« Phylogénie » : différence entre les versions

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{{À sourcer|date=avril 2013}}
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{{Infobox Discipline

|image=Évolution_buissonnante.png
La '''''phylogenèse''''' ou '''phylogénie''' (du [[grec ancien]] ''φῦλον'', phylon, signifiant « race, tribu, espèce »)<ref>{{Ouvrage|langue=français grec|auteur1=Bailly|prénom1=Anatole|nom1=1833-1911.|titre=Abrégé du dictionnaire grec français|passage=944|lieu=|éditeur=Hachette|date=1981|pages totales=|isbn=2010035283|isbn2=9782010035289|oclc=461974285|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/461974285}}</ref> est l'étude des relations de [[parenté]] entre êtres vivants :
|légende=[[Évolution (biologie)|Évolution]] [[arbre phylogénétique|phylogénique]] des trois grands domaines du « buisson » de l'[[histoire évolutive du vivant]] selon la [[classification phylogénétique]] : les [[Archaea|archées]] et [[bactérie]]s ([[Prokaryota|procaryotes]]) et les [[Eukaryota|eucaryotes]]
* entre [[individu]]s (niveau ''[[Généalogie|généalogique]]'' ; seule une généalogie individuelle peut répondre à la question « qui est l'ancêtre de qui ? » , tandis qu'une phylogénie de groupe peut répondre à la question « qui est le plus proche parent de qui ? ») ;
}}
La '''''phylogenèse''''' ou '''phylogénie''', du [[grec ancien]] {{grec ancien|φῦλον|phûlon}}, « tribu, famille, clan » et {{grec ancien|γένεσις|génesis}}, « genèse »<ref>{{Ouvrage|langue=fr+grc|auteur1=Anatole Bailly|titre=Abrégé du dictionnaire grec français|passage=944|lieu=Paris|éditeur=[[Hachette Livre|Hachette]]|année=1981|pages totales=1012|isbn=2-01-003528-3|isbn2=9782010035289|oclc=461974285}}</ref>, est l'étude des liens de [[parenté]] (relations phylogénétiques ou '''phylétiques''') entre les êtres vivants et ceux qui ont disparu :
* entre [[individu]]s (niveau ''[[Généalogie|généalogique]]'' ; seule une généalogie individuelle peut répondre à la question « qui est l'ancêtre de qui ? », tandis qu'une phylogénie de groupe peut répondre à la question « qui est le plus proche parent de qui ? ») ;
* entre [[population]]s (à l'intérieur d'une même [[espèce]] qui, pour simplifier, peut se résumer à une population dont les membres sont interféconds : niveau ''intraspécifique'') ;
* entre [[population]]s (à l'intérieur d'une même [[espèce]] qui, pour simplifier, peut se résumer à une population dont les membres sont interféconds : niveau ''intraspécifique'') ;
* entre espèces (niveau ''interspécifique'').
* entre espèces (niveau ''interspécifique'').

La phylogenèse permet de reconstituer l'[[Évolution (biologie)|évolution]] des [[organisme vivant|organismes vivants]].
La phylogenèse permet de reconstituer l'[[Évolution (biologie)|évolution]] des [[organisme vivant|organismes vivants]].
[[Fichier:Phylogenetics-french.jpg|thumb|Phylogénie à trois [[Domaine (biologie)|domaine]]s, prenant en compte les résultats de la [[cladistique]] et de la [[génétique]], par [[Guillaume Lecointre]] & [[Hervé Le Guyader]] (2006) et d'après [[Purificación López-García]] & David Moreira (2008)<ref>{{en}} [[Purificación López-García]] & David Moreira, "Tracking microbial biodiversity through molecular and genomic ecology", ''Research in Microbiology'', Vol.159, No.1, January-February 2008, p.67–73. {{doi|10.1016/j.resmic.2007.11.019}}</ref>.]]


En phylogenèse, on représente couramment les parentés par un [[arbre phylogénétique]]. Le nombre de nœuds entre les branches, qui représente autant d'ancêtres communs, indique le degré de parenté entre les individus, les groupes ou les [[taxon]]s. Plus il y a de nœuds et donc d'ancêtres intermédiaires entre deux êtres vivants, plus leur ancêtre commun est ancien et plus leur parenté actuelle est éloignée.
En phylogenèse, on représente couramment les parentés par un [[arbre phylogénétique]]. Le nombre de nœuds entre les branches, qui représente autant d'ancêtres communs, indique le degré de parenté entre les individus, les groupes ou les [[taxon]]s. Plus il y a de nœuds et donc d'ancêtres intermédiaires entre deux êtres vivants, plus leur ancêtre commun est ancien et plus leur parenté actuelle est éloignée.


En phylogenèse interspécifique, un arbre ([[dendrogramme]]) est élaboré:
En phylogenèse interspécifique, un arbre ([[dendrogramme]]) est élaboré :
* soit par [[#Phénétique|phénétique]] (''phénogramme''), la longueur des branches représentant la distance génétique entre taxons ;
* soit par [[#Phénétique|phénétique]] (''phénogramme''), la longueur des branches représentant la distance génétique entre taxons ;
* soit par [[cladistique]] (''cladogramme''), où l'on place sur les branches les événements évolutifs (états dérivés de caractères homologues) ayant eu lieu dans chaque lignée.
* soit par [[cladistique]] (''cladogramme''), où l'on place sur les branches les événements évolutifs (états dérivés de caractères homologues) ayant eu lieu dans chaque lignée.

