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Le '''qawwalî''' ou '''quwwalî''' ([[arabe ]]: قوّالی ; [[Gurmukhi|gourmoukhī ]]: ਕ਼ੱਵਾਲੀ ; [[Devanagari|devanāgarī ]]: क़व्वाली ; nāgarī orientale : ক়ব্বালী) est un genre musical, populaire en [[Inde]] et au [[Pakistan]], qui exprime une dévotion [[soufi]]e. Le mot signifie littéralement « musique de la parole »<ref>Éliane Azoulay, « [http://www.universalis.fr/encyclopedie/nusrat-fateh-ali-khan/ KHAN NUSRAT FATEH ALI - (1948-1997)] », ''Encyclopædia Universalis'' [en ligne],consulté le 12 août 2020.</ref> et vient initialement de l'arabe ''qawwâl'' (قَوّال), mot signifiant, « loquace, qui parle bien, qui sait bien parler »<ref>[[Albert Kazimirski de Biberstein|Albert de Biberstein Kazimirski]], ''Dictionnaire arabe-français,'' Tome 2, Beyrouth, Librairie du Liban p. 837a.</ref>.
Le '''qawwalî''' ou '''quwwalî''' ([[arabe]]: قوّالی ; [[Gurmukhi|gourmoukhī]]: ਕ਼ੱਵਾਲੀ ; [[Devanagari|devanāgarī]]: क़व्वाली ; nāgarī orientale : ক়ব্বালী) est un genre musical, populaire en [[Inde]] et au [[Pakistan]], qui exprime une dévotion [[soufi]]e. Le mot signifie littéralement « musique de la parole »<ref>Éliane Azoulay, « [http://www.universalis.fr/encyclopedie/nusrat-fateh-ali-khan/ KHAN NUSRAT FATEH ALI - (1948-1997)] », ''Encyclopædia Universalis'' [en ligne],consulté le 12 août 2020.</ref> et vient initialement de l'arabe ''qawwâl'' (قَوّال), mot signifiant, « loquace, qui parle bien, qui sait bien parler »<ref>[[Albert Kazimirski de Biberstein|Albert de Biberstein Kazimirski]], ''Dictionnaire arabe-français,'' Tome 2, Beyrouth, Librairie du Liban p. 837a.</ref>.


Le genre trouve son origine dans l'[[Inde]] du {{XIVe siècle}}, et son fondateur est [[Amir Khusrau Dehlavi]]<ref>{{Article |langue=en |auteur1=Harold S. Powers |titre=Review of Regula Burckhardt Qureshi, ''Sufi Music of India. Sound, Context and Meaning in Qawwali'' |périodique=Journal of the American Oriental Society |volume=109 |numéro=4 |date=oct. – dec. 1989 |issn= |doi=10.2307/604123 |lire en ligne= |pages=702–705 (v. p. 703) }}</ref>. Les chants de qawwalî se classent en deux groupes : les ''hamd'' ou ''manqabat'' qui sont des chants dévotionnels dédiés à [[Allah]] et les ''[[ghazal]]'' qui sont des chants profanes qui célèbrent le vin ou l'amour.
Le genre trouve son origine dans l'[[Inde]] du {{XIVe siècle}}, et son fondateur est [[Amir Khusrau Dehlavi]]<ref>{{Article |langue=en |auteur1=Harold S. Powers |titre=Review of Regula Burckhardt Qureshi, ''Sufi Music of India. Sound, Context and Meaning in Qawwali'' |périodique=Journal of the American Oriental Society |volume=109 |numéro=4 |date=oct. – dec. 1989 |issn= |doi=10.2307/604123 |lire en ligne= |pages=702–705 (v. p. 703) }}</ref>. Il a atteint une audience et une renommée internationales à la fin du [[20e siècle]], notamment via le chanteur et musicien pakistanais [[Nusrat Fateh Ali Khan]]. Les chants de qawwalî se classent en deux groupes : les ''hamd'' ou ''manqabat'' qui sont des chants dévotionnels dédiés à [[Allah]] et les ''[[ghazal]]'' qui sont des chants profanes qui célèbrent le vin ou l'amour.


