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L’'''annulation de la dette''' est la suppression unilatérale ou concertée d'une partie ou de la totalité d'une [[dette publique]] ou d'une [[dette privée]]. Les pays qui se sont trouvés dans l'impossibilité de rembourser leur dette publique au cours de l'Histoire ont parfois eu recours à l'annulation de leur dette. La prégnance des enjeux liés à la tenue des [[finances publiques]] aux {{s2-|XX|XXI}} a conduit à la mise en place de mécanismes de négociation et de rééchelonnement de la dette publique.
L’'''annulation de la dette''' est une action politique ou financière qui demande la levée partielle ou totale de la dette de certains pays, de certaines institutions, de certaines entreprises ou de certains individus. Elle s'accompagne généralement d'un rééchelonnement des dettes restantes.


== Concept ==
Pour les États, cela concerne en particulier la [[dette du tiers-monde]], qui a fortement augmenté avec la [[crise de la dette en Amérique Latine]] (Mexico 1982, etc.).
Une dette est contractée par un individu, une institution ou un État en vue d'effectuer des paiements (de consommation, d'investissement) que l'entité n'aurait pas pu réaliser sans l'apport supplémentaire de monnaie. Des pays dont les finances publiques ne sont pas à l'[[équilibre budgétaire]] doivent ainsi lever des fonds, auprès de sa population ou auprès d'institutions financières, afin de financer son [[Déficit budgétaire et déficit public|déficit public]].


Toutefois, un emprunteur peut se trouver dans l'impossibilité matérielle de rembourser sa dette. Ce phénomène s'est notamment produit, au {{s-|XX|e}}, dans le cas de la [[dette du tiers-monde]], c'est-à-dire de l'ensemble des engagements financiers des pays (surtout d'[[Amérique latine]]) qui ne disposaient pas des fonds nécessaires pour rembourser leurs prêts<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Erwann|nom1=Garrec|titre=L'Annulation de la dette des pays sous-développés|éditeur=l'auteur|date=1993|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=bQjHGwAACAAJ&newbks=0&hl=en|consulté le=2021-09-02}}</ref>. Des clubs de coordination de créanciers, comme le [[Club de Paris]], ont ainsi été créés pour aider à la restructuration des dettes, à leur rééchelonnement, etc.<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=David|nom1=Lawson|titre=Le Club de Paris: sortir de l'engrenage de la dette|éditeur=Harmattan|date=2004|isbn=978-2-7475-7125-8|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=9fHZytxMJeIC&newbks=0&printsec=frontcover&dq=Annulation+dette&hl=en|consulté le=2021-09-02}}</ref>
Pour les entreprises, l'un des cas les plus connus est sans doute celui d'[[Eurotunnel]]. Dans le cas d'une personne physique, on parlera de [[faillite personnelle]]. Cette dette peut avoir été contractée vers un ensemble de tiers, ou un seul tiers.


Toutefois, un État qui ne peut ou ne veut bénéficier de tels dispositifs peut décide une annulation de dette, c'est-à-dire de ne pas rembourser la dette qu'il doit aux créditeurs. La puissance publique étant souveraine, nul ne peut le contraindre légalement à rembourser des emprunts qui ont été contractés.
Les arguments relatifs à l'annulation de la dette des pays en développement sont relatifs à l'illégitimité de la dette, considérée dans certains cas comme une dette odieuse<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=CADTM - Pourquoi annuler la dette du tiers-monde|url=http://www.cadtm.org/Pourquoi-annuler-la-dette-du-tiers|site=www.cadtm.org|consulté le=2017-11-04}}</ref>.


