« Tiers monde » : différence entre les versions

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[[Image:Acces a l independence.png|thumb|Carte décrivant sommairement la chronologie de l'accès à l'[[indépendance (politique)|indépendance]], et les phases du processus de [[décolonisation]].]]
[[Image:Acces a l independence.png|thumb|Carte décrivant sommairement la chronologie de l'accès à l'[[indépendance (politique)|indépendance]], et les phases du processus de [[décolonisation]].]]


L'expression '''tiers monde''', ou '''tiers-monde'''<ref>''[[Le Petit Larousse]] illustré'' 1991, p. 964, écrit {{citation|tiers-monde}}.</ref>{{,}}<ref>''[[Le Petit Robert]]'' 2004, p. 2613, écrit {{citation|tiers-monde}}, mais cite un auteur qui écrit {{citation|Tiers-Monde}}. ''[[Le Petit Robert]]'' 2014 écrit aussi {{citation|tiers-monde}}.</ref>{{,}}<ref>Le [[TLFi]] écrit {{citation|tiers monde}} et {{citation|tiers-monde}} [http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=818908785;], mais cite un auteur qui écrit {{citation|Tiers Monde}}.</ref>, lancée en 1952<ref>Par le démographe et économiste français [[Alfred Sauvy]] dans l'article [https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1986_num_12_1_1516 ''Trois mondes, une planète''], de L'Observateur, n°118, 14 août 1952, p.14 (aussi [http://www.homme-moderne.org/societe/demo/sauvy/3mondes.html ici]).</ref>, se rapporte à l'ensemble des pays [[Afrique|africains]], [[Asie|asiatiques]], [[Océanie|océaniens]] ou du [[Amérique|continent américain]] en carence de [[Économie du développement|développement]]. Ce terme est considéré comme obsolète par certains<ref>[http://valeursdhistoire.free.fr/fichierspdf/lienspage5/courstermi/letiersmonde.pdf Le tiers-monde en quête d'identité]</ref>{{,}}<ref>Régimes politiques et sociétés dans le monde de Guy Gosselin, Presses Université Laval, 2007</ref> au profit de celui de [[pays les moins avancés]] (PMA).
L'expression '''tiers monde''', ou '''tiers-monde'''<ref group="alpha">''[[Le Petit Larousse]] illustré'' 1991, p. 964, écrit {{citation|tiers-monde}}. ''[[Le Petit Robert]]'' 2004, p. 2613, écrit {{citation|tiers-monde}}, mais cite un auteur qui écrit {{citation|Tiers-Monde}}. ''[[Le Petit Robert]]'' 2014 écrit aussi {{citation|tiers-monde}}. Le [[TLFi]] écrit {{citation|tiers monde}} et {{citation|tiers-monde}} [http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=818908785;], mais cite un auteur qui écrit {{citation|Tiers Monde}}.</ref>, lancée en 1952<ref>Par le démographe et économiste français [[Alfred Sauvy]] dans l'article [https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1986_num_12_1_1516 ''Trois mondes, une planète''], de L'Observateur, n°118, 14 août 1952, {{p.|14}}.</ref>, se rapporte à l'ensemble des pays [[Afrique|africains]], [[Asie|asiatiques]], [[Océanie|océaniens]] ou du [[Amérique|continent américain]] en carence de [[Économie du développement|développement]]. Ce terme est considéré comme obsolète par certains<ref>[http://valeursdhistoire.free.fr/fichierspdf/lienspage5/courstermi/letiersmonde.pdf Le tiers-monde en quête d'identité].</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Guy Gosselin|auteur2=Marcel Fillion|titre=Régimes politiques et Sociétés dans le monde|passage=314|lieu=Québec|éditeur=Presses Université Laval|date=11 mai 2007|pages totales=388|isbn=978-2-7637-8291-1|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=ksUEDmPbNDMC|consulté le=27 novembre 2022}}</ref> au profit de celui de [[pays les moins avancés]] (PMA).


Les termes [[premier monde]], [[second monde]] et tiers monde ont été employés pour regrouper les nations de la Terre en trois grandes catégories. Ces trois termes ne sont pas apparus simultanément. Après la [[Seconde Guerre mondiale]], l’[[Organisation du traité de l'Atlantique nord|OTAN]] et le [[Pacte de Varsovie]] ont été considérés comme les deux grands blocs. Le nombre de pays faisant partie de ces deux blocs n’étant pas fixé de manière précise, on s’est finalement aperçu qu’un grand nombre de pays ne rentraient dans aucune de ces deux catégories.
Les termes [[premier monde]], [[second monde]] et tiers monde ont été employés pour regrouper les nations de la Terre en trois grandes catégories. Ces trois termes ne sont pas apparus simultanément. Après la [[Seconde Guerre mondiale]], l’[[Organisation du traité de l'Atlantique nord|OTAN]] et le [[Pacte de Varsovie]] ont été considérés comme les deux grands blocs. Le nombre de pays faisant partie de ces deux blocs n’étant pas fixé de manière précise, on s’est finalement aperçu qu’un grand nombre de pays ne rentraient dans aucune de ces deux catégories.


En 1952, le démographe français [[Alfred Sauvy]] invente le terme « tiers monde » pour désigner ces pays. La fameuse expression « Tiers Monde », est initialement publiée dans un article dans l'Observateur écrit en 1952 par Sauvy<ref>{{harvsp|Sauvy|1952}}</ref> : {{citation|Nous parlons volontiers des deux mondes en présence, de leur guerre possible, de leur coexistence, etc. oubliant trop souvent qu'il en existe un troisième, le plus important […] C'est l'ensemble de ceux que l'on appelle […] les pays sous-développés […]. Ce Tiers Monde ignoré, exploité, méprisé […] veut, lui aussi, être quelque chose}}. L'expression « le tiers monde », du fait de son caractère générique ne doit toutefois pas occulter les spécificités historiques et le contexte socio-politique de chacun des pays censés y correspondre.
En 1952, le [[Démographie|démographe]] français [[Alfred Sauvy]] et le [[sociologue]] [[Georges Balandier]] inventent le terme « tiers monde » pour désigner ces pays<ref>{{Lien web |titre=Georges Balandier (1920-2016)|url=https://dossiers-bibliotheque.sciencespo.fr/sciences-po-une-histoire-coloniale/georges-balandier-1920-2016 |site=dossiers-bibliotheque.sciencespo.fr |consulté le=2023-12-12}}</ref>. La fameuse expression « Tiers Monde », est initialement publiée dans un article dans ''[[L'Obs]]'' écrit en 1952 par Sauvy<ref>{{harvsp|Sauvy|1952}}</ref> : {{citation|Nous parlons volontiers des deux mondes en présence, de leur guerre possible, de leur coexistence, etc. oubliant trop souvent qu'il en existe un troisième, le plus important […] C'est l'ensemble de ceux que l'on appelle […] les pays sous-développés […]. Ce Tiers Monde ignoré, exploité, méprisé […] veut, lui aussi, être quelque chose}}. L'expression « le tiers monde », du fait de son caractère générique ne doit toutefois pas occulter les spécificités historiques et le contexte socio-politique de chacun des pays censés y correspondre.


== Définitions ==
== Définitions ==
[[Fichier:UN Human Development Report 2008.png|vignette|gauche|L'[[indice de développement humain]] de l'ONU, ici en 2008, est un index quantitatif utilisé par certains pour décrire approximativement le tiers monde.]]
[[Fichier:UN Human Development Report 2008.png|vignette|gauche|L'[[indice de développement humain]] de l'ONU, ici en 2008, est un index quantitatif utilisé par certains pour décrire approximativement le tiers monde.]]


Le tiers-monde décrit la réalité complexe, transitoire et chaotique s'inscrivant dans le décalage croissant qui nait entre monde traditionnel et monde moderne à partir de la révolution industrielle (qui débute en Angleterre vers la fin du {{s-|XVIII|e}}). On remarque cependant qu'à cette époque, si en Amazonie, et dans certaines régions d'Afrique, et d'Asie, les hommes vivent dans un âge proche de l’âge de la [[pierre taillée]], d’autres en Chine et en Inde se trouvent à un niveau de vie supérieur à celui de l’Angleterre du {{s mini-|XVIII|e}}-{{s-|XIX|e}}. L’historien [[Christopher Alan Bayly]] l’a éminemment montré dans son ouvrage « La naissance du monde moderne ».
Le tiers-monde décrit la réalité complexe, transitoire et chaotique s'inscrivant dans le décalage croissant qui nait entre monde traditionnel et monde moderne à partir de la révolution industrielle (qui débute en Angleterre vers la fin du {{s-|XVIII|e}}). On remarque cependant qu'à cette époque, si en Amazonie, et dans certaines régions d'Afrique, et d'Asie, les hommes vivent dans un âge proche de l’âge de la [[pierre taillée]], d’autres en Chine et en Inde se trouvent à un niveau de vie supérieur à celui de l’Angleterre du {{sp-|XVIII|-|XIX}}. L’historien [[Christopher Alan Bayly]] l’a éminemment montré dans son ouvrage ''La Naissance du monde moderne''.


