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L’'''égalité devant la loi''' ou '''égalité en droit''' est le principe selon lequel tout être humain doit être traité de la même façon par la [[loi]] (principe d’[[isonomie]]). Aucun individu ou groupe d'individus ne doit donc avoir de [[Privilège (droit médiéval)|privilèges]] garantis par la loi.
L’'''égalité devant la loi''' ou '''égalité en droit''' est le principe selon lequel tout être humain doit être traité de la même façon par la [[loi]] (principe d’[[isonomie]]). Aucun individu ou groupe d'individus ne doit donc avoir de [[Privilège (droit médiéval)|privilèges]] garantis par la loi.


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== Droit par pays ==
== Droit par pays ==
=== Autriche ===
La [[Loi fédérale sur l'égalité de traitement|loi sur l'égalité de traitement]] régit notamment la lutte contre les discriminations et le harcèlement<ref>{{Lien web |titre=Bundesgesetzblatt für die Republik Österreich |url=https://www.ris.bka.gv.at/Dokumente/BgblAuth/BGBLA_2004_I_66/BGBLA_2004_I_66.pdfsig |date=2004 |consulté le=24/9/2023}}</ref>.


=== Canada ===
=== Canada ===
En droit canadien, l'égalité devant la loi est protégée par l'[[article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés]]<ref>Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, art 15, <http://canlii.ca/t/dfbx#art15>, consulté le 2020-10-25</ref>.
En droit canadien, l'égalité devant la loi est protégée par l'[[article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés]]<ref>Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, art 15, <http://canlii.ca/t/dfbx#art15>, consulté le 2020-10-25</ref>. Cette disposition prévoit plusieurs règles distinctes relatives à l'égalité devant la loi :
# d'une part, « la loi ne fait acception de personne », ce qui correspond à la version primitive de l'égalité devant la loi
# l'application égale de la loi à tous
# le droit à la même protection de la loi
# le droit au même bénéfice de la loi


Ces multiples formules visent à assurer une égalité réelle de tous les justiciables en droit, et pas seulement une égalité formaliste à l'intérieur d'une même loi. Car auparavant, sous le régime antérieur de la [[Déclaration canadienne des droits]] pendant les années 1960 et 1970, la [[Cour suprême du Canada]] interprétait l'égalité devant la loi de manière très étroite. Les experts en droit constitutionnel canadien considèrent que la rédaction actuelle de l'article 15 de la Charte canadienne vise notamment à casser un jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire [[Procureur général du Canada c. Lavell]] de 1974<ref>[1974] R.C.S. 1349</ref>, où la Cour a considéré que les femmes autochtones n'étaient pas discriminées sur le plan du mariage par les règles assimilationnistes de la [[Loi sur les Indiens]]<ref>Hogg, Peter W. ''Constitutional Law of Canada''. 2004 Student Ed. (Scarborough, Ontario: Thomson Canada Limited, 2003), par. 1083</ref>.
L'article 15 de la Charte canadienne prévoit trois plusieurs règles distinctes relatives à l'égalité devant la loi :
*1) d'une part, « la loi ne fait acception de personne », ce qui signifie que tous sont égaux devant la loi
*2) l'application égale devant la loi à tous
*3) le droit à la même protection de la loi
*4) le droit au même bénéfice de la loi


Les provinces ont aussi des lois quasi-constitutionnelles qui protègent l'égalité devant la loi dans l’exercice des droits. Au Québec, les articles 1 à 9.1 et 10, puis 10 et 10.1 à 19 de la [[Charte des droits et libertés de la personne]]<ref>Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12, art 10, <http://canlii.ca/t/19cq#art10>, consulté le 2020-10-25</ref> protègent le [[discrimination en droit québécois|droit à l'égalité dans l'exercice des droits et libertés]]. En Ontario, les articles 1 à 9 du Code des droits de la personne protègent l'égalité des droits<ref>Code des droits de la personne, LRO 1990, c H.19, art 1, <http://canlii.ca/t/3jq#art1>, consulté le 2020-10-25</ref>.
Ces multiples formules visent à assurer une égalité réelle de tous les justiciables en droit, et pas seulement une égalité formaliste à l'intérieur d'une même loi. Car auparavant, sous le régime antérieur de la [[Déclaration canadienne des droits]] pendant les années 1960 et 1970, la Cour suprême du Canada interprétait l'égalité devant la loi de manière très étroite. Les experts en droit constitutionnel canadien considèrent que la rédaction actuelle de l'article 15 de la Charte canadienne vise notamment à casser une interprétation faite par la Cour suprême dans l'affaire [[Procureur général du Canada c. Lavell]] de 1974<ref>[1974] R.C.S. 1349</ref>, où la Cour a considéré que les femmes autochtones n'étaient pas discriminées sur le plan du mariage par les règles assimilationnistes de la [[Loi sur les Indiens]]<ref>Hogg, Peter W. ''Constitutional Law of Canada''. 2004 Student Ed. (Scarborough, Ontario: Thomson Canada Limited, 2003), par. 1083</ref>.

