« Carlos Castillo Armas » : différence entre les versions

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
ArtyElAnanas (discuter | contributions)
mAucun résumé des modifications
Pautard (discuter | contributions)
m finalement
 
(16 versions intermédiaires par 8 utilisateurs non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
{{Voir homonymes|Armas}}
{{Voir homonymes|Armas}}{{À sourcer|date=septembre 2023}}{{Infobox Politicien
| charte = Chef d'État
{{Infobox Politicien
| charte = Chef d'État
| nom = Carlos Castillo Armas
| nom = Carlos Castillo Armas
| image = Carlos Castillo Armas (LOC 98512008, low-res).jpg
| image = Carlos Castillo Armas (LOC 98512008, low-res).jpg
| légende = Carlos Castillo Armas arborant fièrement une [[moustache en brosse à dents]] qui n'est pas sans rappeler celle d'[[Adolf Hitler]].
| fonction1 = [[Liste des présidents du Guatemala|Président de la république du Guatemala]]
| légende = Carlos Castillo Armas arborant fièrement une [[moustache en brosse à dents]] qui n'est pas sans rappeler celle d'[[Adolf Hitler]]
| à partir du fonction1 = {{date|1|septembre|1954}}
| fonction1 = {{27e}} [[Liste des présidents du Guatemala|président de la République du Guatemala]]
| à partir du fonction1 = {{date|1|septembre|1954}}
| jusqu'au fonction1 = {{date|26|juillet|1957}}<br /><small>({{durée|1|9|1954|26|7|1957}})</small>
| vice-président 1 = Miguel Ortiz Passarelli<br />[[Luis Arturo González López]]
| jusqu'au fonction1 = {{date|26|juillet|1957}}<br /><small>({{durée|1|9|1954|26|7|1957}})</small>
| vice-président 1 = Miguel Ortiz Passarelli<br />[[Luis Arturo González López]]
| prédécesseur 1 = [[Elfego Hernán Monzón Aguirre]]
| prédécesseur 1 = [[Elfego Hernán Monzón Aguirre]]
| successeur 1 = [[Luis Arturo González López]]
| nom de naissance =
| successeur 1 = [[Luis Arturo González López]]
| nom de naissance =
| date de naissance = {{date|4|novembre|1914}}
| date de naissance = {{date|4|novembre|1914}}
| lieu de naissance = [[Santa Lucía Cotzumalguapa]]
| lieu de naissance = [[Santa Lucía Cotzumalguapa]]
| date de décès = {{date de décès|26|juillet|1957|âge=oui|4|11|1914}}
| date de décès = {{date de décès|26|juillet|1957|âge=oui|4|11|1914}}
| lieu de décès = [[Guatemala (ville)|Guatemala]]
| lieu de décès = [[Guatemala (ville)|Guatemala]]
| nature du décès =
| nature du décès =
| sépulture =
| sépulture =
| nationalité = [[Guatemala|Guatémaltèque]]
| nationalité = {{drapeau|Guatemala}} [[Guatemala|Guatémaltèque]]
| parti = [[Mouvement de libération nationale (Guatemala)|Mouvement de libération nationale]]
| parti =
| père =
| père =
| mère =
| mère =
| fratrie =
| conjoint = {{mariage|{{lien|langue=en|trad=Odilia Palomo Paíz|fr=Odilia Palomo Paíz}}|1933|1954}}
| fratrie =
| conjoint =
| enfants =
| enfants =
| entourage =
| université = {{Lien|langue=es|trad=Escuela Politécnica (Guatemala)|fr=École polytechnique (Guatemala)|texte=École polytechnique}}
| entourage =
| université =
| profession = [[Militaire]]
| profession =
| religion = [[Catholicisme]]
| religion =
| résidence =
| résidence =
| signature = Castillo Armas Signature.png
| signature =
| emblème = Coat of arms of Guatemala.svg
| emblème = Coat of arms of Guatemala.svg
| liste = [[Liste des présidents du Guatemala|Présidents de la république du Guatemala]]
| liste = [[Liste des présidents du Guatemala|Présidents de la République du Guatemala]]
}}
}}
'''Carlos Castillo Armas''', né le {{date de naissance|4|novembre|1914}} à [[Santa Lucía Cotzumalguapa]] ([[Guatemala]]) et mort le {{date de décès|26|juillet|1957}} à [[Guatemala (ville)|Guatemala]], est un [[militaire]] et [[homme d'État]] [[Guatemala|guatémaltèque]], [[Liste des présidents du Guatemala|président de la République du Guatemala]] de [[1954]] à [[1957]], année de son [[assassinat]].
'''Carlos Castillo Armas''', né le {{date de naissance|4|novembre|1914}} à [[Santa Lucía Cotzumalguapa]] ([[Département d'Escuintla|Escuintla]]) et mort le {{date de décès|26|juillet|1957}} à [[Guatemala (ville)|Guatemala]] ([[Département de Guatemala|Guatemala]]), est un [[militaire]] et [[homme d'État]] [[Guatemala|guatémaltèque]], [[Président de la république du Guatemala|président de la république]] de [[1954]] à [[1957]], année de son [[assassinat]].


À l'aube du [[Coup d'État de 1954 au Guatemala|coup d'État de 1954]], il est choisi par la [[Central Intelligence Agency|CIA]] afin de diriger le [[Mouvement de libération nationale (Guatemala)|Mouvement de libération nationale]], une [[coalition politique]] d'[[extrême droite]] regroupant des [[Personnalité politique|politiciens municipaux]], des [[Bureaucratie|bureaucrates]], des [[Caféiculture|planteurs de café]] et des [[Militaire|militaires]] ayant tous pour point commun d'être opposés aux réformes agraires de la {{Lien|langue=en|trad=Guatemalan Revolution|fr=Révolution guatémaltèque}}. Son régime [[Autoritarisme|autoritaire]] mis en place par les [[États-Unis]] est étroitement lié à ces derniers.
Son régime [[Autoritarisme|autoritaire]] mis en place par les [[États-Unis]] lors du [[Coup d'État de 1954 au Guatemala|coup d'État de 1954]] était étroitement lié à ces derniers.