Certains insistent sur le fait qu'il s'agit d'une réalité très hétérogène, et concluent à l'existence de « plusieurs » tiers mondes. Cela en fonction des perspectives envisagées.
L'idéologie anti-tiers-mondiste insiste sur le fait qu'il s'agit d'une réalité très hétérogène, et conclut à l'existence de « plusieurs » tiers mondes<ref>{{Article|auteur=|titre=Tiers-mondisme et anti-tiers-mondisme. Table ronde|périodique=Revue internationale d’action communautaire|date=1987|numéro=18|pages=175–185|doi=10.7202/1034277ar}}.</ref>. Cela en fonction des perspectives envisagées.


Dans l'[[Inégalité sociale#Les_in.C3.A9galit.C3.A9s_.C3.A9conomiques|inégalité économique]], l'expression correspond à l'ensemble des pays [[Pauvreté|pauvres]], soit les [[pays les moins avancés]] et les [[pays en développement]]. Dans cet esprit, le [[quart-monde|quart monde]] (proposé par [[Joseph Wresinski]] en 1969) fait référence à cette couche de population la plus défavorisée, ne disposant pas des mêmes droits que les autres, et existant dans tous les pays, qu'ils soient riches ou pauvres.
Dans l'[[Inégalité sociale#Les_in.C3.A9galit.C3.A9s_.C3.A9conomiques|inégalité économique]], l'expression correspond à l'ensemble des pays [[Pauvreté|pauvres]], soit les [[pays les moins avancés]] et les [[pays en développement]]. Dans cet esprit, le [[quart-monde|quart monde]] (proposé par [[Joseph Wresinski]] en 1969) fait référence à cette couche de population la plus défavorisée, ne disposant pas des mêmes droits que les autres, et existant dans tous les pays, qu'ils soient riches ou pauvres.


Dans les [[Sociologie du développement#Le débat sur la dépendance nord-sud|rapports nord-sud]] avec « des Suds » faisant face à « un Nord » plutôt [[Occident#Actuellement|occidental]]<ref>[[Sophie Bessis]], « Les nouveaux enjeux et les nouveaux acteurs des débats internationaux dans les années 90 », dans ''Tiers-Monde'', 151, Paris, 1997, p. 659-675, part. p. 666 ([http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_1997_num_38_151_5155 en ligne]). Voir aussi John M. Hobson 2004 en bibliogr.</ref> et compris comme « [[Développement humain (économie)|développé]] », l'expression fait alors référence à des « pays dépendants du [[Capitalisme#Les usages présents du terme|monde capitaliste]] »<ref>Gwenaëlle Dekegeleer, ''[https://web.archive.org/web/20080615024328/http://www.ihecs.be/focus/generalites/lesmots.htm Régions pauvres : les mots pour le dire]'', site de l'[[Institut des hautes études des communications sociales]] (Bruxelles).</ref>, ou des « pays appauvris et surexploités »<ref>Denis Horman, cité dans ''Ibid''.</ref>. Ils « ont le trait commun de n'avoir pas ou peu connu, pour des raisons diverses, la [[révolution industrielle]] au {{s-|XIX|e}} »<ref>Voir Jean-Jacques Friboulet, env. 1994.</ref>, ou la prospérité qui a suivi la [[Renaissance (période historique)#Historiographie|Renaissance]] en Europe, et favorisé la [[Colonialisme|colonisation]] ou la [[Empire|domination]] des autres territoires. On notera également que cette vision doit être réactualisée avec l'apparition des [[pays émergents]] et des [[nouveaux pays industrialisés]], ainsi que des organisations ou des regroupements à caractère économique et/ou politique (comme les [[Organisation des pays exportateurs de pétrole|pays pétroliers]]).
Dans les [[Sociologie du développement#Le débat sur la dépendance nord-sud|rapports nord-sud]] avec « des Suds » faisant face à « un Nord » plutôt [[Occident#Actuellement|occidental]]<ref>{{article|auteur=[[Sophie Bessis]]|titre=Les nouveaux enjeux et les nouveaux acteurs des débats internationaux dans les années 90|périodique=Tiers-Monde|numéro=151|lieu= Paris|année= 1997|passage= 659-675, part. p. 666 |lire en ligne=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_1997_num_38_151_5155}}. Voir aussi John M. Hobson 2004 en bibliographie.</ref> et compris comme « [[Développement humain (économie)|développé]] », l'expression fait alors référence à des « pays dépendants du [[Capitalisme#Les usages présents du terme|monde capitaliste]] »<ref>Gwenaëlle Dekegeleer, ''[https://web.archive.org/web/20080615024328/http://www.ihecs.be/focus/generalites/lesmots.htm Régions pauvres : les mots pour le dire]'', site de l'[[Institut des hautes études des communications sociales]] (Bruxelles).</ref>, ou des « pays appauvris et surexploités »<ref>Denis Horman, cité dans ''Ibid''.</ref>. Ils « ont le trait commun de n'avoir pas ou peu connu, pour des raisons diverses, la [[révolution industrielle]] au {{s-|XIX}} »<ref>Voir Jean-Jacques Friboulet, env. 1994.</ref>, ou la prospérité qui a suivi la [[Renaissance (période historique)#Historiographie|Renaissance]] en Europe, et favorisé la [[Colonialisme|colonisation]] ou la [[Empire|domination]] des autres territoires. On notera également que cette vision doit être réactualisée avec l'apparition des [[pays émergents]] et des [[nouveaux pays industrialisés]], ainsi que des organisations ou des regroupements à caractère économique et/ou politique (comme les [[Organisation des pays exportateurs de pétrole|pays pétroliers]]).


Dans la [[géopolitique]] comme [[Georges Balandier]]<ref>''[[L'Express]]'' du [http://www.fmes-france.org/category/base-documentaire/documentation/societes/page/12/ 9 octobre 2003], cité plus bas. Voir aussi, [[Georges Balandier]], « Images, images, images », dans ''[[Cahiers internationaux de sociologie]]'', 82, janvier-juin 1987, p. 7-22 ([http://classiques.uqac.ca/contemporains/balandier_georges/images_images_images/images_texte.html en ligne]) : « L'expression « société de [[communication]] » est une forme presque pléonastique. Toutes les sociétés, de tout temps, sont des espaces de communication, d'information et de communication ; c'est, avec la double production matérielle et symbolique, ce qui caractérise leur mode d'exister et leur inscription dans l'histoire. »</ref> (en 1956), l'expression désigne « la revendication des tierces nations qui veulent s'inscrire dans l'[[Philosophie de l'histoire|Histoire]] ». À la suite de la [[décolonisation]] et de la [[Conférence de Bandung]], certains de ces pays se sont regroupés au sein de l'[[organisation internationale]] du [[mouvement des non alignés]].
Dans la [[géopolitique]] comme [[Georges Balandier]]<ref>''[[L'Express]]'' du [http://www.fmes-france.org/category/base-documentaire/documentation/societes/page/12/ 9 octobre 2003], cité plus bas. Voir aussi, {{article|auteur=[[Georges Balandier]]|titre= Images, images, images |périodique=[[Cahiers internationaux de sociologie]]|numéro=82|date= janvier-juin 1987|passage= 7-22 |lire en ligne=http://classiques.uqac.ca/contemporains/balandier_georges/images_images_images/images_texte.html }} : {{citation|L'expression « société de [[communication]] » est une forme presque pléonastique. Toutes les sociétés, de tout temps, sont des espaces de communication, d'information et de communication ; c'est, avec la double production matérielle et symbolique, ce qui caractérise leur mode d'exister et leur inscription dans l'histoire.}}</ref> (en 1956), l'expression désigne « la revendication des tierces nations qui veulent s'inscrire dans l'[[Philosophie de l'histoire|Histoire]] ». À la suite de la [[décolonisation]] et de la [[Conférence de Bandung]], certains de ces pays se sont regroupés au sein de l'[[organisation internationale]] du [[mouvement des non alignés]].


