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La forme singulière arabe ''dar'' (en [[arabe]] : {{lang|ar|[[wikt:دار#Arabic|دار]]}}), traduite littéralement, peut vouloir dire {{citation|maison}}, {{citation|demeure}}, {{citation|domaine}}, {{citation|structure}}, {{citation|lieu}}, {{citation|terre}} ou {{citation|pays}}. Dans la [[jurisprudence islamique]], elle fait souvent référence à une partie du monde.
Dans la [[théologie]] islamique et les interprétations légales, la finalité de l'[[islam]] est d'être portée au monde entier. Un statut est donné à chaque partie du monde pour définir son état actuel en regard des préceptes de l'islam, et pour inspirer la conduite possible des musulmans dans ces régions<ref>Bernard Lewis:

* ''Handbook of Diplomatic and Political Arabic'', Londres, Luzac & C°, 1947
Les notions de {{citation|maisons}}, de {{citation|domaines}} ou de {{citation|divisions}} du monde dans l'[[islam]], telles que ''Dar al-Islam'' et ''Dar al-Harb'', n'apparaissent ni dans le [[Coran]] ni dans la [[Sunna]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|nom1=Abdel Haleem, M. A.|titre=Understanding the Qur'an|sous-titre=themes and style|éditeur=I.B. Tauris|année=2011|pages totales=244|passage=68|isbn=978-1-4416-8136-2|isbn2=1441681361|oclc=698224481|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/698224481|consulté le=2019-11-03}}</ref>. Selon le professeur [[Khaled Abou El Fadl]], les seuls ''dar'' dont le Coran parle sont {{Citation|la demeure de l'[[Akhira|au-delà]] et la demeure de la [[Dunya (islam)|vie terrestre]], la première étant décrite comme étant nettement supérieure à la seconde}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|nom1=Abou El Fadl, Khaled, 1963-|titre=The great theft|sous-titre=wrestling Islam from the extremists|éditeur=HarperSanFrancisco|année=2007|passage=228|isbn=978-0-06-118903-6|isbn2=0061189030|oclc=86073869|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/86073869|consulté le=2019-11-03}}</ref>.
* ''The Political Language of Islam'', University of Chicago Press, 1988

* ''Les Arabes dans l'histoire'', Neuchâtel, 1958 et Paris, Flammarion, 1993
Dans le [[Système juridique islamique|droit musulman]] classique, les divisions principales sont le ''Dar al-Islam'' (littéralement, le territoire de l'Islam), désignant les régions régies par la [[Charia]]<ref>{{en}} [http://www.oxfordislamicstudies.com/article/opr/t125/e491 Dar al-Islam] The Oxford Dictionary of Islam</ref>, le ''Dar al-Sulh'' (littéralement, le territoire de l'accord) désignant les terres non musulmanes qui ont conclu un [[armistice]] avec un gouvernement musulman<ref>{{en}} [http://www.oxfordislamicstudies.com/article/opr/t125/e496 Dar al-Sulh] The Oxford Dictionary of Islam</ref> et le ''Dar al-Harb'' (littéralement, le territoire de guerre), désignant les terres non-musulmanes frontalières dont les dirigeants sont appelés à se [[Conversion à l'islam|convertir à l'islam]]<ref name=":0">{{en}} [http://www.oxfordislamicstudies.com/article/opr/t125/e490 Dar al-Harb] The Oxford Dictionary of Islam</ref>.
* ''Comment l’Islam a découvert l’Europe'', Paris, La Découverte, 1984 ; rééd. Gallimard, 1990, 1992 et 2005

* ''Race et couleur en pays d’Islam'', Paris, Payot, 1982.</ref>.
Les premiers [[Faqîh|fuqaha]] ont conçu ces termes pour désigner les règles juridiques relatives aux [[Expansion de l'islam|conquêtes musulmanes]] en cours, presque un siècle après Mahomet. L'imam [[Abû Hanîfa|Abou Hanifa]] et ses élèves [[Abou Yoûsouf|Abou Youssouf]] et [[Mouhammad Al-Shaybânî|Al-Shaybânî]] ont été les premiers à utiliser ces termes. Au [[Bilad el-Cham|Cham]] voisin, cette division du monde a été introduite par [['Abd ur Rahmân al Awzâ'î|al Awzâ'î]] puis, plus tard, par [[Ash-Shâfi'î]].

