« Missa solemnis (Beethoven) » : différence entre les versions

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| composition = entre [[1818 en musique classique|1818]] et [[1823 en musique classique|1823]]
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| dédicataire = Archiduc [[Rudolf Johannes Joseph Rainier von Habsbourg-Lotharingen|Rodolphe]]
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La '''''Messe solennelle en [[ré majeur]]''''' ou '''''Missa solemnis''''', [[Numérotation de la musique classique|opus]] 123, de [[Ludwig van Beethoven]], fut composée entre [[1818 en musique classique|1818]] et [[1823 en musique classique|1823]]<ref name="Bary Cooper">{{Ouvrage|lang=fr|nom1=[[Barry Cooper]]|traduction=Denis Collins | titre=Dictionnaire Beethoven |langue originale=en|titre vo=Beethoven compendium|collection=Musiques et musiciens|éditeur=[[Éditions Jean-Claude Lattès|Lattès]]|date=[[1991]] |isbn=978-2-7096-1081-0|oclc=25167179 |pages totales=614 | passage=442. | id=Cooper1991}}</ref>, publiée en avril [[1827 en musique classique|1827]]<ref name="Bary Cooper" /> et dédiée à son élève l'archiduc [[Rudolf Johannes Joseph Rainier von Habsbourg-Lotharingen|Rodolphe]]<ref name="Bary Cooper" />. Pièce majeure du [[musique sacrée|répertoire sacré]] en bonne place aux côtés de la ''[[Messe en si mineur]]'' de [[Johann Sebastian Bach|Bach]] et du ''[[Requiem (Mozart)|Requiem]]'' de [[Wolfgang Amadeus Mozart|Mozart]], elle est l'œuvre la plus longue de Beethoven et assurément celle qui lui a réclamé le plus de travail. Il s'agit de sa troisième œuvre vocale à caractère sacré, après l'oratorio ''[[Christus am Ölberge|Le Christ au Mont des Oliviers]]'' ([[1801 en musique classique|1801]]) et la ''[[Messe en ut majeur de Beethoven|Messe en ut majeur]]'' ([[1807 en musique classique|1807]]).
La '''''Messe solennelle en [[ré majeur]]''''' ou '''''Missa solemnis''''', [[Numérotation de la musique classique|opus]]&nbsp;123, de [[Ludwig van Beethoven]], fut composée entre [[1818 en musique classique|1818]] et [[1823 en musique classique|1823]]<ref name="Bary Cooper">{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|nom1=[[Barry Cooper]]|traducteur=Denis Collins|titre=Dictionnaire Beethoven|titre original=Beethoven compendium|éditeur=[[Éditions Jean-Claude Lattès|Lattès]]|collection=Musiques et musiciens|année=1991|pages totales=614|passage=442.|isbn=978-2-7096-1081-0|oclc=25167179|id=Cooper1991}}</ref>, publiée en avril [[1827 en musique classique|1827]]<ref name="Bary Cooper" /> et dédiée à son élève l'archiduc [[Rudolf Johannes Joseph Rainier von Habsbourg-Lotharingen|Rodolphe]]<ref name="Bary Cooper" />. Pièce majeure du [[musique sacrée|répertoire sacré]] en bonne place aux côtés de la ''[[Messe en si mineur]]'' de [[Johann Sebastian Bach|Bach]] et du ''[[Requiem (Mozart)|Requiem]]'' de [[Wolfgang Amadeus Mozart|Mozart]], elle est l'œuvre la plus longue de Beethoven après son opéra ''[[Fidelio]]'' et assurément celle qui lui a réclamé le plus de travail. Il s'agit de sa troisième œuvre vocale à caractère sacré, après l'oratorio ''[[Christus am Ölberge|Le Christ au Mont des Oliviers]]'' ([[1801 en musique classique|1801]]) et la ''[[Messe en ut majeur de Beethoven|Messe en ut majeur]]'' ([[1807 en musique classique|1807]]).


La ''Missa solemnis'' était considérée par Beethoven comme « sa meilleure œuvre, son plus grand ouvrage »<ref name="Massin">{{ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Jean Massin|Jean]] |auteur2=[[Brigitte Massin]]|titre=Ludwig van Beethoven |éditeur=[[Fayard (maison d'édition)|Fayard]]|année=[[1967]]| année première édition =1955|pages totales=845|passage=693-696. |isbn=978-2-213-00348-1 |id=Massin1967}}</ref>.
La ''Missa solemnis'' était considérée par Beethoven comme « sa meilleure œuvre, son plus grand ouvrage »<ref name="Massin">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Jean Massin|Jean]]|auteur2=[[Brigitte Massin]]|titre=Ludwig van Beethoven|éditeur=[[Fayard (maison d'édition)|Fayard]]|année=1967|année première édition=1955|pages totales=845|passage=693-696.|isbn=978-2-213-00348-1|id=Massin1967}}</ref>.


== Contexte et composition ==
== Contexte et composition ==
La production de Beethoven comporte peu d'œuvres à caractère sacré : l'[[oratorio]] ''[[Christus am Ölberge]]'' et les ''Gellert Lieder''<ref>Six lieder sur des Odes et Chants religieux de [[Christian Fürchtegott Gellert]], op. 48 (1803)</ref> suivant la crise existentielle survenue en 1802 à [[Testament de Heiligenstadt|Heiligenstadt]], la ''[[Messe en ut majeur de Beethoven|Messe en ut majeur]]'' commandée par le [[Famille Esterházy|prince Esterhazy]] en 1807 et la ''Missa solemnis''. On peut sans doute y adjoindre des œuvres à caractère spirituel et ontologique comme le finale de la ''[[Symphonie n° 9 de Beethoven|Neuvième Symphonie]]'' ou le ''Dankgesang'' du [[Quatuor à cordes n° 15 de Beethoven|{{15e}} Quatuor]] et celles où apparaît le mythe [[Prométhée|prométhéen]] (''[[Die Geschöpfe des Prometheus|Les Créatures de Prométhée]]'', ''[[Symphonie nº 3 de Beethoven|Troisième Symphonie]]'').
[[Image:Beethoven wiki.jpg|vignette|[[Ludwig van Beethoven|Beethoven]] en [[1818 en musique classique|1818]] à l'époque des premiers travaux pour la ''Missa Solemnis'' Portrait de Jaeger]]

La production de Beethoven comporte peu d'œuvres à caractère sacré: l'[[oratorio]] ''[[Christus am Ölberge]]'' et les ''Gellert Lieder''<ref>Six lieder sur des Odes et Chants religieux de [[Christian Fürchtegott Gellert]], op. 48 (1803)</ref> suivant la crise existentielle survenue en 1802 à [[Testament de Heiligenstadt|Heiligenstadt]], la ''[[Messe en ut majeur de Beethoven|Messe en ut majeur]]'' commandée par le [[Famille Esterházy|prince Esterhazy]] en 1807 et la ''Missa solemnis''. On peut sans doute y adjoindre des œuvres à caractère spirituel et ontologique comme le finale de la ''[[Symphonie n° 9 de Beethoven|Neuvième Symphonie]]'' ou le ''Dankgesang'' du [[Quatuor à cordes n° 15 de Beethoven|{{15e}} Quatuor]] et celles où apparaît le mythe [[Prométhée|prométhéen]] (''[[Die Geschöpfe des Prometheus|Les Créatures de Prométhée]]'', ''[[Symphonie nº 3 de Beethoven|Troisième Symphonie]]'').


Les cinq années qui suivent [[1812]] (l'année des ''[[Symphonie n° 7 de Beethoven|Septième]]'' et ''[[Symphonie n° 8 de Beethoven|Huitième symphonies]]'') sont les plus éprouvantes de la vie de Beethoven. Tandis que sa [[surdité]] devient totale, il doit faire face à une accumulation de soucis familiaux (décès de son frère Kaspar-Karl en [[1815]]<ref>Kaspar Karl Beethoven, le frère cadet de Beethoven meurt le 15 novembre 1815</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Cooper|1991|p=41}}.</ref>, série de procès contre sa belle-sœur pour obtenir la tutelle exclusive de son neveu Karl), matériels (isolement, pauvreté grandissante) mais aussi professionnels (perte progressive de la faveur du public viennois) qui se traduisent par un ralentissement considérable de son activité créatrice. Entre [[1816]] et [[1817]], le musicien tombe gravement malade et semble proche du suicide. Mais ses forces reviennent vers la fin de [[1817]], tandis qu'il commence le travail pour la [[sonate]] « ''[[Sonate pour piano n° 29 (Beethoven)|Hammerklavier]]'' ». Beethoven avait toujours été croyant sans être un pratiquant assidu, mais une des caractéristiques du musicien dans sa dernière période créatrice est de s'être tourné vers la [[spiritualité]], comme en témoignent les nombreuses citations d'ordre religieux qu'il recopia dans ses cahiers à partir de [[1817]] :
Les cinq années qui suivent [[1812]] (l'année des ''[[Symphonie n° 7 de Beethoven|Septième]]'' et ''[[Symphonie n° 8 de Beethoven|Huitième symphonies]]'') sont les plus éprouvantes de la vie de Beethoven. Tandis que sa [[surdité]] devient totale, il doit faire face à une accumulation de soucis familiaux (décès de son frère Kaspar-Karl en [[1815]]<ref>Kaspar Karl Beethoven, le frère cadet de Beethoven meurt le 15 novembre 1815</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Cooper|1991|p=41}}.</ref>, série de procès contre sa belle-sœur pour obtenir la tutelle exclusive de son neveu Karl), matériels (isolement, pauvreté grandissante) mais aussi professionnels (perte progressive de la faveur du public viennois) qui se traduisent par un ralentissement considérable de son activité créatrice. Entre [[1816]] et [[1817]], le musicien tombe gravement malade et semble proche du suicide. Mais ses forces reviennent vers la fin de [[1817]], tandis qu'il commence le travail pour la [[sonate]] « ''[[Sonate pour piano n° 29 (Beethoven)|Hammerklavier]]'' ». Beethoven avait toujours été croyant sans être un pratiquant assidu, mais une des caractéristiques du musicien dans sa dernière période créatrice est de s'être tourné vers la [[spiritualité]], comme en témoignent les nombreuses citations d'ordre religieux qu'il recopia dans ses cahiers à partir de [[1817]] :
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:« Je veux donc m'abandonner patiemment à toutes les vicissitudes et placer mon entière confiance uniquement en ton immuable bonté, ô Dieu ! Tienne, immuablement tienne doit se réjouir d'être oui mon âme. Sois mon rocher, ô Dieu, sois ma lumière, sois éternellement mon assurance ! » (Christian Sturm, recopié par Beethoven, [[1818]]) <ref name="Massin 2">{{harvsp|Massin|1967|p=338-339}}.</ref>
:« Je veux donc m'abandonner patiemment à toutes les vicissitudes et placer mon entière confiance uniquement en ton immuable bonté, ô Dieu ! Tienne, immuablement tienne doit se réjouir d'être oui mon âme. Sois mon rocher, ô Dieu, sois ma lumière, sois éternellement mon assurance ! » (Christian Sturm, recopié par Beethoven, [[1818]]) <ref name="Massin 2">{{harvsp|Massin|1967|p=338-339}}.</ref>