Le statut des particuliers vis-à-vis de leur endettement diffère selon les pays. Les [[États-Unis]] disposent d'un régime particulièrement favorable aux débiteurs. Cela est moins souvent le cas en [[Europe]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Bernard|nom1=Jurion|titre=Finances publiques, finances privées|éditeur=Editions de l'ULG|date=2000|isbn=978-2-930322-01-8|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=VF7RSvQMgVwC&newbks=0&printsec=frontcover&pg=PA252&dq=finances+publiques+annulation+dette&hl=en|consulté le=2021-09-02}}</ref>.
== Origine historique et religieuse ==


== Historique ==
La [[bible]] évoque déjà les annulations de dettes et condamne le prêt à intérêts.
Les annulations de dettes semblent être aussi vieilles que la dette elle-même. Ainsi, des textes antiques comme la [[Torah]] ou la [[Bible]], en plus de condamner les [[Prêt à intérêt|prêts à intérêt]], relatent certains récits d'annulations de dettes<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=François|nom1=Doux|prénom2=Jacques de|nom2=Larosière|titre=La dette|éditeur=Hatier référence & pratique|date=2013-07-01|isbn=978-2-218-97725-1|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=ogRlJ0PlMiMC&newbks=0&printsec=frontcover&pg=PT21&dq=Annulation+dette+bible&hl=en|consulté le=2021-09-02}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jean-François|nom1=Lefebvre|titre=Le jubilé biblique: Lv 25, exégèse et théologie|éditeur=Saint-Paul|date=2003|isbn=978-3-525-53051-1|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=XHmCC02j7dAC&newbks=0&printsec=frontcover&pg=PA345&dq=Annulation+dette+bible&hl=en|consulté le=2021-09-02}}</ref>. L'[[Évangile selon Matthieu]] contient un épisode où un maître remet sa dette à son serviteur, ancrant la compassion chrétienne dans le champ économique<ref>Évangile selon Saint Mathieu 18, version Louis Segond 1910</ref>.


Le phénomène est également connu durant le [[Moyen Âge]]. Les rois [[christianisme|chrétiens]] prennent régulièrement des édits visant à annuler les dettes des chrétiens envers les [[juifs]] sous la pression de l'Église. En [[France]], une ordonnance de [[1234]] remet aux débiteurs chrétiens le tiers de leur dette auprès des juifs qui ne pourront les faire saisir en cas de non-paiement. Plus tard, en avril [[1240]], le duc de [[Bretagne]] Jean {{Ier}} décide d’annuler toutes les dettes contractées par les chrétiens envers les juifs. Ces épisodes marquent le début des [[défauts souverains de la France]].
La remise de dette fait partie de la morale [[christianisme|chrétienne]]<ref>Évangile selon Saint Mathieu 18, version Louis Segond 1910</ref>:
{{Citation bloc|''On lui en amena un qui devait dix mille talents.''


Des épisodes similaires ont lieu en [[Angleterre]]. En [[1290]], par exemple, [[Édouard Ier d'Angleterre|{{nobr|Édouard {{Ier}}}}]] publie l'édit « d'expulsion des juifs », et de ce fait efface une partie des créances de la couronne envers ses créanciers juifs.
''Comme il n'avait pas de quoi payer, son maître ordonna qu'il fût vendu, lui, sa femme, ses enfants, et tout ce qu'il avait, et que la dette fût acquittée.''


Ces diverses décisions d'abandon de dettes vis-à-vis des juifs perdureront jusqu'au {{s-|XIX|e}} et toucheront tous les pays d'Europe. Ainsi, sous [[Napoléon Ier|Napoléon]], en [[1802]], le Conseil d’État proclame l’abandon des dettes aux juifs pendant un an, et plus tard, le « décret infâme » de [[1808]] suspend pour {{nobr|10 ans}} les dettes envers les juifs en Alsace<ref>À propos des dettes annulées des chrétiens envers les juifs, on se reportera à l'ouvrage ''Les Juifs, le monde et l’argent'' de [[Jacques Attali]]</ref>. Dans le courant du {{s-|XIX|e}}, en [[Russie]], en [[Pologne]] et en [[Ukraine]], les pogroms permettront d'effacer une partie des dettes de la population par le massacre de leurs créanciers juifs.
''Le serviteur, se jetant à terre, se prosterna devant lui, et dit : Seigneur, aie patience envers moi, et je te paierai tout.''