== Histoire ==
Le terme de ''phylogénie'' est créé par [[Ernst Haeckel]]<ref>{{ouvrage|auteur1=Pierre Vignais|titre=La biologie, des origines à nos jours|sous-titre=Une histoire des idées et des hommes|éditeur=EDP Sciences|année=2001|isbn=2-86883-519-8|pages totales=480|passage=468}}</ref> dans son ouvrage ''Natürliche Schöpfungsgeschichte'' (1868). Il dénomme ainsi l'{{citation |histoire de l'évolution paléontologique des organismes}} par opposition à l'histoire de l'évolution individuelle ou ontogénie qu'il considère comme une récapitulation de la première<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Ernst Haeckel]]|traducteur=Charles-Jean-Marie Letourneau|titre=Histoire de la création des êtres organisés, d'après les lois naturelles|langue originale=de |titre original=Natürliche Schöpfungsgeschichte |lieu=Paris|éditeur=C. Reinwald|année=1874|lire en ligne=https://archive.org/details/b2932967x/page/10/mode/2up |consulté le=7 août 2023}}</ref>.


== Présentation ==
== Présentation ==
La [[systématique]], ou l'étude de la diversité biologique en vue de sa [[classification scientifique des espèces|classification]], se concentre, à la lumière des découvertes récentes, sur une [[classification phylogénétique]] remplaçant à présent la [[classification classique]].
La [[systématique]], ou l'étude de la diversité biologique en vue de sa [[classification scientifique des espèces|classification]], se concentre, à la lumière des découvertes récentes, sur une [[classification phylogénétique]] remplaçant à présent la [[classification classique]].{{Refnec}}

La classification classique établit des groupes ou taxons en fonction d'un simple critère de ressemblance globale.
La classification classique établit des groupes ou taxons en fonction d'un simple critère de ressemblance globale.

Une classification phylogénétique suppose que l'on regroupe les êtres vivants en fonction de leurs liens de parenté. Tout groupe systématique (ou « [[taxonomie|taxon]] ») renferme donc des êtres vivants proches entre eux génétiquement (ce qui n'est pas toujours corrélé à une ressemblance [[phénotype|phénotypique]] globale). Les liens de parenté entre deux membres d'un taxon sont toujours plus étroits que les liens de parenté entre un membre quelconque du groupe et un être vivant extérieur au groupe (il arrive que ce membre extérieur soit pourtant très ressemblant en raison du phénomène de [[convergence évolutive]], il s'agit alors d'[[analogie (évolution)|analogie]] entre les espèces, ce qui ne permet pas de les classer).
Une classification phylogénétique suppose que l'on regroupe les êtres vivants en fonction de leurs liens de parenté. Tout groupe systématique (ou « [[taxonomie|taxon]] ») renferme donc des êtres vivants proches entre eux génétiquement (ce qui n'est pas toujours corrélé à une ressemblance [[phénotype|phénotypique]] globale). Les liens de parenté entre deux membres d'un taxon sont toujours plus étroits que les liens de parenté entre un membre quelconque du groupe et un être vivant extérieur au groupe (il arrive que ce membre extérieur soit pourtant très ressemblant en raison du phénomène de [[convergence évolutive]], il s'agit alors d'[[analogie (évolution)|analogie]] entre les espèces, ce qui ne permet pas de les classer).

Pour reconstituer les liens de parenté entre êtres vivants, la phylogénie procède selon deux techniques : la [[Phylogénie#Phénétique|phénétique]] et la [[Phylogénie#Cladistique|cladistique]].
Pour reconstituer les liens de parenté entre êtres vivants, la phylogénie procède selon deux techniques : la [[#Phénétique|phénétique]] et la [[#Cladistique|cladistique]].

Il est donc vraiment important de saisir la différence entre analogue (caractère qui se ressemble) et [[Homologie (évolution)|homologue]] (caractère semblable hérité d'un ancêtre commun et dû à une évolution).
Il est donc vraiment important de saisir la différence entre analogue (caractère qui se ressemble) et [[Homologie (évolution)|homologue]] (caractère semblable hérité d'un ancêtre commun et dû à une évolution).


== Cladistique ==
== Cladistique ==
{{article détaillé|cladistique}}
{{article détaillé|Cladistique}}
[[Fichier:Synapomorphie et symplésiomorphie.svg|left|thumb|300px|Illustration de l'[[apomorphie]], de la [[synapomorphie]] et de la [[symplésiomorphie]].]]
La cladistique initiée par [[Willi Hennig]] hiérarchise les caractères comparés. Ne sont en fait regroupés dans un même taxon que les êtres vivants qui partagent des caractères [[homologie (évolution)|homologues]] : lorsqu'une ressemblance entre deux taxons peut être attribuée à une ascendance commune, on parle d'homologie. Les membres antérieurs de tous les [[tétrapode]]s, qu'ils soient bras ou ailes, sont homologues.
La cladistique, dont les bases ont été jetées par [[Willi Hennig]], hiérarchise les caractères comparés. Ne sont en fait regroupés dans un même taxon que les êtres vivants qui partagent des caractères [[homologie (évolution)|homologues]] :
* une « homologie [[apomorphie|apomorphique]] » (ou ''apomorphie'' du [[grec ancien|grec]] {{grec ancien|ἀπό|apó}}, « dérivée de » et {{grec ancien|μορφή|morphḗ}}, « forme ») est partagée par deux ou plusieurs [[taxon]]s-frères, et concourt à déterminer un groupe [[Monophylie|monophylétique]] strict, ou [[clade]], même si tous les descendants n'ont pas conservé ce caractère (exemple : tous les [[tétrapode]]s ont ou ont eu quatre membres, même s'ils ont disparu chez les serpents) ;
* une « homologie synapomorphique » (ou ''synapomorphie'' du grec {{grec ancien|σύν|sún}}, « commune », {{grec ancien|ἀπό|apó}}, « dérivée de » et {{grec ancien|μορφή|morphḗ}}, « forme ») est un [[Caractère ancestral et caractère dérivé|caractère dérivé]], comme les deux paires de membres des [[tétrapode]]s, dérivés des nageoires pectorales et pelviennes, paires, des [[sarcoptérygiens]] ;
* une « homologie [[Symplésiomorphie|symplésiomorphique]] » (ou ''symplésiomorphie'' du grec {{grec ancien|σύν|sún}}, « commune », {{grec ancien|πλησίος|plêsíos}}, « proche de » et {{grec ancien|μορφή|morphḗ}}, « forme ») est un caractère partagé par plusieurs lignées qui l'ont hérité d'un ancêtre commun, mais qui a pu prendre des formes différentes selon les adaptations, comme les membres antérieurs des tétrapodes, devenus bras, nageoires ou ailes, et ce à plusieurs reprises puisque des groupes différents ont développé séparément des nageoires ([[Sphenisciformes|manchots]], [[siréniens]], [[cétacés]]) ou des ailes (ainsi l'aile de la [[chauve-souris]] et de l'oiseau sont homologues en tant que membres antérieurs, mais non en tant qu'ailes : l'ancêtre commun de l'oiseau et de la chauve-souris possédait en effet déjà quatre pattes mais ses membres antérieurs n'étaient pas des ailes : le membre antérieur « aile » est apparu plus tard indépendamment dans les deux lignées des [[chiroptère]]s et des [[oiseau]]x).


