« Kulturkampf » : différence entre les versions

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[[Fichier:Leo XIII.gif|vignette|''[[Modus vivendi]]'', [[caricature]] de Wilhelm Scholz dans le ''Kladderadatsch'', {{Numéro|14}}-15 du 18 mars 1878 : le pape et le chancelier veulent tous deux se faire lécher les bottes par l’autre, mais le souverain pontife demande à ne pas être dérangé et Bismarck en fait autant.]]
[[Fichier:Leo XIII.gif|vignette|''[[Modus vivendi]]'', [[caricature]] de Wilhelm Scholz dans le ''Kladderadatsch'', {{Numéro|14}}-15 du 18 mars 1878 : le [[Léon XIII|pape]] et le [[Otto von Bismarck|chancelier]] veulent tous deux se faire lécher les bottes par l’autre.]]
Le '''''{{lang|de|Kulturkampf}}''''' {{MSAPI|/kʊlˈtuːɐ̯ˌkampf/}} {{prononciation|De-Kulturkampf.ogg}}, ou « combat pour un idéal de société », est un conflit qui oppose le [[royaume de Prusse]] puis l'[[Empire allemand]] sous la direction du chancelier impérial [[Otto von Bismarck]] à l’[[Église catholique]] dirigée par [[Pie IX]] et au parti politique représentant les [[Catholicisme|catholiques]] : le ''{{lang|de|[[Zentrum]]}}''. Le conflit s'intensifie en [[1871]], se termine en [[1878]] avant d'être définitivement soldé de manière diplomatique en [[1887]].
Le '''Kulturkampf''' {{MSAPI|/kʊlˈtuːɐ̯ˌkampf/}} {{prononciation|De-Kulturkampf.ogg}}, ou « combat pour la civilisation », est une politique religieuse menée par le chancelier de l'[[Empire allemand]], [[Otto von Bismarck]], destinée à rompre les liens entre [[Vatican|Rome]] et l’[[Église catholique]] d'Allemagne et à placer celle-ci perçue comme une menace à l'unité nationale ― sous la tutelle de l'État. Entamée en {{Date-|||1871|en Allemagne}} et conduite jusqu'en {{Date-|||1878|en Allemagne}}, elle est définitivement abandonnée en {{Date-|||1887|en Allemagne}}.


Le ''{{lang|de|Kulturkampf}}'' est la manifestation de la politique [[libérale]] visant à [[Rapports entre États et religions|séparer État et Église]], par exemple en introduisant un [[mariage civil]]. Les autorités religieuses, principalement chez les catholiques, s'opposent fermement à ce mouvement en réaffirmant leur influence dans les questions politiques et de société, ainsi que le [[Primatie|primat]] de l'Église et de la religion sur l'État et la science. En Allemagne cela s'illustre par une lutte de pouvoir pour le contrôle de la minorité catholique dans le pays. Otto von Bismarck utilise des moyens législatifs importants pour lutter contre l'Église catholique : de nombreux ecclésiastiques sont emprisonnés ou du moins condamnés à des amendes. Ces méthodes finissent par déplaire aux alliés même de Bismarck que sont les libéraux et les [[protestants]].
Dès 1871, [[Otto von Bismarck]] et son ministre des cultes, [[Adalbert Falk]], adoptent une série de textes dirigés contre les catholiques afin de leur faire accepter le primat du temporel sur le spirituel. Des moyens législatifs sans précédent sont employés pour lutter contre l'Église catholique afin de la soumettre au contrôle de l'État : interdiction aux prêtres de parler politique lors des prêches, interdiction des établissements jésuites, affectation administrative des ecclésiastiques, expulsion de tous les ordres religieux catholiques, confiscation de leurs biens, fermeture des écoles et couvents, introduction du mariage civil. Des prêtres réfractaires sont déchus de leur nationalité, emprisonnés ou condamnés à des amendes. Ces méthodes brutales finissent par déplaire même aux alliés de Bismarck que sont les [[Libéralisme|libéraux]] et les [[protestants]].


Les mesures dirigées contre l’Église et les prêtres contribuent également à souder les catholiques entre eux. Les catholiques [[lorrains]], [[alsaciens]] et [[Polonais (peuple)|polonais]] qui cherchent à s'affranchir de la tutelle allemande et les catholiques [[Bavière|bavarois]] et de la région de [[Cologne]], qui se méfient du monopole de la Prusse sur l’Empire allemand, font preuve d'unité et résistent. Rassemblés au sein d’un parti politique, le [[Zentrum]], les catholiques vont acquérir un poids politique considérable.
Cependant les catholiques font preuve d'une grande unité et le ''{{lang|de|Zentrum}}'' ressort renforcé. Devant cet échec, et face à la nécessité de changer de majorité pour voter les [[lois antisocialistes]], Bismarck décide d'abandonner cette politique vers la fin des [[années 1880]]. En 1878, l'élection du pape [[Léon XIII]] marque déjà le début de la détente.


La plupart des lois sont retirées ou assouplies, les prêtres peuvent retrouver leur paroisse. La paix est définitivement signée en 1886 et 1887 entre le [[Vatican]] et l'Empire allemand. L'alliance des conservateurs et du ''{{lang|de|Zentrum}}'' avec Bismarck, qui tourne dos aux libéraux, devient également possible.
Le Kulturkampf a donc l’effet inverse de celui escompté. Devant cet échec, et face à la nécessité de voter les [[lois antisocialistes]], Bismarck décide d'abandonner cette politique. L'élection du pape [[Léon XIII]] en 1878 marque le début de la détente. La plupart des lois sont retirées ou assouplies, les prêtres peuvent retrouver leurs paroisses. La paix est définitivement signée en 1886 et 1887 entre le [[Vatican]] et l'Empire allemand.

L'expression « Kulturkampf » est ensuite étendue aux tensions parfois très vives qui accompagnent l’affranchissement des États modernes du pouvoir de l’Église romaine au {{s-|XIX}}.[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-R29818, Otto von Bismarck.jpg|vignette|[[Otto von Bismarck]], chancelier impérial et ministre-président de Prusse est le grand artisan du ''Kulturkampf''.]]


== Contexte ==
== Contexte ==
[[Fichier:Wilhelm Emmanuel von Ketteler 1865.jpg|thumb|L'évêque de Mayence [[Wilhelm Emmanuel von Ketteler]], cofondateur du ''Zentrum''.]]


=== Changement de relation entre État et Église ===
=== Naissance de l’Empire allemand ===
En 1871, [[Guillaume Ier (empereur allemand)|Guillaume {{Ier}}]], alors roi de [[Royaume de Prusse|Prusse]], proclame la naissance de l’Empire allemand dans la [[galerie des Glaces]] du [[château de Versailles]]. Il vient d'annexer l'[[Alsace]] et la [[Lorraine]] et de réaliser l’unité de l’Allemagne autour de son royaume, après des siècles de divisions entre petits États et principautés rivales.
L'Église est très présente depuis le [[Moyen Âge]] dans l'éducation et dans le tissu social allemand. Ce n'est qu'au {{s-|XVIII}} que l'[[absolutisme]] et les [[siècle des Lumières|Lumières]] commencent à vouloir voir l'État la remplacer dans ces rôles. Les [[sécularisation]]s pratiquées surtout durant l'[[Guerres napoléoniennes|occupation napoléonienne]] changent les rapports de force et la relation entre État et Église : le premier se considère désormais comme libéré de tout devoir de formation religieuse et veut se libérer de l'influence papale dans les domaines sociaux-culturels et civils. Cette revendication d'universalité de l'État se trouve cependant confrontée à l'opposition de l'Église catholique, qui souhaite préserver les traditions [[Christianisme|chrétiennes]] comme ciment de la société<ref name="n364">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=364}}.</ref>. Ce conflit d'intérêt est amplifié par l'apparition du [[libéralisme politique|libéralisme]] puis du [[socialisme]], qui sont deux mouvements politiques opposés à l'influence de l'Église sur l'État.

Après l’exclusion de l’Autriche catholique, les protestants dominent dans l’Empire, d’autant plus que la dynastie de [[Maison de Hohenzollern|Hohenzollern]] et la plupart des membres du gouvernement sont des protestants.


Le chancelier de l'empire, [[Otto von Bismarck]], artisan de cette nouvelle unité allemande accomplie par les armes, se préoccupe à présent d'assurer sa stabilité, ce qui implique un pouvoir indiscuté sur le plan intérieur. Ses deux principaux adversaires, ceux qu’il appelle « les ennemis du Reich », sont les [[Socialisme|socialistes]] et les catholiques<ref>{{Article |auteur1=François Riether |titre=Bismarck, le chancelier de fer |périodique=Université Populaire d'Avignon |date=3 & 10 décembre 2019 |lire en ligne=http://upavignon.org/wp-content/uploads/sites/24/2020/01/Bismarck-Riether-2019.pdf |pages= }}.</ref>.
Ce type de changement dans les relations Église-État n'est pas particulier à l'Allemagne : des conflits similaires ont lieu en [[Suisse]], en [[Autriche-Hongrie]], en [[Angleterre]], en [[Belgique]], en [[France]], en [[Espagne]], au [[Mexique]]<ref name="Borutta 11">{{harvsp|Borutta|2011|p=11}}.</ref> et au [[Brésil]]. La présence de libéraux dans les gouvernements joue un rôle important dans le déclenchement de ces conflits. Ils ont lieu pour certains dès le début du {{s-|XIX|e}} et, pour d'autres, au cours du {{s-|XX|e}}<ref>{{harvsp|Borutta|2011|p=13}}.</ref>. Les catholiques se retrouvent souvent au centre des conflits, car leur branche la plus extrême : les [[ultramontain]]s, c'est-à-dire favorables à [[Rome]], veulent maintenir le primat de l'Église et du pape sur l'État<ref name="b15">{{harvsp|Borutta|2011|p=15}}.</ref>. Il faut noter que ce mouvement est critiqué au sein même de l'Église. Ainsi, au {{s-|XIX}}, certains éminents ecclésiastiques et théologiens souhaitent réformer l'Église catholique.


=== Les catholiques dans l'Empire allemand ===
=== Les catholiques dans l'Empire allemand ===
[[Fichier:Deutsches Reich Konfessionskarte.jpg|thumb|left|Carte de la répartition des confessions dans l'Empire allemand au XVIIIè siècle. Les catholiques sont en bleu clair et foncé, les protestants en rose et rouge. Le jaune indique que les deux confessions sont présentes.]]
[[Fichier:Deutsches Reich Konfessionskarte.jpg|vignette|left|Carte de la répartition des confessions dans l'Empire allemand au {{s-|XVIII}}. Les catholiques sont en bleu clair et foncé, les protestants en rose et rouge. Le jaune indique que les deux confessions sont présentes.|350x350px]]
L'unité confessionnelle du [[Saint-Empire romain germanique|Saint Empire romain germanique]] est officiellement rompue en 1555 et la [[paix d'Augsbourg]] consacre sa division religieuse née de la [[Réforme protestante|Réforme luthérienne]]. Selon le principe [[Cujus regio, ejus religio]] (tel prince, telle religion), la coexistence du [[catholicisme]] et du [[protestantisme]] au sein de l'empire se fait sur la base de l'unité confessionnelle de chaque territoire<ref>{{Article |auteur1=François-Georges Dreyfus |titre=Catholicisme et protestantisme en Allemagne |périodique=Clio, voyages culturelles |date=2019 |lire en ligne=https://www.clio.fr/bibliotheque/pdf/pdf_catholicisme_et_protestantisme_en_allemagne.pdf |pages= }}.</ref>.
Les catholiques représentent au moment de la création de l'Empire allemand un bon tiers de sa population, contre un petit deux tiers pour les protestants. Il n'y a pas de religion d'État, cependant ce dernier et l'Église sont encore très liés : ainsi le premier finance la seconde, les facultés de théologie se trouvent dans les universités contrôlées par l'État, il a également son mot à dire lors de la nomination des évêques<ref name="n364"/>.