== Exécution d'un qawwali ==
== Exécution d'un qawwalî ==
[[Fichier:Qawalli at Ajmer Sharif dargah.jpg|thumb|Qawwalî à [[Ajmer]] en 2018.]]
[[Fichier:Qawalli at Ajmer Sharif dargah.jpg|thumb|Qawwalî à [[Ajmer]] en 2018.]]
Un ensemble traditionnel de qawwali est généralement composé de neuf hommes : deux chanteurs principaux qui jouent de l'[[harmonium]], cinq chanteurs de refrains qui battent la mesure avec leurs mains, un joueur de [[tablâ]]s et un joueur de tambour [[dholak]].
Un ensemble traditionnel de qawwalî est généralement composé de neuf hommes : deux chanteurs principaux qui jouent de l'[[harmonium]], cinq chanteurs de refrains qui battent la mesure avec leurs mains, un joueur de [[tablâ]]s et un joueur de tambour [[dholak]].


Les chansons durent en principe une quinzaine de minutes et sont habituellement arrangées dans le format suivant : la ''mélodie principale'' est générée sur des harmoniums, avec généralement des variations improvisées sur ce thème. Vient ensuite, une ''introduction appelée « âlâp »'', où les chanteurs entonnent différentes notes longues provenant du [[râga]] qui sert de soubassement tonique au thème joué. Puis, ''le chanteur principal commence à chanter'' les vers du poème qui constituent les paroles de la chanson, accompagné du seul [[harmonium]]. Les mélodies chantées sont improvisées en suivant la structure du [[râga]] choisi. Après la première exposition du vers par le chanteur principal, un autre le répète sur une mélodie improvisée différente. Quelques vers, en nombre variable, sont ainsi chantés, de façon à conduire vers le cœur principal de la chanson. C'est alors que ''la chanson débute véritablement'' : à ce moment, les [[tablâ]]s et le [[dholak]] commencent à jouer en rythme, avec les chanteurs de chœur frappant leurs mains en rythme, tandis que tous les membres de l'ensemble s'associent au chant des vers. Les paroles et les mélodies qui leur sont associées ne sont généralement pas improvisés et sont en fait des chansons traditionnelles très populaires. Au cours de la chanson, le chanteur principal et les choristes peuvent improviser une longue mélodie tonale. Le chanteur [[Nusrat Fateh Ali Khan]] a popularisé le chant du [[sargam]] — les notes du solfège indien — à ce moment de la chanson.
Les chansons durent en principe une quinzaine de minutes et sont habituellement arrangées dans le format suivant : la ''mélodie principale'' est générée sur des harmoniums, avec généralement des variations improvisées sur ce thème. Vient ensuite, une ''introduction appelée « âlâp »'', où les chanteurs entonnent différentes notes longues provenant du [[râga]] qui sert de soubassement tonique au thème joué. Puis, ''le chanteur principal commence à chanter'' les vers du poème qui constituent les paroles de la chanson, accompagné du seul [[harmonium]]. Les mélodies chantées sont improvisées en suivant la structure du [[râga]] choisi. Après la première exposition du vers par le chanteur principal, un autre le répète sur une mélodie improvisée différente. Quelques vers, en nombre variable, sont ainsi chantés, de façon à conduire vers le cœur principal de la chanson. C'est alors que ''la chanson débute véritablement'' : à ce moment, les [[tablâ]]s et le [[dholak]] commencent à jouer en rythme, avec les chanteurs de chœur frappant leurs mains en rythme, tandis que tous les membres de l'ensemble s'associent au chant des vers. Les paroles et les mélodies qui leur sont associées ne sont généralement pas improvisés et sont en fait des chansons traditionnelles très populaires. Au cours de la chanson, le chanteur principal et les choristes peuvent improviser une longue mélodie tonale. Le chanteur [[Nusrat Fateh Ali Khan]] a popularisé le chant du [[sargam]] — les notes du solfège indien — à ce moment de la chanson.