{| class="wikitable droite"
Ainsi l'aile de la chauve-souris et de l'oiseau sont-ils homologues en tant que membres antérieurs, et non en tant qu'ailes. L'ancêtre commun de l'oiseau et de la chauve-souris possédait en effet déjà quatre pattes mais ses membres antérieurs n'étaient pas des ailes. Cet ancêtre commun est en effet aussi celui des [[lézard]]s, des [[crocodilien]]s. Le membre antérieur « aile » est apparu plus tard indépendamment dans les deux lignées [[chiroptère]]s et [[oiseau]]x...
! colspan="2" bgcolor="#FFFFFF"|Le caractère « membres pairs » a deux états :
|- align="center"
|bgcolor="#FFFFCC"| État ancestral
| bgcolor="#FFFF11"| '''État dérivé'''
|- align="center"
| 2 paires de nageoires des [[poisson]]s (9 et 10)
| 2 paires de pattes ([[lézard]])
|- align="center"
| [[Image:Lampanyctodes hectoris (Hector's lanternfish).svg|200px]]
| [[Image:VaranusVariusBatemansBayNSW.jpg|100px]]
|}


Les homologies sont en fait vues comme des innovations évolutives partagées ([[synapomorphie]]s) : si un caractère homologue est partagé par deux taxons, c'est que les deux taxons l'ont hérité de leur ancêtre commun. Ce caractère homologue est donc apparu dans la lignée menant à cet ancêtre commun. Tout être vivant possédant ce caractère homologue descend donc de cet ancêtre commun. Les êtres vivants ne possédant pas ce caractère homologue ne descendent donc pas de cet ancêtre commun et sont éloignés génétiquement.
Les homologies sont en fait vues comme des innovations évolutives partagées : si un caractère homologue est partagé par deux taxons, c'est que les deux taxons l'ont hérité de leur ancêtre commun. Ce caractère homologue est donc apparu dans la lignée menant à cet ancêtre commun. Tout être vivant possédant ce caractère homologue descend donc de cet ancêtre commun tandis que les êtres vivants ne possédant pas ce caractère homologue ne descendent pas de cet ancêtre commun et sont plus éloignés génétiquement.


La cladistique repose donc sur l'identification (souvent difficile) de l'homologie des caractères. Elle est pertinente au niveau morphologique (et est donc le seul moyen de classer les espèces fossiles dont l'ADN est rarement conservé) comme au niveau moléculaire.
La cladistique repose donc sur l'identification (souvent difficile) de l'homologie des caractères. Elle est pertinente au niveau morphologique (et est le seul moyen de classer les espèces fossiles dont l'[[ADN]] est rarement conservé) comme au niveau moléculaire. Les résultats sont représentés dans un [[arbre phylogénétique]], dénommé [[cladogramme]], dans lequel chaque nœud représente un ancêtre commun et où les synapomorphies sont représentées sur les branches dont la longueur est arbitraire. Chacune de ces branches est appelée un [[clade]]. Deux taxons sont d'autant plus apparentés qu'ils partagent un ancêtre commun proche dans l'arbre. Ici aussi, donc, les taxons se retrouvent regroupés en fonction de leurs liens de parenté.
Les résultats sont représentés dans un [[arbre phylogénétique]], dénommé [[cladogramme]], dans lequel chaque nœud représente un ancêtre commun et où les synapomorphies sont représentées sur les branches dont la longueur est arbitraire. Chacune de ces branches est appelée un [[clade]]. Deux taxons sont d'autant plus apparentés qu'ils partagent un ancêtre commun proche dans l'arbre. Ici aussi, donc, les taxons se retrouvent regroupés en fonction de leurs liens de parenté.


== Phénétique ==
== Phénétique ==
{{Article détaillé|phénétique}}
{{Article détaillé|Phénétique}}
La phénétique consiste à étudier les relations de similarité ou de dissimilarité globale entre les êtres vivants ; on a longtemps supposé, et ce peut être exact, que le degré de ressemblance est corrélé au degré de parenté. Méthodologiquement, on commence par quantifier la ressemblance entre les êtres vivants à classer.
{{section à recycler|date=décembre 2017}}
{{passage non neutre|La phénétique repose sur le postulat de base que le degré de ressemblance est corrélé au degré de parenté.}} Elle suppose donc de quantifier la ressemblance entre les êtres vivants à classer.


