« Wilhelm Frick » : différence entre les versions

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{{homonyme|Frick}}
{{Sources à relier|date=mars 2016}}
{{Infobox Politicien
{{Infobox Personnalité politique
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| nom = Wilhelm Frick
| nom = Wilhelm Frick
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'''Wilhelm Frick''', né à [[Alsenz]] le {{date de naissance-|12|mars|1877}} et mort exécuté à [[Nuremberg]] le {{date de décès-|16|octobre|1946}}, est un haut dignitaire (''[[Reichsleiter]]'') du [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|parti nazi (NSDAP)]], premier des [[Ministère du Reich à l'Intérieur|ministres de l'Intérieur]] du [[Troisième Reich]], puis ''{{lang|de|Reichsprotektor}}'' {{en fr|gouverneur}} de [[Protectorat de Bohême-Moravie|Bohême-Moravie]].
'''Wilhelm Frick''', né le {{date|12 mars 1877}} à [[Alsenz]] ([[royaume de Bavière]]) et mort le {{date|16 octobre 1946}} à [[Nuremberg]] ([[Bavière]]), est un [[fonctionnaire]], [[juriste]] et [[homme politique]] [[allemand]]. C'est également un haut dignitaire (''[[Reichsleiter]]'') [[nazi]].


== Biographie ==
== Situation personnelle ==
Wilhelm Frick est né le {{date|12 mars 1877}} à [[Alsenz]] dans le [[District du Palatinat|Palatinat]], alors partie intégrante du [[royaume de Bavière]]. Il est le dernier d'une [[fratrie]] de quatre enfants. Son père, qui porte le même nom que lui, est [[Enseignant|professeur]]. Sa mère se prénomme Henriette. Ses parents sont de religion [[luthérienne]].
=== Carrière dans la police et vie de famille ===


Il obtient son ''[[abitur]]'' en 1896 et effectue des études de [[philologie]] à l'[[université de Munich]] avant de se tourner vers le [[droit]]. Il étudie d'abord à l'[[université de Göttingen]], puis à l'[[université Humboldt de Berlin]] et enfin à l'[[université de Heidelberg]] où il obtient un [[doctorat en droit]] en 1901{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=269}}.
Wilhelm Frick naît dans la petite ville d'[[Alsenz]] en [[Rhénanie-Palatinat]] : il est le dernier des quatre enfants du professeur Wilhelm Frick et de son épouse Henriette. Il poursuit des études de droit et obtient son doctorat de l'[[université de Heidelberg]] en 1901. En 1903, il rejoint la fonction publique bavaroise, où il travaille comme avocat à la préfecture de police de [[Munich]]. Il est nommé ''Bezirksamtassessor'' {{en fr|magistrat d’arrondissement}} en 1907, il atteint la position de ''Regierungsassessor'' {{en fr|magistrat du gouvernement}} en 1917 et devient chef de la police de Munich en 1923.


Il se marie deux fois{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=269}}.
Il se marie une première fois en 1910 avec Elisabetha Emilie Nagel (1890-1978) dont il divorce en 1934. De cette union naissent deux fils et une fille. Il se remarie l'année de son divorce avec Margarete Schultze-Naumburg (1896-1960), née Margarete Karolina Berta Dörr, ex-épouse de [[Paul Schultze-Naumburg]], qui lui donne un fils (Dieter) et une fille (Renate) .


== Carrière de juriste et de fonctionnaire ==
=== Adhésion au NSDAP ===
Après l'obtention de son doctorat, il devient fonctionnaire pour la police bavaroise. En 1915, en pleine [[Première Guerre mondiale]], il entre dans l'administration de la police de [[Munich]] dont il gravit rapidement les échelons. Il dirige la section politique de 1919 à 1921. C'est durant cette période qu'il noue des contacts avec les milieux nationalistes, en particulier le [[mouvement völkisch]] qui est l'un des principaux relais du [[wikt:racisme biologique|racisme biologique]]{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=270}}. Sa première rencontre avec [[Adolf Hitler]] a lieu en 1919. Il est nommé chef de la police munichoise peu avant le [[putsch de la brasserie]] auquel il est mêlé pour avoir tenté d'empêcher la police et l'armée d'intervenir. Jugé pour [[haute trahison]], il est condamné à un an et demi de prison. Il ne passe que six mois à la [[prison de Landsberg]], étant libéré en avril 1924{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=270}}. Réintégré dans ses fonctions, il ne poursuit pas sa carrière de fonctionnaire. Il est élu député au [[Reichstag (république de Weimar)|Reichstag]] à l'occasion des [[élections législatives allemandes de mai 1924|élections législatives de mai 1924]]. Il parvient à conserver son siège lors des [[élections législatives allemandes de décembre 1924|élections anticipées de décembre 1924]]{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=270}}.


== Carrière politique ==
Il rencontre [[Adolf Hitler]] en 1919, et dans les limites de ses pouvoirs de fonctionnaire favorise les actions du [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|NSDAP]]. En {{date-|novembre 1923}}, il prend part au [[putsch de la Brasserie]] à Munich, et tente de rallier les forces de police à sa cause. Arrêté puis jugé pour haute trahison, il est condamné à quinze mois de prison avec sursis et se trouve démis de ses fonctions de chef de la police. Cette condamnation modérée est dans l'ordre de celles habituellement appliquées aux putschistes d'extrême-droite dans les {{nobr|années 1920}} en Allemagne.
=== Militant et député nazi ===
Proche des milieux nationalistes et d'[[extrême droite]] depuis son passage à la tête de la police munichoise, Frick adhère au [[Parti national-socialiste de la liberté]] (NSFP) car le [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands]] (NSDAP) a été interdit à la suite du [[putsch de la brasserie]].


