« Ta Mok » : différence entre les versions

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
Jean-Jacques Georges (discuter | contributions)
mAucun résumé des modifications
DuCouscous (discuter | contributions)
m Le lien était mauvais, il renvoyait vers une page qui ne couvrait pas la bonne période.
 
(48 versions intermédiaires par 29 utilisateurs non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
{{à sourcer|date=mars 2013}}
'''Ta Mok''', pseudonyme de '''Chhit Chœun''' (nom également retranscrit '''Ek Chœun'''), dit également '''Nguon Kang''' (né en [[1926]], à Trapeang Thom, dans le district de Tram Kak, [[province de Takeo]] - décédé à l'hôpital de [[Phnom Penh]] le [[21 juillet]] [[2006]]), est un homme politique [[Cambodge|cambodgien]], qui fut l’un des plus sanguinaires leaders des [[Khmers rouges]] et l'un des derniers dirigeants du mouvement dirigé d'une main de fer par [[Pol Pot]]. Sa personnalité est mal connue et on ne disposa longtemps d'aucune photo de lui. Dans son témoignage ''Le Portail'', [[François Bizot]] en fait le portrait d'un homme cruel et cupide. On sait qu'il a perdu une jambe en sautant sur une mine durant la guerre civile, au début des [[années 1980]].
{{Infobox Biographie2
| charte = personnalité politique
}}
<dfn>Ta Mok</dfn>, pseudonyme de '''Ung Chœun''', dit également '''Chhit Chœun''', '''Eang Eng''' ou '''Nguon Kang''' (né en [[1924]] ou [[1926]], selon les sources, dans la [[province de Takeo]] - décédé à l’hôpital de [[Phnom Penh]] le {{date|21 juillet 2006}}), est un homme politique [[Cambodge|cambodgien]], qui fut l’un des plus sanguinaires chefs des [[khmers rouges]] et l’un des derniers dirigeants du mouvement dirigé d’une main de fer par [[Pol Pot]].

Sa personnalité est mal connue et on ne disposa longtemps d’aucune photo de lui. On sait qu’il a perdu une jambe durant la [[Conflit cambodgien (1978-1999)|guerre civile]], au début des [[années 1980]].

Dans son témoignage ''[[Le Portail]]'', [[François Bizot]] en fait le portrait d’un homme cruel et cupide<ref name="BIZOT 2000 lP Pxx">{{Référence insuffisante|{{Ouvrage | langue=fr | auteur1=[[François Bizot]] | titre=[[Le Portail]] | lieu=Paris | éditeur=[[Éditions de la Table ronde]] | collection=Vermillon | année=2000 | mois=août | jour=26 | pages totales=397 | isbn=2-7028-6131-8 | présentation en ligne=http://www.editionslatableronde.fr/ouvrage.php?id_ouv=I22325}}}}</ref>.


== Biographie ==
== Biographie ==
dans une prospère famille paysanne de la province de [[Takev|Takeo]], Chhit Choeun, alias Ta Mok, étudie à l'école supérieure de Pali, à [[Phnom Penh]], avant de devenir bonze.
Issu d’une prospère famille paysanne du district de Tram Kak dans la [[province de Takeo]]{{#tag:ref|La localité varie suivant la source. Alors que Solomon Kane le fait naître à ''Prakeab''<ref name="KANE 2007 DdKR P385">{{Dictionnaire des Khmers rouges | titre chapitre = UNG (Chœun) alias Ta Mok | passage = 385 }}.
</ref>, Henri Locard affirme que son lieu de naissance serait Trapeang Thom Tbong<ref name="LOCARD 2013 PlKR P105">{{Pourquoi les Khmers rouges| titre chapitre = L’Angkar | passage = 105 }}.</ref>.|group=note}}, Ung Choeun, ''alias'' Ta Mok, est l’aîné d’une famille de huit enfants<ref name="KANE 2007 DdKR P385" />. Devenu [[bonze]], il obtient un diplôme d’enseignant de premier cycle en [[Pali]] à [[Phnom Penh]]. Ayant échoué à entrer à l’école supérieure de Pali, il retourne à la vie laïque<ref name="KANE 2007 DdKR P386">{{Dictionnaire des Khmers rouges | titre chapitre = UNG (Chœun) alias Ta Mok | passage = 386 }}.</ref>.


Dans les [[années 1940]], alors que le Cambodge connaît alternativement la domination coloniale française et japonaise, Ta Mok s'engage dans la guérilla des [[Khmer Issarak|Khmers Issarak]] contre le [[colonialisme]] français et est également actif dans la résistance anti-japonaise. En juin [[1949]], chef du mouvement Issarak pour les districts de [[Tram Kak]] et de [[Prey Krabas]], il est dénoncé pour les exactions commises à l'occasion de collectes de fonds.
Dans les [[années 1940]], alors que le Cambodge connaît alternativement la domination coloniale française et japonaise, Ta Mok s’engage dans la guérilla des [[khmers Issarak|khmers issarak]] contre le [[colonialisme]] français et est également actif dans la résistance anti-japonaise. En {{date|juin 1949}}, chef du mouvement Issarak pour les districts de Tram Kak et de Kong Pisey, il est dénoncé pour les exactions commises à l’occasion de collectes de fonds<ref name="KANE 2007 DdKR P386" />.


=== Cadre du Parti communiste cambodgien ===
=== Cadre du Parti communiste cambodgien ===
Il rejoint dans les [[années 1950]] le [[Parti communiste du Kampuchéa|Parti révolutionnaire du peuple khmer]] (PPRK). Militant militaire et politique dans la zone du sud-ouest, il est nommé membre du Comité central du Parti dès [[1963]] et devient en [[1966]] secrétaire adjoint pour la zone Sud-Ouest.
En [[1950]], il rejoint le Parti communiste indochinois (PCI). Il est à cette époque très proche des communistes vietnamiens qui assurent la formation de leurs collègues cambodgiens. Quand le PCI se scinde en organisations nationales, il rejoint le Parti révolutionnaire du peuple khmer, ancêtre du [[Parti communiste du Kampuchéa]]<ref name="LOCARD 2013 PlKR P105-106">{{Pourquoi les Khmers rouges | titre chapitre = L’Angkar | passage = 105-106}}.</ref>. Militant militaire et politique dans la zone du Sud-Ouest, il est nommé membre du Comité central du Parti dès [[1963]] et devient en [[1966]] secrétaire adjoint pour la zone sud-ouest<ref name="KANE 2007 DdKR P386" />.


