« Motion de censure » : différence entre les versions

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La '''motion de censure''' est le principal moyen dont dispose un [[parlement]] pour montrer sa désapprobation envers la [[politique]] du [[gouvernement]] et le forcer à démissionner, autrement dit pour témoigner de sa défiance envers le gouvernement en place. Elle doit être souvent présentée par une fraction précise de députés (souvent au moins un dixième) et adoptée à la majorité absolue des membres constituant la chambre (certains pays prévoient même les deux tiers des voix pour des raisons de stabilité des gouvernements<ref>Sous la [[Quatrième République (France)|Quatrième République]] française, la majorité suffisait, ce qui — combiné au mode de représentation proportionnel — conduisait à une grande instabilité des gouvernements. On vit même [[Gouvernement Pierre Pflimlin|un gouvernement]] ne durer que deux semaines.</ref>).
La '''motion de censure''' est le principal moyen dont dispose un [[parlement]] pour montrer sa désapprobation envers la [[politique]] du [[gouvernement]] et le forcer à démissionner, autrement dit pour témoigner de sa défiance envers le gouvernement en place. Elle doit être souvent présentée par une fraction précise de députés (souvent au moins un dixième) et adoptée à la majorité absolue des membres constituant la chambre (certains pays prévoient même les deux tiers des voix pour des raisons de stabilité des gouvernements<ref>Sous la [[Quatrième République (France)|Quatrième République]] française, la majorité suffisait, ce qui — combiné au mode de représentation proportionnel — conduisait à une grande instabilité des gouvernements. On vit même [[Gouvernement Pierre Pflimlin|un gouvernement]] ne durer que deux semaines.</ref>).


Dans certains pays, le système est dit de « [[motion de censure constructive]] ». En clair, la motion doit prévoir le nom d'un remplaçant au [[chef du gouvernement]] renversé. Tel est le cas de l'[[Allemagne]] (Article 67 de la Loi Fondamentale, 1949), de l'[[Arménie]], de la [[Belgique]], de l'[[Espagne]] (Article 113 de la Constitution espagnole, 1978), de la [[Pologne]] et de la [[Tunisie]].
Dans certains pays, le système est dit de « [[motion de censure constructive]] » : la motion doit prévoir le nom d'un remplaçant au [[chef du gouvernement]] renversé. C'est le cas de l'[[Allemagne]] (Article 67 de la Loi Fondamentale, 1949), de l'[[Arménie]], de la [[Belgique]], de l'[[Motion de censure en Espagne|Espagne]] (Article 113 de la Constitution espagnole, 1978), de la [[Pologne]] et de la [[Tunisie]].


La motion de censure s’applique aussi bien au sein de [[Régime semi-présidentiel|régimes semi-présidentiels]], comme celui de la [[France]], que de [[Régime parlementaire|régimes parlementaires]] comme au [[Royaume-Uni]].
La motion de censure s’applique aussi bien au sein de [[Régime semi-présidentiel|régimes semi-présidentiels]], comme celui de la [[France]], que de [[Régime parlementaire|régimes parlementaires]] comme au [[Royaume-Uni]].
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Dans un [[régime parlementaire]], le [[parlement]] joue un rôle fondamental de contrôle du [[gouvernement]] (outre ses attributions classiques d’élaboration de la loi et de vote du budget). Ce contrôle peut conduire à la remise en cause du gouvernement et de sa politique, dans le cadre de la mise en jeu de la responsabilité ministérielle selon différentes techniques (dont la motion de censure).
Dans un [[régime parlementaire]], le [[parlement]] joue un rôle fondamental de contrôle du [[gouvernement]] (outre ses attributions classiques d’élaboration de la loi et de vote du budget). Ce contrôle peut conduire à la remise en cause du gouvernement et de sa politique, dans le cadre de la mise en jeu de la responsabilité ministérielle selon différentes techniques (dont la motion de censure).


Le droit de remettre en cause la responsabilité du gouvernement est souvent le fait de la seule [[chambre basse]] ([[Cinquième République (France)|V<sup>e</sup> République française]], [[Espagne]], [[Allemagne]]) mais est parfois confié au deux chambres ([[Italie]], [[Troisième République (France)|III<sup>e</sup> République française]])<ref name=":0" />.
Le droit de remettre en cause la responsabilité du gouvernement est souvent le fait de la seule [[chambre basse]] ([[Cinquième République (France)|V<sup>e</sup> République française]], [[Espagne]], [[Allemagne]]) mais est parfois confié aux deux chambres ([[Italie]], [[Troisième République (France)|III<sup>e</sup> République française]])<ref name=":0">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Pauline Türk|titre=Mémentos LMD Principes fondamentaux de droit constitutionnel|passage=pages 137 à 142|éditeur=Gualino éditeurs|date=2017|pages totales=232|isbn=}}</ref>.


== France ==
== France ==
{{Article détaillé|Motion de censure en France}}


=== Assemblée nationale ===
=== Assemblée nationale ===
[[File:Assemblée nationale-2 (46824158164).jpg|vignette|Hémicycle de l’[[Assemblée nationale (France)|Assemblée nationale]] en 2018.]]
[[File:Assemblée nationale-2 (46824158164).jpg|vignette|Hémicycle de l’[[Assemblée nationale (France)|Assemblée nationale]] en 2018.]]

==== Troisième République ====
==== Troisième République ====
Durant la [[Troisième République (France)|IIIème République]], il n'existait pas de procédure formelle de censure, mais une procédure dite ''d'interpellation'', très peu encadrée par les [[lois constitutionnelles de 1875]]. N'importe quel parlementaire, député ou sénateur, pouvait ''interpeller'' n'importe quel membre du gouvernement à n'importe quel moment des débats parlementaires, provoquant immédiatement un débat débouchant sur un vote. Le gouvernement n'était pas obligé de démissionner à l'issue de ce vote, mais, dans les faits, un vote négatif était un désaveu politique, ce qui signifiait par la suite l'impossibilité d'obtenir l'adoption des textes qu'il portait et donc l'impossibilité de gouverner.
Durant la Troisième et la Quatrième République, le gouvernement pouvait être renversé facilement du fait des conditions relativement souples de mise en jeu de la responsabilité ministérielle<ref name=":0">{{Ouvrage|langue=français|auteur1=Pauline Türk|titre=Mémentos LMD Principes fondamentaux de droit constitutionnel|passage=pages 137 à 142|lieu=|éditeur=Gualino éditeurs|date=2017|pages totales=232|isbn=|lire en ligne=}}</ref>.


