« Industrie lourde » : différence entre les versions

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{{ébauche|industrie|économie}}
{{Ébauche|industrie|économie}}
[[image:FEMA - 37677 - Aerial of a Louisiana oil refinary repaired since Katrina.jpg|vignette|upright=1.2|Raffinerie de la [[paroisse de Saint-Bernard]], [[Louisiane]], en 2008.|alt=hoto aérienne d'une rafinerie]]
Le terme d''''industrie lourde''' désigne en général les activités nécessitant, pour exister, l'emploi d'outils et de capitaux très importants.

Il n'existe pas de liste officielle des activités considérées comme faisant partie de l'industrie lourde. On peut cependant considérer les secteurs liés à la production ou la transformation de [[matières premières]] comme les [[Mine (gisement)|mines]], la [[métallurgie]], la [[papeterie]] et la [[chimie]] de première transformation comme étant des exemples de ce que l'on classe couramment dans ''l'industrie lourde''. Certaines activités à dominante mécanique ou électrique comme la [[construction navale]] ou la [[production d'électricité]] sont également de bons exemples.
Le terme d''''industrie lourde''' désigne en général les activités nécessitant, pour exister, l'emploi d'outils et de capitaux très importants. On peut considérer les secteurs liés à la production ou la transformation de [[matière première|matières premières]] comme les [[Mine (gisement)|mines]], la [[métallurgie]], la [[sidérurgie]], la [[pétrochimie]], la [[Industrie papetière|papeterie]] et la [[chimie]] de première transformation comme étant des exemples de ce que l'on classe couramment dans ''l'industrie lourde''<ref>{{Lien web|langue = français|titre = définition industrie|url = http://academie-des-sciences-commerciales.org/dictionnaire_new/definition.php?id=4054|site = academie-des-sciences-commerciales.org|date = |consulté le = 25 mars 2015|brisé le = 2023-11-02}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Alain Beitone|auteur2=Philippe Gilles|auteur3=Maurice Parodi|titre=Histoire des faits économiques et sociaux de 1945 à nos jour|éditeur=[[Dalloz]]|année=2000|passage=220|isbn=}}</ref>. Certaines activités à dominante mécanique ou électrique comme la [[construction navale]] ou la [[production d'électricité]] sont également de bons exemples.

Les produits issus de l'industrie lourde sont transformés par l'[[industrie légère]] en produits finis ou semi-finis<ref name="cnrtl.fr">{{Lien web |titre=INDUSTRIE : Définition de INDUSTRIE |url=https://www.cnrtl.fr/definition/academie9/industrie |site=www.cnrtl.fr |consulté le=2022-06-15}}</ref>.

== Histoire ==

La course au gigantisme est une stratégie courante dans les industries liées aux matières premières. Elle permet d'améliorer les coûts, de s'adapter aux matières premières et d'améliorer la qualité des produits<ref name=BlazyJdidIntro>{{chapitre |langue=fr
|prénom1= Pierre |nom1= Blazy
|prénom2= El-Aid |nom2= Jdid
|titre chapitre= Introduction à la métallurgie extractive
|titre ouvrage= Techniques de l'ingénieur
|jour= 10 |mois= décembre |année= 1997
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{|class="wikitable alternance center" style="width: 50%;"
|+ Capacités des plus grosses installations industrielles mondiales (t/an)<ref name=BlazyJdidIntro/>
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! 1989
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Pour autant, cette croissance n'est pas illimitée, et peut être bloquée par des barrières technologiques, la limitation des ressources, ou, plus souvent, par le marché. Ainsi, en 1946, on estime l'optimum de capacité d'une usine sidérurgique à 1 million de tonnes d'acier/an<ref>{{harvsp |Michel |Freyssenet |1979 |p=16}}</ref>. En 1978, des experts prédisent que l'usine sidérurgique de 1990 devrait produire 20 Mt/an pour être rentable<ref>{{Ouvrage| langue=fr| prénom1=Daniel| nom1=Rivet| titre=[[Référence:L'acier et l'industrie sidérurgique (Daniel Rivet)|L'acier et l'industrie sidérurgique]]| lieu=Paris| éditeur=[[Presses universitaires de France]]| collection=Que sais-je?| numéro dans collection=561| année=1978| pages totales=128| passage=98-99| isbn=2-13-035632-X}}</ref>. Or, malgré l'augmentation continue de [[production d'acier|production mondiale d'acier]], la capacité des plus gros complexes sidérurgiques stagne autour de {{unité|10|millions de tonnes par an}} depuis les années 1980, et les ''mini-mills'' américaines qui produisent {{unité|500000|tonnes par an}} se sont avérées bien plus rentables que les gros complexes sidérurgiques concurrents.