À la veille de la [[Révolution française]], la population catholique, largement minoritaire, vit dans le [[duché de Bavière]], dans les grandes principautés ecclésiastiques : [[Cologne]], [[Trèves (Allemagne)|Trèves]], [[Mayence]], [[Münster]], [[Paderborn]], [[Worms (Allemagne)|Worms]], [[Wurtzbourg|Würzburg]] et dans les domaines des [[Maison de Habsbourg|Habsbourg]] comme le [[Brisgau]]. La défaite de [[Napoléon Ier|Napoléon]] et le [[congrès de Vienne]] conduisent à la constitution d'une [[confédération germanique]], qui entraîne un nouveau redécoupage territorial. Dès lors il n'y a plus que trente-six États allemands dont un seul est catholique, celui du [[Liste des souverains de Bavière|roi de Bavière]]. La [[Rhénanie]] et la [[Westphalie]] catholiques sont rattachées au [[royaume de Prusse]]. Dès lors, 80 % des catholiques allemands sont placés sous autorité protestante, dans une position d'infériorité culturelle et politique<ref name="Kott">{{Article|langue=fr|auteur1=Sandrine Kott|titre=Éléments pour une histoire sociale et culturelle de la religion en Allemagne au {{s-|XIX}}|périodique=Revue d’histoire moderne & contemporaine|volume=5|numéro=48-4bis|date=2001|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2001-5-page-92.htm#re10no10|pages=92-111}}.</ref>.
Le fait que la population ne soit pas d'une seule confession explique également qu'on n'ait pas qu'une simple opposition croyants / [[anticléricalisme|anticléricaux]]. Les libéraux allemands, majoritairement protestants, sont ainsi plutôt anticatholiques, alors que les catholiques sont plutôt antilibéraux. Les libéraux ne sont pas anticléricaux par idéologie, mais ils se considèrent comme les représentants de la modernité, du progrès et de la culture en Allemagne. Ils voudraient que l'école devienne neutre et aconfessionnelle, hors de l'influence de l'Église. Les ultramontains, au contraire, sont clairement contre une modernité et un rationalisme qu'ils jugent excessifs. Leurs visions du monde sont donc complètement divergentes, ils s'opposent naturellement<ref name="n366">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=366}}.</ref>.


Les [[sécularisation]]s et les expropriations des biens de l'Église pratiquées durant l'[[Guerres napoléoniennes|occupation napoléonienne]] changent les rapports de force et la relation entre État et Église. Au moment de la création de l'Empire allemand, les catholiques (dont les [[Lorrains]], [[Alsaciens]] et [[Polonais]]) représentent un tiers de sa population, contre deux tiers pour les protestants. Il n'y a pas de religion d'État, cependant l'État paie les traitements des prêtres, entretient les lieux de culte et les facultés de théologie se trouvent dans les universités sous son contrôle. L'État a également son mot à dire lors de la nomination des évêques<ref name="n364">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=364}}.</ref>.
Les catholiques n'étaient jusqu'en 1870 que peu ou pas organisés politiquement, mais la fondation du ''{{lang|de|[[Zentrum]]}}'' en [[1870]] pour défendre leurs intérêts change la donne. Ce parti est donc opposé au [[libéralisme]], mais aussi au chancelier impérial. Bien qu'il ne soit pas opposé à l'Empire en tant que tel, le fait que les particularistes de tous bords ([[Welf]], [[Polonais (peuple)|Polonais]], [[Lorrains]], [[Alsaciens]]…) s'y allient, que le parti soit dans l'opposition gouvernementale, que ses membres penchent pour le [[fédéralisme]], par opposition à l'État fédéral moins lâche, et pour un rapprochement avec la catholique [[Autriche-Hongrie]] en font ''de facto'' une menace pour l'intégrité de l'Empire tel que Bismarck l'entrevoyait dans son état d'alors. Bismarck sent rapidement le danger et utilise l'opportunité que lui offre le pape de déclencher le ''{{lang|de|Kulturkampf}}''<ref name="n370">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=370}}.</ref>.
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-R29818, Otto von Bismarck.jpg|thumb|[[Otto von Bismarck]], chancelier impérial et ministre-président de Prusse est le grand artisan du ''Kulturkampf''.]]


La revendication d'universalité de l'État se trouve dans l'opposition naturelle à l'Église catholique, qui souhaite préserver son influence et les traditions [[Christianisme|chrétiennes]] comme ciment de la société<ref name="n364" />. L’emprise du pouvoir politique sur l’Église pousse de nombreux catholiques à revendiquer, au nom de la liberté de l’Église, une plus grande intervention du pape. C’est le développement du courant [[Ultramontanisme|ultramontain]] favorable au renforcement de l’autorité du Siège apostolique, à la juridiction universelle du pape, à la validité de ses définitions théologiques et de ses condamnations.
Par ailleurs, les prêtres polonais posent à l'époque un problème au chancelier car ils tendent à « repoloniser » les territoires prussiens habités par la minorité polonaise. Bismarck, en tant que chancelier de l'empire allemand, se doit de réagir pour les empêcher de prêcher et d'enseigner<ref name="n372">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=372}}.</ref>. Les [[pangermanisme|pangermanistes]] parlent même avec indignation des ''Daicz katolicki'', ces Allemands catholiques établis dans la Pologne prussienne, qui auraient été polonisés par le clergé catholique. Vers la fin du siècle, [[Otto Richard Tannenberg]], qui représente le [[pangermanisme]] [[Populisme (politique)|populiste]], évoque ces jeunes Polonaises qui vont travailler en [[Allemagne]] et ramènent un fiancé allemand ; leur mariage est béni par le curé et les enfants élevés à la polonaise : {{citation|le grand-père s’appelait Schroeter, le petit-fils s’appelle Szreda et est un agitateur polonais de première classe !}}


Ce conflit d'intérêts est amplifié par l'apparition du [[libéralisme politique|libéralisme]]. Ce type de changement dans les relations Église-État n'est pas particulier à l'Allemagne<ref name="Borutta 11">{{harvsp|Borutta|2011|p=11}}.</ref>. La présence de libéraux dans les gouvernements joue un rôle important dans le déclenchement des conflits<ref>{{harvsp|Borutta|2011|p=13}}.</ref>. Cependant, il n'y a pas qu'une simple opposition croyants / [[anticléricalisme|anticléricaux]].
=== Un ''Kulturkampf'' badois ===
Avant l'[[unité allemande]], le [[grand-duché de Bade|grand-duc de Bade]] [[Frédéric Ier de Bade (1826-1907)|Frédéric Ier]], gendre du roi de Prusse, avait déjà entrepris un ''{{lang|de|Kulturkampf}}'' dans les [[années 1860]]. Les libéraux au gouvernement obligent les prêtres à se soumettre à un examen de {{citation|culture}}, comprendre de fidélité à l'État. Les récalcitrants sont suspendus. Par ailleurs, un mariage civil est également créé. On peut donc le voir comme un précurseur du ''{{lang|de|Kulturkampf}}'' à l'échelle de l'Empire<ref name="n368">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=368}}.</ref>.


Les libéraux allemands, majoritairement [[Protestantisme|protestants]], sont ainsi plutôt anticatholiques, alors que les catholiques sont plutôt antilibéraux. Les libéraux ne sont pas anticléricaux par idéologie, mais ils se considèrent comme les représentants de la modernité, du progrès et de la culture en Allemagne. Ils voudraient que l'école devienne neutre et aconfessionnelle, hors de l'influence de l'Église<ref name="n366">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=366}}.</ref>. [[Fichier:Wilhelm Emmanuel von Ketteler 1865.jpg|vignette|L'évêque de Mayence [[Wilhelm Emmanuel von Ketteler|Wilhelm von Ketteler]], cofondateur du ''Zentrum''.]]Minoritaires en Allemagne, les catholiques s’organisent depuis longtemps pour défendre leurs intérêts, avec des associations, des publications, et des groupes parlementaires dans différentes assemblées. Quand Bismarck réalise l’unité allemande au profit de la Prusse luthérienne, ils décident de fonder en {{Date-|||1870|en Allemagne}} un parti politique, le [[Zentrum]] (Le Centre).
== Le conflit ==
=== Embrasement du conflit sous Pie IX ===
[[Fichier:Pius ix.jpg|thumb|left|Pie IX]]
Dans le contexte du ''{{lang|it|[[Risorgimento]]}}'', qui menace sa domination, le pape Pie IX choisit de soutenir les ultramontains<ref name="b15"/>. En [[1864]], il publie le [[Syllabus (pape Pie IX)|''Syllabus Errorum'']] : une liste de 80 erreurs qui seraient présentes dans la politique, la culture et la science moderne. La liberté d'expression et la liberté religieuse, ainsi que la séparation de l'Église et de l'État, figurent notamment dans la liste. Le [[premier concile œcuménique du Vatican]], qui dure de [[1869]] à [[1870]], tente de renforcer l'autorité papale avec notamment la proclamation de l'[[infaillibilité pontificale]] en matière de théologie. Ces déclarations [[Cathèdre|''ex cathedra'']] doivent avoir un caractère universel. Ces mesures conservatrices en contrepieds avec l'évolution politique de l'époque ne font que creuser le fossé entre les partis. En Allemagne, les libéraux sont particulièrement virulents contre ce choix, considérant que l'infaillibilité pontificale s'oppose à la liberté d'opinion et à la libre conscience. Il est également à noter que le clergé allemand est majoritairement opposé à cette décision<ref name="n368"/>.


Au cours des deux premiers tiers du {{s-|XIX}}, le courant catholique se montre hostile à la modernité, ce qu'illustrent les encycliques du pape [[Pie IX]] de {{Date-|||1864|en Allemagne}}, ''[[Quanta cura (Pie IX)|Quanta Cura]]'' et ''[[Syllabus de Pie IX|Syllabus]].'' Cette dernière dresse une liste de 80 égarements de la politique, de la culture et de la science modernes, dont la liberté d'expression, la liberté religieuse, ainsi que la séparation de l'Église et de l'État. Mais si entre 1815 et 1860 environ, les positions des catholiques allemands sont très traditionnelles, elles changent avec l'apparition de nouvelles formes de pauvreté liée aux débuts de l’industrie et de l’urbanisation accélérée<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jean-François Vidal|titre=Le Modèle allemand|passage=45-61|éditeur=Éditions des maisons des sciences de l’homme associées|date=2018|isbn=|lire en ligne=https://books.openedition.org/emsha/174?lang=fr|titre chapitre=Le rôle sous-estimé du catholicisme social}}.</ref>.
Peu après ce concile, en été 1870, la France, protectrice des [[États Pontificaux]], retire ses troupes de Rome, afin de pouvoir mener la [[guerre franco-allemande de 1870|guerre contre la Prusse]]. Elle est rapidement vaincue. La défaite provoque la chute du [[Second Empire]]. Les nationalistes italiens en profitent pour s'emparer des États pontificaux qui sont annexés à l'[[Royaume d'Italie (1861-1946)|État-nation italien]] en {{date-|septembre 1870}}. Les Etats Pontificaux sont rayés de la carte. Le pape s'enferme dans son palais du Vatican où il se considère prisonnier du roi d'Italie. En France, Paris est assiégé. Les Parisiens affamés instaurent la [[Commune de Paris (1871)|Commune de Paris]] qui mène une politique anticléricale. L'archevêque de Paris est passé par les armes. L'Allemagne est unifiée sous l'égide de la [[Maison de Hohenzollern]], dynastie protestante. Le catholicisme s'y trouve menacé, l'[[Empire allemand]], créé le {{date|18|janvier|1871}}, étant un État majoritairement protestant.


Leur principal leader est [[Wilhelm Emmanuel von Ketteler|Wilhelm von Ketteler]], [[Liste des évêques de Mayence|évêque de Mayence]], qui s’intéresse beaucoup aux questions sociales. Il publie, en 1865, ''Les Travailleurs et la chrétienté'' (''Die Arbeiter und das Christentum'') et fait adopter, en 1869, par l'Assemblée des évêques allemands, qui se tient tous les ans à [[Fulda]], le programme social du catholicisme allemand : hausse des salaires, limitation du temps de travail, introduction et respect des jours de repos, limitation du [[travail des enfants]], des jeunes filles et des mères. Ainsi, les catholiques allemands s'opposent au socialisme étatiste puisqu'ils défendent la propriété privée mais refusent le libéralisme individualiste. Le parti penche pour le [[fédéralisme]] et pour un rapprochement avec l'[[Autriche-Hongrie]] catholique<ref name="n370">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=370}}.</ref>.
=== Lois contre l'Église et les catholiques ===