Cette méthode se révèle peu pertinente lorsqu'on l'applique aux [[Morphologie (biologie)|caractères morphologiques]] en raison des [[analogie (évolution)|analogies]] : certaines ressemblances entre êtres vivants ou taxons ne peuvent en effet être attribuées à une ascendance commune. On parle alors d'analogie. Le principe utilisé pour expliquer ce phénomène est la convergence évolutive : deux taxons différents vivant dans des [[niches écologiques]] semblables ou sur lesquels la [[Évolution (biologie)|sélection naturelle]] a eu un impact semblable pourront avoir des caractères analogues. Les ailes des oiseaux et des [[chauves-souris]] sont des caractères analogues en tant qu'ailes, car ces deux ailes ne sont pas héritées d'un ancêtre commun ailé. De plus il est très difficile de quantifier numériquement des ressemblances morphologiques.
Toutefois, en raison des [[analogie (évolution)|analogies]], les [[Morphologie (biologie)|caractères morphologiques]] ne garantissent pas la parenté : certaines ressemblances entre êtres vivants ou taxons ne peuvent en effet pas être attribuées à une ascendance commune. Elles peuvent découler d'une adaptation analogue : on parle alors de [[convergence évolutive]] car deux taxons différents vivant dans des [[niches écologiques]] semblables ou sur lesquels la [[Évolution (biologie)|sélection naturelle]] a eu un impact semblable, pourront avoir des caractères analogues. Les ailes des [[Aves|oiseaux]] et des [[chauves-souris]] sont des caractères analogues en tant qu'adaptations des membres antérieurs au vol ramé, mais sont apparues séparément dans chacune de ces deux lignées, et ne sont donc pas héritées d'un ancêtre ailé commun.
[[Fichier:Speciation modes fr.svg|thumb|upright=1.5|Les quatre modalités de la [[spéciation]].]]


{{Douteux|En revanche, la phénétique devient pertinente dès lors que l'on compare un très grand nombre (au sens statistique) de caractères car le nombre de caractères analogues devient négligeable parmi tous les caractères dont la ressemblance est effectivement due à la parenté}}. Ainsi cette technique est très puissante lorsqu'on l'applique au niveau moléculaire. Les systématiciens ont donc de plus en plus recours à des méthodes moléculaires pour comparer les taxons et reconstruire les phylogénies. Pour ce faire, ils comparent différents constituants moléculaires du vivant comme l'[[Acide désoxyribo-nucléique|ADN]], l'[[Acide ribonucléique|ARN]] ou les [[protéine]]s. En effet, ADN, ARN et protéines sont des molécules [[polymère]]s. Chaque résidu de la molécule ([[nucléotide]] pour l'ADN et l'ARN ou [[acide aminé]] pour la protéine) peut être considéré comme un caractère. Il est donc possible de comparer les séquences chez plusieurs êtres vivants et de quantifier leur ressemblance par un simple pourcentage que l'on assimile à la distance génétique entre les deux taxons auxquels appartiennent les deux êtres vivants.
Par ailleurs il est très difficile de quantifier numériquement des ressemblances morphologiques : lorsque l'on compare un très grand nombre de caractères, on obtient un taux [[statistique]] mais non une certitude sur l'origine des ressemblances. La quantification numérique des ressemblances, appliquée au niveau moléculaire, permet cependant de comparer les taxons et donne d'intéressants indices pour reconstruire les phylogénies. Pour ce faire, l'on compare différents constituants moléculaires du vivant comme l'[[Acide désoxyribo-nucléique|ADN]], l'[[Acide ribonucléique|ARN]] ou les [[protéine]]s, qui sont des molécules [[polymère]]s. Chaque résidu de la molécule ([[nucléotide]] pour l'ADN et l'ARN ou [[acide aminé]] pour la protéine) est alors considéré comme un caractère. Il est donc possible de comparer les séquences chez plusieurs êtres vivants et de quantifier leur ressemblance par un simple pourcentage que l'on assimile à la « [[distance génétique]] » entre les deux taxons auxquels appartiennent les deux êtres vivants.
Les résultats sont représentés dans un [[arbre phylogénétique]], [[dendrogramme]] que l'on pourrait nommer [[phénogramme]], où la longueur des branches dépend de la distance génétique et représente donc le degré de parenté entre les taxons étudiés. Cette technique se fonde sur le calcul d'un indice de similitude globale (ISG) qui est défini après l'analyse de nombreux caractères (morphologiques, anatomiques, moléculaires...). Toute analyse se fait à partir d'une seule espèce (exemple: comparaison de séquences nucléotidiques spécifiques de plusieurs organismes par rapport à un seul) et à partir de cette comparaison, on crée une matrice de distance (tableau au nombre d'entrées égal au nombre d'organismes comparés comprenant notre organisme de référence) puis on recherche les plus petites distances (organismes les plus proches pour le critère étudié) afin de constituer un arbre phylogénétique.


Les résultats sont représentés dans un [[arbre phylogénétique]] ou [[dendrogramme]] où la longueur des branches dépend de la distance génétique et représente donc le probable degré de parenté entre les taxons étudiés et le probable temps écoulé depuis chaque divergence (« [[spéciation]] »). Cette technique se fonde sur le calcul d'un indice de similitude globale (ISG) qui est défini après l'analyse de nombreux caractères (morphologiques, anatomiques, moléculaires…). Toute analyse se fait à partir d'une seule espèce (par exemple en comparant de séquences nucléotidiques spécifiques de plusieurs organismes par rapport à un seul). À partir de cette comparaison, on crée une « matrice de distance génétique » (tableau au nombre d'entrées égal au nombre d'organismes comparés comprenant notre organisme de référence) puis on recherche les plus petites distances (organismes les plus proches pour le critère étudié) afin de constituer un arbre phylogénétique.
== Utilisation conjointe de la phénétique et de la cladistique ==
Pendant longtemps des discussions parfois violentes ont opposé tenants de l'une ou de l'autre technique. Aujourd'hui la phénétique et la cladistique sont souvent utilisées conjointement comme étant deux méthodes indépendantes. Lorsque leurs résultats sont convergents, on obtient des phylogénies très solides.


