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{{Infobox Conflit militaire
Les '''Émeutes de la Baltique''' ont éclaté dans le Nord de la [[Pologne]] en décembre 1970, provoquées par une augmentation soudaine des prix des denrées alimentaires et d'autres produits de première nécessité. Violemment réprimées par l'Armée populaire de Pologne et la Milice elles firent au moins quarante-deux morts et plus de mille blessés.
| conflit = Émeutes de la Baltique de 1970
| image = Polish 1970 protests - Zbyszek Godlewski body.jpg
| légende = Émeutes de la Baltique de 1970 : le corps de Janek Wiśniewski (Zbyszek Godlewski) est porté par les manifestants.
| date = 14 - 19 décembre 1970
| lieu = [[Gdańsk]], [[Gdynia]], [[Elbląg]], [[Szczecin]]
| issue = Émeutes écrasées
| libellé combattants = Belligérants
| combattants1 = Manifestants
| combattants2 = {{République populaire de Pologne}}<br>[[File:Fictitious Emblem of the Polish People's Army.png|20px]] [[Armée populaire de Pologne]]<br>[[File:Palemka MO.svg|20px]] [[Milicja Obywatelska]]
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Les '''émeutes de la Baltique''' ont éclaté dans le Nord de la [[République populaire de Pologne|Pologne]] en {{date-|décembre 1970}}, provoquées par une augmentation soudaine des prix des denrées alimentaires et d'autres produits de première nécessité. Violemment réprimées par l'[[Armée populaire de Pologne]] et la milice, elles ont fait au moins quarante-deux morts et plus de mille blessés.
==Contexte==
Le succès politique temporaire de [[Władysław Gomułka]] en 1956<ref>{{pl}} ''Gomułka i inni: Dokumenty z archiwum KC 1948-1982''. Londres : ANEKS. 1987. p. 56. ISBN 0-906601-37-1.</ref> n'arrivait pas à masquer la crise économique dans laquelle s'enfonçait la République populaire de Pologne. Le système des prix alimentaires fixés à un niveau artificiellement bas permettait de contenir le mécontentement dans les villes, mais il aboutissait à la stagnation de l'agriculture et obligeait à importer des produits alimentaires plus chers. Ce n'était pas tenable, et en décembre 1970, le régime annonça brutalement des augmentations massives sur les prix des produits alimentaires essentiels.


== Contexte ==
Les hausses avaient été une erreur de jugement fatal, car elles se révélèrent comme un choc majeur pour la société et montèrent contre le régime les travailleurs des villes<ref>{{en}} Daniel Singer (1981). [http://books.google.fr/books?id=R1YKAAAAIAAJ&dq=Grudzie%C5%84+1970&q=December+1970&hl=fr The Road to Gdansk]. Monthly Review Press,U.S. p. 157. ISBN 0-85345-567-8.</ref>. Gomułka se persuadait que l'accord avec Allemagne de l'Ouest l'avait rendu plus populaire, mais dans les faits il semble que la plupart des Polonais estimaient que, puisque les Allemands ne constituaient plus une menace pour la Pologne, ils n'avaient plus besoin de tolérer le régime communiste comme une garantie de l'appui soviétique pour défendre la ligne Oder- Neisse.
Le succès politique temporaire de {{lang|pl|[[Władysław Gomułka]]}} en 1956<ref>{{pl}} ''{{lang|pl|Gomułka i inni: Dokumenty z archiwum KC}} 1948-1982'', ANEKS, Londres, 1987, p. 56. {{ISBN|0-906601-37-1}}.</ref> n'arrivait pas à masquer la crise économique dans laquelle s'enfonçait la [[république populaire de Pologne]]. Le système des prix alimentaires fixés à un niveau artificiellement bas permettait de contenir le mécontentement dans les villes, mais il aboutissait à la stagnation de l'agriculture et obligeait à importer des produits alimentaires plus chers. Ce n'était pas tenable et, en {{date|décembre 1970}}, le régime annonça brutalement des augmentations massives sur les prix des produits alimentaires essentiels.


