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Les '''Forces armées de libération''' (''Fuerzas Armadas de Liberación'', '''FAL''', aussi connues sous le nom de ''Frente Argentino de Liberación'' ou de ''Fuerzas Argentinas de Liberación'' <ref name=Grenat> Stella Grenat, [http://www.razonyrevolucion.org.ar/textos/revryr/luchadeclases/ryr13-stella.pdf Una espada sin cabeza. Los antecedentes de FAL (1959-1969)], in ''{{lien|Razón y Revolución|lang=es}}'', n°13, hiver 2004 </ref>) était une organisation [[révolutionnaire]] [[argentine]], créée en 1966 <ref name=Lewis41> Paul H. Lewis (2002), ''Guerrillas and generals: the "Dirty War" in Argentina'', p.41-42 </ref>, après le coup d'Etat [[national-catholique]] dit de la « [[Révolution argentine]] », qui fusionna en 1972 avec l'[[ERP (Argentine)|ERP]] (trotskyste) <ref name=Lewis41/>. Le noyau originel du groupe provient d'une scission du groupe [[trotskyste]] ''{{lien|Movimiento de Izquierda Revolucionario Praxis|lang=es}}'', dirigé par [[Silvio Frondizi]] (le frère du président [[Arturo Frondizi]]) <ref name=Grenat/>. Des membres de la [[Jeunesse péroniste]] ou proches de ces mouvements, tels [[José Luis Nell]] qui rejoignit ensuite les [[Montoneros]], ainsi que des dissidents du [[Parti communiste (Argentine)|Parti communiste]] (dont Pouzadella et Ricardo) <ref name=Grenat/>, ont aussi participé aux FAL <ref name=Lewis41/>.
Les '''Forces armées de libération''' (''Fuerzas Armadas de Liberación'', ''FAL'', aussi connues sous le nom de ''Frente Argentino de Liberación'' ou de ''Fuerzas Argentinas de Liberación'' <ref name=Grenat> Stella Grenat, [http://www.razonyrevolucion.org.ar/textos/revryr/luchadeclases/ryr13-stella.pdf Una espada sin cabeza. Los antecedentes de FAL (1959-1969)], in ''Razón y Revolución'', n°13, hiver 2004 </ref>) étaient une organisation [[révolutionnaire]] [[argentine]], créée en 1966<ref name=Lewis41> Paul H. Lewis (2002), ''Guerrillas and generals: the "Dirty War" in Argentina'', p.41-42 </ref>, après le coup d'État [[national-catholique]] dit de la « [[Révolution argentine]] », qui fusionna en 1972 avec l'[[ERP (Argentine)|ERP]] (trotskyste) <ref name=Lewis41/>. Le noyau originel du groupe provient d'une scission du groupe [[trotskyste]] ''Movimiento de Izquierda Revolucionario Praxis'', dirigé par [[Silvio Frondizi]] (le frère du président [[Arturo Frondizi]]) <ref name=Grenat/>. Des membres de la [[Jeunesse péroniste]] ou proches de ces mouvements, tels [[José Luis Nell]] qui rejoignit ensuite les [[Montoneros]], ainsi que des dissidents du [[Parti communiste (Argentine)|Parti communiste]] (dont Pouzadella et Ricardo) <ref name=Grenat/>, ont aussi participé aux FAL<ref name=Lewis41/>. Les membres des FAL finirent par rejoindre soit l'[[ERP (Argentine)|ERP]], soit les [[Montoneros]], se divisant suite à l'issue électorale prévue par le [[Grand Accord National]] (fin 1971) du [[Alejandro Agustín Lanusse|général Lanusse]]<ref name=Botas> Stella Grenat, [http://www.razonyrevolucion.org/textos/elaromo/secciones/luchadecl/grenat36.pdf Ni botas, ni votos. La izquierda frente a las elecciones de 1973, el caso de las FAL], ''El Aromo'', mai-juin 2007 </ref>.

Ainsi, en 1973, il n'existait plus des FAL que deux groupes, la colonne América en Armas et le FAL-{{date-|22 août}}, dont la majorité des membres provenaient du Commando Benjo Cruz de [[La Plata]], et qui visait à la création d'un {{citation|grand parti révolutionnaire}} <ref name=Botas/>. Si les FAL étaient à l'origine anti-[[péroniste]]s, le FAL-{{date-|22 août}} se considérait allié du péronisme de gauche<ref name=Botas/>. Il appela ainsi à voter pour le [[FreJuLi]] lors des [[élections de 1973 (Argentine)|élections de mars 1973]], mais, devant le virage à droite du [[Parti justicialiste]], soutint la nécessité de continuer la lutte armée<ref name=Botas/>.