En réaction, le chancelier s'allie politiquement sur le sujet avec les libéraux, mais aussi les conservateurs. Le ministre de la Culture prussien {{Lien|langue=en|trad=|fr=Adalbert Falk}} est l'homme chargé de cette politique<ref name="n374"/>. Le chancelier tient des discours contre les catholiques et les membres du ''{{lang|de|Zentrum}}'' qui avec les autres minorités sont qualifiés d'{{citation|ennemis de l'Empire<ref group="citation">{{citation étrangère|lang=de|Feinde des Reiches}}.</ref>}}<ref>{{Ouvrage|langue=de|prénom1=Manfred|nom1=Görtemaker|titre=Deutschland im 19. Jahrhundert. Entwicklungslinien.|lieu=Opladen|éditeur=|année=1983|passage=277 et 278|isbn=}}.</ref>. Le {{date|14|mai|1872}}, lors d'un discours devant le ''{{lang|de|[[Reichstag (Empire allemand)|Reichstag]]}}'', Bismarck déclare {{citation|nous n'irons pas à [[Pénitence de Canossa|Canossa]]<ref group="citation">{{citation étrangère|lang=de|Nach Canossa gehen wir nicht!}}</ref> !}} et {{citation|nous ne céderons rien<ref group="citation">{{citation étrangère|lang=de|keinen Fußbreit nachzugeben}}.</ref>}} face à l'Église catholique<ref name="n374"/>. Les relations diplomatiques entre l'Allemagne et le Vatican sont rompues en 1872. Avec ses alliés, Bismarck fait passer une série de lois et de décrets dirigés de manière directe ou indirecte contre l'Église catholique :
Le nouveau mode de scrutin électoral par suffrage universel avantage le parti Zentrum<ref name="Borutta 22"/>. Les catholiques obtiennent 18,6% des suffrages et cinquante-sept sièges aux premières élections suivant l'unité allemande, en 1871<ref>{{Lien web |titre=Les premiers partis catholiques |url=https://www.universalis.fr/encyclopedie/democratie-chretienne/2-les-premiers-partis-catholiques/ |site=universalis.fr |date= }}.</ref>. [[Fichier:Pius ix.jpg|vignette|left|Pie IX.]]
[[Fichier:Adalbert Falk 1900.jpg|thumb|Adelbert Falk, ministre de la Culture prussien de l'époque, met en place le ''Kulturkampf'' (photo de 1900).]]
Le [[premier concile œcuménique du Vatican]], qui se déroule de {{Date-|||1869|en Allemagne}} à {{Date-|||1870|en Allemagne}}, tente de renforcer l'autorité papale avec notamment la proclamation le {{Date-|17 juillet 1870|en Allemagne}} du dogme de l'[[infaillibilité pontificale]] en matière de théologie. En Allemagne, les libéraux sont particulièrement virulents contre cette décision, considérant qu'elle s'oppose à la liberté d'opinion et à la libre conscience. D'ailleurs, le clergé allemand est également majoritairement opposé à cette décision<ref name="n368">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=368}}.</ref>.
* En {{date-|juillet 1871}} : Bismarck dissout le département du ministère de la culture prussien affecté aux catholiques<ref name="n372"/>.

* Le {{date|10 décembre 1871}} : loi dite {{citation|[[Kanzelparagraph|paragraphe de la chaire]]<ref group="citation">{{citation étrangère|lang=de|Kanzelparagraph}}.</ref>}}, interdit aux religieux de prendre des positions politiques dans le cadre de leur fonction sous peine d'emprisonnement pour une durée allant jusqu'à 2 ans. Ironie de l'histoire, la loi est présentée par les députés bavarois<ref name="n372"/>.
Cependant, à peine deux mois après, le {{Date-|20 septembre 1870|en Allemagne}}, le pape [[Pie IX]] perd au profit du roi d’Italie [[Victor-Emmanuel II]] le contrôle temporel qu’il avait sur Rome depuis plusieurs siècles. Le choc culturel que représente la prise de Rome vient surtout de la crise spirituelle qu’elle va entraîner chez nombre de catholiques européens, à commencer par ceux d’Italie qui se voient intimer l’ordre de ne pas participer à la vie politique italienne. Dans les autres nations, l’[[ultramontanisme]] progresse, mettant à chaque fois en concurrence foi et appartenance nationale.
* Le {{date|11 mars 1872}} : la {{citation|[[Schulaufsichtsgesetz|loi sur l’inspection des écoles]]<ref group="citation">{{citation étrangère|lang=de|Schulaufsichtsgesetz}}.</ref>}} nationalise les établissements scolaires confessionnels.

* Le {{date|4 juillet 1872}} : les [[jésuite]]s n'ont plus le droit d'installer des établissements en Allemagne. On parle de {{citation|[[Jesuitengesetz|loi (anti) jésuite]]<ref group="citation">{{citation étrangère|lang=de|Jesuitengesetz}}.</ref>}}<ref>sans la date exacte, {{harvsp|Nipperdey|1992|p=374}}.</ref>.
== Les lois contre l'Église et les catholiques ==
* En mai [[1873]] : les {{citation|[[Maigesetze|lois de mai]]<ref group="citation">{{citation étrangère|lang=de|Maigesetze}}.</ref>}} font de l'État le responsable de la formation et de l'affectation des ecclésiastiques, ceux-ci sont donc contraints de passer des examens de culture. Les propriétés de l'Église doivent être dirigées par un représentant des communes. Les petits [[Séminaire (catholique)|séminaire]]s sont supprimés<ref name="n374">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=374}}.</ref>.
[[Fichier:Die_Gartenlaube_(1872)_b_141.jpg|vignette|Adelbert Falk en 1872.]]
* {{date|17|janvier|1873}} : [[Rudolf Virchow]] utilise pour la première fois le terme {{citation étrangère|lang=de|Kulturkampf}} pour désigner le conflit<ref name="winkler"/>.
Pour consolider la nation allemande, Bismarck cherche à réduire des particularismes et vise en premier lieu l’Église catholique et sa prétention à contester la sphère d’intervention de l’État.
* [[1874]] : le mariage civil devient le seul mariage de référence en Prusse. Le mariage religieux n'est autorisé qu'après conclusion d'un mariage civil<ref>{{harvsp|Görtemaker|1983|p=279}}.</ref>. Cette loi est imposée dans l'ensemble de l'Empire allemand le {{date|6|février|1875}}<ref name="n374"/>.

* 1875 : la {{citation|[[Brotkorbgesetz|loi de la corbeille de pain]]<ref group="citation">{{citation étrangère|lang=de|Brotkorbgesetz}}.</ref>}} coupe les subventions publiques pour l'Église catholique si les ecclésiastiques ne se soumettent pas à la volonté de l'État. La {{citation|[[Klostergesetz|loi des monastères]]<ref group="citation">{{citation étrangère|lang=de|Klostergesetz}}.</ref>}} chasse les congrégations religieuses du territoire allemand, mais garde les congrégations hospitalières. Leurs biens, écoles et couvents, sont confisqués. Les prêtres doivent désormais être élus<ref name="n374"/>.
En {{Date-|juillet 1871|en Allemagne}}, Bismarck abolit les dispositions constitutionnelles qui protégent l’Église et ferme le département catholique du ministère de l'instruction et des cultes<ref name="n372">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=372}}.</ref>.

Le {{Date-|10 décembre 1871|en Allemagne}}, est promulguée la [[Kanzelparagraph|loi dite de paragraphe de la chaire]], (Kanzelparagraph), qui interdit aux religieux de prendre des positions politiques dans le cadre de leur fonction sous peine d'emprisonnement d’une durée allant jusqu'à 2 ans. Ironie de l'histoire, la loi est présentée par les députés bavarois<ref name="n372" />.

[[Adalbert Falk]], un protestant prussien, est nommé ministre de l'instruction publique et des cultes<ref name="n374">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=374}}.</ref>. Il remplace dans sa fonction von Mülher que Bismarck estime trop réservé dans l’application de sa politique. C’est sous son égide que, le {{Date-|11 mars 1872|en Allemagne}}, est votée [[Schulaufsichtsgesetz|la loi de surveillance de l’école]] (Schulaufsichtsgesetz) qui retire aux Églises le droit d’inspection des écoles primaires, au profit d’inspecteurs laïcs, et ferme l’enseignement public aux ordres religieux. C'est une véritable laïcisation qui fait passer de l’Église à l’État le contrôle sur l’école ainsi que le choix des maîtres. Le {{Date-|14|mai|1872|en Allemagne}}, en réagissant au refus par le pape Pie IX d'un ambassadeur allemand qu'il lui a proposé, Bismarck déclare devant le [[Reichstag (Empire allemand)|Reichstag]] {{Citation|Nous n'irons pas à Canossa ni physiquement ni spirituellement}} et {{Citation|nous ne céderons rien}} face à l'Église catholique<ref name="n374" />. Les catholiques, les membres du Zentrum et les autres minorités sont qualifiés d'ennemis de l'Empire<ref>{{Ouvrage|langue=de|prénom1=Manfred|nom1=Görtemaker|titre=Deutschland im 19. Jahrhundert. Entwicklungslinien.|passage=277 et 278|lieu=Opladen|éditeur=|année=1983|isbn=}}.</ref>. Les relations diplomatiques entre l'Allemagne et le Vatican sont rompues en 1872.

[[Loi anti-jésuite|La loi antijésuites]] (Jesuitengesetzl) du {{Date-|4 juillet 1872|en Allemagne}} interdit les établissements [[Compagnie de Jésus|jésuites]] sur tout le territoire<ref>sans la date exacte, {{harvsp|Nipperdey|1992|p=374}}.</ref>.[[Fichier:Kladderadatsch 1875 - Zwischen Berlin und Rom.png|left|vignette|{{Citation étrangère|lang=de|Zwischen Berlin und Rom}} (''Entre Berlin et Rome''), ''[[Kladderadatsch]]'', 1875.]][[Lois de mai (Empire allemand)|Les lois de mai]] {{Date-|||1873|en Allemagne}}, (Maigesetze) font de l'État le responsable de la formation et de l'affectation des ecclésiastiques, ceux-ci sont donc contraints de passer des examens de culture. Les propriétés de l'Église doivent être dirigées par un représentant des communes. Les petits [[Séminaire (catholique)|séminaire]]s sont supprimés. Les congrégations religieuses sont chassées du territoire allemand, à l'exception des congrégations hospitalières. Leurs biens, écoles et couvents, sont confisqués. Les prêtres doivent désormais être élus<ref name="n374" />.

Face aux lois de mai, [[Ludwig Windthorst]], qui prend la tête du parti catholique, à partir de 1874, appelle à la résistance passive. Les archevêques de Paderborn et de Munster préfèrent la prison à la soumission. Les prêtres ne se présentent pas aux examens. Le {{Date-|13|juillet|1874|en Allemagne}}, {{Lien|langue=de|trad=|fr=Eduard Kullmann}}, artisan catholique de 21 ans, commet un attentat contre le chancelier allemand, qui n'est que légèrement blessé<ref name="n374" />.

En octobre 1873, l'[[évêque de Mayence]] [[Wilhelm Emmanuel von Ketteler|Wilhelm von Ketteler]] prêche à [[Kevelaer]] devant plus de {{nombre|25000|personnes}} et dénonce ces lois. Il est arrêté juste après son sermon et condamné à la peine maximale prévue qui est de 2 ans de prison. Cela déclenche une vague de protestation chez les catholiques et aux élections de 1874, le parti du Centre double ses voix et obtient le nombre record de 99 sièges au Reichstag.

Le {{Date-|5|février|1875|en Allemagne}}, le pape déclare que toute personne respectant les lois de mai est menacée d'excommunication. La condamnation du gouvernement par le Vatican et les mentions de Bismarck par le Pape comme un « Satan casqué » ou un « grand sorcier » encouragent les fidèles à résister.

Le mariage civil devient le seul mariage de référence en Prusse. Le mariage religieux n'est autorisé qu'après conclusion d'un mariage civil<ref>{{harvsp|Görtemaker|1983|p=279}}.</ref>. Cette loi est imposée dans l'ensemble de l'Empire allemand le {{Date-|6|février|1875|en Allemagne}}<ref name="n374" />.

Le {{Date-|22|avril|1875|en Allemagne}} : [[Brotkorbgesetz|la nouvelle loi dite de la corbeille de pain]] (Brotkorbgesetz) coupe les subventions publiques pour les institutions catholiques qui ne se soumettent pas à la volonté de l'État.


La discrimination à l'égard des catholiques s'exerce aussi dans la fonction publique de l'État prussien. Les prêtres réfractaires sont déchus de la nationalité allemande et exilés.
La discrimination à l'égard des catholiques s'exerce aussi dans la fonction publique de l'État prussien. Les prêtres réfractaires sont déchus de la nationalité allemande et exilés.