Les hausses de prix furent une fatale erreur de jugement : elles eurent l'effet d'un choc majeur pour la société et eurent comme conséquence de monter les travailleurs des villes contre le régime<ref>{{en}} Daniel Singer, [https://books.google.fr/books?id=R1YKAAAAIAAJ&dq=Grudzie%C5%84+1970&q=December+1970&hl=fr The Road to Gdansk]. Monthly Review Press, 1981 {{ISBN|0-85345-567-8}}, p. 157.</ref>. Gomułka se persuadait que l'accord avec l'Allemagne de l'Ouest l'avait rendu plus populaire, mais dans les faits il semble que la plupart des Polonais estimaient que, puisque les Allemands ne constituaient plus une menace pour la Pologne, ils n'avaient plus besoin de tolérer le régime communiste comme une garantie de l'appui soviétique pour défendre la [[Frontière entre l'Allemagne et la Pologne|ligne Oder-Neisse]].
==Les évènements==
Les manifestations contre la hausse des prix éclatèrent dans le Nord sur la Baltique, dans les villes côtières de [[Gdansk]], [[Gdynia]], [[Elbląg]] et [[Szczecin]]. Le bras droit de Gomułka, [[:pl: Zenon Kliszko|Zenon Kliszko]], ne fit qu'aggraver les choses en ordonnant à l'armée de tirer sur les ouvriers alors qu'ils tentaient de revenir dans leurs usines. Le régime redoutait qu'on lançât une vague de sabotage, mais on croit souvent cependant que le bruit en avait été inspiré par la police secrète afin de justifier une réponse énergique aux manifestations<ref>{{pl}} Jerzy Eisler, ed. (2000). [http://ipn.gov.pl/publikacje/ksiazki/grudzien-1970-w-dokumentach-msw Grudzień 1970 w dokumentach MSW]. Warsaw: [[Instytut Pamięci Narodowej]]. ISBN 83-11-09265-6.</ref>.


== Déroulement ==
Alors qu'un autre dirigeant du parti, [[:pl:Stanisław Kociołek|Stanisław Kociołek]], avait appelé les ouvriers à reprendre le travail, les soldats avaient reçu l'ordre à Gdynia de les en empêcher, si bien que, le 17 décembre, ils tirèrent dans la foule des ouvriers qui sortaient de leurs trains et des centaines d'entre eux furent tués ou blessés. Le mouvement de protestation s'étendit alors à d'autres villes, aboutissant à des grèves et des occupations. Le gouvernement mobilisa cinq mille membres de brigades de police spéciales et vingt-sept mille soldats équipés de chars lourds et de mitrailleuses. Plus de mille personnes furent blessées et au moins quarante tuées (d'autres chiffres souvent cités sont de trente-neuf<ref>{{pl}} [http://web.archive.org/web/20060716165041/http://www2.solidarnosc.gda.pl/grudzien70/Grudzien70_03.htm "Polegli"]. ''Grudzień 1970''. Magazyn Solidarność.</ref> et de quarante-quatre<ref>Piotr Golik (Juin 1998). "Answering for December 1970". [[:en:Warsaw Voice|Warsaw Voice]] (789)</ref> bien que le nombre exact de victimes reste inconnu) et trois mille furent arrêtées d'après les estimations modernes. À l'époque, toutefois, le gouvernement ne reconnut que six morts. Toutes les victimes furent enterrées de nuit, en présence seulement de leur famille proche, afin d'éviter l'extension des émeutes.
Les manifestations contre la hausse des prix éclatèrent dans le Nord, dans les villes côtières de [[Gdansk]], [[Gdynia]], [[Elbląg]] et [[Szczecin]]. Le bras droit de Gomułka, {{Lien|Zenon Kliszko}}, ne fit qu'aggraver les choses en ordonnant à l'armée de tirer sur les ouvriers alors qu'ils tentaient de retourner dans leurs usines. Le régime redoutait qu'on lançât une vague de sabotages, cependant la rumeur en aurait été inspirée par la police secrète afin de justifier sa réponse énergique aux manifestations<ref>{{pl}} Jerzy Eisler (dir.), [http://ipn.gov.pl/publikacje/ksiazki/grudzien-1970-w-dokumentach-msw Grudzień 1970 w dokumentach MSW], {{lang|pl|[[Instytut Pamięci Narodowej]]}}, Varsovie, 2000 {{ISBN|83-11-09265-6}}.</ref>.