Lorsque Hitler reconstitue le NSDAP, Frick fait partie des premiers membres, ayant la carte {{numéro|10}}{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=271}}. Il est réélu lors des [[élections législatives allemandes de 1928|élections législatives de 1928]] et devient le chef de la délégation du NSDAP au [[Reichstag (république de Weimar)|Reichstag]]. Frick est l'un des principaux artisans du virage de Hitler pour accepter que les nazis ne pourront accéder au pouvoir que par la voie légale et parlementaire{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=271}}. La poussée du parti aux [[élections législatives allemandes de 1930|élections législatives de 1930]] oblige Frick à imposer une discipline de fers aux nouveaux députés nazis afin de ne pas discréditer le mouvement. Il prend également une nouvelle dimension quand Hitler l'impose comme ministre de l'Intérieur et de l'Instruction de [[Thuringe]] où les nazis sont en position de [[faiseur de rois]]. L'expérience s'achève en avril 1931, mais elle constitue la première marche vers le pouvoir{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=271}}. À ce poste, il met à l'index les œuvres qu'il qualifie d'[[art dégénéré]] du musée de [[Weimar]] et créé une chaire d'[[anthropologie sociale]] à l'[[Université d'Iéna]], qu'il confie à un antisémite notoire, [[Hans Günther]]{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=272}}. Il prend plusieurs dispositions antisémites qui sont cassées par la cour constitutionnelle de Weimar (''Staatsgerichtshof''){{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=271}}. Il interdit la diffusion du film ''[[À l'Ouest rien de nouveau (film)|À l'Ouest rien de nouveau]]''{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=272}}.
En 1924, il est élu député au [[Reichstag (république de Weimar)|Reichstag]], puis il rejoint le NSDAP en 1925 au moment de la levée de l'interdiction de ce parti. Associé à [[Gregor Strasser]], il gravit les échelons au sein du parti et devient chef du groupe parlementaire du NSDAP en 1928. En 1930, dans le cadre d'une coalition de droite menée par {{Lien|fr=Erwin Baum|lang=de|trad=Erwin Baum}}, il devient le premier nazi à obtenir un poste ministériel lorsqu'il est nommé ministre de l'Intérieur et de l'Éducation du ''Land'' de [[Thuringe]].


L'ascension du parti est interrompue par l'échec des [[élections législatives allemandes de novembre 1932|élections législatives de novembre 1932]] où les dirigeants du parti se divisent sur la ligne à adopter. Dans un premier temps, Frick penche pour l'option proposée par [[Gregor Strasser]] qui propose d'intégrer le gouvernement que s'apprête à constituer [[Kurt von Schleicher]]. Le nom de Frick est même évoqué pour prendre la tête du [[ministère de l'Intérieur du Reich]]. Au dernier moment, Frick se range derrière l'avis de Hitler et évite sans doute d'être désavoué par le Führer ou de faire partie des victimes de la [[Nuit des Longs Couteaux]]{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=272}}.
=== Ministre du Reich ===
Lorsqu'[[Adolf Hitler]] accède au pouvoir, en 1933, Wilhelm Frick est nommé [[Ministère du Reich à l'Intérieur|ministre de l'Intérieur]] du Reich. Il fait ainsi partie des trois seuls nazis présents dans le premier [[cabinet Hitler]]. En {{date-|mars 1933}}, il met en place à la demande de Hitler une législation contre l'immigration des Juifs d'Europe de l'Est vers le Reich et un mois plus tard, le {{date-|7 avril 1933-}}, il initie une [[Loi allemande sur la restauration de la fonction publique du 7 avril 1933|loi qui exclut tous les Juifs de la fonction publique]].


=== Ministre de l'Intérieur et artisan de la législation antisémite ===
En [[Allemagne]], l'application des lois a toujours été du ressort des autorités régionales, mais l'influence du ministre de l'Intérieur augmente après l'[[incendie du Reichstag]] et le vote du décret d'habilitation. Les lois de centralisation de l'Allemagne lui permettent de renforcer son pouvoir sur les administrations locales et lui donne le droit de nommer les maires de toutes les municipalités ayant une population supérieure à {{unité|100000|habitants}} (à l'exception de [[Berlin]] et de [[Hambourg]], où Hitler procède lui-même au choix).
Lorsque Hitler est nommé chancelier du Reich par [[Paul von Hindenburg]] le {{date|30 janvier 1933}}, Frick fait partie des deux membres du parti avec [[Hermann Göring]] à intégrer le [[cabinet Hitler|gouvernement]]. L'objectif d'Hitler est de dissiper les derniers doutes de Hindenburg, déjà malade à ce moment-là, et d'amadouer la [[Droite (politique)|droite]] conservatrice allemande qui croit pouvoir contrôler le nouveau chancelier{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=273}}.