== L'ampleur des répressions ==
Face à ces lois la résistance est surtout passive, ainsi les prêtres rejettent les lois de mai en ne se présentant pas aux examens. En outre, face à la loi des monastères, le pape déclare le {{date|5|février|1875}} que toute personne la respectant serait menacée d'excommunication. Le {{date|13|juillet|1874}}, {{Lien|langue=de|trad=|fr=Eduard Kullmann}}, artisan catholique âgé de 21 ans, commet un attentat contre le chancelier allemand ; cependant, ce dernier n'est que légèrement blessé<ref name="n374"/>.
Les États fédérés allemands ne sont pas touchés de la même façon : alors qu'en [[royaume de Prusse|Prusse]] et dans le [[grand-duché de Bade|Bade]] le conflit bat son plein, la [[royaume de Bavière|Bavière]] et le [[royaume de Wurtemberg|Wurtemberg]] sont relativement épargnés. Dans la première, très catholique, le gouvernement royal du régent [[Luitpold de Bavière (1821-1912)|Luitpold de Bavière]] ne trouve pas de soutien auprès de son parlement pour faire voter les lois. Seuls les décrets sont appliqués. Dans le second, à large majorité protestante, le rôle de l'évêque de [[Rottenburg am Neckar|Rottenburg]], {{Mgr|[[Karl Joseph von Hefele]]}}, n'est pas à négliger<ref name="n374" />.
[[Fichier:Kladderadatsch 1875 - Zwischen Berlin und Rom.png|left|thumb|{{Citation étrangère|lang=de|Zwischen Berlin und Rom}} (''Entre Berlin et Rome''), ''[[Kladderadatsch]]'', 1875.]]
Le conflit ne touche pas également tous les États fédérés allemands : alors qu'en [[royaume de Prusse|Prusse]] et dans le [[grand-duché de Bade|Bade]] il bat son plein, la [[royaume de Bavière|Bavière]] et le [[royaume de Wurtemberg|Wurtemberg]] sont relativement épargnés. Dans la première, très catholique, le gouvernement royal du régent [[Luitpold de Bavière]] ne trouve pas de soutien auprès de son parlement pour faire voter les lois. Seuls les décrets sont appliqués. Dans le second, à large majorité protestante, le rôle de l'évêque catholique de [[Rottenburg am Neckar|Rottenburg]] [[Karl Joseph von Hefele]] n'est pas à négliger<ref name="n374"/>.


La politique Kulturkampf touche également les minorités vivant aux marges de l’Empire dans des régions annexées par une politique d’assimilation culturelle très agressive (Alsace-Lorraine, [[Grande-Pologne]], [[Silésie]]). En 1876, l’allemand devient seule langue administrative dans les régions orientales et il devient obligatoire à l’école primaire dans le courant des années 1870 et 1880. Les lois adoptées dans le cadre du Kulturkampf, en établissant le contrôle direct de l’État sur l’organisation de l’enseignement primaire et secondaire, facilitent l’application des mesures de [[germanisation]] forcée. Le Kulturkampf vise à réduire les particularismes nationaux polonais et alsacien dont l’Église catholique est un élément structurant<ref>{{Article |auteur1=Richard Blanke |titre=The Polish Role in the Origin of the Kulturkampf in Prussia |périodique=Revue Canadienne des Slavistes |volume=25 |date=1983 |lire en ligne= |pages= }}.</ref>.
=== Statistiques ===
À la fin du conflit, {{formatnum:1800}} prêtres catholiques se trouvent en prison. L'État a réquisitionné pour {{unité|16|millions}} de [[Goldmark]] de biens à l'Église<ref name="Blackbourn 128">{{Ouvrage|langue=de|prénom1=David|nom1=Blackbourn|lien auteur1=David Blackbourn|titre=Marpingen. Das deutsche Lourdes in der Bismarckzeit.|tome=6|lieu=Saarbruck|éditeur=Historische Beiträge des Landesarchivs Saarbrücken|année=2007|pages totales=645|passage=128|isbn=978-3-9808556-8-6}}.</ref>.
À la fin du conflit, {{formatnum:1800}} prêtres catholiques se trouvent en prison. L'État a réquisitionné à l'Église des biens estimés à {{unité|16|millions}} de [[Mark-or]]<ref name="Blackbourn 128">{{Ouvrage|langue=de|prénom1=David|nom1=Blackbourn|lien auteur1=David Blackbourn|titre=Marpingen|sous-titre=Das deutsche Lourdes in der Bismarckzeit|tome=6|lieu=Saarbruck|éditeur=Historische Beiträge des Landesarchivs Saarbrücken|année=2007|pages totales=648|passage=128|isbn=978-3-9808556-8-6|oclc=985562203}}.</ref>. L'archevêque de [[Poznań]], {{Mgr|[[Mieczysław Ledóchowski]]}}, est emprisonné avec une peine de 2 ans pour haute trahison<ref>{{lien web|langue=de|url=http://www.preussen-chronik.de/person.jsp?key=Person_Mieczyslaw+Graf_Halka-Ledochowski|titre=ieczyslaw Graf Halka-Ledochowski|consulté le=21 avril 2013}}.</ref>, puis exilé. L'archevêque de [[Paderborn]], {{Mgr|Martin}}, l'[[Liste des archevêques de Cologne|archevêque de Cologne]], {{Mgr|[[Paul Melchers]]}}, et l'[[Liste des évêques et archevêques de Trèves|archevêque de Trêve]], {{Mgr|[[Matthias Eberhard]]}} sont jetés en prison. Ce dernier, condamné le {{Date-|6|mars|1874|en Allemagne}}, à une amende de {{formatnum:130000}} Mark-or et 9 mois de prison, y meurt au bout de 6<ref name="Blackbourn 128" />. L'[[évêque de Munster]], {{Mgr|[[Johannes Bernhard Brinkmann]]}} est déposé et s'exile aux [[Pays-Bas]].
Entre autres, l'archevêque de [[Posen]], {{Mgr|[[Mieczysław Ledóchowski]]}}, est emprisonné avec une peine de 2 ans pour haute trahison<ref>{{de}} {{lien web|url=http://www.preussen-chronik.de/person.jsp?key=Person_Mieczyslaw+Graf_Halka-Ledochowski|titre=ieczyslaw Graf Halka-Ledochowski|consulté le=21 avril 2013}}.</ref>, puis exilé ; celui de [[Paderborn]], {{Mgr|Martin}}, jeté en prison, comme celui de [[Cologne]], {{Mgr|Melchers}}, ou celui de [[Trèves (Allemagne)|Trêve]] {{Mgr|{{lien|lang=en|fr=Matthias Eberhard}}}}, qui est condamné le {{date|6|mars|1874}} à une amende de {{formatnum:130000}} Goldmark et 9 mois de prison, il y meurt au bout de 6<ref name="Blackbourn 128" />. L'[[évêque de Munster]] , {{Mgr|Brinkmann}} est déposé et s'exile aux [[Pays-Bas]]. En 1875, 241 clercs, 136 rédacteurs, 210 autres catholiques sont condamnés à des amendes ou emprisonnés. 74 logements sont perquisitionnés, 55 organisations dissoutes, 20 journaux mis sous scellés et 103 personnes sont internées ou exilées. En [[1877]], sur 12 [[diocèse]]s, 8 sont vacants, dont 6 par destitution et 2 pour cause de décès. En [[1880]], environ 1 000 paroisses, soit environ un quart des communes, n'ont pas de prêtre<ref name="n374"/>.


En 1875, 241 clercs, 136 rédacteurs des publications religieuses, 210 autres catholiques sont condamnés à des amendes ou emprisonnés. 74 logements sont perquisitionnés, 55 organisations dissoutes, 20 journaux mis sous scellés et 103 personnes sont internées ou exilées.
Malgré la rudesse du conflit, seule la voie légale a été employée. Les associations et journaux catholiques n'ont en général pas été attaqués<ref name="n376">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=376}}.</ref>.


En {{Date-|||1877|en Allemagne}}, sur 12 [[diocèse]]s, 8 sont vacants, dont 6 par destitution et 2 pour cause de décès. En {{Date-|||1880|en Allemagne}}, environ {{formatnum:1000}} paroisses, soit environ un quart des communes, n'ont pas de prêtre<ref name="n374" />.
=== Échec de la politique ===
Otto von Bismarck n'atteint pas tous les objectifs qu'il s'est fixés avec le ''{{lang|de|Kulturkampf}}''. Ainsi le ''{{lang|de|Zentrum}}'' ressort renforcé, avec des scores aux élections supérieurs à ceux d'avant la mise en place de cette politique. La création en réaction du concile de l'[[Église vieille-catholique]] ne provoque pas de division dans le catholicisme. Sous la pression, l'Église, les laïcs catholiques et son bras politique, le ''{{lang|de|Zentrum}}'', en sortent unis. Certains des soutiens du chancelier se montrent également irrités par cette politique; ainsi, les conservateurs protestants ne sont partisans, ni du mariage civil, ni de l'immixtion de l'État dans les écoles; les libéraux craignent que les droits de l'Homme soient menacés. Une répression toujours plus féroce ne semble pas être non plus la solution qui pourrait affaiblir les catholiques<ref name="Görtemaker-280" />{{,}}<ref name="n380"/>.


Malgré la rudesse du conflit, seule la voie légale a été employée<ref name="n376">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=376}}.</ref>.
=== Fin du conflit ===
[[Fichier:Leo XIII..jpg|thumb|Léon XIII]]
Bismarck, après avoir gagné sur quelques points, se montre prêt à négocier avec l'Église. Bismarck a notamment besoin à partir de 1878 d'une nouvelle majorité pour faire voter les [[lois antisocialistes]], or il sait que les libéraux ne peuvent consentir à de telles lois. De son côté, Rome, face à son Église allemande, est complètement désorganisée et souhaite également mettre fin au conflit<ref name="n380">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=380}}.</ref>.


=== Échec et fin de la politique Kulturkampf ===
Pie IX meurt en 1878, son successeur est [[Léon XIII]]. Cette élection est unanimement comprise comme un signe de paix<ref name="n380"/>. Ce dernier envoie aussitôt un message au ''Kaiser'' [[Guillaume Ier d'Allemagne|Guillaume {{Ier}}]] faisant {{citation|appel à la [[magnanimité]] de son cœur pour que la paix et la tranquillité des consciences soient rendues aux catholiques}}. Il veillera en contrepartie {{citation|comme la foi qu'ils professent le leur prescrit, [qu'ils se montrent], avec le plus consciencieux dévouement, des sujets respectueux et fidèles de Sa Majesté.}} Le contact se rétablit et des négociations ont lieu directement entre la Curie et le gouvernement allemand, le ''{{lang|de|Zentrum}}'' perçu comme peu fiable par le pape est contourné, cela marque les catholiques allemands par la suite. La Curie se montre plus diplomate que les politiques allemands<ref name="n414">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=414}}.</ref>. Pendant les dix-huit mois que durent les négociations, les socialistes commettent deux attentats contre l'empereur. La situation politique évoluant, le chancelier de fer déclare : {{citation|je suis tout prêt à faire un petit [[Canossa]]<ref>[[Daniel-Rops]], op cité, p. 155.</ref>}}. Adalbert Falk, l'instigateur du ''{{lang|de|Kulturkampf}}'', doit se retirer en juillet [[1879]]<ref name="n414"/>. En [[1881]], Les {{formatnum:1500}} prêtres expulsés de leurs paroisses peuvent revenir, et les congrégations religieuses peuvent rentrer d’exil, à l’exception des [[jésuites]], qui devront attendre [[1903]], et des archevêques de Cologne et de Posen, respectivement {{Mgr|Melchers}} et {{Mgr|Ledochowski}}, qui sont rappelés par le pape à Rome en signe d'apaisement<ref name="n414"/>. En [[1882]], la Prusse recommence à payer les traitements ecclésiastiques. En été 1882, les relations diplomatiques entre l'Empire allemand et le [[Saint-Siège]] sont rétablies<ref name="n414"/>. En [[1883]], il est décidé que les évêques n'auront plus à soumettre la nomination des curés aux autorités civiles. Enfin, les lois de mai sont révisées en [[1886]]. Entretemps, le [[Frédéric III d'Allemagne|''Kronprinz'' Frédéric]] a demandé et obtenu une audience pontificale.
Otto von Bismarck n'a pas atteint tous les objectifs qu'il s'était fixés avec le Kulturkampf. Le Zentrum en est sorti renforcé, avec des scores aux élections supérieurs à ceux d'avant la mise en place de cette politique. La création en réaction du concile de l'[[Église vieille-catholique]] ne provoque pas de division dans le catholicisme. Sous la pression, l'Église, les laïcs catholiques et son bras politique, le Zentrum, en sortent unis. Certains des soutiens du chancelier se montrent également irrités par cette politique. Ainsi, les conservateurs protestants ne sont partisans, ni du mariage civil, ni de l'immixtion de l'État dans les écoles. Les libéraux craignent que les droits de l'Homme ne soient menacés. Une répression toujours plus féroce ne semble pas être non plus la solution qui pourrait affaiblir les catholiques<ref name="Görtemaker-280" />{{,}}<ref name="n380" />.