Cependant, contrairement à l'idée reçue, bien souvent, la démission du gouvernement ne signifiait pas un changement de cap majeur : il était fréquent qu'un ministre traverse plusieurs gouvernements d'affilée, voire que le président du Conseil cède sa place à un autre membre du gouvernement, sans pour autant quitter le gouvernement, une caractéristique qui se retrouvera sous la {{IVe}} République.
Les gouvernements des deux républiques devaient toute leur légitimité au parlement, le président de la République ne faisant guère que les proposer aux assemblées, auxquelles il devait d'ailleurs lui aussi sa fonction. Un soutien trop faible du parlement, même sans que la censure soit votée, les conduisait souvent à démissionner.


En outre, si les lois constitutionnelles de 1875 prévoient bien un droit de dissolution afin de contrer une censure, d'une part, la dissolution est aux mains du président de la République et non du gouvernement, et d'autre part, elle devient de facto inutilisable à partir de la [[Crise du 16 mai 1877|crise du 16 mai]] et la [[Constitution Grévy|Constitution Grevy]], déséquilibrant durablement la logique [[Régime parlementaire|parlementaire]] du régime.
La motion de censure sous la [[Troisième République (France)|{{IIIe}} République]] fonctionnait sous la forme du [[droit d'interpellation]], un seul député pouvait « interpeller » le gouvernement, et la Chambre voter après débat un texte qui, lorsqu'il était défavorable au gouvernement, entraînait son départ.


==== Quatrième République ====
==== Quatrième République ====
Sous la [[Quatrième République (France)|{{IVe}} République]], l’Assemblée Nationale est plus puissante que le Sénat. Le Sénat n’a plus la responsabilité de renverser le gouvernement et le Sénat perd son pouvoir d’avis conforme. L’Assemblée Nationale peut renverser le gouvernement soit en rejetant une question de confiance posée par celui-ci soit en prenant l’initiative, en votant une motion de censure.
Sous la [[Quatrième République (France)|{{IVe}} République]], une procédure formalisée est mise en place pour procéder à la censure d'un gouvernement, afin de tenter de limiter l'instabilité ministérielle :


* Le gouvernement n'est plus responsable que devant les députés (conséquence logique du fait qu'il n'existe pas de pouvoir de dissolution du Sénat).
Selon la [[Constitution française du 27 octobre 1946|constitution du 27 octobre 1946]], « Le vote par l'[[Assemblée nationale (Quatrième République)|Assemblée nationale]] d'une motion de censure entraîne la démission collective du cabinet. Ce vote ne peut intervenir qu'un jour franc après le dépôt de la motion. Il a lieu au scrutin public. La motion de censure ne peut être adoptée qu'à la majorité absolue des députés à l'Assemblée. »<ref>Article 50 de la [[s:Constitution du 27 octobre 1946|Constitution du 27 octobre 1946]], avant la loi constitutionnelle du 7 décembre 1954</ref>.
* La censure ne passe plus par l'interpellation d'un ministre, mais par le dépôt d'une motion de censure (qui peut cependant toujours être déposée par un député seul) à l'encontre de l'ensemble du gouvernement.
* Cette motion ne donne pas lieu à un débat immédiatement, mais 24 heures plus tard, afin de permettre une concertation des groupes politiques et d'inciter à limiter le recours aux motions de censure, qui ralentissent bien plus le travail législatif que l'interpellation sous la IIIème République.
* La motion doit être adoptée à la majorité absolue des membres de l'Assemblée nationale (et non à la majorité des voix exprimées). La Constitution fait cependant l'erreur de conserver le décompte des voix des absents et des abstentions, ce qui permet d'obtenir un résultat où il y a eu plus de votes pour la censure que de votes contre, sans pour autant atteindre la majorité absolue (on parle alors de "vote calibré") : le gouvernement est politiquement désavoué, mais la censure, au sens formel du terme, n'est pas atteinte, et la démission quasi systematique du gouvernement qui s'ensuit n'est pas comptabilisée comme une "crise ministérielle" permettant de s'approcher de la dissolution.
* Enfin, la dissolution n’est plus taboue : elle est explicitement prévue comme un mécanisme fait pour jouer lorsque nécessaire. Cependant, la difficulté technique évoquée ci-dessus sur la manière de comptabiliser les "crises ministérielles" au sens où l'entend la Constitution (voir aussi [[Dissolution parlementaire (France)#Le maintien d'une proc%C3%A9dure contraignante dans la constitution d%C3%A9finitive|Dissolution parlementaire (France)]]) entraîne une inutilité de fait du mécanisme de dissolution, puisqu'elle n'est plus à la main du gouvernement mais au choix de l'Assemblée nationale, déséquilibrant là aussi la logique parlementaire du régime.


Les projets de révisions constitutionnelles de [[Projet de révision constitutionnelle de Félix Gaillard|Félix Gaillard]] et de [[Pierre Pflimlin]], avortés, prévoyaient chacun à leur manière des mécanismes afin de mettre fin à l'instabilité :
La responsabilité ministérielle pouvait s’exercer après l’entrée en fonction du gouvernement, à l’initiative des parlementaires via une motion de censure (qui a remplacé l’interpellation).


* Projet Gaillard :
La motion de censure était déjà rationalisée puisque les votes de censure étaient acquis à la majorité absolue des membres de l’Assemblée, ils interviennent après un délai de réflexion de vingt-quatre heures et se déroulent au scrutin public<ref name=":0" />.
** ''Engagement de la responsabilité du gouvernement sur un texte'' (qui sera repris sous la forme de l'[[Article 49 alinéa 3 de la Constitution de la Cinquième République française|article 49 alinéa 3]] de la Constitution de la Vème République),

** Obligation de venir voter soit ''pour'' la motion de confiance demandée par le gouvernement, soit ''pour'' la motion de défiance qui lui fait face, sans abstention possible (sous peine de déchéance du mandat), afin de mettre fin à la pratique du vote calibré,
Dans la pratique, dès la première application ({{date-|janvier 1947}}), le gouvernement se trouvant mis en cause par une majorité relative, il va démissionner considérant qu’il est désapprouvé alors qu’il n’y a pas de majorité absolue contre lui. Créant un précédent, il va pervertir le système jusqu’à la fin de la {{IVe}} République et l’instauration de la {{Ve}} en 1958.
** Et droit de dissolution largement facilité pour le gouvernement.