Il en résulte une probabilité de parenté, avec un degré d'incertitude, qui explique pourquoi les phylogénéticiens ne parlent jamais d'« ancêtre » ou de « descendant », mais de ''plus proche parent connu'' de telle ou telle espèce.
L'utilisation conjointe de ces deux méthodes a révélé l'existence dans la [[classification classique]] de nombreux groupes non fondés sur les liens de parenté et qui sont donc considérés comme non légitimes et ne doivent plus être utilisés en [[taxonomie]].
L'utilisation de la phénétique moléculaire et de la cladistique ainsi que la confrontation des arbres obtenus a été largement permise par les méthodes modernes que sont l'amplification par [[Polymerase Chain Reaction|PCR]] et le [[séquençage]], alliées à de puissants outils de calcul qui permettent d'automatiser ces méthodes.


== Utilisation conjointe de la phénétique et de la cladistique ==
Exemple de changements dans l'arbre phylogénétique dus à l'utilisation de ces techniques :
Pendant longtemps des discussions, parfois violentes, ont opposé tenants de l'une ou de l'autre technique. Aujourd'hui la phénétique et la cladistique sont souvent utilisées conjointement comme deux méthodes indépendantes. Lorsque leurs résultats sont convergents, on obtient des phylogénies très solides ; dans le cas contraire, on poursuit les études. L'utilisation de la phénétique moléculaire et de la cladistique ainsi que la confrontation des arbres obtenus a été largement permise par les méthodes modernes que sont l'amplification par [[Réaction en chaîne par polymérase|PCR]] et le [[séquençage]], alliées à de puissants outils de calcul qui permettent d'automatiser ces méthodes.
* le groupe des reptiles. Étaient regroupés au sein de celui-ci les [[crocodilien]]s (en fait génétiquement proches des [[oiseau]]x) et les [[lézard]]s, [[serpent]]s et [[Testudines|tortues]] (éloignés génétiquement des oiseaux).
[[Fichier:30-ish_male_tuatara.jpg|left|thumb|Un [[Sphenodon|sphenodonte]] : le ''[[Sphenodon punctatus|Tuatara]]''. Dans son cas, le qualificatif de « reptile » désigne son appartenance aux [[Diapsida|diapsides]] [[Lepidosauria|lépidosaures]].]]


L'utilisation conjointe de ces deux méthodes a révélé l'existence dans la [[classification classique]] de nombreux regroupements artificiels, basés sur des ressemblances de convergence, donc non fondés sur les liens de parenté et qui sont donc à présent considérés comme non pertinents et ne doivent plus être utilisés en [[taxonomie]] : c'est, par exemple, le cas des [[poisson]]s (on parle maintenant de « vertébrés non-[[tétrapodes]] »), des [[Amphibia|batraciens]] fossiles et actuels (on parle maintenant de « tétrapodes non-[[amniotes]] ») ou des [[reptiles]] (on parle maintenant séparément de « [[chéloniens]] », de « [[Lepidosauria|lépidosaures]] » ou de « [[crocodiliens]] », ces derniers étant plus proches des oiseaux que des deux autres groupes). Un autre exemple est l'utilisation du [[gène 16 s]] pour les études de phylogénie des [[procaryotes]].
Exemple de l'utilisation du [[gène 16s]] pour les études de phylogénie des [[procaryotes]].
[[Fichier:Archaeopteryx_lithographica_by_durbed.jpg|thumb|Représentation d'un ''Archaeoptéryx'' en prédateur d'un ''[[Compsognathus]]'' juvénile (deux [[Coelurosauria|coelurosaures]]).]]


== Critères de la phylogénie ==
== Critères de la phylogénie ==
Le partage entre espèces d'un caractère ou d'un certain nombre de caractères jette sur ces mêmes espèces le soupçon d'une origine commune qui remonte jusqu'à l'existence d'un ancêtre commun, le premier à avoir acquis ce caractère ou ensemble de caractères. L'existence de l'ancêtre peut donc être découverte grâce à la méthode cladistique, mais pas son identité, qui reste cachée. Ainsi par exemple les [[oiseau]]x partagent tous un ancêtre commun, mais la découverte en [[1861]] d'un fossile comme ''[[Archaeopteryx]]'', qui est le plus ancien oiseau connu, ne prouve pas que ce fossile en particulier soit l'ancêtre de tous les oiseaux. Effectivement une découverte future pourrait mettre au jour un oiseau fossile plus ancien qu'Archaeopteryx, mais à nouveau la certitude d'être en face d'un « ancêtre » est inexistante. Les rapports d'ancêtre à descendants (la généalogie) ne peuvent être identifiés en tant que tels que si l'identité même de l'ancêtre et des descendants est préalablement connue. Autrement dit, pour retracer la généalogie, la science de la classification devrait avoir la certitude de connaître toutes les espèces existantes et ayant existé. Comme ce n'est pas le cas, car la science est loin de pouvoir connaître la totalité des espèces vivantes et fossiles, la généalogie, même si elle a réellement eu lieu dans le passé, ne peut être retracée. Ce que la science de la classification peut retracer, avec ces mêmes éléments partiels que sont les quelques espèces fossiles et actuelles connues, ce sont les rapports de parenté entre espèces. Telle est la différence entre une généalogie (« qui est ancêtre de qui ») et une phylogénie (« qui est le plus proche parent de qui »). Les rapports phylogénétiques entre espèces connues forment ainsi de possibles critères objectifs de classification.
Le partage entre espèces d'un caractère ou d'un certain nombre de caractères est un indice de l'éventualité d'une origine commune remontant jusqu'à un ancêtre commun, le premier à avoir développé ce caractère ou ensemble de caractères. L'existence de l'ancêtre peut donc être déduite par la méthode cladistique, mais pas son identité, qui reste inconnue à moins que soient trouvés des [[Fossilisation|fossiles]] à la fois d'individus d'une espèce-ancêtre et d'individus d'une espèce-descendante en ligne directe, ce qui statistiquement est si improbable, que l'on considère cela comme impossible. Par exemple, même si les [[oiseau]]x partagent tous un ancêtre commun, la découverte en [[1861]] d'un fossile comme ''[[Archaeopteryx]]'' (un [[Coelurosauria|coelurosaure]] proche des oiseaux) ne prouve pas que cette espèce-là en particulier soit l'ancêtre de tous les oiseaux actuels, car une découverte future pourrait mettre au jour un coelurosaure fossile plus ancien, ou plus proche des oiseaux qu'Archaeopteryx (c'est pourquoi on parle maintenant d'« [[Avialae|avialiens]] non-aviens » pour ces groupes intermédiaires, expression qui traduit l'absence de certitude d'être en face d'un ancêtre direct des oiseaux modernes).
Les rapports d'ancêtre à descendants (la [[généalogie]]) ne peuvent être identifiés en tant que tels, que si l'identité même de l'ancêtre et des descendants est préalablement connue. Autrement dit, pour retracer la généalogie, la science de la classification devrait avoir la certitude de connaître toutes les espèces existantes et ayant existé. Comme ce n'est pas le cas, car l'humanité est loin de pouvoir connaître la totalité des espèces vivantes et fossiles, la généalogie, même si elle est réelle, ne peut être précisément retracée, mais seulement reconstituée avec un degré de probabilité que la science tente d'augmenter, en multipliant les études de ces éléments partiels que sont les espèces fossiles et actuelles connues. Cela permet d'évaluer les rapports de parenté entre espèces. Telle est la différence entre une généalogie (« qui est ancêtre de qui ? ») et une phylogénie (« qui est le plus proche parent de qui ? »). Les rapports phylogénétiques entre espèces connues forment ainsi de possibles critères objectifs de classification.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
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== Voir aussi ==
== Voir aussi ==
{{Autres projets
{{Autres projets
| wiktionary = phylogénie
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}}