== Terminologie ==
== Terminologie ==
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[[Fichier:Cold_War_Map_1980.svg|vignette|droite|Le monde à la fin de la [[guerre froide]], en 1980, polarisé entre les deux [[superpuissance]]s. Les autres États sont les [[mouvement des non alignés|non alignés]].]]
[[Fichier:Cold_War_Map_1980.svg|vignette|droite|Le monde à la fin de la [[guerre froide]], en 1980, polarisé entre les deux [[superpuissance]]s. Les autres États sont les [[mouvement des non alignés|non alignés]].]]


L'expression « tiers monde » apparait, comme une formule, dans la chute d'une chronique de l'[[économiste]] et [[Démographie|démographe]] [[France|français]] [[Alfred Sauvy]] en 1952, en référence au [[tiers état]] (de l'[[abbé Sieyès]]) français sous l'[[Ancien Régime]]. {{citation_bloc|''Car enfin ce tiers monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers état, veut lui aussi, être quelque chose'' Trois mondes, une planète », ''L'Observateur'', 14 août 1952.}}
L'expression « tiers monde » apparait, comme une formule, dans la chute d'une chronique de l'[[économiste]] et [[Démographie|démographe]] [[France|français]] [[Alfred Sauvy]] en 1952, en référence au [[tiers état]] de l'[[Ancien Régime]] français dont parlait l'[[abbé Sieyès]] dans [[Qu'est-ce que le Tiers-État ?|son pamphlet]]. {{citation_bloc|Car enfin ce tiers monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers état, veut lui aussi, être quelque chose. Trois mondes, une planète », ''L'Observateur'', 14 août 1952.}}


L'auteur de l'expression la désavoue cependant en 1988 dans un article du ''[[Le Monde|Monde]]'' : « Que l'on permette au créateur de l'expression tiers-monde, il y a déjà près de quarante ans, de la répudier, tant elle fait oublier la diversité croissante des cas. Englober dans le même terme les pays d'Afrique noire et « les [[quatre dragons]] » ne peut mener bien loin ».
L'auteur de l'expression la désavoue cependant en 1988 dans un article du ''[[Le Monde|Monde]]'' : {{citation|Que l'on permette au créateur de l'expression tiers-monde, il y a déjà près de quarante ans, de la répudier, tant elle fait oublier la diversité croissante des cas. Englober dans le même terme les pays d'Afrique noire et « les [[quatre dragons]] » ne peut mener bien loin.}}


Le terme est à nouveau très discuté après sa reprise par [[Georges Balandier]] en 1956, dans leur publication à l'[[INED]] (voir en bibliographie). Il désigne les pays du globe considérés alors comme « [[Sous-développement|sous-développés]] ».
Le terme est à nouveau très discuté après sa reprise par [[Georges Balandier]] en 1956, dans leur publication à l'[[INED]] (voir en bibliographie). Il désigne les pays du globe considérés alors comme « [[Sous-développement|sous-développés]] ».
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En 2003, dans sa réponse à une question de Jean-Marc Biais « Peut-on encore parler de « tiers-monde », mot que vous avez inventé, en 1956, avec Alfred Sauvy ? », Balandier maintient son terme :
En 2003, dans sa réponse à une question de Jean-Marc Biais « Peut-on encore parler de « tiers-monde », mot que vous avez inventé, en 1956, avec Alfred Sauvy ? », Balandier maintient son terme :


« Cette expression a connu un succès planétaire. Mais, souvent, elle a suscité des malentendus. Pour nous, il ne s'agissait pas de définir un troisième ensemble de nations, à côté des deux blocs (capitaliste et soviétique) en guerre froide. Non, c'était une référence au tiers état de l'Ancien Régime, cette partie de la société qui refusait de « [[Exclusion sociale|n'être rien]] », selon le pamphlet de l'abbé Sieyès. Cette notion désigne donc la revendication des tierces nations qui veulent s'inscrire dans l'Histoire. Après une longue éclipse, l'initiative est reprise aujourd'hui par quelques pays en cours de modernisation : le Brésil, l'Inde, l'Afrique du Sud. Lors de la récente [[Cinquième conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce|conférence de Cancun]], ils ont affirmé une forte identité face aux puissances occidentales. N'est-ce pas le début d'une renaissance du tiers-monde ? »<ref>''[[L'Express]]'' du [http://www.fmes-france.net/article.php3?id_article=441 9 octobre 2003] à l'occasion des [[Rendez-vous de l'Histoire]] - Blois, 16 au 19 octobre 2003.</ref>.
{{citation|Cette expression a connu un succès planétaire. Mais, souvent, elle a suscité des malentendus. Pour nous, il ne s'agissait pas de définir un troisième ensemble de nations, à côté des deux blocs (capitaliste et soviétique) en guerre froide. Non, c'était une référence au tiers état de l'Ancien Régime, cette partie de la société qui refusait de « [[Exclusion sociale|n'être rien]] », selon le pamphlet de l'abbé Sieyès. Cette notion désigne donc la revendication des tierces nations qui veulent s'inscrire dans l'Histoire. Après une longue éclipse, l'initiative est reprise aujourd'hui par quelques pays en cours de modernisation : le Brésil, l'Inde, l'Afrique du Sud. Lors de la récente [[Cinquième conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce|conférence de Cancun]], ils ont affirmé une forte identité face aux puissances occidentales. N'est-ce pas le début d'une renaissance du tiers-monde ?<ref>''[[L'Express]]'' du [http://www.fmes-france.net/article.php3?id_article=441 9 octobre 2003] à l'occasion des [[Rendez-vous de l'Histoire]] - Blois, 16 au 19 octobre 2003.</ref>}}


Cependant, dans le cadre des sciences géographiques, démographiques, sociales ou économiques, l'expression « Tiers-Monde » est désuète depuis 1997 : on parle de ''[[pays les moins avancés]]'' (PMA).
Cependant, dans le cadre des sciences géographiques, démographiques, sociales ou économiques, l'expression « Tiers-Monde » est désuète depuis 1997 : on parle de ''[[pays les moins avancés]]'' (PMA).


== Débats actuels ==
== Débats actuels ==
[[Fichier:Military Alliances.svg|thumb|Les grandes alliances militaires
[[Fichier:Major Military Alliances.svg|thumb|Les grandes alliances militaires
{{Légende/Début}}
{{Légende/Début}}
{{Légende|#000080|[[Organisation du traité de l'Atlantique nord|OTAN]], [[Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe|OSCE]]}}
{{Légende|#000080|[[Organisation du traité de l'Atlantique nord|OTAN]], [[Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe|OSCE]]}}
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[[Fichier:Gini Coefficient World CIA Report 2009.png|vignette|Inégalité des revenus au sein des pays, mesuré par le [[coefficient de Gini]] ([[Programme des Nations unies pour le développement|Rapport sur le développement humain]] 2008/2009).]]
[[Fichier:Gini Coefficient World CIA Report 2009.png|vignette|Inégalité des revenus au sein des pays, mesuré parle [[coefficient de Gini]] ([[Programme des Nations unies pour le développement|Rapport sur le développement humain]] 2008/2009).]]


Certains hommes politiques<ref>Le président de la [[Banque mondiale]] [[Robert Zoellick]] (''[http://go.worldbank.org/9KHHJU26L0 La fin du tiers monde ? Moderniser le multilatéralisme pour un monde multipolaire]'', {{date-|14 avril 2010}}) ne constate pas cette ''fin'', mais l'appel à ses vœux :<br /> « L’heure est venue d’abandonner les notions désuètes de pays développés et de tiers monde, de leaders et de suiveurs et de donateurs et de demandeurs. Nous devons soutenir l’émergence de nouveaux pôles de croissance qui profitent à tous. »</ref> et économistes<ref>Voir, par exemple, Patrick Sevaistre, ''[http://institut-thomas-more.org/showNews/425 Vers la fin du « Tiers Monde » ?]'', 28 avril 2010.</ref> s'interrogent sur « la fin du tiers monde » dans la perspective d'un [[monde multipolaire]] où la pauvreté serait « combattue » ([[Robert Zoellick]]).
Certains hommes et femmes politiques<ref>Le président de la [[Banque mondiale]] [[Robert Zoellick]] (''[http://go.worldbank.org/9KHHJU26L0 La fin du tiers monde ? Moderniser le multilatéralisme pour un monde multipolaire]'', {{date-|14 avril 2010}}) ne constate pas cette ''fin'', mais l'appelle à ses vœux :<br />{{citation|L’heure est venue d’abandonner les notions désuètes de pays développés et de tiers monde, de leaders et de suiveurs et de donateurs et de demandeurs. Nous devons soutenir l’émergence de nouveaux pôles de croissance qui profitent à tous.}}</ref> et économistes<ref>Voir, par exemple, Patrick Sevaistre, ''[http://institut-thomas-more.org/showNews/425 Vers la fin du « Tiers Monde » ?]'', 28 avril 2010.</ref> s'interrogent sur « la fin du tiers monde » dans la perspective d'un [[monde multipolaire]] où la pauvreté serait « combattue » ([[Robert Zoellick]]).