* Projet Pflimlin :
L’habitude s’est prise à tenir compte de la majorité relative alors que le texte de la constitution devait requérir une majorité absolue. À l’époque on appelle cela « une crise politique » et non « une crise constitutionnelle », inconscients des implications pour le système tout entier. Les ministres du gouvernement qui étaient mis en minorité car il y avait une majorité relative contre eux démissionnent. À l’époque il n’y a pas d’incompatibilité ministérielle, le ministre quittant son ministère retrouve instantanément son siège. Ce système sera interdit par la suite par le Président De Gaulle puis rétabli dans de moindres mesures sous la présidence Sarkozy.
** Prise en compte de la démission du gouvernement comme "crise ministérielle",
** Et [[motion de censure constructive]].


==== Cinquième République ====
==== Cinquième République ====
Elle est réformée en 1958 dans le but d'assurer la stabilité gouvernementale.
Elle est réformée en 1958 dans le but d'assurer la stabilité gouvernementale. Le constituant de 1958 encadre un peu plus les conditions de dépôt et de vote d'une motion de censure :


* Elle ne peut plus être déposée par un député seul, mais par un dixième des membres de l'Assemblée nationale (ce qui, en 2023, signifie 58 députés minimum lorsqu'aucun siège n'est vacant).
En application de la technique de rationalisation du parlementarisme, le Constituant de 1958 encadre strictement les conditions de dépôt et de vote de la motion de censure. L'[[Article 49 de la Constitution de la Cinquième République française|article 49 de la Constitution]] prévoit notamment qu’une telle motion « n’est recevable que si elle est signée par au moins un dixième des membres de l’Assemblée Nationale » (soit 57,7 arrondi à 58), que « le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt » et que « seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’Assemblée »<ref name=":0" />.
* Chaque député ne peut plus signer (hors motions de censures déposées en réponse à un engagement de la responsabilité du gouvernement sur le vote d'un texte) que trois motions de censure par session parlementaire ordinaire, et une par session extraordinaire.
* Le délai entre dépôt et vote de la motion est augmenté de 24 à 48 heures.
* Enfin et surtout, afin d'éviter la pratique du vote calibré expliquée ci-dessus, seules les voix favorables à la censure sont recensées. Ainsi, les non-votants et les abstentions deviennent équivalents à des voix contre la censure : dans les faits, ne viennent voter que les députés souhaitant la censure.


Par ailleurs, le droit de dissolution est rendu inconditionnel. Cependant, il est attribué au président de la République et non au Premier ministre, ce qui aboutit non pas à un régime parlementaire, mais à un [[régime semi-présidentiel]].
Selon la [[Constitution française du 4 octobre 1958|constitution du 4 octobre 1958]] toujours, « lorsque l’[[Assemblée nationale (France)|Assemblée nationale]] adopte une motion de censure ou lorsqu’elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le [[Premier ministre français|Premier Ministre]] doit remettre au président de la République la démission du [[Gouvernement de la République française|Gouvernement]] ».


== Royaume-Uni ==
Selon l'Article 27 de la Constitution, il est possible pour un député de déléguer son vote pour l’adoption d’une motion de censure s’il est absent le jour du vote<ref name=":1">{{Ouvrage|langue=français|auteur1=Guy Carcassonne et Marc Guillaume|titre=La Constitution|passage=pages 249 à 259|lieu=|éditeur=Éditions du Seuil|date=2016|pages totales=479 pages|isbn=|lire en ligne=}}</ref>.
{{Section à sourcer|date=janvier 2021}}
Si le chef d'État est irresponsable, le cabinet ministériel, lui, est solidairement responsable devant la [[Chambre des communes du Royaume-Uni|Chambre des communes]]. Celle-ci peut le renverser en votant une motion de censure (''motion of no confidence''), en refusant de voter l’adresse royale (lors de la [[Cérémonie d'ouverture du Parlement du Royaume-Uni]] ou en rejetant le budget<ref name=":0" />).


En Grande-Bretagne, le [[Premier ministre du Royaume-Uni|Premier ministre]] détient une double légitimité car il est à la fois le chef du gouvernement (légitimité constitutionnelle) ainsi que le chef du parti majoritaire (légitimité politique). Il est issu de la majorité parlementaire élue durant les élections législatives. Pour cela, le Premier ministre britannique doit détenir une majorité parlementaire forte tout au long de son mandat (5 ans) qui est censée garantir une stabilité politique entre le gouvernement et la [[Chambre des communes du Royaume-Uni|Chambres des communes]].
Le Premier ministre peut démissionner volontairement mais la motion de censure est le seul moyen de le forcer à démissionner ([[François Mitterrand|Mitterrand]] : « Le Premier ministre, qui met en œuvre la politique de la majorité parlementaire, ne peut être révoqué que par elle. »)<ref name=":1" />.


Selon le [[système de Westminster]] en vigueur au [[Royaume-Uni]], le gouvernement est responsable devant la Chambre des communes, ce qui signifie que le [[Premier ministre du Royaume-Uni|Premier ministre]] ne peut se maintenir au pouvoir s'il n'y dispose pas d'une majorité.
===== Dépôt d'une motion de censure à l'initiative des députés =====
{{Article détaillé|Article 49 de la Constitution de la Cinquième République française#La motion de censure (49 alinéa 2)}}


Si le gouvernement perd la confiance de la Chambre des communes, celle-ci dispose de deux mécanismes de révocation : elle peut refuser une motion de confiance de la part du gouvernement ou bien procéder à une motion de défiance.
L’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d'une motion de censure. Une telle motion n'est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l'Assemblée nationale (donc {{nombre|58|députés}}). Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure, résultant deux conséquences : d’une part, l’abstention profite au gouvernement, d’autre part, ce n’est pas celui-ci qui doit prouver qu’une majorité le soutient, c’est l’opposition qui doit démontrer qu’elle réunit la majorité absolue des députés<ref name=":1" />.


Entre 1911 et 2011, le Premier ministre opérait une dissolution de la chambre des communes avant la fin du mandat parlementaire s’il le souhaitait. Cela lui permettait de renouveler sa majorité ainsi de choisir le thèmes des prochaines élections. Ainsi, cette forme de dissolution était une véritable stratégie électorale.
La motion ne peut être adoptée qu'à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée.


