« Élections générales uruguayennes de 1971 » : différence entre les versions

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
Vlaam (discuter | contributions)
m WPCleaner v1.27 - Homonymies : Correction de 1 lien - La Republica
Jack Demol (discuter | contributions)
m typographie
 
(14 versions intermédiaires par 11 utilisateurs non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
Les '''élections générales uruguayennes de 1971''' se déroulèrent dans un contexte de crise économique, sociale et politique qui affectait l'[[Uruguay]], culminant un an et demi plus tard dans le [[coup d'État de juin 1973]]. Outre les deux partis traditionnels, le [[Parti colorado]] et le [[Parti blanco]], une coalition de gauche, le [[Front large]], s'était formée, avec comme candidat à la présidence le général [[Líber Seregni]], qui avait démissionné en 1969 de l'[[armée (Uruguay)|armée]] en protestation contre l'autoritarisme du président [[Jorge Pacheco Areco]].
Les '''élections générales uruguayennes de 1971''' se déroulèrent dans un contexte de crise économique, sociale et politique qui affectait l'[[Uruguay]], culminant un an et demi plus tard dans le [[coup d'État de juin 1973]]. Outre les deux partis traditionnels, le [[Parti colorado (Uruguay)|Parti colorado]] et le [[Parti blanco]], une coalition de gauche, le [[Front large (Uruguay)|Front large]], s'était formée, avec comme candidat à la présidence le général [[Líber Seregni]], qui avait démissionné en 1969 de l'[[armée (Uruguay)|armée]] en protestation contre l'autoritarisme du président [[Jorge Pacheco Areco]].


La présidentielle, entachée de fraudes multiples, fut remportée le {{date|28|novembre|1971}} par [[Juan María Bordaberry]] (''colorado''), avec 40,3 % des voix contre 40,1 % pour le candidat ''[[Parti blanco|blanco]]'', [[Wilson Ferreira Aldunate]], tandis que le [[Front large]] (coalition de gauche tout juste créée) remporte 18,6 % des voix. {{formatnum:1878132}} électeurs étaient appelés à se prononcer, la participation s'élevant à 88,6 % ({{formatnum:1664119}}), le vote étant [[vote obligatoire|obligatoire]] depuis la [[Constitution (Uruguay)|réforme constitutionnelle de 1966]].
La présidentielle, entachée de fraudes multiples, fut remportée le {{date|28|novembre|1971}} par [[Juan María Bordaberry]] (''colorado''), avec 40,3 % des voix contre 40,1 % pour le candidat ''[[Parti blanco|blanco]]'', [[Wilson Ferreira Aldunate]], tandis que le [[Front large (Uruguay)|Front large]] (coalition de gauche tout juste créée) remporte 18,6 % des voix. {{formatnum:1878132}} électeurs étaient appelés à se prononcer, la participation s'élevant à 88,6 % ({{formatnum:1664119}}), le vote étant [[vote obligatoire|obligatoire]] depuis la {{Lien|lang=es|trad=Constitución de Uruguay de 1967|fr=Constitution de l'Uruguay de 1967|texte=réforme constitutionnelle de 1996}}.


D'autre part, en nombre absolu de voix, Wilson Ferreira avait obtenu plus de voix que Bordaberry (près de {{formatnum:440000}} contre environ {{formatnum:380000}}). Cependant, en raison de la ''[[ley de lemas]]'' régissant le [[Politique de l'Uruguay|système électoral uruguayen]], Bordaberry gagnait: en effet, cette forme de scrutin majoritaire à un seul tour conduit à additionner les suffrages obtenues par les différentes listes ([[apparentement|apparentées]]) d'un parti, et à accorder la victoire au parti ayant obtenu le plus de voix; au sein de ce parti, c'est la liste ayant obtenue le plus de voix par rapport aux autres de son parti qui remporte l'élection présidentielle.
D'autre part, en nombre absolu de voix, Wilson Ferreira avait obtenu plus de voix que Bordaberry (près de {{formatnum:440000}} contre environ {{formatnum:380000}}). Cependant, en raison de la ''[[ley de lemas]]'' régissant le [[Politique de l'Uruguay|système électoral uruguayen]], Bordaberry gagnait: en effet, cette forme de scrutin majoritaire à un seul tour conduit à additionner les suffrages obtenus par les différentes listes ([[apparentement|apparentées]]) d'un parti et à accorder la victoire au parti ayant obtenu le plus de voix; au sein de ce parti, c'est la liste ayant obtenu le plus de voix par rapport aux autres de son parti qui remporte l'élection présidentielle.