== Biographie ==
== Biographie ==


=== Carrière et coup d'État ===
=== Carrière et coup d'État ===
Castillo Armas fait ses études militaires à l'académie militaire du Guatemala, il devient un protégé du colonel Francisco Javier Arana. Castillo Armas et Arana sont alors des opposants au gouvernement de [[Juan José Arévalo]] ; après le coup d'État manqué d'Arana en 1949, Castillo Armas s'exile au [[Honduras]].
Originaire de [[Santa Lucía Cotzumalguapa]] dans l'[[Département d'Escuintla|Escuintla]], Carlos Castillo Armas fait ses études militaires à l'{{Lien|langue=es|trad=Escuela Politécnica (Guatemala)|fr=École polytechnique (Guatemala)|texte=académie militaire du Guatemala}}, il devient un protégé du colonel {{Lien|langue=en|trad=Francisco Javier Arana|fr=Francisco Javier Arana}}. Après être devenu [[colonel]], il devient directeur de l'académie militaire en 1947<ref name=":0">{{Lien web |langue=en |auteur=Roland H. Ebel |titre=Castillo Armas, Carlos (1914–1957) |url=https://www.encyclopedia.com/humanities/encyclopedias-almanacs-transcripts-and-maps/castillo-armas-carlos-1914-1957 |site=encyclopedia.com |consulté le=2023-10-07}}</ref>. Castillo Armas et Arana sont des opposants au gouvernement de [[Juan José Arévalo]] ; après le coup d'État manqué d'Arana en 1949, Castillo Armas s'exile au [[Honduras]]<ref name=":2">{{Lien web |langue=en |auteur=Encyclopaedia Britannica |titre=Guatemala - Postcolonial, Civil War, Reforms {{!}} Britannica |url=https://www.britannica.com/place/Guatemala/The-postcolonial-period |site=britannica.com |consulté le=2023-10-18}}</ref>{{,}}<ref name=":3">{{Lien web |langue=en |auteur=United Fruit Historical Society |titre=United Fruit Company - Carlos Castillo |url=https://www.unitedfruit.org/castillo.htm |site=unitedfruit.org |date=2001 |consulté le=2023-10-18}}</ref>.


L'[[Coup d'État de 1954 au Guatemala|opération PBSUCCESS]] organisée par la [[Central Intelligence Agency|CIA]] le place à la tête d'une petite armée de rebelles qui lance son offensive contre le gouvernement de [[Jacobo Árbenz Guzmán|Jacobo Arbenz Guzman]] le {{date|18 juin 1954}}. Mais l'échec des rebelles est rapide : trop lents et non soutenus par la population, ils sont mis en déroute. Seulement, la peur d'une intervention directe des États-Unis, conduit à la démission du président Arbenz le 27 juin.
Désireuse de voir le gouvernement apparemment [[Communisme|communiste]] de [[Jacobo Árbenz Guzmán]] tomber, la [[Central Intelligence Agency]] (CIA), sous les commandes du [[Gouvernement fédéral des États-Unis|gouvernement des États-Unis]], lance l'[[Coup d'État de 1954 au Guatemala|opération PBSUCCESS]] qui place Castillo Armas à la tête d'une petite armée de rebelles chargée de renverser le gouvernement en place<ref name=":3" />{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=History.com Editors |titre=Colonel Castillo Armas takes power in Guatemala {{!}} July 8, 1954 |url=https://www.history.com/this-day-in-history/colonel-castillo-armas-takes-power-in-guatemala |site=history.com |éditeur=A&E Television Networks |date=2009-11-13 |consulté le=2023-10-18}}</ref>. Lancée le {{date|18 juin 1954}}, l'offensive des rebelles se solde rapidement par un échec : trop lents et non soutenus par la population, ils sont mis en déroute. Seulement, la peur d'une intervention directe des [[États-Unis]] conduit à la démission du président Árbenz le 27 juin<ref name=":1">{{Lien web |langue=fr |auteur=Université de Sherbrooke - Perspective Monde |titre=Assassinat du président du Guatemala Carlos Castillo Armas |url=https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/1558 |site=perspective.usherbrooke.ca |consulté le=2023-10-07}}</ref>.


=== Élection et présidence ===
=== Prise du pouvoir ===
Lorsque les militaires s'emparent du pouvoir, la [[Constitution du Guatemala|Constitution de 1945]] est rapidement brisée, tout comme le pacte de transition du commandement conclu entre Jacobo Árbenz Guzmán et le chef de l'[[Forces armées du Guatemala|armée guatémaltèque]] [[Carlos Enrique Díaz de León]], qui ne dirige le pays que durant une journée. Il est rapidement remplacé par une deuxième [[Dictature militaire|junte militaire]] dirigée par [[Elfego Hernán Monzón Aguirre]].
Une série de juntes militaires ont brièvement dirigé le pays jusqu'à ce que Castillo Armas prenne la tête du pouvoir. Il le consolide en octobre 1954 lors d'une élection dans laquelle il était le seul candidat, les autres partis ayant été écartés. Il gagne alors officiellement 99% des suffrages. Son parti, le {{Lang|es|Movimiento de Liberacion Nacional}} (MLN), est une coalition de politiciens municipaux, de bureaucrates, de planteurs de café et de militaires : tous opposés aux réformes agraires de la révolution guatémaltèque.


Pendant ce temps, Carlos Castillo Armas se trouve au [[Salvador]] et espère entrer triomphalement au pays. Cette entrée triomphale de l'Armée de libération dans la capitale constitue d'ailleurs le point de rupture entre le dirigeant du MLN et la nouvelle junte gouvernementale, dirigée par Elfego Monzón. Ce dernier, bien qu'également un fervent [[Anticommunisme|anticommuniste]] avait maintenu une certaine loyauté pour l'institution militaire. Le [[diplomate]] américain [[John Emil Peurifoy|John Peurifoy]] se rend donc à [[San Salvador (Salvador)|San Salvador]] pour rencontrer le chef rebelle Castillo Armas, qui manifeste sa volonté d'être investi de larges pouvoirs personnalisés lors de son retour au pays.
Inquiet de ne pas avoir le soutien de la population, Castillo Armas tente de faire emprisonner les dissidents et les qualifie de communistes. Il crée un comité de défense contre le communisme, doté de forts pouvoirs d'arrestation, de détention et d'expulsion. Un adulte sur 10 figure alors sur la liste des communistes présumés de ce comité. Tous les partis politiques, syndicats et organisations paysannes sont interdits. Le chef des forces de sécurité, José Bernabé Linares, était le chef de la police secrète du dictateur [[Jorge Ubico Castañeda|Jorge Ubico]], président du pays de 1931 à 1944. Il avait la réputation de torturer ses prisonniers avec des bains d'électrochocs et était très impopulaire. Le régime s'apparente alors à une [[dictature]].