Au mois de mai 1818, [[Vincenz Hauschka]] est chargé par la ''Gesellschaft der Musikfreunde de Vienne'' de demander à son ami Beethoven de composer un oratorio sur un sujet héroïque. Beethoven accepte et, peu après son arrivée à [[Mödling]] où il poursuit sa convalescence, il lui écrit :
Au mois de {{date-|mai 1818}}, [[Vincenz Hauschka]] est chargé par la ''Gesellschaft der Musikfreunde de Vienne'' de demander à son ami Beethoven de composer un oratorio sur un sujet héroïque. Beethoven accepte et, peu après son arrivée à [[Mödling]] où il poursuit sa convalescence, il lui écrit :
{{Citation bloc|Je n'ai pas de sujet autre que ''religieux'', mais si vous en voulez un héroïque, je n'y vois pas d'inconvénient. Toutefois je crois que, pour un tel ''concours'' de peuple, il y aurait lieu d'y mêler un peu de sacré.|Beethoven, lettre à Vincenz Hauschka, Mödling, début de juin 1818<ref name="Lettres">''Lettres de Beethoven. L'intégrale de la correspondance 1787-1827'', trad. Jean Chuzeville, Actes Sud 2010</ref>}}
{{Citation bloc|Je n'ai pas de sujet autre que ''religieux'', mais si vous en voulez un héroïque, je n'y vois pas d'inconvénient. Toutefois je crois que, pour un tel ''concours'' de peuple, il y aurait lieu d'y mêler un peu de sacré.|Beethoven, lettre à Vincenz Hauschka, Mödling, début de juin 1818<ref name="Lettres">''Lettres de Beethoven. L'intégrale de la correspondance 1787-1827'', trad. Jean Chuzeville, Actes Sud 2010</ref>}}




C'est alors que Beethoven apprend que son élève et ami l'[[Rodolphe d'Autriche (1788-1831)|Archiduc Rodolphe]] est élevé au rang d'archevêque d'[[Olomouc|Olmütz]] par le [[consistoire (catholicisme)|consistoire]] du {{date|4|juin|1818|en musique classique}}. Il se propose d'écrire une grande œuvre religieuse pour la cérémonie d'intronisation prévue le {{date|9|mars|1820|en musique classique}}, comme l'atteste une lettre écrite un an plus tard:
C'est alors que Beethoven apprend que son élève et ami l'[[Rodolphe d'Autriche (1788-1831)|Archiduc Rodolphe]] est élevé au rang d'archevêque d'[[Olomouc|Olmütz]] par le [[consistoire (catholicisme)|consistoire]] du {{date|4|juin|1818|en musique classique}}. Il se propose d'écrire une grande œuvre religieuse pour la cérémonie d'intronisation prévue le {{date|9|mars|1820|en musique classique}}, comme l'atteste une lettre écrite un an plus tard :


[[Image:Rudolf-habsburg-olmuetz.jpg|vignette|[[Rodolphe d'Autriche (1788-1831)|Rodolphe d'Autriche]] (1788-1831)]]
[[Image:Rudolf-habsburg-olmuetz.jpg|vignette|[[Rodolphe d'Autriche (1788-1831)|Rodolphe d'Autriche]] (1788-1831)]]
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{{Citation bloc|Le jour où la Grand-Messe composée par moi sera exécutée durant les cérémonies célébrant Votre Altesse Impériale sera pour moi le plus glorieux de ma vie, et Dieu m'inspirera de sorte que mon faible talent contribuera à donner plus de lustre à cette solennité.|Beethoven, lettre à l'Archiduc Rodolphe, Mödling, début de juin 1819<ref name="Lettres"/>}}
{{Citation bloc|Le jour où la Grand-Messe composée par moi sera exécutée durant les cérémonies célébrant Votre Altesse Impériale sera pour moi le plus glorieux de ma vie, et Dieu m'inspirera de sorte que mon faible talent contribuera à donner plus de lustre à cette solennité.|Beethoven, lettre à l'Archiduc Rodolphe, Mödling, début de juin 1819<ref name="Lettres"/>}}


Beethoven se met immédiatement au travail. Dans les carnets de l'été 1818 à Mödling, Beethoven note: « Pour écrire de la vraie musique d'église, parcourir tous les chorals d'église des moines, etc., chercher quelque part comment sont les versets dans les traductions les plus exactes, avec la prosodie complète, principalement de tous les psaumes et chants chrétiens-catholiques »<ref name="Massin 2"/>. Et il passe en effet du temps dans la bibliothèque de l'archiduc (aujourd'hui ''Rudolfinum'' et propriété du Conservatoire de Vienne) à lire les motets de [[Giovanni Pierluigi da Palestrina|Palestrina]] et les livres d'offices grégoriens <ref name="D'Indy">{{ouvrage|langue=fr|prénom1=Vincent|nom1=d'Indy|lien auteur1=Vincent d'Indy|titre=Beethoven|sous-titre=|lien titre=|numéro d'édition=|collection=Les musiciens célèbres|éditeur=Henris Laurens, Éditeur|lien éditeur=|année=[[1928]]|pages totales=148}}</ref>. Mais, plutôt que d'écrire dans le style du [[plain-chant]], il s'inspire surtout du ''[[Messiah|Messie]]'' de [[Georg Friedrich Haendel|Haendel]] dont il recopie les thèmes dans les esquisses de la ''Missa solemnis''<ref name="Massin"/>.
Beethoven se met immédiatement au travail. Dans les carnets de l'été 1818 à Mödling, Beethoven note : « Pour écrire de la vraie musique d'église, parcourir tous les chorals d'église des moines, etc., chercher quelque part comment sont les versets dans les traductions les plus exactes, avec la prosodie complète, principalement de tous les psaumes et chants chrétiens-catholiques »<ref name="Massin 2"/>. Et il passe en effet du temps dans la bibliothèque de l'archiduc (aujourd'hui ''Rudolfinum'' et propriété du Conservatoire de Vienne) à lire les motets de [[Giovanni Pierluigi da Palestrina|Palestrina]] et les livres d'offices grégoriens<ref name="D'Indy">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Vincent|nom1=d'Indy|lien auteur1=Vincent d'Indy|titre=Beethoven|éditeur=Henris Laurens, Éditeur|collection=Les musiciens célèbres|année=1928|pages totales=148}}</ref>. Mais, plutôt que d'écrire dans le style du [[plain-chant]], il s'inspire surtout du ''[[Messiah|Messie]]'' de [[Georg Friedrich Haendel|Haendel]] dont il recopie les thèmes dans les esquisses de la ''Missa solemnis''<ref name="Massin"/>.


Beethoven fait état à plusieurs reprises de l'avancement de son travail:
Beethoven fait état à plusieurs reprises de l'avancement de son travail :


{{Citation bloc|[...] je ne me sens pas du tout bien, et de nouveau depuis quelque temps je dois prendre des médicaments. C'est peine si je peux quelques heures par jour me consacrer à ce don le plus précieux du Ciel: mon art et les Muses. J'espère cependant être en état de compléter la Messe et ''en temps voulu'', de manière que si notre accord tient toujours, elle pourra être exécutée le {{date|19|mars|1820|en musique classique}}. Je serais vraiment au désespoir si mon mauvais état de santé devait m'empêcher d'être prêt ce jour-là. Mais j'ai bon espoir que mes souhaits les plus chers pour que ce but soit atteint se réaliseront.|Beethoven, lettre à l'Archiduc Rodolphe, Mödling, le {{date|31|août|1819|en musique classique}}<ref name="Lettres"/>}}
{{Citation bloc|[...] je ne me sens pas du tout bien, et de nouveau depuis quelque temps je dois prendre des médicaments. C'est peine si je peux quelques heures par jour me consacrer à ce don le plus précieux du Ciel : mon art et les Muses. J'espère cependant être en état de compléter la Messe et ''en temps voulu'', de manière que si notre accord tient toujours, elle pourra être exécutée le {{date|19|mars|1820|en musique classique}}. Je serais vraiment au désespoir si mon mauvais état de santé devait m'empêcher d'être prêt ce jour-là. Mais j'ai bon espoir que mes souhaits les plus chers pour que ce but soit atteint se réaliseront.|Beethoven, lettre à l'Archiduc Rodolphe, Mödling, le {{date|31|août|1819|en musique classique}}<ref name="Lettres"/>}}


{{Citation bloc|[...] j'ai presque terminé une autre Grand-Messe.|Beethoven, lettre à Ferdinand Ries, Vienne, le {{date|10|novembre|1819|en musique classique}}<ref name="Lettres"/>}}
{{Citation bloc|[...] j'ai presque terminé une autre Grand-Messe.|Beethoven, lettre à Ferdinand Ries, Vienne, le {{date|10|novembre|1819|en musique classique}}<ref name="Lettres"/>}}


{{Citation bloc|Quant à la Messe qui sera bientôt exécuté, les honoraires sont de 125 louis d'or — Il s'agit d'une grande œuvre — Mais pour celle-ci je vous prie de me faire avoir une réponse dans quelques semaines au maximum car, autrement, étant obligé de la donner en retard à d'autres éditeurs, j'y perdrais.|Beethoven, lettre à l'éditeur [[N. Simrock|Peter-Joseph Simrock]], Vienne, le {{date|10|février|1820|en musique classique}}<ref name="Lettres"/>}}
{{Citation bloc|Quant à la Messe qui sera bientôt exécutée, les honoraires sont de 125 louis d'or — Il s'agit d'une grande œuvre — Mais pour celle-ci je vous prie de me faire avoir une réponse dans quelques semaines au maximum car, autrement, étant obligé de la donner en retard à d'autres éditeurs, j'y perdrais.|Beethoven, lettre à l'éditeur [[N. Simrock|Peter-Joseph Simrock]], Vienne, le {{date|10|février|1820|en musique classique}}<ref name="Lettres"/>}}