En d'autres termes, en réunissant toutes les listes de chaque parti, le Parti colorado avait obtenu plus de voix que le Parti blanco ({{formatnum:681624}} contre {{formatnum:668822}}), mais la liste de Wilson Ferreira (« wilsoniste ») avait, de façon isolée, remportée plus de voix que celle de Bordaberry.
En d'autres termes, en réunissant toutes les listes de chaque parti, le Parti colorado avait obtenu plus de voix que le Parti blanco ({{formatnum:681624}} contre {{formatnum:668822}}), mais la liste de Wilson Ferreira (« wilsoniste ») avait, de façon isolée, remporté plus de voix que celle de Bordaberry.


Concernant les parlementaires, la ''[[ley de lemas]]'' instituait une sorte de [[scrutin proportionnel plurinominal]] (plusieurs postes sont à pourvoir, contrairement à la présidentielle). Sur un total de trente [[sénat (Uruguay)|sénateurs]], le [[Parti colorado]] en obtint ainsi treize ; les ''Blancos'' douze, et le Front large cinq. Et sur 99 députés, les ''Colorados'' en eurent 41, les ''Blancos'' 40, et le Front large 18. Malgré la défaite de la coalition de gauche, c'était la première fois que la gauche uruguayenne obtenait un tel succès.
Concernant les parlementaires, la ''[[ley de lemas]]'' instituait une sorte de [[scrutin proportionnel plurinominal]] (plusieurs postes sont à pourvoir, contrairement à la présidentielle). Sur un total de trente [[sénat (Uruguay)|sénateurs]], le [[Parti colorado (Uruguay)|Parti colorado]] en obtint ainsi treize ; les ''Blancos'' douze, et le Front large cinq. Et sur 99 députés, les ''Colorados'' en eurent 41, les ''Blancos'' 40, et le Front large 18. Malgré la défaite de la coalition de gauche, c'était la première fois que la gauche uruguayenne obtenait un tel succès.


== Les candidatures « ''colorada'' » : Bordaberry et les autres ==
== Les candidatures « ''colorada'' » : Bordaberry et les autres ==


Au sein du [[Parti colorado]], l'{{lien|Union nationale réélectionniste|trad=Unión Nacional Reeleccionista|lang=es}}, qui milite pour une [[Constitution de l'Uruguay|réforme constitutionnelle]] afin de permettre à [[Jorge Pacheco Areco|Pacheco Areco]] de briguer un second mandat, présente néanmoins [[Juan María Bordaberry]] comme candidat présidentiel, flanqué de [[Jorge Sapelli]] comme co-listier, aux élections de novembre [[1971]], au cas où la réforme constitutionnelle serait rejetée.
Au sein du [[Parti colorado (Uruguay)|Parti colorado]], l'{{lien|Union nationale réélectionniste|trad=Unión Nacional Reeleccionista|lang=es}}, qui milite pour une [[Constitution de l'Uruguay|réforme constitutionnelle]] afin de permettre à [[Jorge Pacheco Areco|Pacheco Areco]] de briguer un second mandat, présente néanmoins [[Juan María Bordaberry]] comme candidat présidentiel, flanqué de [[Jorge Sapelli]] comme colistier, aux élections de novembre [[1971]], au cas où la réforme constitutionnelle serait rejetée.


D'autres tendances « ''coloradas'' » présentent des candidats, dont notamment [[Jorge Batlle]], avec comme co-listier [[Renán Rodríguez]], et [[Amílcar Vasconcellos]], avec comme co-listier [[Manuel Flores Mora]]. La [[liste 15]] de Batlle avait en général appuyé le gouvernement de Pacheco, tandis que la liste minoritaire de Vasconcellos et Flores Mora était plus centriste, ces derniers ayant refusé de quitter le Parti colorado comme l'avait fait [[Zelmar Michelini]], qui s'était intégré au Front large.
D'autres tendances « ''coloradas'' » présentent des candidats, dont notamment [[Jorge Batlle]], avec comme colistier [[Renán Rodríguez]], et [[Amílcar Vasconcellos]], avec comme colistier [[Manuel Flores Mora]]. La [[liste 15]] de Batlle avait en général appuyé le gouvernement de Pacheco, tandis que la liste minoritaire de Vasconcellos et Flores Mora était plus centriste, ces derniers ayant refusé de quitter le Parti colorado comme l'avait fait [[Zelmar Michelini]], qui s'était intégré au Front large.