Le {{s-|XX|e}} voit l'émergence de mouvements de protestations populaires vis-à-vis de l'endettement des pays, en faveur de leur annulation. L'annulation de la dette pour des pays du tiers-monde endettés et sous développés a été un sujet majeur dans les années [[1999]] et fut l'objet d'une large campagne soutenue par des organisations non-gouvernementales, des associations comme le CADTM (Comité pour l'abolition des dettes illégitimes), et des organisations chrétiennes lors du jubilé en 2000. Les programmes de l'[[initiative pays pauvres très endettés]] sont semblables aux prêts accordés par le [[Fonds monétaire international|FMI]] et la [[Banque mondiale]], et imposent des [[Ajustement structurel|programmes d'ajustement structurel]], qui incluent parfois la privatisation de secteurs publics. Pour qu'un pays bénéficie de l'annulation définitive de sa dette, il doit aussi mettre en place une stabilité macroéconomique ainsi qu'un Plan de Réduction de la Pauvreté pendant au moins un an.
''Ému de compassion, le maître de ce serviteur le laissa aller, et lui remit la dette.''}}

La thématique de l'annulation de dette trouvera un écho dans l'Europe du Moyen Âge où la thématique de l'argent est centrale dans les rapports entre juifs et chrétiens. Ainsi, les rois [[christianisme|chrétiens]] prennent régulièrement des édits visant à annuler les dettes des chrétiens envers les juifs sous la pression de l'Église. En [[France]], une ordonnance de [[1234]] remet aux débiteurs chrétiens le tiers de leur dette auprès des juifs qui ne pourront les faire saisir en cas de non-paiement. Plus tard, en avril [[1240]], le duc de [[Bretagne]] Jean {{Ier}} décide d’annuler toutes les dettes contractées par les chrétiens envers les juifs.

La première remise de dette à un état remonte à [[1290]] en [[Angleterre]], [[Édouard Ier d'Angleterre|Édouard {{Ier}}]], par l'édit « d'expulsion des juifs », en profite pour effacer une partie des dettes de la couronne envers ses créanciers juifs.

Ces diverses décisions d'abandon de dettes vis-à-vis des juifs perdureront jusqu'au {{s-|XIX|e}} et toucheront tous les pays d'Europe. Ainsi, sous [[Napoléon Ier|Napoléon]], en [[1802]], le conseil d’État proclame l’abandon des dettes aux juifs pendant un an, et plus tard, le « décret infâme » de [[1808]] suspend pour 10 ans les dettes envers les juifs en Alsace<ref>À propos des dettes annulées des chrétiens envers les juifs, on se reportera à l'ouvrage ''Les Juifs, le monde et l’argent'' de [[Jacques Attali]]</ref>.

Dans le courant du {{s-|XIX|e}}, en [[Russie]], en [[Pologne]] et en [[Ukraine]], les pogroms permettront d'effacer une partie des dettes de la population par le massacre de leurs créanciers juifs.

La problématique de la remise de dette reste donc imprégnée d'un affrontement entre chrétiens (à qui l'intérêt puis l'usure sont interdits) et juifs (pour qui les lois ne laissaient que peu d'autres professions dans l'ancienne Europe).

== Annulation de dettes faites à des pays ==
''Voir aussi [[dette du tiers monde]] et [[Dette odieuse]]''

L'annulation de la dette pour des pays du tiers-monde endettés et sous développés a été un sujet majeur dans les années [[1999]] et fut l'objet d'une large campagne soutenue par des organisations non-gouvernementales, des associations comme le [[CADTM]], et des organisations chrétiennes lors du jubilé en 2000.