Il est finalement convenu que Castillo Armas puisse assumer la présidence de manière intérimaire<ref name=":3" /> et reçoive un cabinet gouvernemental composé d'[[Avocat (métier)|avocats]], d'[[Personnalité du monde des affaires|hommes d'affaires]] et de [[Militaire|militaires]]. Son autorité et celle du MLN seront reconnues implicitement par la junte gouvernementale en place, pour autant qu'il s'engage à combattre à mort le [[communisme]]. Victorieux, le {{date|03 07 1954}}, il est reçu à [[Guatemala (ville)|Guatemala]] à la tête de l'Armée de libération avec les honneurs qu'il avait lui-même revendiqués.
Castillo Armas a également supprimé le droit de vote de tous les analphabètes, qui constituaient les deux tiers de la population du pays, et a annulé la constitution de 1945. Ce changement dans le corps électoral l'aida grandement pour les élections en évinçant la plupart des paysans du vote.


Le {{date|10 10 1954}}, Castillo Armas consolide son pouvoir lors d'un [[plébiscite]] dans laquelle il est le seul candidat, les autres partis ayant été écartés. Il gagne alors officiellement 99 % des suffrages<ref name=":0" />{{,}}<ref name=":3" />.
=== Suppression de la réforme agraire ===
La réforme agraire instaurée par [[Jacobo Árbenz Guzmán]] (décret 900) est abrogée sous prétexte d'inconstitutionnalité. La compagnie américaine [[United Fruit Company]] récupère alors non seulement les terres dont elle avait été expropriée mais également des dizaines de milliers d'hectares de terres en friche qui avaient été distribués aux paysans<ref>{{Article|langue=|auteur1=|prénom1=Pierre|nom1=Kalfon|titre=Ernesto Guevara, une légende du siècle|périodique=Points|volume=|numéro=|date=2007|issn=|doi=|lire en ligne=|consulté le=2019-02-05|pages=147}}</ref>. Des milliers de paysans qui tentaient de rester sur les terres qu’ils avaient reçues d’Arbenz furent arrêtés par la police guatémaltèque. Certains paysans ont été arrêtés sous prétexte qu'ils étaient communistes, bien que très peu d'entre eux l'aient été. Les décrets de Castillo Armas autorisaient les propriétaires fonciers à demander la restitution des terres saisies "illégalement" après ces arrestations.


=== Présidence ===
Le [[Parti guatémaltèque du travail]] commença à se rétablir dans la clandestinité et s'imposa dans l'opposition malgré l'[[anticommunisme]] du régime.
Inquiet de ne pas avoir le soutien de la population, Castillo Armas tente de faire emprisonner les dissidents et les qualifie de [[Communisme|communistes]]. Alors que les [[États-Unis]] sortent tout juste du [[maccarthysme]], le Guatemala tombe dedans : Castillo Armas crée un comité de défense contre le communisme, doté de forts pouvoirs d'[[arrestation]], de détention et d'expulsion, 10 % de la population adulte figure sur la liste des communistes présumés de ce comité. Les premières actions du gouvernement de Castillo Armas sont notamment l'interdiction et la persécution de tous les [[Parti politique|partis politiques]] de [[Gauche (politique)|gauche]] – notamment le [[Parti guatémaltèque du travail]] –, [[Syndicat|syndicats]], organisations paysannes et associations de gauche<ref name=":2" />. Il suspend également les programmes favorables aux peuples indigènes et à la [[classe ouvrière]], impose une censure sévère et dissous le Congrès. Plusieurs intellectuels de gauche, [[Violence politique|persécutés par le gouvernement]], sont contraints de se réfugier à l'ambassade du Mexique avant de s'exiler, y compris le président déchu [[Jacobo Árbenz Guzmán|Árbenz Guzmán]]<ref name=":3" />.


Castillo Armas ordonne également que les fonds du ministère de l'Éducation soient gelés et tous les livres considérés « communistes » interdits. Des hostilités commencent même contre l'[[Université de San Carlos (Guatemala)|Université de San Carlos]], qui devient la principale force d'opposition et un moyen de dénoncer les abus du gouvernement et l'invasion [[États-Unis|américaine]].
Le {{date-|26 juillet 1957}}, Castillo Armas fut abattu par un sympathisant de [[Gauche (politique)|gauche]] dans l'enceinte du {{Lien|langue=en|trad=National Palace (Guatemala)|fr=Palais national (Guatemala)|texte=palais présidentiel}}. Le tireur, Romeo Vásquez Sánchez, âgé de 24 ans, était un membre de la garde présidentielle originaire de [[Mazatenango]]. Il se [[Suicider|suicida]] quelques minutes après son acte et on ne sait toujours pas s'il a agit de son propre chef ou s'il faisait partie d'une conspiration plus vaste.


Aussi, le gouvernement nomme comme chef des forces de sécurité, José Bernabé Linares, soit le chef de la [[Police politique|police secrète]] à l'époque du dictateur [[Jorge Ubico Castañeda|Jorge Ubico]], président du pays de 1931 à 1944. Il avait la réputation de torturer ses prisonniers avec des bains d'électrochocs et était très impopulaire. Les apparences du régime avec une [[dictature]] sont de plus en plus évidentes.
;Surnom

Il portait le surnom péjoratif de ''Cara de hacha'' (''Face de hache'').
Au niveau politique, Castillo Armas abroge la Constitution de 1945 et la loi de [[réforme agraire]]<ref name=":2" />, annulant ainsi la distribution des terres aux paysans pour restituer toutes les terres déjà distribuées aux propriétaires fonciers du pays et à l'[[United Fruit Company]] (UFCO). Il supprime également le droit de vote de tous les [[Analphabétisme|analphabètes]]<ref>{{Lien web |langue=fr |auteur=Aujourd'hui l'histoire |titre=Coup d’État de 1954 au Guatemala : une opération téléguidée par la CIA |url=https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/aujourd-hui-l-histoire/segments/entrevue/53273/coup-d-etat-1954-guatemala-cia-united-fruit-company-mylene-desautels |site=ici.radio-canada.ca |date=2018-01-10 |consulté le=2023-10-18}}</ref>, qui constituent les deux tiers de la population du pays. Ce changement dans le corps électoral l'aide grandement pour les élections en évinçant la plupart des paysans du vote<ref name=":1" />.

