr/france/co1958an.htm}}</ref>.


Les résolutions des {{date|24|mai|1955|en France}} et {{date|19|juillet|1955|en France}} n'étaient pas devenues caduques pour autant : le {{date|27|mai|1958|en France}}, l'Assemblée nationale a adopté, par {{unité|202|voix}} contre 107, une résolution énonçant que la révision de la Constitution était en cours<ref>[http://mjp.univ-perp.fr/france/f5a.htm#res58 Résolution du 27 mai 1958] (consulté le 19 janvier 2014)</ref>, permettant à l'exécutif d'amorcer le projet de loi constitutionnelle amené à devenir la loi constitutionnelle du 3 juin 1958.
L'exécutif considéra que les résolutions des {{date|24|mai|1955|en France}} et {{date|19|juillet|1955|en France}} n'étaient pas devenues caduques pour autant, supporté en cela par l'adoption, le {{date|27|mai|1958|en France}}, par l'Assemblée nationale, par {{unité|202|voix}} contre 107, d'une résolution déclarant que la révision de la Constitution était en cours<ref>[http://mjp.univ-perp.fr/france/f5a.htm#res58 Résolution du 27 mai 1958] (consulté le 19 janvier 2014)</ref>, permettant à l'exécutif d'amorcer le projet de loi constitutionnelle amené à devenir la loi constitutionnelle du 3 juin 1958.


Comme le projet de révision adopté en mars 1958 par les députés, ce projet n'a pas été élaboré par l'Assemblée nationale, mais par le [[Gouvernement français|Gouvernement]]. Mais, par un avis du {{date|6|février|1953|en France}}, le [[Conseil d'État (France)|Conseil d'État]] avait considéré que, à la suite d'une résolution de révision déjà prise par l'Assemblée nationale, le Gouvernement pouvait déposer un projet de loi portant révision de la Constitution (une révision constitutionnelle antérieure, celle du {{date|7|décembre|1954|en France}}, était d'ailleurs issue d'un projet de révision élaboré par le Gouvernement).
Comme le projet de révision adopté en mars 1958 par les députés, ce projet n'a pas été élaboré par l'Assemblée nationale, mais par le [[Gouvernement français|gouvernement]]. Mais, par un avis du {{date|6|février|1953|en France}}, le [[Conseil d'État (France)|Conseil d'État]] avait considéré que, à la suite d'une résolution de révision déjà prise par l'Assemblée nationale, le gouvernement pouvait déposer un projet de loi portant révision de la Constitution (une révision constitutionnelle antérieure, celle du {{date|7|décembre|1954|en France}}, était d'ailleurs issue d'un projet de révision élaboré par le gouvernement).


Le {{date|2|juin|1958|en France}}, après avoir déclaré l'urgence, l'Assemblée nationale adopte le projet de loi constitutionnelle. Le lendemain, {{date|3|juin||en France}}, le Conseil de la République adopte un texte identique. L'Assemblée nationale en prend acte le jour même.
Le {{date|2|juin|1958|en France}}, après avoir déclaré l'urgence, l'Assemblée nationale adopte le projet de loi constitutionnelle. Le lendemain, {{date|3|juin||en France}}, le Conseil de la République adopte un texte identique. L'Assemblée nationale en prend acte le jour même.
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* seul le [[suffrage universel]] est la source du pouvoir. C'est du suffrage universel ou des instances élues par lui que dérivent les pouvoirs législatif et exécutif ;
* seul le [[suffrage universel]] est la source du pouvoir. C'est du suffrage universel ou des instances élues par lui que dérivent les pouvoirs législatif et exécutif ;
* la [[séparation des pouvoirs]] : les pouvoirs législatif et exécutif possèdent des moyens de contrôle ;
* la [[séparation des pouvoirs]] : les pouvoirs législatif et exécutif possèdent des moyens de contrôle mutuels ;
* la responsabilité du gouvernement devant le Parlement ([[Monisme et dualisme dans le régime parlementaire|monisme]]) ;
* la responsabilité du gouvernement devant le Parlement ([[Monisme et dualisme dans le régime parlementaire|monisme]]) ;
* l'indépendance de l'[[Pouvoir judiciaire|autorité judiciaire]], avec la référence aux « libertés essentielles telles qu'elles sont définies par le [[Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946|préambule de la Constitution de 1946]] et par la [[Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789|Déclaration des droits de l'homme]] à laquelle il se réfère » ;
* l'indépendance de l'[[Pouvoir judiciaire|autorité judiciaire]], avec la référence aux « libertés essentielles telles qu'elles sont définies par le [[Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946|préambule de la Constitution de 1946]] et par la [[Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789|Déclaration des droits de l'homme]] à laquelle il se réfère » ;
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La loi constitutionnelle précisait d'autre part la procédure à suivre pour l'adoption de la nouvelle Constitution, notamment le recours au [[Référendum en France|référendum]].
La loi constitutionnelle précisait d'autre part la procédure à suivre pour l'adoption de la nouvelle Constitution, notamment le recours au [[Référendum en France|référendum]].