Bismarck se montre prêt à négocier avec l'Église. Il a besoin d'une nouvelle majorité pour faire voter les [[lois antisocialistes]], or il sait que les libéraux ne peuvent consentir à de telles lois. De son côté, Rome souhaite également mettre fin au conflit<ref name="n380">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=380}}.</ref>.[[Fichier:Leo XIII..jpg|vignette|Léon XIII]]Pie IX meurt en 1878, son successeur est [[Léon XIII]]. Ce dernier envoie aussitôt un message à l'empereur [[Guillaume Ier d'Allemagne|Guillaume {{Ier}}]] faisant {{citation|appel à la [[magnanimité]] de son cœur pour que la paix et la tranquillité des consciences soient rendues aux catholiques}}. Il veillera en contrepartie {{citation|comme la foi qu'ils professent le leur prescrit, [qu'ils se montrent], avec le plus consciencieux dévouement, des sujets respectueux et fidèles de Sa Majesté<ref name="n380" />.}} Le contact est rétabli et des négociations ont lieu directement entre la Curie et le gouvernement allemand. Le pape contourne le Zentrum, ce qui marquera les catholiques allemands par la suite<ref name="n414">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=414}}.</ref>.
En échange, le pape oblige le ''{{lang|de|Zentrum}}'', pourtant réticent, à voter pour les lois antisocialistes et pour la loi du [[septennat (Empire allemand)|septennat]], faisant passer la durée du budget militaire à 7 ans<ref name="n414"/>.


Pendant les dix-huit mois que durent les négociations, les socialistes commettent deux attentats contre l'empereur. La situation politique évoluant, le chancelier de fer déclare prêt à un « petit [[Canossa]] ». Il désavoue son ministre [[Adalbert Falk]], qui se retire en juillet {{Date-|||1879|en Allemagne}}<ref name="n414"/>.
Les {{citation|lois de paix<ref group="citation">{{citation étrangère|lang=de|Friedensgesetze}}.</ref>}} de 1886 et 1887 mettent un terme définitif au conflit côté allemand<ref name="n414"/>. Côté Vatican, Léon XIII déclare officiellement le {{date|23|mai|1887}} que le {{citation|combat qui endommagea l'Église et ne servit en rien l'État}} est fini. Les deux parties ont su garder la face dans les négociations<ref name="n416">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=416}}.</ref>.


En {{Date-|||1881|en Allemagne}}, les {{formatnum:1500}} prêtres expulsés de leurs paroisses peuvent revenir, et les congrégations religieuses peuvent rentrer d’exil, à l’exception des [[jésuites]], qui devront attendre {{Date-|||1903|en Allemagne}}, et les archevêques de Cologne et de Poznan, respectivement {{Mgr|[[Paul Melchers]]}} et {{Mgr|[[Mieczysław Ledóchowski]]}}, qui sont rappelés par le pape à Rome<ref name="n414" />.
Plus tard, en [[1888]], [[1893]] et [[1903]], non sans commettre quelques impairs, [[Guillaume II d'Allemagne|Guillaume II]] rend visite au pape.


En {{Date-|||1882|en Allemagne}}, la Prusse recommence à payer les traitements des ecclésiastiques. À l'été 1882, les relations diplomatiques entre l'Empire allemand et le [[Saint-Siège]] sont rétablies<ref name="n414" />. En {{Date-|||1883|en Allemagne}}, il est décidé que les évêques n'auront plus à soumettre la nomination des curés aux autorités civiles. Les lois de mai sont révisées en {{Date-|||1886|en Allemagne}}.
== Conséquences ==
Le ''{{lang|de|Kulturkampf}}'' marque une étape importante dans la séparation de l'État et de l'Église en Allemagne. Elle cesse d'évoluer avec la [[république de Weimar]]. Il a également pour conséquence que les catholiques restent des citoyens de seconde zone jusqu'en [[1918]].


Entretemps, le prince [[Frédéric III (empereur allemand)|Frédéric]] demande et obtient une audience pontificale.
La loi (anti)jésuite est abrogée en [[1917]], le paragraphe de la chaire en [[1953]]. Ce n'est que depuis le {{date|1|janvier|2009}} qu'un mariage religieux peut être célébré sans avoir été précédé d'un mariage civil. Ce cas reste cependant rare, le cadre légal du mariage civil étant recherché. La loi sur l’inspection des écoles est toujours en vigueur.


En échange, le pape oblige le Zentrum, pourtant réticent, à voter pour les lois antisocialistes et pour la loi du [[septennat (Empire allemand)|septennat]], faisant passer la durée du budget militaire à 7 ans<ref name="n414" />.
{{Lien|langue=de|trad=|fr=Armin Heinen}} doute de la thèse, souvent rencontrée, que les libéraux se seraient faits manipuler par Bismarck pour lutter contre les catholiques. La prise d'initiative des libéraux du Sud de l'Allemagne réclamant une séparation de l'État et de l'Église, poussant Bismarck à agir en ce sens, a selon lui plus d'importance<ref>{{article|lang=de|prénom1=Armin|nom1= Heinen|titre=Umstrittene Moderne. Die Liberalen sind der preußisch-deutsche Kulturkampf|périodique=Geschichte und Gesellschaft|numéro=29|année=2003|volume=1|passage=138-156, 140, 143 et 144}}.</ref>.


Les lois de paix de 1886 et 1887 abrogent l'essentiel des mesures prises contre l'Église catholique<ref name="n414" />.
== Analyse ==
Les historiens ont analysé le conflit ces dernières décennies en prenant plusieurs aspects en compte.


Le {{Date-|23|mai|1887|en Allemagne}}, Léon XIII déclare officiellement que le {{citation|combat qui endommagea l'Église et ne servit en rien l'État}} est fini. Les deux parties ont su garder la face dans les négociations<ref name="n416">{{harvsp|Nipperdey|1992|p=416}}.</ref>.
Manfred Görtemaker considère qu'on ne peut pas parler, comme Pie IX, d'une persécution des croyants. L'objectif est ici de briser ou de limiter l'indépendance de l'Église<ref name="Görtemaker-280">{{harvsp|Görtemaker|1983|p=280}}.</ref>.


Plus tard, en {{Date-|||1888|en Allemagne}}, {{Date-|||1893|en Allemagne}} et {{Date-|||1903|en Allemagne}}, non sans commettre quelques impairs, [[Guillaume II d'Allemagne|Guillaume II]] rend visite au pape.
=== Dimension sociale ===
Au {{s-|XIX|e}}, le courant libéral est surtout dominé par les bourgeois citadins. La population rurale, marginalisée par l'industrialisation, trouve alors dans le clergé un refuge et un porte-parole. Le ''{{lang|de|Kulturkampf}}'' est donc aussi une [[lutte des classes]] avec d'une part les commerçants et les industriels et de l'autre des nobles anti-libéraux, les ecclésiastes et les fermiers. Les ouvriers se tenant entre les deux camps, sont courtisés aussi bien par les ultramontains, que les libéraux ou les socialistes<ref name="Borutta 22">{{harvsp|Borutta|2011|p=22}}.</ref>.


== Conséquences ==
=== Dimension politique ===
Le Kulturkampf marque une étape importante dans la [[laïcité|séparation de l'État et de l'Église]] en Allemagne. Elle cesse d'évoluer avec la [[République de Weimar]]. Il a également pour conséquence que les catholiques restent des citoyens de seconde zone jusqu'en {{Date-|||1918|en Allemagne}}. La loi antijésuite n'est abrogée qu'en {{Date-|||1917|en Allemagne}}, celle de la chaire en {{Date-|||1953|en Allemagne}}. Ce n'est que depuis le {{Date-|1|janvier|2009}} qu'un mariage religieux peut être célébré sans avoir été précédé d'un mariage civil. Ce cas reste cependant rare, le cadre légal du mariage civil étant recherché. La loi sur l’inspection des écoles est toujours en vigueur.
En [[1867]], la [[confédération de l'Allemagne du Nord]] est fondée puis transformée en Empire allemand en 1871. Dès le départ, le droit de vote au suffrage universel est introduit, ce qui apporte un grand succès au ''{{lang|de|Zentrum}}''. Les libéraux sont par contre menacés par cette nouvelle donne et cherchent à éradiquer l'influence du clergé. Leur tentative se montre toutefois contre-productive en rassemblant et mobilisant les croyants contre les premiers<ref name="Borutta 22" />.

== Interpretations ==
{{Lien|langue=de|trad=|fr=Armin Heinen}} doute de la thèse, souvent rencontrée, que les libéraux se seraient laissés manipuler par Bismarck pour lutter contre les catholiques. La prise d'initiative des libéraux du Sud de l'Allemagne réclamant une séparation de l'État et de l'Église, poussant Bismarck à agir en ce sens, a selon lui plus d'importance<ref>{{article|lang=de|prénom1=Armin|nom1= Heinen|titre=Umstrittene Moderne. Die Liberalen sind der preußisch-deutsche Kulturkampf|périodique=Geschichte und Gesellschaft|numéro=29|année=2003|volume=1|passage=138-156, 140, 143 et 144}}.</ref>.

[[Manfred Görtemaker]] considère qu'on ne peut pas parler, comme Pie IX, d'une persécution des croyants. L'objectif est ici de briser ou de limiter l'indépendance de l'Église<ref name="Görtemaker-280">{{harvsp|Görtemaker|1983|p=280}}.</ref>.


L'historien [[David Blackbourn]] considère que le Kulturkampf est le conflit entre deux manières de vivre. Pour développer sa thèse, il renvoie à l'exemple de l'apparition de la [[Vierge Marie|Vierge]] à [[Marpingen]] en {{Date-|||1876|en Allemagne}}. Trois jeunes filles affirment avoir vu à plusieurs reprises apparaître la Vierge Marie dans le bois de ce village. Ces apparitions ne sont pas reconnues par l'Église, les jeunes filles renient leurs dires, mais elles attirent tout de même des milliers de pèlerins en quelques jours. Peu après d'autres enfants disent avoir vu des apparitions, des guérisons miraculeuses sont également rapportées. Ces rassemblements attirent l'attention des autorités prussiennes, qui bloquent rapidement l'accès au site en envoyant des militaires et en mettant en place un tribunal. Ils comptent ainsi arrêter le flux de pèlerins<ref>{{harvsp|Blackbourn|2007}}.</ref>. Les autorités prussiennes avaient déjà agi de manière tout à fait comparable une génération auparavant après la création d'un pèlerinage pour adorer la [[Sainte Tunique du Christ|Sainte Tunique]] à [[Trèves (Allemagne)|Trêves]] en {{Date-|||1844|en Allemagne}}. Cette action avait provoqué un vif débat dans l'opinion publique. Comme réaction en {{Date-|||1845|en Allemagne}} [[Otto von Corvin]] rédige un livre aux accents anticléricaux, le ''{{Lien|langue=de|trad=|fr=Pfaffenspiegel}}'' (le miroir du curé), tandis que {{Lien|langue=en|trad=|fr=Rudolf Löwenstein}} écrit le poème ''Freifrau von Droste-Vischering zum heil’gen Rock nach Trier ging'' dans le journal satirique, le ''[[Kladderadatsch]].''
=== Dimension culturelle ===
L'historien [[David Blackbourn]] considère que le ''{{lang|de|Kulturkampf}}'' est le conflit entre deux manières de vivre. Pour développer sa thèse, il renvoie à l'exemple de l'apparition de la [[Vierge Marie|Vierge]] à [[Marpingen]] en [[1876]]. Trois jeunes filles affirment avoir vu à plusieurs reprises apparaître la Vierge Marie dans le bois de ce village. Ces apparitions ne sont pas reconnues par l'Église, les jeunes filles renient leurs dires, mais elles attirent tout de même des milliers de pèlerins en quelques jours. Peu après d'autres enfants disent avoir vu des apparitions, des guérisons miraculeuses sont également rapportées. Ces rassemblements attirent l'attention des autorités prussiennes, qui bloquent rapidement l'accès au site en envoyant des militaires et en mettant en place un tribunal. Ils comptent ainsi arrêter le flux de pèlerins<ref>{{harvsp|Blackbourn|2007}}.</ref>.


D'après [[Manuel Borota]], le Kulturkampf est l'expression d'une [[lutte des classes]] avec d'une part les commerçants et les industriels et de l'autre des nobles anti-libéraux, les ecclésiastiques et les fermiers. Les ouvriers, se tenant entre les deux camps, sont courtisés aussi bien par les ultramontains, que les libéraux ou les socialistes<ref name="Borutta 22">{{harvsp|Borutta|2011|p=22}}.</ref>.
Les autorités prussiennes avaient déjà agi de manière tout à fait comparable une génération auparavant après la création d'un pèlerinage pour adorer la [[Sainte Tunique du Christ|Sainte Tunique]] à [[Trèves (Allemagne)|Trêves]] en [[1844]]. Cette action avait provoqué un vif débat dans l'opinion publique. Comme réaction en [[1845]] [[Otto von Corvin]] rédige un livre aux accents anticléricaux, le ''{{Lien|langue=de|trad=|fr=Pfaffenspiegel}}'' (le miroir du curé), tandis que {{Lien|langue=en|trad=|fr=Rudolf Löwenstein}} écrit le poème ''Freifrau von Droste-Vischering zum heil’gen Rock nach Trier ging'' dans le journal satirique, le ''[[Kladderadatsch]]''.