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* [[Cladistique]]
* [[Cladistique]]
* [[Classification phylogénétique]]
* [[Classification phylogénétique]]
* [[Conservatisme de niche]]
* [[Ontophylogenèse]]
* [[Ontophylogenèse]]
* [[Phénétique]]
* [[Phénétique]]
* [[Phylogénétique moléculaire]]
* [[Phylogénétique moléculaire]]
* [[Phylogéographie]]
* [[Phylogéographie]]
* [[Réconciliation phylogénétique]]
* [[Règne (biologie)|Règnes du vivant]]
* [[Règne (biologie)|Règnes du vivant]]
* [[Rôle de la phylogénie dans la détermination de la niche écologique]]
* [[Systématique évolutionniste]]
* [[Systématique évolutionniste]]
* [[Taxonomie numérique]]
* [[Taxonomie numérique]]
* [[Guide phylogénétique illustré du monde animal]]
* [[Guide phylogénétique illustré du monde animal]]

=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage |auteur1=Judd, Campbell, Kellog, Stevens |titre=Botanique systématique Une perspective phylogénétique |éditeur=DeBoeck Université |année=2002}}


=== Liens externes ===
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Phylogénie
Évolution phylogénique des trois grands domaines du « buisson » de l'histoire évolutive du vivant selon la classification phylogénétique : les archées et bactéries (procaryotes) et les eucaryotes
Partie de
Pratiqué par
Phylogénéticien ou phylogénéticienne (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Objets
Phylogenèse (en)
évolutionVoir et modifier les données sur Wikidata

La phylogenèse ou phylogénie, du grec ancien φῦλον / phûlon, « tribu, famille, clan » et γένεσις / génesis, « genèse »[1], est l'étude des liens de parenté (relations phylogénétiques ou phylétiques) entre les êtres vivants et ceux qui ont disparu :

  • entre individus (niveau généalogique ; seule une généalogie individuelle peut répondre à la question « qui est l'ancêtre de qui ? », tandis qu'une phylogénie de groupe peut répondre à la question « qui est le plus proche parent de qui ? ») ;
  • entre populations (à l'intérieur d'une même espèce qui, pour simplifier, peut se résumer à une population dont les membres sont interféconds : niveau intraspécifique) ;
  • entre espèces (niveau interspécifique).

La phylogenèse permet de reconstituer l'évolution des organismes vivants.

En phylogenèse, on représente couramment les parentés par un arbre phylogénétique. Le nombre de nœuds entre les branches, qui représente autant d'ancêtres communs, indique le degré de parenté entre les individus, les groupes ou les taxons. Plus il y a de nœuds et donc d'ancêtres intermédiaires entre deux êtres vivants, plus leur ancêtre commun est ancien et plus leur parenté actuelle est éloignée.

En phylogenèse interspécifique, un arbre (dendrogramme) est élaboré :

  • soit par phénétique (phénogramme), la longueur des branches représentant la distance génétique entre taxons ;
  • soit par cladistique (cladogramme), où l'on place sur les branches les événements évolutifs (états dérivés de caractères homologues) ayant eu lieu dans chaque lignée.

Histoire[modifier | modifier le code]

Le terme de phylogénie est créé par Ernst Haeckel[2] dans son ouvrage Natürliche Schöpfungsgeschichte (1868). Il dénomme ainsi l'« histoire de l'évolution paléontologique des organismes » par opposition à l'histoire de l'évolution individuelle ou ontogénie qu'il considère comme une récapitulation de la première[3].

Présentation[modifier | modifier le code]

La systématique, ou l'étude de la diversité biologique en vue de sa classification, se concentre, à la lumière des découvertes récentes, sur une classification phylogénétique remplaçant à présent la classification classique.[réf. nécessaire]

La classification classique établit des groupes ou taxons en fonction d'un simple critère de ressemblance globale.

Une classification phylogénétique suppose que l'on regroupe les êtres vivants en fonction de leurs liens de parenté. Tout groupe systématique (ou « taxon ») renferme donc des êtres vivants proches entre eux génétiquement (ce qui n'est pas toujours corrélé à une ressemblance phénotypique globale). Les liens de parenté entre deux membres d'un taxon sont toujours plus étroits que les liens de parenté entre un membre quelconque du groupe et un être vivant extérieur au groupe (il arrive que ce membre extérieur soit pourtant très ressemblant en raison du phénomène de convergence évolutive, il s'agit alors d'analogie entre les espèces, ce qui ne permet pas de les classer).