Cette campagne, associant également des [[manifestation]]s au sommet du [[Groupe des sept (économie)|G8]] de 1998 à [[Birmingham]], permit d'amener le sujet de l'endettement en lumière, et amener les gouvernements occidentaux et les institutions internationales comme le [[Fonds monétaire international|FMI]] ou la [[Banque mondiale]] à prendre des mesures. Finalement, l'[[initiative pays pauvres très endettés]] fut lancée et a permis d'entreprendre un traitement systématique d'annulation des dettes pour les pays les plus pauvres du monde, tout en essayant de s'assurer que l'argent permettrait de réduire la pauvreté.

Les programmes de l'[[initiative pays pauvres très endettés]] sont semblables aux prêts accordés par le [[Fonds monétaire international|FMI]] et la [[Banque mondiale]], et imposent des [[Ajustement structurel|programme d'ajustement structurel]], qui incluent parfois la privatisation de secteurs publics. Pour qu'un pays bénéficie de l'annulation définitive de sa dette, il doit aussi mettre en place une stabilité macroéconomique ainsi qu'un Plan de Réduction de la Pauvreté pendant au moins un an.

L'Initiative multilatérale d'annulation de la dette est une extension de l'[[Initiative pays pauvres très endettés]]. Cette initiative fut conclue au sommet du [[Groupe des sept (économie)|G8]] à [[Gleneagles]] en juillet 2005. Il permet l'annulation totale des dettes multilatérales que doivent les pays à la banque mondiale, le FMI ou la Banque de développement africaine.

== Avantages des annulations de dettes ==


== Effets économiques ==
=== Avantages des annulations de dettes ===
* Dégagement de nouveaux moyens financiers
* Dégagement de nouveaux moyens financiers
* Capacité d'investissement retrouvé
* Capacité d'investissement retrouvé
* Éloignement du spectre de la faillite (qui permet aux créanciers de se faire rembourser une partie de leur dette)
* Éloignement du spectre de la faillite (qui permet aux créanciers de se faire rembourser une partie de leur dette)
* Aide aux développement des pays pauvres
* Aide au développement des pays pauvres


== Inconvénients des annulations de dettes ==
=== Inconvénients des annulations de dettes ===
L'annulation de la dette signifie, pour le [[créancier]], la perte pure et simple de l'argent prêté, et donc une baisse de la confiance de la banque ou de l'institution prêteuse vis-à-vis de celui qui a failli au remboursement.


L'annulation de la dette trahit la confiance des prêteurs vis-à-vis de l’État qui annule ses créances. La [[Monétisation|monétisation de la dette]], elle, est par nature inflationniste<ref>{{Chapitre|prénom1=Edwige|nom1=Michaud|titre chapitre=Les États, la Banque mondiale et le fmi face aux « stratégies de réduction de la pauvreté »|titre ouvrage=Mutations de l'État et protection des droits de l'homme|éditeur=Presses universitaires de Paris Nanterre|date=2007|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.4000/books.pupo.1410|consulté le=2021-09-02|passage=237–250}}</ref>.
* Pour le créancier actuel :
** Perte pure et simple de l'argent prêté
* Pour le débiteur :
** Perte de confiance des futurs créanciers et difficulté à emprunter dans le futur, donc à financer son économie.
** Sorte de « prime » à l'irresponsabilité.


L'annulation de la dette peut pousser les États semblables à celui ayant reçu l'exonération à augmenter leurs créances, se sachant possiblement couverts à l'avenir.
== Cas d'annulation de dette publique<ref>{{Article|langue=fr|titre=Ils ont annulé leur dette|périodique=Le Monde diplomatique|date=2015-03-01|lire en ligne=https://www.monde-diplomatique.fr/2015/03/A/52738|consulté le=2017-09-15}}</ref> ==


== Cas d'annulation de dette publique ==
'''[[1868]].''' [[États-Unis|Etats-Unis]]. A la fin de la [[Guerre de Sécession|guerre civile]], Washington déclare la dette de la Confédération ''«<small> </small>nulle<small> </small>».''
Les cas d'annulation de dettes publiques jalonnent l'histoire<ref name=":0">{{Article|langue=fr|titre=Ils ont annulé leur dette|périodique=Le Monde diplomatique|date=2015-03-01|lire en ligne=https://www.monde-diplomatique.fr/2015/03/A/52738|consulté le=2017-09-15}}</ref>.