== Le terme ''Kulturkampf'' ==
== Le terme ''Kulturkampf'' ==
[[Fichier:Rudolf Virchow by Hugo Vogel, 1861.JPG|thumb|Rudolf Virchow utilise le premier le terme de ''Kulturkampf''.]]
[[Fichier:Rudolf Virchow by Hugo Vogel, 1861.JPG|vignette|[[Rudolf Virchow]], premier utilisateur du terme de ''Kulturkampf''.]]
Le terme {{citation étrangère|lang=de|Kulturkampf}} a été employé pour la première fois dans le journal ''{{lang|de|Zeitschrift für Theologie}}'' de [[Fribourg-en-Brisgau]]. Il apparaît dans une lettre anonyme écrite par le radical {{Lien|langue=de|trad=Ludwig Snell (Politiker)|fr=Ludwig Snell (homme politique)|texte=Ludwig Snell}}sur la {{citation|signification du combat des libéraux catholiques suisses contre la curie romaine<ref group="citation">{{citation étrangère|lang=de|Die Bedeutung des Kampfes der liberalen katholischen Schweiz mit der römischen Kurie}}.</ref>}}<ref name="Borutta 11" />. En Allemagne c'est [[Rudolf Virchow]] qui introduit le terme le {{date|17|janvier|1873}} dans la [[chambre des représentants de Prusse]]<ref name="winkler">{{Ouvrage|langue=de|prénom1=Heinrich August|nom1=Winkler|lien auteur1=Heinrich August Winkler|titre=Der lange Weg nach Westen. Deutsche Geschichte 1806–1933|lieu=Munich|éditeur=|année=2000|passage=222|isbn=}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=de|prénom1=Karl|nom1=Bachem|titre=Vorgeschichte, Geschichte und Politik der Deutschen Zentrumspartei|tome=III|éditeur=|année=1927|passage=268–269}}.</ref>. Il répète ensuite ce terme dans les affiches électorales du [[parti progressiste allemand]] le {{date|23|mars|1873}}<ref name="Bachem">{{harvsp|Bachem|1927|p=269}}.</ref>. L'expression est critiquée par la presse catholique mais défendue par celle libérale<ref name="Bachem" />.
Le terme « Kulturkampf » a été employé pour la première fois dans le journal ''{{lang|de|Zeitschrift für Theologie}}'' de [[Fribourg-en-Brisgau]]. Il apparaît dans une lettre anonyme écrite par le radical {{Lien|langue=de|trad=Ludwig Snell (Politiker)|fr=Ludwig Snell (homme politique)|texte=Ludwig Snell}} sur la {{citation|signification du combat des libéraux catholiques suisses contre la curie romaine<ref group="citation">{{citation étrangère|lang=de|Die Bedeutung des Kampfes der liberalen katholischen Schweiz mit der römischen Kurie}}.</ref>}}<ref name="Borutta 11" />. En Allemagne c'est [[Rudolf Virchow]] qui utilise le terme, le {{Date-|17|janvier|1873|en Allemagne}}, lors de son allocution dans la [[chambre des représentants de Prusse]]<ref name="winkler">{{Ouvrage|langue=de|prénom1=Heinrich August|nom1=Winkler|lien auteur1=Heinrich August Winkler|titre=Der lange Weg nach Westen. Deutsche Geschichte 1806-1933|lieu=Munich|éditeur=|année=2000|passage=222|isbn=978-3-89331-463-8|oclc=266356943|pages totales=652}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=de|prénom1=Karl|nom1=Bachem|titre=Vorgeschichte, Geschichte und Politik der Deutschen Zentrumspartei|tome=III|éditeur=|année=1927|passage=268-269}}.</ref>. Il le répète ensuite sur les affiches électorales du [[Parti progressiste allemand]] (Deutsche Fortschrittspartei, DFP) le {{Date-|23|mars|1873|en Allemagne}}<ref name="Bachem">{{harvsp|Bachem|1927|p=269}}.</ref>. L'expression est critiquée par la presse catholique mais défendue par la presse libérale<ref name="Bachem" />


== Autres ''Kulturkampf'' ==
== Kulturkampf en Suisse ==
En [[allemand]], le terme ''{{lang|de|Kulturkampf}}'' peut désigner d'autres conflits entre l'Église et un État. Par exemple en Suisse. Les ''{{lang|de|Kulturkampf}}'' [[Bavière|bavarois]] et [[souabe]] ont ainsi débuté avant le prussien et sont ainsi souvent vus comme ses précurseurs. Ils démontrent également le caractère national du conflit<ref>par exemple {{harvsp|Borutta|2011|p=21}}.</ref>.
Les Kulturkampfs [[Bavière|bavarois]] et [[souabe]] ont commencé avant le prussien et sont ainsi souvent vus comme ses précurseurs. Ils démontrent également le caractère national du conflit<ref>Par exemple {{harvsp|Borutta|2011|p=21}}.</ref>.


En [[Suisse]], cette politique aboutit à la révision de la [[Constitution de 1874]] et à l’adoption des [[articles d'exception]], expulsant les [[jésuites]], puis toutes les congrégations contemplatives et les [[bénédictin]]s, et rendant non-éligibles prêtres et religieux, limitant le nombre d’évêchés (interdisant la création de nouveaux évêchés sans l'accord du gouvernement) et la création de nouveaux couvents, et interdisant les novices. Les cantons les plus touchés sont ceux [[Canton de Berne|de Berne]] et [[Canton de Genève|de Genève]]. À Genève, le Kulturkampf aboutit à l'adoption des articles interdisant le culte extérieur. Ceux-ci ont été remplacés par la Loi sur la Laïcité de l'État de 2019, qui prévoit un régime d'autorisation pour les manifestations cultuelles sur le domaine public.
=== En Suisse ===
Un mouvement semblable existe simultanément en [[Suisse]], où il aboutit à la révision de la [[Constitution de 1874]] et à l’adoption des [[articles d'exception]], expulsant les [[jésuites]], puis toutes les congrégations contemplatives et les [[bénédictin]]s, et rendant non-éligibles prêtres et religieux, limitant le nombre d’évêchés (interdisant la création de nouveaux évêchés sans l'accord du gouvernement) et la création de nouveaux couvents, et interdisant les novices.
Les cantons les plus touchés sont ceux de [[Canton de Berne|Berne]] et de [[Canton de Genève|Genève]]. À Genève, le ''Kulturkampf'' aboutit à l'adoption des articles interdisant le culte extérieur. Ceux-ci sont encore valables aujourd'hui pour toute personne ayant un domicile ou une résidence dans le canton.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
{{Traduction/Référence|type=note|de|Reichstag (Deutsches Kaiserreich)|3=118253014}}

=== Citations ===
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=== Références ===
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== Bibliographie ==
== Bibliographie ==
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Daniel|nom1=-Rops|lien auteur1=Daniel-Rops|titre=Un combat pour Dieu 1870-1939|éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]|année=1963}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Daniel|nom1=-Rops|lien auteur1=Daniel-Rops|titre=Un combat pour Dieu|sous-titre=1870-1939|éditeur=Fayard|lien éditeur=Librairie Arthème Fayard|année=1963|oclc=313274147|pages totales=982}}.
* {{Ouvrage|langue=de|prénom1=Manuel|nom1=Borutta|titre=Antikatholizismus. Deutschland und Italien im Zeitalter der europäischen Kulturkämpfe|lieu=Gœttingue|éditeur=Vandenhoeck & Ruprecht|année=2011|pages totales=488|isbn=978-3-525-36849-7|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=Z0DLJnFXc8AC&printsec=frontcover}}.
* {{Ouvrage|langue=de|prénom1=Manuel|nom1=Borutta|titre=Antikatholizismus|sous-titre=Deutschland und Italien im Zeitalter der europäischen Kulturkämpfe|lieu=Gœttingue|éditeur=Vandenhoeck & Ruprecht|année=2011|pages totales=488|isbn=978-3-525-36849-7|oclc=1203491862|lire en ligne={{Google Livres|Z0DLJnFXc8AC}}|format=24 cm}}.
* {{Ouvrage|langue=de|prénom1=Christopher|nom1=Clark|lien auteur1=Christopher Clark|prénom2=Wolfram|nom2=Kaiser|titre=Kulturkampf in Europa im 19. Jahrhundert|lieu=Leipzig|éditeur=Leipziger Univ.-Verl.|année=2003|isbn=}}.
* {{Ouvrage|langue=de|prénom1=Christopher|nom1=Clark|lien auteur1=Christopher Clark|prénom2=Wolfram|nom2=Kaiser|titre=Kulturkampf in Europa im 19. Jahrhundert|lieu=Leipzig|éditeur=Leipziger Univ.-Verl.|année=2003|isbn=978-3-93652-257-0|oclc=57607314|pages totales=253|format=21 cm}}.
* {{Ouvrage|langue=de|prénom1=Georg|nom1=Franz|titre=Kulturkampf. Staat und katholische Kirche in Mitteleuropa|lieu=Munich|éditeur=Verlag Georg D.W.Callwey|année=1954}}.
* {{Ouvrage|langue=de|prénom1=Georg|nom1=Franz|titre=Kulturkampf|sous-titre=Staat und katholische Kirche in Mitteleuropa von der Säkularisation bis zum Abschluß des preußischen Kulturkampfes|lieu=Munich|éditeur=Verlag Georg D.W.Callwey|année=1954|oclc=637665868|format=355}}.
* {{Ouvrage|langue=de|prénom1=Thomas|nom1=Nipperdey|lien auteur1=Thomas Nipperdey|titre=Deutsche Geschichte|tome=2|titre tome=1866–1918. Machtstaat vor der Demokratie|lieu=Munich|éditeur=C. H. Beck|année=1992|pages totales=948|passage=364-382|isbn=3-406-34801-7|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=CjQzcn7Hp_AC&printsec=frontcover}}.
* {{Ouvrage|langue=de|prénom1=Thomas|nom1=Nipperdey|lien auteur1=Thomas Nipperdey|titre=Deutsche Geschichte|tome=2|titre tome=1866-1918. Machtstaat vor der Demokratie|lieu=Munich|éditeur=C. H. Beck|année=1992|pages totales=948|passage=364-382|isbn=978-3-40634-801-3|oclc=885298052|lire en ligne={{Google Livres|CjQzcn7Hp_AC}}|format=23 cm}}.
*"Kulturkampf" in [[Dictionnaire historique de la Suisse]] : https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/017244/2008-11-06/
* {{Lien web|langue=fr|auteur=Franz Xaver Bischof|traducteur=Pierre-G. Martin|titre=Kulturkampf|site=Dictionnaire historique de la Suisse|url=https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/017244/2008-11-06/|date=06.11.2008}}.

== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
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Modus vivendi, caricature de Wilhelm Scholz dans le Kladderadatsch, no 14-15 du 18 mars 1878 : le pape et le chancelier veulent tous deux se faire lécher les bottes par l’autre.

Le Kulturkampf /kʊlˈtuːɐ̯ˌkampf/ Écouter, ou « combat pour la civilisation », est une politique religieuse menée par le chancelier de l'Empire allemand, Otto von Bismarck, destinée à rompre les liens entre Rome et l’Église catholique d'Allemagne et à placer celle-ci ― perçue comme une menace à l'unité nationale ― sous la tutelle de l'État. Entamée en et conduite jusqu'en , elle est définitivement abandonnée en .

Dès 1871, Otto von Bismarck et son ministre des cultes, Adalbert Falk, adoptent une série de textes dirigés contre les catholiques afin de leur faire accepter le primat du temporel sur le spirituel. Des moyens législatifs sans précédent sont employés pour lutter contre l'Église catholique afin de la soumettre au contrôle de l'État : interdiction aux prêtres de parler politique lors des prêches, interdiction des établissements jésuites, affectation administrative des ecclésiastiques, expulsion de tous les ordres religieux catholiques, confiscation de leurs biens, fermeture des écoles et couvents, introduction du mariage civil. Des prêtres réfractaires sont déchus de leur nationalité, emprisonnés ou condamnés à des amendes. Ces méthodes brutales finissent par déplaire même aux alliés de Bismarck que sont les libéraux et les protestants.

Les mesures dirigées contre l’Église et les prêtres contribuent également à souder les catholiques entre eux. Les catholiques lorrains, alsaciens et polonais qui cherchent à s'affranchir de la tutelle allemande et les catholiques bavarois et de la région de Cologne, qui se méfient du monopole de la Prusse sur l’Empire allemand, font preuve d'unité et résistent. Rassemblés au sein d’un parti politique, le Zentrum, les catholiques vont acquérir un poids politique considérable.

Le Kulturkampf a donc l’effet inverse de celui escompté. Devant cet échec, et face à la nécessité de voter les lois antisocialistes, Bismarck décide d'abandonner cette politique. L'élection du pape Léon XIII en 1878 marque le début de la détente. La plupart des lois sont retirées ou assouplies, les prêtres peuvent retrouver leurs paroisses. La paix est définitivement signée en 1886 et 1887 entre le Vatican et l'Empire allemand.

