« Pamphlet » : différence entre les versions

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Le '''pamphlet''' est une [[œuvre littéraire]] qui attaque un pouvoir, une institution ou une personne, en usant d'un ton violent, calomnieux<ref>{{Lien web |langue=fr|titre=Dictionnaire de l’Académie française |url=http://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9P0237 |site=dictionnaire-academie.fr |consulté le=2022-01-31}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |titre=PAMPHLET : Définition de PAMPHLET |url=https://www.cnrtl.fr/definition/pamphlet |site=cnrtl.fr |consulté le=2022-06-26}}</ref>.
Un '''pamphlet''' est une [[œuvre littéraire]] courte qui attaque, accuse, [[parodie]] ou [[calomnie]] un pouvoir, une institution, une personne ou une idée, en usant d'un ton [[Ironie|ironique]], [[Agressivité|agressif]] ou [[Violence|violent]]<ref>{{Lien web |langue=fr|titre=Dictionnaire de l’Académie française |url=http://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9P0237 |site=dictionnaire-academie.fr |consulté le=2022-01-31}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |titre=PAMPHLET : Définition de PAMPHLET |url=https://www.cnrtl.fr/definition/pamphlet |site=cnrtl.fr |consulté le=2022-06-26}}</ref>. Le pamphlet fait partie de la littérature satirique ou [[polémique]]. Il s'agit souvent d'une écriture militante ou engagée. Si, à l'origine, le mot pamphlet désigne surtout des écrits courts<ref>{{Ouvrage|langue=français|auteur1=Emile Littré|titre=Le Littré|passage=tome 3, p.916|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5460034d/f924|consulté le=4 juin 2023}}</ref>, il est aujourd'hui employé pour désigner toute production ([[article de journal]] ou de revue, [[Discours (linguistique)|discours]], [[chanson]], [[poème]], lettre ouverte, [[nouvelle]], [[Roman (littérature)|roman]], [[mémoires]] apocryphes, [[dessin de presse]], peinture, œuvre cinématographique ou télévisuelle{{Etc.}}) ayant une dimension critique virulente.


Au [[Québec]], dans le langage courant, le terme pamphlet est parfois utilisé dans son sens [[anglais]], c'est-à-dire celui de [[tract]].
Sur le fond, il peut s’agir d’une querelle, souvent politique ou d’un débat d'idées<ref>{{Lien web|titre=Signification de Pamphlet|url=https://dicocitations.lemonde.fr/definition_littre/30975/Pamphlet.php |site=[[Le Monde]]|consulté le=4 novembre 2020}}</ref>. Sur la forme, s'il désigne à l'origine des écrits courts, le mot pamphlet est utilisé pour caractériser toute production (un [[article de journal]] ou de revue, un [[Discours (linguistique)|discours]], un [[poème]], une [[nouvelle]], un [[Roman (littérature)|roman]], des [[mémoires]] apocryphes, voire un film ou un [[dessin de presse]]{{Etc.}}) ayant une dimension critique virulente.

Au Québec, dans le langage courant, le terme pamphlet est généralement utilisé dans son sens [[anglais]], c'est-à-dire celui de [[tract]]. Le mot anglais pamphlet viendrait en fait de palme-feuillet<ref>{{Lien web|titre=Définition de pamphlet|url=https://dicocitations.lemonde.fr/dico-mot-definition/96774/pamphlet.php |site=[[Le Monde]]|consulté le=4 novembre 2020}}</ref>{{,}}<ref name=":0">{{Lien web |titre=PAMPHLET : Étymologie de PAMPHLET |url=https://www.cnrtl.fr/etymologie/pamphlet |site=cnrtl.fr |consulté le=2022-06-26}}</ref>, feuillet qui se tient dans la main (comme un tract).


== Description ==
== Description ==
=== Étymologie ===
=== Étymologie ===
L'origine étymologique du substantif ''pamphlet'' est assez incertaine. Les mots anglais ''pamphlet'', ''paunflet'' et ''pamflet'' dans des textes de 1510, viendraient de ''palme-feuillet''<ref>{{Lien web |titre=Définition de pamphlet |url=https://dicocitations.lemonde.fr/dico-mot-definition/96774/pamphlet.php |site=[[Le Monde]] |consulté le=4 novembre 2020}}</ref>{{,}}<ref name=":0">{{Lien web |titre=PAMPHLET : Étymologie de PAMPHLET |url=https://www.cnrtl.fr/etymologie/pamphlet |site=cnrtl.fr |consulté le=2022-06-26}}</ref>: feuillet qui se tient dans la main (comme une brochure ou un tract).
L'origine étymologique du substantif ''pamphlet'' est assez incertaine.


Si la plupart des grands dictionnaires font dériver ce vocable du ''palme-feuillet'' anglais (feuillet qui se tient à la main), M. [[Gaston Paris]] rapporte, dans un article paru dans ''La Revue critique'', une origine latine plus lointaine : ''Pamflette'' serait cité par Dirk van Asenede dans sa traduction néerlandaise de ''Pamphilus seu de Amore'', sorte de comédie en vers latins du {{S-|XII|e}}.<ref name=":0" />
Si la plupart des grands dictionnaires font dériver ce vocable du ''palme-feuillet'' anglais, M. [[Gaston Paris]] rapporte, dans un article paru dans ''La Revue critique'' du 28 septembre 1874, p.197, une origine latine plus lointaine : ''Pamflette'' est cité dans la seconde moitié du XIII<sup>e</sup> siècle par Dirk van Asenede dans sa traduction néerlandaise de ''Flore et Blancheflor.'' Or ''Pamflette'' est le nom vulgaire de ''[[Pamphile (sorcière)|Pamphilus]]'', une sorte de comédie en vers latins du {{S-|XII|e}}<ref name=":0" />.