{{Citation bloc|Finalement la Messe vous sera remise à Francfort très certainement le mois prochain, disons à la fin de juin. Le cardinal Rodolphe, qui est en général très entiché de mes compositions, bien que jusqu'à présent je n'aie pas connaissance de sa générosité, n'a pas voulu que la Messe fût publiée plus tôt, et c'est depuis trois jours seulement qu'il ma renvoyé la partition et les parties, afin que je ne puisse être lésé par mon éditeur, selon l'expression de Son Altesse. En même temps Son Altesse me demandait que l'œuvre lui soit dédiée. Je suis en train de faire copier une seconde fois la partition pour mon propre usage et la révise avec soin. Dans mon pénible état de santé, tout cela marche plutôt ''lentement'' — C'est au plus à la fin du ''mois'' prochain que la Messe arrivera à Francfort|Beethoven, lettre à Franz Brentano, Vienne, le {{date|19|mai|1822|en musique classique}}<ref name="Lettres"/>}}
{{Citation bloc|Finalement la Messe vous sera remise à Francfort très certainement le mois prochain, disons à la fin de juin. Le cardinal Rodolphe, qui est en général très entiché de mes compositions, bien que jusqu'à présent je n'aie pas connaissance de sa générosité, n'a pas voulu que la Messe fût publiée plus tôt, et c'est depuis trois jours seulement qu'il ma renvoyé la partition et les parties, afin que je ne puisse être lésé par mon éditeur, selon l'expression de Son Altesse. En même temps Son Altesse me demandait que l'œuvre lui soit dédiée. Je suis en train de faire copier une seconde fois la partition pour mon propre usage et la révise avec soin. Dans mon pénible état de santé, tout cela marche plutôt ''lentement'' — C'est au plus à la fin du ''mois'' prochain que la Messe arrivera à Francfort|Beethoven, lettre à Franz Brentano, Vienne, le {{date|19|mai|1822|en musique classique}}<ref name="Lettres"/>}}
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[[Image:Beethoven-MissaSolemnis-manuscript.jpg|vignette|Manuscrit de la ''Missa solemnis'']]
[[Image:Beethoven-MissaSolemnis-manuscript.jpg|vignette|Manuscrit de la ''Missa solemnis'']]
Les proportions monumentales que prend la ''Missa Solemnis'' lui réclament finalement près de cinq années de travail acharné et, comme le font remarquer Jean et Brigitte Massin, la composition est étrangement liée à ses villégiatures d'été<ref name="Massin"/> :
Les proportions monumentales que prend la ''Missa Solemnis'' lui réclament finalement près de cinq années de travail acharné et, comme le font remarquer Jean et Brigitte Massin, la composition est étrangement liée à ses villégiatures d'été<ref name="Massin"/> :
* Mödling 1818: ébauche du ''Kyrie'' (à la fin de l'année le ''Kyrie'' est en bonne voie
* Mödling 1818 : ébauche du ''Kyrie'' (à la fin de l'année le ''Kyrie'' est en bonne voie
* Mödling 1819: achèvement du ''Kyrie'', composition du ''Gloria'' et ébauche du ''Credo''
* Mödling 1819 : achèvement du ''Kyrie'', composition du ''Gloria'' et ébauche du ''Credo''
* Mödling 1820: achèvement du ''Credo'', composition du ''Sanctus'' et du ''Benedictus''
* Mödling 1820 : achèvement du ''Credo'', composition du ''Sanctus'' et du ''Benedictus''
* Vienne 1821: début de la composition de l'''Agnus Dei''
* Vienne 1821 : début de la composition de l'''Agnus Dei''
* Döblin 1822: composition du ''Dona nobis pacem'' et achèvement de la ''Missa solemnis" fin 1822
* Döblin 1822 : composition du ''Dona nobis pacem'' et achèvement de la ''Missa solemnis" fin 1822


Durant cette période, Beethoven compose également les quatre dernières sonates pour piano. Ce n'est finalement que le {{date|19|mars|1823|en musique classique}}<ref name="Massin"/> que Beethoven envoie la partition à l'archiduc, c'est-à-dire bien après l'intronisation du cardinal qui eut lieu finalement le {{date|20|mars|1820|en musique classique}}.
Durant cette période, Beethoven compose également les quatre dernières sonates pour piano. Ce n'est finalement que le {{date|19|mars|1823|en musique classique}}<ref name="Massin"/> que Beethoven envoie la partition à l'archiduc, c'est-à-dire bien après l'intronisation du cardinal qui eut lieu finalement le {{date|20|mars|1820|en musique classique}}.


Après l'avoir promise à cinq éditeurs, Beethoven ne publie pas encore la messe et conçoit alors d'obtenir la souscription pour 50 ducats minimum de toutes les grandes cours et de toutes les hautes personnalités de l'Europe. Le projet ne rapporta à peu près rien: à peine dix exemplaires souscrits. Quoi qu'il en soit, Beethoven n'a écrit la ''Missa solemnis'' ni pour exalter l'archiduc Rodolphe, ni pour gagner de l'argent mais plutôt parce qu'il éprouvait le besoin de traiter un sujet spirituel (cf. ''supra'' la lettre à Hauschka). Et nous devons le croire quand il écrit à Streicher:
Après l'avoir promise à cinq éditeurs, Beethoven ne publie pas encore la messe et conçoit alors d'obtenir la souscription pour 50 ducats minimum de toutes les grandes cours et de toutes les hautes personnalités de l'Europe. Le projet ne rapporta à peu près rien : à peine dix exemplaires souscrits. Quoi qu'il en soit, Beethoven n'a écrit la ''Missa solemnis'' ni pour exalter l'archiduc Rodolphe, ni pour gagner de l'argent mais plutôt parce qu'il éprouvait le besoin de traiter un sujet spirituel (cf. ''supra'' la lettre à Hauschka). Et nous devons le croire quand il écrit à Streicher :


{{Citation bloc|J'accède volontiers, mon cher ami, à votre désir de fournir les parties de chant de ma dernière Grand-Messe avec son arrangement pour orgue ou pour piano aux différentes sociétés de chant notamment parce que ces sociétés, dans les solennités publique mais surtout religieuses, peuvent être d'une efficacité extraordinaire et que mon but capital en composant cette Grand-Messe était de susciter et d'instiller en permanence des sentiments religieux aussi bien chez les chanteurs que chez les auditeurs.|Beethoven, lettre à Johann Andreas Streicher, Vienne, le {{date|16|septembre|1824|en musique classique}}<ref name="Lettres"/>}}
{{Citation bloc|J'accède volontiers, mon cher ami, à votre désir de fournir les parties de chant de ma dernière Grand-Messe avec son arrangement pour orgue ou pour piano aux différentes sociétés de chant notamment parce que ces sociétés, dans les solennités publique mais surtout religieuses, peuvent être d'une efficacité extraordinaire et que mon but capital en composant cette Grand-Messe était de susciter et d'instiller en permanence des sentiments religieux aussi bien chez les chanteurs que chez les auditeurs.|Beethoven, lettre à Johann Andreas Streicher, Vienne, le {{date|16|septembre|1824|en musique classique}}<ref name="Lettres"/>}}
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Après de multiples négociations sur le lieu de la première et le choix du chef, c'est finalement au [[Theater am Kärntnertor|Kärntnertortheater]] près de la porte de Carinthie qu'a lieu le concert le {{date|7|mai|1824|en musique classique}} sous la direction de [[Michael Umlauf]]. On annonce une « grande ouverture » (''[[Die Weihe des Hauses|La Consécration de la maison]]'' opus 124), trois grands « hymnes » avec solo et chœurs et une « Grande symphonie » (la ''[[Symphonie n° 9 de Beethoven|Neuvième Symphonie]]'' opus 125). C'est que, sous le régime de [[Klemens Wenzel von Metternich|Metternich]] alors en cours en [[Autriche]], la censure interdisait la représentation d'une messe dans un concert public. La ''Missa solemnis'' ne fut donc créée que partiellement (''Kyrie'', ''Credo'' et ''Agnus Dei''). Le concert est malheureusement un échec financier et le second, organisé le {{date|23|mai|1824|en musique classique}}, compte peu d'auditeurs.
Après de multiples négociations sur le lieu de la première et le choix du chef, c'est finalement au [[Theater am Kärntnertor|Kärntnertortheater]] près de la porte de Carinthie qu'a lieu le concert le {{date|7|mai|1824|en musique classique}} sous la direction de [[Michael Umlauf]]. On annonce une « grande ouverture » (''[[Die Weihe des Hauses|La Consécration de la maison]]'' opus 124), trois grands « hymnes » avec solo et chœurs et une « Grande symphonie » (la ''[[Symphonie n° 9 de Beethoven|Neuvième Symphonie]]'' opus 125). C'est que, sous le régime de [[Klemens Wenzel von Metternich|Metternich]] alors en cours en [[Autriche]], la censure interdisait la représentation d'une messe dans un concert public. La ''Missa solemnis'' ne fut donc créée que partiellement (''Kyrie'', ''Credo'' et ''Agnus Dei''). Le concert est malheureusement un échec financier et le second, organisé le {{date|23|mai|1824|en musique classique}}, compte peu d'auditeurs.


La ''Missa solemnis'' parut en avril 1827<ref name="Bary Cooper"/>, juste après la mort de Beethoven, chez [[Schott Music|Schott]] à [[Mayence]] et fut entendue pour la première fois intégralement le {{date|29|juin|1830|en musique classique}} à [[Varnsdorf]], petite ville à la frontière de la Bohême et de la Saxe, sous la direction du maître de chapelle local Johann Vincenz Richter<ref name="Guide Fayard"/>.
La ''Missa solemnis'' parut en {{date-|avril 1827}}<ref name="Bary Cooper"/>, juste après la mort de Beethoven, chez [[Schott Music|Schott]] à [[Mayence]] et fut entendue pour la première fois intégralement le {{date|29|juin|1830|en musique classique}} à [[Varnsdorf]], petite ville à la frontière de la Bohême et de la Saxe, sous la direction du maître de chapelle local Johann Vincenz Richter<ref name="Guide Fayard"/>.


== Musique ==
== Musique ==
=== Instrumentation ===
=== Instrumentation ===


{| class="wikitable centre" style="background:#f7f8ff; text-align: center; font-size: 98%;"
* Les instruments à cordes: [[premiers violons]], [[seconds violons]], [[Alto (instrument à cordes)|altos]], [[violoncelles]], [[contrebasse]].
|-
* Les instruments en bois: 2 [[flûte traversière|flûtes traversières]], 2 [[hautbois]], 2 [[clarinette]]s, 2 [[basson]]s, 1 [[contrebasson]]
| style="background:#D9FFB2;" |''Instrumentation de la Missa solemnis de Beethoven''
* Les instruments en cuivre: 4 [[cors d'harmonie]], 2 [[trompettes]], 3 [[trombone (instrument)|trombone]]s (alto, ténor, bass).
|-
* Les percussions: 2 [[timbales (musique classique)|timbales]]
! style="background:#F2FFE5;" |Cordes
* Accompagnement d'[[orgue]] ''ad libitum'' pour renforcer les basses
|-
* Les voix solo: [[soprano]], [[Alto (voix)|alto]], [[tenor|ténor]], [[Basse (voix)|basse]]
|[[violon|premiers violons]], [[second violon|seconds violons]], <br /> [[Alto (instrument à cordes)|altos]], [[violoncelle]]s, [[contrebasse]]s.
* Chœur : [[soprano]], [[alto (voix)|alto]], [[tenor|ténor]], [[Basse (voix)|basse]]
|-
! style="background:#F2FFE5;" |Bois
|-
|2 [[flûte traversière|flûtes traversières]], 2 [[hautbois]], <br /> 2 [[clarinette]]s, 2 [[basson]]s, 1 [[contrebasson]]
|-
! style="background:#F2FFE5;" |Cuivres
|-
|4 [[cors d'harmonie|cors]], 2 [[trompette]]s, 3 [[trombone (instrument)|trombone]]s
|-
! style="background:#F2FFE5;" |Autres
|-
|2 [[Timbales (musique classique)|timbales]],<br /> 1 [[orgue]] « [[ad libitum]] »<ref>pour renforcer les basses</ref>
|-
! style="background:#F2FFE5;" |Voix
|-
|Solistes : [[soprano]], [[Alto (voix)|alto]], [[ténor]], [[Baryton (voix)|baryton]] <br /> [[Chœur (musique)|Chœur]] : sopranos, altos, ténors, basses
|}


=== Structure ===
=== Structure ===
{{colonnes|taille=24|nombre=2|
I. '''[[Kyrie]]'''
# ''Kyrie eleison'', [[Tempo#Indication du tempo|''Assai sostenuto'']], en [[ré majeur]], à {{musique|cut-time}}, 85 mesures.
# ''Christe eleison'', ''Andante assai ben marcato'', en ''[[fa dièse mineur]], à {{mesure|3|2}}, 43 mesures.
# ''Kyrie eleison'', [[Tempo#Indication du tempo|''Tempo I'']], en ré majeur, à {{musique|cut-time}}, 95 mesures.