L'expression « Kulturkampf » est ensuite étendue aux tensions parfois très vives qui accompagnent l’affranchissement des États modernes du pouvoir de l’Église romaine au XIXe siècle.

Otto von Bismarck, chancelier impérial et ministre-président de Prusse est le grand artisan du Kulturkampf.

Contexte[modifier | modifier le code]

Naissance de l’Empire allemand[modifier | modifier le code]

En 1871, Guillaume Ier, alors roi de Prusse, proclame la naissance de l’Empire allemand dans la galerie des Glaces du château de Versailles. Il vient d'annexer l'Alsace et la Lorraine et de réaliser l’unité de l’Allemagne autour de son royaume, après des siècles de divisions entre petits États et principautés rivales.

Après l’exclusion de l’Autriche catholique, les protestants dominent dans l’Empire, d’autant plus que la dynastie de Hohenzollern et la plupart des membres du gouvernement sont des protestants.

Le chancelier de l'empire, Otto von Bismarck, artisan de cette nouvelle unité allemande accomplie par les armes, se préoccupe à présent d'assurer sa stabilité, ce qui implique un pouvoir indiscuté sur le plan intérieur. Ses deux principaux adversaires, ceux qu’il appelle « les ennemis du Reich », sont les socialistes et les catholiques[1].

Les catholiques dans l'Empire allemand[modifier | modifier le code]

Carte de la répartition des confessions dans l'Empire allemand au XVIIIe siècle. Les catholiques sont en bleu clair et foncé, les protestants en rose et rouge. Le jaune indique que les deux confessions sont présentes.

L'unité confessionnelle du Saint Empire romain germanique est officiellement rompue en 1555 et la paix d'Augsbourg consacre sa division religieuse née de la Réforme luthérienne. Selon le principe Cujus regio, ejus religio (tel prince, telle religion), la coexistence du catholicisme et du protestantisme au sein de l'empire se fait sur la base de l'unité confessionnelle de chaque territoire[2].

À la veille de la Révolution française, la population catholique, largement minoritaire, vit dans le duché de Bavière, dans les grandes principautés ecclésiastiques : Cologne, Trèves, Mayence, Münster, Paderborn, Worms, Würzburg et dans les domaines des Habsbourg comme le Brisgau. La défaite de Napoléon et le congrès de Vienne conduisent à la constitution d'une confédération germanique, qui entraîne un nouveau redécoupage territorial. Dès lors il n'y a plus que trente-six États allemands dont un seul est catholique, celui du roi de Bavière. La Rhénanie et la Westphalie catholiques sont rattachées au royaume de Prusse. Dès lors, 80 % des catholiques allemands sont placés sous autorité protestante, dans une position d'infériorité culturelle et politique[3].

Les sécularisations et les expropriations des biens de l'Église pratiquées durant l'occupation napoléonienne changent les rapports de force et la relation entre État et Église. Au moment de la création de l'Empire allemand, les catholiques (dont les Lorrains, Alsaciens et Polonais) représentent un tiers de sa population, contre deux tiers pour les protestants. Il n'y a pas de religion d'État, cependant l'État paie les traitements des prêtres, entretient les lieux de culte et les facultés de théologie se trouvent dans les universités sous son contrôle. L'État a également son mot à dire lors de la nomination des évêques[4].

La revendication d'universalité de l'État se trouve dans l'opposition naturelle à l'Église catholique, qui souhaite préserver son influence et les traditions chrétiennes comme ciment de la société[4]. L’emprise du pouvoir politique sur l’Église pousse de nombreux catholiques à revendiquer, au nom de la liberté de l’Église, une plus grande intervention du pape. C’est le développement du courant ultramontain favorable au renforcement de l’autorité du Siège apostolique, à la juridiction universelle du pape, à la validité de ses définitions théologiques et de ses condamnations.

Ce conflit d'intérêts est amplifié par l'apparition du libéralisme. Ce type de changement dans les relations Église-État n'est pas particulier à l'Allemagne[5]. La présence de libéraux dans les gouvernements joue un rôle important dans le déclenchement des conflits[6]. Cependant, il n'y a pas qu'une simple opposition croyants / anticléricaux.

Les libéraux allemands, majoritairement protestants, sont ainsi plutôt anticatholiques, alors que les catholiques sont plutôt antilibéraux. Les libéraux ne sont pas anticléricaux par idéologie, mais ils se considèrent comme les représentants de la modernité, du progrès et de la culture en Allemagne. Ils voudraient que l'école devienne neutre et aconfessionnelle, hors de l'influence de l'Église[7].

L'évêque de Mayence Wilhelm von Ketteler, cofondateur du Zentrum.

Minoritaires en Allemagne, les catholiques s’organisent depuis longtemps pour défendre leurs intérêts, avec des associations, des publications, et des groupes parlementaires dans différentes assemblées. Quand Bismarck réalise l’unité allemande au profit de la Prusse luthérienne, ils décident de fonder en un parti politique, le Zentrum (Le Centre).

Au cours des deux premiers tiers du XIXe siècle, le courant catholique se montre hostile à la modernité, ce qu'illustrent les encycliques du pape Pie IX de , Quanta Cura et Syllabus. Cette dernière dresse une liste de 80 égarements de la politique, de la culture et de la science modernes, dont la liberté d'expression, la liberté religieuse, ainsi que la séparation de l'Église et de l'État. Mais si entre 1815 et 1860 environ, les positions des catholiques allemands sont très traditionnelles, elles changent avec l'apparition de nouvelles formes de pauvreté liée aux débuts de l’industrie et de l’urbanisation accélérée[8].

Leur principal leader est Wilhelm von Ketteler, évêque de Mayence, qui s’intéresse beaucoup aux questions sociales. Il publie, en 1865, Les Travailleurs et la chrétienté (Die Arbeiter und das Christentum) et fait adopter, en 1869, par l'Assemblée des évêques allemands, qui se tient tous les ans à Fulda, le programme social du catholicisme allemand : hausse des salaires, limitation du temps de travail, introduction et respect des jours de repos, limitation du travail des enfants, des jeunes filles et des mères. Ainsi, les catholiques allemands s'opposent au socialisme étatiste puisqu'ils défendent la propriété privée mais refusent le libéralisme individualiste. Le parti penche pour le fédéralisme et pour un rapprochement avec l'Autriche-Hongrie catholique[9].

Le nouveau mode de scrutin électoral par suffrage universel avantage le parti Zentrum[10]. Les catholiques obtiennent 18,6% des suffrages et cinquante-sept sièges aux premières élections suivant l'unité allemande, en 1871[11].

Pie IX.

Le premier concile œcuménique du Vatican, qui se déroule de à , tente de renforcer l'autorité papale avec notamment la proclamation le du dogme de l'infaillibilité pontificale en matière de théologie. En Allemagne, les libéraux sont particulièrement virulents contre cette décision, considérant qu'elle s'oppose à la liberté d'opinion et à la libre conscience. D'ailleurs, le clergé allemand est également majoritairement opposé à cette décision[12].

Cependant, à peine deux mois après, le , le pape Pie IX perd au profit du roi d’Italie Victor-Emmanuel II le contrôle temporel qu’il avait sur Rome depuis plusieurs siècles. Le choc culturel que représente la prise de Rome vient surtout de la crise spirituelle qu’elle va entraîner chez nombre de catholiques européens, à commencer par ceux d’Italie qui se voient intimer l’ordre de ne pas participer à la vie politique italienne. Dans les autres nations, l’ultramontanisme progresse, mettant à chaque fois en concurrence foi et appartenance nationale.

Les lois contre l'Église et les catholiques[modifier | modifier le code]

Adelbert Falk en 1872.

Pour consolider la nation allemande, Bismarck cherche à réduire des particularismes et vise en premier lieu l’Église catholique et sa prétention à contester la sphère d’intervention de l’État.

En , Bismarck abolit les dispositions constitutionnelles qui protégent l’Église et ferme le département catholique du ministère de l'instruction et des cultes[13].

Le , est promulguée la loi dite de paragraphe de la chaire, (Kanzelparagraph), qui interdit aux religieux de prendre des positions politiques dans le cadre de leur fonction sous peine d'emprisonnement d’une durée allant jusqu'à 2 ans. Ironie de l'histoire, la loi est présentée par les députés bavarois[13].

Adalbert Falk, un protestant prussien, est nommé ministre de l'instruction publique et des cultes[14]. Il remplace dans sa fonction von Mülher que Bismarck estime trop réservé dans l’application de sa politique. C’est sous son égide que, le , est votée la loi de surveillance de l’école (Schulaufsichtsgesetz) qui retire aux Églises le droit d’inspection des écoles primaires, au profit d’inspecteurs laïcs, et ferme l’enseignement public aux ordres religieux. C'est une véritable laïcisation qui fait passer de l’Église à l’État le contrôle sur l’école ainsi que le choix des maîtres. Le , en réagissant au refus par le pape Pie IX d'un ambassadeur allemand qu'il lui a proposé, Bismarck déclare devant le Reichstag « Nous n'irons pas à Canossa ni physiquement ni spirituellement » et « nous ne céderons rien » face à l'Église catholique[14]. Les catholiques, les membres du Zentrum et les autres minorités sont qualifiés d'ennemis de l'Empire[15]. Les relations diplomatiques entre l'Allemagne et le Vatican sont rompues en 1872.

La loi antijésuites (Jesuitengesetzl) du interdit les établissements jésuites sur tout le territoire[16].

« Zwischen Berlin und Rom » (Entre Berlin et Rome), Kladderadatsch, 1875.

Les lois de mai , (Maigesetze) font de l'État le responsable de la formation et de l'affectation des ecclésiastiques, ceux-ci sont donc contraints de passer des examens de culture. Les propriétés de l'Église doivent être dirigées par un représentant des communes. Les petits séminaires sont supprimés. Les congrégations religieuses sont chassées du territoire allemand, à l'exception des congrégations hospitalières. Leurs biens, écoles et couvents, sont confisqués. Les prêtres doivent désormais être élus[14].

Face aux lois de mai, Ludwig Windthorst, qui prend la tête du parti catholique, à partir de 1874, appelle à la résistance passive. Les archevêques de Paderborn et de Munster préfèrent la prison à la soumission. Les prêtres ne se présentent pas aux examens. Le , Eduard Kullmann (de), artisan catholique de 21 ans, commet un attentat contre le chancelier allemand, qui n'est que légèrement blessé[14].

En octobre 1873, l'évêque de Mayence Wilhelm von Ketteler prêche à Kevelaer devant plus de 25 000 personnes et dénonce ces lois. Il est arrêté juste après son sermon et condamné à la peine maximale prévue qui est de 2 ans de prison. Cela déclenche une vague de protestation chez les catholiques et aux élections de 1874, le parti du Centre double ses voix et obtient le nombre record de 99 sièges au Reichstag.

Le , le pape déclare que toute personne respectant les lois de mai est menacée d'excommunication. La condamnation du gouvernement par le Vatican et les mentions de Bismarck par le Pape comme un « Satan casqué » ou un « grand sorcier » encouragent les fidèles à résister.

Le mariage civil devient le seul mariage de référence en Prusse. Le mariage religieux n'est autorisé qu'après conclusion d'un mariage civil[17]. Cette loi est imposée dans l'ensemble de l'Empire allemand le [14].

Le  : la nouvelle loi dite de la corbeille de pain (Brotkorbgesetz) coupe les subventions publiques pour les institutions catholiques qui ne se soumettent pas à la volonté de l'État.

La discrimination à l'égard des catholiques s'exerce aussi dans la fonction publique de l'État prussien. Les prêtres réfractaires sont déchus de la nationalité allemande et exilés.

L'ampleur des répressions[modifier | modifier le code]

Les États fédérés allemands ne sont pas touchés de la même façon : alors qu'en Prusse et dans le Bade le conflit bat son plein, la Bavière et le Wurtemberg sont relativement épargnés. Dans la première, très catholique, le gouvernement royal du régent Luitpold de Bavière ne trouve pas de soutien auprès de son parlement pour faire voter les lois. Seuls les décrets sont appliqués. Dans le second, à large majorité protestante, le rôle de l'évêque de Rottenburg, Mgr Karl Joseph von Hefele, n'est pas à négliger[14].