Effectivement, l'expression tiers monde est de plus en plus rarement utilisée en économie (voir la [[typologie économique des pays]]), bien que l'on parle toujours de la [[dette du tiers monde]]<ref>Voir aussi chez certains [[Libéralisme économique|économiste libéraux]], comme dans le provoquant texte de [[Peter Thomas Bauer]], ''Equality, the Third World, and Economic Delusion'', Cambridge, 1981 {{ISBN|0-674-25986-6}} ; trad. française par Raoul Audouin ''Mirage égalitaire et Tiers-Monde'', Paris, 1984 ([http://www.unmondelibre.org/?q=node/250 extrait]).</ref>. Cependant, son usage perdure dans divers contextes (politiques, historiques, anthropologiques, sociologiques, idéologiques), mais y est critiquée comme étant, alternativement, [[Idéalisme (relations internationales)|idéaliste]]<ref>Voir John M. Hobson 2004.</ref>, [[révolutionnaire]]<ref>Voir René Gallissot 2005.</ref> ou [[Impérialiste#Formes d'impérialisme|néo-impérialiste]]<ref>Voir Maxime Szczepanski-Huillery 2005.</ref>.
Effectivement, l'expression tiers monde est de plus en plus rarement utilisée en économie (voir la [[typologie économique des pays]]), bien que l'on parle toujours de la [[dette du tiers monde]]<ref>Voir aussi chez certains [[Libéralisme économique|économiste libéraux]], comme dans le provoquant texte de {{ouvrage|auteur=[[Peter Thomas Bauer]]|titre original=Equality, the Third World, and Economic Delusion|année première édition= 1981 |ISBN=978-2-13-038201-0|traducteur=Raoul Audouin |titre=Mirage égalitaire et Tiers Monde|lieu=Paris|année= 1984|éditeur=PUF}}.</ref>. Cependant, son usage perdure dans divers contextes (politiques, historiques, anthropologiques, sociologiques, idéologiques), mais y est critiquée comme étant, alternativement, [[Idéalisme (relations internationales)|idéaliste]]<ref>Voir John M. Hobson 2004.</ref>, [[révolution]]naire<ref>Voir René Gallissot 2005.</ref> ou [[Impérialiste#Formes d'impérialisme|néo-impérialiste]]<ref>Voir Maxime Szczepanski-Huillery 2005.</ref>.


== Conférences internationales ==
== Conférences internationales ==
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{{Article détaillé|Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement}}
{{Article détaillé|Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement}}


Plusieurs réunions, dont certaines sont dites « Sommets du [[mouvement des non alignés]] » ou d'autres « [[Conférence tricontinentale|Conférences Tricontinentales]] », ont parfois réuni ces pays autour d'une politique commune<ref>{{Lien web|url=http://azizfall.com/files/Bandoung/les-50-ans-de_bandoeng.html|titre=Les 50 ans de Bandoeng - le non alignement à l’ère du supraimpérialisme|id=Les 50 ans de Bandoeng - le non alignement à l’ère du supraimpérialisme|auteur=Aziz Salmone Fall|année=2005|mois=avril|consulté le={{1er}} février 2009}}.</ref> : Conférence asiatique de New Delhi de 1947, Conférence asiatique de New Delhi de 1949, [[Conférence de Bandung]] de 1955, Conférence de Brioni de 1956, Conférence du Caire de 1957, Conférence de Belgrade de 1961, Conférence tricontinentale de La Havane de 1966, et Conférence d'Alger de 1973.
Plusieurs réunions, dont certaines sont dites « Sommets du [[mouvement des non alignés]] » ou d'autres « [[Conférence tricontinentale|Conférences Tricontinentales]] », ont parfois réuni ces pays autour d'une politique commune<ref>{{Lien web|url=http://azizfall.com/files/Bandoung/les-50-ans-de_bandoeng.html|titre=Les 50 ans de Bandoeng - le non alignement à l’ère du supraimpérialisme|id=Les 50 ans de Bandoeng - le non alignement à l’ère du supraimpérialisme|auteur=Aziz Salmone Fall|date=avril 2005|consulté le=1 février 2009}}.</ref> :
* [[Conférence des relations asiatiques|Conférence asiatique de New Delhi de 1947]]
* Conférence asiatique de New Delhi de 1949
* [[Conférence de Bandung]] de 1955
* [[Conférence de Brioni]] de 1956
* Conférence du Caire de 1957
* [[Conférence de Belgrade]] de 1961
* [[Conférence tricontinentale]] de La Havane de 1966
* [[Conférence d'Alger]] de 1973


== Agriculture ==
== Agriculture ==
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== Bibliographie ==
== Bibliographie ==
=== Sur le tiers monde ===
=== Sur le tiers monde ===
* Vijay Prashad, ''Les nations obscures. Une histoire populaire du tiers-monde'', Montréal, 2009 {{ISBN|978-2-923165-60-8}} ([http://chrhc.revues.org/index2041.html compte rendu]) ; trad. de ''The darker nations : a people's history of the third world'', New York, 2007 {{ISBN|978-1-595-58342-0}}.
* {{ouvrage|auteur=Vijay Prashad|titre=Les Nations obscures|sous-titre= Une histoire populaire du tiers-monde|lieu= Montréal|année= 2009 |ISBN=978-2-923165-60-8|présentation en ligne = http://chrhc.revues.org/index2041.html|langue originale=en|titre original=The Darker Nations : a people's history of the third world, New York, 2007 {{ISBN|978-1-595-58342-0}}}}.
* René Gallissot, « Mehdi Ben Barka et la Tricontinentale », ''[[Le Monde diplomatique]]'', {{date-|octobre 2005}}, {{p.}}21 ([http://www.monde-diplomatique.fr/2005/10/GALLISSOT/12827 en ligne]).
* {{article|auteur=René Gallissot|titre=Mehdi Ben Barka et la Tricontinentale |périodique=[[Le Monde diplomatique]]|date=octobre 2005|passage=21 |lire en ligne=http://www.monde-diplomatique.fr/2005/10/GALLISSOT/12827}}.
* John M. Hobson, ''The Eastern origins of Western civilisation'', Cambridge (U.K.) et New York, 2004 {{ISBN|0-521-83835-5}} (partiellement [https://books.google.fr/books?id=KQN85hrJyT4C en ligne]).
* {{ouvrage|langue=en|auteur= John M. Hobson|titre=The Eastern origins of Western civilisation|lieu=Cambridge (U.K.) et New York|année= 2004 |ISBN=0-521-83835-5}}.
* ''Le développement a-t-il un avenir ? : pour une économie solidaire et économe [Attac]'', dir. [[Jean-Marie Harribey]], Paris, 2004 {{ISBN|2-84205-832-1}}.
* {{ouvrage|titre=Le développement a-t-il un avenir ? : pour une économie solidaire et économe |auteur institutionnel=[Attac]|auteur1= [[Jean-Marie Harribey]]|directeur1=oui|lieu=Paris|année= 2004 |ISBN=2-84205-832-1}}.
* [[Sophie Bessis]], ''L'Occident et les autres : histoire d'une suprématie'', Paris, 2001 ; {{3e}} éd. 2006 {{ISBN|9782707142559}}.
* {{ouvrage|auteur=[[Sophie Bessis]]|titre=L'Occident et les Autres |sous-titre= histoire d'une suprématie|lieu=Paris|année première édition= 2001 |année=2006 |numéro édition=3|ISBN=978-2-7071-4255-9}}.
* [[Immanuel Wallerstein]], « C’était quoi, le tiers-monde ? », ''[[Le Monde diplomatique]]'', {{date-|août 2000}}, {{p.}}18-19 ([http://www.monde-diplomatique.fr/2000/08/WALLERSTEIN/14147 en ligne]).
* {{article|auteur=[[Immanuel Wallerstein]]|titre=C’était quoi, le tiers-monde ? |périodique=[[Le Monde diplomatique]]|date=août 2000|passage=18-19 |lire en ligne=http://www.monde-diplomatique.fr/2000/08/WALLERSTEIN/14147}}.
* Arturo Escobar, ''Encountering Development. The Making and Unmaking of the Third World''. Princeton (NJ), 1994 {{ISBN|0-691-03409-5}} ; repr. 1995 ([http://id.erudit.org/iderudit/015405ar compte rendu] par Marie France Labrecque).
* {{ouvrage|langue=en|auteur=Arturo Escobar|titre=Encountering Development|sous-titre= The Making and Unmaking of the Third World|lieu=Princeton (NJ)|année= 1994 |ISBN=0-691-03409-5 | réimpression= 1995 |présentation en ligne=http://id.erudit.org/iderudit/015405ar par Marie France Labrecque}}.
* [[Eric Hobsbawm]], ''L'âge des extrêmes : le court vingtième siècle 1914-1991'', Paris, 1999, {{p.}}449-482 (chap. 12), 563-596 (chap. 15) et 805 (index) ; repr. 2008 {{ISBN|978-2-87495-011-7}} ; trad. de ''The Age of extremes : the short twentieth century, 1914-1991'', 1994 {{ISBN|0718133072}}.
* {{ouvrage|auteur=[[Eric Hobsbawm]]|titre=L'Âge des extrêmes |sous-titre= le court vingtième siècle 1914-1991|lieu= Paris|éditeur=André Versaille|année= 1999|passage=449-482 (chap. 12), 563-596 (chap. 15) et 805 (index) |réimpression=2008 |ISBN=978-2-87495-011-7|titre original=The Age of extremes : the short twentieth century, 1914-1991, 1994, {{ISBN|0718133072}}}}.
* Jean-Jacques Friboulet, « Tiers Monde », dans ''[[Encyclopædia Universalis]]'', Paris, 2004 [env. 1994] (avec [http://www.universalis.fr/encyclopedie/tiers-monde/ressources/ bibliographie]).
* {{chapitre|auteur=Jean-Jacques Friboulet|titre chapitre=Tiers Monde |titre ouvrage=[[Encyclopædia Universalis]]|lieu=Paris|année= 2004 [env. 1994]|présentation en ligne=http://www.universalis.fr/encyclopedie/tiers-monde/ressources/ }}.
* [[Frantz Fanon]], ''Les damnés de la terre'', Paris, 1961 ; nouv. éd. 2002 {{ISBN|2-7071-4281-6}}.
* {{ouvrage|auteur=[[Frantz Fanon]]|titre=Les Damnés de la terre|lieu=Paris|année première édition=1961 |année=2002 |ISBN=2-7071-4281-6}}.