== Les candidatures « ''blanca'' » : Wilson Ferreira et les autres ==
== Les candidatures « ''blanca'' » : Wilson Ferreira et les autres ==
Ligne 21 : Ligne 21 :
== La campagne électorale ==
== La campagne électorale ==


La campagne électorale est marquée par la crise économique et sociale, ainsi qu'un affrontement politique important, avec notamment l'activité de la guérilla des [[Tupamaros]], qui ont toutefois baissé le ton lors de la campagne dans le cadre de leur « soutien critique » au [[Front large]], matérialisé notamment par la création du [[Mouvement du 26 mars]], tandis que les [[escadrons de la mort (Uruguay)|escadrons de la mort]] organisent des attentats, tentant notamment d'assassiner le candidat du Front, le général [[Líber Seregni]]. Le Front large, qui présentait un programme similaire à celui de l'[[Unité populaire]] chilienne, ayant mené [[Salvador Allende]] à la victoire, réunissait du [[Parti communiste (Uruguay)|Parti communiste]] (PCU) au [[Parti démocrate chrétien (Uruguay)|Parti démocrate chrétien]] (PDC), en passant par des dissidents des partis traditionnels, dont la [[liste 99]] (Pour le gouvernement du peuple) de [[Zelmar Michelini]] (assassiné en 1976), et des groupes plus radicaux ([[Mouvement révolutionnaire oriental]], etc.).
La campagne électorale est marquée par la crise économique et sociale, ainsi qu'un affrontement politique important, avec notamment l'activité de la guérilla des [[Tupamaros]], qui ont toutefois baissé le ton lors de la campagne dans le cadre de leur « soutien critique » au [[Front large (Uruguay)|Front large]], matérialisé notamment par la création du [[Mouvement du 26 mars]], tandis que les [[escadrons de la mort (Uruguay)|escadrons de la mort]] organisent des attentats, tentant notamment d'assassiner le candidat du Front, le général [[Líber Seregni]]. Le Front large, qui présentait un programme similaire à celui de l'[[Unité populaire (Chili)|Unité populaire]] chilienne, ayant mené [[Salvador Allende]] à la victoire, réunissait du [[Parti communiste (Uruguay)|Parti communiste]] (PCU) au [[Parti démocrate chrétien (Uruguay)|Parti démocrate chrétien]] (PDC), en passant par des dissidents des partis traditionnels, dont la [[liste 99]] (Pour le gouvernement du peuple) de [[Zelmar Michelini]] (assassiné en 1976), et des groupes plus radicaux ([[Mouvement révolutionnaire oriental]], etc.).


Le {{date|14|novembre|1971}}, quelques jours avant l'élection, l'agent de la [[Central Intelligence Agency|CIA]] [[Philip Agee]], qui avait travaillé de 1964 à 1966 en Uruguay, envoie une lettre à l'hebdomadaire ''[[Marcha]]'', publiée le {{date|26|novembre|1971}} sous le titre « La CIA en Uruguay », rendant publique sa démission de l'agence <ref name=Aldrighi> [[Clara Aldrighi]], [http://www.elcorreo.eu.org/article.php3?id_article=2763 L'antenne de Montevideo de la CIA], ''[[Brecha]]'', 25 novembre 2005 (article traduit par ''[[El Correo]]'', version originale disponible). L'historienne Clara Aldrighi est notamment l'auteur de trois tomes sur ''L’intervention des États-Unis en Uruguay (1965-1973)''.</ref>. Cette lettre avait pour objectif d'alerter l'opinion publique sur de possibles manipulations électorales et politiques de l'agence américaine contre le Front large<ref name=Aldrighi/>.
Le {{date|14|novembre|1971}}, quelques jours avant l'élection, l'agent de la [[Central Intelligence Agency|CIA]] [[Philip Agee]], qui avait travaillé de 1964 à 1966 en Uruguay, envoie une lettre à l'hebdomadaire ''[[Marcha]]'', publiée le {{date|26|novembre|1971}} sous le titre « La CIA en Uruguay », rendant publique sa démission de l'agence <ref name="Aldrighi"> [[Clara Aldrighi]], [http://www.elcorreo.eu.org/article.php3?id_article=2763 L'antenne de Montevideo de la CIA], ''[[Brecha]]'', 25 novembre 2005 (article traduit par ''[[El Correo]]'', version originale disponible). L'historienne Clara Aldrighi est notamment l'auteur de trois tomes sur ''L’intervention des États-Unis en Uruguay (1965-1973)''.</ref>. Cette lettre avait pour objectif d'alerter l'opinion publique sur de possibles manipulations électorales et politiques de l'agence américaine contre le Front large<ref name=Aldrighi/>.