II. '''[[Gloire à Dieu|Gloria]]'''
# ''Gloria in excelsis'', ''Allegro vivace'', en ''[[ré majeur]]'', à {{mesure|3|4}}, 128 mesures.
# ''Gratias agimus tibi'', ''Meno Allegro'', en ''[[ré mineur]]'', à {{mesure|3|4}}, 102 mesures.
# ''Qui tollis'', ''[[Tempo|Larghetto]]'', en ''ré mineur'', à {{musique|cut-time}}, 79 mesures.
# ''Quoniam'', ''Allegro maestoso'', en ''[[la majeur]]'', à {{mesure|3|4}}, 50 mesures.
# ''In Gloria Dei Patris'', ''Allegro, ma non troppo e ben marcato'', en ''ré majeur'', à {{musique|common-time}}, 98 mesures.
# ''Amen'', ''Poco più allegro'', en ''ré majeur'', à {{musique|cut-time}}, 35 mesures.
# ''Gloria in excelsis Deo'', ''Presto'', en ''ré majeur'', à {{mesure|3|4}}, 44 mesures.

III. '''[[Credo (religion)#Composition musicale|Credo]]'''
# ''Credo'', ''Allegro ma non troppo'', en ''[[si bémol majeur]]'', à {{musique|common-time}}, 123 mesures.
# ''Et incarnatus est'', ''Adagio'', en ''[[ré mineur]]'', à {{mesure|3|4}}, 31 mesures.
# ''Crucifixus'', ''Adagio espressivo'', en ''ré mineur'', à {{mesure|3|4}}, 31 mesures.
# ''Et resurrexit'', ''Allegro molto'', en ''[[fa majeur]]'', à {{musique|common-time}}, 75 mesures.
# ''Credo in spiritum sanctum'', ''Allegro ma non troppo'', en ''ré mineur'', à {{musique|common-time}}, 41 mesures.
# ''Et vitam venturi seculi'', ''Allegretto ma non troppo'', en ''si bémol majeur'', à {{mesure|3|2}}, 126 mesures.
# ''Amen'', ''Grave'', en ''si bémol majeur'', à {{mesure|3|2}}, en 39 mesures.

IV. '''[[Sanctus]]'''
# ''Sanctus'', ''Adagio'', en ''ré majeur'', à {{mesure|2|4}}, 33 mesures.
# ''Pleni sunt cœli'', ''Allegro pesante'', en ''ré majeur'', à {{musique|common-time}}, 18 mesures.
# ''Osana'', ''Presto'', en ''ré majeur'', à {{mesure|3|4}}, 57 mesures.
# ''Benedictus'', ''Andante molto cantabile e non troppo mosso'', en ''[[sol majeur]]'', à {{mesure|12|8}}, 123 mesures.

V. '''[[Agnus Dei]]'''
# ''Agnus Dei'', ''Adagio'', en ''[[si mineur]]'', à {{musique|common-time}}, 95 mesures.
# ''Dona nobis pacem'', ''Allegretto vivace'', en ''[[ré majeur]]'', à {{mesure|6|8}}, 93 mesures.
# ''Tempo I'', à {{mesure|6|8}}, 44 mesures.
# ''Presto'', en ''ré majeur'', à {{musique|cut-time}}, 202 mesures.
}}

==== Kyrie ====
==== Kyrie ====
En marge du ''[[Kyrie]]'', Beethoven note: « Vom Herzen ! Möge es wieder zu Herzen gehen » (Venu du cœur ! Puisse-t-il retourner au cœur !). Un critique avait écrit en 1807 ou 1808 à propos de la [[Sonate pour piano nº 23 de Beethoven|Sonate Appassionata opus 57]]: « Vom Herzen zu Herzen »<ref name="Massin"/> Kirkendale ne voit pas là une simple effusion romantique, et rappelle qu'un siècle et demi auparavant Bossuet avait appelé le texte du ''Kyrie'' « le langage du cœur »<ref name="Kirkendale">Kirkendale, Warren. “New Roads to Old Ideas in Beethoven’s Missa Solemnis.” The Musical Quarterly (Oxford Journals), 1970, LVI(4): 665-701 doi:10.1093/mq/LVI.4.665</ref>.
En marge du ''[[Kyrie]]'', Beethoven note : « Vom Herzen ! Möge es wieder zu Herzen gehen » (Venu du cœur ! Puisse-t-il retourner au cœur !). Un critique avait écrit en 1807 ou 1808 à propos de la [[Sonate pour piano nº 23 de Beethoven|Sonate Appassionata opus 57]] : « Vom Herzen zu Herzen »<ref name="Massin"/> Kirkendale ne voit pas là une simple effusion romantique, et rappelle qu'un siècle et demi auparavant Bossuet avait appelé le texte du ''Kyrie'' « le langage du cœur »<ref name="Kirkendale">Kirkendale, Warren. “New Roads to Old Ideas in Beethoven’s Missa Solemnis.” The Musical Quarterly (Oxford Journals), 1970, LVI(4): 665-701 doi:10.1093/mq/LVI.4.665</ref>.


« Dès l'entrée du ''Kyrie'', on éprouve une impression de grandeur qui n'a d'égale que celle donnée par l'entrée similaire dans la ''[[Messe en si mineur]]'' de [[Johann Sebastian Bach|Bach]]. C'est le genre humain tout entier qui implore la miséricorde divine. Bientôt la tonalité [[ré majeur]] s'infléchit vers le ''[[relatif mineur]]''; une sorte de démarche pénible nous montre le Fils de Dieu descendu sur terre; mais le mot: ''[[Jésus-Christ|Christe]]'', établi sur la même musique que: ''[[Kyrie]]'', symbolise l'identité des deux personnes en un seul Dieu, tandis que le troisième ''Kyrie'', représentant l'Esprit saint, troisième personne participant à la même divinité que les deux autres, la ''sous-dominante'', comme trait d'union des trois représentations d'un Dieu unique. »<ref name="D'Indy"/>
{{citation bloc| Dès l'entrée du ''Kyrie'', on éprouve une impression de grandeur qui n'a d'égale que celle donnée par l'entrée similaire dans la ''[[Messe en si mineur]]'' de [[Johann Sebastian Bach|Bach]]. C'est le genre humain tout entier qui implore la miséricorde divine. Bientôt la tonalité [[ré majeur]] s'infléchit vers le ''[[relatif mineur]]'' ; une sorte de marche pénible nous montre le Fils de Dieu descendu sur terre ; mais le mot : ''[[Jésus-Christ|Christe]]'', établi sur la même musique que : ''[[Kyrie]]'', symbolise l'identité des deux personnes en un seul Dieu, tandis que le troisième ''Kyrie'', représentant l'Esprit saint, troisième personne participant à la même divinité que les deux autres, la ''sous-dominante'', s'infléchit comme trait d'union des trois représentations d'un Dieu unique.|[[Vincent d'Indy]]<ref name="D'Indy"/>|}}


==== Gloria ====
==== Gloria ====
À côté du début du ''[[Gloire à Dieu|Gloria]]'', Beethoven inscrit: « Gott über alles. Gott hat mich nie verlassen » (Dieu au-dessus de tout. Dieu ne m'a jamais abandonné)<ref name="Massin"/>.
À côté du début du ''[[Gloire à Dieu|Gloria]]'', Beethoven inscrit : « Gott über alles. Gott hat mich nie verlassen » (Dieu au-dessus de tout. Dieu ne m'a jamais abandonné)<ref name="Massin"/>.


« Le ''Gloria'' s'impose brillamment par une fanfare de trompette confiée aux ''contralti'' du chœur. […] Après le cris de gloire, tout se calme subitement sur les mots: ''pax hominibus'' etc.; et c'est déjà comme l'esquisse, en ses degrés essentiels, du grand thème de Paix qui conclura l'œuvre. […] La sonnerie de trompette qui sert de pivot à tout ce morceau, se fait entendre presque constamment, toutes les fois au moins, que les paroles désignent un appel à la force ou un symbole de puissance. »<ref name="D'Indy"/>
{{citation bloc|Le ''Gloria'' s'impose brillamment par une fanfare de trompette confiée aux ''contralti'' du chœur. […] Après le cris de gloire, tout se calme subitement sur les mots : ''pax hominibus'' etc. ; et c'est déjà comme l'esquisse, en ses degrés essentiels, du grand thème de Paix qui conclura l'œuvre. […] La sonnerie de trompette qui sert de pivot à tout ce morceau, se fait entendre presque constamment, toutes les fois au moins, que les paroles désignent un appel à la force ou un symbole de puissance.|Vincent d'Indy<ref name="D'Indy"/>|}}


==== Credo ====
==== Credo ====
Une lecture du credo ([[symbole des Apôtres]] et [[symbole de Nicée]])
Une lecture du credo ([[symbole des Apôtres]] et [[symbole de Nicée]])


« Avec le ''[[Credo (religion)|Credo]]'', nous rentrons dans la cathédrale pour ne plus en sortir. — Et n'est-ce pas, même plastiquement, une vraie cathédrale, que ce ''Credo'', ce monument sublime de la foi catholique, avec sa division, si tranchée, en trois nefs, celle du milieu aboutissant à l'autel du sacrifice: ''Et Homo factus est''? […] [Il] est divisé en trois grandes parties suivant le système ''trinitaire'' en usage dans un grand nombre de pièces liturgiques. »<ref name="D'Indy"/>
{{citation bloc|Avec le ''[[Credo (religion)|Credo]]'', nous rentrons dans la cathédrale pour ne plus en sortir. — Et n'est-ce pas, même plastiquement, une vraie cathédrale, que ce ''Credo'', ce monument sublime de la foi catholique, avec sa division, si tranchée, en trois nefs, celle du milieu aboutissant à l'autel du sacrifice: ''Et Homo factus est''? […] [Il] est divisé en trois grandes parties suivant le système ''trinitaire'' en usage dans un grand nombre de pièces liturgiques.|Vincent d'Indy<ref name="D'Indy"/>|}}


==== Sanctus ====
==== Sanctus ====
« Dans le ''[[Sanctus]]'', Beethoven, respectueux de la liturgie catholique et sachant que, durant le mystère de la Consécration, nulle voix ne doit se faire entendre, Beethoven est parvenu, par la puissance de son génie, à sublimer le silence. Ce ''Præludium'', qui laisse à l'officiant le temps de consacrer le pain et le vin, est, à notre sens, une inspiration infiniment plus haute de pensée que le charmant concerto de violon et de voix qui le suit. »<ref name="D'Indy"/>
{{citation bloc|Dans le ''[[Sanctus]]'', Beethoven, respectueux de la liturgie catholique et sachant que, durant le mystère de la Consécration, nulle voix ne doit se faire entendre, Beethoven est parvenu, par la puissance de son génie, à sublimer le silence. Ce ''Præludium'', qui laisse à l'officiant le temps de consacrer le pain et le vin, est, à notre sens, une inspiration infiniment plus haute de pensée que le charmant concerto de violon et de voix qui le suit.|Vincent d'Indy<ref name="D'Indy"/>|}}