Lorsque son gouvernement accepte de fusionner l'[[Armées nationales|armée nationale]] avec l'Armée de libération, l'institution armée s'indigne, accusée par la société civile d'être « traître » et « lâche ». En conséquence, à l'aube du {{date|02 08 1954}}, la Compagnie des Cadets gentils de l'[[École Polytechnique (Guatemala)|École militaire guatémaltèque]] se révolte contre le gouvernement afin de récupérer la dignité de l'institution.

==== Le soulèvement du 2 août 1954 ====
Ce soulèvement constitue le premier problème politique d'une telle ampleur rencontré par le gouvernement de Castillo Armas. Après avoir marché triomphalement pour célébrer la victoire, les troupes du Mouvement de libération<ref group="Note">Constituées en majeure partie de mercenaires de la CIA qui se font passer pour des fermiers et des agriculteurs de l'est du Guatemala.</ref> parcourent les rues principales de la ville de Guatemala, remettent leurs armes et vont dormir dans un hôpital en construction où ils sont cantonnés.

Insultés par les [[Mercenaire|mercenaires]] du MLN lors de l'accueil de Castillo Armas à l'aéroport de La Aurora prennent les armes et profitent de l'obscurité pour les attaquer, les faire marcher les mains levées et les faire monter dans un train où ils sont renvoyés dans l'est du pays, vers [[Zacapa]]. Ils démontrent ainsi la faiblesse de l’Armée de libération et la passivité de l'armée régulière lors de l’invasion. Averti de la situation, le colonel Castillo Armas arrive à Guatemala puis est capturé au Palais national.

Bien que restés maîtres de la situation, les cadets se voient contraints de déposer les armes et de libérer Castillo Armas après une rencontre avec l'[[archevêque]] du Guatemala Mariano Rossell y Arellano et l'ambassadeur américain [[John Emil Peurifoy|John Peurifoy]] où ce dernier indique qu'aucun soulèvement ne serait toléré et que s'ils persistaient dans leurs intentions, il ordonnerait à la [[United States Navy|marine américaine]] de procéder à une [[Invasion (action militaire)|invasion]] du Guatemala.

Ce soulèvement fait, finalement, de nombreux morts et blessés dans chaque camp puis entraîne la fermeture temporaire de l'École militaire. Un nombre notable de cadets sont envoyés étudier à l'étranger, bénéficiant de [[Bourse d'études|bourses]] pour poursuivre leurs études dans d'autres domaines que militaires. Le campus d'études militaires est finalement rouvert en 1955, sous la direction du colonel [[Carlos Manuel Arana Osorio|Carlos Arana Osorio]].

==== Suppression de la réforme agraire ====
La [[réforme agraire]] instaurée par [[Jacobo Árbenz Guzmán]] (décret 900) est abrogée sous prétexte d'[[inconstitutionnalité]]<ref name=":1" />. Le {{date|19 07 1954}}, l'État récupère les terres des fermes nationales qui avaient été distribuées et le 26 du même mois, il annule le décret 900 en le remplaçant par un nouveau statut agraire. À cette occasion, la propriété de 78 % des parcelles est révoquée afin de les restituer à leurs anciens propriétaires. La compagnie américaine [[United Fruit Company]] en bénéficie et récupère non seulement les terres dont elle avait été [[Expropriation|expropriée]] mais également des dizaines de milliers d'hectares de terres en friche qui avaient été distribués aux paysans<ref>{{Article|langue=|auteur1=|prénom1=Pierre|nom1=Kalfon|titre=Ernesto Guevara, une légende du siècle|périodique=Points|volume=|numéro=|date=2007|issn=|doi=|lire en ligne=|consulté le=2019-02-05|pages=147}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=fr |auteur=Université de Sherbrooke - Perspective Monde |titre=Renversement du président Jacobo Arbenz au Guatemala |url=https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/357&langue=fr |site=perspective.usherbrooke.ca |consulté le=2023-10-07}}</ref>.

Dans les [[Département du Guatemala|départements]] les plus touchés, comme [[Département d'Alta Verapaz|Alta Verapaz]], [[Département d'Escuintla|Escuintla]], [[Département d'Izabal|Izabal]], [[Département de Baja Verapaz|Baja Verapaz]], [[Département de Chimaltenango|Chimaltenango]], [[Département de San Marcos|San Marcos]] et une partie de [[Département du Quiché|Quiché]], des actes de violence systématiques sont recensés, comme des expulsions et des cas de persécution de paysans agraires. Plusieurs des milliers de paysans qui tentent de rester sur les terres qu’ils ont reçues d’Árbenz sont arrêtés par la police. Dans la conception du nouveau régime, la réforme agraire est synonyme de [[communisme]] et les bénéficiaires de la loi sont considérés communistes, permettant ainsi l'arrestation de nombre d'entre eux, malgré l'absence de preuve à cet effet. Les décrets de Castillo Armas autorisent par ailleurs les propriétaires fonciers à demander la restitution des terres saisies « illégalement » après ces arrestations.

Les paysans se souviennent également que c'est à partir de ce moment qu'est réactivé l'ancien modèle de colonie [[Féodalité|féodale]], imposé à l'époque de [[Justo Rufino Barrios]] avec sa réglementation sur les journaliers et perfectionné sous le gouvernement de [[Jorge Ubico Castañeda|Jorge Ubico]] avec ses lois garantissant la disponibilité d'une main-d'œuvre presque gratuite pour les [[Caféière|plantations de café]].

Quant à lui, le [[Parti guatémaltèque du travail]] commence à s'établir dans la clandestinité et s'impose dans l'opposition malgré l'[[anticommunisme]] du régime.

==== Gestion des autres réformes antérieures ====
Le gouvernement d'[[Jacobo Árbenz Guzmán|Árbenz Guzmán]] laisse en héritage d'autres réformes qui, elles, ne seront pas annulées par le gouvernement de Castillo Armas, soit :

* La construction d'une route vers l'[[Océan Atlantique|Atlantique]], prévue pour concurrencer le monopole ferroviaire des Chemins de fer internationaux d'Amérique centrale, une filiale de l'[[United Fruit Company|UFCO]].
* La construction du port de [[Santo Tomás de Castilla]], prévue pour concurrencer le monopole du port de [[Puerto Barrios]], également propriété de l'UFCO.
* La planification de la [[Énergie hydroélectrique|centrale hydroélectrique]] Jurún Marinalá, prévue pour concurrencer la Compagnie électrique de l'époque, qui appartient également à des [[Capital|capitaux]] nord-américains.