Les provinces ont aussi des lois quasi-constitutionnelles qui protègent l'égalité devant la loi. Au Québec, les articles 10 et 11 à 20.1 de [[Charte des droits et libertés de la personne]]<ref>Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12, art 10, <http://canlii.ca/t/19cq#art10>, consulté le 2020-10-25</ref> protègent le droit à l'égalité dans l'exercice des droits et libertés. En Ontario, les articles 1 à 9 du Code des droits de la personne protègent l'égalité des droits<ref>Code des droits de la personne, LRO 1990, c H.19, art 1, <http://canlii.ca/t/3jq#art1>, consulté le 2020-10-25</ref>.


=== États-Unis ===
=== États-Unis ===
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=== France ===
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{{Article détaillé|Égalité devant la loi en droit français}}
{{Article détaillé|Égalité devant la loi en droit français}}
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Le principe fut mis en œuvre Europe à la suite de la proclamation en [[France]] de la [[Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789]].


Le principe fut mis en œuvre Europe à la suite de la proclamation en [[France]] de la [[Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789]].

[[Fichier:Place de la République - Égalité.jpg|thumb|upright|Allégorie de l'Égalité, sur la [[place de la République (Paris)]].]]
La proclamation de l'[[abolition des privilèges]] dans la nuit du 4 août [[1789]] en France a été rapidement suivie entre les 20 et 26 août par le vote de la [[Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789|Déclaration des droits de l'homme et du citoyen]], qui affirme le principe d'égalité :
La proclamation de l'[[abolition des privilèges]] dans la nuit du 4 août [[1789]] en France a été rapidement suivie entre les 20 et 26 août par le vote de la [[Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789|Déclaration des droits de l'homme et du citoyen]], qui affirme le principe d'égalité :
* dans son [[Article 1 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789|article {{1er}}]] : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
* dans son [[Article 1 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789|article {{1er}}]] : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
* dans son article 6 : « La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
* dans son article 6 : « La Loi est l'expression de la [[volonté générale]]. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »


=== Suisse ===
=== Suisse ===
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En [[Suisse]], la [[Constitution de la Suisse|Constitution fédérale]] prévoit l'égalité de traitement : « Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique. » (article 8)<ref>{{Loi suisse |loi=Constitution fédérale de la Confédération suisse |abbr=Cst. |rs=101 |date=18.04.1999 |état=01.01.2020 |art=8}}</ref>.
En [[Suisse]], la [[Constitution de la Suisse|Constitution fédérale]] prévoit l'égalité de traitement : « Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique. » (article 8)<ref>{{Loi suisse |loi=Constitution fédérale de la Confédération suisse |abbr=Cst. |rs=101 |date=18.04.1999 |état=01.01.2020 |art=8}}</ref>.


== Égalité en droits et égalité économique ==
== Égalité en droits et équité ==
{{exergue|[L]a majestueuse égalité des lois, qui interdit au riche comme au pauvre de coucher sous les ponts, de mendier dans les rues et de voler du pain.|[[Anatole France]]|[[Le Lys rouge]]}}
[[File:1793 Equality anagoria.JPG|thumb|Égalité, 1793, [[Musée historique allemand]]]]


On oppose à la notion d'égalité en droit, celle d'égalité matérielle. La première est une égalité de moyen quand la seconde est une hypothétique égalité de résultats, portée par l'[[égalitarisme]].
On oppose à la notion d'égalité en droit, celle d'égalité matérielle. La première est une égalité de moyen quand la seconde est une hypothétique égalité de résultats, portée par l'[[égalitarisme]].