Saint-Laurent, dans le ''Dictionnaire encyclopédique usuel'', découvre l'emploi de « {{grec ancien|πάμφλεκτος|pámphlektos}} », issu de {{grec ancien|πᾶς|pâs}} (« tout ») et {{grec ancien|φλέγω|phlégô}} (« brûler ») par [[Sophocle]], puis, quelques siècles plus tard, par le rhéteur et grammairien [[Athénée de Naucratis|Athénée]].
Saint-Laurent, dans le ''Dictionnaire encyclopédique usuel'', découvre l'emploi de « {{grec ancien|πάμφλεκτος|pámphlektos}} », issu de {{grec ancien|πᾶς|pâs}} (« tout ») et {{grec ancien|φλέγω|phlégô}} (« brûler ») par [[Sophocle]], puis, quelques siècles plus tard, par le rhéteur et grammairien [[Athénée de Naucratis|Athénée]].


=== Définition ===
=== Définition et procédés ===
Yves Avril propose une définition du pamphlet dans son article ''Le pamphlet : essai de définition et analyse de quelques-uns de ses procédés.'' Il s'agit d'un {{Citation|écrit de circonstance, attaquant plus ou moins violemment, unilatéralement un individu, une idée ou un système idéologique dont l’écrivain révèle, sous la pression urgente et libératrice, l’imposture}}<ref>{{Article|auteur1=Yves Avril|titre=Le pamphlet|sous-titre=essai de définition et analyse de quelques-uns de ses procédés|périodique=[[Études littéraires (revue)|Études littéraires]]|volume=11|numéro=2|date=août 1978|pages=265-281|lire en ligne= https://id.erudit.org/iderudit/500463ar}}</ref>. Il s'agit donc d'un texte appartenant au genre démonstratif en jouant sur des valeurs morales. Il recourt le plus souvent au blâme même s'il peut aussi utiliser l'éloge de manière ironique<ref name=":1">{{Ouvrage|langue=français|auteur1=dir. Michel Jarrety|titre=Lexique des termes littéraires|passage=302}}</ref>.<blockquote>Son champ de prédilection est donc la ''[[doxa]]'', sur laquelle vont jouer ses principaux procédés (coupage notionnel, jeu sur les maximes idéologiques et sur les présupposés implicites du lecteur) et son but essentiel est la réfutation. L'appel au réel, contre le mauvais usage des mots, et la dénonciation des [[Paralogisme|paralogismes]] et des [[Sophisme|sophismes]] de l'adversaire sont les principaux outils de son argumentation<ref name=":1" />.</blockquote>
C'est un texte à la fois court et virulent qui s'en prend avec vigueur à une personne, au régime ou aux institutions. Il se caractérise le plus souvent par l'usage de formes maximalistes et [[Hyperbole (rhétorique)|hyperboliques]].

Quelle que soit la thèse d'étymologie retenue, la définition actuelle la plus large est proposée par Yves Avril dans son article ''Le pamphlet : essai de définition et analyse de quelques-uns de ses procédés'' : {{Citation|(…) écrit de circonstance, attaquant plus ou moins violemment, unilatéralement un individu, une idée ou un système idéologique dont l’écrivain révèle, sous la pression urgente et libératrice, l’imposture}}<ref>{{Article|auteur1=Yves Avril|titre=Le pamphlet|sous-titre=essai de définition et analyse de quelques-uns de ses procédés|périodique=[[Études littéraires (revue)|Études littéraires]]|volume=11|numéro=2|date=août 1978|pages=265-281|lire en ligne= https://id.erudit.org/iderudit/500463ar}}</ref>.

=== Genres apparentés ===
Si le pamphlet a beaucoup été utilisé jusqu'à la première moitié du {{XXe s}}, on lui préfère de nos jours la [[polémique]] ou la [[satire]].
* La polémique engage un débat et suppose un discours adverse lacunaire.
* La [[satire]] s'appuie sur une [[rhétorique]] du mépris, et cherche à faire [[rire]] en grossissant l'erreur pour montrer le gouffre avec la réalité.


== Historique ==
== Historique ==
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{{Citation bloc|Dès que les hommes surent écrire, naquit le pamphlet qui, sans doute, commença par le ''graffito'' injurieux et ordurier, et qui pouvait être illustré, la polémique orale suivant un chemin parallèle, d’où les pamphlets parlés, tels ''[[les Philippiques (Démosthène)|les Philippiques]]''.}}
{{Citation bloc|Dès que les hommes surent écrire, naquit le pamphlet qui, sans doute, commença par le ''graffito'' injurieux et ordurier, et qui pouvait être illustré, la polémique orale suivant un chemin parallèle, d’où les pamphlets parlés, tels ''[[les Philippiques (Démosthène)|les Philippiques]]''.}}


''Les Philippiques,'' discours de [[Démosthène]] prononcés entre [[351 av. J.-C.|351]] et [[341 av. J.-C.|341]] pour dénoncer les ambitions de [[Philippe II de Macédoine|Philippe de Macédoine]] auprès des athéniens, sont donc considérés comme les premiers écrits pamphlétaires, de même que ceux de l'orateur latin [[Cicéron]] qui rassemble, trois siècles plus tard, ses ''Quatorze discours contre [[Marc Antoine]]'' sous la même appellation (voir ''[[Les Philippiques (Cicéron)|Les Philippiques]]'').
''Les Philippiques,'' discours de [[Démosthène]] prononcés entre [[351 av. J.-C.|351]] et [[341 av. J.-C.|341]] pour dénoncer les ambitions de [[Philippe II de Macédoine|Philippe de Macédoine]] auprès des Athéniens, sont considérés comme les premiers écrits pamphlétaires. Suivent ceux de l'orateur latin [[Cicéron]] qui rassemble, trois siècles plus tard, ses ''Quatorze discours contre [[Marc Antoine]]'' sous la même appellation (voir ''[[Les Philippiques (Cicéron)|Les Philippiques]]'').