En [[1968]] ou [[1970]], il devient secrétaire du Parti pour la zone du Sud-ouest, un poste qui lui permettra d'être élu en tant que membre des comités permanent et militaire du Comité central. Ces fonctions lui confèrent l'autorité ''de facto'' et ''de jure'' sur tous les subordonnés du Parti communiste cambodgien, en particulier ceux de la zone Sud-Ouest.
En [[1968]], il devient secrétaire du Parti pour la zone du Sud-Ouest, un poste qui lui permettra d’être élu en tant que membre des comités permanent et militaire du Comité central. Ces fonctions lui confèrent l’autorité ''de facto'' et ''de jure'' sur tous les subordonnés du Parti communiste cambodgien, en particulier ceux de la zone sud-ouest. Ta Mok exerce alors d’importantes fonctions militaires dans le mouvement [[Khmers rouges|khmer rouge]]<ref name="TRIAL Profile TaMok Faits">{{Lien web |langue= fr |url= http://www.trial-ch.org/fr/ressources/trial-watch/trial-watch/profils/profile/264/action/show/controller/Profile.html |titre= Ta Mok |série= Profile |site=[http://www.trial-ch.org TRIAL] |consulté le=12 novembre 2014}}.</ref>.
Ta Mok exerce alors d'importantes fonctions militaires dans le mouvement [[khmer rouge]].


Cadre militaire et politique de la zone Sud-Ouest (le [[Nirdey]]), secrétaire du parti pour la même région, il orchestre de vastes purges et ordonne des massacres de grande ampleur dans la zone sous sa juridiction dès [[1973]], avant même la prise du pouvoir par les Khmers rouges. Ses hommes remplacent alors progressivement les cadres éliminés pour collusion avec le [[Viêt Nam]]. Les cadres du Sud-Ouest seraient alors devenus le fer de lance de la révolution.
Cadre militaire et politique de la zone sud-ouest (le Nirdey), secrétaire du parti pour la même région, il orchestre de vastes purges et ordonne des massacres de grande ampleur dans la zone sous sa juridiction dès [[1973]], avant même la prise du pouvoir par les khmers rouges. Ses hommes remplacent alors progressivement les cadres éliminés pour collusion avec le [[Viêt Nam]]. Les cadres du Sud-Ouest seraient alors devenus le fer de lance de la révolution<ref name="KANE 2007 DdKR P387">{{Dictionnaire des Khmers rouges | titre chapitre = UNG (Chœun) alias Ta Mok | passage = 387 }}.</ref>.


Le [[18 mars]] [[1974]], lors de la prise de [[Oudong]], ancienne capitale impériale, par ses miliciens, renforcés par ceux de [[Ke Pauk]], la ville est systématiquement rasée et la population, forte de 20 000 habitants, est déportée. Enseignants, fonctionnaires et soldats républicains sont systématiquement assassinés. « La prise de Oudong et ses suites anticipent ce qui se produira à Phnom Penh un an plus tard », écrit [[Raoul-Marc Jennar]], dans ''Les Clés du Cambodge''.
Le {{date|18 mars 1974}}, lors de la prise de [[Oudong]], ancienne capitale impériale, par ses miliciens, renforcés par ceux de [[Ke Pauk]], la ville est systématiquement rasée et la population, forte de {{Unité|20000|habitants}}, est déportée. Enseignants, fonctionnaires et soldats républicains sont systématiquement assassinés<ref name="KANE 2007 DdKR P387" />. « La prise de Oudong et ses suites anticipent ce qui se produira à Phnom Penh un an plus tard », écrit [[Raoul-Marc Jennar]]<ref name="JENNAR 1995 lCdC Pxx">{{Référence insuffisante|{{Ouvrage | langue=fr | auteur1=[[Raoul-Marc Jennar]] | titre=Les clés du Cambodge | éditeur=[[Maisonneuve et Larose]] | année=1995 | mois=octobre | jour=1 | pages totales=328 | isbn=978-2-7068-1150-0}}}}.</ref>.


Nommé par Pol Pot chef d’état major de l’armée nationale du [[Kampuchea démocratique]], nom officiel du régime khmer rouge, Son parcours est désormais jalonné de nombreux carnages. Il fait, en [[1975]], massacrer par ses troupes originaires du Sud-Ouest plus de 30 000 personnes dans le seul district d’[[Angkor Chey]] et plus de 50 000 autres à [[Kompong Cham]].
Nommé par Pol Pot chef d’état-major de l’armée nationale du [[Kampuchéa démocratique]], nom officiel du régime khmer rouge, son parcours est désormais jalonné de nombreux carnages. Il fait, en [[1975]], massacrer par ses troupes originaires du Sud-Ouest plus de {{Unité|30000|personnes}} dans le seul district d’Angkor Chey<ref name="TRIAL Profile TaMok Faits" /> et plus de {{formatnum:50000}} autres à [[Kampong Cham (ville)|Kompong Cham]].


Le [[20 mars]] [[1976]], Ta Mok devient Premier Vice-président de l'Assemblée des représentants du peuple et poursuit son œuvre d’extermination. Il s’acquitte avec zèle des purges sanglantes qui caractérisèrent le régime polpotiste durant ses années au pouvoir. Il s'en prend particulièrement aux communautés musulmanes et entreprend la purge des « traîtres de la région Est » qualifiés d'« esprits vietnamiens dans des corps khmers ». Il est alors responsable de la mort de plus de 100 000 personnes et selon ses anciens compagnons, il aurait lui-même participé directement et activement aux tueries.
Le {{date|20 mars 1976}}, Ta Mok devient Premier Vice-président de l’Assemblée des représentants du peuple et poursuit son œuvre d’extermination<ref name="UniversiteYale CambodianGenocideProgram CBIO 17927">{{Lien web|langue= en |url= http://cgp.research.yale.edu/cgp/cbio/cbiorecorddetail.jsp?record_id=17927 |titre= CBIO Record |série= Biographic Database |site= [http://www.yale.edu/cgp Cambodian Genocide Program] |éditeur= [[Université Yale]] |consulté le=12 novembre 2014}}.</ref>. Il s’acquitte avec zèle des purges sanglantes qui caractérisèrent le régime polpotiste durant ses années au pouvoir. Il s’en prend particulièrement aux communautés musulmanes et entreprend la purge des « traîtres de la région est » qualifiés d’« esprits vietnamiens dans des corps khmers »<ref name="EPELBAUM 2015 dHVO lBG P189-190">{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Didier Epelbaum |titre=Des hommes vraiment ordinaires |sous-titre=Les bourreaux génocidaires |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Stock]] |collection=Essais - Documents |année=2015 |mois=octobre |jour=7 |pages totales=304 |passage=189-190 |isbn=978-2-234-07721-8 |présentation en ligne=http://www.editions-stock.fr/des-hommes-vraiment-ordinaires-9782234077218 |consulté le=15 décembre 2016 |numéro chapitre=VI |titre chapitre=Des armées pas si propres - Moine et boucher}}</ref>. Il est alors responsable de la mort de plus de {{Unité|100000|personnes}} et selon ses anciens compagnons, il aurait lui-même participé directement et activement aux tueries<ref name="MALOY TheCambodiaDaily 24JUL06 GM PPpE">{{Article |langue= en |auteur1= John Maloy |titre= Grandfather Mok |sous-titre= Pol Potism par excellence |périodique= [[The Cambodia Daily]] |jour= 24 |mois= juillet |année= 2006 }}</ref>.