Elle prévoit ainsi le processus d'élaboration suivant : le gouvernement est chargé de la rédaction du texte avec les avis du [[Conseil d'État (France)|Conseil d'État]] pour la partie technique de la rédaction et l'avis du [[Comité consultatif constitutionnel]] (créé pour l'occasion et formé d'un tiers de députés, un tiers de sénateurs et un tiers de personnalités nommées discrétionnairement par le gouvernement) qui donne un avis politique pour la rédaction. Le texte devait ensuite être adopté en [[Conseil des ministres (France)|Conseil des ministres]] avant d'être finalement ratifié par les Français par la procédure du référendum.
Elle prévoit ainsi le processus d'élaboration suivant : le gouvernement est chargé de la rédaction du texte avec les avis du [[Conseil d'État (France)|Conseil d'État]] pour la partie technique de la rédaction et l'avis du [[Comité consultatif constitutionnel]] (créé pour l'occasion et formé de seize députés, dix sénateurs et treize personnalités nommées discrétionnairement par le gouvernement) qui donne un avis politique pour la rédaction.
Le texte devait ensuite être adopté en [[Conseil des ministres (France)|Conseil des ministres]] avant d'être finalement ratifié par les Français par la procédure du référendum.


== Contestations ==
== Contestations ==
La loi constitutionnelle a toutefois été contestée, pour plusieurs raisons.
La loi constitutionnelle a toutefois été contestée, pour plusieurs raisons.