== Caractéristiques principales ==
== Caractéristiques principales ==
=== Outils ===
=== Outils ===
[[File:Woelfflé 10 - ANZIN - Les Hauts-Fourneaux (2).JPG|thumb|Paysage industriel de l'industrie lourde avant la [[Première Guerre mondiale]], les [[Haut fourneau|hauts fourneaux]] d'[[Anzin]],]]
[[Image:Woelfflé 10 - ANZIN - Les Hauts-Fourneaux (2).JPG|vignette|Paysage industriel de l'industrie lourde avant la [[Première Guerre mondiale]], les [[Haut fourneau|hauts fourneaux]] d'[[Anzin]],]]

À titre d'exemple, en [[sidérurgie]], l'investissement liée à la construction d'une usine « standard » de tôles brutes à partir de minerai, d'une capacité de 5 millions de tonnes par an, peut atteindre {{formatnum:1700}} millions d'euros. Le montant de ce « ticket d'entrée » implique donc souvent :
À titre d'exemple, en [[sidérurgie]], l'investissement lié à la construction d'une usine « standard » de [[brame (sidérurgie)|brames]] à partir de [[minerai de fer]] et de [[houille]], d'une capacité de {{unité|5|millions}} de tonnes par an, peut atteindre {{unité|9|milliards de [[Dollar américain|dollars]]}}<ref>{{article |langue= en
* une participation ou une protection de la part des États, tant pour constituer que pour pérenniser un outil industriel
|titre= Brazil may bar Thyssen unit sale to foreigner
* la modernisation permanente des outils existants, moins coûteuse que la construction d'installations neuves
|périodique= Reuters |lien périodique= Reuters
* des fluctuations importantes des prix de vente (comme pour l'essence ou l'acier), dues au fait que l'offre ne peut qu'évoluer plus lentement que la demande
|jour= 15 |mois= juin |année= 2012
|url texte= https://www.reuters.com/article/2012/06/15/csa-brazil-thyssenkrupp-idUSL1E8HEKIB20120615}}</ref>. Le montant de ce « ticket d'entrée » implique donc souvent :
* une participation ou une protection de la part des États, tant pour constituer que pour pérenniser un outil industriel ;
* la modernisation permanente des outils existants, moins coûteuse que la construction d'installations neuves<ref name=CopperCongress3/> ;
* des fluctuations importantes des prix de vente (comme pour l'essence ou l'acier), dues au fait que l'offre ne peut qu'évoluer plus lentement que la demande.