Dans son livre ''Le mal cambodgien'', publié en [[1989]], Marie-Alexandrine Martin estime que dans la lutte qui oppose les différents clans khmers rouge, « le clan Pol Pot-[[Ieng Sary]] sort vainqueur parce qu'il dispose de Ta Mok et de son armée de jeunes tueurs disciplinés (...) ».
Marie-Alexandrine Martin estime que dans la lutte qui oppose les différents clans khmers rouge, {{citation|le clan Pol Pot-[[Ieng Sary]] sort vainqueur parce qu’il dispose de Ta Mok et de son armée de jeunes tueurs disciplinés (...)}}<ref name="MARTIN 1989 lMC Pxx">{{Référence insuffisante|{{Ouvrage | prénom1=Marie-Alexandrine | nom1=Martin | titre=Le mal cambodgien | sous-titre=histoire d’une société traditionnelle face à ses leaders politiques, 1946-1987 | volume=4 | éditeur=[[Hachette Livre|Hachette]] | collection=Histoire des gens | année=1989 | pages totales=304 | isbn=978-2-01-012251-4}}}}.</ref>.


Avec [[Nuon Chea]], le « numéro deux » du commandement militaire des Khmers rouges et son commissaire politique en chef de [[1970]] à [[1975]], Ta Mok est considéré comme l'un des principaux organisateurs des massacres de masse durant la dictature de [[Pol Pot]] et ses exactions lui valent d'être surnommé « le boucher ». Selon ses anciens compagnons de massacres, Ta Mok est le seul haut dignitaire du régime à avoir directement participé à des exterminations.
Avec [[Nuon Chea]], le « numéro deux » du commandement militaire des khmers rouges et son commissaire politique en chef de [[1970]] à [[1975]], Ta Mok est considéré comme l’un des principaux organisateurs des massacres de masse durant la dictature de [[Pol Pot]] et ses exactions lui valent d’être surnommé « le boucher ». Selon ses anciens compagnons de massacres, Ta Mok est le seul haut dignitaire du régime à avoir directement participé à des exterminations.


=== Après la chute des Khmers rouges ===
=== Après la chute des Khmers rouges ===
Après la chute des Khmers rouges et l'invasion-libération vietnamienne de décembre [[1978]], Ta Mok prend le maquis avec les autres chefs khmers rouges et devient le chef militaire suprême des Khmers rouges. Même après les accords de paix signés à [[Paris]] en [[1991]], il refuse de rendre les armes.
Après la chute du Kampuchéa démocratique et l’invasion-libération vietnamienne de {{date|décembre 1978}}, Ta Mok prend le maquis avec les autres partisans de Pol Pot et devient le chef militaire suprême khmer rouge. Même après les [[Accords de Paris sur le Cambodge de 1991|accords de paix de Paris]] signés en [[1991]], il refuse de rendre les armes<ref name="DUBUS Liberation 03MAR99 PPATMlBKRiDElPGCaEJ">{{Article |langue= fr |auteur1= Arnaud Dubus |titre=Phnom Penh arrête Ta Mok, le «boucher» khmer rouge |sous-titre= Il devrait être le premier génocidaire cambodgien à être jugé. |périodique= [[Libération (journal)|Libération]] |jour= 3 |mois= mars |année= 1999 |lire en ligne= http://www.liberation.fr/monde/1999/03/08/phnom-penh-arrete-ta-mok-le-boucher-khmer-rougeil-devrait-etre-le-premier-genocidaire-cambodgien-a-e_266869 |consulté le=12 novembre 2014}}.</ref>.


On estime alors que 3 000 à 6 000 combattants restent fidèles à Pol Pot, et sont dirigés par Ta Mok. Ils tiennent le secteur du [[Phnom Malay]], où les forces gouvernementales (pas plus que les forces vietnamiennes de 1979 à 1989), n'ont pas réussi à pénétrer. Ta Mok, [[Nikorn]] et [[Son Sen]] se seraient repliés à [[Samlaut]], au nord de [[Pailin]].
On estime alors que {{unité|3000|à=6000}} combattants restent fidèles à Pol Pot, et sont dirigés par Ta Mok. Ils tiennent le secteur du {{lien|Phnom Malai}}, où les forces gouvernementales (pas plus que les forces vietnamiennes de 1979 à 1989), n’ont pas réussi à pénétrer. Ta Mok, Nikorn et [[Son Sen]] se seraient repliés à {{Lien |lang = en |fr =Samlaut |trad = Samlout (commune)}}, au nord de [[Province de Pailin|Pailin]].


Au début des [[années 1980]], il perd une jambe, suite, suivant les sources, à un accident de tracteur ou l'explosion d'une mine<ref name="OnlineEncyclopediaOfMassViolence ViolenceDeMasseEtResistance ReseauDeRecherche Mok">{{Lien web |langue= fr |auteur1= Online Encyclopedia of Mass Violence |url= http://www.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/en/node/3089 |titre= Mok | série= Biographies | jour= 10 |mois= septembre |année= 2012|site= [http://www.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/fr Violence de masse et Résistance - Réseau de recherche] |éditeur= [[Institut d'études politiques de Paris]] |issn= 1961-9898 |consulté le= 18 décembre 2016}}</ref>.
Au début des [[années 1980]], l'explosion d'une mine lui fauche une jambe. Retranché à [[Anlong Veng]], un petit village de l'extrême nord, durant cette période, il s'enrichit et amasse une petite fortune grâce au trafic de bois avec la [[Thaïlande]] voisine.


Retranché à Anlong Veng, un petit village de l’extrême nord, durant cette période, il s’enrichit et amasse une petite fortune grâce au trafic de bois avec la [[Thaïlande]] voisine<ref name="KANE 2007 DdKR P388">{{Dictionnaire des Khmers rouges|titre chapitre=UNG (Chœun) alias Ta Mok|passage=388}}.</ref>.
En 1995, quand Ta Mok a ordonné de brûler des villages, plus de 1 000 de ses combattants ont déserté.


Enrichi dans le business en [[Thaïlande]], — il a reconnu lui-même d'avoir mis à l'abri l'équivalent de 17 millions de dollars — ce seigneur de la guerre, retranché au nord du pays, aurait retenu Pol Pot - affaibli par des problèmes de santé - prisonnier dans son fief d'[[Anlong Veng]]. En [[1997]], à la suite de dissensions entre factions, Ta Mok, l’ancien exécuteur des basses œuvres de Pol Pot, accuse l’ex-«frère numéro un » d’être un agent de Hanoi et organise un simulacre de « procès populaire » en pleine jungle, avant de devenir officiellement chef suprême du mouvement des Khmers rouges.
En 1995, quand Ta Mok a ordonné de brûler des villages, plus de {{formatnum:1000}} de ses combattants ont déserté. Enrichi dans les affaires en [[Thaïlande]], — il a reconnu lui-même d’avoir mis à l’abri l’équivalent de 17 millions de dollars — ce seigneur de la guerre, retranché au nord du pays, aurait retenu Pol Pot - affaibli par des problèmes de santé - prisonnier dans son fief d’Anlong Veng.