Castillo Armas a dû terminer la route vers l'[[Océan Atlantique|Atlantique]] vu l'importance qu'elle représentait pour l'économie du pays. Une fois la route terminée en 1959, le souhait d'Árbenz se réalise : le chemin de fer de l'UFCO faillit à concurrencer le transport par camion. Castillo Armas poursuit également les travaux de planification du port de Santo Tomás et de la centrale hydroélectrique Jurún Marinalá, qui est achevée et inaugurée en 1970. Le port n'est construit qu'après le [[Séisme de 1976 au Guatemala|tremblement de terre de 1976]], mais à ce moment-là, l'UFCO et sa successeure, [[Chiquita Brands International]], ont déjà perdu beaucoup de leur pouvoir et influence sur le [[Gouvernement fédéral des États-Unis|gouvernement des États-Unis]].

==== Administration de la justice ====
Dès son arrivée au pouvoir, le régime de Castillo Armas nomme une nouvelle Cour suprême de justice et a entamé une période de persécution politique intense contre les dirigeants communistes, les intellectuels et les suspects de tout acabit. Les droits acquis lors de la révolution de 1944 sont annulés. L'ensemble des lois [[Anticommunisme|anticommunistes]] est complété plus tard, lorsque l'article 6 transitoire de la Constitution de 1956 autorise le chef de l'Exécutif à [[Expatrié|expatrier]] ou à empêcher l'entrée au pays, pendant cinq ans, des communistes qui ont demandé l'[[Droit d'asile|asile]] ou qui s'étaient [[Exil|exilés]] du Guatemala pour des raisons politiques.

==== Instauration du maccarthysme ====
Une fois au pouvoir, le gouvernement libérationniste tente d'obtenir avec hâte la documentation inhérente à d'éventuelles instructions spéciales qui auraient été accordées au cours des « deux gouvernements précédents » afin de faciliter les déplacements des hommes politiques et des communistes, ceci visant à se conformer aux requêtes américaines de prouver rapidement que le régime renversé était communiste. La [[Central Intelligence Agency|CIA]] cherche alors à tout prix à documenter et dénoncer la « conspiration communiste » au Guatemala. Elle y envoie par ailleurs plusieurs de ses agents afin de former une force de sécurité locale appliquant les principes et pratiques du [[maccarthysme]], déjà utilisées aux États-Unis<ref name="fortuny">{{Lien web |langue=es |auteur=Roberto García Ferreira |titre=José Manuel Fortuny: un comunista clandestino en Montevideo |url=http://www.laondadigital.info/laonda/laonda/503/A4.htm |site=La onda digital |consulté le=12 août 2014 |archive-url=https://web.archive.org/web/20140813160215/http://www.laondadigital.info/laonda/laonda/503/A4.htm |archive-date=13 août 2014}}</ref>.

Alors que les principaux dirigeants du gouvernement d'Árbenz s'exilaient, la CIA, préoccupée par le danger que pouvaient représenter ces exilés dispersés sur le continent, fait appel à des diplomates libérationnistes qui s'assuraient de la tenir informée de tout développement les concernant. Leurs fonctions sont facilitées à la fois par les liens étroits avec les [[Service de renseignement|services de renseignement]] locaux ainsi que par les sommes d’argent discrètement investies dans les journalistes qui diffusent des « nouvelles » visant à faire l’éloge du nouveau régime guatémaltèque<ref name="fortuny" />.

D'autres secteurs sont également persécutés, notamment ceux composés par les sympathisants et collaborateurs du gouvernement précédent. Nombre de mesures sont prises à leur égard :

* Décret 5 : confiscation des avoirs et gel des comptes bancaires et des dépôts attribués à l'État.
* Décret 27 : suspension des rangs des enseignants et habilitation des gouverneurs départementaux de procéder à leur nomination et révocation, ceci entraînant entre août 1954 et avril 1955, le licenciement de 2 236 enseignants.
* Décret 48 : dissolution des organisations politiques, syndicales et culturelles accusées de liens avec le communisme, après quoi le [[Parti guatémaltèque du travail]] a été déclaré illégal, le 28 juin de la même année.
* D'autres agences d'État sont également visées : fin 1954, quelque 15 000 travailleurs de la Direction des travaux publics et de la Direction générale des routes subissent le même sort en raison de leur adhésion au syndicat.
* Il est estimé que 533 organisations syndicales ont été fermées et que leur nombre d'adhérents est passé de 100 000, avant 1954, à 27 000 personnes.

=== Assassinat ===
Le {{date-|26 juillet 1957}}, Castillo Armas est abattu par l'un des membres de sa garde présidentielle dans l'enceinte du {{Lien|langue=en|trad=National Palace (Guatemala)|fr=Palais national (Guatemala)|texte=palais présidentiel}}. Le tireur, Romeo Vásquez Sánchez, âgé de 24 ans, est un présumé sympathisant de [[Gauche (politique)|gauche]] originaire de [[Mazatenango]]. Il se [[suicide]] quelques minutes après son acte et on ne sait toujours pas s'il a agi de son propre chef ou s'il faisait partie d'une conspiration plus vaste. Son [[Vice-président de la république du Guatemala|vice-président]] [[Luis Arturo González López]] lui succède pendant deux mois<ref name=":1" />.

== Surnom ==
Il portait le surnom péjoratif de ''Cara de hacha'' (« face de hache »).


== Notes et références ==
== Notes et références ==
{{Traduction/Référence|lang1=es|art1=Movimiento de Liberación Nacional (Guatemala)}}

=== Notes ===
<references group="Note" />

=== Références ===
{{Références}}
{{Références}}


== Voir aussi ==
== Voir aussi ==

=== Bibliographie ===

* Stephen Kinzer, Stephen Schlesinger, ''Bitter Fruit'', David Rockefeller Center for Latin American Studies, 2005.
* [[Che Guevara|Ernesto « Che » Guevara]], ''Second voyage à travers l'Amérique latine'' (écrit personnel), 2009.