* Il a ainsi été reproché le fait de relever des résolutions parlementaires abandonnées depuis 3 ans, et ce d'autant plus que celles-ci visaient à une modification partielle et marginale de la Constitution, et non à un changement complet de régime<ref>{{Ouvrage|auteur1=Jacques Godechot|auteur2=Hervé Faupin|titre=Les Constitutions de la France depuis 1789|éditeur=Flammarion|année=2018|pages totales=524|passage=412}}</ref>.
* Il a ainsi été reproché le fait de relever des résolutions parlementaires abandonnées depuis 3 ans et à la suite desquelles un projet de révision constitutionnelle avait déjà été déposé et adopté par l'Assemblée nationale - et ce d'autant plus que ces résolutions visaient à une modification partielle et marginale de la Constitution, et non à un changement complet de régime<ref>{{Ouvrage|auteur1=Jacques Godechot|auteur2=Hervé Faupin|titre=Les Constitutions de la France depuis 1789|éditeur=Flammarion|année=2018|pages totales=524|passage=412}}</ref>.
* La loi est adoptée dans un [[Crise de mai 1958|contexte d'insurrection de l'armée]] tel que certains parlementaires dénoncent à la tribune le sentiment d'un vote sous la contrainte, comme par exemple [[François Mitterrand]], alors député de la Nièvre : {{Citation|Je ne puis oublier que le général de Gaulle, président du conseil pressenti, fut appelé d'abord et avant tout par une armée indisciplinée. En droit, le général de Gaulle tiendra ce soir ses pouvoirs de la représentation nationale ; en fait, il les détient déjà du coup de force.}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=François Mitterrand|titre=Extrait des débats parlementaires lors du vote d'investiture de Charles de Gaulle à la présidence du Conseil, le 1er juin 1958|passage=2587|lire en ligne=https://archives.assemblee-nationale.fr/0/cri/0-cri-1957-1958-001.pdf}}</ref>
* La loi est adoptée dans un [[Crise de mai 1958|contexte d'insurrection de l'armée]] tel que certains parlementaires dénoncent à la tribune le sentiment d'un vote sous la contrainte, comme par exemple [[François Mitterrand]], alors député de la Nièvre : {{Citation|Je ne puis oublier que le général de Gaulle, président du conseil pressenti, fut appelé d'abord et avant tout par une armée indisciplinée. En droit, le général de Gaulle tiendra ce soir ses pouvoirs de la représentation nationale ; en fait, il les détient déjà du coup de force.}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=François Mitterrand|titre=Extrait des débats parlementaires lors du vote d'investiture de Charles de Gaulle à la présidence du Conseil, le 1er juin 1958|passage=2587|lire en ligne=https://archives.assemblee-nationale.fr/0/cri/0-cri-1957-1958-001.pdf}}</ref>
* La tradition constitutionnelle veut qu'une nouvelle constitution soit l'œuvre d'une assemblée, appelée généralement "assemblée constituante". Or, comme l'explique le constitutionnaliste [[Didier Maus]]<nowiki>, "la situation de 1958 se présente de manière totalement différente : non seulement la loi du 3 juin 1958 donne mission au Gouvernement de préparer la Constitution, mais la session du Parlement est suspendue dès l'adoption de cette loi et toutes les tentatives pour insérer, par exemple, les commissions parlementaires dans la procédure d'élaboration de la Constitution, échoueront. Il n'en résultera que le Comité consultatif constitutionnel, composé pour les deux tiers de députés et de sénateurs, mais qu'il n'est en aucun cas possible d'assimiler à une représentation parlementaire structurée […]"</nowiki><ref>{{Lien web|langue=|auteur1=Didier Maus|titre=La genèse de la Constitution de 1958|sous-titre=La Constitution en 20 questions|url=http://www.prepadroit.com/wp-content/uploads/2012/09/GENESE-de-la_5EME.pdf|site=|périodique=|date=1998|consulté le=16 avril 2019}}</ref>.
* La tradition constitutionnelle veut qu'une nouvelle constitution soit l'œuvre d'une assemblée, appelée généralement "assemblée constituante". Or, comme l'explique le constitutionnaliste [[Didier Maus]]<nowiki>, "la situation de 1958 se présente de manière totalement différente : non seulement la loi du 3 juin 1958 donne mission au Gouvernement de préparer la Constitution, mais la session du Parlement est suspendue dès l'adoption de cette loi et toutes les tentatives pour insérer, par exemple, les commissions parlementaires dans la procédure d'élaboration de la Constitution, échoueront. Il n'en résultera que le Comité consultatif constitutionnel, composé pour les deux tiers de députés et de sénateurs, mais qu'il n'est en aucun cas possible d'assimiler à une représentation parlementaire structurée […]"</nowiki><ref>{{Lien web|langue=|auteur1=Didier Maus|titre=La genèse de la Constitution de 1958|sous-titre=La Constitution en 20 questions|url=http://www.prepadroit.com/wp-content/uploads/2012/09/GENESE-de-la_5EME.pdf|site=|périodique=|date=1998|consulté le=16 avril 2019}}</ref>.