== La préhistoire des FAL ==
== La préhistoire des FAL ==


Fin 1958, une vingtaine de membres se séparent du groupe ''{{lien|Movimiento de Izquierda Revolucionario Praxis|lang=es}}'', dirigé par [[Silvio Frondizi]], le considérant comme trop théorique et pas assez impliqué dans les luttes réelles, considérations renforcées après l'occupation du ''Frigorífico Lisandro de la Torre'' (à Villa 15, aujourd'hui {{lien|Ciudad Oculta|lang=es}}) de janvier 1959 <ref name=Grenat> Stella Grenat, [http://www.razonyrevolucion.org.ar/textos/revryr/luchadeclases/ryr13-stella.pdf Una espada sin cabeza. Los antecedentes de FAL (1959-1969)], in ''{{lien|Razón y Revolución|lang=es}}'', n°13, hiver 2004 </ref>. Cinq militants, dont l'employé bancaire Juan Carlos Cibelli, le professeur de chimie Gerardo Pouzadela, et les étudiants Jorge Pérez et Ricardo, effectuent une nouvelle scission à partir de ce groupe, et forment le noyau originel des FAP qui organise l'assaut d'avril 1969 <ref name=Grenat/>. Ils se définissent alors comme {{citation|organisation armée}} {{citation|accompagnant le processus insurrectionnel}} en formant l'{{citation|embryon d'une armée}} <ref name=Grenat/>.
Fin 1958, une vingtaine de membres se séparent du groupe ''Movimiento de Izquierda Revolucionario Praxis'', dirigé par [[Silvio Frondizi]], le considérant comme trop théorique et pas assez impliqué dans les luttes réelles, considérations renforcées après l'occupation du ''Frigorífico Lisandro de la Torre'' (à Villa 15, aujourd'hui {{Lien|langue=es|fr=Ciudad Oculta}}) de {{date-|janvier 1959}}<ref name="Grenat" />. Cinq militants, dont l'employé bancaire Juan Carlos Cibelli, le professeur de chimie Gerardo Pouzadela, et les étudiants Jorge Pérez et Ricardo, effectuent une nouvelle scission à partir de ce groupe, et forment le noyau originel des FAP qui organise l'assaut d'{{date-|avril 1969}}<ref name=Grenat/>. Ils se définissent alors comme {{citation|organisation armée}} {{citation|accompagnant le processus insurrectionnel}} en formant l'{{citation|embryon d'une armée}} <ref name=Grenat/>.