Alors qu'un autre dirigeant du parti, [[Stanisław Kociołek]], avait appelé les ouvriers à reprendre le travail, les soldats reçurent l'ordre à Gdynia de les en empêcher, si bien que, le {{date|17 décembre}}, ils tirèrent dans la foule des ouvriers qui descendaient de leurs trains et des centaines d'entre eux furent tués ou blessés. Le mouvement de protestation s'étendit alors à d'autres villes, aboutissant à des grèves et des occupations. Le gouvernement mobilisa cinq mille membres de brigades de police spéciales et vingt-sept mille soldats équipés de chars lourds et de mitrailleuses. Plus de mille personnes furent blessées et au moins quarante tuées (d'autres chiffres souvent cités sont de trente-neuf<ref>{{pl}} [https://web.archive.org/web/20060716165041/http://www2.solidarnosc.gda.pl/grudzien70/Grudzien70_03.htm "Polegli"]. ''Grudzień 1970'', {{lang|pl|Magazyn Solidarność}}.</ref> ou de quarante-quatre<ref>{{en}} Piotr Golik, "Answering for December 1970", ''{{lien|The Warsaw Voice}}'', {{n°|789}}, juin 1998.</ref>, bien que le nombre exact de victimes reste inconnu) et trois mille furent arrêtées d'après les estimations modernes. À l'époque, le gouvernement ne reconnut toutefois que six morts. Toutes les victimes furent enterrées de nuit, en la seule présence de leur famille proche, afin d'éviter l'extension des émeutes.
==Les conséquences==
La direction du Parti se réunit à [[Varsovie]] et conclut qu'une révolte de grande envergure de la classe ouvrière était inévitable à moins de prendre des mesures radicales. Avec l'autorisation de [[Leonid Brejnev]] à [[Moscou]], Gomułka, Kliszko et d'autres dirigeants furent contraints de démissionner : si les hausses de prix avaient été un complot contre Gomułka, le coup avait réussi. Comme Moscou n'aurait pas accepté [[:pl:Mieczysław Moczar|Mieczysław Moczar]], ce fut [[Edward Gierek]] qui fut désigné pour prendre les rênes. Les hausses de prix furent annulées, on annonça des hausses de salaires et on promit des changements profonds en économie et en politique. Gierek se rendit à Gdańsk pour rencontrer les ouvriers, il présenta ses excuses pour les erreurs du passé, promit un renouveau en politique et déclara qu'étant ouvrier lui-même il gouvernerait désormais en faveur du peuple<ref>{{pl}} Andrzej Burda, ed. (1975). [http://books.google.fr/books?id=aFcGAAAAMAAJ&q=Grudzie%C5%84+1970&dq=Grudzie%C5%84+1970&hl=fr ''Sejm Polskiej Rzeczypospolitej Ludowej'']. Wrocław : [[Ossolineum|Zakład Narodowy im. Ossolińskich]]. p. 55.</ref>.