La chanson connait une montée du tempo et du pathos, chaque chanteur essayant de se surpasser en terme d'arabesques vocales. Quelques chanteurs exécutent de longues périodes d'improvisations sur le sargam, dialoguant souvent avec un apprenti chanteur. Les chansons finissent habituellement de façon abrupte.
La chanson connait une montée du tempo et du pathos, chaque chanteur essayant de se surpasser en termes d'arabesques vocales. Quelques chanteurs exécutent de longues périodes d'improvisations sur le sargam, dialoguant souvent avec un apprenti chanteur. Les chansons finissent habituellement de façon abrupte.


== Qawwali et soufisme ==
== Qawwalî et soufisme ==
Le qawwali est généralement exécuté dans les sanctuaires soufis au [[Pakistan]] et en [[Inde]]. Le genre a gagné une renommée internationale par l'intermédiaire de son défunt maître pakistanais, Nusrat Fateh Ali Khan. Parmi les autres qawwals célèbres on peut citer les frères [[Sabri]], [[Aziz Mian]], [[Rizwan-Muazzam]], [[Abida Parveen]], [[Faiz Ali Faiz]].
Le qawwalî est généralement exécuté dans les sanctuaires soufis au [[Pakistan]] et en [[Inde]]. Le genre a gagné une renommée internationale par l'intermédiaire de son défunt maître pakistanais, [[Nusrat Fateh Ali Khan]]. Parmi les autres qawwals célèbres on peut citer les frères [[Sabri]], [[Aziz Mian]], [[Rizwan-Muazzam]], [[Abida Parveen]], [[Faiz Ali Faiz]].


== Le qawwali contemporain ==
== Le qawwalî contemporain ==
Quelques musiciens de [[rock]] ont introduit dans certaines compositions des sonorités qawwalî : [[Jeff Buckley]] (dans certaines versions de ''Dream brother''), a ainsi invité Nusrat Fateh Ali Khan — qui est d'ailleurs très proche de [[Peter Gabriel]].
Quelques musiciens de [[rock]] ont introduit dans certaines compositions des sonorités qawwalî : [[Jeff Buckley]] (dans certaines versions de ''Dream brother'') a ainsi invité [[Nusrat Fateh Ali Khan]] — qui était d'ailleurs très proche de [[Peter Gabriel]].


== Notes et références ==
== Notes et références ==
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* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Shemeem Burney Abbas|titre=The female voice in sufi ritual|sous-titre=Devotional practices of Pakistan and India|lieu=Austin|éditeur=University of Texas Press|année=2002|pages totales=240|isbn=978-0-292-70515-9|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=WfiDLtPDkPIC&printsec=frontcover|id=Abbas2002}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Shemeem Burney Abbas|titre=The female voice in sufi ritual|sous-titre=Devotional practices of Pakistan and India|lieu=Austin|éditeur=University of Texas Press|année=2002|pages totales=240|isbn=978-0-292-70515-9|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=WfiDLtPDkPIC&printsec=frontcover|id=Abbas2002}}
* {{Article |langue=en |auteur1=Regula Qureshi |titre=Indo-Muslim Religious Music, an Overview |périodique=Asian Music |volume=3 |numéro=2 |titre numéro=Indian Music Issue |date=1972 |issn= |doi=10.2307/833955 |lire en ligne= |pages=15-22 |libellé=Qureshi 1972 }}
* {{Article |langue=en |auteur1=Regula Qureshi |titre=Indo-Muslim Religious Music, an Overview |périodique=Asian Music |volume=3 |numéro=2 |titre numéro=Indian Music Issue |date=1972 |issn= |doi=10.2307/833955 |lire en ligne= |pages=15-22 |libellé=Qureshi 1972 }}

* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Regula Burckhardt Qureshi|titre=Sufi music of India and Pakistan|sous-titre=sound, context and meaning in Qawwali|lieu=Cambridge|éditeur=[[Cambridge University Press]]|date=1995 (new edition)|année première édition=1987|pages totales=XVIII, 265|isbn=978-0-226-70092-2|libellé=Qureshi 1995}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Regula Burckhardt Qureshi|titre=Sufi music of India and Pakistan|sous-titre=sound, context and meaning in Qawwali|lieu=Cambridge|éditeur=[[Cambridge University Press]]|date=1995 (new edition)|année première édition=1987|pages totales=XVIII, 265|isbn=978-0-226-70092-2|libellé=Qureshi 1995}}
* {{Chapitre|langue=|auteur1=Denis Matringe|titre chapitre=Les dargâh des pays de l'Indus|auteurs ouvrage=Mohammed Ali Amir-Moezzi|titre ouvrage=Lieux d'Islam|sous-titre ouvrage=Cultes et culture de l'Afrique à Java|lieu=Paris|éditeur=Autrement|collection=Monde HS n° 91/92|année=1996|pages totales=349|isbn=978-2-862-60580-7|lire en ligne=|passage=255-275 (v. surtout p. 266-269)|libellé=Matringe 1996}}
* {{Chapitre|langue=|auteur1=Denis Matringe|titre chapitre=Les dargâh des pays de l'Indus|auteurs ouvrage=Mohammed Ali Amir-Moezzi|titre ouvrage=Lieux d'Islam|sous-titre ouvrage=Cultes et culture de l'Afrique à Java|lieu=Paris|éditeur=Autrement|collection=Monde HS {{|91/92}}|année=1996|pages totales=349|isbn=978-2-862-60580-7|lire en ligne=|passage=255-275 (v. surtout p. 266-269)|libellé=Matringe 1996}}
* {{Chapitre|langue=|auteur1=Denis Matringe|titre chapitre=Une séance de qavvâlî archétypale : introduction, transcription et traduction|auteurs ouvrage=Annie Montaut|titre ouvrage=Le Rajasthan|sous-titre ouvrage=ses dieux, ses héros, ses hommes|lieu=Paris|éditeur=INALCO|année=2000|pages totales=322|isbn=978-2-85831-109-5|lire en ligne=https://www.academia.edu/14285302/Une_s%C3%A9ance_de_qavvali_arch%C3%A9typale_introduction_transcription_et_traduction_2000_|passage=121-154|libellé=Matringe 2000}}
* {{Chapitre|langue=|auteur1=Nazir Ali Jairazbhoy|titre chapitre=L'islam en Inde et au Pakistan|auteurs ouvrage=[[Jacques Porte]] (Dir.)|titre ouvrage=Encyclopédie des musiques sacrées|volume=1|titre volume=Le Sacré en Extrême-Orient, Méditerranée, Afrique et Amérique|lieu=Paris|éditeur=Éditions Labergerie|année=1968|pages totales=520|isbn=|lire en ligne=|passage=454-462|id=Jairazbhoy1968}}
* {{Chapitre|langue=|auteur1=Nazir Ali Jairazbhoy|titre chapitre=L'islam en Inde et au Pakistan|auteurs ouvrage=[[Jacques Porte]] (Dir.)|titre ouvrage=Encyclopédie des musiques sacrées|volume=1|titre volume=Le Sacré en Extrême-Orient, Méditerranée, Afrique et Amérique|lieu=Paris|éditeur=Éditions Labergerie|année=1968|pages totales=520|isbn=|lire en ligne=|passage=454-462|id=Jairazbhoy1968}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Annemarie Schimmel]]|champ libre=35th anniversary ed. / with a new foreword by Carl W. Ernst|titre=Mystical Dimensions of Islam|lieu=Chapel Hil|éditeur=The University of North Carolina Press|année=2011|année première édition=1975|pages totales=540|isbn=978-0-8078-9976-2|lire en ligne=344-402 (Sufism in Indo-Pakistan)|id=Schimmel2011}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Annemarie Schimmel]]|champ libre=35th anniversary ed. / with a new foreword by Carl W. Ernst|titre=Mystical Dimensions of Islam|lieu=Chapel Hil|éditeur=The University of North Carolina Press|année=2011|année première édition=1975|pages totales=540|isbn=978-0-8078-9976-2|lire en ligne=344-402 (Sufism in Indo-Pakistan)|id=Schimmel2011}}
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=== Liens externes ===
=== Liens externes ===
* {{Autorité}}