Les formes du pamphlet son multiples, ainsi le théâtre d'[[Aristophane]], avec ses portraits de dieux ridicules et ses violentes railleries contre Athènes et ses habitants peut être considéré comme une forme de pamphlet.
Le pamphlet n'est pas nécessairement politique. Ainsi, le théâtre d'[[Aristophane]], qui dépeint des Dieux ridicules et raille violemment Athènes et ses habitants peut être considéré comme une forme pamphlétaire.


=== Moyen-Âge ===
=== Moyen-Âge ===
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=== Époque moderne ===
=== Époque moderne ===
==== France ====
==== France ====
Le pamphlet en [[France]], quelle que soit la forme adoptée, depuis les [[fabliaux]] du [[Moyen Âge]] jusqu'aux innombrables brûlots révolutionnaires, s'accole aux soubresauts de l'histoire et révèle la situation intellectuelle et sociale du pays, ainsi que la marge laissée au droit d'expression.
Le pamphlet en [[France]], quelle que soit la forme adoptée, des [[fabliaux]] du [[Moyen Âge]] aux innombrables brûlots révolutionnaires, s'accole aux soubresauts de l'histoire et révèle la situation intellectuelle et sociale du pays, ainsi que la marge laissée au droit d'expression.


''La Satire Ménippée'' (1594), œuvre collective de juristes, d'ecclésiastiques et de poètes, née sous l'impulsion du chanoine rouennais Pierre Le Roy, s'associe très étroitement à la période troublée de la Ligue, et demeure un exemple d'efficacité dans son soutien à [[Henri IV de France|Henri IV]]. Ce n'est certes pas la première œuvre polémique en France. De grandes plumes s'étaient déjà distinguées dans le genre, comme [[Alain Chartier]] avec son ''Quadrilogue invectif'' (1422), appel vibrant à la Nation française.
''La Satire Ménippée'' (1594), œuvre collective de juristes, d'ecclésiastiques et de poètes, née sous l'impulsion du chanoine rouennais Pierre Le Roy, s'associe très étroitement à la période troublée de la Ligue, et demeure un exemple d'efficacité dans son soutien à [[Henri IV de France|Henri IV]]. Il ne s'agit pas de la première œuvre polémique en France. De grandes plumes s'étaient déjà distinguées dans le genre, comme [[Alain Chartier]] avec son ''Quadrilogue invectif'' (1422), appel vibrant à la Nation française. [[Montaigne]], lui aussi, s'est adonné à la violence littéraire dans ''L’Apologie de [[Raymond Sebon|Raymond Sebond]]'', premier article de ses ''[[Essais (Montaigne)|Essais]]'' : {{citation|La plus calamiteuse et fragile de toutes les créatures, c’est l’homme (…). Elle se sent et se voit logée parmi la bourbe et le fient du monde, attachée et clouée à la pire, plus morte et croupie partie de l’Univers (…).}}
[[Montaigne]], lui aussi, s'est adonné à la violence littéraire dans ''L’Apologie de [[Raymond Sebon|Raymond Sebond]]'', premier article de ses ''[[Essais (Montaigne)|Essais]]'' : {{citation|La plus calamiteuse et fragile de toutes les créatures, c’est l’homme (…). Elle se sent et se voit logée parmi la bourbe et le fient du monde, attachée et clouée à la pire, plus morte et croupie partie de l’Univers (…).}}


D'autres monuments de la littérature du {{s-|XVI|e}} n'ont pas manqué de tremper leur plume dans le vitriol ([[Jean Calvin|Calvin]], [[La Boétie]], et [[Rabelais]] par exemple).
De nombreux autres monuments de la littérature du {{s-|XVI|e}} ont écrit d'acerbes critiques de l'ordre en place ([[Jean Calvin|Calvin]], [[La Boétie]], et [[Rabelais]] par exemple).


Le {{s-|XVII|e}} assiste au développement du genre pamphlétaire en tous domaines (politique, poésie, religion, théâtre). Nous pouvons noter, par exemple, l'attaque de [[Mathurin Régnier]] contre [[François de Malherbe|Malherbe]], qualifié de « tyran des lettres », les chansonniers et leurs mazarinades sous la [[Fronde (Histoire)|Fronde]], les coups de joute entre frondeurs tel le pastiche du [[cardinal de Retz]] intitulé ''Manifeste de Monseigneur le duc de Beaufort en son jargon''.
Le {{s-|XVII|e}} assiste au développement du genre pamphlétaire en tous domaines (politique, poésie, religion, théâtre). Parmi les exemples notables : l'attaque de [[Mathurin Régnier]] contre [[François de Malherbe|Malherbe]], qualifié de « tyran des lettres », les chansonniers et leurs mazarinades sous la [[Fronde (Histoire)|Fronde]], inspirés entre autres par les pamphlets de [[Mathieu de Morgues]] à la mort du [[Armand Jean du Plessis de Richelieu|cardinal de Richelieu]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=Benjamin Vidal|titre=Un tombeau de pamphlet|passage=51-55 et 112-119|éditeur=DUMAS|date=28 octobre 2022|pages totales=171|lire en ligne=https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03833796/document|consulté le=15 janvier 2023}}</ref>, ou encore les coups de joute entre frondeurs tel le pastiche du [[cardinal de Retz]] intitulé ''Manifeste de Monseigneur le duc de Beaufort en son jargon''.


Le règne de [[Louis XIV de France|Louis XIV]] ne met pas le pamphlet en berne, comme en témoignent les éreintements de [[Nicolas Boileau|Boileau]], les pièces satiriques de [[Molière]] et les ''Provinciales'' de [[Blaise Pascal|Pascal]].
Le règne de [[Louis XIV de France|Louis XIV]] ne met pas le pamphlet en berne, comme en témoignent les éreintements de [[Nicolas Boileau|Boileau]], les pièces satiriques de [[Molière]] et les ''Provinciales'' de [[Blaise Pascal|Pascal]].