De 1959 à 1964, ce groupe se développe et effectue ses premières actions, ouvrant un front de [[guérilla rurale]] dans la [[province de Tucumán]] en 1962, où ils sont aussi présents au sein des syndicats (notamment dans le syndicat ferroviaire de [[Tafi Viejo]]) <ref name=Grenat/>. Ce front vise cependant davantage à faire diversion, et à offrir un lieu de refuge pour les militants, qu'à concrétiser une stratégie [[guévariste]], qu'ils critiquent durement, tout comme ils critiquent comme insensée la tentative de l'{{lien|Ejército Guerrillero del Pueblo|lang=es}} d'initier, en 1964, un ''[[foco]]'', alors qu'un « gouvernement constitutionnel », celui d'[[Arturo Illia]], était en place <ref name=Grenat/>. Ils furent ainsi la seule organisation à ne pas envoyer de militants s'entraîner à [[Cuba]], considérant que ce qu'on pouvait y apprendre ne servait qu'à la guérilla rurale, inutile dans le pays urbanisé qu'était déjà l'Argentine <ref name=Grenat/>. En 1962-63, Cibelli et son groupe pensaient plutôt infiltrer l'[[armée (Argentine)|armée]] et retourner ses armes contre elle-même <ref name=Grenat/>. Durant une décennie, ils s'entraînent ainsi militairement, ce qui explique la non-revendication de l'assaut de 1969: la [[propagande]] ne fait pas partie des tâches qu'ils se donnent, au sein du mouvement ouvrier <ref name=Grenat/>. En juin 1962, 37 membres de l'organisation s'emparent des armes de l'Institut géographique national <ref name=Grenat/>, première action suivie par quelques autres (arnaques aux chèques, hold-up du ''Banco Popular Argentino'', en 1968, à {{lien|Liniers}}, un quartier de [[Buenos Aires]]) <ref name=Grenat/>.
De 1959 à 1964, ce groupe se développe et effectue ses premières actions, ouvrant un front de [[guérilla rurale]] dans la [[province de Tucumán]] en 1962, où ils sont aussi présents au sein des syndicats (notamment dans le syndicat ferroviaire de [[Tafi Viejo]]) <ref name=Grenat/>. Ce front vise cependant davantage à faire diversion, et à offrir un lieu de refuge pour les militants, qu'à concrétiser une stratégie [[guévariste]], qu'ils critiquent durement, tout comme ils critiquent comme insensée la tentative de l<nowiki>'</nowiki>''[[Ejército Guerrillero del Pueblo]]'' d'initier, en 1964, un ''[[foco]]'', alors qu'un « gouvernement constitutionnel », celui d'[[Arturo Illia]], était en place<ref name=Grenat/>. Ils furent ainsi la seule organisation à ne pas envoyer de militants s'entraîner à [[Cuba]], considérant que ce qu'on pouvait y apprendre ne servait qu'à la guérilla rurale, inutile dans le pays urbanisé qu'était déjà l'Argentine <ref name=Grenat/>. En 1962-63, Cibelli et son groupe pensaient plutôt infiltrer l'[[Forces armées argentines|armée]] et retourner ses armes contre elle-même <ref name=Grenat/>. Durant une décennie, ils s'entraînent ainsi militairement, ce qui explique la non-revendication de l'assaut de 1969: la [[propagande]] ne fait pas partie des tâches qu'ils se donnent, au sein du mouvement ouvrier<ref name=Grenat/>. En {{date-|juin 1962}}, 37 membres de l'organisation s'emparent des armes de l'Institut géographique national<ref name=Grenat/>, première action suivie par quelques autres (arnaques aux chèques, braquage du ''Banco Popular Argentino'', en 1968, à [[Liniers (Buenos Aires)|Liniers]], un quartier de [[Buenos Aires]]) <ref name=Grenat/>.


A cette époque, les FAL refusent de travailler avec d'autres organisations armées, et encore moins avec celles liées au [[péronisme]] ([[FAR (Argentine)|FAR]], [[FAP (Argentine)|FAP]], [[Montoneros]]), considéré comme un mouvement infiltré et instrumentalisé par les services de renseignement <ref name=Grenat/>; le groupe resta toujours anti-péroniste, y compris après que l'un de ses dirigeants, Pérez, ait rejoint, en 1964, le camp péroniste aux côtés de [[Gustavo Rearte]], le fondateur de la [[Jeunesse péroniste]] <ref name=Grenat/>. En revanche, ils adhèrent à nombre de syndicats, mais en sont exclus à partir de 1966, en raison de la répression du général [[Juan Carlos Onganía|Onganía]] ainsi que de l'hégémonie du leader syndical {{lien|Augusto Vandor}}, partisan d'une négociation avec les militaires, sur le mouvement syndical <ref name=Grenat/>. Ils forment aussi une Ligue estudiantine révolutionnaire, qui demeure de faible envergure, le groupe évitant notamment les universitaires, considérés comme risqués en raison de la présence d'agents des services <ref name=Grenat/>.
À cette époque, les FAL refusent de travailler avec d'autres organisations armées, et encore moins avec celles liées au [[péronisme]] ([[FAR (Argentine)|FAR]], [[FAP (Argentine)|FAP]], [[Montoneros]]), considéré comme un mouvement infiltré et instrumentalisé par les services de renseignement<ref name=Grenat/>; le groupe resta toujours anti-péroniste, y compris après que l'un de ses dirigeants, Pérez, ait rejoint, en 1964, le camp péroniste aux côtés de [[Gustavo Rearte]], le fondateur de la [[Jeunesse péroniste]]<ref name=Grenat/>. En revanche, ils adhèrent à nombre de syndicats, mais en sont exclus à partir de 1966, en raison de la répression du général [[Juan Carlos Onganía|Onganía]] ainsi que de l'hégémonie du leader syndical [[Augusto Vandor]], partisan d'une négociation avec les militaires, sur le mouvement syndical<ref name=Grenat/>. Ils forment aussi une Ligue estudiantine révolutionnaire, qui demeure de faible envergure, le groupe évitant notamment les universitaires, considérés comme risqués en raison de la présence d'agents des services<ref name=Grenat/>.