== Le plébiscite constitutionnel ==
== Le plébiscite constitutionnel ==


Les électeurs eurent aussi à se prononcer sur un [[référendum]]-[[plébiscite]] visant à réformer la [[Constitution (Uruguay)|Constitution]] afin de permettre la réélection immédiate de [[Jorge Pacheco Areco]]. Pour être réussi, ce plébiscite qui aurait immédiatement reconduit à la présidence Areco - annulant de ce fait l'élection présidentielle tenue au même moment -, il devait réunir la majorité des suffrages, supérieure à 35 % des électeurs de droit, ce qui équivalait à {{formatnum:832060}} suffrages. De fait, seul le secteur « pachéquiste » à l'intérieur du [[Parti colorado]], qui présentait par ailleurs la candidature de [[Bordaberry]] en cas d'échec de ce plébiscite, était logiquement amené à voter « OUI » à ce plébiscite. Avec {{formatnum:491680}} suffrages, soit 29,55 % des électeurs « ''de jure'' », cette option fut rejetée.
Les électeurs eurent aussi à se prononcer sur un [[référendum]]-[[plébiscite]] visant à réformer la [[Constitution (Uruguay)|Constitution]] afin de permettre la réélection immédiate de [[Jorge Pacheco Areco]]. Pour être réussi, ce plébiscite qui aurait immédiatement reconduit à la présidence Areco - annulant de ce fait l'élection présidentielle tenue au même moment -, il devait réunir la majorité des suffrages, supérieure à 35 % des électeurs de droit, ce qui équivalait à {{formatnum:832060}} suffrages. De fait, seul le secteur « pachéquiste » à l'intérieur du [[Parti colorado (Uruguay)|Parti colorado]], qui présentait par ailleurs la candidature de [[Juan María Bordaberry|Bordaberry]] en cas d'échec de ce plébiscite, était logiquement amené à voter « OUI » à ce plébiscite. Avec {{formatnum:491680}} suffrages, soit 29,55 % des électeurs « ''de jure'' », cette option fut rejetée.


== Victoire de Bordaberry dans un contexte de fraudes ==
== Victoire de Bordaberry dans un contexte de fraudes ==


Bordaberry est élu président avec 40,3 % des voix contre 40,1 % pour le candidat ''[[Parti blanco|blanco]]'', [[Wilson Ferreira Aldunate]], tandis que le [[Front large]] (coalition de gauche tout juste créée) remporte 18,6 % des voix. Les élections sont néanmoins entachées de fraudes nombreuses, organisées notamment à l'instigation de la [[Dictature au Brésil (1964-1985)|junte militaire brésilienne]], dirigée par le général [[Emílio Garrastazu Médici]], avec le soutien passif de [[Richard Nixon]], président des États-Unis, qui veut en effet éviter une version uruguayenne de la victoire de l'[[Unité populaire]] chilienne<ref> [http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB71/ NIXON: "BRAZIL HELPED RIG THE URUGUAYAN ELECTIONS," 1971], ''[[National Security Archive]] Electronic Briefing Book'' n°71, 20 juin 2002. </ref>. Wilson Ferreira déclara alors qu'on lui avait « volé sa victoire » <ref> [http://www.larepublica.com.uy/editorial/276473-el-fraude-de-1971-respuesta-a-sanguinetti El fraude de 1971. Respuesta a Sanguinetti], ''[[La República (Uruguay)|La Republica]]'', 25 septembre 2007 </ref>, tandis que la [[Cour électorale (Uruguay)|Cour électorale]], qui valida l'élection en février 1972, fut qualifiée de « comité public du Parti colorado ».
Bordaberry est élu président avec 40,3 % des voix contre 40,1 % pour le candidat ''[[Parti blanco|blanco]]'', [[Wilson Ferreira Aldunate]], tandis que le [[Front large (Uruguay)|Front large]] (coalition de gauche tout juste créée) remporte 18,6 % des voix. Les élections sont néanmoins entachées de fraudes nombreuses, organisées notamment à l'instigation de la [[Dictature au Brésil (1964-1985)|junte militaire brésilienne]], dirigée par le général [[Emílio Garrastazu Médici]], avec le soutien passif de [[Richard Nixon]], président des États-Unis, qui veut en effet éviter une version uruguayenne de la victoire de l'[[Unité populaire (Chili)|Unité populaire]] chilienne<ref> [http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB71/ NIXON: "BRAZIL HELPED RIG THE URUGUAYAN ELECTIONS, " 1971], ''[[National Security Archive]] Electronic Briefing Book'' {{|71}}, 20 juin 2002. </ref>. Wilson Ferreira déclara alors qu'on lui avait « volé sa victoire » <ref> [http://www.larepublica.com.uy/editorial/276473-el-fraude-de-1971-respuesta-a-sanguinetti El fraude de 1971. Respuesta a Sanguinetti], ''[[La República (Uruguay)|La Republica]]'', 25 septembre 2007 </ref>, tandis que la [[Cour électorale (Uruguay)|Cour électorale]], qui valida l'élection en {{date-|février 1972}}, fut qualifiée de « comité public du Parti colorado ».