Mais en 2011, David Cameron reforme radicalement le droit de dissolution avec le [[Fixed-term Parliaments Act 2011|Fix Term Parliament act]]<ref>{{Lien web|titre=Un tournant de la culture constitutionnelle britannique : le Fixed-Term Parliaments Act 2011 et l'amorce inédite de rationalisation du système parlementaire de gouvernement au Royaume-Uni|url=http://juspoliticum.com/article/Un-tournant-de-la-culture-constitutionnelle-britannique-le-Fixed-Term-Parliaments-Act-2011-et-l-amorce-inedite-de-rationalisation-du-systeme-parlementaire-de-gouvernement-au-Royaume-Uni-530.html|site=juspoliticum.com|consulté le=2019-03-31}}</ref> : le Premier ministre ne peut plus dissoudre avant la fin du mandat parlementaire. La dissolution n’est possible que dans deux cas :
Depuis la réforme de 1995<ref name="vipu">{{Lien web|langue=fr|titre=La motion de censure : véritable moyen de contrôle ? 49.3 - Approfondissements Découverte des institutions - Repères - vie-publique.fr|url=https://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/motion-censure-veritable-moyen-controle.html|site=www.vie-publique.fr|date=2018-06-30|consulté le=2019-03-30}}</ref> instaurant la session unique, un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure au cours d'une même session ordinaire et de plus d'une au cours d'une même session extraordinaire, afin d'éviter tout abus.

Entre 1958 et 2018, l'Assemblée nationale a discuté 58 motions de censure « spontanées »<ref name="492siteAN">{{Lien web|url=http://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/engagements-49-2.asp|titre= Motions de censure depuis 1958|consulté le = 3 octobre 2018|date=6 mars 2015|site= www.assemblee-nationale.fr}} et {{Lien web|url=http://www2.assemblee-nationale.fr/dans-l-hemicycle/engagements-de-responsabilite-du-gouvernement-et-motions-de-censures#node_23387|titre= Engagements de responsabilité du Gouvernement et motions de censures|consulté le = 3 octobre 2018|site= www.assemblee-nationale.fr}}</ref> ; [[Article 49 de la Constitution de la Cinquième République française#La censure du 5 octobre 1962|une seule motion]] a été approuvée, en 1962. L’adoption de la censure ne destitue pas le gouvernement mais il contraint le Premier ministre à rendre sa démission et celle de son gouvernement. Cependant, après l’adoption de la motion de censure de 1962, de Gaulle a explicitement « invité le gouvernement à continuer d’assurer ses fonctions jusqu’au début de la prochaine législature »<ref name=":1" />.

===== Dépôt d'une motion de censure après l'engagement de la responsabilité du gouvernement sur le vote d'un texte =====
{{Article détaillé|Article 49 de la Constitution de la Cinquième République française#L'engagement de responsabilité sur un texte (49 alinéa 3)}}
Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote de tout ou partie du texte d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté sans débat, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent par un dixième des membres de l'Assemblée Nationale, est votée à la majorité absolue. Contrairement à la motion de censure spontanée, un député peut signer autant de motions de censure offensives qu'il veut. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session<ref name="vipu" />.

Entre 1958 et 2018, l'Assemblée nationale a discuté 51 motions faisant suite à un engagement de responsabilité du Gouvernement sur un texte<ref name="493siteAN">{{Lien web|titre=Engagements de responsabilité et motions de censure (art.49, al.3)|url=http://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/engagements-49-3.asp|site=www.assemblee-nationale.fr|date=10 mai 2016|consulté le=30 avril 2017}}.</ref> (aussi appelées « motions offensives »<ref>{{Lien web|langue=fr-FR|nom1=Universalis|prénom1=Encyclopædia|titre=MOTION DE CENSURE|url=http://www.universalis.fr/encyclopedie/motion-de-censure/|site=Encyclopædia Universalis|consulté le=2019-03-30}}</ref>) ; aucune n’a été approuvée. Mais si une motion offensive venait à être adoptée, le gouvernement serait tenu de démissionner et le texte concerné serait automatiquement rejeté.

=== Corse ===
En [[Corse]], le terme utilisé est ''[[motion de défiance]]'' mais il connaît les mêmes règles formelles que la motion de censure prévue sur le plan national en [[France]]. L'[[Assemblée de Corse]] peut l'utiliser pour renverser le [[Conseil exécutif de Corse]]{{refnec}}.

=== Polynésie française ===
La mise en cause de la responsabilité du président de la Polynésie française et du gouvernement de la Polynésie française par l'[[assemblée de la Polynésie française]] est appelée « motion de censure » dans l'article 156<ref>{{Lien web|langue=fr|auteur1=|titre=Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française - Article 156|url=https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=D63C704A74AC853C0BDB6F5C03DF5B90.tpdjo06v_3?idArticle=LEGIARTI000006399493&cidTexte=JORFTEXT000000435515&dateTexte=20080209|site=[[Légifrance|legifrance.gouv.fr]]|périodique=|date=|consulté le=6 janvier 2019}}</ref> de la [[loi organique]] {{date-|27 février 2004}} portant statut d'autonomie de la Polynésie française, dans sa rédaction valable jusqu'au renouvellement de l'assemblée, et « motion de défiance » dans sa version en vigueur au {{date-|10 février 2008}}<ref>{{Lien web|langue=fr|auteur1=|titre=Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française - Article 156|url=https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=D63C704A74AC853C0BDB6F5C03DF5B90.tpdjo06v_3?idArticle=LEGIARTI000017854528&cidTexte=JORFTEXT000000435515&dateTexte=20080505|site=[[Légifrance|legifrance.gouv.fr]]|périodique=|date=|consulté le=6 janvier 2019}}</ref>.

=== Martinique ===
{{Refnec|L'[[assemblée de Martinique]] peut adopter une motion de défiance constructive à l'encontre du conseil exécutif. Celle-ci doit être signée par au moins un tiers des membres de l'assemblée et doit indiquer la liste des membres du conseil exécutif appelé à remplacer le conseil exécutif contre lequel la motion est déposée. Une motion de défiance ne peut être adoptée qu'à la majorité des trois cinquièmes des membres de l'assemblée : si elle est adoptée, les fonctions des membres du conseil exécutif cessent de plein droit et les candidats aux fonctions de président du conseil exécutif et de conseiller exécutif qui figurent sur la motion sont déclarés élus et entrent immédiatement en fonction. Cette motion de défiance constructive est similaire à la motion de défiance qui existe dans la collectivité territoriale de Corse. Elle est donc comparable à la motion de censure qui peut être utilisée par l'Assemblée nationale pour renverser le Gouvernement sur le plan national.}}

== Royaume-Uni ==
{{Section à sourcer|date=janvier 2021}}
Si le chef d'État est irresponsable, le cabinet ministériel, lui, est solidairement responsable devant la [[Chambre des communes du Royaume-Uni|Chambre des communes]]. Celle-ci peut le renverser en votant une motion de censure (''motion of non confidence''), en refusant de voter l’adresse royale (lors de l'[[Ouverture de Parlement]] ou en rejetant le budget<ref name=":0" />).