Kirkendale observe à ce propos que dans le [[Livre d'Isaïe]], le ''Sanctus'' est l'hymne des anges au-dessus du temple de Jérusalem, et que les trompettes étaient des instruments tant des anges que des prêtres du temple<ref name="Kirkendale"/>.
Kirkendale observe à ce propos que dans le [[Livre d'Isaïe]], le ''Sanctus'' est l'hymne des anges au-dessus du temple de Jérusalem, et que les trompettes étaient des instruments tant des anges que des prêtres du temple<ref name="Kirkendale"/>.
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==== [[Agnus Dei]] ====
==== [[Agnus Dei]] ====
« C'est dans cette pièce et dans le prélude pour la Consécration, que le sentiment religieux de Beethoven apparaît le plus clairement. Tout le long début, où l'humanité implore la miséricorde de l'Agneau divin, est d'une beauté encore inégalée dans l'histoire musicale. En l'examinant attentivement, on découvrira combien cette imploration ''latine'', c'est-à-dire douée de l'effusion particulièrement catholique, est différente de la prière grecque du ''[[Kyrie]]'', prière plus ordonnée, il est vrai, à la manière de l'art antique, mais moins affectueuse et moins pressante. Et si cette prière-là monte, si haletante, vers l'autel de l'Agneau, victime de la Haine, c'est qu'elle implore de lui la paix: « paix intérieure » et « extérieure », a écrit Beethoven. Plus de pensées haineuses, plus de luttes intimes ou de profonds découragements; le thème de la Paix a jailli, lumineux et calme, hors du ton indécis de ''[[si mineur]]'', il nous rend enfin la tonalité ''de [[ré majeur]]'', celle de la Foi, celle de l'Amour, celle dont s'est enveloppée la Charité, dans la {{IXe}} Symphonie. »<ref name="D'Indy"/>
{{citation bloc|C'est dans cette pièce et dans le prélude pour la Consécration, que le sentiment religieux de Beethoven apparaît le plus clairement. Tout le long début, où l'humanité implore la miséricorde de l'Agneau divin, est d'une beauté encore inégalée dans l'histoire musicale. En l'examinant attentivement, on découvrira combien cette imploration ''latine'', c'est-à-dire douée de l'effusion particulièrement catholique, est différente de la prière grecque du ''[[Kyrie]]'', prière plus ordonnée, il est vrai, à la manière de l'art antique, mais moins affectueuse et moins pressante. Et si cette prière-là monte, si haletante, vers l'autel de l'Agneau, victime de la Haine, c'est qu'elle implore de lui la paix: « paix intérieure » et « extérieure », a écrit Beethoven. Plus de pensées haineuses, plus de luttes intimes ou de profonds découragements ; le thème de la Paix a jailli, lumineux et calme, hors du ton indécis de ''[[si mineur]]'', il nous rend enfin la tonalité ''de [[ré majeur]]'', celle de la Foi, celle de l'Amour, celle dont s'est enveloppée la Charité, dans la {{IXe}} Symphonie.|Vincent d'Indy<ref name="D'Indy"/>|}}

La première partie du mouvement, [[Tempo|''Adagio'']], s'articule autour d'un long dialogue entre chœur et solistes, qui interviennent à tour de rôle. Beethoven donne ici l'impression d'amplification progressive et structurée, rendue par l'augmentation graduelle du nombre de voix et de la complexité orchestrale.

{{Centrer|1=<score lang="lilypond">
\new Staff \with {
midiInstrument = "piano"
}
{
\relative c {
\version "2.18.2"
\key b \minor
\time 4/4
\tempo "Adagio"
\clef bass
cis1 (~
cis4 e fis) g8 e
d2. e8 fis8
fis4 fis, r4 fis'
fis2 e4 fis4
g2 cis,4 r4
r2 cis4 (d4)
e2 cis4 ais4
b4 a4 g2 ~
g2 fis4 r4
\bar "|."
}
}
\addlyrics {
\lyricmode {
A1 __ gn -- us,
a2 -- gn -- us
De -- i, qui
to -- lis pec
-- ca -- ta,
pec -- ca -- ta,
pec -- ca -- ta
mun -- di.
}
}
</score><br />Introduction du soliste basse dans l'incipit du mouvement.}}


== Repères discographiques ==
== Repères discographiques ==
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* [[Otto Klemperer]], [[Orchestre Philharmonia|Philharmonia orchestra]], [[1963]] ([[Testament (label)|Testament]])<ref>Enregistrement public au [[Royal Festival Hall]] de [[Londres]] (1963)</ref>{{,}}<ref>Enregistrement salué par une note de [[Diapason (magazine)|5 diapasons]] dans la revue [[Diapason (magazine)|Diapason]] du mois de septembre 2007, {{p.|127}}</ref>
* [[Otto Klemperer]], [[Orchestre Philharmonia|Philharmonia orchestra]], [[1963]] ([[Testament (label)|Testament]])<ref>Enregistrement public au [[Royal Festival Hall]] de [[Londres]] (1963)</ref>{{,}}<ref>Enregistrement salué par une note de [[Diapason (magazine)|5 diapasons]] dans la revue [[Diapason (magazine)|Diapason]] du mois de septembre 2007, {{p.|127}}</ref>
* [[Gunter Wand]], [[Orchestre du Gürzenich de Cologne|Chœurs et Orchestre du Gürzenich de Cologne]], [[1963]] ([[Testament (label)|Testament]])<ref>Enregistrement salué par un [[Diapason (magazine)|Diapason d'or]] dans la revue [[Diapason (magazine)|Diapason]] {{numéro|500}} du mois de février 2003</ref>
* [[Gunter Wand]], [[Orchestre du Gürzenich de Cologne|Chœurs et Orchestre du Gürzenich de Cologne]], [[1963]] ([[Testament (label)|Testament]])<ref>Enregistrement salué par un [[Diapason (magazine)|Diapason d'or]] dans la revue [[Diapason (magazine)|Diapason]] {{numéro|500}} du mois de février 2003</ref>
* [[Otto Klemperer]], [[Orchestre Philharmonia|Philharmonia orchestra]], [[1963]] ([[EMI Group|EMI Classics]])<ref>Enregistrement salué par un [[Diapason (magazine)|Diapason d'or]] dans la revue [[Diapason (magazine)|Diapason]] {{numéro|344}} du mois de décembre 1988</ref>{{,}}<ref>{{citation|[[Otto Klemperer|Klemperer]] continue de nous combler par son souffle grandiose et sa chaleureuse rudesse}}. {{ouvrage|titre=Le guide 1996 du CD|sous-titre=Tome 1, Répertoire Classique|éditeur=Marabout|isbn=978-2-5010-2361-0|année=1996|passage=68}}</ref>
* [[Otto Klemperer]], [[Orchestre Philharmonia|Philharmonia orchestra]], [[1963]] ([[EMI Group|EMI Classics]])<ref>Enregistrement salué par un [[Diapason (magazine)|Diapason d'or]] dans la revue [[Diapason (magazine)|Diapason]] {{numéro|344}} du mois de décembre 1988</ref>{{,}}<ref>{{citation|[[Otto Klemperer|Klemperer]] continue de nous combler par son souffle grandiose et sa chaleureuse rudesse}}. {{Ouvrage|titre=Le guide 1996 du CD|sous-titre=Tome 1, Répertoire Classique|éditeur=Marabout|année=1996|passage=68|isbn=978-2-501-02361-0}}</ref>
* [[Karl Böhm]], [[Orchestre philharmonique de Vienne]], [[1974]] ([[Deutsche Grammophon|DG]])
* [[Karl Böhm]], [[Orchestre philharmonique de Vienne]], [[1974]] ([[Deutsche Grammophon|DG]])
* [[Herbert von Karajan]], [[Orchestre philharmonique de Berlin]], [[1975]] ([[EMI Group|EMI Classics]])<ref>{{citation|Le troisième enregistrement de Herbert von Karajan concilie la perfection instrumentale et vocale avec un réel sens du monumental}}. {{ouvrage|titre=Dictionnaire des disques Diapason|sous-titre=Guide critique de la musique classique enregistrée|éditeur=Robert Laffont|isbn=978-2-2215-0233-4|année=1984|passage=89}}.</ref>
* [[Herbert von Karajan]], [[Orchestre philharmonique de Berlin]], [[1975]] ([[EMI Group|EMI Classics]])<ref>{{citation|Le troisième enregistrement de Herbert von Karajan concilie la perfection instrumentale et vocale avec un réel sens du monumental}}. {{Ouvrage|titre=Dictionnaire des disques Diapason|sous-titre=Guide critique de la musique classique enregistrée|éditeur=[[Éditions Robert Laffont|Robert Laffont]]|année=1984|passage=89|isbn=978-2-221-50233-4}}.</ref>
* [[Carlo Maria Giulini]], [[London Philharmonic Orchestra]], [[1975]] ([[EMI Group|EMI Classics]])<ref>{{citation|De belles inspirations de [[Carlo Maria Giulini|Giulini]] dans la Missa Solemnis avec un orchestre étincelant}}. {{ouvrage|titre=Le guide 1996 du CD|sous-titre=Tome 1, Répertoire Classique|éditeur=Marabout|isbn=978-2-5010-2361-0|année=1996|passage=68}}</ref>
* [[Carlo Maria Giulini]], [[London Philharmonic Orchestra]], [[1975]] ([[EMI Group|EMI Classics]])<ref>{{citation|De belles inspirations de [[Carlo Maria Giulini|Giulini]] dans la Missa Solemnis avec un orchestre étincelant}}. {{Ouvrage|titre=Le guide 1996 du CD|sous-titre=Tome 1, Répertoire Classique|éditeur=Marabout|année=1996|passage=68|isbn=978-2-501-02361-0}}</ref>
* [[Colin Davis|Sir Colin Davis]], [[Orchestre symphonique de Londres|Chœurs et Orchestre symphonique de Londres]], [[1978]] ([[Philips]])
* [[Colin Davis|Sir Colin Davis]], [[Orchestre symphonique de Londres|Chœurs et Orchestre symphonique de Londres]], [[1978]] ([[Philips Records|Philips]])
* [[Leonard Bernstein]], [[Orchestre royal du Concertgebouw|Concertgebouw Orchestra Amsterdam]], [[1979]] ([[Deutsche Grammophon|DG]])<ref>Concert public paru en CD et en DVD</ref>{{,}}<ref>Enregistrement salué par un [[Diapason (magazine)|Diapason d'or]] dans la revue [[Diapason (magazine)|Diapason]] {{numéro|567}} du mois de mars 2009</ref>
* [[Leonard Bernstein]], [[Orchestre royal du Concertgebouw|Concertgebouw Orchestra Amsterdam]], [[1979]] ([[Deutsche Grammophon|DG]])<ref>Concert public paru en CD et en DVD</ref>{{,}}<ref>Enregistrement salué par un [[Diapason (magazine)|Diapason d'or]] dans la revue [[Diapason (magazine)|Diapason]] {{numéro|567}} du mois de mars 2009</ref>
* [[Herbert von Karajan]], [[Orchestre Philharmonique de Berlin]], [[1979]] ([[Deutsche Grammophon|DG]], [[DVD]])<ref>Enregistré au [[Festival de Salzbourg]] en 1979</ref>
* [[Herbert von Karajan]], [[Orchestre Philharmonique de Berlin]], [[1979]] ([[Deutsche Grammophon|DG]], [[DVD]])<ref>Enregistré au [[Festival de Salzbourg]] en 1979</ref>
* [[John Eliot Gardiner]], [[Monteverdi Choir]], [[:en:Orchestre Révolutionnaire et Romantique|Orchestre Révolutionnaire et Romantique]], [[1989]], ([[Deutsche Grammophon|DG Archiv Produktion]])<ref>Enregistrement sur instruments anciens</ref>{{,}}<ref>{{citation|[[John Eliot Gardiner|Gardiner]] livre une belle version de cette œuvre imposante en bénéficiant d'une belle prise de son qui valorise le côté "authentique" de cette interprétation}}. {{ouvrage|titre=Guide des CD récompensés par la presse et les grands prix|sous-titre=Musique Classique|éditeur=Bleu nuit éditeur|isbn=978-2-9135-7580-6|année=2005|passage=129}}</ref>{{,}}<ref>Enregistrement salué par un ''[[Gramophone Award]]'' 1991 de la revue [[Gramophone (magazine)|Gramophone ]]</ref>
* [[John Eliot Gardiner]], [[Monteverdi Choir]], [[Orchestre Révolutionnaire et Romantique]], [[1989]], ([[Deutsche Grammophon|DG Archiv Produktion]])<ref>Enregistrement sur instruments anciens</ref>{{,}}<ref>{{citation|[[John Eliot Gardiner|Gardiner]] livre une belle version de cette œuvre imposante en bénéficiant d'une belle prise de son qui valorise le côté "authentique" de cette interprétation}}. {{Ouvrage|titre=Guide des CD récompensés par la presse et les grands prix|sous-titre=Musique Classique|éditeur=Bleu nuit éditeur|année=2005|passage=129|isbn=978-2-913575-80-6}}</ref>{{,}}<ref>Enregistrement salué par un ''[[Gramophone Award]]'' 1991 de la revue [[Gramophone (magazine)|Gramophone ]]</ref>
* [[James Levine]], [[Orchestre philharmonique de Vienne]], [[1991]] ([[Deutsche Grammophon|DG]])
* [[James Levine]], [[Orchestre philharmonique de Vienne]], [[1992]] ([[Deutsche Grammophon|DG]])
* [[Nikolaus Harnoncourt]], [[Chamber Orchestra of Europe]], [[1992]] ([[Teldec]])<ref>Enregistrement salué par un [[Diapason (magazine)|Diapason d'or]] dans la revue [[Diapason (magazine)|Diapason]] {{numéro|391}} du mois de mars 1993</ref>{{,}}<ref>{{citation|Une fois de plus, [[Nikolaus Harnoncourt|Harnoncourt]] ne déçoit pas: il revisite l'œuvre sans œillère, ni a priori}}. {{ouvrage|titre=Le guide 1996 du CD|sous-titre=Tome 1, Répertoire Classique|éditeur=Marabout|isbn=978-2-5010-2361-0|année=1996|passage=67}}</ref>{{,}}<ref>{{citation|[[Nikolaus Harnoncourt|Harnoncourt]] réussit un pari insensé: alléger la pâte sonore tout en imposant un geste musical très noble grâce à des tempos mesurés}}. {{ouvrage|titre=La Discothèque idéale|sous-titre=Sous la direction de [[Bertrand Dermoncourt]]|éditeur=Actes Sud|isbn=978-2-3300-0216-9|année=2012|passage=37}}</ref>
* [[Nikolaus Harnoncourt]], [[Chamber Orchestra of Europe]], [[Arnold Schoenberg Chor]], {{lien|Eva Mei}}, [[Marjana Lipovsek]], [[Anthony Rolfe Johnson]], {{lien|Robert Holl}}, [[1992]] ([[Teldec]])<ref>Enregistrement salué par un [[Diapason (magazine)|Diapason d'or]] dans la revue [[Diapason (magazine)|Diapason]] {{numéro|391}} du mois de mars 1993</ref>{{,}}<ref>{{citation|Une fois de plus, [[Nikolaus Harnoncourt|Harnoncourt]] ne déçoit pas: il revisite l'œuvre sans œillère, ni a priori}}. {{Ouvrage|titre=Le guide 1996 du CD|sous-titre=Tome 1, Répertoire Classique|éditeur=Marabout|année=1996|passage=67|isbn=978-2-501-02361-0}}</ref>{{,}}<ref>{{citation|[[Nikolaus Harnoncourt|Harnoncourt]] réussit un pari insensé: alléger la pâte sonore tout en imposant un geste musical très noble grâce à des tempos mesurés}}. {{Ouvrage|langue=fr|titre=La Discothèque idéale|sous-titre=Sous la direction de [[Bertrand Dermoncourt]]|lieu=Arles/Paris|éditeur=[[Actes Sud]]|année=2012|pages totales=280|passage=37|isbn=978-2-330-00216-9}}</ref>
* [[Philippe Herreweghe]], [[Orchestre des Champs-Élysées]], [[1995]] ([[Harmonia Mundi]])<ref>Enregistrement salué par un [[Diapason (magazine)|Diapason d'or]] dans la revue [[Diapason (magazine)|Diapason]] {{numéro|420}} du mois de novembre 1995</ref>
* [[Philippe Herreweghe]], [[Orchestre des Champs-Élysées]], [[1995]] ([[Harmonia Mundi]])<ref>Enregistrement salué par un [[Diapason (magazine)|Diapason d'or]] dans la revue [[Diapason (magazine)|Diapason]] {{numéro|420}} du mois de novembre 1995</ref>
* [[David Zinman]], [[Orchestre de la Tonhalle de Zurich]], [[2001]] ([[Sony Music Entertainment|Arte Nova]])
* [[David Zinman]], [[Orchestre de la Tonhalle de Zurich]], [[2001]] ([[Sony Music Entertainment|Arte Nova]])
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== Références ==
== Références ==
{{Références|taille=20}}
{{Références|taille=20}}