La politique Kulturkampf touche également les minorités vivant aux marges de l’Empire dans des régions annexées par une politique d’assimilation culturelle très agressive (Alsace-Lorraine, Grande-Pologne, Silésie). En 1876, l’allemand devient seule langue administrative dans les régions orientales et il devient obligatoire à l’école primaire dans le courant des années 1870 et 1880. Les lois adoptées dans le cadre du Kulturkampf, en établissant le contrôle direct de l’État sur l’organisation de l’enseignement primaire et secondaire, facilitent l’application des mesures de germanisation forcée. Le Kulturkampf vise à réduire les particularismes nationaux polonais et alsacien dont l’Église catholique est un élément structurant[18]. À la fin du conflit, 1 800 prêtres catholiques se trouvent en prison. L'État a réquisitionné à l'Église des biens estimés à 16 millions de Mark-or[19]. L'archevêque de Poznań, Mgr Mieczysław Ledóchowski, est emprisonné avec une peine de 2 ans pour haute trahison[20], puis exilé. L'archevêque de Paderborn, Mgr Martin, l'archevêque de Cologne, Mgr Paul Melchers, et l'archevêque de Trêve, Mgr Matthias Eberhard sont jetés en prison. Ce dernier, condamné le , à une amende de 130 000 Mark-or et 9 mois de prison, y meurt au bout de 6[19]. L'évêque de Munster, Mgr Johannes Bernhard Brinkmann est déposé et s'exile aux Pays-Bas.

En 1875, 241 clercs, 136 rédacteurs des publications religieuses, 210 autres catholiques sont condamnés à des amendes ou emprisonnés. 74 logements sont perquisitionnés, 55 organisations dissoutes, 20 journaux mis sous scellés et 103 personnes sont internées ou exilées.

En , sur 12 diocèses, 8 sont vacants, dont 6 par destitution et 2 pour cause de décès. En , environ 1 000 paroisses, soit environ un quart des communes, n'ont pas de prêtre[14].

Malgré la rudesse du conflit, seule la voie légale a été employée[21].

Échec et fin de la politique Kulturkampf[modifier | modifier le code]

Otto von Bismarck n'a pas atteint tous les objectifs qu'il s'était fixés avec le Kulturkampf. Le Zentrum en est sorti renforcé, avec des scores aux élections supérieurs à ceux d'avant la mise en place de cette politique. La création en réaction du concile de l'Église vieille-catholique ne provoque pas de division dans le catholicisme. Sous la pression, l'Église, les laïcs catholiques et son bras politique, le Zentrum, en sortent unis. Certains des soutiens du chancelier se montrent également irrités par cette politique. Ainsi, les conservateurs protestants ne sont partisans, ni du mariage civil, ni de l'immixtion de l'État dans les écoles. Les libéraux craignent que les droits de l'Homme ne soient menacés. Une répression toujours plus féroce ne semble pas être non plus la solution qui pourrait affaiblir les catholiques[22],[23].

Bismarck se montre prêt à négocier avec l'Église. Il a besoin d'une nouvelle majorité pour faire voter les lois antisocialistes, or il sait que les libéraux ne peuvent consentir à de telles lois. De son côté, Rome souhaite également mettre fin au conflit[23].

Léon XIII

Pie IX meurt en 1878, son successeur est Léon XIII. Ce dernier envoie aussitôt un message à l'empereur Guillaume Ier faisant « appel à la magnanimité de son cœur pour que la paix et la tranquillité des consciences soient rendues aux catholiques ». Il veillera en contrepartie « comme la foi qu'ils professent le leur prescrit, [qu'ils se montrent], avec le plus consciencieux dévouement, des sujets respectueux et fidèles de Sa Majesté[23]. » Le contact est rétabli et des négociations ont lieu directement entre la Curie et le gouvernement allemand. Le pape contourne le Zentrum, ce qui marquera les catholiques allemands par la suite[24].

Pendant les dix-huit mois que durent les négociations, les socialistes commettent deux attentats contre l'empereur. La situation politique évoluant, le chancelier de fer déclare prêt à un « petit Canossa ». Il désavoue son ministre Adalbert Falk, qui se retire en juillet [24].

En , les 1 500 prêtres expulsés de leurs paroisses peuvent revenir, et les congrégations religieuses peuvent rentrer d’exil, à l’exception des jésuites, qui devront attendre , et les archevêques de Cologne et de Poznan, respectivement Mgr Paul Melchers et Mgr Mieczysław Ledóchowski, qui sont rappelés par le pape à Rome[24].

En , la Prusse recommence à payer les traitements des ecclésiastiques. À l'été 1882, les relations diplomatiques entre l'Empire allemand et le Saint-Siège sont rétablies[24]. En , il est décidé que les évêques n'auront plus à soumettre la nomination des curés aux autorités civiles. Les lois de mai sont révisées en .

Entretemps, le prince Frédéric demande et obtient une audience pontificale.

En échange, le pape oblige le Zentrum, pourtant réticent, à voter pour les lois antisocialistes et pour la loi du septennat, faisant passer la durée du budget militaire à 7 ans[24].

Les lois de paix de 1886 et 1887 abrogent l'essentiel des mesures prises contre l'Église catholique[24].

Le , Léon XIII déclare officiellement que le « combat qui endommagea l'Église et ne servit en rien l'État » est fini. Les deux parties ont su garder la face dans les négociations[25].

Plus tard, en , et , non sans commettre quelques impairs, Guillaume II rend visite au pape.

Conséquences[modifier | modifier le code]

Le Kulturkampf marque une étape importante dans la séparation de l'État et de l'Église en Allemagne. Elle cesse d'évoluer avec la République de Weimar. Il a également pour conséquence que les catholiques restent des citoyens de seconde zone jusqu'en . La loi antijésuite n'est abrogée qu'en , celle de la chaire en . Ce n'est que depuis le qu'un mariage religieux peut être célébré sans avoir été précédé d'un mariage civil. Ce cas reste cependant rare, le cadre légal du mariage civil étant recherché. La loi sur l’inspection des écoles est toujours en vigueur.

Interpretations[modifier | modifier le code]

Armin Heinen (de) doute de la thèse, souvent rencontrée, que les libéraux se seraient laissés manipuler par Bismarck pour lutter contre les catholiques. La prise d'initiative des libéraux du Sud de l'Allemagne réclamant une séparation de l'État et de l'Église, poussant Bismarck à agir en ce sens, a selon lui plus d'importance[26].

Manfred Görtemaker considère qu'on ne peut pas parler, comme Pie IX, d'une persécution des croyants. L'objectif est ici de briser ou de limiter l'indépendance de l'Église[22].

L'historien David Blackbourn considère que le Kulturkampf est le conflit entre deux manières de vivre. Pour développer sa thèse, il renvoie à l'exemple de l'apparition de la Vierge à Marpingen en . Trois jeunes filles affirment avoir vu à plusieurs reprises apparaître la Vierge Marie dans le bois de ce village. Ces apparitions ne sont pas reconnues par l'Église, les jeunes filles renient leurs dires, mais elles attirent tout de même des milliers de pèlerins en quelques jours. Peu après d'autres enfants disent avoir vu des apparitions, des guérisons miraculeuses sont également rapportées. Ces rassemblements attirent l'attention des autorités prussiennes, qui bloquent rapidement l'accès au site en envoyant des militaires et en mettant en place un tribunal. Ils comptent ainsi arrêter le flux de pèlerins[27]. Les autorités prussiennes avaient déjà agi de manière tout à fait comparable une génération auparavant après la création d'un pèlerinage pour adorer la Sainte Tunique à Trêves en . Cette action avait provoqué un vif débat dans l'opinion publique. Comme réaction en Otto von Corvin rédige un livre aux accents anticléricaux, le Pfaffenspiegel (de) (le miroir du curé), tandis que Rudolf Löwenstein (en) écrit le poème Freifrau von Droste-Vischering zum heil’gen Rock nach Trier ging dans le journal satirique, le Kladderadatsch.

D'après Manuel Borota, le Kulturkampf est l'expression d'une lutte des classes avec d'une part les commerçants et les industriels et de l'autre des nobles anti-libéraux, les ecclésiastiques et les fermiers. Les ouvriers, se tenant entre les deux camps, sont courtisés aussi bien par les ultramontains, que les libéraux ou les socialistes[10].

Le terme Kulturkampf[modifier | modifier le code]

Rudolf Virchow, premier utilisateur du terme de Kulturkampf.

Le terme « Kulturkampf » a été employé pour la première fois dans le journal Zeitschrift für Theologie de Fribourg-en-Brisgau. Il apparaît dans une lettre anonyme écrite par le radical Ludwig Snell (de) sur la « signification du combat des libéraux catholiques suisses contre la curie romaine[citation 1] »[5]. En Allemagne c'est Rudolf Virchow qui utilise le terme, le , lors de son allocution dans la chambre des représentants de Prusse[28],[29]. Il le répète ensuite sur les affiches électorales du Parti progressiste allemand (Deutsche Fortschrittspartei, DFP) le [30]. L'expression est critiquée par la presse catholique mais défendue par la presse libérale[30]

Kulturkampf en Suisse[modifier | modifier le code]

Les Kulturkampfs bavarois et souabe ont commencé avant le prussien et sont ainsi souvent vus comme ses précurseurs. Ils démontrent également le caractère national du conflit[31].

En Suisse, cette politique aboutit à la révision de la Constitution de 1874 et à l’adoption des articles d'exception, expulsant les jésuites, puis toutes les congrégations contemplatives et les bénédictins, et rendant non-éligibles prêtres et religieux, limitant le nombre d’évêchés (interdisant la création de nouveaux évêchés sans l'accord du gouvernement) et la création de nouveaux couvents, et interdisant les novices. Les cantons les plus touchés sont ceux de Berne et de Genève. À Genève, le Kulturkampf aboutit à l'adoption des articles interdisant le culte extérieur. Ceux-ci ont été remplacés par la Loi sur la Laïcité de l'État de 2019, qui prévoit un régime d'autorisation pour les manifestations cultuelles sur le domaine public.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Citations[modifier | modifier le code]

  1. « Die Bedeutung des Kampfes der liberalen katholischen Schweiz mit der römischen Kurie ».

Références[modifier | modifier le code]

  1. François Riether, « Bismarck, le chancelier de fer », Université Populaire d'Avignon,‎ 3 & 10 décembre 2019 (lire en ligne).
  2. François-Georges Dreyfus, « Catholicisme et protestantisme en Allemagne », Clio, voyages culturelles,‎ (lire en ligne).
  3. Sandrine Kott, « Éléments pour une histoire sociale et culturelle de la religion en Allemagne au XIXe siècle », Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. 5, nos 48-4bis,‎ , p. 92-111 (lire en ligne).
  4. a et b Nipperdey 1992, p. 364.
  5. a et b Borutta 2011, p. 11.
  6. Borutta 2011, p. 13.
  7. Nipperdey 1992, p. 366.
  8. Jean-François Vidal, Le Modèle allemand, Éditions des maisons des sciences de l’homme associées, (lire en ligne), « Le rôle sous-estimé du catholicisme social », p. 45-61.
  9. Nipperdey 1992, p. 370.
  10. a et b Borutta 2011, p. 22.
  11. « Les premiers partis catholiques », sur universalis.fr.
  12. Nipperdey 1992, p. 368.
  13. a et b Nipperdey 1992, p. 372.
  14. a b c d e f et g Nipperdey 1992, p. 374.
  15. (de) Manfred Görtemaker, Deutschland im 19. Jahrhundert. Entwicklungslinien., Opladen, , p. 277 et 278.
  16. sans la date exacte, Nipperdey 1992, p. 374.
  17. Görtemaker 1983, p. 279.
  18. Richard Blanke, « The Polish Role in the Origin of the Kulturkampf in Prussia », Revue Canadienne des Slavistes, vol. 25,‎ .
  19. a et b (de) David Blackbourn, Marpingen : Das deutsche Lourdes in der Bismarckzeit, t. 6, Saarbruck, Historische Beiträge des Landesarchivs Saarbrücken, , 648 p. (ISBN 978-3-9808556-8-6, OCLC 985562203), p. 128.
  20. (de) « ieczyslaw Graf Halka-Ledochowski » (consulté le ).
  21. Nipperdey 1992, p. 376.
  22. a et b Görtemaker 1983, p. 280.
  23. a b et c Nipperdey 1992, p. 380.
  24. a b c d e et f Nipperdey 1992, p. 414.
  25. Nipperdey 1992, p. 416.
  26. (de) Armin Heinen, « Umstrittene Moderne. Die Liberalen sind der preußisch-deutsche Kulturkampf », Geschichte und Gesellschaft, vol. 1, no 29,‎ , p. 138-156, 140, 143 et 144.
  27. Blackbourn 2007.
  28. (de) Heinrich August Winkler, Der lange Weg nach Westen. Deutsche Geschichte 1806-1933, Munich, , 652 p. (ISBN 978-3-89331-463-8, OCLC 266356943), p. 222.
  29. (de) Karl Bachem, Vorgeschichte, Geschichte und Politik der Deutschen Zentrumspartei, t. III, , p. 268-269.
  30. a et b Bachem 1927, p. 269.
  31. Par exemple Borutta 2011, p. 21.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]