Pour reconstituer les liens de parenté entre êtres vivants, la phylogénie procède selon deux techniques : la phénétique et la cladistique.

Il est donc vraiment important de saisir la différence entre analogue (caractère qui se ressemble) et homologue (caractère semblable hérité d'un ancêtre commun et dû à une évolution).

Cladistique[modifier | modifier le code]

Illustration de l'apomorphie, de la synapomorphie et de la symplésiomorphie.

La cladistique, dont les bases ont été jetées par Willi Hennig, hiérarchise les caractères comparés. Ne sont en fait regroupés dans un même taxon que les êtres vivants qui partagent des caractères homologues :

  • une « homologie apomorphique » (ou apomorphie du grec ἀπό / apó, « dérivée de » et μορφή / morphḗ, « forme ») est partagée par deux ou plusieurs taxons-frères, et concourt à déterminer un groupe monophylétique strict, ou clade, même si tous les descendants n'ont pas conservé ce caractère (exemple : tous les tétrapodes ont ou ont eu quatre membres, même s'ils ont disparu chez les serpents) ;
  • une « homologie synapomorphique » (ou synapomorphie du grec σύν / sún, « commune », ἀπό / apó, « dérivée de » et μορφή / morphḗ, « forme ») est un caractère dérivé, comme les deux paires de membres des tétrapodes, dérivés des nageoires pectorales et pelviennes, paires, des sarcoptérygiens ;
  • une « homologie symplésiomorphique » (ou symplésiomorphie du grec σύν / sún, « commune », πλησίος / plêsíos, « proche de » et μορφή / morphḗ, « forme ») est un caractère partagé par plusieurs lignées qui l'ont hérité d'un ancêtre commun, mais qui a pu prendre des formes différentes selon les adaptations, comme les membres antérieurs des tétrapodes, devenus bras, nageoires ou ailes, et ce à plusieurs reprises puisque des groupes différents ont développé séparément des nageoires (manchots, siréniens, cétacés) ou des ailes (ainsi l'aile de la chauve-souris et de l'oiseau sont homologues en tant que membres antérieurs, mais non en tant qu'ailes : l'ancêtre commun de l'oiseau et de la chauve-souris possédait en effet déjà quatre pattes mais ses membres antérieurs n'étaient pas des ailes : le membre antérieur « aile » est apparu plus tard indépendamment dans les deux lignées des chiroptères et des oiseaux).
Le caractère « membres pairs » a deux états :
État ancestral État dérivé
2 paires de nageoires des poissons (9 et 10) 2 paires de pattes (lézard)

Les homologies sont en fait vues comme des innovations évolutives partagées : si un caractère homologue est partagé par deux taxons, c'est que les deux taxons l'ont hérité de leur ancêtre commun. Ce caractère homologue est donc apparu dans la lignée menant à cet ancêtre commun. Tout être vivant possédant ce caractère homologue descend donc de cet ancêtre commun tandis que les êtres vivants ne possédant pas ce caractère homologue ne descendent pas de cet ancêtre commun et sont plus éloignés génétiquement.

La cladistique repose donc sur l'identification (souvent difficile) de l'homologie des caractères. Elle est pertinente au niveau morphologique (et est le seul moyen de classer les espèces fossiles dont l'ADN est rarement conservé) comme au niveau moléculaire. Les résultats sont représentés dans un arbre phylogénétique, dénommé cladogramme, dans lequel chaque nœud représente un ancêtre commun et où les synapomorphies sont représentées sur les branches dont la longueur est arbitraire. Chacune de ces branches est appelée un clade. Deux taxons sont d'autant plus apparentés qu'ils partagent un ancêtre commun proche dans l'arbre. Ici aussi, donc, les taxons se retrouvent regroupés en fonction de leurs liens de parenté.

Phénétique[modifier | modifier le code]

La phénétique consiste à étudier les relations de similarité ou de dissimilarité globale entre les êtres vivants ; on a longtemps supposé, et ce peut être exact, que le degré de ressemblance est corrélé au degré de parenté. Méthodologiquement, on commence par quantifier la ressemblance entre les êtres vivants à classer.

Toutefois, en raison des analogies, les caractères morphologiques ne garantissent pas la parenté : certaines ressemblances entre êtres vivants ou taxons ne peuvent en effet pas être attribuées à une ascendance commune. Elles peuvent découler d'une adaptation analogue : on parle alors de convergence évolutive car deux taxons différents vivant dans des niches écologiques semblables ou sur lesquels la sélection naturelle a eu un impact semblable, pourront avoir des caractères analogues. Les ailes des oiseaux et des chauves-souris sont des caractères analogues en tant qu'adaptations des membres antérieurs au vol ramé, mais sont apparues séparément dans chacune de ces deux lignées, et ne sont donc pas héritées d'un ancêtre ailé commun.

Les quatre modalités de la spéciation.

Par ailleurs il est très difficile de quantifier numériquement des ressemblances morphologiques : lorsque l'on compare un très grand nombre de caractères, on obtient un taux statistique mais non une certitude sur l'origine des ressemblances. La quantification numérique des ressemblances, appliquée au niveau moléculaire, permet cependant de comparer les taxons et donne d'intéressants indices pour reconstruire les phylogénies. Pour ce faire, l'on compare différents constituants moléculaires du vivant comme l'ADN, l'ARN ou les protéines, qui sont des molécules polymères. Chaque résidu de la molécule (nucléotide pour l'ADN et l'ARN ou acide aminé pour la protéine) est alors considéré comme un caractère. Il est donc possible de comparer les séquences chez plusieurs êtres vivants et de quantifier leur ressemblance par un simple pourcentage que l'on assimile à la « distance génétique » entre les deux taxons auxquels appartiennent les deux êtres vivants.