Cette sensibilité à la conjoncture économique explique que, malgré leur taille, les entreprises sont fragilisées par les investissements qu'elles consentent. Les sidérurgistes [[lorrains]] ont, par exemple, été pénalisés par la construction de l'usine à chaud de la [[Solmer]] à [[Fos-sur-Mer]], qui a coûté {{unité|14|milliards}} de francs en 1974<ref>{{pdf}}{{Ouvrage
|langue=fr
|prénom1=Michel
|nom1=Freyssenet
|titre=La sidérurgie française 1945-1979
|sous-titre=L'histoire d'une faillite. Les solutions qui s'affrontent.
|lieu=Paris
|éditeur=Savelli
|collection=Documents critiques
|année=1979
|pages totales=241
|isbn=978-2-85930-030-2
|oclc=417353871
|bnf=34648522d
|présentation en ligne=http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00165640/fr/
|lire en ligne=http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/16/56/40/PDF/La_Siderurgie_francaise_1945-1979._L_histoire_d_une_faillite._Les_solutions_qui_s_affrontent.pdf
}}</ref>, mais inaugurée en plein [[Premier choc pétrolier|choc pétrolier]], ce qui a bloqué la finalisation de l'usine et pénalisé sa rentabilité au point que le gouvernement estima 10 ans après que la meilleure solution consisterait à tout fermer<ref>{{pdf}}{{lien web
|titre= L'aventure sidérurgique de Fos-sur-Mer - Logiques d'hier, d'aujourd'hui et de demain
|auteur= Olivier C. A. Bisanti
|date= 7 avril 2003
|url= http://soleildacier.ouvaton.org/lieux/fr/03W0407A.pdf
|éditeur= soleildacier.ouvaton.org}}.</ref>. De même, et plus récemment, victime de la [[Crise économique mondiale des années 2008 et suivantes|crise de 2008]], le complexe sidérurgique américain de [[ThyssenKrupp]] ([[aciérie]] au [[Brésil]] et [[laminoir]]s en Alabama), dont la construction avait coûté, en 2010, près de {{unité|15|milliards}} de dollars{{#tag:ref|Soit presque le double de l'estimation initiale, qui était de {{unité|5.2|milliards}} de dollars<ref>{{lien web |langue= en
|url= http://www.thyssenkrupp.com/en/presse/art_detail.html&eid=TKBase_1292850484690_494590710
|titre= Second blast furnace fired up at ThyssenKrupp CSA in Brazil
|date= 20 décembre 2010
|éditeur= ThyssenKrupp}}.</ref>!|group=note}} au sidérurgiste allemand, a été revendu à ses concurrents {{unité|4.2|milliards}} trois ans après<ref>{{article
|langue= en
|titre= ArcelorMittal, Nippon Steel Buy ThyssenKrupp Alabama Steel Mill for $1.55 Billion
|périodique= Reuters |lien périodique= Reuters
|jour= 29 |mois= novembre |année= 2013
|url texte= http://online.wsj.com/news/articles/SB10001424052702304747004579228510356401076}}</ref>…

D'autres exemples, dans l'extraction et la métallurgie du [[nickel]], montrent que le coût de construction d'une usine produisant {{unité|60000|tonnes}} par an de [[ferronickel]] à partir de [[latérite]], coûte environ {{unité|4|milliards}} de dollars (Koniambo, [[Nouvelle-Calédonie]]), soit un investissement de {{unité|70000|dollars}} par tonne de nickel produite annuellement. Or en 2010, la tonne de nickel commercialisée sous la forme de ferronickel est cotée {{unité|26000|dollars}}. Le coût de transformation du minerai en ferronickel se situe à la même époque entre {{unité/2|4000|et=6000|dollars}} pour une usine performante : l'amortissement du capital explique la différence entre prix de vente et coût de production<ref>{{Ouvrage |langue=en |prénom1=Frank K. |nom1=Krundwell |prénom2=Michael S. |nom2=Moats |prénom3=Venkoba |nom3=Ramachandran |prénom4=Timothy G. |nom4=Robinson |prénom5=William G. |nom5=Davenport |titre=Extractive Metallurgy of Nickel, Cobalt and Platinum Group Metals |éditeur=[[Elsevier (éditeur)|Elsevier]] |année=2011 |pages totales=610 |passage=27-32 |isbn=978-0-08-096809-4 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=yx5L85iuOicC&printsec=frontcover}}</ref>.