L'égalitarisme, à portée matérielle, entre en conflit avec l'égalité devant la loi : il implique en effet la possibilité d'inégalités juridiques destinées à lutter contre des inégalités sociales. On peut parler alors d'[[équité]], c'est-à-dire d'un traitement différencié et équitable. Ces inégalités juridiques pourraient trouver à s'exprimer à travers les politiques dites de ''[[discrimination positive]]''.
L'égalitarisme, à portée matérielle, entre en conflit avec l'égalité devant la loi : il implique en effet la possibilité d'inégalités juridiques destinées à lutter contre des inégalités sociales{{refsou}}. On peut parler alors d'[[équité]], c'est-à-dire d'un traitement différencié et équitable. Ces inégalités juridiques pourraient trouver à s'exprimer à travers les politiques dites de ''[[discrimination positive]]''<ref>{{Lien web |langue=fr|auteur=Jacques Robert |titre=Le principe d'égalité dans le droit constitutionnel francophone |url=https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/le-principe-d-egalite-dans-le-droit-constitutionnel-francophone |site=conseil-constitutionnel.fr |date=novembre 1995 |consulté le=2021-08-26}}</ref>.


Pour l'économiste et philosophe autrichien [[Friedrich Hayek]], l'égalité matérielle et l'égalité en droit sont incompatibles, car l'inégalité des conditions matérielles est une conséquence directe de l'égalité devant la loi, en raison des aptitudes différentes des individus. Il écrit ainsi : « il y a toutes les différences du monde entre traiter les gens de manière égale et tenter de les rendre égaux. La première est une condition pour une société libre alors que la seconde n'est qu'une nouvelle forme de servitude »<ref>« [http://herve.dequengo.free.fr/Hayek/Hayek2.htm Vrai et faux individualisme] », Discours prononcé à [[University College Dublin]], le 17 décembre 1945</ref>.
Pour l'économiste et philosophe autrichien [[Friedrich Hayek]], l'égalité matérielle et l'égalité en droit sont incompatibles, car l'inégalité des conditions matérielles est une conséquence directe de l'égalité devant la loi, en raison des aptitudes différentes des individus. Il écrit ainsi : « il y a toutes les différences du monde entre traiter les gens de manière égale et tenter de les rendre égaux. La première est une condition pour une société libre alors que la seconde n'est qu'une nouvelle forme de servitude »<ref>« [http://herve.dequengo.free.fr/Hayek/Hayek2.htm Vrai et faux individualisme] », Discours prononcé à [[University College Dublin]], le 17 décembre 1945</ref>.


[[Pascal Salin]] revient dans ''Libéralisme'' sur cette distinction et écrit qu'« il existe en effet deux notions différentes de l'égalité, l'égalité des droits et l'égalité des résultats. La première inspirait la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 [...] mais c'est la seconde notion qui est devenue dominante [...]. La première notion est manifestement libérale et [[individualisme|individualiste]], puisqu'elle consiste à reconnaître l'égale dignité de chacun, mais à le laisser libre de développer son propre destin à partir du moment où ses droits sont déterminés et respectés. La seconde est un pur produit du [[constructivisme (politique)|constructivisme]], puisqu'elle consiste à penser que l'on peut interférer avec les résultats de l'action humaine et imposer une répartition des richesses conforme au modèle décidé par les détenteurs du pouvoir, en donnant ''a priori'' à chacun des droits sur l'activité d'autrui »<ref>[[Pascal Salin]], ''Libéralisme'', Odile Jacob, 2000, {{p.|21-22}}</ref>.
[[Pascal Salin]] revient dans ''Libéralisme'' sur cette distinction et écrit qu'« il existe en effet deux notions différentes de l'égalité, l'égalité des droits et l'égalité des résultats. La première inspirait la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 [] mais c'est la seconde notion qui est devenue dominante []. La première notion est manifestement libérale et [[individualisme|individualiste]], puisqu'elle consiste à reconnaître l'égale dignité de chacun, mais à le laisser libre de développer son propre destin à partir du moment où ses droits sont déterminés et respectés. La seconde est un pur produit du [[constructivisme (politique)|constructivisme]], puisqu'elle consiste à penser que l'on peut interférer avec les résultats de l'action humaine et imposer une répartition des richesses conforme au modèle décidé par les détenteurs du pouvoir, en donnant ''a priori'' à chacun des droits sur l'activité d'autrui »<ref>[[Pascal Salin]], ''Libéralisme'', Odile Jacob, 2000, {{p.|21-22}}</ref>.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
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== Annexes ==
== Annexes ==
=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===
* Francis-Paul Bénoit, ''La démocratie libérale'', PUF, 1978{{ISBN|978-2-13-035733-9}}
* [[Francis-Paul Bénoit]], ''La démocratie libérale'', [[Presses universitaires de France|PUF]], 1978{{ISBN|978-2-13-035733-9}}
* [[Pierre Manent]], ''Histoire intellectuelle du libéralisme'', Hachette{{ISBN|978-2-01-278865-7}}
* [[Pierre Manent]], ''Histoire intellectuelle du libéralisme'', [[Hachette Livre|Hachette]], {{ISBN|978-2-01-278865-7}}
* [[Friedrich Hayek]], ''[[Droit, législation et liberté]]'', PUF{{ISBN|978-2-13-056496-6}}
* [[Friedrich Hayek]], ''[[Droit, législation et liberté]]'', PUF{{ISBN|978-2-13-056496-6}}
* [[Conseil d'État (France)|Conseil d'État]], ''Sur le principe d'égalité - Extrait du Rapport public 1996'', La Documentation française, 1998{{ISBN|2-11-004050-5}}
* [[Conseil d'État (France)|Conseil d'État]], ''Sur le principe d'égalité - Extrait du Rapport public 1996'', [[La Documentation française]], 1998{{ISBN|2-11-004050-5}}