La nomination de Frick est la première étape de la formation du [[Troisième Reich]]. Nommé au ministère de l'Intérieur, il a la charge d'organiser les élections, mais aussi de gérer les relations de l'État avec les [[Land (Allemagne)|Länder]] et les communes. Surtout, il a la main sur la police{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=273}}. Le premier dossier que Hitler confie à Frick est la mise sur pied d'un [[État unitaire]] (''Einheitsstaat''), qui sera l'un des instruments utilisés par le Führer pour pouvoir appliquer sa politique. Frick reçoit des pouvoirs très étendus grâce au [[Décret présidentiel du 4 février 1933 pour la protection du peuple allemand|décret du président du Reich pour la protection du peuple allemand]] signé cinq jours après la formation du gouvernement.
Wilhelm Frick joue un rôle majeur dans la création et l'application des [[lois de Nuremberg]], et participe activement au réarmement allemand. Il annonce en {{date-|juillet 1935}} que les mariages entre aryens et non-aryens ne sont plus possibles jusqu'à nouvel ordre. Le {{date-|17 juin 1936}}, il nomme [[Heinrich Himmler]] chef de la police du Reich, placé sous la double tutelle d'[[Hermann Göring]] et de lui-même. Le {{date-|14|juin|1938}}, il propose d'instaurer l'aryanisation forcée de toutes les entreprises allemandes décrétées comme juives et promulgue les mois suivants de nombreux décrets visant à dépouiller les Juifs du Reich de toutes leurs valeurs mobilières et immobilières<ref>{{Ouvrage |titre=La Destruction des Juifs d'Europe |auteur1=[[Raul Hilberg]] |lieu=Paris |éditeur=Gallimard |collection=Folio/Histoire |année=1991 |isbn=2-070-32709-4 |passage=113 }}.</ref>. En {{date-|juin 1942}}, il se déplace à [[Koło]] (Warthbrücken) dans le [[Reichsgau Wartheland|Warthegau]] pour inspecter les opérations de déportation des Juifs vers le [[Camp d'extermination de Chełmno|camp d'extermination de Chelmno]]<ref>{{Ouvrage |titre=Heydrich et la solution finale |auteur1=[[Édouard Husson (historien)|Édouard Husson]] |lieu=Paris |éditeur=Perrin |année=2012 |isbn=978-2-262-02719-3 |passage=555 }}.</ref>. Son influence et son autorité sur la police politique ayant décliné progressivement depuis la fin des {{nobr|années 1930}}, il finit par s'effacer en 1943 devant le ''Reichsführer'' [[Heinrich Himmler]] qui lui succède en tant que ministre de l'Intérieur. Il est alors nommé ''{{lang|de|Reichsprotektor}}'' de [[Protectorat de Bohême-Moravie|Bohême-Moravie]], et reste à ce poste jusqu'à la fin de la guerre.


==== Incendie du Reichstag et loi sur les pleins pouvoirs ====
=== La chute ===
{{Article détaillé|Incendie du Reichstag|Loi allemande des pleins pouvoirs de 1933}}
Wilhelm Frick est arrêté puis jugé devant le [[procès de Nuremberg|tribunal militaire international de Nuremberg]], où il est condamné à mort par pendaison pour [[crime contre l'humanité|crimes contre l'humanité]], [[crime contre la paix|crimes contre la paix]] et [[crime de guerre|crimes de guerre]], conjointement avec d’autres hauts dignitaires nazis. Il est exécuté le {{date|16|octobre|1946}}.
Dans la nuit du 27 au {{date|28 février 1933}}, le [[palais du Reichstag]] est [[Incendie du Reichstag|incendié]]. Les nazis accusent rapidement un militant communiste hollandais, [[Marinus van der Lubbe]], d'être l'auteur de l'incendie. Le jour même de la découverte de l'incendie, près de {{unité|4000|militants}} communistes sont arrêtés et Hitler parvient à faire signer un décret (''[[Reichstagsbrandverordnung]]'') suspendant les [[libertés fondamentales]] au président Hindenburg. Quant à Marinus van der Lubbe, il est exécuté moins d'un an après l'incendie du Reichstag à [[Leipzig]]. La ''Gleichschaltung'' ({{citation|mise au pas}}) a commencé{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=274}}.Elle se poursuit par l'adoption de la [[Loi allemande des pleins pouvoirs de 1933|loi sur les pleins pouvoirs]], adoptée le {{date|23 mars 1933}}. Trois semaines plus tôt, les nazis arrivent largement en tête des [[Élections législatives allemandes de mars 1933|dernières élections libres]]. Mais la campagne a été émaillée d'incidents, en particulier avec les communistes. Après l'adoption de la loi sur les pleins pouvoirs, des gouverneurs (''Reichsstatthalter'') sont nommés en vertu de la [[loi du 7 avril 1933]] dans les anciens Länder et Frick doit chercher à articuler les liens entre les gouverneurs, les ''[[gauleiter]]'' et l'État. L'objectif prioritaire des nazis reste d'investir l'État{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=274}}.

==== Instigateur des premières lois antisémites ====
{{Article détaillé|Loi allemande sur la restauration de la fonction publique du 7 avril 1933|Lois de Nuremberg}}
Deux semaines après l'adoption de la loi sur les pleins pouvoirs, la première loi antisémite est adoptée. C'est la [[Loi allemande sur la restauration de la fonction publique du 7 avril 1933|loi sur la restauration de la fonction publique]], qui introduit la clause d'aryanité et exclut les Juifs{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=275}}. La législation antisémite est renforcée par l'adoption des [[lois de Nuremberg]] en 1935, dont Frick est l'un des deux principaux rédacteurs avec [[Rudolf Hess]]. Le [[certificat d'aryanité]] est introduit l'année suivante pour définir la citoyenneté allemande{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=275}}. Les lois de Nuremberg aboutissent à une ségrégation, les Juifs étant exclus de la communauté allemande. Frick revendiqua souvent la paternité des textes, alors même que Hitler avait demandé {{citation|en urgence}} l'adoption de lois semblables lors du congrès du parti.