En [[1997]], les défections se multiplient dans les rangs khmers rouges. Pensant que [[Son Sen]] négociait sa reddition aux autorités de Phnom Penh, Pol Pot ordonne sa mise à mort ainsi que celle des 13 membres de sa famille, femmes et enfants compris<ref name="PASQUIER L'Express 19JUN1997 lDCdPPTpsPTlTKRsELduFS">{{Article|auteur1= Sylvaine Pasquier |titre= La dernière cavale de Pol Pot. Traqué par ses propres troupes, le tyran khmer rouge s’est lancé dans une fuite sanglante |périodique= [[L'Express]]|jour=19|mois=juin|année=1997}}.</ref>. Ayant peu avant tenté de négocier une alliance avec [[Norodom Ranariddh]]<ref name="DUBUS Liberation 03MAR99 PPATMlBKRiDElPGCaEJ" />, Ta Mok craint d’être la prochaine victime et décide de brusquer le cours des choses. Il fait arrêter [[Pol Pot|l’ex-{{citation|frère numéro un}}]] qui sera jugé par un {{citation|tribunal populaire}} et condamné à la prison à vie<ref name="LEBAS SABATIER Liberation 30JUL97 EMeSpPPFsPDSlFAPdKR">{{Article |langue= fr |auteur1= Alain Lebas |auteur2= Patrick Sabatier |titre= Étrange mise en scène pour Pol Pot. Filmé, son procès doit servir les futures alliances politiques des Khmers rouges. |périodique= [[Libération (journal)|Libération]] |jour= 30 |mois= Juillet |année= 1997 |lire en ligne= http://www.liberation.fr/monde/1997/07/30/etrange-mise-en-scene-pour-pol-pot-filme-son-proces-doit-servir-les-futures-alliances-politiques-des_209828 |consulté le=12 novembre }}.</ref>.
Jusqu'en juin 1998, en maître absolu, il va faire régner la terreur sur la population et affiche sa cruauté et sa xénophobie. Parmi les règles de conduite édictées et peintes sur de grands panneaux de bois, on peut lire : « Quiconque entre en contact avec les gens des zones non libérées sera tué ».


Jusqu’en {{date-|juin 1998}}, en maître absolu, il fait régner la terreur sur la population des derniers refuges khmers rouges et affiche sa cruauté et sa xénophobie. Parmi les règles de conduite édictées et peintes sur de grands panneaux de bois, on peut lire : « Quiconque entre en contact avec les gens des zones non libérées sera tué ».
Au printemps [[1998]], les derniers maquisards Khmers rouges, commandés par Ta Mok et [[Khieu Samphan]], sont acculés à la frontière thaïlandaise depuis la chute de leur bastion d'Anlong Veng (extrême-nord du Cambodge), pris par les [[Forces armées royales cambodgiennes]] (FARC) le [[26 mars]] [[1998]]. 1 545 combattants des ultimes unités khmères rouges encore en action, sous les ordres de [[Im Heung]], [[Chum Chhit]] et [[Chum Kéo]], désertent et se rallient, avec 762 familles, soit 4 109 personnes, à l'armée gouvernementale. On apprendra par la suite qu'une mutinerie au sein de l'armée khmère rouge a éclaté la veille, facilitant la victoire des FARC. Il semble que des intérêts financiers soient à la base de ces ralliements, Ta Mok confisquant à son profit les ressources provenant du trafic du bois. La guérilla - dont les combattants sont désormais estimés à moins de 2 000 - est sur le point de se désintégrer, affaiblie par ces défections massives et des revers militaires.


Au printemps [[1998]], les derniers maquisards khmers rouges, commandés par Ta Mok et [[Khieu Samphân]], sont acculés à la frontière thaïlandaise depuis la chute de leur bastion d’Anlong Veng (extrême-nord du Cambodge), pris par les [[forces armées royales khmères]] (FARC) le {{date|26 mars 1998}}. 1 545 combattants des ultimes unités khmères rouges encore en action, sous les ordres de Im Heung, Chum Chhit et Chum Kéo, désertent et se rallient, avec {{unité|762|familles}}, soit {{unité|4109|personnes}}, à l’armée gouvernementale. On apprendra par la suite qu’une mutinerie au sein de l’armée khmère rouge a éclaté la veille, facilitant la victoire des FARC. Il semble que des intérêts financiers soient à la base de ces ralliements, Ta Mok confisquant à son profit les ressources provenant du trafic du bois. La guérilla {{incise|dont les combattants sont désormais estimés à moins de {{formatnum:2000}}}} est sur le point de se désintégrer, affaiblie par ces défections massives et des revers militaires.
Les dirigeants historiques des Khmers rouges - Ta Mok, Nuon Chea, Khieu Samphan - sont en fuite. Ils sont contraints de se réfugier dans la jungle dense des montagnes proches de la frontière thaïlandaise, dites aux « deux cents collines ». La [[Thaïlande]] déclare refuser de leur donner asile. On estime alors qu'il ne reste plus alors qu'entre 250 et 400 combattants fidèles à Ta Mok. Le [[5 décembre]] [[1998]], les derniers résistants khmers rouges déposent les armes après quatre heures de négociation au temple de [[Preah Vihear]] sur le mont [[Dang Rèk]]. L'accord est conclu entre le sous-chef d'état-major de l'armée gouvernementale, le général [[Meas Sophea]], et un groupe de huit commandants Khmers rouges dirigé par [[Khèm Nguon]], chef d'état-major de Ta Mok et incluant un gendre de ce dernier. Cependant ceux-ci refusent de « livrer » Ta Mok, Nuon Chea et Khieu Samphan qui sont toutefois laissés à eux-mêmes.


Les dirigeants historiques des khmers rouges - Ta Mok, Nuon Chea, Khieu Samphân - sont en fuite. Ils sont contraints de se réfugier dans la jungle dense des montagnes proches de la frontière thaïlandaise, dites aux « deux cents collines ». La [[Thaïlande]] déclare refuser de leur donner asile. On estime alors qu’il ne reste plus alors qu’entre 250 et {{unité|400|combattants}} fidèles à Ta Mok. Le {{date|5 décembre 1998}}, les derniers résistants khmers rouges déposent les armes après quatre heures de négociation au [[temple de Preah Vihear]] sur les [[monts Dângrêk]]. L’accord est conclu entre le sous-chef d’état-major de l’armée gouvernementale, le général {{lien|Meas Sophea}}, et un groupe de huit commandants khmers rouges dirigé par Khèm Nguon, chef d’état-major de Ta Mok et incluant un gendre de ce dernier. Cependant ceux-ci refusent de « livrer » Ta Mok, Nuon Chea et Khieu Samphân qui sont toutefois laissés à eux-mêmes.
L’ancien chef d’état-major de la guérilla, entouré d'une centaine de derniers fidèles aux abois, sera finalement arrêté par l'armée royale cambodgienne, le [[6 mars]] [[1999]], en territoire [[Thaïlande|thaïlandais]], et transféré par hélicoptère dans une prison militaire de [[Phnom Penh]], proche du fameux centre de détention et de torture de [[Tuol Sleng]], où 20 000 personnes ont été assassinées entre 1975 et 1979. Sa capture met un terme définitif à l'histoire sanglante des khmers rouges. Son arrestation est survenue deux jours avant la publication du rapport de l'[[Organisation des Nations unies|ONU]] préconisant l'établissement d'un [[Tribunal pénal international]] pour juger les génocidaires survivants.