* {{Bases}}
*{{fr}} « Qawwali » sur Les sons du monde ([http://sonsdumonde.free.fr/qawwali.html Lire en ligne] - Consulté le 12 août 2020)
* {{Dictionnaires}}
* {{fr}} « Qawwali » sur Les sons du monde ([http://sonsdumonde.free.fr/qawwali.html Lire en ligne] - Consulté le {{date-|12 août 2020}})
* {{Lien web |langue=en |auteur= |titre=A beginner's guide to Qawwali music |url=https://www.bbc.co.uk/programmes/articles/5Plm8bBlBd7wXjZN2zdb8Fm/a-beginners-guide-to-qawwali-music |site=bbc.co.uk |date=s.d |consulté le=15 août 2020}}
* {{Lien web |langue=en |auteur= |titre=A beginner's guide to Qawwali music |url=https://www.bbc.co.uk/programmes/articles/5Plm8bBlBd7wXjZN2zdb8Fm/a-beginners-guide-to-qawwali-music |site=bbc.co.uk |date=s.d |consulté le=15 août 2020}}


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Dernière version du 16 mars 2023 à 09:10


Le qawwalî ou quwwalî (arabe: قوّالی ; gourmoukhī: ਕ਼ੱਵਾਲੀ ; devanāgarī: क़व्वाली ; nāgarī orientale : ক়ব্বালী) est un genre musical, populaire en Inde et au Pakistan, qui exprime une dévotion soufie. Le mot signifie littéralement « musique de la parole »[1] et vient initialement de l'arabe qawwâl (قَوّال), mot signifiant, « loquace, qui parle bien, qui sait bien parler »[2].

Le genre trouve son origine dans l'Inde du XIVe siècle, et son fondateur est Amir Khusrau Dehlavi[3]. Il a atteint une audience et une renommée internationales à la fin du 20e siècle, notamment via le chanteur et musicien pakistanais Nusrat Fateh Ali Khan. Les chants de qawwalî se classent en deux groupes : les hamd ou manqabat qui sont des chants dévotionnels dédiés à Allah et les ghazal qui sont des chants profanes qui célèbrent le vin ou l'amour.

Exécution d'un qawwalî[modifier | modifier le code]

Qawwalî à Ajmer en 2018.

Un ensemble traditionnel de qawwalî est généralement composé de neuf hommes : deux chanteurs principaux qui jouent de l'harmonium, cinq chanteurs de refrains qui battent la mesure avec leurs mains, un joueur de tablâs et un joueur de tambour dholak.

Les chansons durent en principe une quinzaine de minutes et sont habituellement arrangées dans le format suivant : la mélodie principale est générée sur des harmoniums, avec généralement des variations improvisées sur ce thème. Vient ensuite, une introduction appelée « âlâp », où les chanteurs entonnent différentes notes longues provenant du râga qui sert de soubassement tonique au thème joué. Puis, le chanteur principal commence à chanter les vers du poème qui constituent les paroles de la chanson, accompagné du seul harmonium. Les mélodies chantées sont improvisées en suivant la structure du râga choisi. Après la première exposition du vers par le chanteur principal, un autre le répète sur une mélodie improvisée différente. Quelques vers, en nombre variable, sont ainsi chantés, de façon à conduire vers le cœur principal de la chanson. C'est alors que la chanson débute véritablement : à ce moment, les tablâs et le dholak commencent à jouer en rythme, avec les chanteurs de chœur frappant leurs mains en rythme, tandis que tous les membres de l'ensemble s'associent au chant des vers. Les paroles et les mélodies qui leur sont associées ne sont généralement pas improvisés et sont en fait des chansons traditionnelles très populaires. Au cours de la chanson, le chanteur principal et les choristes peuvent improviser une longue mélodie tonale. Le chanteur Nusrat Fateh Ali Khan a popularisé le chant du sargam — les notes du solfège indien — à ce moment de la chanson.