La course à la taille des outils est un moyen efficace pour diminuer l'investissement spécifique, même s'il entretient la fuite en avant vers le gigantisme. Par exemple, on a, pour une fonderie de cuivre :
{|class="wikitable center" style="width:40%;"
|+ Coût d'investissement d'une fonderie de cuivre<ref name=BlazyJdid>{{chapitre |langue=fr
|prénom1= Pierre |nom1= Blazy
|prénom2= El-Aid |nom2= Jdid
|titre chapitre= Cuivre : ressources, procédés et produits
|titre ouvrage= Techniques de l'ingénieur
|éditeur= [[Éditions techniques de l'ingénieur]]
|passage= {{§|Pyrométallurgie}}
|lire en ligne= //www.techniques-ingenieur.fr/base-documentaire/materiaux-th11/metallurgie-extractive-et-recyclage-des-metaux-de-transition-42369210/cuivre-ressources-procedes-et-produits-m2240/}}</ref>
|-
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! scope="col" | Coût<br />($/t de cathode de cuivre)
|-
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|-
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|-
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| style="text-align: right;" | 300
| style="text-align: right;" | {{formatnum:2700}}
|-
|}

Sans innovation de rupture, les coûts augmentent aussi dans le temps. Par exemple la mine et la fonderie de ''{{lang|en|Silver Bell}}'' dans l'[[Arizona]], d'une capacité de {{unité|18000|tonnes}} par an de cuivre, a couté 18 millions de [[Dollar américain|dollars]] en 1953. La mine de ''{{lang|en|Copper Flat}}'' dans le [[Nouveau-Mexique]], d'une capacité identique, a coûté 103 millions de dollars en 1982 : le coût d'investissement est passé de {{unité/2|1000|à=5720|dollars}} par tonne<ref name=CopperCongress3>{{pdf}}>{{lien web |langue= en
|titre= Copper : Technology & Competitiveness
|auteur1= U.S. Congress, Office of Technology Assessment
|préface= John H. Gibbons
|numéro chapitre= 3 |titre chapitre= The business structure of the copper industry
|mois= septembre |année= 1988
|passage= 47
|lire en ligne= https://www.princeton.edu/~ota/disk2/1988/8808/880805.PDF}}.</ref>.


=== Capital ===
=== Capital ===
Les outils étant dimensionnés pour produire, au moindre coût, de grandes quantités de produits, l'achat des matières premières devient un enjeu essentiel de la performance économique. On peut constater que le prix d'achat du [[baril de pétrole]] représente la moitié du prix du fioul lourd sur le marché domestique européen. La faible valeur ajoutée est donc une caractéristique essentielle de l'industrie lourde, qui privilégie alors la quantité pour trouver des marges acceptables.


Les outils étant dimensionnés pour produire, au moindre coût, de grandes quantités de produits, l'achat des matières premières devient un enjeu essentiel de la performance économique. On peut constater que le prix d'achat du [[baril|baril de pétrole]] représente la moitié du prix du fioul lourd sur le marché intérieur européen. Pour une usine sidérurgique intégrée, les proportions peuvent être encore plus importantes : les achats de [[charbon]] et de [[minerai de fer]] correspondent à 75 % du prix de vente d'une [[brame (sidérurgie)|brame]] (au troisième trimestre 2011 : 491 $ d'achats<ref>{{pdf}}{{lien web |langue= en
On peut aussi remarquer que l'usine sidérurgique citée plus haut, d'une capacité de 5 millions de tonnes par an, génère un chiffre d'affaires d'environ {{formatnum:3500}} millions d'euros. La mobilisation et la réduction du [[fonds de roulement]] représente alors également un enjeu essentiel.
|url= http://apps.aist.org/magazine/wsd/11_nov_28_29.pdf
|titre= Semi-finished steel prices Billet and slab price data 2008 - 2013
|date= novembre 2011
|éditeur= Association for Iron and Steel Technology|brisé le = 2023-11-02}}.</ref> pour une tonne de brame vendue 646 $<ref>{{lien web |langue= en
|url= http://www.steelonthenet.com/semi-finished-prices.php
|titre= Ask World steel dynamics
|éditeur= steelonthenet.com|brisé le = 2023-11-02}}.</ref>). La faible [[valeur ajoutée]] est donc une caractéristique essentielle de l'industrie lourde, qui privilégie alors la quantité pour trouver des marges acceptables.