==== Perte d'influence ====
Progressivement à partir de l'adoption de la loi sur les pleins pouvoirs et de la [[Loi allemande sur le parti unique de 1933|loi sur le parti unique]], Frick perd une part importante de ses prérogatives. Dès 1934, il perd le portefeuille de l'Instruction puis les affaires religieuses. Il n'est même pas impliqué directement dans la [[Nuit des Longs Couteaux]], Hitler confiant cette tâche à [[Heinrich Himmler]]{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=277}}. L'ascension de Himmler va aboutir à la perte de la mainmise de Frick sur la police, déjà fragilisée par le fait que Göring la dirige de fait en Prusse. Himmler prend d'abord en main la police de Munich, puis la police de Bavière. Comme Frick, il réclame auprès de Hitler des pouvoirs étendus sur tout le territoire du Reich. Le {{Date-|17 juin 1936}}, Hitler donne raison à Himmler qui devient le chef de la police allemande en tant que ''[[Reichsführer]]'' de la [[Schutzstaffel|SS]]. Officiellement, la direction de la police reste rattachée au ministère de l'Intérieur du Reich, mais c'est une illusion{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=278}}.

==== Intégration des territoires annexés ====
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 121-0008, Sudetenland, Besuch Wilhelm Frick.jpg|thumb|right|250px|Wilhelm Frick en compagnie de [[Konrad Henlein]] lors d'une visite dans la [[région des Sudètes]], une semaine avant les [[accords de Munich]].]]
Wilhelm Frick n'a que peu de temps pour ruminer son échec face à Himmler. Hitler lui confie la tâche de mener à bien l'intégration juridique des territoires annexés en 1938, l'[[Autriche sous le nazisme|Autriche]] et la [[région des Sudètes]]. Pour ce qui concerne l'Autriche, le nom doit tout simplement être écarté. Le nouveau territoire prend d'abord le nom d'''[[Ostmark]]'' ({{citation|marche orientale}}) puis devient un simple ''[[Reichsgau]]''. La même chose se produit pour la Pologne à l'automne 1939, lorsque Hitler décide d'annexer les anciens territoires de Prusse qui avaient été attribués par le [[Traité de Versailles]] à la Pologne{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=278}}.

==== Rôle dans la Seconde Guerre mondiale ====
Lorsque commence la [[Seconde Guerre mondiale]], Frick ne fait déjà plus partie du premier cercle de Hitler. Plusieurs fois dans son ''[[Journal de Joseph Goebbels|Journal]]'', [[Joseph Goebbels]] note les humiliations infligées à Frick par le Führer{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=279}}. Hitler ne supporte plus son positionnement de juriste, tant il considère les réglementations comme un carcan. À chaque étape d'annexion ou de conquêtes par les nazis, Frick tente de convaincre Hitler qu'il faut des juristes compétents pour administrer les nouveaux territoires. Mais Hitler n'en a cure, préférant des responsables et des fonctionnaires dévoués au parti et sans états d'âme{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=279}}. Son ministre lui fait part de son amertume dans une lettre au printemps 1941, mais cela n'y change rien{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=280}}. Néanmoins, Frick a joué un rôle fondamental dans un autre domaine, la politique d'[[extermination]] et de [[Stérilisation (acte chirurgical)|stérilisation]]. Cela a commencé le jour même de l'adoption de la loi sur le parti unique, qui s'est accompagnée d'une autre loi, celle sur la [[Loi allemande sur la stérilisation forcée du 14 juillet 1933|stérilisation forcée]]. Frick est informé des préparatifs du programme [[Aktion T4]]{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=276}}. En revanche, il est tenu à l'écart de la conception de la [[Solution finale]] et n'est pas présent à la [[conférence de Wannsee]], étant représenté par son secrétaire d'État, [[Wilhelm Stuckart]]{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=280}}. Cela ne l'empêche pas d'assister en juin 1942 à une opération de déportation de juifs vers le [[camp d'extermination de Chelmno|centre d'extermination de Chelmno]]{{sfn|Édouard Husson|2012|p=555}}.

=== Protecteur de Bohême-Moravie ===
À plusieurs reprises, Frick cherche à être déchargé de ses fonctions, Hitler opposant toujours son refus. Néanmoins, il va finir par y consentir. Le {{date|20 août 1943}}, il quitte le ministère de l'Intérieur, remplacé par Himmler{{sfn|Ian Kershaw|2014|p=48}}. Quatre jours plus tard, il remplace [[Konstantin von Neurath]] comme protecteur de Bohême-Moravie et reste au gouvernement comme [[ministre sans portefeuille]]. L'historien [[Jean-Paul Bled]] émet l'hypothèse que le [[débarquement de Sicile]] et la chute de [[Benito Mussolini]] ont poussé Hitler à faire ces choix{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=281}}. Dans un premier temps, Frick a refusé le poste mais un entretien à la [[Wolfsschanze]] ({{citation|Tanière du loup}}) l'a fait changer d'avis.

Le rôle de Wilhelm Frick à [[Prague]] est avant tout honorifique et anecdotique. Depuis la nomination de [[Reinhard Heydrich]] en 1941 comme vice-protecteur, la SS avait la main sur le protectorat. C'est le ''[[Gruppenführer]]'' [[Karl Hermann Frank]] qui est le véritable maître des opérations depuis que [[Kurt Daluege]] a été victime d'une [[crise cardiaque]] qui l'a privé d'une grande partie de ses facultés. D'ailleurs, Frick s'absente régulièrement pour des séjours en [[Bavière]], sans que Hitler ne s'en offusque{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=281}}. C'est là qu'il sera arrêté par des soldats américains à la fin de la guerre{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=281}}{{,}}{{sfn|Claude Quétel|2018|p=591}}.