Version du 21 mai 2024 à 18:18

Loi constitutionnelle du 3 juin 1958

Présentation
Titre Loi constitutionnelle du 3 juin 1958 portant dérogation transitoire aux dispositions de l'article 90 de la Constitution
Pays Drapeau de la France France
Territoire d'application Drapeau de la France France
Langue(s) officielle(s) français
Type loi constitutionnelle
Branche droit constitutionnel
Adoption et entrée en vigueur
Gouvernement Charles de Gaulle (3)
Promulgation
Entrée en vigueur

Lire en ligne

Texte sur Wikisource
Texte de la loi au Journal officiel sur Légifrance

La loi constitutionnelle du est la loi constitutionnelle mettant un terme à la IVe République française.

En reprenant des textes antérieurs sans lien et laissés sans suite depuis trois ans, et en autorisant une procédure spéciale dérogeant à l'article 90 de la Constitution, elle permet au gouvernement Charles de Gaulle d'éviter la procédure classique de révision de la Constitution, qui prévoyait un délai d'au moins trois mois, donnait la plume initiale à l'Assemblée nationale et pouvait laisser le vote final dans les mains du Parlement, relativement hostile à de Gaulle et son projet. La loi constitutionnelle du 3 juin prévoit ainsi que le projet de révision est rédigé par le Gouvernement, qu'il n'est pas soumis à examen parlementaire, qu'il est adopté par référendum, et prévoit également la suspension du Parlement dans l'intervalle.

Adoptée par l'Assemblée nationale et par le Conseil de la République dans le contexte de la crise de mai 1958, la loi est promulguée le , et publiée au Journal officiel de la République française le .

Parcours législatif de la loi constitutionnelle

La loi constitutionnelle se présente comme une loi adoptée selon la procédure de révision constitutionnelle prévue par l'article 90 de la Constitution du , mais ayant pour objet de créer une dérogation à cet article pour l'adoption de la révision constitutionnelle suivante.

La procédure de révision, définie par l'article 90, comptait cinq temps :

  1. L'adoption d'une résolution à la majorité absolue des membres de l'Assemblée nationale, précisant l'objet de la révision
  2. L'adoption d'une résolution identique à la majorité absolue des membres du Conseil de la République
  3. À défaut d'adoption dans les trois mois par le Conseil de la République, l'adoption renouvelée de la résolution à la majorité absolue des membres de l'Assemblée nationale
  4. L'élaboration, par l'Assemblée nationale, d'un projet de loi portant révision de la Constitution
  5. L'adoption du projet de loi à la majorité relative des membres de l'Assemblée nationale
  6. L'adoption d'un projet de loi identique à la majorité relative des membres du Conseil de la République (dans les deux mois, l'Assemblée nationale pouvant contraindre le Conseil à un temps plus restreint)
  7. Si le projet de loi est adopté à la majorité des trois cinquièmes par chacune des deux chambres, il peut être promulgué
  8. A défaut, l'adoption du projet de loi à la majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée nationale lors d'une seconde lecture permet également la promulgation
  9. Et à défaut, le projet de loi devait être soumis au référendum.

Ce processus pouvait ainsi être amené à durer un certain temps, incompatible avec l'urgence de la situation et la volonté de Charles de Gaulle. Surtout, il laissait aux chambres et non à l'exécutif le soin de rédiger la révision constitutionnelle, et de l'adopter. Aux yeux de l'exécutif, l'adoption de la Constitution de la Vème République ne pouvait donc pas suivre cette procédure.

Afin de contourner le délai de trois mois, il fut donc décidé de recourir à une résolution adoptée trois ans auparavant. Le , l'Assemblée nationale avait en effet adopté une résolution visant à réviser partiellement la Constitution (en ses articles 17, 49, 50, 51 et 90 de la Constitution, ainsi que son titre VIII)[1], par 404 voix contre 210, et le Conseil de la République avait adopté une résolution identique le , par 245 voix contre 70. Le Sénat avait également adopté (à 202 voix contre 107) une motion demandant à l'Assemblée nationale d'examiner, par priorité, la modification de l'article 90 de la Constitution, afin de simplifier la procédure de révision[2].

