« Let It Be (album des Beatles) » : différence entre les versions

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<dfn>''{{lang|en|Let It Be}}''</dfn> est le douzième et dernier [[Discographie des Beatles|album original]] publié par les [[The Beatles|Beatles]], paru le {{date|8|mai|1970|en musique}} en [[Grande-Bretagne]], et dix jours plus tard aux [[États-Unis]]. Au moment de sa sortie, le groupe est déjà [[Séparation des Beatles|officiellement séparé]], depuis une annonce faite par [[Paul McCartney]] le {{nobr|10 avril}}. Les chansons présentes sur ce disque ont été enregistrées plus d'un an avant leur parution, l'essentiel étant mis en boîte en {{nobr|janvier 1969}}, avant la réalisation de l'album ''{{lang|en|[[Abbey Road (album)|Abbey Road]]}}'', publié en {{nobr|septembre 1969}}. Pour cette raison, ''{{lang|en|Let It Be}}'' n'est pas considéré comme l'ultime album des Beatles, puisqu'il n'est pas le dernier enregistré.
<dfn>''{{lang|en|Let It Be}}''</dfn> est le douzième et dernier [[Discographie des Beatles|album original]] publié par les [[The Beatles|Beatles]], paru le {{date|8|mai|1970|en musique}} en [[Grande-Bretagne]], et dix jours plus tard aux [[États-Unis]]. Au moment de sa sortie, le groupe est déjà [[Séparation des Beatles|officiellement séparé]]. Les chansons présentes sur ce disque ont été enregistrées plus d'un an avant leur parution, l'essentiel étant mis en boîte en {{date|janvier 1969}}, avant la réalisation de l'album ''{{lang|en|[[Abbey Road (album)|Abbey Road]]}}'', publié en {{date|septembre 1969}}. Pour cette raison, ''{{lang|en|Let It Be}}'' n'est pas considéré comme l'ultime album des Beatles, puisqu'il n'est pas le dernier enregistré.


L'album, supposé paraître à {{nobr|l'été 1969}} sous le titre ''{{lang|en|Get Back}}'', est conçu au départ comme un retour aux sources : quatre musiciens jouant du [[rock]] dans des conditions ''{{lang|en|live}}'', en répétition pour un hypothétique concert. De plus, le tout doit déboucher sur un film. Les trois semaines consacrées aux répétitions et à l'enregistrement des chansons se déroulent sous l’œil des caméras de [[Michael Lindsay-Hogg]] qui tournent en continu, et sont ponctuées par le fameux [[Concert des Beatles sur le toit|concert sur le toit]] de leur immeuble de [[Savile Row]] le 30 janvier 1969. [[John Lennon]], [[Paul McCartney]] et [[George Harrison]] ont apporté un grand nombre de chansons, toutes répétées, dont douze finiront sur cet album, alors que d'autres seront retravaillées de février à l'été 1969 pour ''Abbey Road'', ou encore apparaîtront sur leurs albums respectifs après la séparation du groupe.
L'album, supposé paraître à {{nobr|l'été 1969}} sous le titre ''{{lang|en|Get Back}}'', est conçu au départ comme un retour aux sources : quatre musiciens jouant du [[rock]] dans des conditions ''{{lang|en|live}}'', en répétition pour un hypothétique concert. De plus, le tout doit déboucher sur une émission de télévision. Les trois semaines consacrées aux répétitions et à l'enregistrement des chansons se déroulent sous l’œil des caméras de [[Michael Lindsay-Hogg]] qui tournent presqu'en continu. L'idée du concert devant public est abandonné remplacé par le fameux [[Concert des Beatles sur le toit|concert sur le toit]] de leur immeuble de [[Savile Row]] et le projet d'émission spéciale télévisuelle devient maintenant un documentaire pour le cinéma. [[John Lennon]], [[Paul McCartney]] et [[George Harrison]] ont apporté un grand nombre de chansons, toutes répétées, dont douze finiront sur cet album, alors que d'autres seront retravaillées de février à l'été 1969 pour ''Abbey Road'', ou encore apparaîtront sur leurs albums respectifs après la séparation du groupe.