En Grande-Bretagne, le [[Premier ministre du Royaume-Uni|Premier ministre]] détient une double légitimité car il est à la fois le chef du gouvernement (légitimité constitutionnelle) ainsi que le chef du parti majoritaire (légitimité politique). Il est issu de la majorité parlementaire élue durant les élections législatives. Pour cela, le Premier ministre britannique doit détenir une majorité parlementaire forte tout au long de son mandat (5 ans) qui est censée garantir une stabilité politique entre le gouvernement et la [[Chambre des communes du Royaume-Uni|Chambres des communes]].
Selon le [[système de Westminster]] en vigueur au [[Royaume-Uni]], le gouvernement est responsable devant la Chambre des communes ce qui signifie que le [[Premier ministre du Royaume-Uni|Premier ministre]] ne peut se maintenir au pouvoir s'il n'y dispose pas d'une majorité.

Si le gouvernement perd la confiance de la Chambre des communes, celle-ci dispose de deux mécanismes de révocation : elle peut refuser une motion de confiance de la part du gouvernement ou bien procéder à une motion de défiance.
Entre 1911 et 2011, le premier ministre opérait à une dissolution de la chambre des communes avant la fin du mandat parlementaire s’il le souhaitait. Cela lui permettait de renouveler sa majorité ainsi de choisir le thèmes des prochaines élections. Ainsi, cette forme de dissolution était une véritable stratégie électorale.
Mais en 2011, David Cameron reforme radicalement le droit de dissolution avec le {{Lien|trad=Fixed-term_Parliaments_Act_2011|fr=Fixed-term_Parliaments_Act_2011|texte=Fix Term Parliament act}}<ref>{{Lien web|titre=Un tournant de la culture constitutionnelle britannique : le Fixed-Term Parliaments Act 2011 et l'amorce inédite de rationalisation du système parlementaire de gouvernement au Royaume-Uni|url=http://juspoliticum.com/article/Un-tournant-de-la-culture-constitutionnelle-britannique-le-Fixed-Term-Parliaments-Act-2011-et-l-amorce-inedite-de-rationalisation-du-systeme-parlementaire-de-gouvernement-au-Royaume-Uni-530.html|site=juspoliticum.com|consulté le=2019-03-31}}</ref> : le Premier ministre ne peut plus dissoudre avant la fin du mandat parlementaire. La dissolution n’est possible que dans deux cas :


=== Auto-dissolution ===
=== Auto-dissolution ===

La Chambre des Communes décide elle-même de sa dissolution grâce au vote d’une résolution à la majorité des 2/3 de ses membres.
La Chambre des Communes décide elle-même de sa dissolution grâce au vote d’une résolution à la majorité des 2/3 de ses membres.


=== Dissolution automatique ===
=== Dissolution automatique ===
La dissolution fait suite à l’adoption par la chambre des communes d’une motion de censure contre le gouvernement et à son incapacité de voter la confiance à un autre gouvernement dans un intervalle de 14 jours.
La dissolution fait suite à l’adoption par la chambre des communes d’une motion de censure contre le gouvernement et à son incapacité de voter la confiance à un autre gouvernement dans un intervalle de 14 jours.

Lorsque la Chambre des communes prononce une motion de censure contre le gouvernement, celle ci est mise au défi de nommer un nouveau chef de gouvernement dans un délai de 14 jours. Dans le cas contraire, elle devrait subir une « dissolution automatique » qui mènerait à de nouvelles élections législatives.
Lorsque la Chambre des communes prononce une motion de censure contre le gouvernement, elle doit nommer un nouveau chef de gouvernement dans un délai de 14 jours. Dans le cas contraire, elle devrait subir une « dissolution automatique » qui mènerait à de nouvelles élections législatives.


=== Exemples ===
=== Exemples ===
Le vote d'une motion de défiance n'entraîne aucune démission immédiate mais, par convention, le Premier ministre demande une dissolution rapide du Parlement et des élections générales. Si le Premier ministre se refuse à demander une dissolution, le [[Reine d'Angleterre|Souverain]] a, en théorie, toute latitude pour dissoudre le Parlement de son propre chef ou pour démettre le gouvernement. Une telle mesure représenterait une rupture majeure de la convention constitutionnelle, sans précédent à l'époque moderne.
Le vote d'une motion de défiance n'entraîne aucune démission immédiate mais, par convention, le Premier ministre demande une dissolution rapide du Parlement et des élections générales. Si le Premier ministre se refuse à demander une dissolution, le [[Reine d'Angleterre|Souverain]] a, en théorie, toute latitude pour dissoudre le Parlement de son propre chef ou pour démettre le gouvernement. Une telle mesure représenterait une rupture majeure de la convention constitutionnelle, sans précédent à l'époque moderne.


En pratique, les mécanismes de mise en jeu de la responsabilité ministérielle ne sont plus utilisés dès lors que le cabinet bénéficie du soutien d’une large et stable majorité pendant toute la durée de la législature. En conséquence, on ne compte guère que deux gouvernements renversés tout au long du XXe siècle (le [[Ramsay MacDonald#Premier gouvernement (1924)|gouvernement MacDonald]] en 1924 et le [[gouvernement Callaghan]] en 1979)<ref name=":0" />.
En pratique, les mécanismes de mise en jeu de la responsabilité ministérielle ne sont plus utilisés dès lors que le cabinet bénéficie du soutien d’une large et stable majorité pendant toute la durée de la législature. En conséquence, on ne compte guère que deux gouvernements renversés tout au long du XX<sup>e</sup> siècle (le [[Ramsay MacDonald#Premier gouvernement (1924)|gouvernement MacDonald]] en 1924 et le [[gouvernement Callaghan]] en 1979)<ref name=":0" />.


Le {{date-|28 mars 1979}}, la Chambre a voté une motion de censure, sur proposition du chef de l'opposition de l'époque, [[Margaret Thatcher]], par 311 voix contre 310. En conséquence, le Premier ministre de l'époque, [[James Callaghan]], a demandé la dissolution du Parlement. À l'issue des élections générales qui ont suivi, le parti conservateur a obtenu une majorité des sièges à la Chambre et Mme Thatcher a été invitée à former le gouvernement.
Le {{date-|28 mars 1979}}, la Chambre a voté une motion de censure, sur proposition du chef de l'opposition de l'époque, [[Margaret Thatcher]], par 311 voix contre 310. En conséquence, le Premier ministre de l'époque, [[James Callaghan]], a demandé la dissolution du Parlement. À l'issue des élections générales qui ont suivi, le parti conservateur a obtenu une majorité des sièges à la Chambre et Mme Thatcher a été invitée à former le gouvernement.