'''[[1883]].''' [[Mexique]]. Loi sur le règlement de la dette nationale qui répudie les dettes contractées de 1857 à 1860 et de 1863 à 1867.
En 1868, aux [[États-Unis]], [[Abraham Lincoln]] déclare la dette [[États confédérés d'Amérique]] nulle. En 1883, c'est au tour du [[Mexique]]. Par une loi sur le règlement de la dette nationale, le gouvernement répudie les dettes contractées de 1857 à 1860 et de 1863 à 1867<ref name=":0" />.


'''[[1902]]-[[1903]].''' [[Venezuela]]. A la suite du refus de Caracas de rembourser sa dette, les flottes britannique, allemande et italienne imposent un blocus naval au pays.
De 1902 à 1903, le [[Venezuela]] procède à l'annulation de sa dette. À la suite du refus de Caracas de rembourser sa dette, les flottes britannique, allemande et italienne imposent un blocus naval au pays. En 1907, la convention Drago-Porter interdit le recours à la force pour le recouvrement de créances<ref name=":0" />.


En 1917, [[Vladimir Ilitch Lénine|Vladimir Lénine]] et son gouvernement [[Bolcheviks|bolchévik]], issu du coup d'État d'octobre, annule les dettes de la Russie garanties par le régime tsariste<ref name=":0" />.
'''[[1907]].''' Venezuela. La convention [[Drago-Porter]] interdit le recours à la force pour le recouvrement de créances.


'''[[1919]].''' [[Pologne]]. Le [[traité de Versailles]] annule la dette réclamée par l’Allemagne et la Prusse à Varsovie.
En 1919, la [[Pologne]] bénéficie d'une annulation de dette publique grâce au [[traité de Versailles]], qui annule la dette qu lui était réclamée par l’Allemagne et la Prusse<ref name=":0" />.


'''[[1922]].''' [[Costa Rica]]. San José dénonce les contrats passés de 1917 à 1919 par le général putschiste Federico Tinoco. La Cour suprême américaine, qui arbitre l’affaire opposant le Costa Rica à la Grande-Bretagne, juge les contrats invalides puisque réalisés au détriment de la population.
En 1922, le [[Costa Rica]] procède à une annulation de dette. San José dénonce les contrats passés de 1917 à 1919 par le général putschiste Federico Tinoco. La Cour suprême américaine, qui arbitre l’affaire opposant le Costa Rica à la Grande-Bretagne, juge les contrats invalides puisque réalisés au détriment de la population<ref name=":0" />.


En 1926, le gouvernement de [[Benito Mussolini]] annule les dettes de l'État italien, qu'il met en scène par un autodafé sur le forum<ref name=":0" />.
'''[[1991]].''' [[Pologne]]. Dès l’arrivée au pouvoir de M. [[Lech Wałęsa|Lech Walesa]], en 1990, les créanciers du pays lui accordent une réduction de 50<small> </small>% de sa dette.


En 1953, l'[[Allemagne]] obtient un [[Accord de Londres sur les dettes|accord sur ses dettes]], dit accord de Londres. Il efface les deux tiers de la dette allemande liée aux réparations de guerre entre autres<ref name=":0" />.
'''[[Égypte|Egypte.]]''' Soucieux d’obtenir le soutien du Caire lors de la [[première guerre du Golfe]], les créanciers réduisent de moitié la dette du pays.


En 1991, la [[Pologne]] bénéficie à nouveau d'une annulation de dette dès l’arrivée au pouvoir de [[Lech Wałęsa|Lech Walesa]], en 1990. Les créanciers du pays lui accordent une réduction de 50 % de sa dette<ref name=":0" />.
'''[[1996]].''' Le [[Fonds monétaire international]] (FMI) et la [[Banque mondiale]] lancent l’initiative «<small> </small>Pays pauvres très endettés<small> </small>» (renforcée en 1999).