Les résultats sont représentés dans un arbre phylogénétique ou dendrogramme où la longueur des branches dépend de la distance génétique et représente donc le probable degré de parenté entre les taxons étudiés et le probable temps écoulé depuis chaque divergence (« spéciation »). Cette technique se fonde sur le calcul d'un indice de similitude globale (ISG) qui est défini après l'analyse de nombreux caractères (morphologiques, anatomiques, moléculaires…). Toute analyse se fait à partir d'une seule espèce (par exemple en comparant de séquences nucléotidiques spécifiques de plusieurs organismes par rapport à un seul). À partir de cette comparaison, on crée une « matrice de distance génétique » (tableau au nombre d'entrées égal au nombre d'organismes comparés comprenant notre organisme de référence) puis on recherche les plus petites distances (organismes les plus proches pour le critère étudié) afin de constituer un arbre phylogénétique.

Il en résulte une probabilité de parenté, avec un degré d'incertitude, qui explique pourquoi les phylogénéticiens ne parlent jamais d'« ancêtre » ou de « descendant », mais de plus proche parent connu de telle ou telle espèce.

Utilisation conjointe de la phénétique et de la cladistique[modifier | modifier le code]

Pendant longtemps des discussions, parfois violentes, ont opposé tenants de l'une ou de l'autre technique. Aujourd'hui la phénétique et la cladistique sont souvent utilisées conjointement comme deux méthodes indépendantes. Lorsque leurs résultats sont convergents, on obtient des phylogénies très solides ; dans le cas contraire, on poursuit les études. L'utilisation de la phénétique moléculaire et de la cladistique ainsi que la confrontation des arbres obtenus a été largement permise par les méthodes modernes que sont l'amplification par PCR et le séquençage, alliées à de puissants outils de calcul qui permettent d'automatiser ces méthodes.

Un sphenodonte : le Tuatara. Dans son cas, le qualificatif de « reptile » désigne son appartenance aux diapsides lépidosaures.

L'utilisation conjointe de ces deux méthodes a révélé l'existence dans la classification classique de nombreux regroupements artificiels, basés sur des ressemblances de convergence, donc non fondés sur les liens de parenté et qui sont donc à présent considérés comme non pertinents et ne doivent plus être utilisés en taxonomie : c'est, par exemple, le cas des poissons (on parle maintenant de « vertébrés non-tétrapodes »), des batraciens fossiles et actuels (on parle maintenant de « tétrapodes non-amniotes ») ou des reptiles (on parle maintenant séparément de « chéloniens », de « lépidosaures » ou de « crocodiliens », ces derniers étant plus proches des oiseaux que des deux autres groupes). Un autre exemple est l'utilisation du gène 16 s pour les études de phylogénie des procaryotes.

Représentation d'un Archaeoptéryx en prédateur d'un Compsognathus juvénile (deux coelurosaures).

Critères de la phylogénie[modifier | modifier le code]

Le partage entre espèces d'un caractère ou d'un certain nombre de caractères est un indice de l'éventualité d'une origine commune remontant jusqu'à un ancêtre commun, le premier à avoir développé ce caractère ou ensemble de caractères. L'existence de l'ancêtre peut donc être déduite par la méthode cladistique, mais pas son identité, qui reste inconnue à moins que soient trouvés des fossiles à la fois d'individus d'une espèce-ancêtre et d'individus d'une espèce-descendante en ligne directe, ce qui statistiquement est si improbable, que l'on considère cela comme impossible. Par exemple, même si les oiseaux partagent tous un ancêtre commun, la découverte en 1861 d'un fossile comme Archaeopteryx (un coelurosaure proche des oiseaux) ne prouve pas que cette espèce-là en particulier soit l'ancêtre de tous les oiseaux actuels, car une découverte future pourrait mettre au jour un coelurosaure fossile plus ancien, ou plus proche des oiseaux qu'Archaeopteryx (c'est pourquoi on parle maintenant d'« avialiens non-aviens » pour ces groupes intermédiaires, expression qui traduit l'absence de certitude d'être en face d'un ancêtre direct des oiseaux modernes).

Les rapports d'ancêtre à descendants (la généalogie) ne peuvent être identifiés en tant que tels, que si l'identité même de l'ancêtre et des descendants est préalablement connue. Autrement dit, pour retracer la généalogie, la science de la classification devrait avoir la certitude de connaître toutes les espèces existantes et ayant existé. Comme ce n'est pas le cas, car l'humanité est loin de pouvoir connaître la totalité des espèces vivantes et fossiles, la généalogie, même si elle est réelle, ne peut être précisément retracée, mais seulement reconstituée avec un degré de probabilité que la science tente d'augmenter, en multipliant les études de ces éléments partiels que sont les espèces fossiles et actuelles connues. Cela permet d'évaluer les rapports de parenté entre espèces. Telle est la différence entre une généalogie (« qui est ancêtre de qui ? ») et une phylogénie (« qui est le plus proche parent de qui ? »). Les rapports phylogénétiques entre espèces connues forment ainsi de possibles critères objectifs de classification.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (fr + grc) Anatole Bailly, Abrégé du dictionnaire grec français, Paris, Hachette, , 1012 p. (ISBN 2-01-003528-3 et 9782010035289, OCLC 461974285), p. 944
  2. Pierre Vignais, La biologie, des origines à nos jours : Une histoire des idées et des hommes, EDP Sciences, , 480 p. (ISBN 2-86883-519-8), p. 468
  3. Ernst Haeckel (trad. de l'allemand par Charles-Jean-Marie Letourneau), Histoire de la création des êtres organisés, d'après les lois naturelles [« Natürliche Schöpfungsgeschichte »], Paris, C. Reinwald, (lire en ligne)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Judd, Campbell, Kellog, Stevens, Botanique systématique Une perspective phylogénétique, DeBoeck Université,

Liens externes[modifier | modifier le code]