L'aigreur du {{s-|XVIII|e}} se manifeste par exemple dans les satires indirectes d'un [[Voltaire]]. Les chansonniers, toujours actifs, font des maîtresses de [[Louis XV]] puis de [[Marie-Antoinette d'Autriche|Marie-Antoinette]] leurs têtes de turc.
L'aigreur du {{s-|XVIII|e}} se manifeste par exemple dans les satires indirectes d'un [[Voltaire]]. Les chansonniers, toujours actifs, font des maîtresses de [[Louis XV]], puis de [[Marie-Antoinette d'Autriche|Marie-Antoinette]], leurs têtes de turc.


Les romans et les ouvrages théoriques [[Philosophie|philosophiques]], [[Pornographie|pornographiques]], [[Psychologie|psychologiques]] et fortement sulfureux et singuliers de [[Donatien Alphonse François de Sade|Sade]] (1740-1814) font également figure de pamphlets virulents au {{s-|XVIII|e}}, ce qui a valu à leur auteur sur ses {{nombre|74|années}} de vie, 30 passées en prison.
Les romans et les ouvrages théoriques [[Philosophie|philosophiques]], [[Pornographie|pornographiques]], [[Psychologie|psychologiques]] et fortement sulfureux et singuliers de [[Donatien Alphonse François de Sade|Sade]] (1740-1814) font également figure de pamphlets virulents au {{s-|XVIII|e}}, ce qui a valu à leur auteur sur ses {{nombre|74|années}} de vie, 30 passées en prison.


À la fin du règne de [[Louis XVI]], les libellés insultants ou obscènes se multiplient. Le coup d'envoi est donné par [[Honoré Gabriel Riqueti de Mirabeau|Mirabeau]], en {{date-|mai 1789}}, avec le ''Journal des États généraux'', suivi de nombreuses feuilles qui rivalisent de violence. Le summum est atteint avec ''[[Le Père Duchesne (Révolution française)|Le Père Duchesne]]'' d'Hébert : il entrecoupe ses appels au massacre de « bougre » et de « foutre », pour « faire peuple ». Le succès est au rendez-vous de la virulence, puisque certains numéros atteignent le chiffre prodigieux de {{nombre|600000|exemplaires}} vendus.
À la fin du règne de [[Louis XVI]], les libellés insultants ou obscènes se multiplient. Le coup d'envoi est donné par [[Honoré Gabriel Riqueti de Mirabeau|Mirabeau]], en {{date-|mai 1789}}, avec le ''Journal des États généraux'', suivi de nombreuses feuilles qui rivalisent de violence. Le summum est atteint avec ''[[Le Père Duchesne (Révolution française)|Le Père Duchesne]]'' d'Hébert : il entrecoupe ses appels au massacre de « bougre » et de « foutre », pour « faire peuple ». Le succès est au rendez-vous puisque certains numéros atteignent le chiffre prodigieux de {{nombre|600000|exemplaires}} vendus.


Parmi les autres feuilles révolutionnaires au ton meurtrier, on peut relever ''Les Révolutions de France et de Brabant'' de [[Camille Desmoulins]] qui se surnommait le « Procureur de la Lanterne ». [[Jean-Paul Marat|Marat]], dans ''[[L'Ami du peuple (1789)|L'Ami du Peuple]]'', pousse lui la surenchère jusqu'à réclamer la tête de {{formatnum:270000}} âmes. Côté royaliste nous pouvons relever le ''Journal politique national'' de [[Antoine de Rivarol|Rivarol]] qui doit s'exiler en {{date-|juin 1792}}.
Parmi les autres feuilles révolutionnaires au ton particulièrement violent, il est possible de citer ''Les Révolutions de France et de Brabant'' de [[Camille Desmoulins]] qui se surnommait le « Procureur de la Lanterne ». [[Jean-Paul Marat|Marat]], dans ''[[L'Ami du peuple (1789)|L'Ami du Peuple]]'', pousse la surenchère jusqu'à réclamer la tête de {{formatnum:270000}} âmes. Côté royaliste, nous pouvons relever le ''Journal politique national'' de [[Antoine de Rivarol|Rivarol]] qui doit s'exiler en {{date-|juin 1792}}.


=== Époque contemporaine ===
=== Époque contemporaine ===
==== France ====
==== France ====
Face à une telle permissivité, [[Napoléon Ier|Bonaparte]] fait édicter le décret du {{date-|17 janvier 1800}} qui soumet toute parution de presse à une autorisation préalable, une censure. Seuls treize journaux obtiennent le privilège. L'empereur n'échappe pourtant pas aux foudres de plumes acérées, et parmi celles-ci, sans doute la plus talentueuse, celle de [[François-René de Chateaubriand|Chateaubriand]] : {{Citation|[[Tibère]] ne s’est jamais joué à ce point de l’espèce humaine… Bonaparte disait de lui-même : « J’ai {{nombre|300000|hommes}} de revenu. » Il a fait périr plus de un million de Français, la plus grande crise démographique française du {{S-|XIX}} due à la guerre… Descends de ce monceau de ruines dont tu avais fait un trône !}}.
Face à une telle permissivité, [[Napoléon Ier|Bonaparte]] fait édicter le décret du {{date-|17 janvier 1800}} qui soumet toute parution de presse à une autorisation préalable, une censure. Seuls treize journaux obtiennent le privilège de pouvoir outrepasser la nécessité d'obtenir cette autorisation préalable. L'empereur n'échappe pourtant pas aux foudres de plumes acérées, et parmi celles-ci, sans doute la plus talentueuse, celle de [[François-René de Chateaubriand|Chateaubriand]] : {{Citation|[[Tibère]] ne s’est jamais joué à ce point de l’espèce humaine… Bonaparte disait de lui-même : « J’ai {{nombre|300000|hommes}} de revenu. » Il a fait périr plus de un million de Français, la plus grande crise démographique française du {{S-|XIX}} due à la guerre… Descends de ce monceau de ruines dont tu avais fait un trône !}}.