== Bibliographie ==
* {{article|langue=fr|auteur=Frauke Flachaire|titre=La Missa Solemnis de Beethoven : Historique, perception de l'œuvre et orientations d'analyse|périodique=Musurgia|volume=3|numéro=4|jour=|mois=|année=1996|pages=19|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/40591058}}.
* {{article|langue=en|auteur=John F. Ohl|titre=Beethoven: Missa Solemnis|périodique=The Choral Journal|volume=21|numéro=6|jour=|mois=février|année=1981|pages=9|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/23545680}}.


== Liens externes ==
== Liens externes ==
* {{Autorité}}
{{Liens}}
* [https://www.beethoven.de/en/media/view/6389633541734400/scan/0 Édition originale sur le site Beethoven-haus-bonn]
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* [http://www.beethoven.de/sixcms/detail.php?id=15288&template=dokseite_digitales_archiv_en&_dokid=T00016859&_seite=1-1 Édition originale sur le site Beethoven-haus-bonn]
* Une [http://dominique.sourisse.free.fr/cariboost_files/missa_solemnis.pdf analyse détaillée] en français
* Une [http://dominique.sourisse.free.fr/cariboost_files/missa_solemnis.pdf analyse détaillée] en français
* [http://www.espritsnomades.com/siteclassique/beethovenmissasolemnis.html Un manifeste pour la Paix] en français
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Missa solemnis de Beethoven
opus 123
Image illustrative de l’article Missa solemnis (Beethoven)
Beethoven travaillant à la Missa solemnis, portrait de Joseph Karl Stieler

Genre Messe
Nb. de mouvements 5
Musique Ludwig van Beethoven
Langue originale Latin
Effectif solistes, chœur et orchestre
Durée approximative environ 70 minutes
Dates de composition entre 1818 et 1823
Dédicataire Archiduc Rodolphe
Création
Saint-Pétersbourg

La Messe solennelle en ré majeur ou Missa solemnis, opus 123, de Ludwig van Beethoven, fut composée entre 1818 et 1823[1], publiée en avril 1827[1] et dédiée à son élève l'archiduc Rodolphe[1]. Pièce majeure du répertoire sacré en bonne place aux côtés de la Messe en si mineur de Bach et du Requiem de Mozart, elle est l'œuvre la plus longue de Beethoven après son opéra Fidelio et assurément celle qui lui a réclamé le plus de travail. Il s'agit de sa troisième œuvre vocale à caractère sacré, après l'oratorio Le Christ au Mont des Oliviers (1801) et la Messe en ut majeur (1807).

La Missa solemnis était considérée par Beethoven comme « sa meilleure œuvre, son plus grand ouvrage »[2].

Contexte et composition[modifier | modifier le code]

La production de Beethoven comporte peu d'œuvres à caractère sacré : l'oratorio Christus am Ölberge et les Gellert Lieder[3] suivant la crise existentielle survenue en 1802 à Heiligenstadt, la Messe en ut majeur commandée par le prince Esterhazy en 1807 et la Missa solemnis. On peut sans doute y adjoindre des œuvres à caractère spirituel et ontologique comme le finale de la Neuvième Symphonie ou le Dankgesang du 15e Quatuor et celles où apparaît le mythe prométhéen (Les Créatures de Prométhée, Troisième Symphonie).

Les cinq années qui suivent 1812 (l'année des Septième et Huitième symphonies) sont les plus éprouvantes de la vie de Beethoven. Tandis que sa surdité devient totale, il doit faire face à une accumulation de soucis familiaux (décès de son frère Kaspar-Karl en 1815[4],[5], série de procès contre sa belle-sœur pour obtenir la tutelle exclusive de son neveu Karl), matériels (isolement, pauvreté grandissante) mais aussi professionnels (perte progressive de la faveur du public viennois) qui se traduisent par un ralentissement considérable de son activité créatrice. Entre 1816 et 1817, le musicien tombe gravement malade et semble proche du suicide. Mais ses forces reviennent vers la fin de 1817, tandis qu'il commence le travail pour la sonate « Hammerklavier ». Beethoven avait toujours été croyant sans être un pratiquant assidu, mais une des caractéristiques du musicien dans sa dernière période créatrice est de s'être tourné vers la spiritualité, comme en témoignent les nombreuses citations d'ordre religieux qu'il recopia dans ses cahiers à partir de 1817 :

« Je veux donc m'abandonner patiemment à toutes les vicissitudes et placer mon entière confiance uniquement en ton immuable bonté, ô Dieu ! Tienne, immuablement tienne doit se réjouir d'être oui mon âme. Sois mon rocher, ô Dieu, sois ma lumière, sois éternellement mon assurance ! » (Christian Sturm, recopié par Beethoven, 1818) [6]

Au mois de , Vincenz Hauschka est chargé par la Gesellschaft der Musikfreunde de Vienne de demander à son ami Beethoven de composer un oratorio sur un sujet héroïque. Beethoven accepte et, peu après son arrivée à Mödling où il poursuit sa convalescence, il lui écrit :

« Je n'ai pas de sujet autre que religieux, mais si vous en voulez un héroïque, je n'y vois pas d'inconvénient. Toutefois je crois que, pour un tel concours de peuple, il y aurait lieu d'y mêler un peu de sacré. »

— Beethoven, lettre à Vincenz Hauschka, Mödling, début de juin 1818[7]


C'est alors que Beethoven apprend que son élève et ami l'Archiduc Rodolphe est élevé au rang d'archevêque d'Olmütz par le consistoire du . Il se propose d'écrire une grande œuvre religieuse pour la cérémonie d'intronisation prévue le , comme l'atteste une lettre écrite un an plus tard :

Rodolphe d'Autriche (1788-1831)

« Le jour où la Grand-Messe composée par moi sera exécutée durant les cérémonies célébrant Votre Altesse Impériale sera pour moi le plus glorieux de ma vie, et Dieu m'inspirera de sorte que mon faible talent contribuera à donner plus de lustre à cette solennité. »

— Beethoven, lettre à l'Archiduc Rodolphe, Mödling, début de juin 1819[7]

Beethoven se met immédiatement au travail. Dans les carnets de l'été 1818 à Mödling, Beethoven note : « Pour écrire de la vraie musique d'église, parcourir tous les chorals d'église des moines, etc., chercher quelque part comment sont les versets dans les traductions les plus exactes, avec la prosodie complète, principalement de tous les psaumes et chants chrétiens-catholiques »[6]. Et il passe en effet du temps dans la bibliothèque de l'archiduc (aujourd'hui Rudolfinum et propriété du Conservatoire de Vienne) à lire les motets de Palestrina et les livres d'offices grégoriens[8]. Mais, plutôt que d'écrire dans le style du plain-chant, il s'inspire surtout du Messie de Haendel dont il recopie les thèmes dans les esquisses de la Missa solemnis[2].