=== Articles connexes ===
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L’égalité devant la loi ou égalité en droit est le principe selon lequel tout être humain doit être traité de la même façon par la loi (principe d’isonomie). Aucun individu ou groupe d'individus ne doit donc avoir de privilèges garantis par la loi.

En histoire de la philosophie[modifier | modifier le code]

Le principe d'égalité devant la loi trouve son origine dans le principe d'isonomie défini par Clisthène au VIe siècle av. J.-C., et qui constituait l'un des fondements de la démocratie athénienne. Grâce à ce principe, Clisthène a mis en œuvre des réformes en 508 et 507 av. J.-C., qui consistaient principalement à créer de nouvelles circonscriptions populaires et une assemblée, la boulè, dotée de pouvoirs qui d'abord ont contrebalancé, puis surmonté et remplacé, ceux des aristocrates.

Le principe s'est développé dans la philosophie politique occidentale d'abord chez Aristote : dans son ouvrage sur la Politique, mais aussi dans l’Éthique à Nicomaque[1], le philosophe grec pose comme base de la démocratie « la liberté fondée sur l’égalité »[2] ; ensuite, au XVIIIe siècle, on a imaginé un état de nature de l'être humain, et des droits naturels associés à cet état.

L'égalité a fait l'objet d'une longue réflexion de la part du philosophe français Jean-Jacques Rousseau, à partir de 1755 dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes dans lequel il exprime ses préférences en matière de gouvernement, et en 1762 dans Du contrat social. La philosophie de Rousseau a eu par la suite une longue postérité dans de nombreux pays du monde.

Droit international[modifier | modifier le code]

La Déclaration universelle des droits de l'homme affirme sur l'égalité devant la loi dans l'article 7 que « Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination »[3]. Puis le Pacte international relatif aux droits civils et politiques assure l'égalité devant la loi et la protection de la loi dans l'article 26 que « Toutes les personnes sont égales devant loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi »[4].

Droit par pays[modifier | modifier le code]

Autriche[modifier | modifier le code]

La loi sur l'égalité de traitement régit notamment la lutte contre les discriminations et le harcèlement[5].

Canada[modifier | modifier le code]

En droit canadien, l'égalité devant la loi est protégée par l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés[6]. Cette disposition prévoit plusieurs règles distinctes relatives à l'égalité devant la loi :

  1. d'une part, « la loi ne fait acception de personne », ce qui correspond à la version primitive de l'égalité devant la loi
  2. l'application égale de la loi à tous
  3. le droit à la même protection de la loi
  4. le droit au même bénéfice de la loi

Ces multiples formules visent à assurer une égalité réelle de tous les justiciables en droit, et pas seulement une égalité formaliste à l'intérieur d'une même loi. Car auparavant, sous le régime antérieur de la Déclaration canadienne des droits pendant les années 1960 et 1970, la Cour suprême du Canada interprétait l'égalité devant la loi de manière très étroite. Les experts en droit constitutionnel canadien considèrent que la rédaction actuelle de l'article 15 de la Charte canadienne vise notamment à casser un jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire Procureur général du Canada c. Lavell de 1974[7], où la Cour a considéré que les femmes autochtones n'étaient pas discriminées sur le plan du mariage par les règles assimilationnistes de la Loi sur les Indiens[8].

Les provinces ont aussi des lois quasi-constitutionnelles qui protègent l'égalité devant la loi dans l’exercice des droits. Au Québec, les articles 1 à 9.1 et 10, puis 10 et 10.1 à 19 de la Charte des droits et libertés de la personne[9] protègent le droit à l'égalité dans l'exercice des droits et libertés. En Ontario, les articles 1 à 9 du Code des droits de la personne protègent l'égalité des droits[10].