Le terme « pamphlet » apparaît de manière officielle en 1824 dans l'œuvre de [[Paul-Louis Courier]] : ''Le Pamphlet des pamphlets''.
Le terme « pamphlet » apparaît de manière officielle en 1824 dans l'œuvre de [[Paul-Louis Courier]] : ''Le Pamphlet des pamphlets''. En 1853 de son exil à [[Jersey]], [[Victor Hugo]] publie ''[[Les Châtiments]]'', long pamphlet contre [[Louis-Napoléon Bonaparte]]<ref>{{lien web |titre=Édition de 1882 du recueil de poème de Victor Hugo |url=https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Ch%C3%A2timents |site=wikisource.org |périodique=Fondation Wikimedia, Inc. |date=14-05-2005 |consulté le=13-11-2023}}.</ref>.


L'histoire démontre que le pamphlet, quoique toujours négligé dans son étude en France, s'est manifesté chez les plus grandes plumes comme un moyen de réaction et d'expression de leur révolte. Les critiques contre ce genre d’écrit, et les moyens mis en œuvre pour le faire disparaître, ou pour le cantonner à la verdeur de bon aloi, demeurent toutefois vigoureux. [[Marc Angenot]], dans son ouvrage critique très fouillé sur la mécanique du pamphlet et les intentions du polémiste (''La Parole pamphlétaire'', 1982)<ref>{{Ouvrage|auteur1=Marc Angenot|titre=La Parole pamphlétaire. Typologie des discours modernes|éditeur=[[Payot et Rivages|Payot]]|lieu=[[Paris]]|année=1982, 2004}}</ref>, souligne le paradoxe de la situation de cet écrivain de combat : {{Citation|(…) le pamphlétaire est porteur d’une vérité à ses yeux aveuglante, telle qu’elle devrait de toute évidence imprégner le champ où il prétend agir – et pourtant il se trouve seul à la défendre et refoulé sur les marges par un inexplicable scandale.}}
L'histoire démontre que le pamphlet, quoique toujours négligé dans son étude en France, s'est manifesté chez les plus grandes plumes comme un moyen de réaction et d'expression de leur révolte. Les critiques contre ce genre d’écrit, et les moyens mis en œuvre pour le faire disparaître, ou pour le cantonner à une verdeur de bon aloi, demeurent toutefois vigoureux. [[Marc Angenot]], dans son ouvrage critique très fouillé sur la mécanique du pamphlet et les intentions du polémiste (''La Parole pamphlétaire'', 1982)<ref>{{Ouvrage|auteur1=Marc Angenot|titre=La Parole pamphlétaire. Typologie des discours modernes|éditeur=[[Payot et Rivages|Payot]]|lieu=[[Paris]]|année=1982, 2004}}</ref>, souligne le paradoxe de la situation de cet écrivain de combat : {{Citation|(…) le pamphlétaire est porteur d’une vérité à ses yeux aveuglante, telle qu’elle devrait de toute évidence imprégner le champ où il prétend agir – et pourtant il se trouve seul à la défendre et refoulé sur les marges par un inexplicable scandale.}}


Les accusations portées contre ce mode d'expression restent d’actualité : absence de portée due à une violence excessive, imbrication à l'actualité qui vieillirait très vite le contenu, mauvaise foi comme fondement de la démarche.
Les accusations portées contre ce mode d'expression restent d’actualité : absence de portée due à une violence excessive, imbrication à l'actualité qui vieillirait très vite le contenu, mauvaise foi comme fondement de la démarche.
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Le journal confirme ce constat dix ans plus tard dans une nouvelle anthologie de ce magazine : {{Citation|L’écriture est de plus en plus aseptisée, les plumes se trempent de plus en plus dans la poussière et de moins en moins dans le vitriol.}}, V. Hugo.
Le journal confirme ce constat dix ans plus tard dans une nouvelle anthologie de ce magazine : {{Citation|L’écriture est de plus en plus aseptisée, les plumes se trempent de plus en plus dans la poussière et de moins en moins dans le vitriol.}}, V. Hugo.

Au {{S-|XXI}}, [[Sébastien Nadot]] propose dans son PAMPHLET 2.0<ref>{{Ouvrage|auteur1=Sébastien Nadot|titre=Pamphlet 2.0|éditeur=éditions de l'An Zéro 2.0|lieu=Toulouse|année=2013}}</ref> un genre renouvelé où il s'agit autant de s'amuser d'une civilisation qui se perd dans les nouvelles technologies qu'elle a enfantée que de critiquer un système politique qui n'a de démocratique que le nom.


== Pamphlétaires ==
== Pamphlétaires ==

{{colonnes|taille=16|
=== Antiquité ===
* [[Léon Tolstoï]]

* [[Henry David Thoreau]]
* [[Théodore Agrippa d'Aubigné]]
* [[Aristophane]]
* [[Aristophane]]
* [[Cicéron]]
* [[Démosthène]]

=== Moyen-Âge ===

* [[Hugues de La Ferté]]
* [[Hugues de Lusignan]]

=== Ancien Régime et Révolution ===

{{colonnes|taille=16|
* [[Théodore Agrippa d'Aubigné|Agrippa d'Aubigné]]
* [[Paul-Louis Courier]]
* [[Daniel Defoe]]
* [[Martin Luther]]
* [[Philippe de Marnix de Sainte-Aldegonde]]
* [[Martin Marprelate]]
* [[Mathieu de Morgues]]
* [[Olympe de Gouges]]
* [[Blaise Pascal]]
* [[Marquis de Sade]]
* [[Jonathan Swift]]
* [[Théodore de Tschudi]]
* [[Richard Verstegen]]
* [[Voltaire]]
}}