L’ancien chef d’état-major de la guérilla, entouré d’une centaine de derniers fidèles aux abois, sera finalement arrêté par l’armée royale cambodgienne, le {{date|6 mars 1999}}, en territoire thaïlandais, et transféré par hélicoptère dans une prison militaire de [[Phnom Penh]]<ref name="KANE 2007 DdKR P389">{{Dictionnaire des Khmers rouges | titre chapitre = UNG (Chœun) alias Ta Mok | passage = 389 }}.</ref>, proche du fameux centre de détention et de torture de [[Tuol Sleng]], où 20 000 personnes ont été assassinées entre 1975 et 1979. Sa capture met un terme définitif à l’histoire sanglante des khmers rouges. Son arrestation est survenue deux jours avant la publication du rapport de l’[[Organisation des Nations unies|ONU]] préconisant l’établissement d’un {{page h'|Tribunal pénal international}} pour juger les génocidaires survivants.
== Dans l'attente d'un jugement ==
Lors de son arrestation, Ta Mok est accusé de violation de la loi de [[1984]], interdisant le mouvement khmer rouge.
Le [[7 septembre]] [[1999]], le « frère numéro six », est inculpé de [[génocide]], en vertu d'un décret pris en [[1979]], suite à la chute du régime khmer rouge.


=== Dans l’attente d’un jugement ===
Le [[17 novembre]] [[2001]], le [[Premiers ministres du Cambodge|Premier ministre]] cambodgien [[Hun Sen]] annonce qu'il demandera au parlement une prolongation de la période de détention de l'ancien leader Khmer rouge, dans l'attente de l'ouverture d'un procès des auteurs du génocide. Selon l'[[Agence France-Presse|AFP]], le [[Premiers ministres du Cambodge|Premier ministre]] estime que « Ta Mok ne peut pas être relâché ». Étant incarcéré depuis 1999, il aurait dû être libéré en mars 2002 en vertu de la législation cambodgienne qui prévoit un élargissement à l'issue de trois ans d'incarcération sans procès. Pour éviter cette libération, le [[22 février]] [[2002]], Ta Mok est inculpé de [[crimes contre l'humanité]], inculpation qui prolonge le délai de [[détention préventive]].


Lors de son arrestation, Ta Mok est accusé de violation de la loi de [[1984]], interdisant le mouvement khmer rouge. Le {{date|7 septembre 1999}}, le {{citation|frère numéro six}}, est accusé de [[génocide]], en vertu d’un décret pris en [[1979]], à la suite de la chute du régime khmer rouge. Le {{date|17 novembre 2001}}, le [[Premier ministre du Cambodge|Premier ministre]] cambodgien [[Hun Sen]] annonce qu’il demandera au parlement une prolongation de la période de détention de l’ancien chef khmer rouge, dans l’attente de l’ouverture d’un procès des auteurs du génocide. Selon l’[[Agence France-Presse|AFP]], le [[Premier ministre du Cambodge|Premier ministre]] estime que {{citation|Ta Mok ne peut pas être relâché}}. Étant incarcéré depuis 1999, il aurait dû être libéré en {{date|mars 2002}} en vertu de la législation cambodgienne qui prévoit un élargissement à l’issue de trois ans d’incarcération sans procès. Pour éviter cette libération, le {{date|22 février 2002}}, Ta Mok est inculpé de [[Crime contre l'humanité|crimes contre l'humanité]], inculpation qui prolonge le délai de [[détention provisoire]]<ref name="TRIAL Profile TaMok ProceduresLegales">{{Lien web |langue= fr |url= http://www.trial-ch.org/fr/ressources/trial-watch/trial-watch/profils/profile/264/action/show/controller/Profile/tab/legal-procedure.html |titre= Ta Mok |série= Profile - procédures légales |site=[http://www.trial-ch.org TRIAL] |consulté le=12 novembre 2014}}.</ref>.
L’Assemblée générale des Nations unies a adopté le [[13 mai]] [[2003]] une résolution approuvant une proposition d’accord entre l’ONU et le Cambodge sur la poursuite des principaux responsables des crimes commis entre [[1975]] et [[1979]] (A/RES/57/228 B). L’accord prévoit la création d’une chambre extraordinaire, intégrée au système judiciaire existant, à laquelle prendrait part des juges internationaux. L'Assemblée nationale cambodgienne ratifie ce traité le [[4 octobre]] [[2004]]. Le [[27 octobre]], la loi d'application a été promulguée par le Roi.


L’Assemblée générale des Nations unies a adopté le {{date|13 mai 2003}} une résolution approuvant une proposition d’accord entre l’ONU et le Cambodge sur la poursuite des principaux responsables des crimes commis entre [[1975]] et [[1979]] (A/RES/57/228 B). L’accord prévoit la création d’une chambre extraordinaire, intégrée au système judiciaire existant, à laquelle prendrait part des juges internationaux. L’Assemblée nationale cambodgienne ratifie ce traité le {{date|4 octobre 2004}}. Le {{date|27|octobre|2004-}}, la loi d’application a été promulguée par le Roi<ref name="TRIAL Profile TaMok PointsForts">{{Lien web |langue= fr |url= http://www.trial-ch.org/fr/ressources/trial-watch/trial-watch/profils/profile/264/action/show/controller/Profile/tab/slotlight.html |titre= Ta Mok |série= Profile - points forts |site=[http://www.trial-ch.org TRIAL] |consulté le=12 novembre 2014}}.</ref>.
Ta Mok aurait dû être le premier dignitaire khmer rouge à comparaître en personne devant un tribunal. Dans l'attente de son procès, prévu en [[2007]], l’ancien chef d’état-major de la guérilla était détenu dans une prison militaire de Phnom Penh. Il était le seul personnage d'importance, avec [[Kang Kek Ieu]] (alias Douch), directeur du camp de torture [[S-21]], à y être détenu. Il était passible de la prison à vie, la [[peine de mort]] n’existant plus dans le code pénal cambodgien. Ta Mok meurt le [[21 juillet]] [[2006]] à l'âge de 80 ans, sans avoir été jugé.