Le concept de ''Dar al-Harb'' a été affecté par des changements historiques tels que la fragmentation politique du [[Civilisation islamique|monde musulman]] à partir de [[1258]] et a peu de signification aujourd'hui<ref name=":0" />. La distinction théorique entre ''Dar al-Islam'' et ''Dar al-Harb'' est largement considérée comme inapplicable, et de nombreux fuqaha contemporains considèrent l'[[Occident]] comme appartenant au premier, car les musulmans occidentaux peuvent y pratiquer et prêcher librement leur foi<ref>{{article encyclopédique|ref=harv|prénom=Jocelyn|nom=Hendrickson|titre=Law. Minority Jurisprudence|encyclopedia=The Oxford Encyclopedia of the Islamic World|éditeur=John L. Esposito|périodique=Oxford University Press|lieu=Oxford|année=2009|url=http://www.oxfordislamicstudies.com/print/opr/t236/e0473}}</ref>.


== Appellations canoniques ==
== Appellations canoniques ==
=== ''Dar al-Islam'' et ''Dar al-Harb'' ===
=== ''Dar al-Islam'' et ''Dar al-Harb'' ===
Dans la tradition musulmane, le monde est initialement divisé en seulement deux parties : '''''Dar al-Islam''''' ou « domaine de la soumission à Dieu » ([[arabe]] : دار الإسلام) et '''''Dar al-Harb''''', le « domaine de la guerre » ([[arabe]] : دار الحرب). « ''Dar al-Islam'' » désigne initialement les pays où s'applique la [[charia]] puis, par extension, ceux à majorité musulmane et/ou gouvernés par des musulmans, et qui devraient, selon les mouvements et les partis religieux, être gouvernés selon la [[charia]]<ref>Bernard Lewis: ouvrages cités.</ref>. Quant au « ''Dar al-Harb'' », c'est le reste : les pays où l'Islam reste à apporter, le mot « ''Harb'' » signifiant "guerre" dans divers sens du terme, guerre militaire de conquête, mais aussi "guerre" religieuse aux autres cultes et croyances, c'est-à-dire effort [[Prosélytisme|prosélyte]] et [[missionnaire]]<ref>Louis Gardet, ''La Cité musulmane, vie sociale et politique'', éd. Vrin [Études musulmanes 1], Paris 1981.</ref>.
Dans la tradition musulmane, le monde est initialement divisé en seulement deux parties : '''''Dar al-Islam''''' ou « domaine de la soumission à Dieu » (en {{lang-ar|دار الإسلام}}) et '''''Dar al-Harb''''', le « domaine de la guerre » (en arabe : {{lang|ar|دار الحرب}}). « ''Dar al-Islam'' » désigne initialement les pays où s'appliquent les différentes formes de doctrines normatives islamiques, puis, par extension, ceux à majorité musulmane et/ou gouvernés par des musulmans. Quant au « ''Dar al-Harb'' », ce sont les pays où l'Islam reste à apporter, le mot « ''Harb'' » signifiant "guerre" dans divers sens du terme, guerre militaire de conquête. Une troisième catégorie existe alors, '''''Dar al-ahd'',''' c'est-à-dire la catégorie de l'alliance dont de nombreux exemples historiques sont ainsi attestés dès l'époque prophétique : parmi d'autres, le plus célèbre est ainsi celui qui lie la première ''communauté des fidèles'' (la ''oumma'') au royaume chrétien d'Abyssinie (actuelle Éthiopie).