On peut aussi remarquer que l'usine sidérurgique brésilienne citée plus haut, d'une capacité de {{unité|5|millions}} de tonnes par an, génère un [[chiffre d'affaires]] d'environ {{unité|3500|millions}} d'euros. La mobilisation et la réduction du [[fonds de roulement]] représente alors également un enjeu essentiel.


=== Implication des États ===
{{portail économie}}


Les montants d'investissement en jeu, qui dépassent généralement le milliard d'euros, suscitent un intéret marqué de la part des États, qui pour des raisons écomomiques comme de prestige, subventionnent largement l'installation des usines. Les [[Gigafactory|gigafactories]] en sont un exemple : les aides publiques couvrent fréquemment 30 % de l’investissement total promis, sachant que pour la fabrication de composants électroniques, celles-ci atteignent 40 à 50 % de l'investissement initial<ref name=SubventionsUsineNouvelle>{{article
[[Catégorie:Industrie]]
|titre= Pourquoi l'Europe est prise dans une course aux subventions publiques pour créer sa souveraineté industrielle
|auteur= Solène Davesne
|périodique= [[L'Usine nouvelle]]
|date= 21-02-2024
|consulté le= 22-02-2024
|lire en ligne= https://www.usinenouvelle.com/editorial/pourquoi-l-europe-est-prise-dans-une-course-aux-subventions-publiques-pour-creer-sa-souverainete-industrielle.N2208517}}</ref>.


Les États se battent pour attirer les investisseurs. Par exemple, l'''[[loi sur la réduction de l'inflation de 2022|Inflation Reduction Act of 2022]]'' draine vers les États-Unis des investissements. C'est ainsi que le suédois [[Northvolt]], qui avait obtenu près de {{nombre|150|millions d’euros}} de subventions de l'[[Allemagne]] pour sa troisième gigafactory à [[Heide (Allemagne)|Heide]], s'est vu proposer finalement, {{nombre|18|mois}} plus tard, {{nombre|700|millions d’euros}}, plus {{nombre|202|millions d’euros}} de garanties publiques, pour que son projet ne parte pas aux États-Unis. Les montants totaux sont importants : en début 2004, [[Automotive Cells Company|ACC]] cumule {{nombre|1.3|millions d’euros}} de fonds publics, deux tiers apportés par la France et le reste par l’Allemagne, afin de l'aider à financer les quelques cinq milliards d'investissements pour ses deux usines de [[Douvrin]] et [[Kaiserslautern]]<ref name=SubventionsUsineNouvelle/>.
[[bg:Тежка промишленост]]

[[cs:Těžký průmysl]]
== Notes et références ==
[[da:Sværindustri]]
=== Notes ===
[[de:Schwerindustrie]]
{{références|groupe=note|colonnes=2}}
[[en:Heavy industry]]

[[eo:Peza industrio]]
=== Références ===
[[es:Industria pesada]]
{{Références|colonnes=2}}
[[eu:Industria astun]]

[[gl:Industria pesada]]
== Articles connexes ==
[[is:Þungaiðnaður]]
* [[Économie d'échelle]]
[[ja:重厚長大]]

[[kk:Ауыр өнеркәсіп]]
{{Palette|Industries}}
[[nl:Zware industrie]]
{{Portail|économie}}
[[no:Tungindustri]]

[[pl:Przemysł ciężki]]
[[Catégorie:Industrie]]
[[pt:Indústria pesada]]
[[ru:Тяжёлая промышленность]]
[[sh:Teška industrija]]
[[sr:Тешка индустрија]]
[[sv:Tung industri]]
[[uk:Важка промисловість]]
[[vi:Công nghiệp nặng]]
[[zh:重工業]]
[[zh-yue:重工業]]

Dernière version du 29 février 2024 à 10:24

hoto aérienne d'une rafinerie
Raffinerie de la paroisse de Saint-Bernard, Louisiane, en 2008.