=== Articles connexes ===
*[[Coup d'État de 1954 au Guatemala|Coup d'État de 1954]]
*[[Coup d'État de 1954 au Guatemala|Coup d'État de 1954]]
* [[Jacobo Árbenz Guzmán]]
* [[Jacobo Árbenz Guzmán]]
* [[Elfego Hernán Monzón Aguirre]]
* [[Elfego Hernán Monzón Aguirre]]


== Références et ouvrages ==
=== Liens externes ===
* Stephen Kinzer, Stephen Schlesinger, ''Bitter Fruit'', David Rockefeller Center for Latin American Studies, 2005
* [[Che Guevara|Ernesto "che" Guevara de la Serna]], ''Second voyage à travers l'Amérique latine'' (écrit personnel)

== Liens externes ==
* {{autorité}}
* {{autorité}}
{{Palette|Président Guatemala}}
{{Palette|Président Guatemala}}
Ligne 81 : Ligne 141 :
{{DEFAULTSORT:Armas, Carlos Castillo}}
{{DEFAULTSORT:Armas, Carlos Castillo}}
[[Catégorie:Naissance au Guatemala]]
[[Catégorie:Naissance au Guatemala]]
[[Catégorie:Président du Guatemala]]
[[Catégorie:Personnalité politique guatémaltèque assassinée]]
[[Catégorie:Naissance en novembre 1914]]
[[Catégorie:Naissance en novembre 1914]]
[[Catégorie:Décès à 42 ans]]
[[Catégorie:Décès à Guatemala]]
[[Catégorie:Décès en juillet 1957]]
[[Catégorie:Décès en juillet 1957]]
[[Catégorie:Décès à 42 ans]]
[[Catégorie:Mort assassiné au Guatemala]]
[[Catégorie:Mort assassiné au Guatemala]]
[[Catégorie:Assassinat par arme à feu]]
[[Catégorie:Militaire guatémaltèque]]
[[Catégorie:Militaire guatémaltèque]]
[[Catégorie:Élève de l'United States Army Command and General Staff College]]
[[Catégorie:Président du Guatemala]]
[[Catégorie:Personnalité politique guatémaltèque assassinée]]
[[Catégorie:Assassinat par arme à feu]]
[[Catégorie:Chef d'État assassiné]]
[[Catégorie:Chef d'État assassiné]]

Dernière version du 6 décembre 2023 à 18:26

Carlos Castillo Armas
Illustration.
Carlos Castillo Armas arborant fièrement une moustache en brosse à dents qui n'est pas sans rappeler celle d'Adolf Hitler.
Fonctions
Président de la république du Guatemala

(2 ans, 10 mois et 25 jours)
Vice-président Miguel Ortiz Passarelli
Luis Arturo González López
Prédécesseur Elfego Hernán Monzón Aguirre
Successeur Luis Arturo González López
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Santa Lucía Cotzumalguapa
Date de décès (à 42 ans)
Lieu de décès Guatemala
Nationalité Guatémaltèque
Parti politique Mouvement de libération nationale
Conjoint
Odilia Palomo Paíz (en) (m. 1933–1954)
Diplômé de École polytechnique (es)
Profession Militaire
Religion Catholicisme

Signature de Carlos Castillo Armas

Carlos Castillo Armas
Présidents de la république du Guatemala

Carlos Castillo Armas, né le à Santa Lucía Cotzumalguapa (Escuintla) et mort le à Guatemala (Guatemala), est un militaire et homme d'État guatémaltèque, président de la république de 1954 à 1957, année de son assassinat.

À l'aube du coup d'État de 1954, il est choisi par la CIA afin de diriger le Mouvement de libération nationale, une coalition politique d'extrême droite regroupant des politiciens municipaux, des bureaucrates, des planteurs de café et des militaires ayant tous pour point commun d'être opposés aux réformes agraires de la Révolution guatémaltèque (en). Son régime autoritaire mis en place par les États-Unis est étroitement lié à ces derniers.

Biographie[modifier | modifier le code]

Carrière et coup d'État[modifier | modifier le code]

Originaire de Santa Lucía Cotzumalguapa dans l'Escuintla, Carlos Castillo Armas fait ses études militaires à l'académie militaire du Guatemala (es), il devient un protégé du colonel Francisco Javier Arana (en). Après être devenu colonel, il devient directeur de l'académie militaire en 1947[1]. Castillo Armas et Arana sont des opposants au gouvernement de Juan José Arévalo ; après le coup d'État manqué d'Arana en 1949, Castillo Armas s'exile au Honduras[2],[3].

Désireuse de voir le gouvernement apparemment communiste de Jacobo Árbenz Guzmán tomber, la Central Intelligence Agency (CIA), sous les commandes du gouvernement des États-Unis, lance l'opération PBSUCCESS qui place Castillo Armas à la tête d'une petite armée de rebelles chargée de renverser le gouvernement en place[3],[4]. Lancée le , l'offensive des rebelles se solde rapidement par un échec : trop lents et non soutenus par la population, ils sont mis en déroute. Seulement, la peur d'une intervention directe des États-Unis conduit à la démission du président Árbenz le 27 juin[5].

Prise du pouvoir[modifier | modifier le code]

Lorsque les militaires s'emparent du pouvoir, la Constitution de 1945 est rapidement brisée, tout comme le pacte de transition du commandement conclu entre Jacobo Árbenz Guzmán et le chef de l'armée guatémaltèque Carlos Enrique Díaz de León, qui ne dirige le pays que durant une journée. Il est rapidement remplacé par une deuxième junte militaire dirigée par Elfego Hernán Monzón Aguirre.

Pendant ce temps, Carlos Castillo Armas se trouve au Salvador et espère entrer triomphalement au pays. Cette entrée triomphale de l'Armée de libération dans la capitale constitue d'ailleurs le point de rupture entre le dirigeant du MLN et la nouvelle junte gouvernementale, dirigée par Elfego Monzón. Ce dernier, bien qu'également un fervent anticommuniste avait maintenu une certaine loyauté pour l'institution militaire. Le diplomate américain John Peurifoy se rend donc à San Salvador pour rencontrer le chef rebelle Castillo Armas, qui manifeste sa volonté d'être investi de larges pouvoirs personnalisés lors de son retour au pays.

Il est finalement convenu que Castillo Armas puisse assumer la présidence de manière intérimaire[3] et reçoive un cabinet gouvernemental composé d'avocats, d'hommes d'affaires et de militaires. Son autorité et celle du MLN seront reconnues implicitement par la junte gouvernementale en place, pour autant qu'il s'engage à combattre à mort le communisme. Victorieux, le , il est reçu à Guatemala à la tête de l'Armée de libération avec les honneurs qu'il avait lui-même revendiqués.

Le , Castillo Armas consolide son pouvoir lors d'un plébiscite dans laquelle il est le seul candidat, les autres partis ayant été écartés. Il gagne alors officiellement 99 % des suffrages[1],[3].