Ces termes ne figurent pas dans le Coran ou les [[Hadiths]], mais apparaissent (en relation avec les conquêtes des [[Omeyyades]], des [[Abbassides]] et des [[Empire ottoman|Ottomans]]) chez les [[ouléma|théologiens]] qui définissent le « ''Dar al-Islam'' » comme l'ensemble des pays où l'on peut publiquement effectuer les cinq [[adhan|appels à la prière]] quotidiens, vivre selon les préceptes de l'Islam et élever des [[mosquée]]s. Traditionnellement, dans ces territoires, le non-musulman a le statut de ''[[dhimmi]]'' (« protégés », mais des "protégés" qui doivent payer cette protection en payant une double-[[capitation]] : le ''[[kharadj]]'', qui en encourage beaucoup, à embrasser l'Islam<ref name="books.google.fr">[https://books.google.fr/books?id=CTxcLYXK2YkC&pg=PA66&lpg=PA66 ''100 Fiches d'histoire du Moyen Âge'', par Éric Limousin], {{p.|66}} et Mohamed Talbi : ''Afin que mon cœur se rassure'', éd. Nirvana, 2010, p.331</ref>).
Ces termes ne figurent pas dans le Coran ou les [[hadîth]]s, mais apparaissent en relation avec les conquêtes des [[Omeyyades]], des [[Abbassides]] et des [[Empire ottoman|Ottomans]] chez les [[ouléma|théologiens]] qui définissent le « ''Dar al-Islam'' » comme l'ensemble des pays où l'on peut publiquement effectuer les cinq [[adhan|appels à la prière]] quotidiens, vivre selon les préceptes de l'Islam et élever des [[mosquée]]s. Traditionnellement, dans ces territoires, le non-musulman a le statut de ''[[dhimmi]]'' (« protégés », mais des "protégés" qui doivent payer cette protection en payant une taxe qui, en retour, dispense de l'effort de guerre: le ''[[kharadj]]''<ref name="books.google.fr">[https://books.google.fr/books?id=CTxcLYXK2YkC&pg=PA66&lpg=PA66 ''100 Fiches d'histoire du Moyen Âge'', par Éric Limousin], {{p.|66}} et Mohamed Talbi : ''Afin que mon cœur se rassure'', éd. Nirvana, 2010, p.331</ref>). Sous dénomination, les peuples protégés étaient ainsi autorisés à pratiquer leur culte, conserver leurs lieux de prière et à juger et être jugés selon leurs propres législations<ref>{{Ouvrage|langue=Anglais|auteur1=Wael Hallaq|titre=Introduction to Islamic Legal Theories|passage=|lieu=Cambridge|éditeur=Cambrige University Press|date=1997|pages totales=294|isbn=0521599865|lire en ligne=}}</ref>.


Plus tard, la théologie musulmane évoluant et les relations des États musulmans avec le reste du monde se complexifiant, d'autres appellations apparaissent<ref>Louis Gardet, ''Op. cit.'', Paris 1981.</ref>.
Plus tard, la théologie musulmane évoluant et les relations des États musulmans avec le reste du monde se complexifiant, d'autres appellations apparaissent<ref>Louis Gardet, ''Op. cit.'', Paris 1981.</ref>.


=== Les « Trois domaines » : ''Dar al-Islam'', ''Dar al-Kufr'' (ou ''Harb'') et ''Dar al-'Ahd'' (ou ''Suhl'') ===
=== Les « Trois domaines » : ''Dar al-Islam'', ''Dar al-Kufr'' (ou ''Harb'') et ''Dar al-'Ahd'' (ou ''Suhl'') ===


Le '''''Dar al-[[Kafir|Kufr]]''''' ([[arabe]] : دار الكفر, « domaine des infidèles » ou « domaine de l'incroyance ») est une expression qui sert à désigner les territoires où la [[charia]] s'est appliquée, mais ne s'applique plus, comme dans le cas de la [[péninsule Ibérique]] après la [[reconquista]], de la [[Palestine]] sous la domination des [[États latins d'Orient]] ou de l'[[État d'Israël]], des pays musulmans colonisés par des [[Europe|européens]] ou encore des pays musulmans ayant, comme la [[Turquie]], adopté des lois [[Laïcité|laïques]]<ref>Bernard Lewis: ouvrages cités et mémoire ''Théorie islamique des Relations Internationales'' sur [http://www.memoireonline.com/11/07/692/m_theorie-islamique-des-relations-internationales4.html].</ref>. Le « ''Dar al-[[Kafir|Kufr]]'' » est donc un territoire qui a fait partie (ou devrait faire partie) du « ''Dar al-Islam'' » mais a rejoint le « ''Dar al-Harb'' ».
Le '''''Dar al-[[Kafir|Kufr]]''''' (en arabe : {{lang|ar|دار الكفر}}, « domaine des infidèles » ou « domaine de l'incroyance ») est une expression qui sert à désigner les territoires où la [[charia]] s'est appliquée, mais ne s'applique plus, comme dans le cas de la [[péninsule Ibérique]] après la [[reconquista]], de la [[Palestine (région)|Palestine]] sous la domination des [[États latins d'Orient]] ou de l'[[État d'Israël]], des pays musulmans colonisés par des [[Europe|européens]] ou encore des pays musulmans ayant, comme la [[Turquie]], adopté des lois [[Laïcité|laïques]]<ref>Bernard Lewis: ouvrages cités et mémoire ''Théorie islamique des Relations Internationales'' sur [http://www.memoireonline.com/11/07/692/m_theorie-islamique-des-relations-internationales4.html].</ref>. Le « ''Dar al-Kufr'' » est donc un territoire qui a fait partie (ou devrait faire partie) du « ''Dar al-Islam'' » mais a rejoint le « ''Dar al-Harb'' ».