Le terme d'industrie lourde désigne en général les activités nécessitant, pour exister, l'emploi d'outils et de capitaux très importants. On peut considérer les secteurs liés à la production ou la transformation de matières premières comme les mines, la métallurgie, la sidérurgie, la pétrochimie, la papeterie et la chimie de première transformation comme étant des exemples de ce que l'on classe couramment dans l'industrie lourde[1],[2]. Certaines activités à dominante mécanique ou électrique comme la construction navale ou la production d'électricité sont également de bons exemples.

Les produits issus de l'industrie lourde sont transformés par l'industrie légère en produits finis ou semi-finis[3].

Histoire[modifier | modifier le code]

La course au gigantisme est une stratégie courante dans les industries liées aux matières premières. Elle permet d'améliorer les coûts, de s'adapter aux matières premières et d'améliorer la qualité des produits[4].

Capacités des plus grosses installations industrielles mondiales (t/an)[4]
Métal Procédé Année
1950 1989 1996
Aluminium, Al Hydrométallurgie (tminerai/an) 2 500 000 8 700 000 10 000 000
Métallurgie (tmétal/an) 130 000 430 000 2 000 000
Cuivre, Cu Hydrométallurgie (tminerai/an) 23 000 000 30 000 000 35 000 000
Métallurgie (tmétal/an) 260 000 435 000 450 000
Plomb, Pb Minéralurgie (tminerai/an) 1 000 000 3 000 000 6 000 000
Métallurgie (tmétal/an) 220 000 230 000 300 000
Zinc, Zn Minéralurgie (tminerai/an) 600 000 3 600 000 3 000 000
Métallurgie (tmétal/an) 160 000 200 000 685 000

Pour autant, cette croissance n'est pas illimitée, et peut être bloquée par des barrières technologiques, la limitation des ressources, ou, plus souvent, par le marché. Ainsi, en 1946, on estime l'optimum de capacité d'une usine sidérurgique à 1 million de tonnes d'acier/an[5]. En 1978, des experts prédisent que l'usine sidérurgique de 1990 devrait produire 20 Mt/an pour être rentable[6]. Or, malgré l'augmentation continue de production mondiale d'acier, la capacité des plus gros complexes sidérurgiques stagne autour de 10 millions de tonnes par an depuis les années 1980, et les mini-mills américaines qui produisent 500 000 tonnes par an se sont avérées bien plus rentables que les gros complexes sidérurgiques concurrents.

Caractéristiques principales[modifier | modifier le code]

Outils[modifier | modifier le code]

Paysage industriel de l'industrie lourde avant la Première Guerre mondiale, les hauts fourneaux d'Anzin,

À titre d'exemple, en sidérurgie, l'investissement lié à la construction d'une usine « standard » de brames à partir de minerai de fer et de houille, d'une capacité de 5 millions de tonnes par an, peut atteindre 9 milliards de dollars[7]. Le montant de ce « ticket d'entrée » implique donc souvent :

  • une participation ou une protection de la part des États, tant pour constituer que pour pérenniser un outil industriel ;
  • la modernisation permanente des outils existants, moins coûteuse que la construction d'installations neuves[8] ;
  • des fluctuations importantes des prix de vente (comme pour l'essence ou l'acier), dues au fait que l'offre ne peut qu'évoluer plus lentement que la demande.