== Procès et mort ==
[[Fichier:Nuremberg Trials defendant Wilhelm Frick in his cell 1945.jpeg|thumb|right|200px|Wilhelm Frick dans sa cellule pendant le [[procès de Nuremberg]] en novembre 1945.]]
Wilhelm Frick fait partie des vingt-deux responsables nazis jugés au [[procès de Nuremberg]]{{sfn|Claude Quétel|2018|p=635}}. Son nom a été placé sur une liste de dignitaires nazis à juger avant même la fin du conflit{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=282}}. Plusieurs crimes lui sont reprochés, en particulier la signature d'un ordre de transfert de {{unité|15000|juifs}} prisonniers du [[camp de concentration de Theresienstadt]]{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=281}}.

Il est inculpé de trois des quatre chefs d'accusation : [[crimes de guerre]], [[crimes contre l'humanité]] et [[crimes contre la paix]]. Son rôle dans la mise en place du programme Aktion T4 et dans la politique de stérilisation et d'extermination, en particulier comme protecteur de Bohême-Moravie, est établi lors du procès. Sa défense s'appuie sur la perte progressive de toutes ses prérogatives au profit de Himmler, mais elle est d'autant peu crédible que Frick n'a jamais écrit la moindre lettre de démission à Hitler, y compris dans la fameuse lettre du printemps 1941. Condamné à mort le {{date|1 octobre 1946}}, il est pendu quinze jours plus tard au petit matin avec dix de ses coaccusés, Göring s'étant suicidé en avalant une capsule de [[cyanure]]{{sfn|Claude Quétel|2018|p=639-40}}. Ses derniers mots sont{{sfn|Jean-Paul Bled|2021|p=282}} : {{citation|Vive l'Allemagne éternelle !}}


== Notes et références ==
== Notes et références ==
{{Références|taille=20}}
{{traduction/référence|de|Wilhelm Frick|152601041}}
{{Références}}


== Annexes ==
== Bibliographie ==
{{légende plume}}
=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage |langue=français |auteur1=[[Jean-Paul Bled]] |titre=Les hommes d'Hitler |lieu=[[Paris]] |éditeur=[[Éditions Perrin|Perrin]] |collection=Tempus |numéro dans collection=806 |année=2021 |numéro édition=2 |année première édition=2015 |pages totales=512 |isbn=978-2-262-08674-9 |oclc=1248691390 |bnf=46737323 |lire en ligne=https://www.cairn.info/les-hommes-d-hitler--9782262086749.htm |accès url=inscription |plume=oui }}.
* {{Ouvrage |langue=français |langue originale=anglais |auteur1=[[Ian Kershaw]] |traducteur=[[Pierre-Emmanuel Dauzat]] |titre=La Fin |sous-titre=Allemagne (1944-1945) |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions du Seuil]] |collection=[[Points histoire]] |numéro dans collection=491 |année=2014 |numéro édition=2 |année première édition=2014 |pages totales=665 |isbn=978-2-02-080301-4 |oclc=813899525 |bnf=42756561 |lire en ligne= |plume=oui }}.
* {{Ouvrage |langue=français |auteur1=[[Édouard Husson (historien)|Édouard Husson]] |préface=[[Ian Kershaw]] |postface=[[Jean-Paul Bled]] |titre=Heydrich et la solution finale |lieu=Paris |éditeur=Perrin |collection=Tempus |numéro dans collection=422 |année=2012 |numéro édition=2 |année première édition=2008 |pages totales=751 |isbn=978-2-262-02719-3 |oclc=801096513 |bnf=42624907 |lire en ligne= |plume=oui }}.
* {{Ouvrage |langue=français |auteur1=[[Claude Quétel]] |titre=La Seconde Guerre mondiale |lieu=Paris |éditeur=Perrin |collection=Tempus |numéro dans collection=734 |année=2018 |numéro édition=2 |année première édition=2015 |pages totales=694 |isbn=978-2-262-07648-1 |oclc=1057452636 |bnf=45689900 |lire en ligne=https://www.cairn.info/la-seconde-guerre-mondiale--9782662076481.htm |accès url=inscription |plume=oui }}.
* {{NDB|5|432|433|Frick, Wilhelm|Gerhard Schulz|119055201}}
* {{NDB|5|432|433|Frick, Wilhelm|Gerhard Schulz|119055201}}
* {{de}} Joachim Bergmann: ''Die innenpolitische Entwicklung Thüringens in der Zeit von 1918 bis 1932.'' Europaforum-Verlag, Lauf an der Pegnitz 2001, {{ISBN|3-931070-27-1}}.
* [[Steffen Raßloff]], ''Der „Mustergau“. Thüringen zur Zeit des Nationalsozialismus.'', Bucher Verlag, Munich 2015, {{ISBN|978-3-7658-2052-6}}.
* Joachim Bergmann, ''Die innenpolitische Entwicklung Thüringens in der Zeit von 1918 bis 1932.'', Europaforum-Verlag, Lauf an der Pegnitz 2001, {{ISBN|3-931070-27-1}}.
* {{de}} Günter Neliba: ''Wilhelm Frick: Der Legalist des Unrechtsstaates.'' Schöningh, Paderborn u.&nbsp;a. 1992, {{ISBN|3-506-77486-7}}.
* {{lien|lang=de|Günter Neliba}}, ''Wilhelm Frick: Der Legalist des Unrechtsstaates. Eine politische Biographie.'' Schöningh, Paderborn, 1992, {{ISBN|3-506-77486-7}}.
* {{de}} Hans-Günter Richardi: ''Hitler und seine Hintermänner: Neue Fakten zur Frühgeschichte der NSDAP.'' Süddeutscher Verlag, München 1991, {{ISBN|3-7991-6508-8}}.
* {{lien|lang=de|Hans-Günter Richardi}}, ''Hitler und seine Hintermänner: Neue Fakten zur Frühgeschichte der NSDAP.'', Süddeutscher Verlag, Munich 1991, {{ISBN|3-7991-6508-8}}.