Ta Mok aurait dû être le premier dignitaire khmer rouge à comparaître en personne devant un tribunal. Dans l’attente de son procès, prévu en [[2007]], l’ancien chef d’état-major de la guérilla était détenu dans une prison militaire de Phnom Penh. Il était le seul personnage d’importance, avec [[Kang Kek Ieu]] (''alias'' Douch), directeur du camp de torture [[Tuol Sleng|S-21]], à y être détenu. Il était passible de la prison à vie, la [[peine de mort]] n’existant plus dans le code pénal cambodgien.
== Liens externes ==


Ta Mok meurt le {{date|21 juillet 2006}} à l’âge de 80 ans, sans avoir été jugé. Il aura droit à des funérailles grandioses dans son fief d’Anlong Veng auxquelles assisteront les membres des réseaux [[Clientélisme|clientélistes]] qu’il avait développés<ref name="LOCARD 2013 PlKR P106">{{Pourquoi les Khmers rouges | titre chapitre = L’Angkar | passage = 106}}.</ref>.
* [http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/home/opendoc.pdf?tbl=RSDCOI&id=3ae6a9d04 ''L'affaire Ta Mok : le choix du gouvernement n’apporte pas de solution au problème de l’impunité''], rapport d'[[Amnesty international]] publié sur le site du [[Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés]], 22 avril 1999, Londres
* {{en}} [http://www.travelfish.org/sights/cambodia/western_cambodia/oddar_meanchey/anlong_veng Proposition touristique pour visiter l'ancien bastion khmer rouge d'Anlong Veng et les maisons de Pol Pot et Ta Mok]
* {{en}} [http://www.economist.com/obituary/displaystory.cfm?story_id=7245801 Biographie]


== Annexes ==
{{Portail|Politique|Cambodge}}

=== Liens externes ===

* {{Lien web |langue= fr |url= http://www.trial-ch.org/fr/ressources/trial-watch/trial-watch/profils/profile/264/action/show/controller/Profile.html |titre= Ta Mok |série= Profile |site=[http://www.trial-ch.org TRIAL] |consulté le=12 novembre 2014}}
* {{Lien web|langue= en |url= http://cgp.research.yale.edu/cgp/cbio/cbiorecorddetail.jsp?record_id=17927 |titre= CBIO Record |série= Biographic Database |site= [http://www.yale.edu/cgp Cambodian Genocide Program] |éditeur= [[Université Yale]] |consulté le=12 novembre 2014}}

== Notes et références ==
=== Notes ===
<references group=note/>
=== Références ===
<references/>

{{Portail|Politique|Cambodge|histoire militaire|Communisme|Criminologie}}
{{DEFAULTSORT:Ta Mok}}
{{DEFAULTSORT:Ta Mok}}


Ligne 66 : Ligne 83 :
[[Catégorie:Militaire cambodgien]]
[[Catégorie:Militaire cambodgien]]
[[Catégorie:Membre du mouvement Khmer rouge]]
[[Catégorie:Membre du mouvement Khmer rouge]]
[[Catégorie:Naissance en 1926]]
[[Catégorie:Décès en juillet 2006]]
[[Catégorie:Décès en 2006]]
[[Catégorie:Personnalité morte en prison]]
[[Catégorie:Personne morte en prison]]
[[Catégorie:Auteur du génocide cambodgien]]
[[Catégorie:Communiste cambodgien]]

[[Catégorie:Date de naissance incertaine (XXe siècle)]]
[[br:Ta Mok]]
[[Catégorie:Seigneur de guerre]]
[[de:Ta Mok]]
[[Catégorie:Personnalité politique handicapée]]
[[en:Ta Mok]]
[[Catégorie:Personnalité cambodgienne handicapée]]
[[es:Ta Mok]]
[[Catégorie:Criminel cambodgien]]
[[fi:Ta Mok]]
[[it:Ta Mok]]
[[ja:タ・モク]]
[[nl:Ta Mok]]
[[pl:Ta Mok]]
[[pt:Ta Mok]]
[[ru:Та Мок]]
[[sv:Ta Mok]]
[[th:ตาม็อก]]
[[tr:Ta Mok]]
[[ur:تاموک]]
[[vi:Ta Mok]]
[[zh:塔莫]]

Dernière version du 24 février 2024 à 00:58

Ta Mok
Biographie
Naissance
Voir et modifier les données sur Wikidata
Tram Kak (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Décès
Nom dans la langue maternelle
តាម៉ុកVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Allégeance
Activité
Chef militaireVoir et modifier les données sur Wikidata
Période d'activité
à partir de Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Parti politique
Conflit
Condamné pour
Prisoner abuse (en), tortureVoir et modifier les données sur Wikidata

Ta Mok, pseudonyme de Ung Chœun, dit également Chhit Chœun, Eang Eng ou Nguon Kang (né en 1924 ou 1926, selon les sources, dans la province de Takeo - décédé à l’hôpital de Phnom Penh le ), est un homme politique cambodgien, qui fut l’un des plus sanguinaires chefs des khmers rouges et l’un des derniers dirigeants du mouvement dirigé d’une main de fer par Pol Pot.

Sa personnalité est mal connue et on ne disposa longtemps d’aucune photo de lui. On sait qu’il a perdu une jambe durant la guerre civile, au début des années 1980.

Dans son témoignage Le Portail, François Bizot en fait le portrait d’un homme cruel et cupide[1].

Biographie[modifier | modifier le code]

Issu d’une prospère famille paysanne du district de Tram Kak dans la province de Takeo[note 1], Ung Choeun, alias Ta Mok, est l’aîné d’une famille de huit enfants[2]. Devenu bonze, il obtient un diplôme d’enseignant de premier cycle en Pali à Phnom Penh. Ayant échoué à entrer à l’école supérieure de Pali, il retourne à la vie laïque[4].

Dans les années 1940, alors que le Cambodge connaît alternativement la domination coloniale française et japonaise, Ta Mok s’engage dans la guérilla des khmers issarak contre le colonialisme français et est également actif dans la résistance anti-japonaise. En , chef du mouvement Issarak pour les districts de Tram Kak et de Kong Pisey, il est dénoncé pour les exactions commises à l’occasion de collectes de fonds[4].

Cadre du Parti communiste cambodgien[modifier | modifier le code]

En 1950, il rejoint le Parti communiste indochinois (PCI). Il est à cette époque très proche des communistes vietnamiens qui assurent la formation de leurs collègues cambodgiens. Quand le PCI se scinde en organisations nationales, il rejoint le Parti révolutionnaire du peuple khmer, ancêtre du Parti communiste du Kampuchéa[5]. Militant militaire et politique dans la zone du Sud-Ouest, il est nommé membre du Comité central du Parti dès 1963 et devient en 1966 secrétaire adjoint pour la zone sud-ouest[4].

En 1968, il devient secrétaire du Parti pour la zone du Sud-Ouest, un poste qui lui permettra d’être élu en tant que membre des comités permanent et militaire du Comité central. Ces fonctions lui confèrent l’autorité de facto et de jure sur tous les subordonnés du Parti communiste cambodgien, en particulier ceux de la zone sud-ouest. Ta Mok exerce alors d’importantes fonctions militaires dans le mouvement khmer rouge[6].