Le Parti colorado avait cependant perdu du poids par rapport aux élections précédentes, ce qui l'obligea à pactiser avec les « ''blancos'' ». Les [[Tupamaros]] rompirent la trêve observée pour les élections le {{date|1|janvier|1972}} (Déclaration de [[Paysandú]]). Dans les années suivantes, l'autoritarisme et l'intervention de l'armée augmentèrent rapidement, culminant dans le [[coup d'État de juin 1973]].
Le Parti colorado avait cependant perdu du poids par rapport aux élections précédentes, ce qui l'obligea à pactiser avec les « ''blancos'' ». Les [[Tupamaros]] rompirent la trêve observée pour les élections le {{date|1|janvier|1972}} (Déclaration de [[Paysandú]]). Dans les années suivantes, l'autoritarisme et l'intervention de l'armée augmentèrent rapidement, culminant dans le [[coup d'État de juin 1973]].
Ligne 43 : Ligne 43 :
! '''[[Parti politique uruguayen|Parti]]''' !! '''Candidats''' !! '''Votes''' !! '''Pourcentage des suffrages<br />au sein du parti''' !! '''Pourcentage des suffrages<br />sur l'ensemble des électeurs'''
! '''[[Parti politique uruguayen|Parti]]''' !! '''Candidats''' !! '''Votes''' !! '''Pourcentage des suffrages<br />au sein du parti''' !! '''Pourcentage des suffrages<br />sur l'ensemble des électeurs'''
|-
|-
| rowspan="7" | [[Parti Colorado]] || [[Juan María Bordaberry]] - [[Jorge Sapelli]] || align="center" | {{formatnum:379515}} || align="center" | 55,68 % || align="center" | 22,81 %
| rowspan="7" | [[Parti colorado (Uruguay)|Parti Colorado]] || [[Juan María Bordaberry]] - [[Jorge Sapelli]] || align="center" | {{formatnum:379515}} || align="center" | 55,68 % || align="center" | 22,81 %
|-
|-
| [[Jorge Batlle]] - [[Renán Rodríguez]] || align="center" | {{formatnum:242804}} || align="center" | 35,62 % || align="center" | 14,59 %
| [[Jorge Batlle]] - [[Renán Rodríguez]] || align="center" | {{formatnum:242804}} || align="center" | 35,62 % || align="center" | 14,59 %
Ligne 67 : Ligne 67 :
| align="center" | '''Total''' || align="center" | {{formatnum:668822}} || align="center" | 100 % || align="center" | 40,19 %
| align="center" | '''Total''' || align="center" | {{formatnum:668822}} || align="center" | 100 % || align="center" | 40,19 %
|-
|-
| [[Parti démocrate chrétien (Uruguay)|Parti démocrate chrétien]]-[[Front large (Uruguay)|Front large]]<ref> En raison des restrictions successives apportées à la ''[[ley de lemas]]'', la coalition du [[Front large]] devait concourir sur la ''lema'' du Parti démocrate chrétien pour bénéficier des avantages afférents aux partis politiques institués. Voir l'encadré sur la ''ley de lemas'' de Gerardo Caetano, [http://www.insumisos.com/diplo/NODE/2287.HTM Uruguay, la tradición innovada], ''[[Le Monde diplomatique]]'' édition du [[Cône sud]], n°1, janvier 1999. </ref> || [[Líber Seregni]] - [[Juan José Crottogini]] || align="center" | {{formatnum:304275}} || align="center" | 100 % || align="center" | 18,28 %
| [[Parti démocrate chrétien (Uruguay)|Parti démocrate chrétien]]-[[Front large (Uruguay)|Front large]]<ref> En raison des restrictions successives apportées à la ''[[ley de lemas]]'', la coalition du [[Front large (Uruguay)|Front large]] devait concourir sur la ''lema'' du Parti démocrate chrétien pour bénéficier des avantages afférents aux partis politiques institués. Voir l'encadré sur la ''ley de lemas'' de Gerardo Caetano, [http://www.insumisos.com/diplo/NODE/2287.HTM Uruguay, la tradición innovada], ''[[Le Monde diplomatique]]'' édition du [[Cône sud]], {{|1}}, janvier 1999. </ref> || [[Líber Seregni]] - [[Juan José Crottogini]] || align="center" | {{formatnum:304275}} || align="center" | 100 % || align="center" | 18,28 %
|-
|-
| [[Union civique de l'Uruguay|Union radicale chrétienne]] || [[Daniel Pérez del Castillo]] - Saralegui || align="center" | {{formatnum:8844}} || align="center" | 100 % || align="center" | 00,53 %
| [[Union civique de l'Uruguay|Union radicale chrétienne]] || [[Daniel Pérez del Castillo]] - Saralegui || align="center" | {{formatnum:8844}} || align="center" | 100 % || align="center" | 00,53 %
Ligne 75 : Ligne 75 :
| ''Movimiento Justiciero'' <ref> Mouvement justicier </ref> || Espínola - Álvarez Varela || align="center" | 241 || align="center" | 100 % || align="center" | 00,01 %
| ''Movimiento Justiciero'' <ref> Mouvement justicier </ref> || Espínola - Álvarez Varela || align="center" | 241 || align="center" | 100 % || align="center" | 00,01 %
|-
|-
| ''Partido Juventud por el Desarrollo Oriental''<ref> Parti jeune pour le développement oriental. L'[[Uruguay]] s'appelle officiellement République orientale de l'Uruguay.</ref> || Suárez - Irujo de Grendene || align="center" | 25 || align="center" | 100 % || align="center" | 0 %
| ''Partido Juventud por el Desarrollo Oriental''<ref> Parti jeune pour le développement oriental. L'[[Uruguay]] s'appelle officiellement république orientale de l'Uruguay.</ref>|| Suárez - Irujo de Grendene || align="center" | 25 || align="center" | 100 % || align="center" | 0 %
|}
|}