=== XIX<sup>e</sup> siècle et premier XX<sup>e</sup> siècle ===

{{colonnes|taille=16|
* [[Zo d'Axa]]
* [[Zo d'Axa]]
* [[Marcel Aymé]]
* [[Honoré de Balzac]]
* [[Jules Barbey d'Aurevilly]]
* [[Maurice Bardèche]]
* [[Maurice Bardèche]]
* [[Maurice Barrès]]
* [[Maurice Barrès]]
* [[Charles Baudelaire]]
* [[Charles Baudelaire]]
* [[Marc Beigbeder]]
* [[Honoré de Balzac]]
* [[Serge de Beketch]]
* [[Jules Barbey d'Aurevilly]]
* [[Julien Benda]]
* [[Julien Benda]]
* [[René Benjamin]]
* [[René Benjamin]]
* [[Henri Béraud]]
* [[Henri Béraud]]
* [[Emmanuel Berl]]
* [[Georges Bernanos]]
* [[Georges Bernanos]]
* [[Blaise d'Ostende-à-Arlon]]
* [[Léon Bloy]]
* [[Léon Bloy]]
* [[Maurice Bardèche]]
* [[Olivier Bardolle]]
* [[Baudouin de Bodinat]]
* [[Pierre Boutang]]
* [[Jean de Bonnefon]]
* [[Jean de Bonnefon]]
* [[Jacques Bouveresse]]
* [[Juan Branco]]
* [[Robert Brasillach]]
* [[Robert Brasillach]]
* [[François Brune (écrivain)|François Brune]]
* [[Jean Cau]]
* [[Louis-Ferdinand Céline]]
* [[Louis-Ferdinand Céline]]
* [[Jacques Charpentreau]]
* [[Gilles Châtelet]]
* [[Ernest Cœurderoy]]
* [[Ernest Cœurderoy]]
* [[Paul-Louis Courier]]
* [[Raymond Cousse]]
* [[Pierre-Antoine Cousteau]]
* [[Pierre-Antoine Cousteau]]
* [[Georges Darien]]
* [[Georges Darien]]
* [[Léon Daudet]]
* [[Léon Daudet]]
* [[Daniel Defoe]]
* [[Thierry Desjardins]]
* [[Pierre Dominique]]
* [[Pierre Dominique]]
* [[Édouard Drumont]]
* [[Édouard Drumont]]
* [[Alexandre Dumas]]
* [[Alexandre Dumas|Alexandre Dumas père]]
* [[Pierre Falardeau]]
* [[Frantz Fanon]]
* [[André Figueras]]
* [[Olivier Gadet]]
* [[Jean Galtier-Boissière]]
* [[Jean Galtier-Boissière]]
* [[Urbain Gohier]]
* [[Urbain Gohier]]
* [[Rémy de Gourmont]]
* [[Rémy de Gourmont]]
* [[Olympe de Gouges]]
* [[Julien Gracq]]
* [[Julien Gracq]]
* [[Jean-Edern Hallier]]
* [[Victor Hugo]]
* [[Victor Hugo]]
* [[Papacito]]
* [[Pierre Jourde]]
* [[Maurice Joly]]
* [[Maurice Joly]]
* [[Karl Kraus]]
* [[Karl Kraus]]
* [[Jacques Laurent]]
* [[Paul Léautaud]]
* [[Paul Léautaud]]
* [[Adrien Le Bihan]]
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* [[Claude Tillier]]
* [[Giuseppe Tomasi di Lampedusa]]
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* [[Jules Vallès]]
* [[Richard Verstegen]]
* [[Voltaire]]
* [[Émile Zola]]
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* [[Léon Daudet]], ''Flammes. Polémique et polémistes'', Paris, Grasset, 1930.
* [[Léon Daudet]], ''Flammes. Polémique et polémistes'', Paris, Grasset, 1930.
* Frédéric Saenen, ''Dictionnaire du pamphlet'', collection « Illico » {{n°|25}}, Infolio, 2010 {{ISBN|978-2-88474-019-7}}
* Frédéric Saenen, ''Dictionnaire du pamphlet'', collection « Illico » {{n°|25}}, Infolio, 2010 {{ISBN|978-2-88474-019-7}}
* Daniel Cosculluela, ''Les enragés de la liberté : Anthologie des pamphlétaires du {{sp-|XVI|au|XX}}'', éd. Max Milo, 2023.


=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
* [[Libelle]]
* [[Libelle]]
* [[Mazarinade]]
* [[L'Innocence persécutée]]
* [[La Belle France]]
* ''[[L'Innocence persécutée]]''
* ''[[La Belle France]]''
* [[Mise en scène du pouvoir politique]]
* [[Mise en scène du pouvoir politique]]
* [[Marc Angenot]]
* [[Marc Angenot]]


=== Liens externes ===
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* [http://www.pamphletaire.com pamphletaire.com "Le pamphlétaire de l'ère numérique"]
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* [http://www.pamphlets.fr/ Répertoire des grands pamphlets en langue française]
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Un pamphlet est une œuvre littéraire courte qui attaque, accuse, parodie ou calomnie un pouvoir, une institution, une personne ou une idée, en usant d'un ton ironique, agressif ou violent[1],[2]. Le pamphlet fait partie de la littérature satirique ou polémique. Il s'agit souvent d'une écriture militante ou engagée. Si, à l'origine, le mot pamphlet désigne surtout des écrits courts[3], il est aujourd'hui employé pour désigner toute production (article de journal ou de revue, discours, chanson, poème, lettre ouverte, nouvelle, roman, mémoires apocryphes, dessin de presse, peinture, œuvre cinématographique ou télévisuelle, etc.) ayant une dimension critique virulente.

Au Québec, dans le langage courant, le terme pamphlet est parfois utilisé dans son sens anglais, c'est-à-dire celui de tract.