=== Sur l'origine du terme ===
=== Sur l'origine du terme ===
* Jacques Veron, « L'INED et le Tiers Monde », dans ''Population'', 6, Paris, 1995, {{p.}}1565-1578 ([http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1995_num_50_6_5885?_Prescripts_Search_isPortletOuvrage=false en ligne]).{{Commentaire biblio|Résumé en en-tête : « L'expression « Tiers Monde », créée par A. Sauvy en 1952, a mis de nombreuses années à s'imposer pour remplacer celle de « pays sous-développé ». Dans l'article fondateur ce n'est, selon [[Yves Lacoste|Y. Lacoste]], qu'un heureux jeu de mots du chroniqueur de L'Observateur. Curieusement, l'expression est presque totalement absente du Cahier 27, ''Tiers Monde, sous-développement et développement'', paru en 1956. Il est vrai qu'à cette époque A. Sauvy, victime d'un « grave accroc de santé », ne put coordonner les travaux et demanda à G. Balandier de faire la présentation des différents chapitres. Il ne donne à ce recueil le titre de ''Tiers Monde'' qu'au moment de l'impression et il n'y introduisit la formule elle-même que lors de la 2e édition, en 1961, dans une mise à jour qui précède la reproduction du texte initial. Plus tard, A. Sauvy préfère parler de « pays pauvres », car « les différences entre ces pays sont devenues si grandes de divers points de vue que l'expression « Tiers Monde » est devenue un moyen commode d'éviter les discriminations nécessaires ». C'est à cette discussion sur les « Tiers Mondes » que nous renvoie ici Jacques Véron par sa lecture des travaux consacrés par l'INED aux problèmes du développement et aux pays qui en souffrent. »}}
* {{article|auteur=Jacques Veron|titre=L'INED et le Tiers Monde |périodique=Population|numéro=6|lieu= Paris|année= 1995|passage=1565-1578 |lire en ligne=www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1995_num_50_6_5885|doi=10.2307/1534468}}.{{Commentaire biblio|Résumé en en-tête : {{citation|L'expression « Tiers Monde », créée par A. Sauvy en 1952, a mis de nombreuses années à s'imposer pour remplacer celle de « pays sous-développé ». Dans l'article fondateur ce n'est, selon [[Yves Lacoste|Y. Lacoste]], qu'un heureux jeu de mots du chroniqueur de L'Observateur. Curieusement, l'expression est presque totalement absente du Cahier 27, ''Tiers Monde, sous-développement et développement'', paru en 1956. Il est vrai qu'à cette époque A. Sauvy, victime d'un « grave accroc de santé », ne put coordonner les travaux et demanda à G. Balandier de faire la présentation des différents chapitres. Il ne donne à ce recueil le titre de ''Tiers Monde'' qu'au moment de l'impression et il n'y introduisit la formule elle-même que lors de la {{2e|édition}}, en 1961, dans une mise à jour qui précède la reproduction du texte initial. Plus tard, A. Sauvy préfère parler de « pays pauvres », car « les différences entre ces pays sont devenues si grandes de divers points de vue que l'expression « Tiers Monde » est devenue un moyen commode d'éviter les discriminations nécessaires ». C'est à cette discussion sur les « Tiers Mondes » que nous renvoie ici Jacques Véron par sa lecture des travaux consacrés par l'INED aux problèmes du développement et aux pays qui en souffrent.}}}}
* ''Le Tiers-Monde : sous-développement et développement'' [dit ''Cahier sur les pays sous-développés''], sous la dir. de [[Georges Balandier]], Paris, 1956 (''Travaux et documents de l’INED'', 27) {{ISSN|0071-8823}} ([http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1956_num_11_4_4800?_Prescripts_Search_isPortletOuvrage=false présentation] dans la revue ''Population'' en 1956) ; {{2e}} éd. avec un avant-propos d'[[Alfred Sauvy]], 1961.
* {{article|auteur=[[Georges Balandier]]|titre=Le {{citation|Tiers Monde}} : sous-développement et développement [dit ''Cahier sur les pays sous-développés''] Présentation d'un cahier de l'I.N.E.D. |lieu=Paris|année= 1956|ISSN=0071-8823|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1956_num_11_4_4800 |périodique=Population|numéro=4|passage=737-741}}.
* {{Ouvrage| auteur1=[[Alfred Sauvy]]| titre = Trois mondes, une planète | périodique = [[Le Nouvel Observateur#Historique|L'Observateur politique, économique et littéraire]]| numéro= 118|lieu = Paris|jour=14 |mois=août |année =1952|page= 14 |url = http://www.homme-moderne.org/societe/demo/sauvy/3mondes.html |consulté le= 5 octobre 2014}}.
* {{article| auteur=[[Alfred Sauvy]]| titre = Trois Mondes, une planète | périodique = [[Le Nouvel Observateur#Historique|L'Observateur politique, économique et littéraire]]| numéro= 118|lieu = Paris|date =14 août 1952|passage= 14 |lire en ligne = https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1986_num_12_1_1516 |consulté le= 5 octobre 2014}}.
* « Professor Alfred Sauvy », dans ''[http://biblioteca.ibge.gov.br/colecao_digital_publicacoes_multiplo.php?link=RBE&titulo=Revista%20Brasileira%20de%20Estat%EDstica%20-%20RBE Revista Brasileira de Estatística]'', 12, vol. 47, Rio de Janeiro, 1951, p. 366-367 ([http://biblioteca.ibge.gov.br/visualizacao/monografias/GEBIS%20-%20RJ/RBE/RBE%201951%20v12%20n47.pdf en ligne]).{{Commentaire biblio|Séjour au Brésil au cours duquel Sauvy a parlé de « trois mondes », mais sans mention dans ce texte.}}
* « Professor Alfred Sauvy », dans ''[http://biblioteca.ibge.gov.br/colecao_digital_publicacoes_multiplo.php?link=RBE&titulo=Revista%20Brasileira%20de%20Estat%EDstica%20-%20RBE Revista Brasileira de Estatística]'', 12, vol. 47, Rio de Janeiro, 1951, p. 366-367 ([http://biblioteca.ibge.gov.br/visualizacao/monografias/GEBIS%20-%20RJ/RBE/RBE%201951%20v12%20n47.pdf en ligne]).{{Commentaire biblio|Séjour au Brésil au cours duquel Sauvy a parlé de « trois mondes », mais sans mention dans ce texte.}}