Présidence[modifier | modifier le code]

Inquiet de ne pas avoir le soutien de la population, Castillo Armas tente de faire emprisonner les dissidents et les qualifie de communistes. Alors que les États-Unis sortent tout juste du maccarthysme, le Guatemala tombe dedans : Castillo Armas crée un comité de défense contre le communisme, doté de forts pouvoirs d'arrestation, de détention et d'expulsion, 10 % de la population adulte figure sur la liste des communistes présumés de ce comité. Les premières actions du gouvernement de Castillo Armas sont notamment l'interdiction et la persécution de tous les partis politiques de gauche – notamment le Parti guatémaltèque du travail –, syndicats, organisations paysannes et associations de gauche[2]. Il suspend également les programmes favorables aux peuples indigènes et à la classe ouvrière, impose une censure sévère et dissous le Congrès. Plusieurs intellectuels de gauche, persécutés par le gouvernement, sont contraints de se réfugier à l'ambassade du Mexique avant de s'exiler, y compris le président déchu Árbenz Guzmán[3].

Castillo Armas ordonne également que les fonds du ministère de l'Éducation soient gelés et tous les livres considérés « communistes » interdits. Des hostilités commencent même contre l'Université de San Carlos, qui devient la principale force d'opposition et un moyen de dénoncer les abus du gouvernement et l'invasion américaine.

Aussi, le gouvernement nomme comme chef des forces de sécurité, José Bernabé Linares, soit le chef de la police secrète à l'époque du dictateur Jorge Ubico, président du pays de 1931 à 1944. Il avait la réputation de torturer ses prisonniers avec des bains d'électrochocs et était très impopulaire. Les apparences du régime avec une dictature sont de plus en plus évidentes.

Au niveau politique, Castillo Armas abroge la Constitution de 1945 et la loi de réforme agraire[2], annulant ainsi la distribution des terres aux paysans pour restituer toutes les terres déjà distribuées aux propriétaires fonciers du pays et à l'United Fruit Company (UFCO). Il supprime également le droit de vote de tous les analphabètes[6], qui constituent les deux tiers de la population du pays. Ce changement dans le corps électoral l'aide grandement pour les élections en évinçant la plupart des paysans du vote[5].

Lorsque son gouvernement accepte de fusionner l'armée nationale avec l'Armée de libération, l'institution armée s'indigne, accusée par la société civile d'être « traître » et « lâche ». En conséquence, à l'aube du , la Compagnie des Cadets gentils de l'École militaire guatémaltèque se révolte contre le gouvernement afin de récupérer la dignité de l'institution.

Le soulèvement du 2 août 1954[modifier | modifier le code]

Ce soulèvement constitue le premier problème politique d'une telle ampleur rencontré par le gouvernement de Castillo Armas. Après avoir marché triomphalement pour célébrer la victoire, les troupes du Mouvement de libération[Note 1] parcourent les rues principales de la ville de Guatemala, remettent leurs armes et vont dormir dans un hôpital en construction où ils sont cantonnés.

Insultés par les mercenaires du MLN lors de l'accueil de Castillo Armas à l'aéroport de La Aurora prennent les armes et profitent de l'obscurité pour les attaquer, les faire marcher les mains levées et les faire monter dans un train où ils sont renvoyés dans l'est du pays, vers Zacapa. Ils démontrent ainsi la faiblesse de l’Armée de libération et la passivité de l'armée régulière lors de l’invasion. Averti de la situation, le colonel Castillo Armas arrive à Guatemala puis est capturé au Palais national.

Bien que restés maîtres de la situation, les cadets se voient contraints de déposer les armes et de libérer Castillo Armas après une rencontre avec l'archevêque du Guatemala Mariano Rossell y Arellano et l'ambassadeur américain John Peurifoy où ce dernier indique qu'aucun soulèvement ne serait toléré et que s'ils persistaient dans leurs intentions, il ordonnerait à la marine américaine de procéder à une invasion du Guatemala.

Ce soulèvement fait, finalement, de nombreux morts et blessés dans chaque camp puis entraîne la fermeture temporaire de l'École militaire. Un nombre notable de cadets sont envoyés étudier à l'étranger, bénéficiant de bourses pour poursuivre leurs études dans d'autres domaines que militaires. Le campus d'études militaires est finalement rouvert en 1955, sous la direction du colonel Carlos Arana Osorio.

Suppression de la réforme agraire[modifier | modifier le code]

La réforme agraire instaurée par Jacobo Árbenz Guzmán (décret 900) est abrogée sous prétexte d'inconstitutionnalité[5]. Le , l'État récupère les terres des fermes nationales qui avaient été distribuées et le 26 du même mois, il annule le décret 900 en le remplaçant par un nouveau statut agraire. À cette occasion, la propriété de 78 % des parcelles est révoquée afin de les restituer à leurs anciens propriétaires. La compagnie américaine United Fruit Company en bénéficie et récupère non seulement les terres dont elle avait été expropriée mais également des dizaines de milliers d'hectares de terres en friche qui avaient été distribués aux paysans[7],[8].

Dans les départements les plus touchés, comme Alta Verapaz, Escuintla, Izabal, Baja Verapaz, Chimaltenango, San Marcos et une partie de Quiché, des actes de violence systématiques sont recensés, comme des expulsions et des cas de persécution de paysans agraires. Plusieurs des milliers de paysans qui tentent de rester sur les terres qu’ils ont reçues d’Árbenz sont arrêtés par la police. Dans la conception du nouveau régime, la réforme agraire est synonyme de communisme et les bénéficiaires de la loi sont considérés communistes, permettant ainsi l'arrestation de nombre d'entre eux, malgré l'absence de preuve à cet effet. Les décrets de Castillo Armas autorisent par ailleurs les propriétaires fonciers à demander la restitution des terres saisies « illégalement » après ces arrestations.

Les paysans se souviennent également que c'est à partir de ce moment qu'est réactivé l'ancien modèle de colonie féodale, imposé à l'époque de Justo Rufino Barrios avec sa réglementation sur les journaliers et perfectionné sous le gouvernement de Jorge Ubico avec ses lois garantissant la disponibilité d'une main-d'œuvre presque gratuite pour les plantations de café.

Quant à lui, le Parti guatémaltèque du travail commence à s'établir dans la clandestinité et s'impose dans l'opposition malgré l'anticommunisme du régime.

Gestion des autres réformes antérieures[modifier | modifier le code]

Le gouvernement d'Árbenz Guzmán laisse en héritage d'autres réformes qui, elles, ne seront pas annulées par le gouvernement de Castillo Armas, soit :

  • La construction d'une route vers l'Atlantique, prévue pour concurrencer le monopole ferroviaire des Chemins de fer internationaux d'Amérique centrale, une filiale de l'UFCO.
  • La construction du port de Santo Tomás de Castilla, prévue pour concurrencer le monopole du port de Puerto Barrios, également propriété de l'UFCO.
  • La planification de la centrale hydroélectrique Jurún Marinalá, prévue pour concurrencer la Compagnie électrique de l'époque, qui appartient également à des capitaux nord-américains.