Description

Étymologie

L'origine étymologique du substantif pamphlet est assez incertaine. Les mots anglais pamphlet, paunflet et pamflet dans des textes de 1510, viendraient de palme-feuillet[4],[5]: feuillet qui se tient dans la main (comme une brochure ou un tract).

Si la plupart des grands dictionnaires font dériver ce vocable du palme-feuillet anglais, M. Gaston Paris rapporte, dans un article paru dans La Revue critique du 28 septembre 1874, p.197, une origine latine plus lointaine : Pamflette est cité dans la seconde moitié du XIIIe siècle par Dirk van Asenede dans sa traduction néerlandaise de Flore et Blancheflor. Or Pamflette est le nom vulgaire de Pamphilus, une sorte de comédie en vers latins du XIIe siècle[5].

Saint-Laurent, dans le Dictionnaire encyclopédique usuel, découvre l'emploi de « πάμφλεκτος / pámphlektos », issu de πᾶς / pâs (« tout ») et φλέγω / phlégô (« brûler ») par Sophocle, puis, quelques siècles plus tard, par le rhéteur et grammairien Athénée.

Définition et procédés

Yves Avril propose une définition du pamphlet dans son article Le pamphlet : essai de définition et analyse de quelques-uns de ses procédés. Il s'agit d'un « écrit de circonstance, attaquant plus ou moins violemment, unilatéralement un individu, une idée ou un système idéologique dont l’écrivain révèle, sous la pression urgente et libératrice, l’imposture »[6]. Il s'agit donc d'un texte appartenant au genre démonstratif en jouant sur des valeurs morales. Il recourt le plus souvent au blâme même s'il peut aussi utiliser l'éloge de manière ironique[7].

Son champ de prédilection est donc la doxa, sur laquelle vont jouer ses principaux procédés (coupage notionnel, jeu sur les maximes idéologiques et sur les présupposés implicites du lecteur) et son but essentiel est la réfutation. L'appel au réel, contre le mauvais usage des mots, et la dénonciation des paralogismes et des sophismes de l'adversaire sont les principaux outils de son argumentation[7].

Historique

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Antiquité

La pratique pamphlétaire remonte aux premières manifestations de l'écriture, selon le journaliste Pierre Dominique dans l'avant-propos de Les Polémistes français depuis 1789 :

« Dès que les hommes surent écrire, naquit le pamphlet qui, sans doute, commença par le graffito injurieux et ordurier, et qui pouvait être illustré, la polémique orale suivant un chemin parallèle, d’où les pamphlets parlés, tels les Philippiques. »

Les Philippiques, discours de Démosthène prononcés entre 351 et 341 pour dénoncer les ambitions de Philippe de Macédoine auprès des Athéniens, sont considérés comme les premiers écrits pamphlétaires. Suivent ceux de l'orateur latin Cicéron qui rassemble, trois siècles plus tard, ses Quatorze discours contre Marc Antoine sous la même appellation (voir Les Philippiques).

Le pamphlet n'est pas nécessairement politique. Ainsi, le théâtre d'Aristophane, qui dépeint des Dieux ridicules et raille violemment Athènes et ses habitants peut être considéré comme une forme pamphlétaire.

Moyen-Âge

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Époque moderne

France

Le pamphlet en France, quelle que soit la forme adoptée, des fabliaux du Moyen Âge aux innombrables brûlots révolutionnaires, s'accole aux soubresauts de l'histoire et révèle la situation intellectuelle et sociale du pays, ainsi que la marge laissée au droit d'expression.

La Satire Ménippée (1594), œuvre collective de juristes, d'ecclésiastiques et de poètes, née sous l'impulsion du chanoine rouennais Pierre Le Roy, s'associe très étroitement à la période troublée de la Ligue, et demeure un exemple d'efficacité dans son soutien à Henri IV. Il ne s'agit pas de la première œuvre polémique en France. De grandes plumes s'étaient déjà distinguées dans le genre, comme Alain Chartier avec son Quadrilogue invectif (1422), appel vibrant à la Nation française. Montaigne, lui aussi, s'est adonné à la violence littéraire dans L’Apologie de Raymond Sebond, premier article de ses Essais : « La plus calamiteuse et fragile de toutes les créatures, c’est l’homme (…). Elle se sent et se voit logée parmi la bourbe et le fient du monde, attachée et clouée à la pire, plus morte et croupie partie de l’Univers (…). »

De nombreux autres monuments de la littérature du XVIe siècle ont écrit d'acerbes critiques de l'ordre en place (Calvin, La Boétie, et Rabelais par exemple).

Le XVIIe siècle assiste au développement du genre pamphlétaire en tous domaines (politique, poésie, religion, théâtre). Parmi les exemples notables : l'attaque de Mathurin Régnier contre Malherbe, qualifié de « tyran des lettres », les chansonniers et leurs mazarinades sous la Fronde, inspirés entre autres par les pamphlets de Mathieu de Morgues à la mort du cardinal de Richelieu[8], ou encore les coups de joute entre frondeurs tel le pastiche du cardinal de Retz intitulé Manifeste de Monseigneur le duc de Beaufort en son jargon.

Le règne de Louis XIV ne met pas le pamphlet en berne, comme en témoignent les éreintements de Boileau, les pièces satiriques de Molière et les Provinciales de Pascal.

L'aigreur du XVIIIe siècle se manifeste par exemple dans les satires indirectes d'un Voltaire. Les chansonniers, toujours actifs, font des maîtresses de Louis XV, puis de Marie-Antoinette, leurs têtes de turc.

Les romans et les ouvrages théoriques philosophiques, pornographiques, psychologiques et fortement sulfureux et singuliers de Sade (1740-1814) font également figure de pamphlets virulents au XVIIIe siècle, ce qui a valu à leur auteur sur ses 74 années de vie, 30 passées en prison.