États-Unis[modifier | modifier le code]

Le principe fut mis en œuvre dans des systèmes de démocratie libérale aux États-Unis après la révolution américaine et l'adoption d'une constitution en 1787.

Le quatorzième amendement de la Constitution des États-Unis garantit l'égale protection des droits à toute personne née en territoire américain ou ayant obtenu la naturalisation comme citoyen américaine.

France[modifier | modifier le code]

Allégorie de l'Égalité, sur la place de la République (Paris).

Le principe fut mis en œuvre Europe à la suite de la proclamation en France de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

La proclamation de l'abolition des privilèges dans la nuit du 4 août 1789 en France a été rapidement suivie entre les 20 et 26 août par le vote de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui affirme le principe d'égalité :

  • dans son article 1er : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
  • dans son article 6 : « La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

Suisse[modifier | modifier le code]

En Suisse, la Constitution fédérale prévoit l'égalité de traitement : « Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique. » (article 8)[11].

Égalité en droits et équité[modifier | modifier le code]

« [L]a majestueuse égalité des lois, qui interdit au riche comme au pauvre de coucher sous les ponts, de mendier dans les rues et de voler du pain. »

— Anatole France, Le Lys rouge

On oppose à la notion d'égalité en droit, celle d'égalité matérielle. La première est une égalité de moyen quand la seconde est une hypothétique égalité de résultats, portée par l'égalitarisme.

L'égalitarisme, à portée matérielle, entre en conflit avec l'égalité devant la loi : il implique en effet la possibilité d'inégalités juridiques destinées à lutter contre des inégalités sociales[réf. souhaitée]. On peut parler alors d'équité, c'est-à-dire d'un traitement différencié et équitable. Ces inégalités juridiques pourraient trouver à s'exprimer à travers les politiques dites de discrimination positive[12].

Pour l'économiste et philosophe autrichien Friedrich Hayek, l'égalité matérielle et l'égalité en droit sont incompatibles, car l'inégalité des conditions matérielles est une conséquence directe de l'égalité devant la loi, en raison des aptitudes différentes des individus. Il écrit ainsi : « il y a toutes les différences du monde entre traiter les gens de manière égale et tenter de les rendre égaux. La première est une condition pour une société libre alors que la seconde n'est qu'une nouvelle forme de servitude »[13].

Pascal Salin revient dans Libéralisme sur cette distinction et écrit qu'« il existe en effet deux notions différentes de l'égalité, l'égalité des droits et l'égalité des résultats. La première inspirait la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 […] mais c'est la seconde notion qui est devenue dominante […]. La première notion est manifestement libérale et individualiste, puisqu'elle consiste à reconnaître l'égale dignité de chacun, mais à le laisser libre de développer son propre destin à partir du moment où ses droits sont déterminés et respectés. La seconde est un pur produit du constructivisme, puisqu'elle consiste à penser que l'on peut interférer avec les résultats de l'action humaine et imposer une répartition des richesses conforme au modèle décidé par les détenteurs du pouvoir, en donnant a priori à chacun des droits sur l'activité d'autrui »[14].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Aristote, Éthique à Nicomaque, Livre V, 3, 1131 a 22-29.
  2. Aristote, Politique, Livre VI, II, 1317 b 16-17 et 1318 a 5 sq.
  3. La déclaration universelle des droits de l'homme, article 7
  4. Le pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 26
  5. « Bundesgesetzblatt für die Republik Österreich », (consulté le )
  6. Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, art 15, <http://canlii.ca/t/dfbx#art15>, consulté le 2020-10-25
  7. [1974] R.C.S. 1349
  8. Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada. 2004 Student Ed. (Scarborough, Ontario: Thomson Canada Limited, 2003), par. 1083
  9. Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12, art 10, <http://canlii.ca/t/19cq#art10>, consulté le 2020-10-25
  10. Code des droits de la personne, LRO 1990, c H.19, art 1, <http://canlii.ca/t/3jq#art1>, consulté le 2020-10-25
  11. Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) du (état le ), RS 101, art. 8.
  12. Jacques Robert, « Le principe d'égalité dans le droit constitutionnel francophone », sur conseil-constitutionnel.fr, (consulté le )
  13. « Vrai et faux individualisme », Discours prononcé à University College Dublin, le 17 décembre 1945
  14. Pascal Salin, Libéralisme, Odile Jacob, 2000, p. 21-22

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]