La chanson connait une montée du tempo et du pathos, chaque chanteur essayant de se surpasser en termes d'arabesques vocales. Quelques chanteurs exécutent de longues périodes d'improvisations sur le sargam, dialoguant souvent avec un apprenti chanteur. Les chansons finissent habituellement de façon abrupte.

Qawwalî et soufisme[modifier | modifier le code]

Le qawwalî est généralement exécuté dans les sanctuaires soufis au Pakistan et en Inde. Le genre a gagné une renommée internationale par l'intermédiaire de son défunt maître pakistanais, Nusrat Fateh Ali Khan. Parmi les autres qawwals célèbres on peut citer les frères Sabri, Aziz Mian, Rizwan-Muazzam, Abida Parveen, Faiz Ali Faiz.

Le qawwalî contemporain[modifier | modifier le code]

Quelques musiciens de rock ont introduit dans certaines compositions des sonorités qawwalî : Jeff Buckley (dans certaines versions de Dream brother) a ainsi invité Nusrat Fateh Ali Khan — qui était d'ailleurs très proche de Peter Gabriel.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Éliane Azoulay, « KHAN NUSRAT FATEH ALI - (1948-1997) », Encyclopædia Universalis [en ligne],consulté le 12 août 2020.
  2. Albert de Biberstein Kazimirski, Dictionnaire arabe-français, Tome 2, Beyrouth, Librairie du Liban p. 837a.
  3. (en) Harold S. Powers, « Review of Regula Burckhardt Qureshi, Sufi Music of India. Sound, Context and Meaning in Qawwali », Journal of the American Oriental Society, vol. 109, no 4,‎ oct. – dec. 1989, p. 702–705 (v. p. 703) (DOI 10.2307/604123)

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Shemeem Burney Abbas, The female voice in sufi ritual : Devotional practices of Pakistan and India, Austin, University of Texas Press, , 240 p. (ISBN 978-0-292-70515-9, lire en ligne)
  • [Qureshi 1972] (en) Regula Qureshi, « Indo-Muslim Religious Music, an Overview », Asian Music, vol. 3, no 2 « Indian Music Issue »,‎ , p. 15-22 (DOI 10.2307/833955)
  • [Qureshi 1995] (en) Regula Burckhardt Qureshi, Sufi music of India and Pakistan : sound, context and meaning in Qawwali, Cambridge, Cambridge University Press, 1995 (new edition) (1re éd. 1987), XVIII, 265 (ISBN 978-0-226-70092-2)
  • [Matringe 1996] Denis Matringe, « Les dargâh des pays de l'Indus », dans Mohammed Ali Amir-Moezzi, Lieux d'Islam : Cultes et culture de l'Afrique à Java, Paris, Autrement, coll. « Monde HS no 91/92 », , 349 p. (ISBN 978-2-862-60580-7), p. 255-275 (v. surtout p. 266-269)
  • [Matringe 2000] Denis Matringe, « Une séance de qavvâlî archétypale : introduction, transcription et traduction », dans Annie Montaut, Le Rajasthan : ses dieux, ses héros, ses hommes, Paris, INALCO, , 322 p. (ISBN 978-2-85831-109-5, lire en ligne), p. 121-154
  • Nazir Ali Jairazbhoy, « L'islam en Inde et au Pakistan », dans Jacques Porte (Dir.), Encyclopédie des musiques sacrées, vol. 1 : Le Sacré en Extrême-Orient, Méditerranée, Afrique et Amérique, Paris, Éditions Labergerie, , 520 p., p. 454-462
  • (en) Annemarie Schimmel (35th anniversary ed. / with a new foreword by Carl W. Ernst), Mystical Dimensions of Islam, Chapel Hil, The University of North Carolina Press, (1re éd. 1975), 540 p. (ISBN 978-0-8078-9976-2, 344-402 (Sufism in Indo-Pakistan))

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles liés[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]