== L'assaut d'avril 1969 ==
== La polémique théorique et l'assaut d'avril 1969 ==


Début 1969, le Groupe Cibelli entre en contact avec [[Luis María Aguirre]], qui initia une rupture avec le [[Parti révolutionnaire des travailleurs (Argentine)|Parti révolutionnaire des travailleurs]] (PRT, trotskyste, lequel donna naissance à la guérilla de l'[[ERP (Argentine)|ERP]]), à des fins éventuelles de rapprochement. Toutefois, les groupes finissent par polémiquer sur des questions théoriques, Aguirre en appelant aux théories formulées par [[Louis Althusser|Althusser]] et ses proches, tandis que Cibelli s'appuie au contraire sur l'intellectuel soviétique [[Sergei Rubinstein]], référence orthodoxe du [[Parti communiste argentin]]<ref name=Aromo> Stella Grenat, [http://www.razonyrevolucion.org/textos/elaromo/secciones/luchadecl/grenataromo44.pdf Aricó, Gramsci, Althusser y la guerrilla argentina. Una relectura mentirosa], ''El Aromo'', septembre-octobre 2008 </ref>. Finalement, les deux groupes fusionnèrent, mettant de côté les querelles théoriques et taisant les références respectives à Althusser et Rubinstein, en affirmant que l'action conjointe limiterait les différends théoriques<ref name=Aromo/>.
Leur première action armée fut l'assaut d'avril 1969, du {{date|5|avril|1969}} contre le premier régiment d'infanterie de {{lien|Campo de Mayo|lang=es}} ([[province de Buenos Aires]]); aucun affrontement direct n'eût lieu, l'objectif étant simplement des prendre des armes <ref name=Grenat/>. Non revendiquée, l'action fait l'objet de diverses hypothèses dans la presse, la revue ''{{lien|Primera Plana|lang=es}}'' évoquant même une action possiblement organisée par des gendarmes, dans le cadre de conflits internes <ref name=Grenat/>. Fin mai 1969, la police remonte cependant à Alejandro Baldú, et trouve les noms des personnes ayant participé à l'opération (Alberto Arruda, Sergio Pablo Bjelis, Malter Terrada, l'avocat Hernán Henríquez et l'employé bancaire Juan Carlos Cibelli, qui est le seul à être arrêté, et incarcéré jusqu'à 1973 <ref name=Grenat/> - date de l'amnistie présidentielle d'[[Héctor Cámpora]]). L'action ne fut finalement revendiquée par les FAL qu'un an après <ref name=Grenat/>.

La première action armée de ce nouveau groupe fut l'assaut d'{{date-|avril 1969}}, du {{date|5|avril|1969}} contre le premier régiment d'infanterie de [[Campo de Mayo]] ([[province de Buenos Aires]]); aucun affrontement direct n'eût lieu, l'objectif étant simplement des prendre des armes<ref name=Grenat/>. Non revendiquée, l'action fait l'objet de diverses hypothèses dans la presse, la revue ''{{Lien|langue=es|fr=Primera Plana}}'' évoquant même une action possiblement organisée par des gendarmes, dans le cadre de conflits internes<ref name=Grenat/>. Fin {{date-|mai 1969}}, la police remonte cependant à Alejandro Baldú, et trouve les noms des personnes ayant participé à l'opération (Alberto Arruda, Sergio Pablo Bjelis, Carlos Malter-Terrada, l'avocat Hernán Henríquez et l'employé bancaire Juan Carlos Cibelli, qui est le seul à être arrêté, et incarcéré jusqu'à 1973<ref name=Grenat/> - date de l'amnistie présidentielle d'[[Héctor Cámpora]]). L'action ne fut finalement revendiquée par les FAL qu'un an après<ref name=Grenat/>.


== La première action revendiquée (mars 1970) ==
== La première action revendiquée (mars 1970) ==