L'[[Égypte]] bénéficie du souci de ses créanciers d’obtenir le soutien du Caire lors de la [[première guerre du Golfe]] pour obtenir une réduction de moitié sa dette<ref name=":0" />.
'''[[2008]].''' [[Équateur (pays)|Equateur]]


En 2023, les créanciers privés de l'[[Équateur (pays)|Équateur]] consentent à annuler 3% de la [[dette extérieure]] totale du pays en échange d'un investissement de 450 millions de dollars dans la préservation de la zone naturelle des [[Îles Galápagos]]<ref>{{Article|langue=fr|titre=Annuler de la dette pour protéger les îles Galapagos|périodique=Le Monde|date=2023-05-18|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/05/18/iles-galapagos-l-equateur-obtient-une-reduction-de-sa-dette-pour-proteger-l-archipel_6173817_3234.html#:~:text=Biodiversit%C3%A9-,Annuler%20de%20la%20dette%20pour%20prot%C3%A9ger%20les%20%C3%AEles%20Galapagos%20%3A%20l,archipel%20class%C3%A9%20au%20Patrimoine%20mondial|consulté le=2023-05-26}}</ref>.
'''[[Islande]].''' A la suite d’une mobilisation populaire, Reykjavík refuse de régler au Royaume-Uni et aux Pays-Bas une dette liée aux activités de la banque privée [[Landsbanki]].


== Références ==
== Références ==
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== Voir aussi ==
== Voir aussi ==
* [[Seisachtheia]]
* [[Club de Paris]] ou [[Club de Londres]]
* [[Club de Paris]] ou [[Club de Londres]]
* [[Comité pour l'annulation de la dette du tiers monde]]
* [[Contrat de désendettement et de développement]]
* [[Contrat de désendettement et de développement]]
* [[Dette]]
* [[Dette]]
* [[Dette publique]]
* [[Dette publique]]
* [[Initiative PPTE]]
* [[Initiative PPTE]]
* [[Objectifs du millénaire pour le développement]]
* [[Objectifs du millénaire pour le développement]]
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[[Catégorie:Économie du développement]]
[[Catégorie:Économie du développement]]
[[Catégorie:Dette publique]]
[[Catégorie:Nullité ou annulation en droit]]

Dernière version du 11 mai 2024 à 20:15

L’annulation de la dette est la suppression unilatérale ou concertée d'une partie ou de la totalité d'une dette publique ou d'une dette privée. Les pays qui se sont trouvés dans l'impossibilité de rembourser leur dette publique au cours de l'Histoire ont parfois eu recours à l'annulation de leur dette. La prégnance des enjeux liés à la tenue des finances publiques aux XXe et XXIe siècles a conduit à la mise en place de mécanismes de négociation et de rééchelonnement de la dette publique.

Concept[modifier | modifier le code]

Une dette est contractée par un individu, une institution ou un État en vue d'effectuer des paiements (de consommation, d'investissement) que l'entité n'aurait pas pu réaliser sans l'apport supplémentaire de monnaie. Des pays dont les finances publiques ne sont pas à l'équilibre budgétaire doivent ainsi lever des fonds, auprès de sa population ou auprès d'institutions financières, afin de financer son déficit public.

Toutefois, un emprunteur peut se trouver dans l'impossibilité matérielle de rembourser sa dette. Ce phénomène s'est notamment produit, au XXe siècle, dans le cas de la dette du tiers-monde, c'est-à-dire de l'ensemble des engagements financiers des pays (surtout d'Amérique latine) qui ne disposaient pas des fonds nécessaires pour rembourser leurs prêts[1]. Des clubs de coordination de créanciers, comme le Club de Paris, ont ainsi été créés pour aider à la restructuration des dettes, à leur rééchelonnement, etc.[2]

Toutefois, un État qui ne peut ou ne veut bénéficier de tels dispositifs peut décide une annulation de dette, c'est-à-dire de ne pas rembourser la dette qu'il doit aux créditeurs. La puissance publique étant souveraine, nul ne peut le contraindre légalement à rembourser des emprunts qui ont été contractés.