Un premier projet de révision constitutionnelle portant sur les articles précités a été adopté en mars 1958 par l'Assemblée nationale (308 voix pour, 206 voix contre[3]) avant d'être transmis pour examen au Conseil de la République. La démission du gouvernement Félix Gaillard et la crise du 13 mai ont toutefois empêché la procédure parlementaire d'arriver à son terme[4].

L'exécutif considéra que les résolutions des et n'étaient pas devenues caduques pour autant, supporté en cela par l'adoption, le , par l'Assemblée nationale, par 202 voix contre 107, d'une résolution déclarant que la révision de la Constitution était en cours[5], permettant à l'exécutif d'amorcer le projet de loi constitutionnelle amené à devenir la loi constitutionnelle du 3 juin 1958.

Comme le projet de révision adopté en mars 1958 par les députés, ce projet n'a pas été élaboré par l'Assemblée nationale, mais par le gouvernement. Mais, par un avis du , le Conseil d'État avait considéré que, à la suite d'une résolution de révision déjà prise par l'Assemblée nationale, le gouvernement pouvait déposer un projet de loi portant révision de la Constitution (une révision constitutionnelle antérieure, celle du , était d'ailleurs issue d'un projet de révision élaboré par le gouvernement).

Le , après avoir déclaré l'urgence, l'Assemblée nationale adopte le projet de loi constitutionnelle. Le lendemain, , le Conseil de la République adopte un texte identique. L'Assemblée nationale en prend acte le jour même.

Le texte est adopté, par chacune des deux assemblées parlementaires, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés : à l'Assemblée nationale, par 350 voix contre 161, soit 68 % de « pour », et, au Conseil de la République, 256 voix contre 30, soit 89 % de « pour ». Le résultat des votes dans les chambres dépassant ceux prévus par l'article 90 de la Constitution, le texte n'avait pas à être soumis au référendum. Le président de la République française, René Coty, promulgua donc la loi constitutionnelle le , et le Parlement fut suspendu, jusqu'à la première séance de la Vème République, le mardi 9 décembre 1958.

Contenu de la loi

Les principales contraintes posées sur le contenu de la nouvelle Constitution étaient les suivantes :

  • seul le suffrage universel est la source du pouvoir. C'est du suffrage universel ou des instances élues par lui que dérivent les pouvoirs législatif et exécutif ;
  • la séparation des pouvoirs : les pouvoirs législatif et exécutif possèdent des moyens de contrôle mutuels ;
  • la responsabilité du gouvernement devant le Parlement (monisme) ;
  • l'indépendance de l'autorité judiciaire, avec la référence aux « libertés essentielles telles qu'elles sont définies par le préambule de la Constitution de 1946 et par la Déclaration des droits de l'homme à laquelle il se réfère » ;
  • la Constitution régit les rapports entre la République et les « peuples associés », c’est-à-dire les colonies françaises.

La loi constitutionnelle précisait d'autre part la procédure à suivre pour l'adoption de la nouvelle Constitution, notamment le recours au référendum.

Elle prévoit ainsi le processus d'élaboration suivant : le gouvernement est chargé de la rédaction du texte avec les avis du Conseil d'État pour la partie technique de la rédaction et l'avis du Comité consultatif constitutionnel (créé pour l'occasion et formé de seize députés, dix sénateurs et treize personnalités nommées discrétionnairement par le gouvernement) qui donne un avis politique pour la rédaction.

Le texte devait ensuite être adopté en Conseil des ministres avant d'être finalement ratifié par les Français par la procédure du référendum.

Contestations

La loi constitutionnelle a toutefois été contestée, pour plusieurs raisons.