Les FAL enlevèrent ensuite, le {{date|24|mars|1970}}, le consul du [[Paraguay]], Waldemar Sánchez, accusé d'être un agent de la [[CIA]] <ref name=Baumann> Carol Edler Baumann (1973), ''The diplomatic kidnappings: A revolutionary tactic of urban terrorism'', p.85-86 </ref> et de représenter la dictature d'[[Alfredo Stroessner]], réclamant en échange de sa libération celle de deux militants des FAL, Carlos Della Nave et Alejandro Baldú, dont on ne savait rien depuis leur arrestation le 18 et 19 mars 1970 <ref name=Grenat/>. La junte s'opposa à ce marché <ref name=Baumann/>. Carlos Della Nave fut cependant montré à la presse, avec des traces évidentes de [[torture]], tandis que le gouvernement nia avoir arrêté Baldú, qu'on ne revit jamais <ref> ''[[Cristianismo y Revolución]]'' n°28, janvier-février 1971, cité par Stella Grenat, art.cit., qui cite aussi Anzorena, Oscar (1998), ''Tiempo de Violencia y Utopía. Del golpe de Onganía (1966) al golpe de Videla (1976)'', Ediciones del Pensamiento Nacional, Bs. As., julio de 1998, pp. 109</ref>, ce qui en fait une victime précoce de la technique de [[disparition forcée]] qui sera généralisée par la [[dictature militaire de 1976-1983]]. Malgré cela, le consul fut finalement libéré le {{date|28|mars|1970}} <ref> [http://www.arteuna.com/convocatoria_2005/del70al76/Violencia-70.html Chronologie de la Violence politique en Argentine] </ref>, pour « raisons humanitaires » <ref name=Time> [http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,943956,00.html Latin America: The New Terror Tactic Terror], ''[[Time (magazine)|Time]]'', 6 avril 1970 </ref>. Le consul lui-même déclara avoir été « très bien traité » durant ces quelques jours <ref name=Time/>.
Les FAL enlevèrent ensuite, le {{date|24|mars|1970}}, le consul du [[Paraguay]], Waldemar Sánchez, accusé d'être un agent de la [[CIA]]<ref name=Baumann> Carol Edler Baumann (1973), ''The diplomatic kidnappings: A revolutionary tactic of urban terrorism'', p.85-86 </ref> et de représenter la dictature d'[[Alfredo Stroessner]], réclamant en échange de sa libération celle de deux militants des FAL, Carlos Della Nave et Alejandro Baldú, dont on ne savait rien depuis leur arrestation le 18 et {{date-|19 mars 1970}}<ref name=Grenat/>. La junte s'opposa à ce marché<ref name=Baumann/>. Carlos Della Nave fut cependant montré à la presse, avec des traces évidentes de [[torture]], tandis que le gouvernement nia avoir arrêté Baldú, qu'on ne revit jamais<ref> ''[[Cristianismo y Revolución]]'' n°28, janvier-février 1971, cité par Stella Grenat, art.cit., qui cite aussi Anzorena, Oscar (1998), ''Tiempo de Violencia y Utopía. Del golpe de Onganía (1966) al golpe de Videla (1976)'', Ediciones del Pensamiento Nacional, Bs. As., julio de 1998, pp. 109</ref>, ce qui en fait une victime précoce de la technique de [[disparition forcée]] qui sera généralisée par la [[dictature militaire de 1976-1983]]. Malgré cela, le consul fut finalement libéré le {{date|28|mars|1970}} <ref> [http://www.arteuna.com/convocatoria_2005/del70al76/Violencia-70.html Chronologie de la Violence politique en Argentine] </ref>, pour « raisons humanitaires » <ref name=Time> [http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,943956,00.html Latin America: The New Terror Tactic Terror], ''[[Time (magazine)|Time]]'', 6 avril 1970 </ref>. Le consul lui-même déclara avoir été « très bien traité » durant ces quelques jours<ref name=Time/>.


Jusqu'en novembre 1970, l'[[Action directe (théorie politique)|action directe]] des FAL, qui a changé de stratégie depuis les années 1960, vise davantage à ridiculiser le régime et à recevoir l'appui de la population (distribution de volaille après le vol d'un camion, distribution de tracts par avion) qu'à la violence, ce qui change avec l'assassinat, le {{date|18|novembre|1970}}, du sous-commissaire Osvaldo Sandoval.
Jusqu'en {{date-|novembre 1970}}, l'[[Action directe (théorie politique)|action directe]] des FAL, qui a changé de stratégie depuis les années 1960, vise davantage à ridiculiser le régime et à recevoir l'appui de la population (distribution de volaille après le vol d'un camion, distribution de tracts par avion) qu'à la violence, ce qui change avec l'assassinat, le {{date|18|novembre|1970}}, du sous-commissaire Osvaldo Sandoval.