Entre 1991 et 2004, six motions de censure ont été déposées : deux motions de censure contre le gouvernement et quatre motions exprimant des critiques contre des ministres. Toutes les six ont été proposées par l'opposition et aucune n'a été acceptée par la Chambre.
Entre 1991 et 2004, six motions de censure ont été déposées : deux motions de censure contre le gouvernement et quatre motions exprimant des critiques contre des ministres. Toutes les six ont été proposées par l'opposition et aucune n'a été acceptée par la Chambre.


Tout se passe comme si le gouvernement assumait la responsabilité de ses actes non plus devant le Parlement, dont la majorité lui est acquise, mais devant le peuple et devant le parti.<br />
Tout se passe comme si le gouvernement assumait la responsabilité de ses actes non plus devant le Parlement, dont la majorité lui est acquise, mais devant le peuple et devant le parti.


== Union européenne ==
== Union européenne ==
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== Rationalisation du parlementarisme ==
== Rationalisation du parlementarisme ==
La [[Parlementarisme rationalisé|rationalisation du parlementarisme]] consiste dans la réglementation précise des mécanismes de collaboration des pouvoirs. Elle se traduit notamment par l’encadrement stricte des conditions d’engagement de la responsabilité ministérielle (et de la dissolution), afin d’assurer la pérennité de l’équilibre des pouvoirs et donc de favoriser la stabilité gouvernementale<ref name=":0" />.
La [[Parlementarisme rationalisé|rationalisation du parlementarisme]] consiste dans la réglementation précise des mécanismes de collaboration des pouvoirs. Elle se traduit notamment par l’encadrement strict des conditions d’engagement de la responsabilité ministérielle (et de la dissolution), afin d’assurer la pérennité de l’équilibre des pouvoirs et donc de favoriser la stabilité gouvernementale<ref name=":0" />.


{{passage non pertinent|Le [[parlementarisme]] rationalisé cherche à remédier à ce problème de deux façons : d'une part, dans la rédaction de la Constitution, en renforçant le gouvernement face au Parlement, en rendant son renversement plus difficile ; d'autre part, par le biais du [[droit électoral]], en essayant de favoriser des majorités parlementaires claires et stables, à même de soutenir la politique du gouvernement pendant toute la législature. On parle respectivement de rationalisation technique et politique.}}
{{passage non pertinent|Le [[parlementarisme]] rationalisé cherche à remédier à ce problème de deux façons : d'une part, dans la rédaction de la Constitution, en renforçant le gouvernement face au Parlement, en rendant son renversement plus difficile ; d'autre part, par le biais du [[droit électoral]], en essayant de favoriser des majorités parlementaires claires et stables, à même de soutenir la politique du gouvernement pendant toute la législature. On parle respectivement de rationalisation technique et politique.}}
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== Voir aussi ==
== Voir aussi ==
{{Autres projets|wikt=motion de censure}}
{{Autres projets|wikt=motion de censure}}

=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
*[[Motion de censure constructive]]
* [[Motion de censure constructive]]
*[[Parlementarisme rationalisé]]
* [[Parlementarisme rationalisé]]
*[[Article 49 de la Constitution de la Cinquième République française|Article 49]] de la Constitution française de 1958
* [[Article 49 de la Constitution de la Cinquième République française|Article 49]] de la Constitution française de 1958


=== Liens externes ===
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* [http://www.ina.fr/economie-et-societe/vie-economique/video/CAC92036198/assemblee-nationale-beregovoy-sur-la-censure.fr.html Assemblée Nationale : Bérégovoy sur la censure] sur le site de l'INA
* [http://www.ina.fr/economie-et-societe/vie-economique/video/CAC92036198/assemblee-nationale-beregovoy-sur-la-censure.fr.html Assemblée Nationale : Bérégovoy sur la censure] sur le site de l'INA
* [http://www.const-court.be/fr/textes_base/textes_base_constitution.html Texte de base de la constitution Belge]
* [http://www.const-court.be/fr/textes_base/textes_base_constitution.html Texte de base de la constitution Belge]
* [http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/motion-censure-veritable-moyen-controle.html « La motion de censure : véritable moyen de contrôle ? »] sur le portail [http://www.vie-publique.fr/ vie-publique.fr], un service de la Documentation française
* [http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/motion-censure-veritable-moyen-controle.html « La motion de censure : véritable moyen de contrôle ? »] sur le portail [http://www.vie-publique.fr/ vie-publique.fr], un service de la Documentation française



Dernière version du 29 mars 2024 à 15:45

La motion de censure est le principal moyen dont dispose un parlement pour montrer sa désapprobation envers la politique du gouvernement et le forcer à démissionner, autrement dit pour témoigner de sa défiance envers le gouvernement en place. Elle doit être souvent présentée par une fraction précise de députés (souvent au moins un dixième) et adoptée à la majorité absolue des membres constituant la chambre (certains pays prévoient même les deux tiers des voix pour des raisons de stabilité des gouvernements[1]).

Dans certains pays, le système est dit de « motion de censure constructive » : la motion doit prévoir le nom d'un remplaçant au chef du gouvernement renversé. C'est le cas de l'Allemagne (Article 67 de la Loi Fondamentale, 1949), de l'Arménie, de la Belgique, de l'Espagne (Article 113 de la Constitution espagnole, 1978), de la Pologne et de la Tunisie.

La motion de censure s’applique aussi bien au sein de régimes semi-présidentiels, comme celui de la France, que de régimes parlementaires comme au Royaume-Uni.

D'autres pays, comme le Canada, prévoient le principe de la « double censure » : l'adoption d'une motion de censure entraîne la dissolution de la chambre, ce qui peut freiner les ardeurs de certains députés.

Cependant, la logique veut que la censure au gouvernement entraîne des élections anticipées, la crise entre l'exécutif et le législatif ne pouvant être tranchée que par les électeurs.

Un outil des systèmes parlementaires[modifier | modifier le code]

Dans un régime parlementaire, le parlement joue un rôle fondamental de contrôle du gouvernement (outre ses attributions classiques d’élaboration de la loi et de vote du budget). Ce contrôle peut conduire à la remise en cause du gouvernement et de sa politique, dans le cadre de la mise en jeu de la responsabilité ministérielle selon différentes techniques (dont la motion de censure).

Le droit de remettre en cause la responsabilité du gouvernement est souvent le fait de la seule chambre basse (Ve République française, Espagne, Allemagne) mais est parfois confié aux deux chambres (Italie, IIIe République française)[2].