Le statut des particuliers vis-à-vis de leur endettement diffère selon les pays. Les États-Unis disposent d'un régime particulièrement favorable aux débiteurs. Cela est moins souvent le cas en Europe[3].

Historique[modifier | modifier le code]

Les annulations de dettes semblent être aussi vieilles que la dette elle-même. Ainsi, des textes antiques comme la Torah ou la Bible, en plus de condamner les prêts à intérêt, relatent certains récits d'annulations de dettes[4],[5]. L'Évangile selon Matthieu contient un épisode où un maître remet sa dette à son serviteur, ancrant la compassion chrétienne dans le champ économique[6].

Le phénomène est également connu durant le Moyen Âge. Les rois chrétiens prennent régulièrement des édits visant à annuler les dettes des chrétiens envers les juifs sous la pression de l'Église. En France, une ordonnance de 1234 remet aux débiteurs chrétiens le tiers de leur dette auprès des juifs qui ne pourront les faire saisir en cas de non-paiement. Plus tard, en avril 1240, le duc de Bretagne Jean Ier décide d’annuler toutes les dettes contractées par les chrétiens envers les juifs. Ces épisodes marquent le début des défauts souverains de la France.

Des épisodes similaires ont lieu en Angleterre. En 1290, par exemple, Édouard Ier publie l'édit « d'expulsion des juifs », et de ce fait efface une partie des créances de la couronne envers ses créanciers juifs.

Ces diverses décisions d'abandon de dettes vis-à-vis des juifs perdureront jusqu'au XIXe siècle et toucheront tous les pays d'Europe. Ainsi, sous Napoléon, en 1802, le Conseil d’État proclame l’abandon des dettes aux juifs pendant un an, et plus tard, le « décret infâme » de 1808 suspend pour 10 ans les dettes envers les juifs en Alsace[7]. Dans le courant du XIXe siècle, en Russie, en Pologne et en Ukraine, les pogroms permettront d'effacer une partie des dettes de la population par le massacre de leurs créanciers juifs.

Le XXe siècle voit l'émergence de mouvements de protestations populaires vis-à-vis de l'endettement des pays, en faveur de leur annulation. L'annulation de la dette pour des pays du tiers-monde endettés et sous développés a été un sujet majeur dans les années 1999 et fut l'objet d'une large campagne soutenue par des organisations non-gouvernementales, des associations comme le CADTM (Comité pour l'abolition des dettes illégitimes), et des organisations chrétiennes lors du jubilé en 2000. Les programmes de l'initiative pays pauvres très endettés sont semblables aux prêts accordés par le FMI et la Banque mondiale, et imposent des programmes d'ajustement structurel, qui incluent parfois la privatisation de secteurs publics. Pour qu'un pays bénéficie de l'annulation définitive de sa dette, il doit aussi mettre en place une stabilité macroéconomique ainsi qu'un Plan de Réduction de la Pauvreté pendant au moins un an.

Effets économiques[modifier | modifier le code]

Avantages des annulations de dettes[modifier | modifier le code]

  • Dégagement de nouveaux moyens financiers
  • Capacité d'investissement retrouvé
  • Éloignement du spectre de la faillite (qui permet aux créanciers de se faire rembourser une partie de leur dette)
  • Aide au développement des pays pauvres

Inconvénients des annulations de dettes[modifier | modifier le code]

L'annulation de la dette signifie, pour le créancier, la perte pure et simple de l'argent prêté, et donc une baisse de la confiance de la banque ou de l'institution prêteuse vis-à-vis de celui qui a failli au remboursement.

L'annulation de la dette trahit la confiance des prêteurs vis-à-vis de l’État qui annule ses créances. La monétisation de la dette, elle, est par nature inflationniste[8].