Plus tardivement ({{s-|XV|e}}) apparaît dans l'[[Empire ottoman]] un « troisième domaine », intermédiaire entre les deux premiers, le '''''Dar al-'Ahd''''' ou « ''Dar al-Suhl'' » ([[arabe]] دار العهد « domaine du pacte » ou « de l'alliance ») pour décrire la relation du [[Dynastie ottomane|califat et sultanat ottoman]] avec ses vassaux chrétiens, tels que les [[Histoire de la Géorgie|royaumes géorgiens]] du [[Caucase]] ou les [[Principautés danubiennes|principautés roumaines]] qui lui versent un tribut, lui fournissent des troupes et protègent ses fidèles en échange de la paix<ref>[[Neagu Djuvara]]: ''Les Pays roumains entre Orient et Occident'', Publications Orientalistes de France, 1989.</ref>.
Plus tardivement ({{s-|XV}}) apparaît dans l'[[Empire ottoman]] un « troisième domaine », intermédiaire entre les deux premiers, le '''''Dar al-'Ahd''''' ou « ''Dar al-Suhl'' » (en arabe : {{lang|ar|دار العهد}} « domaine du pacte » ou « de l'alliance ») pour décrire la relation du [[Dynastie ottomane|califat et sultanat ottoman]] avec ses vassaux chrétiens, tels que les [[Histoire de la Géorgie|royaumes géorgiens]] du [[Caucase]] ou les [[Principautés danubiennes|principautés roumaines]] qui lui versent un tribut, lui fournissent des troupes et protègent ses fidèles en échange de la paix<ref>[[Neagu Djuvara]]: ''Les Pays roumains entre Orient et Occident'', Publications Orientalistes de France, 1989.</ref>.


== Appellations non canoniques ==
== Appellations non canoniques ==
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=== ''Dâr ash-Shahâda'' ===
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La [[laïcité]] en [[Turquie]], la [[Séparation de l'Église et de l'État|séparation des cultes et de l'État]] en [[France]] et ailleurs, sont des concepts récents qui ont suscité le concept de '''''Dâr ash-Shahâda''''' ([[arabe]] : دار الشهادة « domaine du témoignage »). Ce néologisme<ref>[[Recep Tayyip Erdoğan]] ou [[Tariq Ramadan]] ont, entre autres, utilisé le concept de « domaine du témoignage » (دار الشهادة)</ref>, définit le domaine géographique où le croyant musulman doit « porter témoignage de sa foi » en vivant au sein d'une société laïque, mais selon les préceptes de l'Islam.
La [[laïcité]] en [[Turquie]], la [[Séparation de l'Église et de l'État|séparation des cultes et de l'État]] en [[France]] et ailleurs, sont des concepts récents qui ont suscité le concept de '''''Dâr ash-Shahâda''''' (en arabe : {{lang|ar|دار الشهادة}} « domaine du témoignage »). Ce néologisme<ref>[[Recep Tayyip Erdoğan]] ou [[Tariq Ramadan]] ont, entre autres, utilisé le concept de « domaine du témoignage » ({{lang|ar|دار الشهادة}})</ref>, définit le domaine géographique où le croyant musulman doit « porter témoignage de sa foi » en vivant au sein d'une société laïque, mais selon les préceptes de l'Islam.