=== Sur les tiers-mondistes ===
=== Sur les tiers-mondistes ===
* Maxime Szczepanski-Huillery, ''« L’idéologie tiers-mondiste ». Constructions et usages d’une catégorie intellectuelle en « crise »'', dans ''Raisons politiques'', 18, vol. 2005-2, Paris, 2005, p. 27-48 {{ISSN|1291-1941}} ([http://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=RAI_018_0027 en ligne]). {{Commentaire biblio|Résumé en en-tête : « À partir d’une analyse des polémiques qui se développèrent à la fin des années 1970, en France, autour de la « crise du tiers-mondisme », cet article vise à décrire les processus de construction et les usages d’une catégorie politique stigmatisée. Partant de la production discursive autour du tiers-mondisme, ce texte repère et analyse en premier lieu le travail définitionnel opéré par les différents commentateurs afin de dresser l’« arbre généalogique » du tiers-mondisme. Revenant ensuite sur l’un des épisodes centraux de la « crise », en 1985, il s’attarde sur les trajectoires de certains de ses protagonistes, avant d’étudier comment des « tiers-mondistes » tentèrent, sans succès, de s’emparer de l’étiquette et de retourner le stigmate. In fine, l’analyse de cette catégorie renseigne peut-être plus sur ceux qui l’utilisent que sur ceux qu’elle entend désigner. Plus généralement, ses usages illustrent la manière dont les « crises » intellectuelles contribuent pour partie à rassembler, à homogénéiser puis à durcir, sous la forme consacrée de l’« idéologie », des courants de pensée et des modalités d’action perçus a priori comme hétérogènes. »}}
* {{article|auteur=Maxime Szczepanski-Huillery|titre=« L’idéologie tiers-mondiste »|sous-titre= Constructions et usages d’une catégorie intellectuelle en « crise »|périodique=Raisons politiques|volume=18, 2005-2|lieu= Paris|année= 2005|passage=27-48 |ISSN=1291-1941|lire en ligne=http://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=RAI_018_0027|doi=10.3917/rai.018.0027}}. {{Commentaire biblio|Résumé en en-tête : « À partir d’une analyse des polémiques qui se développèrent à la fin des années 1970, en France, autour de la « crise du tiers-mondisme », cet article vise à décrire les processus de construction et les usages d’une catégorie politique stigmatisée. Partant de la production discursive autour du tiers-mondisme, ce texte repère et analyse en premier lieu le travail définitionnel opéré par les différents commentateurs afin de dresser l’« arbre généalogique » du tiers-mondisme. Revenant ensuite sur l’un des épisodes centraux de la « crise », en 1985, il s’attarde sur les trajectoires de certains de ses protagonistes, avant d’étudier comment des « tiers-mondistes » tentèrent, sans succès, de s’emparer de l’étiquette et de retourner le stigmate. In fine, l’analyse de cette catégorie renseigne peut-être plus sur ceux qui l’utilisent que sur ceux qu’elle entend désigner. Plus généralement, ses usages illustrent la manière dont les « crises » intellectuelles contribuent pour partie à rassembler, à homogénéiser puis à durcir, sous la forme consacrée de l’« idéologie », des courants de pensée et des modalités d’action perçus a priori comme hétérogènes. »}}
* Benjamin Buclet, ''Le Marché international de la solidarité : les organisations non gouvernementales en Amazonie brésilienne'' [Thèse, [http://actualites.ehess.fr/nouvelle420.html EHESS], {{date-|17 juin 2004}}], sous la dir. Afrânio Garcia, Paris, 2004 ([https://web.archive.org/web/20070322212954/http://www.elcorreo.eu.org/IMG/pdf/doc-223.pdf en ligne]).{{Commentaire biblio|Buclet remarque, p. 49 : « En réalité les fondements du tiers-mondisme sont à rechercher bien plus loin que la conférence de Bandoung. Le parcours du Père Lebret (qui fut à l’origine de l’encyclique le plus célèbre de la « théologie de la libération » Populorum progressio - voir Pelletier, 1996) est exemplaire sur ce point et montre que l’on trouve, derrière l’engagement pour la réduction des inégalités Nord-Sud, l’utopie communautaire chrétienne. Ainsi, « le développement communautaire, puis autocentré, puis participatif – vocable qui apparaissent comme des crédos en partie déchus bien qu ́ils soient encore utilisés – est propice à penser le développement comme une aventure collective, dans un contexte pastoral et biblique, sous la main bienveillante de Dieu qui, justement, reconnaît les siens » (Hours, 1998:34). Le tiers-mondisme apparaît donc comme un courant idéologique nourri, d’un côté, par le communautarisme chrétien et, de l’autre, par les courants politiques de gauche. »}}
* {{ouvrage|auteur=Benjamin Buclet|titre=Le Marché international de la solidarité |sous-titre= les organisations non gouvernementales en Amazonie brésilienne|nature ouvrage=Thèse sous la dir. Afrânio Garcia |présentation en ligne=http://actualites.ehess.fr/nouvelle420.html EHESS|date=17 juin 2004|lieu=Paris}}.{{Commentaire biblio|Buclet remarque, {{p.| 49}} : {{citation|En réalité les fondements du tiers-mondisme sont à rechercher bien plus loin que la conférence de Bandoung. Le parcours du Père Lebret (qui fut à l’origine de l’encyclique le plus célèbre de la « théologie de la libération » Populorum progressio - voir Pelletier, 1996) est exemplaire sur ce point et montre que l’on trouve, derrière l’engagement pour la réduction des inégalités Nord-Sud, l’utopie communautaire chrétienne. Ainsi, « le développement communautaire, puis autocentré, puis participatif – vocable qui apparaissent comme des crédos en partie déchus bien qu ́ils soient encore utilisés – est propice à penser le développement comme une aventure collective, dans un contexte pastoral et biblique, sous la main bienveillante de Dieu qui, justement, reconnaît les siens » (Hours, 1998:34). Le tiers-mondisme apparaît donc comme un courant idéologique nourri, d’un côté, par le communautarisme chrétien et, de l’autre, par les courants politiques de gauche.}}}}
* [[Yves Lacoste]], ''Contre les anti-tiersmondistes et contre certains tiersmondistes'', Paris, 1985.
* {{ouvrage|auteur=[[Yves Lacoste]]|titre=Contre les anti-tiersmondistes et contre certains tiersmondistes|lieu=Paris|éditeur=La Découverte|année= 1985|ISBN=978-2-7071-1572-0}}.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|groupe=alpha}}

=== Références ===
{{Références}}
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=== Liens externes ===
=== Liens externes ===
* {{Autorité}}
{{Liens}}
* {{Bases}}
* {{Dictionnaires}}
* Alfred Sauvy [https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1986_num_12_1_1516 ''Trois mondes, une planète''], L'Observateur, n°118, {{date-|14 août 1952}}, p.14 (aussi [http://www.homme-moderne.org/societe/demo/sauvy/3mondes.html ici]).
* Les sujets [http://www.monde-diplomatique.fr/index/sujet/tiersmonde Tiers-monde] et [http://www.monde-diplomatique.fr/index/sujet/nordsud Nord-Sud] sur le site du ''[[Le Monde diplomatique|Monde diplomatique]]'', dont ''[http://www.monde-diplomatique.fr/mav/87/ Vies et mort du tiers-monde]'' (2006).
* Les sujets [http://www.monde-diplomatique.fr/index/sujet/tiersmonde Tiers-monde] et [http://www.monde-diplomatique.fr/index/sujet/nordsud Nord-Sud] sur le site du ''[[Le Monde diplomatique|Monde diplomatique]]'', dont ''[http://www.monde-diplomatique.fr/mav/87/ Vies et mort du tiers-monde]'' (2006).
* ''[https://web.archive.org/web/20080405043827/http://www.ihecs.be/focus/page+rubrique/rubriquegen.htm Sur les empires]'', de l'[[Institut des hautes études des communications sociales]] (Bruxelles).
* ''[https://web.archive.org/web/20080405043827/http://www.ihecs.be/focus/page+rubrique/rubriquegen.htm Sur les empires]'', de l'[[Institut des hautes études des communications sociales]] (Bruxelles).