Les difficultés, qu'elles soient d'ordre relationnel ou logistique, s'accumulent durant ces sessions. Insatisfaits du résultat, les Beatles abandonnent le projet. Hormis ''{{lang|en|[[Get Back]]}}'' et ''{{lang|en|[[Don't Let Me Down]]}}'', publiées en [[single (musique)|single]] en avril 1969, les kilomètres de bandes enregistrées en un mois sont dans un premier temps rangées au placard avant que le nouveau manager du groupe, [[Allen Klein]], sans consulter Paul McCartney, ne décide de les confier au producteur américain [[Phil Spector]]. En {{nobr|mars 1970}}, Spector post-produit toutes les chansons à sa manière, rejette ''[[Don't Let Me Down]]'' de la liste, et le 33 tours paraît finalement en mai sous le nom de ''{{lang|en|Let It Be}}'', en même temps que le [[Let It Be (film)|film du même nom]].
Les difficultés, qu'elles soient d'ordre relationnel ou logistique, s'accumulent durant ces sessions. Insatisfaits du résultat, les Beatles abandonnent le projet. Hormis ''{{lang|en|[[Get Back]]}}'' et ''{{lang|en|[[Don't Let Me Down]]}}'', publiées en [[single (musique)|single]] en avril 1969, les kilomètres de bandes enregistrées en un mois sont dans un premier temps rangées au placard avant que le nouveau manager du groupe, [[Allen Klein]], sans consulter Paul McCartney, ne décide de les confier au producteur américain [[Phil Spector]]. En {{date|mars 1970}}, Spector post-produit toutes les chansons à sa manière, rejette ''[[Don't Let Me Down]]'' de la liste, et le 33 tours paraît finalement en mai sous le nom de ''{{lang|en|Let It Be}}'', en même temps que le [[Let It Be (film)|film du même nom]].


''{{lang|en|Let It Be}}'' est aussi l'un des deux albums, avec ''{{lang|en|[[A Hard Day's Night (album)|A Hard Day's Night]]}}'', sur lequel [[Ringo Starr]] ne chante pas. C'est, par ailleurs, l'unique œuvre des Beatles où [[George Martin]], quoique présent du début à la fin du projet, n'est pas crédité en tant que producteur. C'est aussi le seul album où un musicien additionnel, [[Billy Preston]] à l'orgue et au piano électrique, est présent sur 7 titres et crédité sur le single ''Get Back''. Quant au travail de [[Phil Spector]], il est sujet à controverse et entraîne, {{unité|33|ans}} plus tard sous l'impulsion de Paul McCartney, la publication d'une version « déspectorisée » : ''{{lang|en|[[Let It Be... Naked]]}}''.
''{{lang|en|Let It Be}}'' est aussi l'un des deux albums, avec ''{{lang|en|[[A Hard Day's Night (album)|A Hard Day's Night]]}}'', sur lequel [[Ringo Starr]] ne chante pas. C'est, par ailleurs, l'unique œuvre des Beatles où [[George Martin]], quoique présent du début à la fin du projet, n'est pas crédité en tant que producteur. C'est aussi le seul album où un musicien additionnel, [[Billy Preston]] à l'orgue et au piano électrique, est présent sur sept titres et crédité sur le single ''Get Back''. Quant au travail de [[Phil Spector]], il est sujet à controverse et entraîne, {{unité|33|ans}} plus tard sous l'impulsion de Paul McCartney, la publication d'une version « déspectorisée » : ''{{lang|en|[[Let It Be... Naked]]}}''.