== Chronologie des actions des FAL ==
== Chronologie des actions des FAL ==
*{{date|4|avril|1969}}: première action armée, contre le premier régiment d'infanterie de [[Palermo (Buenos Aires)]] <ref name=Lewis41/>.
* {{date|4|avril|1969}}: première action armée, contre le premier régiment d'infanterie de [[Palermo (Buenos Aires)]] <ref name=Lewis41/>.
*{{date|24|mars|1970}}: enlèvement du consul du [[Paraguay]], Waldemar Sánchez, libéré par la suite.
* {{date|24|mars|1970}}: enlèvement du consul du [[Paraguay]], Waldemar Sánchez, libéré par la suite.
*{{date|18|juin|1970}}: [[hold-up]] (« [[expropriation]] ») contre la ''[[Banco Provincial]]'' de [[Córdoba (Argentine)|Córdoba]] (Departamento Unión).
* {{date|18|juin|1970}}: [[braquage]] (« [[expropriation]] ») contre la ''[[Banco Provincial]]'' de [[Córdoba (Argentine)|Córdoba]] (Departamento Unión).
*{{date|8|août|1970}}: hold-up à [[Córdoba (Argentine)|Córdoba]] contre un camion transportant de la [[volaille]], qui est distribuée dans un quartier modeste.
* {{date|8|août|1970}}: braquage à [[Córdoba (Argentine)|Córdoba]] contre un camion transportant de la [[volaille]], qui est distribuée dans un quartier modeste.
*{{date|25|septembre|1970}}: attaque du train ''El Rosarino'', au cours de laquelle des armes et de l'argent sont pris.
* {{date|25|septembre|1970}}: attaque du train ''El Rosarino'', au cours de laquelle des armes et de l'argent sont pris.
*{{date|6|octobre|1970}}: vol d'instruments de [[chirurgie]] à la Clinique Mayo à [[La Plata]].
* {{date|6|octobre|1970}}: vol d'instruments de [[chirurgie]] à la Clinique Mayo à [[La Plata]].
*{{date|15|octobre|1970}}: détournement d'avion à [[Rosario]], utilisé pour jeter dans les airs des milliers de tracts.
* {{date|15|octobre|1970}}: détournement d'avion à [[Rosario]], utilisé pour jeter dans les airs des milliers de tracts.
*{{date|29|octobre|1970}}: attaque de trois policiers de garde à l'ambassade des Etats-Unis et prise de leurs armes et de leurs uniformes. Aucune victime.
* {{date|29|octobre|1970}}: attaque de trois policiers de garde à l'ambassade des États-Unis et prise de leurs armes et de leurs uniformes. Aucune victime.
*{{date|18|novembre|1970}}: assassinat du sous-commissaire Osvaldo Sandoval, second chef des Affaires politiques de la [[police fédérale (Argentine)|police fédérale]].
* {{date|18|novembre|1970}}: assassinat du sous-commissaire Osvaldo Sandoval, second chef des Affaires politiques de la [[police fédérale (Argentine)|police fédérale]].


== Notes et références ==
== Notes et références ==
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Les Forces armées de libération (Fuerzas Armadas de Liberación, FAL, aussi connues sous le nom de Frente Argentino de Liberación ou de Fuerzas Argentinas de Liberación [1]) étaient une organisation révolutionnaire argentine, créée en 1966[2], après le coup d'État national-catholique dit de la « Révolution argentine », qui fusionna en 1972 avec l'ERP (trotskyste) [2]. Le noyau originel du groupe provient d'une scission du groupe trotskyste Movimiento de Izquierda Revolucionario Praxis, dirigé par Silvio Frondizi (le frère du président Arturo Frondizi) [1]. Des membres de la Jeunesse péroniste ou proches de ces mouvements, tels José Luis Nell qui rejoignit ensuite les Montoneros, ainsi que des dissidents du Parti communiste (dont Pouzadella et Ricardo) [1], ont aussi participé aux FAL[2]. Les membres des FAL finirent par rejoindre soit l'ERP, soit les Montoneros, se divisant suite à l'issue électorale prévue par le Grand Accord National (fin 1971) du général Lanusse[3].

Ainsi, en 1973, il n'existait plus des FAL que deux groupes, la colonne América en Armas et le FAL-, dont la majorité des membres provenaient du Commando Benjo Cruz de La Plata, et qui visait à la création d'un « grand parti révolutionnaire » [3]. Si les FAL étaient à l'origine anti-péronistes, le FAL- se considérait allié du péronisme de gauche[3]. Il appela ainsi à voter pour le FreJuLi lors des élections de mars 1973, mais, devant le virage à droite du Parti justicialiste, soutint la nécessité de continuer la lutte armée[3].