Cadre militaire et politique de la zone sud-ouest (le Nirdey), secrétaire du parti pour la même région, il orchestre de vastes purges et ordonne des massacres de grande ampleur dans la zone sous sa juridiction dès 1973, avant même la prise du pouvoir par les khmers rouges. Ses hommes remplacent alors progressivement les cadres éliminés pour collusion avec le Viêt Nam. Les cadres du Sud-Ouest seraient alors devenus le fer de lance de la révolution[7].

Le , lors de la prise de Oudong, ancienne capitale impériale, par ses miliciens, renforcés par ceux de Ke Pauk, la ville est systématiquement rasée et la population, forte de 20 000 habitants, est déportée. Enseignants, fonctionnaires et soldats républicains sont systématiquement assassinés[7]. « La prise de Oudong et ses suites anticipent ce qui se produira à Phnom Penh un an plus tard », écrit Raoul-Marc Jennar[8].

Nommé par Pol Pot chef d’état-major de l’armée nationale du Kampuchéa démocratique, nom officiel du régime khmer rouge, son parcours est désormais jalonné de nombreux carnages. Il fait, en 1975, massacrer par ses troupes originaires du Sud-Ouest plus de 30 000 personnes dans le seul district d’Angkor Chey[6] et plus de 50 000 autres à Kompong Cham.

Le , Ta Mok devient Premier Vice-président de l’Assemblée des représentants du peuple et poursuit son œuvre d’extermination[9]. Il s’acquitte avec zèle des purges sanglantes qui caractérisèrent le régime polpotiste durant ses années au pouvoir. Il s’en prend particulièrement aux communautés musulmanes et entreprend la purge des « traîtres de la région est » qualifiés d’« esprits vietnamiens dans des corps khmers »[10]. Il est alors responsable de la mort de plus de 100 000 personnes et selon ses anciens compagnons, il aurait lui-même participé directement et activement aux tueries[11].

Marie-Alexandrine Martin estime que dans la lutte qui oppose les différents clans khmers rouge, « le clan Pol Pot-Ieng Sary sort vainqueur parce qu’il dispose de Ta Mok et de son armée de jeunes tueurs disciplinés (...) »[12].

Avec Nuon Chea, le « numéro deux » du commandement militaire des khmers rouges et son commissaire politique en chef de 1970 à 1975, Ta Mok est considéré comme l’un des principaux organisateurs des massacres de masse durant la dictature de Pol Pot et ses exactions lui valent d’être surnommé « le boucher ». Selon ses anciens compagnons de massacres, Ta Mok est le seul haut dignitaire du régime à avoir directement participé à des exterminations.

Après la chute des Khmers rouges[modifier | modifier le code]

Après la chute du Kampuchéa démocratique et l’invasion-libération vietnamienne de , Ta Mok prend le maquis avec les autres partisans de Pol Pot et devient le chef militaire suprême khmer rouge. Même après les accords de paix de Paris signés en 1991, il refuse de rendre les armes[13].

On estime alors que 3 000 à 6 000 combattants restent fidèles à Pol Pot, et sont dirigés par Ta Mok. Ils tiennent le secteur du Phnom Malai (en), où les forces gouvernementales (pas plus que les forces vietnamiennes de 1979 à 1989), n’ont pas réussi à pénétrer. Ta Mok, Nikorn et Son Sen se seraient repliés à Samlaut (en), au nord de Pailin.

Au début des années 1980, il perd une jambe, suite, suivant les sources, à un accident de tracteur ou l'explosion d'une mine[14].

Retranché à Anlong Veng, un petit village de l’extrême nord, durant cette période, il s’enrichit et amasse une petite fortune grâce au trafic de bois avec la Thaïlande voisine[15].

En 1995, quand Ta Mok a ordonné de brûler des villages, plus de 1 000 de ses combattants ont déserté. Enrichi dans les affaires en Thaïlande, — il a reconnu lui-même d’avoir mis à l’abri l’équivalent de 17 millions de dollars — ce seigneur de la guerre, retranché au nord du pays, aurait retenu Pol Pot - affaibli par des problèmes de santé - prisonnier dans son fief d’Anlong Veng.

En 1997, les défections se multiplient dans les rangs khmers rouges. Pensant que Son Sen négociait sa reddition aux autorités de Phnom Penh, Pol Pot ordonne sa mise à mort ainsi que celle des 13 membres de sa famille, femmes et enfants compris[16]. Ayant peu avant tenté de négocier une alliance avec Norodom Ranariddh[13], Ta Mok craint d’être la prochaine victime et décide de brusquer le cours des choses. Il fait arrêter l’ex-« frère numéro un » qui sera jugé par un « tribunal populaire » et condamné à la prison à vie[17].

Jusqu’en , en maître absolu, il fait régner la terreur sur la population des derniers refuges khmers rouges et affiche sa cruauté et sa xénophobie. Parmi les règles de conduite édictées et peintes sur de grands panneaux de bois, on peut lire : « Quiconque entre en contact avec les gens des zones non libérées sera tué ».

Au printemps 1998, les derniers maquisards khmers rouges, commandés par Ta Mok et Khieu Samphân, sont acculés à la frontière thaïlandaise depuis la chute de leur bastion d’Anlong Veng (extrême-nord du Cambodge), pris par les forces armées royales khmères (FARC) le . 1 545 combattants des ultimes unités khmères rouges encore en action, sous les ordres de Im Heung, Chum Chhit et Chum Kéo, désertent et se rallient, avec 762 familles, soit 4 109 personnes, à l’armée gouvernementale. On apprendra par la suite qu’une mutinerie au sein de l’armée khmère rouge a éclaté la veille, facilitant la victoire des FARC. Il semble que des intérêts financiers soient à la base de ces ralliements, Ta Mok confisquant à son profit les ressources provenant du trafic du bois. La guérilla — dont les combattants sont désormais estimés à moins de 2 000 — est sur le point de se désintégrer, affaiblie par ces défections massives et des revers militaires.

Les dirigeants historiques des khmers rouges - Ta Mok, Nuon Chea, Khieu Samphân - sont en fuite. Ils sont contraints de se réfugier dans la jungle dense des montagnes proches de la frontière thaïlandaise, dites aux « deux cents collines ». La Thaïlande déclare refuser de leur donner asile. On estime alors qu’il ne reste plus alors qu’entre 250 et 400 combattants fidèles à Ta Mok. Le , les derniers résistants khmers rouges déposent les armes après quatre heures de négociation au temple de Preah Vihear sur les monts Dângrêk. L’accord est conclu entre le sous-chef d’état-major de l’armée gouvernementale, le général Meas Sophea (en), et un groupe de huit commandants khmers rouges dirigé par Khèm Nguon, chef d’état-major de Ta Mok et incluant un gendre de ce dernier. Cependant ceux-ci refusent de « livrer » Ta Mok, Nuon Chea et Khieu Samphân qui sont toutefois laissés à eux-mêmes.