Ligne 84 : Ligne 84 :


=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===

* [[Histoire de l'Uruguay]]
* [[Histoire de l'Uruguay]]
* [[Politique en Uruguay]] et [[ley de lemas]] (description du système électoral uruguayen)
* [[Politique en Uruguay]] et [[ley de lemas]] (description du système électoral uruguayen)
* [[Dictature militaire de l'Uruguay (1973-1985)]]
* [[Dictature militaire de l'Uruguay (1973-1985)]]


{{Palette Élections en Uruguay}}
{{Portail|Politique|Uruguay|Années 1970}}
{{Portail|Politique|Uruguay|Années 1970}}


{{DEFAULTSORT:Elections generales uruguayennes de 1971}}
{{DEFAULTSORT:Elections generales uruguayennes de 1971}}
[[Catégorie:Élection en Amérique en 1971|Uruguay]]

[[Catégorie:Élection en 1971|Uruguay]]
[[Catégorie:Élection en Uruguay|1971]]
[[Catégorie:Élection en Uruguay|1971]]
[[Catégorie:Élection présidentielle|Uruguay]]
[[Catégorie:Élection présidentielle|Uruguay]]
[[Catégorie:Élection législative|Uruguay]]
[[Catégorie:Élections législatives|Uruguay]]
[[Catégorie:1971 en Uruguay]]
[[Catégorie:Novembre 1971]]
[[Catégorie:Novembre 1971]]

Dernière version du 22 octobre 2023 à 16:41

Les élections générales uruguayennes de 1971 se déroulèrent dans un contexte de crise économique, sociale et politique qui affectait l'Uruguay, culminant un an et demi plus tard dans le coup d'État de juin 1973. Outre les deux partis traditionnels, le Parti colorado et le Parti blanco, une coalition de gauche, le Front large, s'était formée, avec comme candidat à la présidence le général Líber Seregni, qui avait démissionné en 1969 de l'armée en protestation contre l'autoritarisme du président Jorge Pacheco Areco.

La présidentielle, entachée de fraudes multiples, fut remportée le par Juan María Bordaberry (colorado), avec 40,3 % des voix contre 40,1 % pour le candidat blanco, Wilson Ferreira Aldunate, tandis que le Front large (coalition de gauche tout juste créée) remporte 18,6 % des voix. 1 878 132 électeurs étaient appelés à se prononcer, la participation s'élevant à 88,6 % (1 664 119), le vote étant obligatoire depuis la réforme constitutionnelle de 1996 (es).