La préhistoire des FAL[modifier | modifier le code]

Fin 1958, une vingtaine de membres se séparent du groupe Movimiento de Izquierda Revolucionario Praxis, dirigé par Silvio Frondizi, le considérant comme trop théorique et pas assez impliqué dans les luttes réelles, considérations renforcées après l'occupation du Frigorífico Lisandro de la Torre (à Villa 15, aujourd'hui Ciudad Oculta (es)) de [1]. Cinq militants, dont l'employé bancaire Juan Carlos Cibelli, le professeur de chimie Gerardo Pouzadela, et les étudiants Jorge Pérez et Ricardo, effectuent une nouvelle scission à partir de ce groupe, et forment le noyau originel des FAP qui organise l'assaut d'[1]. Ils se définissent alors comme « organisation armée » « accompagnant le processus insurrectionnel » en formant l'« embryon d'une armée » [1].

De 1959 à 1964, ce groupe se développe et effectue ses premières actions, ouvrant un front de guérilla rurale dans la province de Tucumán en 1962, où ils sont aussi présents au sein des syndicats (notamment dans le syndicat ferroviaire de Tafi Viejo) [1]. Ce front vise cependant davantage à faire diversion, et à offrir un lieu de refuge pour les militants, qu'à concrétiser une stratégie guévariste, qu'ils critiquent durement, tout comme ils critiquent comme insensée la tentative de l'Ejército Guerrillero del Pueblo d'initier, en 1964, un foco, alors qu'un « gouvernement constitutionnel », celui d'Arturo Illia, était en place[1]. Ils furent ainsi la seule organisation à ne pas envoyer de militants s'entraîner à Cuba, considérant que ce qu'on pouvait y apprendre ne servait qu'à la guérilla rurale, inutile dans le pays urbanisé qu'était déjà l'Argentine [1]. En 1962-63, Cibelli et son groupe pensaient plutôt infiltrer l'armée et retourner ses armes contre elle-même [1]. Durant une décennie, ils s'entraînent ainsi militairement, ce qui explique la non-revendication de l'assaut de 1969: la propagande ne fait pas partie des tâches qu'ils se donnent, au sein du mouvement ouvrier[1]. En , 37 membres de l'organisation s'emparent des armes de l'Institut géographique national[1], première action suivie par quelques autres (arnaques aux chèques, braquage du Banco Popular Argentino, en 1968, à Liniers, un quartier de Buenos Aires) [1].

À cette époque, les FAL refusent de travailler avec d'autres organisations armées, et encore moins avec celles liées au péronisme (FAR, FAP, Montoneros), considéré comme un mouvement infiltré et instrumentalisé par les services de renseignement[1]; le groupe resta toujours anti-péroniste, y compris après que l'un de ses dirigeants, Pérez, ait rejoint, en 1964, le camp péroniste aux côtés de Gustavo Rearte, le fondateur de la Jeunesse péroniste[1]. En revanche, ils adhèrent à nombre de syndicats, mais en sont exclus à partir de 1966, en raison de la répression du général Onganía ainsi que de l'hégémonie du leader syndical Augusto Vandor, partisan d'une négociation avec les militaires, sur le mouvement syndical[1]. Ils forment aussi une Ligue estudiantine révolutionnaire, qui demeure de faible envergure, le groupe évitant notamment les universitaires, considérés comme risqués en raison de la présence d'agents des services[1].

La polémique théorique et l'assaut d'avril 1969[modifier | modifier le code]

Début 1969, le Groupe Cibelli entre en contact avec Luis María Aguirre, qui initia une rupture avec le Parti révolutionnaire des travailleurs (PRT, trotskyste, lequel donna naissance à la guérilla de l'ERP), à des fins éventuelles de rapprochement. Toutefois, les groupes finissent par polémiquer sur des questions théoriques, Aguirre en appelant aux théories formulées par Althusser et ses proches, tandis que Cibelli s'appuie au contraire sur l'intellectuel soviétique Sergei Rubinstein, référence orthodoxe du Parti communiste argentin[4]. Finalement, les deux groupes fusionnèrent, mettant de côté les querelles théoriques et taisant les références respectives à Althusser et Rubinstein, en affirmant que l'action conjointe limiterait les différends théoriques[4].