France[modifier | modifier le code]

Assemblée nationale[modifier | modifier le code]

Hémicycle de l’Assemblée nationale en 2018.

Troisième République[modifier | modifier le code]

Durant la IIIème République, il n'existait pas de procédure formelle de censure, mais une procédure dite d'interpellation, très peu encadrée par les lois constitutionnelles de 1875. N'importe quel parlementaire, député ou sénateur, pouvait interpeller n'importe quel membre du gouvernement à n'importe quel moment des débats parlementaires, provoquant immédiatement un débat débouchant sur un vote. Le gouvernement n'était pas obligé de démissionner à l'issue de ce vote, mais, dans les faits, un vote négatif était un désaveu politique, ce qui signifiait par la suite l'impossibilité d'obtenir l'adoption des textes qu'il portait et donc l'impossibilité de gouverner.

Cependant, contrairement à l'idée reçue, bien souvent, la démission du gouvernement ne signifiait pas un changement de cap majeur : il était fréquent qu'un ministre traverse plusieurs gouvernements d'affilée, voire que le président du Conseil cède sa place à un autre membre du gouvernement, sans pour autant quitter le gouvernement, une caractéristique qui se retrouvera sous la IVe République.

En outre, si les lois constitutionnelles de 1875 prévoient bien un droit de dissolution afin de contrer une censure, d'une part, la dissolution est aux mains du président de la République et non du gouvernement, et d'autre part, elle devient de facto inutilisable à partir de la crise du 16 mai et la Constitution Grevy, déséquilibrant durablement la logique parlementaire du régime.

Quatrième République[modifier | modifier le code]

Sous la IVe République, une procédure formalisée est mise en place pour procéder à la censure d'un gouvernement, afin de tenter de limiter l'instabilité ministérielle :

  • Le gouvernement n'est plus responsable que devant les députés (conséquence logique du fait qu'il n'existe pas de pouvoir de dissolution du Sénat).
  • La censure ne passe plus par l'interpellation d'un ministre, mais par le dépôt d'une motion de censure (qui peut cependant toujours être déposée par un député seul) à l'encontre de l'ensemble du gouvernement.
  • Cette motion ne donne pas lieu à un débat immédiatement, mais 24 heures plus tard, afin de permettre une concertation des groupes politiques et d'inciter à limiter le recours aux motions de censure, qui ralentissent bien plus le travail législatif que l'interpellation sous la IIIème République.
  • La motion doit être adoptée à la majorité absolue des membres de l'Assemblée nationale (et non à la majorité des voix exprimées). La Constitution fait cependant l'erreur de conserver le décompte des voix des absents et des abstentions, ce qui permet d'obtenir un résultat où il y a eu plus de votes pour la censure que de votes contre, sans pour autant atteindre la majorité absolue (on parle alors de "vote calibré") : le gouvernement est politiquement désavoué, mais la censure, au sens formel du terme, n'est pas atteinte, et la démission quasi systematique du gouvernement qui s'ensuit n'est pas comptabilisée comme une "crise ministérielle" permettant de s'approcher de la dissolution.
  • Enfin, la dissolution n’est plus taboue : elle est explicitement prévue comme un mécanisme fait pour jouer lorsque nécessaire. Cependant, la difficulté technique évoquée ci-dessus sur la manière de comptabiliser les "crises ministérielles" au sens où l'entend la Constitution (voir aussi Dissolution parlementaire (France)) entraîne une inutilité de fait du mécanisme de dissolution, puisqu'elle n'est plus à la main du gouvernement mais au choix de l'Assemblée nationale, déséquilibrant là aussi la logique parlementaire du régime.

Les projets de révisions constitutionnelles de Félix Gaillard et de Pierre Pflimlin, avortés, prévoyaient chacun à leur manière des mécanismes afin de mettre fin à l'instabilité :

  • Projet Gaillard :
    • Engagement de la responsabilité du gouvernement sur un texte (qui sera repris sous la forme de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution de la Vème République),
    • Obligation de venir voter soit pour la motion de confiance demandée par le gouvernement, soit pour la motion de défiance qui lui fait face, sans abstention possible (sous peine de déchéance du mandat), afin de mettre fin à la pratique du vote calibré,
    • Et droit de dissolution largement facilité pour le gouvernement.
  • Projet Pflimlin :

Cinquième République[modifier | modifier le code]

Elle est réformée en 1958 dans le but d'assurer la stabilité gouvernementale. Le constituant de 1958 encadre un peu plus les conditions de dépôt et de vote d'une motion de censure :

  • Elle ne peut plus être déposée par un député seul, mais par un dixième des membres de l'Assemblée nationale (ce qui, en 2023, signifie 58 députés minimum lorsqu'aucun siège n'est vacant).
  • Chaque député ne peut plus signer (hors motions de censures déposées en réponse à un engagement de la responsabilité du gouvernement sur le vote d'un texte) que trois motions de censure par session parlementaire ordinaire, et une par session extraordinaire.
  • Le délai entre dépôt et vote de la motion est augmenté de 24 à 48 heures.
  • Enfin et surtout, afin d'éviter la pratique du vote calibré expliquée ci-dessus, seules les voix favorables à la censure sont recensées. Ainsi, les non-votants et les abstentions deviennent équivalents à des voix contre la censure : dans les faits, ne viennent voter que les députés souhaitant la censure.

Par ailleurs, le droit de dissolution est rendu inconditionnel. Cependant, il est attribué au président de la République et non au Premier ministre, ce qui aboutit non pas à un régime parlementaire, mais à un régime semi-présidentiel.

Royaume-Uni[modifier | modifier le code]

Si le chef d'État est irresponsable, le cabinet ministériel, lui, est solidairement responsable devant la Chambre des communes. Celle-ci peut le renverser en votant une motion de censure (motion of no confidence), en refusant de voter l’adresse royale (lors de la Cérémonie d'ouverture du Parlement du Royaume-Uni ou en rejetant le budget[2]).

En Grande-Bretagne, le Premier ministre détient une double légitimité car il est à la fois le chef du gouvernement (légitimité constitutionnelle) ainsi que le chef du parti majoritaire (légitimité politique). Il est issu de la majorité parlementaire élue durant les élections législatives. Pour cela, le Premier ministre britannique doit détenir une majorité parlementaire forte tout au long de son mandat (5 ans) qui est censée garantir une stabilité politique entre le gouvernement et la Chambres des communes.

Selon le système de Westminster en vigueur au Royaume-Uni, le gouvernement est responsable devant la Chambre des communes, ce qui signifie que le Premier ministre ne peut se maintenir au pouvoir s'il n'y dispose pas d'une majorité.