L'annulation de la dette peut pousser les États semblables à celui ayant reçu l'exonération à augmenter leurs créances, se sachant possiblement couverts à l'avenir.

Cas d'annulation de dette publique[modifier | modifier le code]

Les cas d'annulation de dettes publiques jalonnent l'histoire[9].

En 1868, aux États-Unis, Abraham Lincoln déclare la dette États confédérés d'Amérique nulle. En 1883, c'est au tour du Mexique. Par une loi sur le règlement de la dette nationale, le gouvernement répudie les dettes contractées de 1857 à 1860 et de 1863 à 1867[9].

De 1902 à 1903, le Venezuela procède à l'annulation de sa dette. À la suite du refus de Caracas de rembourser sa dette, les flottes britannique, allemande et italienne imposent un blocus naval au pays. En 1907, la convention Drago-Porter interdit le recours à la force pour le recouvrement de créances[9].

En 1917, Vladimir Lénine et son gouvernement bolchévik, issu du coup d'État d'octobre, annule les dettes de la Russie garanties par le régime tsariste[9].

En 1919, la Pologne bénéficie d'une annulation de dette publique grâce au traité de Versailles, qui annule la dette qu lui était réclamée par l’Allemagne et la Prusse[9].

En 1922, le Costa Rica procède à une annulation de dette. San José dénonce les contrats passés de 1917 à 1919 par le général putschiste Federico Tinoco. La Cour suprême américaine, qui arbitre l’affaire opposant le Costa Rica à la Grande-Bretagne, juge les contrats invalides puisque réalisés au détriment de la population[9].

En 1926, le gouvernement de Benito Mussolini annule les dettes de l'État italien, qu'il met en scène par un autodafé sur le forum[9].

En 1953, l'Allemagne obtient un accord sur ses dettes, dit accord de Londres. Il efface les deux tiers de la dette allemande liée aux réparations de guerre entre autres[9].

En 1991, la Pologne bénéficie à nouveau d'une annulation de dette dès l’arrivée au pouvoir de Lech Walesa, en 1990. Les créanciers du pays lui accordent une réduction de 50 % de sa dette[9].

L'Égypte bénéficie du souci de ses créanciers d’obtenir le soutien du Caire lors de la première guerre du Golfe pour obtenir une réduction de moitié sa dette[9].

En 2023, les créanciers privés de l'Équateur consentent à annuler 3% de la dette extérieure totale du pays en échange d'un investissement de 450 millions de dollars dans la préservation de la zone naturelle des Îles Galápagos[10].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Erwann Garrec, L'Annulation de la dette des pays sous-développés, l'auteur, (lire en ligne)
  2. David Lawson, Le Club de Paris: sortir de l'engrenage de la dette, Harmattan, (ISBN 978-2-7475-7125-8, lire en ligne)
  3. Bernard Jurion, Finances publiques, finances privées, Editions de l'ULG, (ISBN 978-2-930322-01-8, lire en ligne)
  4. François Doux et Jacques de Larosière, La dette, Hatier référence & pratique, (ISBN 978-2-218-97725-1, lire en ligne)
  5. Jean-François Lefebvre, Le jubilé biblique: Lv 25, exégèse et théologie, Saint-Paul, (ISBN 978-3-525-53051-1, lire en ligne)
  6. Évangile selon Saint Mathieu 18, version Louis Segond 1910
  7. À propos des dettes annulées des chrétiens envers les juifs, on se reportera à l'ouvrage Les Juifs, le monde et l’argent de Jacques Attali
  8. Edwige Michaud, « Les États, la Banque mondiale et le fmi face aux « stratégies de réduction de la pauvreté » », dans Mutations de l'État et protection des droits de l'homme, Presses universitaires de Paris Nanterre, (lire en ligne), p. 237–250
  9. a b c d e f g h i et j « Ils ont annulé leur dette », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne, consulté le )
  10. « Annuler de la dette pour protéger les îles Galapagos », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]