La première action armée de ce nouveau groupe fut l'assaut d', du contre le premier régiment d'infanterie de Campo de Mayo (province de Buenos Aires); aucun affrontement direct n'eût lieu, l'objectif étant simplement des prendre des armes[1]. Non revendiquée, l'action fait l'objet de diverses hypothèses dans la presse, la revue Primera Plana (es) évoquant même une action possiblement organisée par des gendarmes, dans le cadre de conflits internes[1]. Fin , la police remonte cependant à Alejandro Baldú, et trouve les noms des personnes ayant participé à l'opération (Alberto Arruda, Sergio Pablo Bjelis, Carlos Malter-Terrada, l'avocat Hernán Henríquez et l'employé bancaire Juan Carlos Cibelli, qui est le seul à être arrêté, et incarcéré jusqu'à 1973[1] - date de l'amnistie présidentielle d'Héctor Cámpora). L'action ne fut finalement revendiquée par les FAL qu'un an après[1].

La première action revendiquée (mars 1970)[modifier | modifier le code]

Les FAL enlevèrent ensuite, le , le consul du Paraguay, Waldemar Sánchez, accusé d'être un agent de la CIA[5] et de représenter la dictature d'Alfredo Stroessner, réclamant en échange de sa libération celle de deux militants des FAL, Carlos Della Nave et Alejandro Baldú, dont on ne savait rien depuis leur arrestation le 18 et [1]. La junte s'opposa à ce marché[5]. Carlos Della Nave fut cependant montré à la presse, avec des traces évidentes de torture, tandis que le gouvernement nia avoir arrêté Baldú, qu'on ne revit jamais[6], ce qui en fait une victime précoce de la technique de disparition forcée qui sera généralisée par la dictature militaire de 1976-1983. Malgré cela, le consul fut finalement libéré le [7], pour « raisons humanitaires » [8]. Le consul lui-même déclara avoir été « très bien traité » durant ces quelques jours[8].

Jusqu'en , l'action directe des FAL, qui a changé de stratégie depuis les années 1960, vise davantage à ridiculiser le régime et à recevoir l'appui de la population (distribution de volaille après le vol d'un camion, distribution de tracts par avion) qu'à la violence, ce qui change avec l'assassinat, le , du sous-commissaire Osvaldo Sandoval.

Chronologie des actions des FAL[modifier | modifier le code]

  • : première action armée, contre le premier régiment d'infanterie de Palermo (Buenos Aires) [2].
  • : enlèvement du consul du Paraguay, Waldemar Sánchez, libéré par la suite.
  • : braquage (« expropriation ») contre la Banco Provincial de Córdoba (Departamento Unión).
  • : braquage à Córdoba contre un camion transportant de la volaille, qui est distribuée dans un quartier modeste.
  • : attaque du train El Rosarino, au cours de laquelle des armes et de l'argent sont pris.
  • : vol d'instruments de chirurgie à la Clinique Mayo à La Plata.
  • : détournement d'avion à Rosario, utilisé pour jeter dans les airs des milliers de tracts.
  • : attaque de trois policiers de garde à l'ambassade des États-Unis et prise de leurs armes et de leurs uniformes. Aucune victime.
  • : assassinat du sous-commissaire Osvaldo Sandoval, second chef des Affaires politiques de la police fédérale.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u et v Stella Grenat, Una espada sin cabeza. Los antecedentes de FAL (1959-1969), in Razón y Revolución, n°13, hiver 2004
  2. a b c et d Paul H. Lewis (2002), Guerrillas and generals: the "Dirty War" in Argentina, p.41-42
  3. a b c et d Stella Grenat, Ni botas, ni votos. La izquierda frente a las elecciones de 1973, el caso de las FAL, El Aromo, mai-juin 2007
  4. a et b Stella Grenat, Aricó, Gramsci, Althusser y la guerrilla argentina. Una relectura mentirosa, El Aromo, septembre-octobre 2008
  5. a et b Carol Edler Baumann (1973), The diplomatic kidnappings: A revolutionary tactic of urban terrorism, p.85-86
  6. Cristianismo y Revolución n°28, janvier-février 1971, cité par Stella Grenat, art.cit., qui cite aussi Anzorena, Oscar (1998), Tiempo de Violencia y Utopía. Del golpe de Onganía (1966) al golpe de Videla (1976), Ediciones del Pensamiento Nacional, Bs. As., julio de 1998, pp. 109
  7. Chronologie de la Violence politique en Argentine
  8. a et b Latin America: The New Terror Tactic Terror, Time, 6 avril 1970