Ce dernier album officiel des Beatles est initialement commercialisé sous la forme d'un coffret incluant le disque vinyle et un livre. L'album seul n'est disponible qu'en novembre. Il bat tous les records de pré-commandes avant parution aux États-Unis où le livre n'est pas disponible. La publication de cet album se fait en parallèle au film ''[[Let It Be (film)|Let it Be]]'' sorti en 1970. Ce documentaire montrant les répétitions et les enregistrements de janvier 1969 et abordé sous l'angle d'un groupe en train de se disloquer, fait l'objet, en 2021, d'un nouveau montage plus positif tiré de près de 60 heures d'image inédites, réalisé par [[Peter Jackson]], proposé en trois parties de plus de deux heures chacune sur [[Disney+]] ; il reprend le titre d'origine du projet : ''[[The Beatles: Get Back]]''.
Ce dernier album officiel des Beatles est initialement commercialisé sous la forme d'un coffret incluant le disque vinyle et un livre. L'album seul n'est disponible qu'en novembre. Il bat tous les records de pré-commandes avant sa parution aux États-Unis où le livre n'est pas disponible. La publication de cet album se fait en parallèle au film ''[[Let It Be (film)|Let It Be]]'' sorti le {{date|20|mai|1970|au cinéma}} en Angleterre et le 13 en Amérique quelques semaines après l'annonce de la séparation du groupe faite par [[Paul McCartney]] le {{date|10 avril}}. Ce documentaire montre les répétitions et les enregistrements de janvier 1969 et est généralement perçu comme étant le témoignage d'un groupe en train de se disloquer. Le film, qui a été réédité en 1981, est ultimement restauré en 2024 par la même équipe qui, en 2021, a produit ''{{lang|en|[[The Beatles: Get Back]]}}''. Tirée des soixante heures d'images, cachées dans les voûtes, cette télésérie de trois épisodes de plus de deux heures chacune, réalisée par [[Peter Jackson]], démontre que ces séances étaient beaucoup moins malsaine et tendues que sa réputation laissait entendre.


== Historique ==
== Historique ==
=== Contexte ===
=== Contexte ===
[[Fichier:The White Album.svg|vignette|Les sessions pour l'« ''Album blanc'' » sont l'occasion des premières tensions entre les membres du groupe, qui vont empirer pendant le projet ''{{lang|en|Get Back}}''.]]
[[Fichier:The White Album.svg|vignette|Les séances pour l'« ''Album blanc'' » sont l'occasion des premières tensions entre les membres du groupe, qui semblent empirer pendant le projet ''{{lang|en|Get Back}}''.]]


À la suite des pénibles sessions de mai à {{date-|octobre 1968}}, consacrées à l'enregistrement de l'« ''[[The Beatles (album)|Album blanc]]'' », les Beatles comprennent qu'ils traversent une période difficile<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=135–162}}</ref>. Avant que le {{nobr|30 mai 1968}}, [[John Lennon]] n'installe sa nouvelle compagne et muse [[Yoko Ono]] à ses côtés dans les studios, dès le début des sessions du double album tout simplement titré ''{{lang|en|The Beatles}}''<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=135–138}}</ref>, aucune compagne ou épouse n'était admise durant les enregistrements ou les répétitions. Ce disque et sa pochette toute blanche au formidable succès commercial avait été celui des individualités, les Beatles utilisant souvent séparément les trois studios d'Abbey Road pour enregistrer leurs chansons dans une ambiance particulièrement pesante, le groupe jouant rarement au grand complet<ref>{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=177–209}}</ref>. Certaines, comme ''{{lang|en|[[Julia (chanson des Beatles)|Julia]]}}'', ''[[Blackbird (chanson des Beatles)|{{lang|en|Blackbird}}]]'', ''{{lang|en|[[Good Night (chanson)|Good Night]]}}'' ou ''{{lang|en|[[Mother Nature's Son]]}}'', avaient même été interprétées par un seul des Beatles<ref group="a">{{en}} {{vid}} ''The Beatles'', mini-documentaire, Apple, 2009.</ref>. À présent, les autres membres du groupe peinent à s'entendre avec Yoko Ono<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=78}}</ref> et leurs rapports sont très tendus, d'autant plus qu'elle agace aussi l'équipe des studios en émettant des critiques<ref>{{Harvsp|Mark Herstgaard|1995|p=294}}</ref>. Par ailleurs, ils doivent, par contrat avec {{lang|en|[[United Artists]]}}, un dernier film, à une époque où ils n'ont plus la moindre envie de jouer la comédie<ref name="turner211">{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=211}}</ref>.
À la suite des pénibles sessions de mai à {{date-|octobre 1968}}, consacrées à l'enregistrement de l'« ''[[The Beatles (album)|Album blanc]]'' », les Beatles comprennent qu'ils traversent une période difficile<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=135–162}}</ref>. Avant que le {{date|30 mai 1968}}, [[John Lennon]] n'installe sa nouvelle compagne et muse [[Yoko Ono]] à ses côtés dans les studios, dès le début des sessions du double album tout simplement titré ''{{lang|en|The Beatles}}''<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=135–138}}</ref>, aucune compagne ou épouse n'était admise durant les enregistrements ou les répétitions. Ce disque et sa pochette toute blanche au formidable succès commercial avait été celui des individualités, les Beatles utilisant souvent séparément les trois studios d'Abbey Road pour enregistrer leurs chansons dans une ambiance particulièrement pesante, le groupe jouant rarement au grand complet<ref>{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=177–209}}</ref>. Certaines, comme ''{{lang|en|[[Julia (chanson des Beatles)|Julia]]}}'', ''[[Blackbird (chanson des Beatles)|{{lang|en|Blackbird}}]]'', ''{{lang|en|[[Good Night (chanson)|Good Night]]}}'' ou ''{{lang|en|[[Mother Nature's Son]]}}'', avaient même été interprétées par un seul des Beatles<ref group="a">{{en}} {{vid}} ''The Beatles'', mini-documentaire, Apple, 2009.</ref>. À présent, les autres membres du groupe peinent à s'entendre avec Yoko Ono<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=78}}</ref> et leurs rapports sont tendus, d'autant plus qu'elle agace aussi l'équipe des studios en émettant des critiques<ref>{{Harvsp|Mark Herstgaard|1995|p=294}}</ref>.