==Conséquences==
== Conséquences à court terme ==
La direction du Parti se réunit à [[Varsovie]] et conclut qu'une révolte de grande envergure de la classe ouvrière était inévitable à moins de prendre des mesures radicales. Avec l'autorisation de [[Leonid Brejnev]] à [[Moscou]], Gomułka, Kliszko et d'autres dirigeants furent contraints de démissionner : si les hausses de prix se trouvaient être un complot contre Gomułka, le coup était réussi. Comme Moscou n'aurait pas accepté [[Mieczysław Moczar]], ce fut [[Edward Gierek]] qui fut désigné pour reprendre les rênes. Les hausses de prix furent annulées, des hausses de salaires annoncées et on promit des changements profonds dans les domaines économique et politique. Gierek se rendit à Gdańsk pour rencontrer les ouvriers, il présenta ses excuses pour les erreurs du passé, promit un renouveau en politique et déclara qu'étant ouvrier lui-même il gouvernerait désormais en faveur du peuple<ref>{{pl}} {{lang|pl|Andrzej Burda}} (dir.), [https://books.google.fr/books?id=aFcGAAAAMAAJ&q=Grudzie%C5%84+1970&dq=Grudzie%C5%84+1970&hl=fr ''Sejm Polskiej Rzeczypospolitej Ludowej''], [[Ossolineum|Zakład Narodowy im. Ossolińskich]], Wrocław, 1975, p. 55.</ref>.
Les objectifs des manifestants étaient surtout sociaux et économiques et non politiques mais les émeutes qu'on avait écrasées avaient relancé l'activité politique en sommeil dans la société polonaise<ref>{{en}} Bronisław Misztal (1985). [http://books.google.fr/books?id=5yeK_1TXSVwC&pg=PA6&lpg=PA6&vq=December+1970&dq=Grudzie%C5%84+1970&hl=fr#v=onepage&q=December%201970&f=false ''Poland After Solidarity'']. Transaction Publishers. p. 6. ISBN 0-88738-049-2.</ref>. Néanmoins, les ouvriers des villes de la côte n'avaient pas réussi à forcer le gouvernement à revenir sur l'augmentation des prix des denrées alimentaires. On ne le fit que quelques semaines plus tard, après les grèves de 1971 à [[Łódź]].


== Conséquences à long terme ==
==Voir aussi==
Les objectifs des manifestants étaient surtout sociaux et économiques, et non politiques, mais les émeutes qu'on avait écrasées avaient relancé l'activité politique en sommeil dans la société polonaise<ref>{{en}} Bronisław Misztal, [https://books.google.fr/books?id=5yeK_1TXSVwC&pg=PA6&lpg=PA6&vq=December+1970&dq=Grudzie%C5%84+1970&hl=fr#v=onepage&q=December%201970&f=false ''Poland After Solidarity''], {{lang|en|Transaction Publishers}}, 1985 {{ISBN|0-88738-049-2}}, p. 6.</ref>. Néanmoins, les ouvriers des villes côtières ne réussirent pas à forcer le gouvernement à revenir sur l'augmentation des prix des denrées alimentaires. Cela ne se fit que quelques semaines plus tard, après les grèves de 1971 à [[Łódź]].
* ''[[:pl:Czarny czwartek (film)|Czarny czwartek (film)]]'' (Jeudi noir.), film de 2011
* ''[[L'Homme de fer]]'', un film d'[[Andrzej Wajda]] où le massacre joue un rôle important.
* [[:en:Janek Wiśniewski|Janek Wiśniewski]], un nom inventé donné à une jeune victime alors inconnue, immortalisée par le poème ''Janek Wiśniewski'' et par des chansons.
* ''[[L'Héroïne de Gdansk]]'', film germano-polonais de 2006 sur [[Anna Walentynowicz]], femme qui a joué un rôle majeur dans le mouvement [[Solidarność]].
* {{pl}} [[:pl:Brunon Drywa|Brunon Drywa]]


Les causes de l'échec de ce mouvement furent retenues par [[Lech Wałęsa]]. En {{date|août 1980}}, il ne répéta pas les mêmes erreurs que son prédécesseur, [[Edmund Baluka]] : une stricte discipline fut imposée aux grévistes, la consommation d'alcool interdite, le cadre de la légalité respectée. Cela mena à l'[[accord de Gdańsk]].
==Notes==