L’ancien chef d’état-major de la guérilla, entouré d’une centaine de derniers fidèles aux abois, sera finalement arrêté par l’armée royale cambodgienne, le , en territoire thaïlandais, et transféré par hélicoptère dans une prison militaire de Phnom Penh[18], proche du fameux centre de détention et de torture de Tuol Sleng, où 20 000 personnes ont été assassinées entre 1975 et 1979. Sa capture met un terme définitif à l’histoire sanglante des khmers rouges. Son arrestation est survenue deux jours avant la publication du rapport de l’ONU préconisant l’établissement d’un Tribunal pénal international pour juger les génocidaires survivants.

Dans l’attente d’un jugement[modifier | modifier le code]

Lors de son arrestation, Ta Mok est accusé de violation de la loi de 1984, interdisant le mouvement khmer rouge. Le , le « frère numéro six », est accusé de génocide, en vertu d’un décret pris en 1979, à la suite de la chute du régime khmer rouge. Le , le Premier ministre cambodgien Hun Sen annonce qu’il demandera au parlement une prolongation de la période de détention de l’ancien chef khmer rouge, dans l’attente de l’ouverture d’un procès des auteurs du génocide. Selon l’AFP, le Premier ministre estime que « Ta Mok ne peut pas être relâché ». Étant incarcéré depuis 1999, il aurait dû être libéré en en vertu de la législation cambodgienne qui prévoit un élargissement à l’issue de trois ans d’incarcération sans procès. Pour éviter cette libération, le , Ta Mok est inculpé de crimes contre l'humanité, inculpation qui prolonge le délai de détention provisoire[19].

L’Assemblée générale des Nations unies a adopté le une résolution approuvant une proposition d’accord entre l’ONU et le Cambodge sur la poursuite des principaux responsables des crimes commis entre 1975 et 1979 (A/RES/57/228 B). L’accord prévoit la création d’une chambre extraordinaire, intégrée au système judiciaire existant, à laquelle prendrait part des juges internationaux. L’Assemblée nationale cambodgienne ratifie ce traité le . Le , la loi d’application a été promulguée par le Roi[20].

Ta Mok aurait dû être le premier dignitaire khmer rouge à comparaître en personne devant un tribunal. Dans l’attente de son procès, prévu en 2007, l’ancien chef d’état-major de la guérilla était détenu dans une prison militaire de Phnom Penh. Il était le seul personnage d’importance, avec Kang Kek Ieu (alias Douch), directeur du camp de torture S-21, à y être détenu. Il était passible de la prison à vie, la peine de mort n’existant plus dans le code pénal cambodgien.

Ta Mok meurt le à l’âge de 80 ans, sans avoir été jugé. Il aura droit à des funérailles grandioses dans son fief d’Anlong Veng auxquelles assisteront les membres des réseaux clientélistes qu’il avait développés[21].

Annexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. La localité varie suivant la source. Alors que Solomon Kane le fait naître à Prakeab[2], Henri Locard affirme que son lieu de naissance serait Trapeang Thom Tbong[3].

Références[modifier | modifier le code]

  1. François Bizot, Le Portail, Paris, Éditions de la Table ronde, coll. « Vermillon », , 397 p. (ISBN 2-7028-6131-8, présentation en ligne)[source insuffisante]
  2. a et b Solomon Kane (trad. de l'anglais par François Gerles, préf. David Chandler), Dictionnaire des Khmers rouges, IRASEC, , 460 p. (ISBN 9782916063270), « UNG (Chœun) alias Ta Mok », p. 385.
  3. Henri Locard, Pourquoi les Khmers rouges, Paris, Éditions Vendémiaire, coll. « Révolutions », , 352 p. (ISBN 9782363580528, présentation en ligne), « L’Angkar », p. 105.
  4. a b et c Solomon Kane (trad. de l'anglais par François Gerles, préf. David Chandler), Dictionnaire des Khmers rouges, IRASEC, , 460 p. (ISBN 9782916063270), « UNG (Chœun) alias Ta Mok », p. 386.
  5. Henri Locard, Pourquoi les Khmers rouges, Paris, Éditions Vendémiaire, coll. « Révolutions », , 352 p. (ISBN 9782363580528, présentation en ligne), « L’Angkar », p. 105-106.
  6. a et b « Ta Mok », Profile, sur TRIAL (consulté le ).
  7. a et b Solomon Kane (trad. de l'anglais par François Gerles, préf. David Chandler), Dictionnaire des Khmers rouges, IRASEC, , 460 p. (ISBN 9782916063270), « UNG (Chœun) alias Ta Mok », p. 387.
  8. Raoul-Marc Jennar, Les clés du Cambodge, Maisonneuve et Larose, , 328 p. (ISBN 978-2-7068-1150-0)[source insuffisante].
  9. (en) « CBIO Record », Biographic Database, sur Cambodian Genocide Program, Université Yale (consulté le ).
  10. Didier Epelbaum, Des hommes vraiment ordinaires : Les bourreaux génocidaires, Paris, Éditions Stock, coll. « Essais - Documents », , 304 p. (ISBN 978-2-234-07721-8, présentation en ligne), chap. VI (« Des armées pas si propres - Moine et boucher »), p. 189-190
  11. (en) John Maloy, « Grandfather Mok : Pol Potism par excellence », The Cambodia Daily,‎
  12. Marie-Alexandrine Martin, Le mal cambodgien : histoire d’une société traditionnelle face à ses leaders politiques, 1946-1987, vol. 4, Hachette, coll. « Histoire des gens », , 304 p. (ISBN 978-2-01-012251-4)[source insuffisante].
  13. a et b Arnaud Dubus, « Phnom Penh arrête Ta Mok, le «boucher» khmer rouge : Il devrait être le premier génocidaire cambodgien à être jugé. », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  14. Online Encyclopedia of Mass Violence, « Mok », Biographies, sur Violence de masse et Résistance - Réseau de recherche, Institut d'études politiques de Paris, (ISSN 1961-9898, consulté le )
  15. Solomon Kane (trad. de l'anglais par François Gerles, préf. David Chandler), Dictionnaire des Khmers rouges, IRASEC, , 460 p. (ISBN 9782916063270), « UNG (Chœun) alias Ta Mok », p. 388.
  16. Sylvaine Pasquier, « La dernière cavale de Pol Pot. Traqué par ses propres troupes, le tyran khmer rouge s’est lancé dans une fuite sanglante », L'Express,‎ .
  17. Alain Lebas et Patrick Sabatier, « Étrange mise en scène pour Pol Pot. Filmé, son procès doit servir les futures alliances politiques des Khmers rouges. », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  18. Solomon Kane (trad. de l'anglais par François Gerles, préf. David Chandler), Dictionnaire des Khmers rouges, IRASEC, , 460 p. (ISBN 9782916063270), « UNG (Chœun) alias Ta Mok », p. 389.
  19. « Ta Mok », Profile - procédures légales, sur TRIAL (consulté le ).
  20. « Ta Mok », Profile - points forts, sur TRIAL (consulté le ).
  21. Henri Locard, Pourquoi les Khmers rouges, Paris, Éditions Vendémiaire, coll. « Révolutions », , 352 p. (ISBN 9782363580528, présentation en ligne), « L’Angkar », p. 106.