Beethoven fait état à plusieurs reprises de l'avancement de son travail :

« [...] je ne me sens pas du tout bien, et de nouveau depuis quelque temps je dois prendre des médicaments. C'est peine si je peux quelques heures par jour me consacrer à ce don le plus précieux du Ciel : mon art et les Muses. J'espère cependant être en état de compléter la Messe et en temps voulu, de manière que si notre accord tient toujours, elle pourra être exécutée le . Je serais vraiment au désespoir si mon mauvais état de santé devait m'empêcher d'être prêt ce jour-là. Mais j'ai bon espoir que mes souhaits les plus chers pour que ce but soit atteint se réaliseront. »

— Beethoven, lettre à l'Archiduc Rodolphe, Mödling, le [7]

« [...] j'ai presque terminé une autre Grand-Messe. »

— Beethoven, lettre à Ferdinand Ries, Vienne, le [7]

« Quant à la Messe qui sera bientôt exécutée, les honoraires sont de 125 louis d'or — Il s'agit d'une grande œuvre — Mais pour celle-ci je vous prie de me faire avoir une réponse dans quelques semaines au maximum car, autrement, étant obligé de la donner en retard à d'autres éditeurs, j'y perdrais. »

— Beethoven, lettre à l'éditeur Peter-Joseph Simrock, Vienne, le [7]

« Finalement la Messe vous sera remise à Francfort très certainement le mois prochain, disons à la fin de juin. Le cardinal Rodolphe, qui est en général très entiché de mes compositions, bien que jusqu'à présent je n'aie pas connaissance de sa générosité, n'a pas voulu que la Messe fût publiée plus tôt, et c'est depuis trois jours seulement qu'il ma renvoyé la partition et les parties, afin que je ne puisse être lésé par mon éditeur, selon l'expression de Son Altesse. En même temps Son Altesse me demandait que l'œuvre lui soit dédiée. Je suis en train de faire copier une seconde fois la partition pour mon propre usage et la révise avec soin. Dans mon pénible état de santé, tout cela marche plutôt lentement — C'est au plus à la fin du mois prochain que la Messe arrivera à Francfort »

— Beethoven, lettre à Franz Brentano, Vienne, le [7]

Manuscrit de la Missa solemnis

Les proportions monumentales que prend la Missa Solemnis lui réclament finalement près de cinq années de travail acharné et, comme le font remarquer Jean et Brigitte Massin, la composition est étrangement liée à ses villégiatures d'été[2] :

  • Mödling 1818 : ébauche du Kyrie (à la fin de l'année le Kyrie est en bonne voie
  • Mödling 1819 : achèvement du Kyrie, composition du Gloria et ébauche du Credo
  • Mödling 1820 : achèvement du Credo, composition du Sanctus et du Benedictus
  • Vienne 1821 : début de la composition de l'Agnus Dei
  • Döblin 1822 : composition du Dona nobis pacem et achèvement de la Missa solemnis" fin 1822

Durant cette période, Beethoven compose également les quatre dernières sonates pour piano. Ce n'est finalement que le [2] que Beethoven envoie la partition à l'archiduc, c'est-à-dire bien après l'intronisation du cardinal qui eut lieu finalement le .

Après l'avoir promise à cinq éditeurs, Beethoven ne publie pas encore la messe et conçoit alors d'obtenir la souscription pour 50 ducats minimum de toutes les grandes cours et de toutes les hautes personnalités de l'Europe. Le projet ne rapporta à peu près rien : à peine dix exemplaires souscrits. Quoi qu'il en soit, Beethoven n'a écrit la Missa solemnis ni pour exalter l'archiduc Rodolphe, ni pour gagner de l'argent mais plutôt parce qu'il éprouvait le besoin de traiter un sujet spirituel (cf. supra la lettre à Hauschka). Et nous devons le croire quand il écrit à Streicher :

« J'accède volontiers, mon cher ami, à votre désir de fournir les parties de chant de ma dernière Grand-Messe avec son arrangement pour orgue ou pour piano aux différentes sociétés de chant notamment parce que ces sociétés, dans les solennités publique mais surtout religieuses, peuvent être d'une efficacité extraordinaire et que mon but capital en composant cette Grand-Messe était de susciter et d'instiller en permanence des sentiments religieux aussi bien chez les chanteurs que chez les auditeurs. »

— Beethoven, lettre à Johann Andreas Streicher, Vienne, le [7]

Première et publication[modifier | modifier le code]

L'ancien Theater am Kärntnertor dessiné par Carl Wenzel Zajicek

La première audition complète de la Missa solemnis a lieu à Saint-Pétersbourg [1] — le tsar et le prince Galitzine avaient en effet souscrit[9].

En 1824, la Neuvième Symphonie était pratiquement achevée et, comme la Missa solemnis, elle demeurait inédite à Vienne. Prévoyant des frais considérables pour l'exécution d'œuvres de ce volume, Beethoven envisage d'abord une collaboration avec la Gesellschaft der Musikfreunden qui refuse, lui rappelant la commande déjà en partie payée d'un oratorio. Il se tourne ensuite vers les musiciens de Berlin, qui donnent rapidement leur accord de principe, et reprend à nouveau son projet de voyage à Londres et d'établissement en Angleterre. Se produit alors le même phénomène qu'en 1809, lorsque Jérôme Bonaparte, placé par son frère sur le trône de Westphalie, proposait à Beethoven le poste de maître de chapelle à sa Cour : les « élites » viennoises le supplient de donner à Vienne la primeur de ses œuvres. Touché, Beethoven accepte autant pour la défense de la musique allemande face à l'italianisme alors en vogue à Vienne[10].

Lettre de Beethoven où il donne à l'éditeur Schott l'exclusivité des droits de publication de la 9e symphonie et de la Missa Solemnis

Après de multiples négociations sur le lieu de la première et le choix du chef, c'est finalement au Kärntnertortheater près de la porte de Carinthie qu'a lieu le concert le sous la direction de Michael Umlauf. On annonce une « grande ouverture » (La Consécration de la maison opus 124), trois grands « hymnes » avec solo et chœurs et une « Grande symphonie » (la Neuvième Symphonie opus 125). C'est que, sous le régime de Metternich alors en cours en Autriche, la censure interdisait la représentation d'une messe dans un concert public. La Missa solemnis ne fut donc créée que partiellement (Kyrie, Credo et Agnus Dei). Le concert est malheureusement un échec financier et le second, organisé le , compte peu d'auditeurs.

La Missa solemnis parut en [1], juste après la mort de Beethoven, chez Schott à Mayence et fut entendue pour la première fois intégralement le à Varnsdorf, petite ville à la frontière de la Bohême et de la Saxe, sous la direction du maître de chapelle local Johann Vincenz Richter[9].

Musique[modifier | modifier le code]

Instrumentation[modifier | modifier le code]

Instrumentation de la Missa solemnis de Beethoven
Cordes
premiers violons, seconds violons,
altos, violoncelles, contrebasses.
Bois
2 flûtes traversières, 2 hautbois,
2 clarinettes, 2 bassons, 1 contrebasson
Cuivres
4 cors, 2 trompettes, 3 trombones
Autres
2 timbales,
1 orgue « ad libitum »[11]
Voix
Solistes : soprano, alto, ténor, baryton
Chœur : sopranos, altos, ténors, basses

Structure[modifier | modifier le code]

I. Kyrie

  1. Kyrie eleison, Assai sostenuto, en ré majeur, à 2/2, 85 mesures.
  2. Christe eleison, Andante assai ben marcato, en fa dièse mineur, à
    , 43 mesures.
  3. Kyrie eleison, Tempo I, en ré majeur, à 2/2, 95 mesures.

II. Gloria

  1. Gloria in excelsis, Allegro vivace, en ré majeur, à
    , 128 mesures.
  2. Gratias agimus tibi, Meno Allegro, en ré mineur, à
    , 102 mesures.
  3. Qui tollis, Larghetto, en ré mineur, à 2/2, 79 mesures.
  4. Quoniam, Allegro maestoso, en la majeur, à
    , 50 mesures.
  5. In Gloria Dei Patris, Allegro, ma non troppo e ben marcato, en ré majeur, à 4/4, 98 mesures.
  6. Amen, Poco più allegro, en ré majeur, à 2/2, 35 mesures.
  7. Gloria in excelsis Deo, Presto, en ré majeur, à
    , 44 mesures.

III. Credo

  1. Credo, Allegro ma non troppo, en si bémol majeur, à 4/4, 123 mesures.
  2. Et incarnatus est, Adagio, en ré mineur, à
    , 31 mesures.
  3. Crucifixus, Adagio espressivo, en ré mineur, à
    , 31 mesures.
  4. Et resurrexit, Allegro molto, en fa majeur, à 4/4, 75 mesures.
  5. Credo in spiritum sanctum, Allegro ma non troppo, en ré mineur, à 4/4, 41 mesures.
  6. Et vitam venturi seculi, Allegretto ma non troppo, en si bémol majeur, à
    , 126 mesures.
  7. Amen, Grave, en si bémol majeur, à
    , en 39 mesures.

IV. Sanctus

  1. Sanctus, Adagio, en ré majeur, à
    , 33 mesures.
  2. Pleni sunt cœli, Allegro pesante, en ré majeur, à 4/4, 18 mesures.
  3. Osana, Presto, en ré majeur, à
    , 57 mesures.
  4. Benedictus, Andante molto cantabile e non troppo mosso, en sol majeur, à
    , 123 mesures.

V. Agnus Dei

  1. Agnus Dei, Adagio, en si mineur, à 4/4, 95 mesures.
  2. Dona nobis pacem, Allegretto vivace, en ré majeur, à
    , 93 mesures.
  3. Tempo I, à
    , 44 mesures.
  4. Presto, en ré majeur, à 2/2, 202 mesures.