Cette sensibilité à la conjoncture économique explique que, malgré leur taille, les entreprises sont fragilisées par les investissements qu'elles consentent. Les sidérurgistes lorrains ont, par exemple, été pénalisés par la construction de l'usine à chaud de la Solmer à Fos-sur-Mer, qui a coûté 14 milliards de francs en 1974[9], mais inaugurée en plein choc pétrolier, ce qui a bloqué la finalisation de l'usine et pénalisé sa rentabilité au point que le gouvernement estima 10 ans après que la meilleure solution consisterait à tout fermer[10]. De même, et plus récemment, victime de la crise de 2008, le complexe sidérurgique américain de ThyssenKrupp (aciérie au Brésil et laminoirs en Alabama), dont la construction avait coûté, en 2010, près de 15 milliards de dollars[note 1] au sidérurgiste allemand, a été revendu à ses concurrents 4,2 milliards trois ans après[12]

D'autres exemples, dans l'extraction et la métallurgie du nickel, montrent que le coût de construction d'une usine produisant 60 000 tonnes par an de ferronickel à partir de latérite, coûte environ 4 milliards de dollars (Koniambo, Nouvelle-Calédonie), soit un investissement de 70 000 dollars par tonne de nickel produite annuellement. Or en 2010, la tonne de nickel commercialisée sous la forme de ferronickel est cotée 26 000 dollars. Le coût de transformation du minerai en ferronickel se situe à la même époque entre 4 000 et 6 000 dollars pour une usine performante : l'amortissement du capital explique la différence entre prix de vente et coût de production[13].

La course à la taille des outils est un moyen efficace pour diminuer l'investissement spécifique, même s'il entretient la fuite en avant vers le gigantisme. Par exemple, on a, pour une fonderie de cuivre :

Coût d'investissement d'une fonderie de cuivre[14]
Coût total
($ US)
Capacité
(tonne de cathode de cuivre)
Coût
($/t de cathode de cuivre)
225 000 50 4 500
487 500 150 3 250
810 000 300 2 700

Sans innovation de rupture, les coûts augmentent aussi dans le temps. Par exemple la mine et la fonderie de Silver Bell dans l'Arizona, d'une capacité de 18 000 tonnes par an de cuivre, a couté 18 millions de dollars en 1953. La mine de Copper Flat dans le Nouveau-Mexique, d'une capacité identique, a coûté 103 millions de dollars en 1982 : le coût d'investissement est passé de 1 000 à 5 720 dollars par tonne[8].

Capital[modifier | modifier le code]

Les outils étant dimensionnés pour produire, au moindre coût, de grandes quantités de produits, l'achat des matières premières devient un enjeu essentiel de la performance économique. On peut constater que le prix d'achat du baril de pétrole représente la moitié du prix du fioul lourd sur le marché intérieur européen. Pour une usine sidérurgique intégrée, les proportions peuvent être encore plus importantes : les achats de charbon et de minerai de fer correspondent à 75 % du prix de vente d'une brame (au troisième trimestre 2011 : 491 $ d'achats[15] pour une tonne de brame vendue 646 $[16]). La faible valeur ajoutée est donc une caractéristique essentielle de l'industrie lourde, qui privilégie alors la quantité pour trouver des marges acceptables.

On peut aussi remarquer que l'usine sidérurgique brésilienne citée plus haut, d'une capacité de 5 millions de tonnes par an, génère un chiffre d'affaires d'environ 3 500 millions d'euros. La mobilisation et la réduction du fonds de roulement représente alors également un enjeu essentiel.

Implication des États[modifier | modifier le code]

Les montants d'investissement en jeu, qui dépassent généralement le milliard d'euros, suscitent un intéret marqué de la part des États, qui pour des raisons écomomiques comme de prestige, subventionnent largement l'installation des usines. Les gigafactories en sont un exemple : les aides publiques couvrent fréquemment 30 % de l’investissement total promis, sachant que pour la fabrication de composants électroniques, celles-ci atteignent 40 à 50 % de l'investissement initial[17].