=== ''Dar al-Dawa'' ===
=== ''Dar al-Dawa'' ===


'''''Dar al-Dawa''''' ([[arabe]] : دار الدعوة « domaine de l'invitation ») est un autre néologisme utilisé pour décrire trois choses :
'''''Dar al-Dawa''''' (en arabe : {{lang|ar|دار الدعوة}} « domaine de l'invitation ») est un autre néologisme utilisé pour décrire trois choses :
* historiquement, l'[[Arabie heureuse|Arabie pré-islamique]] avant et pendant la vie de Mahomet ;
* historiquement, l'[[Arabie heureuse|Arabie pré-islamique]] avant et pendant la vie de Mahomet ;
* géographiquement, une région où vit une population modérément musulmane ou récemment convertie (à l'exemple des [[Aimak]]s d'[[Afghanistan]], des [[Kalash]] du [[Pakistan]], des [[Peuples turcs|populations turques]] ou [[Tadjiks|iranophones]] de l'[[Asie centrale]] ex-[[Union soviétique|soviétique]] ou [[Chine|chinoise]], de la plupart des [[Indonésie]]ns), population qui garde encore des traditions non-musulmanes et qui est « invitée » à adopter un islam « plus pur » ;
* géographiquement, une région où vit une population modérément musulmane ou récemment convertie (à l'exemple des [[Aimak]]s d'[[Afghanistan]], des [[Kalash (peuple)|Kalash]] du [[Pakistan]], des [[Peuples turcs|populations turques]] ou [[Tadjiks|iranophones]] de l'[[Asie centrale]] ex-[[Union soviétique|soviétique]] ou [[Chinois (nation)|chinoise]], de la plupart des [[Indonésiens]]), population qui garde encore des traditions non-musulmanes et qui est « invitée » à adopter un islam « plus pur » ;
* enfin, plus récemment les populations d'origine musulmane d'Occident, « désislamisées » (ou laïcisées), elles aussi « invitées » à revenir à davantage de pratique religieuse.
* enfin, plus récemment les populations d'origine musulmane d'Occident, « désislamisées » (ou laïcisées), elles aussi « invitées » à revenir à davantage de pratique religieuse.


=== ''Dar al-Amn'' ===
=== ''Dar al-Amn'' ===


'''''Dar al-Amn''''' ([[arabe]] : دار الأمن « domaine de la sécurité ») est un dernier néologisme parfois utilisé pour le statut des musulmans dans des pays non-islamiques, où aucune restriction légale ne heurte la pratique de l'Islam par ceux qui s'en réclament : cela vaut pour des pays traditionnels du « ''Dar al-'Ahd'' » ou « ''Dar al-Suhl'' » comme la [[Roumanie]], mais aussi pour des pays à minorités musulmanes, non-laïcs, où les religions se partagent l'espace public, comme les [[Pays-Bas]], l'[[Maurice (pays)|île Maurice]] ou bien l'[[Éthiopie]].
'''''Dar al-Amn''''' (en arabe : {{lang|ar|دار الأمن}} « domaine de la sécurité ») est un dernier néologisme parfois utilisé pour le statut des musulmans dans des pays non-islamiques, où aucune restriction légale ne heurte la pratique de l'Islam par ceux qui s'en réclament : cela vaut pour des pays traditionnels du « ''Dar al-'Ahd'' » ou « ''Dar al-Suhl'' » comme la [[Roumanie]], mais aussi pour des pays à minorités musulmanes, non-laïcs, où les religions se partagent l'espace public, comme les [[Pays-Bas]], l'[[Maurice (pays)|île Maurice]] ou bien l'[[Éthiopie]].


== Voir aussi ==
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La forme singulière arabe dar (en arabe : دار), traduite littéralement, peut vouloir dire « maison », « demeure », « domaine », « structure », « lieu », « terre » ou « pays ». Dans la jurisprudence islamique, elle fait souvent référence à une partie du monde.

Les notions de « maisons », de « domaines » ou de « divisions » du monde dans l'islam, telles que Dar al-Islam et Dar al-Harb, n'apparaissent ni dans le Coran ni dans la Sunna[1]. Selon le professeur Khaled Abou El Fadl, les seuls dar dont le Coran parle sont « la demeure de l'au-delà et la demeure de la vie terrestre, la première étant décrite comme étant nettement supérieure à la seconde »[2].

Dans le droit musulman classique, les divisions principales sont le Dar al-Islam (littéralement, le territoire de l'Islam), désignant les régions régies par la Charia[3], le Dar al-Sulh (littéralement, le territoire de l'accord) désignant les terres non musulmanes qui ont conclu un armistice avec un gouvernement musulman[4] et le Dar al-Harb (littéralement, le territoire de guerre), désignant les terres non-musulmanes frontalières dont les dirigeants sont appelés à se convertir à l'islam[5].