Devenu le motivateur du groupe, [[Paul McCartney]] trouve une solution à cette situation doublement délicate : recoller les morceaux en revenant à ce qui a fait la cohésion et la force des {{lang|en|Fab Four}}, jouer du [[rock 'n' roll]] brut, sans user des innombrables techniques de studio qui ont prédominé pendant les trois dernières années<ref name="lewisohn164">{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=164}}</ref>. Le principe du projet est donc de jouer ensemble et en direct, comme un vrai groupe rock, bannir toute retouche, interdire les [[re-recording|overdubs]] « ''{{lang|en|watchamacallit}}'' » (« ''{{lang|en|what you may call it}}'' », « quels que soient le nom que vous leur donnez »), comme dit John Lennon<ref name="lewisohn164"/>. Les erreurs d'interprétation doivent rester, comme pour montrer que les Beatles ne sont pas parfaits, et l'idée plaît beaucoup à Lennon<ref>{{Harvsp|Mark Herstgaard|1995|p=329}}</ref>. Tout doit être filmé, pour remplir le contrat avec {{lang|en|United Artists}}.
Devenu le motivateur du groupe, [[Paul McCartney]] trouve une solution à cette situation doublement délicate : recoller les morceaux en revenant à ce qui a fait la cohésion et la force des {{lang|en|Fab Four}}, jouer du [[rock 'n' roll]] brut, sans user des innombrables techniques de studio qui ont prédominé pendant les trois dernières années<ref name="lewisohn164">{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=164}}</ref>. Le principe du projet est donc de jouer ensemble et en direct, comme un vrai groupe rock, bannir toute retouche, interdire les [[re-recording|overdubs]] « ''{{lang|en|watchamacallit}}'' » (« ''{{lang|en|what you may call it}}'' », « quels que soient le nom que vous leur donnez »), comme dit John Lennon<ref name="lewisohn164"/>. Les erreurs d'interprétation doivent rester, comme pour montrer que les Beatles ne sont pas parfaits, et l'idée plaît beaucoup à ce dernier<ref>{{Harvsp|Mark Herstgaard|1995|p=329}}</ref>.