D'autre part, en nombre absolu de voix, Wilson Ferreira avait obtenu plus de voix que Bordaberry (près de 440 000 contre environ 380 000). Cependant, en raison de la ley de lemas régissant le système électoral uruguayen, Bordaberry gagnait: en effet, cette forme de scrutin majoritaire à un seul tour conduit à additionner les suffrages obtenus par les différentes listes (apparentées) d'un parti et à accorder la victoire au parti ayant obtenu le plus de voix; au sein de ce parti, c'est la liste ayant obtenu le plus de voix par rapport aux autres de son parti qui remporte l'élection présidentielle.

En d'autres termes, en réunissant toutes les listes de chaque parti, le Parti colorado avait obtenu plus de voix que le Parti blanco (681 624 contre 668 822), mais la liste de Wilson Ferreira (« wilsoniste ») avait, de façon isolée, remporté plus de voix que celle de Bordaberry.

Concernant les parlementaires, la ley de lemas instituait une sorte de scrutin proportionnel plurinominal (plusieurs postes sont à pourvoir, contrairement à la présidentielle). Sur un total de trente sénateurs, le Parti colorado en obtint ainsi treize ; les Blancos douze, et le Front large cinq. Et sur 99 députés, les Colorados en eurent 41, les Blancos 40, et le Front large 18. Malgré la défaite de la coalition de gauche, c'était la première fois que la gauche uruguayenne obtenait un tel succès.

Les candidatures « colorada » : Bordaberry et les autres[modifier | modifier le code]

Au sein du Parti colorado, l'Union nationale réélectionniste (es), qui milite pour une réforme constitutionnelle afin de permettre à Pacheco Areco de briguer un second mandat, présente néanmoins Juan María Bordaberry comme candidat présidentiel, flanqué de Jorge Sapelli comme colistier, aux élections de novembre 1971, au cas où la réforme constitutionnelle serait rejetée.

D'autres tendances « coloradas » présentent des candidats, dont notamment Jorge Batlle, avec comme colistier Renán Rodríguez, et Amílcar Vasconcellos, avec comme colistier Manuel Flores Mora. La liste 15 de Batlle avait en général appuyé le gouvernement de Pacheco, tandis que la liste minoritaire de Vasconcellos et Flores Mora était plus centriste, ces derniers ayant refusé de quitter le Parti colorado comme l'avait fait Zelmar Michelini, qui s'était intégré au Front large.

Les candidatures « blanca » : Wilson Ferreira et les autres[modifier | modifier le code]

Le Parti blanco présente lui aussi plusieurs listes électorales, avec Wilson Ferreira Aldunate sur la liste Pour la patrie, qui devient la première tendance du parti. Ferreira proposait un programme réformiste important. La candidature rivale la plus importante est celle du militaire d'extrême-droite Mario Aguerrondo, accompagné de Alberto Héber Usher, président du Conseil national du gouvernement en 1966-67.

La campagne électorale[modifier | modifier le code]

La campagne électorale est marquée par la crise économique et sociale, ainsi qu'un affrontement politique important, avec notamment l'activité de la guérilla des Tupamaros, qui ont toutefois baissé le ton lors de la campagne dans le cadre de leur « soutien critique » au Front large, matérialisé notamment par la création du Mouvement du 26 mars, tandis que les escadrons de la mort organisent des attentats, tentant notamment d'assassiner le candidat du Front, le général Líber Seregni. Le Front large, qui présentait un programme similaire à celui de l'Unité populaire chilienne, ayant mené Salvador Allende à la victoire, réunissait du Parti communiste (PCU) au Parti démocrate chrétien (PDC), en passant par des dissidents des partis traditionnels, dont la liste 99 (Pour le gouvernement du peuple) de Zelmar Michelini (assassiné en 1976), et des groupes plus radicaux (Mouvement révolutionnaire oriental, etc.).

Le , quelques jours avant l'élection, l'agent de la CIA Philip Agee, qui avait travaillé de 1964 à 1966 en Uruguay, envoie une lettre à l'hebdomadaire Marcha, publiée le sous le titre « La CIA en Uruguay », rendant publique sa démission de l'agence [1]. Cette lettre avait pour objectif d'alerter l'opinion publique sur de possibles manipulations électorales et politiques de l'agence américaine contre le Front large[1].