Dernière version du 2 avril 2024 à 10:43

Carte décrivant sommairement la chronologie de l'accès à l'indépendance, et les phases du processus de décolonisation.

L'expression tiers monde, ou tiers-monde[a], lancée en 1952[1], se rapporte à l'ensemble des pays africains, asiatiques, océaniens ou du continent américain en carence de développement. Ce terme est considéré comme obsolète par certains[2],[3] au profit de celui de pays les moins avancés (PMA).

Les termes premier monde, second monde et tiers monde ont été employés pour regrouper les nations de la Terre en trois grandes catégories. Ces trois termes ne sont pas apparus simultanément. Après la Seconde Guerre mondiale, l’OTAN et le Pacte de Varsovie ont été considérés comme les deux grands blocs. Le nombre de pays faisant partie de ces deux blocs n’étant pas fixé de manière précise, on s’est finalement aperçu qu’un grand nombre de pays ne rentraient dans aucune de ces deux catégories.

En 1952, le démographe français Alfred Sauvy et le sociologue Georges Balandier inventent le terme « tiers monde » pour désigner ces pays[4]. La fameuse expression « Tiers Monde », est initialement publiée dans un article dans L'Obs écrit en 1952 par Sauvy[5] : « Nous parlons volontiers des deux mondes en présence, de leur guerre possible, de leur coexistence, etc. oubliant trop souvent qu'il en existe un troisième, le plus important […] C'est l'ensemble de ceux que l'on appelle […] les pays sous-développés […]. Ce Tiers Monde ignoré, exploité, méprisé […] veut, lui aussi, être quelque chose ». L'expression « le tiers monde », du fait de son caractère générique ne doit toutefois pas occulter les spécificités historiques et le contexte socio-politique de chacun des pays censés y correspondre.

Définitions[modifier | modifier le code]

L'indice de développement humain de l'ONU, ici en 2008, est un index quantitatif utilisé par certains pour décrire approximativement le tiers monde.

Le tiers-monde décrit la réalité complexe, transitoire et chaotique s'inscrivant dans le décalage croissant qui nait entre monde traditionnel et monde moderne à partir de la révolution industrielle (qui débute en Angleterre vers la fin du XVIIIe siècle). On remarque cependant qu'à cette époque, si en Amazonie, et dans certaines régions d'Afrique, et d'Asie, les hommes vivent dans un âge proche de l’âge de la pierre taillée, d’autres en Chine et en Inde se trouvent à un niveau de vie supérieur à celui de l’Angleterre du XVIIIe – XIXe siècle. L’historien Christopher Alan Bayly l’a éminemment montré dans son ouvrage La Naissance du monde moderne.

L'idéologie anti-tiers-mondiste insiste sur le fait qu'il s'agit d'une réalité très hétérogène, et conclut à l'existence de « plusieurs » tiers mondes[6]. Cela en fonction des perspectives envisagées.

Dans l'inégalité économique, l'expression correspond à l'ensemble des pays pauvres, soit les pays les moins avancés et les pays en développement. Dans cet esprit, le quart monde (proposé par Joseph Wresinski en 1969) fait référence à cette couche de population la plus défavorisée, ne disposant pas des mêmes droits que les autres, et existant dans tous les pays, qu'ils soient riches ou pauvres.

Dans les rapports nord-sud avec « des Suds » faisant face à « un Nord » plutôt occidental[7] et compris comme « développé », l'expression fait alors référence à des « pays dépendants du monde capitaliste »[8], ou des « pays appauvris et surexploités »[9]. Ils « ont le trait commun de n'avoir pas ou peu connu, pour des raisons diverses, la révolution industrielle au XIXe siècle »[10], ou la prospérité qui a suivi la Renaissance en Europe, et favorisé la colonisation ou la domination des autres territoires. On notera également que cette vision doit être réactualisée avec l'apparition des pays émergents et des nouveaux pays industrialisés, ainsi que des organisations ou des regroupements à caractère économique et/ou politique (comme les pays pétroliers).

Dans la géopolitique comme Georges Balandier[11] (en 1956), l'expression désigne « la revendication des tierces nations qui veulent s'inscrire dans l'Histoire ». À la suite de la décolonisation et de la Conférence de Bandung, certains de ces pays se sont regroupés au sein de l'organisation internationale du mouvement des non alignés.

Terminologie[modifier | modifier le code]

Le monde au début de la guerre froide, en 1959.
Le monde à la fin de la guerre froide, en 1980, polarisé entre les deux superpuissances. Les autres États sont les non alignés.

L'expression « tiers monde » apparait, comme une formule, dans la chute d'une chronique de l'économiste et démographe français Alfred Sauvy en 1952, en référence au tiers état de l'Ancien Régime français dont parlait l'abbé Sieyès dans son pamphlet.

« Car enfin ce tiers monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers état, veut lui aussi, être quelque chose. »

— « Trois mondes, une planète », L'Observateur, 14 août 1952.

L'auteur de l'expression la désavoue cependant en 1988 dans un article du Monde : « Que l'on permette au créateur de l'expression tiers-monde, il y a déjà près de quarante ans, de la répudier, tant elle fait oublier la diversité croissante des cas. Englober dans le même terme les pays d'Afrique noire et « les quatre dragons » ne peut mener bien loin. »

Le terme est à nouveau très discuté après sa reprise par Georges Balandier en 1956, dans leur publication à l'INED (voir en bibliographie). Il désigne les pays du globe considérés alors comme « sous-développés ».

On interprète dès le début leur proposition, à tort (Balandier, 2003), comme le regroupement des pays n'appartenant ni au bloc occidental (Amérique du Nord, Europe de l'Ouest, Japon, Israël, Australie…), ni au bloc communiste (URSS, Chine, Europe de l'Est…). La chute du mur de Berlin et la dislocation de l'Union soviétique ont de toute façon rendu ce caractère obsolète.

En 2003, dans sa réponse à une question de Jean-Marc Biais « Peut-on encore parler de « tiers-monde », mot que vous avez inventé, en 1956, avec Alfred Sauvy ? », Balandier maintient son terme :

« Cette expression a connu un succès planétaire. Mais, souvent, elle a suscité des malentendus. Pour nous, il ne s'agissait pas de définir un troisième ensemble de nations, à côté des deux blocs (capitaliste et soviétique) en guerre froide. Non, c'était une référence au tiers état de l'Ancien Régime, cette partie de la société qui refusait de « n'être rien », selon le pamphlet de l'abbé Sieyès. Cette notion désigne donc la revendication des tierces nations qui veulent s'inscrire dans l'Histoire. Après une longue éclipse, l'initiative est reprise aujourd'hui par quelques pays en cours de modernisation : le Brésil, l'Inde, l'Afrique du Sud. Lors de la récente conférence de Cancun, ils ont affirmé une forte identité face aux puissances occidentales. N'est-ce pas le début d'une renaissance du tiers-monde ?[12] »

Cependant, dans le cadre des sciences géographiques, démographiques, sociales ou économiques, l'expression « Tiers-Monde » est désuète depuis 1997 : on parle de pays les moins avancés (PMA).

Débats actuels[modifier | modifier le code]

Les grandes alliances militaires
Inégalité des revenus au sein des pays, mesuré parle coefficient de Gini (Rapport sur le développement humain 2008/2009).

Certains hommes et femmes politiques[14] et économistes[15] s'interrogent sur « la fin du tiers monde » dans la perspective d'un monde multipolaire où la pauvreté serait « combattue » (Robert Zoellick).

Effectivement, l'expression tiers monde est de plus en plus rarement utilisée en économie (voir la typologie économique des pays), bien que l'on parle toujours de la dette du tiers monde[16]. Cependant, son usage perdure dans divers contextes (politiques, historiques, anthropologiques, sociologiques, idéologiques), mais y est critiquée comme étant, alternativement, idéaliste[17], révolutionnaire[18] ou néo-impérialiste[19].