Les États se battent pour attirer les investisseurs. Par exemple, l'Inflation Reduction Act of 2022 draine vers les États-Unis des investissements. C'est ainsi que le suédois Northvolt, qui avait obtenu près de 150 millions d’euros de subventions de l'Allemagne pour sa troisième gigafactory à Heide, s'est vu proposer finalement, 18 mois plus tard, 700 millions d’euros, plus 202 millions d’euros de garanties publiques, pour que son projet ne parte pas aux États-Unis. Les montants totaux sont importants : en début 2004, ACC cumule 1,3 millions d’euros de fonds publics, deux tiers apportés par la France et le reste par l’Allemagne, afin de l'aider à financer les quelques cinq milliards d'investissements pour ses deux usines de Douvrin et Kaiserslautern[17].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Soit presque le double de l'estimation initiale, qui était de 5,2 milliards de dollars[11]!

Références[modifier | modifier le code]

  1. « définition industrie »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur academie-des-sciences-commerciales.org (consulté le ).
  2. Alain Beitone, Philippe Gilles et Maurice Parodi, Histoire des faits économiques et sociaux de 1945 à nos jour, Dalloz, , p. 220
  3. « INDUSTRIE : Définition de INDUSTRIE », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
  4. a et b Pierre Blazy et El-Aid Jdid, « Introduction à la métallurgie extractive », dans Techniques de l'ingénieur, Éditions techniques de l'ingénieur, (lire en ligne)
  5. Michel et Freyssenet 1979, p. 16
  6. Daniel Rivet, L'acier et l'industrie sidérurgique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je? » (no 561), , 128 p. (ISBN 2-13-035632-X), p. 98-99
  7. (en) « Brazil may bar Thyssen unit sale to foreigner », Reuters,‎ (lire en ligne)
  8. a et b [PDF]>(en) U.S. Congress, Office of Technology Assessment (préf. John H. Gibbons), « Copper : Technology & Competitiveness », , p. 47.
  9. [PDF]Michel Freyssenet, La sidérurgie française 1945-1979 : L'histoire d'une faillite. Les solutions qui s'affrontent., Paris, Savelli, coll. « Documents critiques », , 241 p. (ISBN 978-2-85930-030-2, OCLC 417353871, BNF 34648522, présentation en ligne, lire en ligne)
  10. [PDF]Olivier C. A. Bisanti, « L'aventure sidérurgique de Fos-sur-Mer - Logiques d'hier, d'aujourd'hui et de demain », soleildacier.ouvaton.org, .
  11. (en) « Second blast furnace fired up at ThyssenKrupp CSA in Brazil », ThyssenKrupp, .
  12. (en) « ArcelorMittal, Nippon Steel Buy ThyssenKrupp Alabama Steel Mill for $1.55 Billion », Reuters,‎ (lire en ligne)
  13. (en) Frank K. Krundwell, Michael S. Moats, Venkoba Ramachandran, Timothy G. Robinson et William G. Davenport, Extractive Metallurgy of Nickel, Cobalt and Platinum Group Metals, Elsevier, , 610 p. (ISBN 978-0-08-096809-4, lire en ligne), p. 27-32
  14. Pierre Blazy et El-Aid Jdid, « Cuivre : ressources, procédés et produits », dans Techniques de l'ingénieur, Éditions techniques de l'ingénieur (lire en ligne), § Pyrométallurgie
  15. [PDF](en) « Semi-finished steel prices Billet and slab price data 2008 - 2013 »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), Association for Iron and Steel Technology, .
  16. (en) « Ask World steel dynamics »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), steelonthenet.com.
  17. a et b Solène Davesne, « Pourquoi l'Europe est prise dans une course aux subventions publiques pour créer sa souveraineté industrielle », L'Usine nouvelle,‎ (lire en ligne, consulté le )

Articles connexes[modifier | modifier le code]