Castillo Armas a dû terminer la route vers l'Atlantique vu l'importance qu'elle représentait pour l'économie du pays. Une fois la route terminée en 1959, le souhait d'Árbenz se réalise : le chemin de fer de l'UFCO faillit à concurrencer le transport par camion. Castillo Armas poursuit également les travaux de planification du port de Santo Tomás et de la centrale hydroélectrique Jurún Marinalá, qui est achevée et inaugurée en 1970. Le port n'est construit qu'après le tremblement de terre de 1976, mais à ce moment-là, l'UFCO et sa successeure, Chiquita Brands International, ont déjà perdu beaucoup de leur pouvoir et influence sur le gouvernement des États-Unis.

Administration de la justice[modifier | modifier le code]

Dès son arrivée au pouvoir, le régime de Castillo Armas nomme une nouvelle Cour suprême de justice et a entamé une période de persécution politique intense contre les dirigeants communistes, les intellectuels et les suspects de tout acabit. Les droits acquis lors de la révolution de 1944 sont annulés. L'ensemble des lois anticommunistes est complété plus tard, lorsque l'article 6 transitoire de la Constitution de 1956 autorise le chef de l'Exécutif à expatrier ou à empêcher l'entrée au pays, pendant cinq ans, des communistes qui ont demandé l'asile ou qui s'étaient exilés du Guatemala pour des raisons politiques.

Instauration du maccarthysme[modifier | modifier le code]

Une fois au pouvoir, le gouvernement libérationniste tente d'obtenir avec hâte la documentation inhérente à d'éventuelles instructions spéciales qui auraient été accordées au cours des « deux gouvernements précédents » afin de faciliter les déplacements des hommes politiques et des communistes, ceci visant à se conformer aux requêtes américaines de prouver rapidement que le régime renversé était communiste. La CIA cherche alors à tout prix à documenter et dénoncer la « conspiration communiste » au Guatemala. Elle y envoie par ailleurs plusieurs de ses agents afin de former une force de sécurité locale appliquant les principes et pratiques du maccarthysme, déjà utilisées aux États-Unis[9].

Alors que les principaux dirigeants du gouvernement d'Árbenz s'exilaient, la CIA, préoccupée par le danger que pouvaient représenter ces exilés dispersés sur le continent, fait appel à des diplomates libérationnistes qui s'assuraient de la tenir informée de tout développement les concernant. Leurs fonctions sont facilitées à la fois par les liens étroits avec les services de renseignement locaux ainsi que par les sommes d’argent discrètement investies dans les journalistes qui diffusent des « nouvelles » visant à faire l’éloge du nouveau régime guatémaltèque[9].

D'autres secteurs sont également persécutés, notamment ceux composés par les sympathisants et collaborateurs du gouvernement précédent. Nombre de mesures sont prises à leur égard :

  • Décret 5 : confiscation des avoirs et gel des comptes bancaires et des dépôts attribués à l'État.
  • Décret 27 : suspension des rangs des enseignants et habilitation des gouverneurs départementaux de procéder à leur nomination et révocation, ceci entraînant entre août 1954 et avril 1955, le licenciement de 2 236 enseignants.
  • Décret 48 : dissolution des organisations politiques, syndicales et culturelles accusées de liens avec le communisme, après quoi le Parti guatémaltèque du travail a été déclaré illégal, le 28 juin de la même année.
  • D'autres agences d'État sont également visées : fin 1954, quelque 15 000 travailleurs de la Direction des travaux publics et de la Direction générale des routes subissent le même sort en raison de leur adhésion au syndicat.
  • Il est estimé que 533 organisations syndicales ont été fermées et que leur nombre d'adhérents est passé de 100 000, avant 1954, à 27 000 personnes.

Assassinat[modifier | modifier le code]

Le , Castillo Armas est abattu par l'un des membres de sa garde présidentielle dans l'enceinte du palais présidentiel (en). Le tireur, Romeo Vásquez Sánchez, âgé de 24 ans, est un présumé sympathisant de gauche originaire de Mazatenango. Il se suicide quelques minutes après son acte et on ne sait toujours pas s'il a agi de son propre chef ou s'il faisait partie d'une conspiration plus vaste. Son vice-président Luis Arturo González López lui succède pendant deux mois[5].

Surnom[modifier | modifier le code]

Il portait le surnom péjoratif de Cara de hacha (« face de hache »).

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Constituées en majeure partie de mercenaires de la CIA qui se font passer pour des fermiers et des agriculteurs de l'est du Guatemala.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) Roland H. Ebel, « Castillo Armas, Carlos (1914–1957) », sur encyclopedia.com (consulté le )
  2. a b et c (en) Encyclopaedia Britannica, « Guatemala - Postcolonial, Civil War, Reforms | Britannica », sur britannica.com (consulté le )
  3. a b c d et e (en) United Fruit Historical Society, « United Fruit Company - Carlos Castillo », sur unitedfruit.org, (consulté le )
  4. (en) History.com Editors, « Colonel Castillo Armas takes power in Guatemala | July 8, 1954 », sur history.com, A&E Television Networks, (consulté le )
  5. a b c et d Université de Sherbrooke - Perspective Monde, « Assassinat du président du Guatemala Carlos Castillo Armas », sur perspective.usherbrooke.ca (consulté le )
  6. Aujourd'hui l'histoire, « Coup d’État de 1954 au Guatemala : une opération téléguidée par la CIA », sur ici.radio-canada.ca, (consulté le )
  7. Pierre Kalfon, « Ernesto Guevara, une légende du siècle », Points,‎ , p. 147
  8. Université de Sherbrooke - Perspective Monde, « Renversement du président Jacobo Arbenz au Guatemala », sur perspective.usherbrooke.ca (consulté le )
  9. a et b (es) Roberto García Ferreira, « José Manuel Fortuny: un comunista clandestino en Montevideo » [archive du ], sur La onda digital (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Stephen Kinzer, Stephen Schlesinger, Bitter Fruit, David Rockefeller Center for Latin American Studies, 2005.
  • Ernesto « Che » Guevara, Second voyage à travers l'Amérique latine (écrit personnel), 2009.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]