Le plébiscite constitutionnel[modifier | modifier le code]

Les électeurs eurent aussi à se prononcer sur un référendum-plébiscite visant à réformer la Constitution afin de permettre la réélection immédiate de Jorge Pacheco Areco. Pour être réussi, ce plébiscite qui aurait immédiatement reconduit à la présidence Areco - annulant de ce fait l'élection présidentielle tenue au même moment -, il devait réunir la majorité des suffrages, supérieure à 35 % des électeurs de droit, ce qui équivalait à 832 060 suffrages. De fait, seul le secteur « pachéquiste » à l'intérieur du Parti colorado, qui présentait par ailleurs la candidature de Bordaberry en cas d'échec de ce plébiscite, était logiquement amené à voter « OUI » à ce plébiscite. Avec 491 680 suffrages, soit 29,55 % des électeurs « de jure », cette option fut rejetée.

Victoire de Bordaberry dans un contexte de fraudes[modifier | modifier le code]

Bordaberry est élu président avec 40,3 % des voix contre 40,1 % pour le candidat blanco, Wilson Ferreira Aldunate, tandis que le Front large (coalition de gauche tout juste créée) remporte 18,6 % des voix. Les élections sont néanmoins entachées de fraudes nombreuses, organisées notamment à l'instigation de la junte militaire brésilienne, dirigée par le général Emílio Garrastazu Médici, avec le soutien passif de Richard Nixon, président des États-Unis, qui veut en effet éviter une version uruguayenne de la victoire de l'Unité populaire chilienne[2]. Wilson Ferreira déclara alors qu'on lui avait « volé sa victoire » [3], tandis que la Cour électorale, qui valida l'élection en , fut qualifiée de « comité public du Parti colorado ».

Le Parti colorado avait cependant perdu du poids par rapport aux élections précédentes, ce qui l'obligea à pactiser avec les « blancos ». Les Tupamaros rompirent la trêve observée pour les élections le (Déclaration de Paysandú). Dans les années suivantes, l'autoritarisme et l'intervention de l'armée augmentèrent rapidement, culminant dans le coup d'État de juin 1973.

Tableau du résultat des élections[modifier | modifier le code]

Parti Candidats Votes Pourcentage des suffrages
au sein du parti
Pourcentage des suffrages
sur l'ensemble des électeurs
Parti Colorado Juan María Bordaberry - Jorge Sapelli 379 515 55,68 % 22,81 %
Jorge Batlle - Renán Rodríguez 242 804 35,62 % 14,59 %
Amílcar Vasconcellos - Manuel Flores Mora 48 844 7,17 % 2,94 %
Juan Luis Pintos - Torielli 5 402 0,79 % 0,32 %
Juan Pedro Ribas - Gorlero 4 025 0,59 % 0,24 %
Al lema 1 034 0,15 % 0,06 %
Total 681 624 100 % 40,96 %
Parti blanco Wilson Ferreira Aldunate - Carlos Julio Pereyra 439 649 65,73 % 26,42 %
Mario Aguerrondo - Alberto Héber Usher 228 569 34,17 % 13,74 %
Fadol - Arias 35 00,01 % 0 %
Al lema 569 00,09 % 00,03 %
Total 668 822 100 % 40,19 %
Parti démocrate chrétien-Front large[4] Líber Seregni - Juan José Crottogini 304 275 100 % 18,28 %
Union radicale chrétienne Daniel Pérez del Castillo - Saralegui 8 844 100 % 00,53 %
Partido de los Jubilados y Pensionistas [5] Vázquez - Rodríguez 288 100 % 00,02 %
Movimiento Justiciero [6] Espínola - Álvarez Varela 241 100 % 00,01 %
Partido Juventud por el Desarrollo Oriental[7] Suárez - Irujo de Grendene 25 100 % 0 %

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Clara Aldrighi, L'antenne de Montevideo de la CIA, Brecha, 25 novembre 2005 (article traduit par El Correo, version originale disponible). L'historienne Clara Aldrighi est notamment l'auteur de trois tomes sur L’intervention des États-Unis en Uruguay (1965-1973).
  2. NIXON: "BRAZIL HELPED RIG THE URUGUAYAN ELECTIONS, " 1971, National Security Archive Electronic Briefing Book no 71, 20 juin 2002.
  3. El fraude de 1971. Respuesta a Sanguinetti, La Republica, 25 septembre 2007
  4. En raison des restrictions successives apportées à la ley de lemas, la coalition du Front large devait concourir sur la lema du Parti démocrate chrétien pour bénéficier des avantages afférents aux partis politiques institués. Voir l'encadré sur la ley de lemas de Gerardo Caetano, Uruguay, la tradición innovada, Le Monde diplomatique édition du Cône sud, no 1, janvier 1999.
  5. Parti des retraités
  6. Mouvement justicier
  7. Parti jeune pour le développement oriental. L'Uruguay s'appelle officiellement république orientale de l'Uruguay.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]