Les premiers fuqaha ont conçu ces termes pour désigner les règles juridiques relatives aux conquêtes musulmanes en cours, presque un siècle après Mahomet. L'imam Abou Hanifa et ses élèves Abou Youssouf et Al-Shaybânî ont été les premiers à utiliser ces termes. Au Cham voisin, cette division du monde a été introduite par al Awzâ'î puis, plus tard, par Ash-Shâfi'î.

Le concept de Dar al-Harb a été affecté par des changements historiques tels que la fragmentation politique du monde musulman à partir de 1258 et a peu de signification aujourd'hui[5]. La distinction théorique entre Dar al-Islam et Dar al-Harb est largement considérée comme inapplicable, et de nombreux fuqaha contemporains considèrent l'Occident comme appartenant au premier, car les musulmans occidentaux peuvent y pratiquer et prêcher librement leur foi[6].

Appellations canoniques[modifier | modifier le code]

Dar al-Islam et Dar al-Harb[modifier | modifier le code]

Dans la tradition musulmane, le monde est initialement divisé en seulement deux parties : Dar al-Islam ou « domaine de la soumission à Dieu » (en arabe : دار الإسلام) et Dar al-Harb, le « domaine de la guerre » (en arabe : دار الحرب). « Dar al-Islam » désigne initialement les pays où s'appliquent les différentes formes de doctrines normatives islamiques, puis, par extension, ceux à majorité musulmane et/ou gouvernés par des musulmans. Quant au « Dar al-Harb », ce sont les pays où l'Islam reste à apporter, le mot « Harb » signifiant "guerre" dans divers sens du terme, guerre militaire de conquête. Une troisième catégorie existe alors, Dar al-ahd, c'est-à-dire la catégorie de l'alliance dont de nombreux exemples historiques sont ainsi attestés dès l'époque prophétique : parmi d'autres, le plus célèbre est ainsi celui qui lie la première communauté des fidèles (la oumma) au royaume chrétien d'Abyssinie (actuelle Éthiopie).

Ces termes ne figurent pas dans le Coran ou les hadîths, mais apparaissent en relation avec les conquêtes des Omeyyades, des Abbassides et des Ottomans chez les théologiens qui définissent le « Dar al-Islam » comme l'ensemble des pays où l'on peut publiquement effectuer les cinq appels à la prière quotidiens, vivre selon les préceptes de l'Islam et élever des mosquées. Traditionnellement, dans ces territoires, le non-musulman a le statut de dhimmi (« protégés », mais des "protégés" qui doivent payer cette protection en payant une taxe qui, en retour, dispense de l'effort de guerre: le kharadj[7]). Sous dénomination, les peuples protégés étaient ainsi autorisés à pratiquer leur culte, conserver leurs lieux de prière et à juger et être jugés selon leurs propres législations[8].

Plus tard, la théologie musulmane évoluant et les relations des États musulmans avec le reste du monde se complexifiant, d'autres appellations apparaissent[9].

Les « Trois domaines » : Dar al-Islam, Dar al-Kufr (ou Harb) et Dar al-'Ahd (ou Suhl)[modifier | modifier le code]

Le Dar al-Kufr (en arabe : دار الكفر, « domaine des infidèles » ou « domaine de l'incroyance ») est une expression qui sert à désigner les territoires où la charia s'est appliquée, mais ne s'applique plus, comme dans le cas de la péninsule Ibérique après la reconquista, de la Palestine sous la domination des États latins d'Orient ou de l'État d'Israël, des pays musulmans colonisés par des européens ou encore des pays musulmans ayant, comme la Turquie, adopté des lois laïques[10]. Le « Dar al-Kufr » est donc un territoire qui a fait partie (ou devrait faire partie) du « Dar al-Islam » mais a rejoint le « Dar al-Harb ».

Plus tardivement (XVe siècle) apparaît dans l'Empire ottoman un « troisième domaine », intermédiaire entre les deux premiers, le Dar al-'Ahd ou « Dar al-Suhl » (en arabe : دار العهد « domaine du pacte » ou « de l'alliance ») pour décrire la relation du califat et sultanat ottoman avec ses vassaux chrétiens, tels que les royaumes géorgiens du Caucase ou les principautés roumaines qui lui versent un tribut, lui fournissent des troupes et protègent ses fidèles en échange de la paix[11].