== Voir aussi ==
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* [[Ministère de l'Intérieur du Reich]]
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* André Krajewski : {{lien brisé|url=http://zukunft-braucht-erinnerung.de/drittes-reich/biografien/94-wilhelm-frick-1877-1946.html?q=frick |titre=Biographie }} sur [http://www.hsozkult.de/webreview/id/rezwww-15 Shoa.de]


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Wilhelm Frick
Illustration.
Wilhelm Frick avec sa chemise brune comme ministre en 1933.
Fonctions
Protecteur de Bohême-Moravie

(1 an, 8 mois et 14 jours)
Prédécesseur Konstantin von Neurath
Successeur Fonction supprimée
Ministre sans portefeuille

(1 an, 8 mois et 6 jours)
Chef de l'État Adolf Hitler
Chancelier Adolf Hitler
Gouvernement Hitler
Ministre de l'Intérieur du Reich

(10 ans, 6 mois et 21 jours)
Président Paul von Hindenburg (1933-1934)
Chef de l'État Adolf Hitler (1934-1945)
Chancelier Adolf Hitler (1933-1945)
Gouvernement Hitler
Prédécesseur Franz Bracht
Successeur Heinrich Himmler
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Alsenz (Palatinat, Royaume de Bavière, Empire allemand)
Date de décès (à 69 ans)
Lieu de décès Nuremberg (Zone d'occupation américaine en Allemagne)
Nature du décès Pendaison
Nationalité Allemande
Parti politique NSFP (jusqu'en 1925)
NSDAP (1925-1945)
Diplômé de Université de Heidelberg (1901)
Profession Juriste
Fonctionnaire

Signature de Wilhelm Frick

Wilhelm Frick, né le à Alsenz (royaume de Bavière) et mort le à Nuremberg (Bavière), est un fonctionnaire, juriste et homme politique allemand. C'est également un haut dignitaire (Reichsleiter) nazi.

Situation personnelle[modifier | modifier le code]

Wilhelm Frick est né le à Alsenz dans le Palatinat, alors partie intégrante du royaume de Bavière. Il est le dernier d'une fratrie de quatre enfants. Son père, qui porte le même nom que lui, est professeur. Sa mère se prénomme Henriette. Ses parents sont de religion luthérienne.

Il obtient son abitur en 1896 et effectue des études de philologie à l'université de Munich avant de se tourner vers le droit. Il étudie d'abord à l'université de Göttingen, puis à l'université Humboldt de Berlin et enfin à l'université de Heidelberg où il obtient un doctorat en droit en 1901[1].

Il se marie deux fois[1].

Carrière de juriste et de fonctionnaire[modifier | modifier le code]

Après l'obtention de son doctorat, il devient fonctionnaire pour la police bavaroise. En 1915, en pleine Première Guerre mondiale, il entre dans l'administration de la police de Munich dont il gravit rapidement les échelons. Il dirige la section politique de 1919 à 1921. C'est durant cette période qu'il noue des contacts avec les milieux nationalistes, en particulier le mouvement völkisch qui est l'un des principaux relais du racisme biologique[2]. Sa première rencontre avec Adolf Hitler a lieu en 1919. Il est nommé chef de la police munichoise peu avant le putsch de la brasserie auquel il est mêlé pour avoir tenté d'empêcher la police et l'armée d'intervenir. Jugé pour haute trahison, il est condamné à un an et demi de prison. Il ne passe que six mois à la prison de Landsberg, étant libéré en avril 1924[2]. Réintégré dans ses fonctions, il ne poursuit pas sa carrière de fonctionnaire. Il est élu député au Reichstag à l'occasion des élections législatives de mai 1924. Il parvient à conserver son siège lors des élections anticipées de décembre 1924[2].

Carrière politique[modifier | modifier le code]

Militant et député nazi[modifier | modifier le code]

Proche des milieux nationalistes et d'extrême droite depuis son passage à la tête de la police munichoise, Frick adhère au Parti national-socialiste de la liberté (NSFP) car le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) a été interdit à la suite du putsch de la brasserie.

Lorsque Hitler reconstitue le NSDAP, Frick fait partie des premiers membres, ayant la carte no 10[3]. Il est réélu lors des élections législatives de 1928 et devient le chef de la délégation du NSDAP au Reichstag. Frick est l'un des principaux artisans du virage de Hitler pour accepter que les nazis ne pourront accéder au pouvoir que par la voie légale et parlementaire[3]. La poussée du parti aux élections législatives de 1930 oblige Frick à imposer une discipline de fers aux nouveaux députés nazis afin de ne pas discréditer le mouvement. Il prend également une nouvelle dimension quand Hitler l'impose comme ministre de l'Intérieur et de l'Instruction de Thuringe où les nazis sont en position de faiseur de rois. L'expérience s'achève en avril 1931, mais elle constitue la première marche vers le pouvoir[3]. À ce poste, il met à l'index les œuvres qu'il qualifie d'art dégénéré du musée de Weimar et créé une chaire d'anthropologie sociale à l'Université d'Iéna, qu'il confie à un antisémite notoire, Hans Günther[4]. Il prend plusieurs dispositions antisémites qui sont cassées par la cour constitutionnelle de Weimar (Staatsgerichtshof)[3]. Il interdit la diffusion du film À l'Ouest rien de nouveau[4].