== Voir aussi ==
* [[République populaire de Pologne]]
* [[Histoire de la Pologne]]
* [[Bloc de l'Est]]
* [[Guerre froide]]
* [[Histoire du communisme]]
* ''{{lien|langue=pl|Czarny czwartek (film)|texte=Czarny czwartek}}'' (« Jeudi noir »), film de 2011
* ''[[L'Homme de fer (film, 1981)|L'Homme de fer]]'', un film d'[[Andrzej Wajda]] où le massacre joue un rôle important.
* {{lien|Janek Wiśniewski}}, un nom inventé donné à une jeune victime alors inconnue, immortalisée par le poème ''Janek Wiśniewski'' et par des chansons.
* ''[[L'Héroïne de Gdansk]]'', film germano-polonais de 2006 sur [[Anna Walentynowicz]], femme qui a joué un rôle majeur dans le mouvement [[Solidarność]].
* {{lien|langue=pl|Brunon Drywa}}

== Notes ==
<references/>
<references/>
{{Traduction/Référence|en| Polish 1970 protests|577883621}}
{{Palette|Histoire de la Pologne|Guerre froide|Insurrections polonaises}}
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[[Catégorie:1970 en Pologne]]
* {{Traduction/Référence|en| Polish 1970 protests|577883621}}
[[Catégorie:République populaire de Pologne]]
[[Catégorie:Vie politique et sociétale du monde communiste pendant la guerre froide]]
[[Catégorie:Émeute du XXe siècle]]
[[Catégorie:Rébellion pendant la guerre froide]]
[[Catégorie:Décembre 1970]]

Dernière version du 11 mars 2024 à 16:57

Émeutes de la Baltique de 1970
Description de cette image, également commentée ci-après
Émeutes de la Baltique de 1970 : le corps de Janek Wiśniewski (Zbyszek Godlewski) est porté par les manifestants.
Informations générales
Date 14 - 19 décembre 1970
Lieu Gdańsk, Gdynia, Elbląg, Szczecin
Issue Émeutes écrasées
Belligérants
Manifestants Drapeau de la Pologne Pologne
Armée populaire de Pologne
Milicja Obywatelska

Les émeutes de la Baltique ont éclaté dans le Nord de la Pologne en , provoquées par une augmentation soudaine des prix des denrées alimentaires et d'autres produits de première nécessité. Violemment réprimées par l'Armée populaire de Pologne et la milice, elles ont fait au moins quarante-deux morts et plus de mille blessés.

Contexte[modifier | modifier le code]

Le succès politique temporaire de Władysław Gomułka en 1956[1] n'arrivait pas à masquer la crise économique dans laquelle s'enfonçait la république populaire de Pologne. Le système des prix alimentaires fixés à un niveau artificiellement bas permettait de contenir le mécontentement dans les villes, mais il aboutissait à la stagnation de l'agriculture et obligeait à importer des produits alimentaires plus chers. Ce n'était pas tenable et, en , le régime annonça brutalement des augmentations massives sur les prix des produits alimentaires essentiels.

Les hausses de prix furent une fatale erreur de jugement : elles eurent l'effet d'un choc majeur pour la société et eurent comme conséquence de monter les travailleurs des villes contre le régime[2]. Gomułka se persuadait que l'accord avec l'Allemagne de l'Ouest l'avait rendu plus populaire, mais dans les faits il semble que la plupart des Polonais estimaient que, puisque les Allemands ne constituaient plus une menace pour la Pologne, ils n'avaient plus besoin de tolérer le régime communiste comme une garantie de l'appui soviétique pour défendre la ligne Oder-Neisse.

Déroulement[modifier | modifier le code]

Les manifestations contre la hausse des prix éclatèrent dans le Nord, dans les villes côtières de Gdansk, Gdynia, Elbląg et Szczecin. Le bras droit de Gomułka, Zenon Kliszko (en), ne fit qu'aggraver les choses en ordonnant à l'armée de tirer sur les ouvriers alors qu'ils tentaient de retourner dans leurs usines. Le régime redoutait qu'on lançât une vague de sabotages, cependant la rumeur en aurait été inspirée par la police secrète afin de justifier sa réponse énergique aux manifestations[3].