Kyrie[modifier | modifier le code]

En marge du Kyrie, Beethoven note : « Vom Herzen ! Möge es wieder zu Herzen gehen » (Venu du cœur ! Puisse-t-il retourner au cœur !). Un critique avait écrit en 1807 ou 1808 à propos de la Sonate Appassionata opus 57 : « Vom Herzen zu Herzen »[2] Kirkendale ne voit pas là une simple effusion romantique, et rappelle qu'un siècle et demi auparavant Bossuet avait appelé le texte du Kyrie « le langage du cœur »[12].

«  Dès l'entrée du Kyrie, on éprouve une impression de grandeur qui n'a d'égale que celle donnée par l'entrée similaire dans la Messe en si mineur de Bach. C'est le genre humain tout entier qui implore la miséricorde divine. Bientôt la tonalité ré majeur s'infléchit vers le relatif mineur ; une sorte de marche pénible nous montre le Fils de Dieu descendu sur terre ; mais le mot : Christe, établi sur la même musique que : Kyrie, symbolise l'identité des deux personnes en un seul Dieu, tandis que le troisième Kyrie, représentant l'Esprit saint, troisième personne participant à la même divinité que les deux autres, la sous-dominante, s'infléchit comme trait d'union des trois représentations d'un Dieu unique. »

— Vincent d'Indy[8]

Gloria[modifier | modifier le code]

À côté du début du Gloria, Beethoven inscrit : « Gott über alles. Gott hat mich nie verlassen » (Dieu au-dessus de tout. Dieu ne m'a jamais abandonné)[2].

« Le Gloria s'impose brillamment par une fanfare de trompette confiée aux contralti du chœur. […] Après le cris de gloire, tout se calme subitement sur les mots : pax hominibus etc. ; et c'est déjà comme l'esquisse, en ses degrés essentiels, du grand thème de Paix qui conclura l'œuvre. […] La sonnerie de trompette qui sert de pivot à tout ce morceau, se fait entendre presque constamment, toutes les fois au moins, que les paroles désignent un appel à la force ou un symbole de puissance. »

— Vincent d'Indy[8]

Credo[modifier | modifier le code]

Une lecture du credo (symbole des Apôtres et symbole de Nicée)

« Avec le Credo, nous rentrons dans la cathédrale pour ne plus en sortir. — Et n'est-ce pas, même plastiquement, une vraie cathédrale, que ce Credo, ce monument sublime de la foi catholique, avec sa division, si tranchée, en trois nefs, celle du milieu aboutissant à l'autel du sacrifice: Et Homo factus est? […] [Il] est divisé en trois grandes parties suivant le système trinitaire en usage dans un grand nombre de pièces liturgiques. »

— Vincent d'Indy[8]

Sanctus[modifier | modifier le code]

« Dans le Sanctus, Beethoven, respectueux de la liturgie catholique et sachant que, durant le mystère de la Consécration, nulle voix ne doit se faire entendre, Beethoven est parvenu, par la puissance de son génie, à sublimer le silence. Ce Præludium, qui laisse à l'officiant le temps de consacrer le pain et le vin, est, à notre sens, une inspiration infiniment plus haute de pensée que le charmant concerto de violon et de voix qui le suit. »

— Vincent d'Indy[8]

Kirkendale observe à ce propos que dans le Livre d'Isaïe, le Sanctus est l'hymne des anges au-dessus du temple de Jérusalem, et que les trompettes étaient des instruments tant des anges que des prêtres du temple[12].

Le Præludium orchestral polyphonique en sol majeur (sostenuto ma non troppo) séparant l’Osanna du Benedictus, sans équivalent dans les messes orchestrales des autres grands compositeurs, se justifie pleinement d'un point de vue liturgique pendant l'élévation. Un violon solo dans l'aigu superposé au dernier accord du Præludium fait le lien avec le Benedictus (andante molto cantabile e non troppo en sol majeur), où cet instrument est traité en soliste d'un bout à l'autre en un rythme à 12/8 et dans une atmosphère quasi pastorale se maintenant pour la reprise de l’Osanna[9].

Agnus Dei[modifier | modifier le code]

« C'est dans cette pièce et dans le prélude pour la Consécration, que le sentiment religieux de Beethoven apparaît le plus clairement. Tout le long début, où l'humanité implore la miséricorde de l'Agneau divin, est d'une beauté encore inégalée dans l'histoire musicale. En l'examinant attentivement, on découvrira combien cette imploration latine, c'est-à-dire douée de l'effusion particulièrement catholique, est différente de la prière grecque du Kyrie, prière plus ordonnée, il est vrai, à la manière de l'art antique, mais moins affectueuse et moins pressante. Et si cette prière-là monte, si haletante, vers l'autel de l'Agneau, victime de la Haine, c'est qu'elle implore de lui la paix: « paix intérieure » et « extérieure », a écrit Beethoven. Plus de pensées haineuses, plus de luttes intimes ou de profonds découragements ; le thème de la Paix a jailli, lumineux et calme, hors du ton indécis de si mineur, il nous rend enfin la tonalité de ré majeur, celle de la Foi, celle de l'Amour, celle dont s'est enveloppée la Charité, dans la IXe Symphonie. »

— Vincent d'Indy[8]

La première partie du mouvement, Adagio, s'articule autour d'un long dialogue entre chœur et solistes, qui interviennent à tour de rôle. Beethoven donne ici l'impression d'amplification progressive et structurée, rendue par l'augmentation graduelle du nombre de voix et de la complexité orchestrale.


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  midiInstrument = "piano"
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    \version "2.18.2"
    \key b \minor
    \time 4/4
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}
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  \lyricmode {
	A1 __ gn -- us,
	a2 -- gn -- us
	De -- i, qui
	to -- lis pec
	-- ca -- ta,
	pec -- ca -- ta,
	pec -- ca -- ta
	mun -- di.
  }
}

Introduction du soliste basse dans l'incipit du mouvement.

Repères discographiques[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d et e Barry Cooper (trad. de l'anglais par Denis Collins), Dictionnaire Beethoven [« Beethoven compendium »], Lattès, coll. « Musiques et musiciens », , 614 p. (ISBN 978-2-7096-1081-0, OCLC 25167179), p. 442.
  2. a b c d e et f Jean et Brigitte Massin, Ludwig van Beethoven, Fayard, (1re éd. 1955), 845 p. (ISBN 978-2-213-00348-1), p. 693-696.
  3. Six lieder sur des Odes et Chants religieux de Christian Fürchtegott Gellert, op. 48 (1803)
  4. Kaspar Karl Beethoven, le frère cadet de Beethoven meurt le 15 novembre 1815
  5. Cooper 1991, p. 41.
  6. a et b Massin 1967, p. 338-339.
  7. a b c d e f et g Lettres de Beethoven. L'intégrale de la correspondance 1787-1827, trad. Jean Chuzeville, Actes Sud 2010
  8. a b c d e et f Vincent d'Indy, Beethoven, Henris Laurens, Éditeur, coll. « Les musiciens célèbres », , 148 p.
  9. a b et c Guide de la musique sacrée et chorale profane — de 1750 à nos jours, F.-R. Tranchefort (dir.), Fayard, 1993, p. 58-62
  10. Massin 1967, p. 416-418.
  11. pour renforcer les basses
  12. a et b Kirkendale, Warren. “New Roads to Old Ideas in Beethoven’s Missa Solemnis.” The Musical Quarterly (Oxford Journals), 1970, LVI(4): 665-701 doi:10.1093/mq/LVI.4.665
  13. Enregistré en public au Carnegie Hall de New York le 28 décembre 1940
  14. Enregistrement salué par un Diapason d'or dans la revue Diapason no 340 du mois de juillet 1998
  15. Enregistrement salué par un Diapason d'or dans la revue Diapason no 451 du mois de septembre 1998
  16. Enregistrement public au Royal Festival Hall de Londres (1963)
  17. Enregistrement salué par une note de 5 diapasons dans la revue Diapason du mois de septembre 2007, p. 127
  18. Enregistrement salué par un Diapason d'or dans la revue Diapason no 500 du mois de février 2003
  19. Enregistrement salué par un Diapason d'or dans la revue Diapason no 344 du mois de décembre 1988
  20. « Klemperer continue de nous combler par son souffle grandiose et sa chaleureuse rudesse ». Le guide 1996 du CD : Tome 1, Répertoire Classique, Marabout, (ISBN 978-2-501-02361-0), p. 68
  21. « Le troisième enregistrement de Herbert von Karajan concilie la perfection instrumentale et vocale avec un réel sens du monumental ». Dictionnaire des disques Diapason : Guide critique de la musique classique enregistrée, Robert Laffont, (ISBN 978-2-221-50233-4), p. 89.
  22. « De belles inspirations de Giulini dans la Missa Solemnis avec un orchestre étincelant ». Le guide 1996 du CD : Tome 1, Répertoire Classique, Marabout, (ISBN 978-2-501-02361-0), p. 68
  23. Concert public paru en CD et en DVD
  24. Enregistrement salué par un Diapason d'or dans la revue Diapason no 567 du mois de mars 2009
  25. Enregistré au Festival de Salzbourg en 1979
  26. Enregistrement sur instruments anciens
  27. « Gardiner livre une belle version de cette œuvre imposante en bénéficiant d'une belle prise de son qui valorise le côté "authentique" de cette interprétation ». Guide des CD récompensés par la presse et les grands prix : Musique Classique, Bleu nuit éditeur, (ISBN 978-2-913575-80-6), p. 129
  28. Enregistrement salué par un Gramophone Award 1991 de la revue Gramophone
  29. Enregistrement salué par un Diapason d'or dans la revue Diapason no 391 du mois de mars 1993
  30. « Une fois de plus, Harnoncourt ne déçoit pas: il revisite l'œuvre sans œillère, ni a priori ». Le guide 1996 du CD : Tome 1, Répertoire Classique, Marabout, (ISBN 978-2-501-02361-0), p. 67
  31. « Harnoncourt réussit un pari insensé: alléger la pâte sonore tout en imposant un geste musical très noble grâce à des tempos mesurés ». La Discothèque idéale : Sous la direction de Bertrand Dermoncourt, Arles/Paris, Actes Sud, , 280 p. (ISBN 978-2-330-00216-9), p. 37
  32. Enregistrement salué par un Diapason d'or dans la revue Diapason no 420 du mois de novembre 1995
  33. Enregistrement salué par une note de 5 diapasons dans la revue Diapason du mois de décembre 2012, p. 80
  34. Enregistrement salué par un Diapason d'or dans la revue Diapason no 648 du mois de juillet 2016
  35. Enregistrée en concert public les 25 et 26 septembre 2014 à Munich
  36. Enregistrement salué par un 5 de Diapason (juin 2015) et par un Gramophone Editor's Choice de Gramophone (août 2015)

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Frauke Flachaire, « La Missa Solemnis de Beethoven : Historique, perception de l'œuvre et orientations d'analyse », Musurgia, vol. 3, no 4,‎ , p. 19 (lire en ligne).
  • (en) John F. Ohl, « Beethoven: Missa Solemnis », The Choral Journal, vol. 21, no 6,‎ , p. 9 (lire en ligne).

Liens externes[modifier | modifier le code]