Cependant, et jusqu'à la fin des sessions, le groupe a beaucoup de mal à se mettre d'accord sur les tenants et les aboutissants du projet : est-ce pour une émission télévisée, un documentaire montrant le processus créatif menant à la publication d'un album, ou des répétitions pour un concert ? Et si concert il doit y avoir, où se tiendra-t-il ? « Sur la lune ! », selon une blague de Lennon. Dans un premier temps, il est décidé de filmer des répétitions pour une émission télévisée qui sera retransmise mondialement, à l'image de ce qui avait été fait pour ''{{lang|en|[[All You Need Is Love]]}}'' en {{nobr|juin 1967}}<ref name="lewisohn168">{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=168}}</ref>.
À partir du {{date|2 janvier 1969}}, les Beatles s'installent donc avec l'équipe de tournage aux [[Twickenham Film Studios|studios de cinéma de Twickenham]], qu'ils connaissent déjà puisque des scènes de ''{{lang|en|[[A Hard Day's Night (film)|A Hard Day's Night]]}}'' et ''{{lang|en|[[Help! (film)|Help!]]}}'' y ont été tournées. Le tournage s'y déroule durant quinze jours<ref name="lewisohn164"/>. Cependant, et jusqu'à la fin des sessions, le groupe a beaucoup de mal à se mettre d'accord sur les tenants et les aboutissants du projet : est-ce pour une émission télévisée, un documentaire montrant le processus créatif menant à la publication d'un album, ou des répétitions pour un concert ? Et si concert il doit y avoir, où se tiendra-t-il ? « Sur la lune ! », selon une blague de Lennon. Dans un premier temps, il est décidé de filmer des répétitions pour une émission télévisée qui sera retransmise mondialement, à l'image de ce qui avait été fait pour ''{{lang|en|[[All You Need Is Love]]}}'' en {{date|juin 1967}}<ref name="lewisohn168">{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=168}}</ref>. Mais, ils doivent, par contrat avec {{lang|en|[[United Artists]]}}, un dernier film, à une époque où ils n'ont plus la moindre envie de jouer la comédie. Le documentaire sera donc sorti au cinéma<ref name="turner211">{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=211}}</ref>.

À partir du {{nobr|2 janvier 1969}}, les Beatles s'installent donc avec l'équipe de tournage aux [[Twickenham Film Studios|studios de cinéma de Twickenham]], qu'ils connaissent déjà puisque des scènes de ''{{lang|en|[[A Hard Day's Night (film)|A Hard Day's Night]]}}'' et ''{{lang|en|[[Help! (film)|Help!]]}}'' y ont été tournées. Le tournage s'y déroule durant quinze jours<ref name="lewisohn164"/>.


=== Enregistrement ===
=== Enregistrement ===
{{Article détaillé|Let It Be (film)|The Beatles: Get Back}}
''{{Article détaillé|Let It Be (film)|The Beatles: Get Back}}''
==== Studios de Twickenham ====
==== Studios de Twickenham ====
Les répétitions et les premiers enregistrements débutent du 2 au {{nobr|16 janvier}}, dans les [[Twickenham Film Studios|studios de cinéma de Twickenham]], sous les caméras du réalisateur [[Michael Lindsay-Hogg]]. Il est chargé de réaliser le documentaire sur les préparatifs du groupe, pour un projet qui porte provisoirement le nom de ''Get Back''<ref name="lewisohn164"/> à la suite de la création sur place de cette chanson. Lindsay-Hogg a pour ordre de laisser tourner les caméras en permanence, McCartney allant même jusqu'à suggérer divers angles de caméras. Chaque bribe de musique, chaque conversation sont enregistrées, dans le but de fournir le plus d'éléments possibles lors du montage final. Deux caméras, chacune reliée à un magnétophone Nagra disposant d'une bande d'une capacité de 16 minutes, se relayent de manière continue, filmant l'intégralité des sessions. L'ingénieur du son [[Glyn Johns]] dispose également d'un équipement mono, afin que les Beatles puissent écouter le résultat quotidien des sessions<ref>{{Ouvrage|auteur1=|titre=Recording Musicien|éditeur=Studio Press|date de parution=novembre 2003|passage=26|issn=1628-3392}}</ref>.
Les répétitions et les premiers enregistrements débutent du 2 au {{date|16 janvier}}, dans les [[Twickenham Film Studios|studios de cinéma de Twickenham]], sous les caméras du réalisateur [[Michael Lindsay-Hogg]]. Il est chargé de réaliser le documentaire sur les préparatifs du groupe, pour un projet qui porte provisoirement le nom de ''{{lang|en|Get Back}}''<ref name="lewisohn164"/> à la suite de la création sur place de cette chanson. Lindsay-Hogg a pour ordre de laisser tourner les caméras en permanence, McCartney allant même jusqu'à suggérer divers angles de caméras. Chaque bribe de musique, chaque conversation sont enregistrées, dans le but de fournir le plus d'éléments possibles lors du montage final. Deux caméras, chacune reliée à un magnétophone Nagra disposant d'une bande d'une capacité de 16 minutes, se relayent de manière continue, filmant l'intégralité des sessions. L'ingénieur du son et coproducteur [[Glyn Johns]] installe également un studio huit pistes, afin que les Beatles puissent enregistrer les masters de leurs chansons<ref>{{Ouvrage|auteur1=|titre=Recording Musicien|éditeur=Studio Press|date de parution=novembre 2003|passage=26|issn=1628-3392}}</ref>.