Alors qu'un autre dirigeant du parti, Stanisław Kociołek, avait appelé les ouvriers à reprendre le travail, les soldats reçurent l'ordre à Gdynia de les en empêcher, si bien que, le , ils tirèrent dans la foule des ouvriers qui descendaient de leurs trains et des centaines d'entre eux furent tués ou blessés. Le mouvement de protestation s'étendit alors à d'autres villes, aboutissant à des grèves et des occupations. Le gouvernement mobilisa cinq mille membres de brigades de police spéciales et vingt-sept mille soldats équipés de chars lourds et de mitrailleuses. Plus de mille personnes furent blessées et au moins quarante tuées (d'autres chiffres souvent cités sont de trente-neuf[4] ou de quarante-quatre[5], bien que le nombre exact de victimes reste inconnu) et trois mille furent arrêtées d'après les estimations modernes. À l'époque, le gouvernement ne reconnut toutefois que six morts. Toutes les victimes furent enterrées de nuit, en la seule présence de leur famille proche, afin d'éviter l'extension des émeutes.

Conséquences à court terme[modifier | modifier le code]

La direction du Parti se réunit à Varsovie et conclut qu'une révolte de grande envergure de la classe ouvrière était inévitable à moins de prendre des mesures radicales. Avec l'autorisation de Leonid Brejnev à Moscou, Gomułka, Kliszko et d'autres dirigeants furent contraints de démissionner : si les hausses de prix se trouvaient être un complot contre Gomułka, le coup était réussi. Comme Moscou n'aurait pas accepté Mieczysław Moczar, ce fut Edward Gierek qui fut désigné pour reprendre les rênes. Les hausses de prix furent annulées, des hausses de salaires annoncées et on promit des changements profonds dans les domaines économique et politique. Gierek se rendit à Gdańsk pour rencontrer les ouvriers, il présenta ses excuses pour les erreurs du passé, promit un renouveau en politique et déclara qu'étant ouvrier lui-même il gouvernerait désormais en faveur du peuple[6].

Conséquences à long terme[modifier | modifier le code]

Les objectifs des manifestants étaient surtout sociaux et économiques, et non politiques, mais les émeutes qu'on avait écrasées avaient relancé l'activité politique en sommeil dans la société polonaise[7]. Néanmoins, les ouvriers des villes côtières ne réussirent pas à forcer le gouvernement à revenir sur l'augmentation des prix des denrées alimentaires. Cela ne se fit que quelques semaines plus tard, après les grèves de 1971 à Łódź.

Les causes de l'échec de ce mouvement furent retenues par Lech Wałęsa. En , il ne répéta pas les mêmes erreurs que son prédécesseur, Edmund Baluka : une stricte discipline fut imposée aux grévistes, la consommation d'alcool interdite, le cadre de la légalité respectée. Cela mena à l'accord de Gdańsk.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. (pl) Gomułka i inni: Dokumenty z archiwum KC 1948-1982, ANEKS, Londres, 1987, p. 56. (ISBN 0-906601-37-1).
  2. (en) Daniel Singer, The Road to Gdansk. Monthly Review Press, 1981 (ISBN 0-85345-567-8), p. 157.
  3. (pl) Jerzy Eisler (dir.), Grudzień 1970 w dokumentach MSW, Instytut Pamięci Narodowej, Varsovie, 2000 (ISBN 83-11-09265-6).
  4. (pl) "Polegli". Grudzień 1970, Magazyn Solidarność.
  5. (en) Piotr Golik, "Answering for December 1970", The Warsaw Voice (en), no 789, juin 1998.
  6. (pl) Andrzej Burda (dir.), Sejm Polskiej Rzeczypospolitej Ludowej, Zakład Narodowy im. Ossolińskich, Wrocław, 1975, p. 55.
  7. (en) Bronisław Misztal, Poland After Solidarity, Transaction Publishers, 1985 (ISBN 0-88738-049-2), p. 6.