Appellations non canoniques[modifier | modifier le code]

Sources[12] :

Dâr ash-Shahâda[modifier | modifier le code]

La laïcité en Turquie, la séparation des cultes et de l'État en France et ailleurs, sont des concepts récents qui ont suscité le concept de Dâr ash-Shahâda (en arabe : دار الشهادة « domaine du témoignage »). Ce néologisme[13], définit le domaine géographique où le croyant musulman doit « porter témoignage de sa foi » en vivant au sein d'une société laïque, mais selon les préceptes de l'Islam.

Dar al-Dawa[modifier | modifier le code]

Dar al-Dawa (en arabe : دار الدعوة « domaine de l'invitation ») est un autre néologisme utilisé pour décrire trois choses :

  • historiquement, l'Arabie pré-islamique avant et pendant la vie de Mahomet ;
  • géographiquement, une région où vit une population modérément musulmane ou récemment convertie (à l'exemple des Aimaks d'Afghanistan, des Kalash du Pakistan, des populations turques ou iranophones de l'Asie centrale ex-soviétique ou chinoise, de la plupart des Indonésiens), population qui garde encore des traditions non-musulmanes et qui est « invitée » à adopter un islam « plus pur » ;
  • enfin, plus récemment les populations d'origine musulmane d'Occident, « désislamisées » (ou laïcisées), elles aussi « invitées » à revenir à davantage de pratique religieuse.

Dar al-Amn[modifier | modifier le code]

Dar al-Amn (en arabe : دار الأمن « domaine de la sécurité ») est un dernier néologisme parfois utilisé pour le statut des musulmans dans des pays non-islamiques, où aucune restriction légale ne heurte la pratique de l'Islam par ceux qui s'en réclament : cela vaut pour des pays traditionnels du « Dar al-'Ahd » ou « Dar al-Suhl » comme la Roumanie, mais aussi pour des pays à minorités musulmanes, non-laïcs, où les religions se partagent l'espace public, comme les Pays-Bas, l'île Maurice ou bien l'Éthiopie.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Abdel Haleem, M. A., Understanding the Qur'an : themes and style, I.B. Tauris, , 244 p. (ISBN 978-1-4416-8136-2 et 1441681361, OCLC 698224481, lire en ligne), p. 68
  2. (en) Abou El Fadl, Khaled, 1963-, The great theft : wrestling Islam from the extremists, HarperSanFrancisco, (ISBN 978-0-06-118903-6 et 0061189030, OCLC 86073869, lire en ligne), p. 228
  3. (en) Dar al-Islam The Oxford Dictionary of Islam
  4. (en) Dar al-Sulh The Oxford Dictionary of Islam
  5. a et b (en) Dar al-Harb The Oxford Dictionary of Islam
  6. Jocelyn Hendrickson, « Law. Minority Jurisprudence », dans The Oxford Encyclopedia of the Islamic World, Oxford, John L. Esposito, [détail de l’édition] (lire en ligne)
    {{Article encyclopédique}} : l'usage du paramètre |périodique = Oxford University Press laisse présager
    Merci de consulter la documentation des modèles et de corriger l'article.
  7. 100 Fiches d'histoire du Moyen Âge, par Éric Limousin, p. 66 et Mohamed Talbi : Afin que mon cœur se rassure, éd. Nirvana, 2010, p.331
  8. (en) Wael Hallaq, Introduction to Islamic Legal Theories, Cambridge, Cambrige University Press, , 294 p. (ISBN 0521599865)
  9. Louis Gardet, Op. cit., Paris 1981.
  10. Bernard Lewis: ouvrages cités et mémoire Théorie islamique des Relations Internationales sur [1].
  11. Neagu Djuvara: Les Pays roumains entre Orient et Occident, Publications Orientalistes de France, 1989.
  12. Bernard Lewis : ouvrages cités et mémoire Théorie islamique des Relations Internationales sur [2].
  13. Recep Tayyip Erdoğan ou Tariq Ramadan ont, entre autres, utilisé le concept de « domaine du témoignage » (دار الشهادة)