Conférences internationales[modifier | modifier le code]

Plusieurs réunions, dont certaines sont dites « Sommets du mouvement des non alignés » ou d'autres « Conférences Tricontinentales », ont parfois réuni ces pays autour d'une politique commune[20] :

Agriculture[modifier | modifier le code]

L'agriculture est, dans les pays du tiers-monde, un facteur économique primordial.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Sur le tiers monde[modifier | modifier le code]

Sur l'origine du terme[modifier | modifier le code]

  • Jacques Veron, « L'INED et le Tiers Monde », Population, Paris, no 6,‎ , p. 1565-1578 (DOI 10.2307/1534468, www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1995_num_50_6_5885).
    Résumé en en-tête : « L'expression « Tiers Monde », créée par A. Sauvy en 1952, a mis de nombreuses années à s'imposer pour remplacer celle de « pays sous-développé ». Dans l'article fondateur ce n'est, selon Y. Lacoste, qu'un heureux jeu de mots du chroniqueur de L'Observateur. Curieusement, l'expression est presque totalement absente du Cahier 27, Tiers Monde, sous-développement et développement, paru en 1956. Il est vrai qu'à cette époque A. Sauvy, victime d'un « grave accroc de santé », ne put coordonner les travaux et demanda à G. Balandier de faire la présentation des différents chapitres. Il ne donne à ce recueil le titre de Tiers Monde qu'au moment de l'impression et il n'y introduisit la formule elle-même que lors de la 2e édition, en 1961, dans une mise à jour qui précède la reproduction du texte initial. Plus tard, A. Sauvy préfère parler de « pays pauvres », car « les différences entre ces pays sont devenues si grandes de divers points de vue que l'expression « Tiers Monde » est devenue un moyen commode d'éviter les discriminations nécessaires ». C'est à cette discussion sur les « Tiers Mondes » que nous renvoie ici Jacques Véron par sa lecture des travaux consacrés par l'INED aux problèmes du développement et aux pays qui en souffrent. »
  • Georges Balandier, « Le « Tiers Monde » : sous-développement et développement [dit Cahier sur les pays sous-développés] – Présentation d'un cahier de l'I.N.E.D. », Population, Paris, no 4,‎ , p. 737-741 (ISSN 0071-8823, lire en ligne).
  • Alfred Sauvy, « Trois Mondes, une planète », L'Observateur politique, économique et littéraire, Paris, no 118,‎ , p. 14 (lire en ligne, consulté le ).
  • « Professor Alfred Sauvy », dans Revista Brasileira de Estatística, 12, vol. 47, Rio de Janeiro, 1951, p. 366-367 (en ligne).
    Séjour au Brésil au cours duquel Sauvy a parlé de « trois mondes », mais sans mention dans ce texte.

Sur les tiers-mondistes[modifier | modifier le code]

  • Maxime Szczepanski-Huillery, « « L’idéologie tiers-mondiste » : Constructions et usages d’une catégorie intellectuelle en « crise » », Raisons politiques, Paris, vol. 18, 2005-2,‎ , p. 27-48 (ISSN 1291-1941, DOI 10.3917/rai.018.0027, lire en ligne).
    Résumé en en-tête : « À partir d’une analyse des polémiques qui se développèrent à la fin des années 1970, en France, autour de la « crise du tiers-mondisme », cet article vise à décrire les processus de construction et les usages d’une catégorie politique stigmatisée. Partant de la production discursive autour du tiers-mondisme, ce texte repère et analyse en premier lieu le travail définitionnel opéré par les différents commentateurs afin de dresser l’« arbre généalogique » du tiers-mondisme. Revenant ensuite sur l’un des épisodes centraux de la « crise », en 1985, il s’attarde sur les trajectoires de certains de ses protagonistes, avant d’étudier comment des « tiers-mondistes » tentèrent, sans succès, de s’emparer de l’étiquette et de retourner le stigmate. In fine, l’analyse de cette catégorie renseigne peut-être plus sur ceux qui l’utilisent que sur ceux qu’elle entend désigner. Plus généralement, ses usages illustrent la manière dont les « crises » intellectuelles contribuent pour partie à rassembler, à homogénéiser puis à durcir, sous la forme consacrée de l’« idéologie », des courants de pensée et des modalités d’action perçus a priori comme hétérogènes. »
  • Benjamin Buclet, Le Marché international de la solidarité : les organisations non gouvernementales en Amazonie brésilienne (Thèse sous la dir. Afrânio Garcia), Paris, (présentation en ligne).
    Buclet remarque, p. 49 : « En réalité les fondements du tiers-mondisme sont à rechercher bien plus loin que la conférence de Bandoung. Le parcours du Père Lebret (qui fut à l’origine de l’encyclique le plus célèbre de la « théologie de la libération » Populorum progressio - voir Pelletier, 1996) est exemplaire sur ce point et montre que l’on trouve, derrière l’engagement pour la réduction des inégalités Nord-Sud, l’utopie communautaire chrétienne. Ainsi, « le développement communautaire, puis autocentré, puis participatif – vocable qui apparaissent comme des crédos en partie déchus bien qu ́ils soient encore utilisés – est propice à penser le développement comme une aventure collective, dans un contexte pastoral et biblique, sous la main bienveillante de Dieu qui, justement, reconnaît les siens » (Hours, 1998:34). Le tiers-mondisme apparaît donc comme un courant idéologique nourri, d’un côté, par le communautarisme chrétien et, de l’autre, par les courants politiques de gauche. »
  • Yves Lacoste, Contre les anti-tiersmondistes et contre certains tiersmondistes, Paris, La Découverte, (ISBN 978-2-7071-1572-0).

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Le Petit Larousse illustré 1991, p. 964, écrit « tiers-monde ». Le Petit Robert 2004, p. 2613, écrit « tiers-monde », mais cite un auteur qui écrit « Tiers-Monde ». Le Petit Robert 2014 écrit aussi « tiers-monde ». Le TLFi écrit « tiers monde » et « tiers-monde » [1], mais cite un auteur qui écrit « Tiers Monde ».

Références[modifier | modifier le code]

  1. Par le démographe et économiste français Alfred Sauvy dans l'article Trois mondes, une planète, de L'Observateur, n°118, 14 août 1952, p. 14.
  2. Le tiers-monde en quête d'identité.
  3. Guy Gosselin et Marcel Fillion, Régimes politiques et Sociétés dans le monde, Québec, Presses Université Laval, , 388 p. (ISBN 978-2-7637-8291-1, lire en ligne), p. 314
  4. « Georges Balandier (1920-2016) », sur dossiers-bibliotheque.sciencespo.fr (consulté le )
  5. Sauvy 1952
  6. « Tiers-mondisme et anti-tiers-mondisme. Table ronde », Revue internationale d’action communautaire, no 18,‎ , p. 175–185 (DOI 10.7202/1034277ar).
  7. Sophie Bessis, « Les nouveaux enjeux et les nouveaux acteurs des débats internationaux dans les années 90 », Tiers-Monde, Paris, no 151,‎ , p. 659-675, part. p. 666 (lire en ligne). Voir aussi John M. Hobson 2004 en bibliographie.
  8. Gwenaëlle Dekegeleer, Régions pauvres : les mots pour le dire, site de l'Institut des hautes études des communications sociales (Bruxelles).
  9. Denis Horman, cité dans Ibid.
  10. Voir Jean-Jacques Friboulet, env. 1994.
  11. L'Express du 9 octobre 2003, cité plus bas. Voir aussi, Georges Balandier, « Images, images, images », Cahiers internationaux de sociologie, no 82,‎ , p. 7-22 (lire en ligne) : « L'expression « société de communication » est une forme presque pléonastique. Toutes les sociétés, de tout temps, sont des espaces de communication, d'information et de communication ; c'est, avec la double production matérielle et symbolique, ce qui caractérise leur mode d'exister et leur inscription dans l'histoire. »
  12. L'Express du 9 octobre 2003 à l'occasion des Rendez-vous de l'Histoire - Blois, 16 au 19 octobre 2003.
  13. (en) Africa-Union : Peace and Security Council.
  14. Le président de la Banque mondiale Robert Zoellick (La fin du tiers monde ? Moderniser le multilatéralisme pour un monde multipolaire, ) ne constate pas cette fin, mais l'appelle à ses vœux :
    « L’heure est venue d’abandonner les notions désuètes de pays développés et de tiers monde, de leaders et de suiveurs et de donateurs et de demandeurs. Nous devons soutenir l’émergence de nouveaux pôles de croissance qui profitent à tous. »
  15. Voir, par exemple, Patrick Sevaistre, Vers la fin du « Tiers Monde » ?, 28 avril 2010.
  16. Voir aussi chez certains économiste libéraux, comme dans le provoquant texte de Peter Thomas Bauer (trad. Raoul Audouin), Mirage égalitaire et Tiers Monde [« Equality, the Third World, and Economic Delusion »], Paris, PUF, (1re éd. 1981) (ISBN 978-2-13-038201-0).
  17. Voir John M. Hobson 2004.
  18. Voir René Gallissot 2005.
  19. Voir Maxime Szczepanski-Huillery 2005.
  20. Aziz Salmone Fall, « Les 50 ans de Bandoeng - le non alignement à l’ère du supraimpérialisme », (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]