Si le gouvernement perd la confiance de la Chambre des communes, celle-ci dispose de deux mécanismes de révocation : elle peut refuser une motion de confiance de la part du gouvernement ou bien procéder à une motion de défiance.

Entre 1911 et 2011, le Premier ministre opérait une dissolution de la chambre des communes avant la fin du mandat parlementaire s’il le souhaitait. Cela lui permettait de renouveler sa majorité ainsi de choisir le thèmes des prochaines élections. Ainsi, cette forme de dissolution était une véritable stratégie électorale.

Mais en 2011, David Cameron reforme radicalement le droit de dissolution avec le Fix Term Parliament act[3] : le Premier ministre ne peut plus dissoudre avant la fin du mandat parlementaire. La dissolution n’est possible que dans deux cas :

Auto-dissolution[modifier | modifier le code]

La Chambre des Communes décide elle-même de sa dissolution grâce au vote d’une résolution à la majorité des 2/3 de ses membres.

Dissolution automatique[modifier | modifier le code]

La dissolution fait suite à l’adoption par la chambre des communes d’une motion de censure contre le gouvernement et à son incapacité de voter la confiance à un autre gouvernement dans un intervalle de 14 jours.

Lorsque la Chambre des communes prononce une motion de censure contre le gouvernement, elle doit nommer un nouveau chef de gouvernement dans un délai de 14 jours. Dans le cas contraire, elle devrait subir une « dissolution automatique » qui mènerait à de nouvelles élections législatives.

Exemples[modifier | modifier le code]

Le vote d'une motion de défiance n'entraîne aucune démission immédiate mais, par convention, le Premier ministre demande une dissolution rapide du Parlement et des élections générales. Si le Premier ministre se refuse à demander une dissolution, le Souverain a, en théorie, toute latitude pour dissoudre le Parlement de son propre chef ou pour démettre le gouvernement. Une telle mesure représenterait une rupture majeure de la convention constitutionnelle, sans précédent à l'époque moderne.

En pratique, les mécanismes de mise en jeu de la responsabilité ministérielle ne sont plus utilisés dès lors que le cabinet bénéficie du soutien d’une large et stable majorité pendant toute la durée de la législature. En conséquence, on ne compte guère que deux gouvernements renversés tout au long du XXe siècle (le gouvernement MacDonald en 1924 et le gouvernement Callaghan en 1979)[2].

Le , la Chambre a voté une motion de censure, sur proposition du chef de l'opposition de l'époque, Margaret Thatcher, par 311 voix contre 310. En conséquence, le Premier ministre de l'époque, James Callaghan, a demandé la dissolution du Parlement. À l'issue des élections générales qui ont suivi, le parti conservateur a obtenu une majorité des sièges à la Chambre et Mme Thatcher a été invitée à former le gouvernement.

Entre 1991 et 2004, six motions de censure ont été déposées : deux motions de censure contre le gouvernement et quatre motions exprimant des critiques contre des ministres. Toutes les six ont été proposées par l'opposition et aucune n'a été acceptée par la Chambre.

Tout se passe comme si le gouvernement assumait la responsabilité de ses actes non plus devant le Parlement, dont la majorité lui est acquise, mais devant le peuple et devant le parti.

Union européenne[modifier | modifier le code]

La Commission Barroso II au Parlement européen en 2014.

La Commission, en tant que collège, est responsable devant le Parlement européen. Le Parlement européen peut adopter une motion de censure de la Commission. Si une telle motion est adoptée, les membres de la Commission doivent démissionner collectivement de leurs fonctions et le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité doit démissionner des fonctions qu’il exerce au sein de la Commission[4].

Le Parlement européen, saisi d’une motion de censure sur la gestion de la Commission, ne peut se prononcer sur cette motion que trois jours au moins après son dépôt et par un scrutin public.

La motion de censure est adoptée si elle obtient la majorité des deux tiers des suffrages exprimés et la majorité des membres qui composent le Parlement européen. Dans ce cas, les membres de la Commission restent en fonction et continuent à expédier les affaires courantes jusqu’à leur remplacement[5].

Suisse[modifier | modifier le code]

Le Conseil fédéral ne peut pas être destitué par l'Assemblée fédérale ; cette dernière ne peut aussi pas voter de motion de censure contre le gouvernement fédéral[6].

Rationalisation du parlementarisme[modifier | modifier le code]

La rationalisation du parlementarisme consiste dans la réglementation précise des mécanismes de collaboration des pouvoirs. Elle se traduit notamment par l’encadrement strict des conditions d’engagement de la responsabilité ministérielle (et de la dissolution), afin d’assurer la pérennité de l’équilibre des pouvoirs et donc de favoriser la stabilité gouvernementale[2].

Le parlementarisme rationalisé cherche à remédier à ce problème de deux façons : d'une part, dans la rédaction de la Constitution, en renforçant le gouvernement face au Parlement, en rendant son renversement plus difficile ; d'autre part, par le biais du droit électoral, en essayant de favoriser des majorités parlementaires claires et stables, à même de soutenir la politique du gouvernement pendant toute la législature. On parle respectivement de rationalisation technique et politique.[non pertinent]

Limites[modifier | modifier le code]

L'efficacité de la motion de censure a souvent été remise en question, notamment parce qu'il est difficile de mobiliser une majorité absolue des parlementaires (comme l'ont montré les peu nombreux exemples français et britanniques[réf. nécessaire]).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Sous la Quatrième République française, la majorité suffisait, ce qui — combiné au mode de représentation proportionnel — conduisait à une grande instabilité des gouvernements. On vit même un gouvernement ne durer que deux semaines.
  2. a b c et d Pauline Türk, Mémentos LMD Principes fondamentaux de droit constitutionnel, Gualino éditeurs, , 232 p., pages 137 à 142
  3. « Un tournant de la culture constitutionnelle britannique : le Fixed-Term Parliaments Act 2011 et l'amorce inédite de rationalisation du système parlementaire de gouvernement au Royaume-Uni », sur juspoliticum.com (consulté le )
  4. Article 17 du traité sur l'Union européenne
  5. Article 234 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne
  6. (de) Ulrich Klöti, Yannis Papadopoulos et Fritz Sager, chap. 8 « Regierung », dans Peter Knoepfel, Ysnnis Papadopoulos, Pascal Sciarini, Adrian Vatter, Siljia Häusermann, Handbuch der Schweizer Politik [« Manuel de la politique suisse »], Zurich, NZZ Libro, , 6e éd., 952 p. (ISBN 978-303810-311-0), p. 195.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]