L'ascension du parti est interrompue par l'échec des élections législatives de novembre 1932 où les dirigeants du parti se divisent sur la ligne à adopter. Dans un premier temps, Frick penche pour l'option proposée par Gregor Strasser qui propose d'intégrer le gouvernement que s'apprête à constituer Kurt von Schleicher. Le nom de Frick est même évoqué pour prendre la tête du ministère de l'Intérieur du Reich. Au dernier moment, Frick se range derrière l'avis de Hitler et évite sans doute d'être désavoué par le Führer ou de faire partie des victimes de la Nuit des Longs Couteaux[4].

Ministre de l'Intérieur et artisan de la législation antisémite[modifier | modifier le code]

Lorsque Hitler est nommé chancelier du Reich par Paul von Hindenburg le , Frick fait partie des deux membres du parti avec Hermann Göring à intégrer le gouvernement. L'objectif d'Hitler est de dissiper les derniers doutes de Hindenburg, déjà malade à ce moment-là, et d'amadouer la droite conservatrice allemande qui croit pouvoir contrôler le nouveau chancelier[5].

La nomination de Frick est la première étape de la formation du Troisième Reich. Nommé au ministère de l'Intérieur, il a la charge d'organiser les élections, mais aussi de gérer les relations de l'État avec les Länder et les communes. Surtout, il a la main sur la police[5]. Le premier dossier que Hitler confie à Frick est la mise sur pied d'un État unitaire (Einheitsstaat), qui sera l'un des instruments utilisés par le Führer pour pouvoir appliquer sa politique. Frick reçoit des pouvoirs très étendus grâce au décret du président du Reich pour la protection du peuple allemand signé cinq jours après la formation du gouvernement.

Incendie du Reichstag et loi sur les pleins pouvoirs[modifier | modifier le code]

Dans la nuit du 27 au , le palais du Reichstag est incendié. Les nazis accusent rapidement un militant communiste hollandais, Marinus van der Lubbe, d'être l'auteur de l'incendie. Le jour même de la découverte de l'incendie, près de 4 000 militants communistes sont arrêtés et Hitler parvient à faire signer un décret (Reichstagsbrandverordnung) suspendant les libertés fondamentales au président Hindenburg. Quant à Marinus van der Lubbe, il est exécuté moins d'un an après l'incendie du Reichstag à Leipzig. La Gleichschaltung (« mise au pas ») a commencé[6].Elle se poursuit par l'adoption de la loi sur les pleins pouvoirs, adoptée le . Trois semaines plus tôt, les nazis arrivent largement en tête des dernières élections libres. Mais la campagne a été émaillée d'incidents, en particulier avec les communistes. Après l'adoption de la loi sur les pleins pouvoirs, des gouverneurs (Reichsstatthalter) sont nommés en vertu de la loi du 7 avril 1933 dans les anciens Länder et Frick doit chercher à articuler les liens entre les gouverneurs, les gauleiter et l'État. L'objectif prioritaire des nazis reste d'investir l'État[6].

Instigateur des premières lois antisémites[modifier | modifier le code]

Deux semaines après l'adoption de la loi sur les pleins pouvoirs, la première loi antisémite est adoptée. C'est la loi sur la restauration de la fonction publique, qui introduit la clause d'aryanité et exclut les Juifs[7]. La législation antisémite est renforcée par l'adoption des lois de Nuremberg en 1935, dont Frick est l'un des deux principaux rédacteurs avec Rudolf Hess. Le certificat d'aryanité est introduit l'année suivante pour définir la citoyenneté allemande[7]. Les lois de Nuremberg aboutissent à une ségrégation, les Juifs étant exclus de la communauté allemande. Frick revendiqua souvent la paternité des textes, alors même que Hitler avait demandé « en urgence » l'adoption de lois semblables lors du congrès du parti.

Perte d'influence[modifier | modifier le code]

Progressivement à partir de l'adoption de la loi sur les pleins pouvoirs et de la loi sur le parti unique, Frick perd une part importante de ses prérogatives. Dès 1934, il perd le portefeuille de l'Instruction puis les affaires religieuses. Il n'est même pas impliqué directement dans la Nuit des Longs Couteaux, Hitler confiant cette tâche à Heinrich Himmler[8]. L'ascension de Himmler va aboutir à la perte de la mainmise de Frick sur la police, déjà fragilisée par le fait que Göring la dirige de fait en Prusse. Himmler prend d'abord en main la police de Munich, puis la police de Bavière. Comme Frick, il réclame auprès de Hitler des pouvoirs étendus sur tout le territoire du Reich. Le , Hitler donne raison à Himmler qui devient le chef de la police allemande en tant que Reichsführer de la SS. Officiellement, la direction de la police reste rattachée au ministère de l'Intérieur du Reich, mais c'est une illusion[9].

Intégration des territoires annexés[modifier | modifier le code]

Wilhelm Frick en compagnie de Konrad Henlein lors d'une visite dans la région des Sudètes, une semaine avant les accords de Munich.

Wilhelm Frick n'a que peu de temps pour ruminer son échec face à Himmler. Hitler lui confie la tâche de mener à bien l'intégration juridique des territoires annexés en 1938, l'Autriche et la région des Sudètes. Pour ce qui concerne l'Autriche, le nom doit tout simplement être écarté. Le nouveau territoire prend d'abord le nom d'Ostmark (« marche orientale ») puis devient un simple Reichsgau. La même chose se produit pour la Pologne à l'automne 1939, lorsque Hitler décide d'annexer les anciens territoires de Prusse qui avaient été attribués par le Traité de Versailles à la Pologne[9].