  • Il a ainsi été reproché le fait de relever des résolutions parlementaires abandonnées depuis 3 ans et à la suite desquelles un projet de révision constitutionnelle avait déjà été déposé et adopté par l'Assemblée nationale - et ce d'autant plus que ces résolutions visaient à une modification partielle et marginale de la Constitution, et non à un changement complet de régime[6].
  • La loi est adoptée dans un contexte d'insurrection de l'armée tel que certains parlementaires dénoncent à la tribune le sentiment d'un vote sous la contrainte, comme par exemple François Mitterrand, alors député de la Nièvre : « Je ne puis oublier que le général de Gaulle, président du conseil pressenti, fut appelé d'abord et avant tout par une armée indisciplinée. En droit, le général de Gaulle tiendra ce soir ses pouvoirs de la représentation nationale ; en fait, il les détient déjà du coup de force. »[7]
  • La tradition constitutionnelle veut qu'une nouvelle constitution soit l'œuvre d'une assemblée, appelée généralement "assemblée constituante". Or, comme l'explique le constitutionnaliste Didier Maus, "la situation de 1958 se présente de manière totalement différente : non seulement la loi du 3 juin 1958 donne mission au Gouvernement de préparer la Constitution, mais la session du Parlement est suspendue dès l'adoption de cette loi et toutes les tentatives pour insérer, par exemple, les commissions parlementaires dans la procédure d'élaboration de la Constitution, échoueront. Il n'en résultera que le Comité consultatif constitutionnel, composé pour les deux tiers de députés et de sénateurs, mais qu'il n'est en aucun cas possible d'assimiler à une représentation parlementaire structurée […]"[8].
  • À travers la loi du , le Parlement délègue au pouvoir exécutif un pouvoir qui lui a été délégué par le peuple. Or, un principe de droit constitutionnel veut que le pouvoir délégué ne puisse pas déléguer à son tour ce pouvoir (Delegata potestas non potest delegari). Il existe néanmoins un débat sur la valeur de ce principe, et sur son existence dans la Constitution de la IVe République[9].
  • La manœuvre inquiète d'autant plus que le souvenir de la loi constitutionnelle de 1940 reste encore vif. Si celle de 1958 limite le pouvoir constituant du gouvernement de Gaulle à l'établissement d'un régime démocratique, et impose l'approbation du nouveau texte constitutionnel par le peuple[10], celle de 1940 prévoyait également à son second alinéa une ratification par la Nation, qui n'aura jamais lieu, la révision constitutionnelle étant perpétuellement ajournée. Contrairement à la Loi constitutionnelle de 1940, la Constitution de 1958 sera bien soumise au référendum et approuvée à 85% des voix, mais qui ne peut être séparé du contexte de crainte d'un effondrement du régime qui règne depuis mai 1958.

Chronologie des constitutions françaises

Notes et références

  1. Résolution du 24 mai 1955 (consulté le 19 janvier 2014)
  2. Motion du 19 juillet 1955 (consulté le 19 janvier 2014)
  3. « Journal officiel de la République française - débats parlementaires, du 21 mars 1958, page 1860 »
  4. « Digithèque de matériaux juridiques et politiques, Université de Perpignan »
  5. Résolution du 27 mai 1958 (consulté le 19 janvier 2014)
  6. Jacques Godechot et Hervé Faupin, Les Constitutions de la France depuis 1789, Flammarion, , 524 p., p. 412
  7. François Mitterrand, Extrait des débats parlementaires lors du vote d'investiture de Charles de Gaulle à la présidence du Conseil, le 1er juin 1958 (lire en ligne), p. 2587
  8. Didier Maus, « La genèse de la Constitution de 1958 : La Constitution en 20 questions », (consulté le )
  9. Marketou, « Eléments de droit constitutionnel (TD 04) », sur Chez Fouc@rt 5.3 : Droit, etc., (consulté le )
  10. Voir une discussion par Marcel Prélot et Jean Boulouis, Institutions politiques et droit constitutionnel, Dalloz, édition éd., p. 595, ou Francis Hamon et Michel Troper, Droit constitutionnel, LGDJ, 30e éd., p. 468.

Voir aussi

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Liens externes

Loi constitutionnelle du
Projet de loi
Débats parlementaires