À la fin du règne de Louis XVI, les libellés insultants ou obscènes se multiplient. Le coup d'envoi est donné par Mirabeau, en , avec le Journal des États généraux, suivi de nombreuses feuilles qui rivalisent de violence. Le summum est atteint avec Le Père Duchesne d'Hébert : il entrecoupe ses appels au massacre de « bougre » et de « foutre », pour « faire peuple ». Le succès est au rendez-vous puisque certains numéros atteignent le chiffre prodigieux de 600 000 exemplaires vendus.

Parmi les autres feuilles révolutionnaires au ton particulièrement violent, il est possible de citer Les Révolutions de France et de Brabant de Camille Desmoulins qui se surnommait le « Procureur de la Lanterne ». Marat, dans L'Ami du Peuple, pousse la surenchère jusqu'à réclamer la tête de 270 000 âmes. Côté royaliste, nous pouvons relever le Journal politique national de Rivarol qui doit s'exiler en .

Époque contemporaine

France

Face à une telle permissivité, Bonaparte fait édicter le décret du qui soumet toute parution de presse à une autorisation préalable, une censure. Seuls treize journaux obtiennent le privilège de pouvoir outrepasser la nécessité d'obtenir cette autorisation préalable. L'empereur n'échappe pourtant pas aux foudres de plumes acérées, et parmi celles-ci, sans doute la plus talentueuse, celle de Chateaubriand : « Tibère ne s’est jamais joué à ce point de l’espèce humaine… Bonaparte disait de lui-même : « J’ai 300 000 hommes de revenu. » Il a fait périr plus de un million de Français, la plus grande crise démographique française du XIXe siècle due à la guerre… Descends de ce monceau de ruines dont tu avais fait un trône ! ».

Le terme « pamphlet » apparaît de manière officielle en 1824 dans l'œuvre de Paul-Louis Courier : Le Pamphlet des pamphlets. En 1853 de son exil à Jersey, Victor Hugo publie Les Châtiments, long pamphlet contre Louis-Napoléon Bonaparte[9].

L'histoire démontre que le pamphlet, quoique toujours négligé dans son étude en France, s'est manifesté chez les plus grandes plumes comme un moyen de réaction et d'expression de leur révolte. Les critiques contre ce genre d’écrit, et les moyens mis en œuvre pour le faire disparaître, ou pour le cantonner à une verdeur de bon aloi, demeurent toutefois vigoureux. Marc Angenot, dans son ouvrage critique très fouillé sur la mécanique du pamphlet et les intentions du polémiste (La Parole pamphlétaire, 1982)[10], souligne le paradoxe de la situation de cet écrivain de combat : « (…) le pamphlétaire est porteur d’une vérité à ses yeux aveuglante, telle qu’elle devrait de toute évidence imprégner le champ où il prétend agir – et pourtant il se trouve seul à la défendre et refoulé sur les marges par un inexplicable scandale. »

Les accusations portées contre ce mode d'expression restent d’actualité : absence de portée due à une violence excessive, imbrication à l'actualité qui vieillirait très vite le contenu, mauvaise foi comme fondement de la démarche.

À ces attaques intellectuelles s'ajoutent l'arsenal juridique, qui tend à brider les élans d'indignation, et les pressions économiques qui s’exercent sur les éditeurs.

Dans son « Anthologie du pamphlet de la Libération à nos jours » (août-), Le Crapouillot, « magazine non-conformiste » selon sa propre définition, s'inquiète de l’avenir du genre pamphlétaire : « Aujourd’hui, (…) non seulement les plumes s’alanguissent dans un conformisme douillet et sans histoire, mais celles qui refusent le ronronnement de bonne compagnie, celles qui veulent demeurer acérées pour mieux atteindre leur cible, se voient impitoyablement traquées, traduites devant les tribunaux et condamnées. Outrage à ceci… offense à cela…, et voilà le pamphlet ficelé, étranglé par le code ! »[pertinence contestée].

Le journal confirme ce constat dix ans plus tard dans une nouvelle anthologie de ce magazine : « L’écriture est de plus en plus aseptisée, les plumes se trempent de plus en plus dans la poussière et de moins en moins dans le vitriol. », V. Hugo.

Pamphlétaires

Antiquité

Moyen-Âge

Ancien Régime et Révolution

XIXe siècle et premier XXe siècle

Depuis 1945

Notes et références

  1. ↑ « Dictionnaire de l’Académie française », sur dictionnaire-academie.fr (consulté le )
  2. ↑ « PAMPHLET : Définition de PAMPHLET », sur cnrtl.fr (consulté le )
  3. ↑ Emile Littré, Le Littré (lire en ligne), tome 3, p.916
  4. ↑ « Définition de pamphlet », sur Le Monde (consulté le )
  5. ↑ a et b « PAMPHLET : Étymologie de PAMPHLET », sur cnrtl.fr (consulté le )
  6. ↑ Yves Avril, « Le pamphlet : essai de définition et analyse de quelques-uns de ses procédés », Études littéraires, vol. 11, no 2,‎ , p. 265-281 (lire en ligne)
  7. ↑ a et b dir. Michel Jarrety, Lexique des termes littéraires, p. 302
  8. ↑ Benjamin Vidal, Un tombeau de pamphlet, DUMAS, , 171 p. (lire en ligne), p. 51-55 et 112-119
  9. ↑ « Édition de 1882 du recueil de poème de Victor Hugo », sur wikisource.org, Fondation Wikimedia, Inc., (consulté le ).
  10. ↑ Marc Angenot, La Parole pamphlétaire. Typologie des discours modernes, Paris, Payot, 1982, 2004

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

  • Léon Daudet, Flammes. Polémique et polémistes, Paris, Grasset, 1930.
  • Frédéric Saenen, Dictionnaire du pamphlet, collection « Illico » no 25, Infolio, 2010 (ISBN 978-2-88474-019-7)
  • Daniel Cosculluela, Les enragés de la liberté : Anthologie des pamphlétaires du XVIe au XXe siècle, éd. Max Milo, 2023.

Articles connexes

Liens externes

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