Rôle dans la Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Lorsque commence la Seconde Guerre mondiale, Frick ne fait déjà plus partie du premier cercle de Hitler. Plusieurs fois dans son Journal, Joseph Goebbels note les humiliations infligées à Frick par le Führer[10]. Hitler ne supporte plus son positionnement de juriste, tant il considère les réglementations comme un carcan. À chaque étape d'annexion ou de conquêtes par les nazis, Frick tente de convaincre Hitler qu'il faut des juristes compétents pour administrer les nouveaux territoires. Mais Hitler n'en a cure, préférant des responsables et des fonctionnaires dévoués au parti et sans états d'âme[10]. Son ministre lui fait part de son amertume dans une lettre au printemps 1941, mais cela n'y change rien[11]. Néanmoins, Frick a joué un rôle fondamental dans un autre domaine, la politique d'extermination et de stérilisation. Cela a commencé le jour même de l'adoption de la loi sur le parti unique, qui s'est accompagnée d'une autre loi, celle sur la stérilisation forcée. Frick est informé des préparatifs du programme Aktion T4[12]. En revanche, il est tenu à l'écart de la conception de la Solution finale et n'est pas présent à la conférence de Wannsee, étant représenté par son secrétaire d'État, Wilhelm Stuckart[11]. Cela ne l'empêche pas d'assister en juin 1942 à une opération de déportation de juifs vers le centre d'extermination de Chelmno[13].

Protecteur de Bohême-Moravie[modifier | modifier le code]

À plusieurs reprises, Frick cherche à être déchargé de ses fonctions, Hitler opposant toujours son refus. Néanmoins, il va finir par y consentir. Le , il quitte le ministère de l'Intérieur, remplacé par Himmler[14]. Quatre jours plus tard, il remplace Konstantin von Neurath comme protecteur de Bohême-Moravie et reste au gouvernement comme ministre sans portefeuille. L'historien Jean-Paul Bled émet l'hypothèse que le débarquement de Sicile et la chute de Benito Mussolini ont poussé Hitler à faire ces choix[15]. Dans un premier temps, Frick a refusé le poste mais un entretien à la Wolfsschanze (« Tanière du loup ») l'a fait changer d'avis.

Le rôle de Wilhelm Frick à Prague est avant tout honorifique et anecdotique. Depuis la nomination de Reinhard Heydrich en 1941 comme vice-protecteur, la SS avait la main sur le protectorat. C'est le Gruppenführer Karl Hermann Frank qui est le véritable maître des opérations depuis que Kurt Daluege a été victime d'une crise cardiaque qui l'a privé d'une grande partie de ses facultés. D'ailleurs, Frick s'absente régulièrement pour des séjours en Bavière, sans que Hitler ne s'en offusque[15]. C'est là qu'il sera arrêté par des soldats américains à la fin de la guerre[15],[16].

Procès et mort[modifier | modifier le code]

Wilhelm Frick dans sa cellule pendant le procès de Nuremberg en novembre 1945.

Wilhelm Frick fait partie des vingt-deux responsables nazis jugés au procès de Nuremberg[17]. Son nom a été placé sur une liste de dignitaires nazis à juger avant même la fin du conflit[18]. Plusieurs crimes lui sont reprochés, en particulier la signature d'un ordre de transfert de 15 000 juifs prisonniers du camp de concentration de Theresienstadt[15].

Il est inculpé de trois des quatre chefs d'accusation : crimes de guerre, crimes contre l'humanité et crimes contre la paix. Son rôle dans la mise en place du programme Aktion T4 et dans la politique de stérilisation et d'extermination, en particulier comme protecteur de Bohême-Moravie, est établi lors du procès. Sa défense s'appuie sur la perte progressive de toutes ses prérogatives au profit de Himmler, mais elle est d'autant peu crédible que Frick n'a jamais écrit la moindre lettre de démission à Hitler, y compris dans la fameuse lettre du printemps 1941. Condamné à mort le , il est pendu quinze jours plus tard au petit matin avec dix de ses coaccusés, Göring s'étant suicidé en avalant une capsule de cyanure[19]. Ses derniers mots sont[18] : « Vive l'Allemagne éternelle ! »

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Jean-Paul Bled 2021, p. 269.
  2. a b et c Jean-Paul Bled 2021, p. 270.
  3. a b c et d Jean-Paul Bled 2021, p. 271.
  4. a b et c Jean-Paul Bled 2021, p. 272.
  5. a et b Jean-Paul Bled 2021, p. 273.
  6. a et b Jean-Paul Bled 2021, p. 274.
  7. a et b Jean-Paul Bled 2021, p. 275.
  8. Jean-Paul Bled 2021, p. 277.
  9. a et b Jean-Paul Bled 2021, p. 278.
  10. a et b Jean-Paul Bled 2021, p. 279.
  11. a et b Jean-Paul Bled 2021, p. 280.
  12. Jean-Paul Bled 2021, p. 276.
  13. Édouard Husson 2012, p. 555.
  14. Ian Kershaw 2014, p. 48.
  15. a b c et d Jean-Paul Bled 2021, p. 281.
  16. Claude Quétel 2018, p. 591.
  17. Claude Quétel 2018, p. 635.
  18. a et b Jean-Paul Bled 2021, p. 282.
  19. Claude Quétel 2018, p. 639-40.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

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Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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