Avec trois semaines pour préparer une heure de concert, le planning de travail s'avère serré pour les Beatles qui ont pris l'habitude de ne pas se presser en studio<ref>{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|auteur1=Paul Trynka|titre=The Beatles : 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde|lieu=Paris|éditeur=Tournon|année=2005|pages totales=455|passage=357|isbn=2-914237-35-9}}</ref>. Ils abordent des dizaines et des dizaines de titres, en quelques notes seulement pour certains, discutent, blaguent, se disputent, revisitent des vieux classiques du rock 'n' roll (''[[Rock and Roll Music (chanson)|Rock and Roll Music]]'', ''[[Dizzy Miss Lizzy]]'', ''[[Be-Bop-A-Lula]]'', ''[[Lucille (chanson de Little Richard)|Lucille]]'', ''[[Whole Lotta Shakin' Goin' On]]'', ''[[Sure to Fall (in Love with You)|Sure to Fall]]''), font le [[jam session|bœuf]], jouent de tout et de rien, parfois mal et sans conviction<ref name="lewisohn165">{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=165}}.</ref>{{,}}<ref>{{Harvsp|Mark Herstgaard|1995|p=331}}.</ref>. Ils répètent aussi leurs nouvelles chansons, dont certaines seront utilisées sur l'album en préparation (''{{lang|en|[[Let It Be (chanson)|Let It Be]]}}'', ''{{lang|en|[[The Long and Winding Road]]}}'', ''{{lang|en|[[I Me Mine]]}}'', ''{{lang|en|[[For You Blue]]}}'', ''{{lang|en|[[Two of Us]]}}'', ''{{lang|en|[[I've Got a Feeling]]}}''{{etc.}}); ''[[Get Back]]'' étant la seule conçue et écrite sur place durant ce mois de janvier<ref>Livre accompagnateur de la version Deluxe du disque ''Let It Be'', p.68.</ref>. D'autres seront retravaillées à l'été 1969 pour ''{{lang|en|[[Abbey Road (album)|Abbey Road]]}}'' (''{{lang|en|[[Maxwell's Silver Hammer]]}}'', ''{{lang|en|[[Oh! Darling]]}}'', ''[[Octopus's Garden]]'', ''{{lang|en|[[I Want You (She's So Heavy)]]}}'' ''[[Something (chanson des Beatles)|Something]]'' ainsi que ''{{lang|en|[[Mean Mr. Mustard]]}}'', ''{{lang|en|[[Polythene Pam]]}}'', ''{{lang|en|[[She Came In Through the Bathroom Window]]}}'', ''[[Golden Slumbers]]'' et ''[[Carry That Weight]]'' qui finiront par constituer la majeure partie du medley de la seconde face de ''Abbey Road'') , sans oublier des compositions qui se retrouveront sur les albums solos publiés après la séparation des Beatles, telles ''All Things Must Pass'' de Harrison, ''Gimme Me Some Truth'' et ''Child of Nature'' (qui deviendra ''[[Jealous Guy]]'') de Lennon, ''[[Junk (chanson)|Junk]]'', ''[[Teddy Boy (chanson)|Teddy Boy]]'', ''[[The Back Seat of My Car]]'' et ''[[Another Day (chanson de Paul McCartney)|Another Day]]'' de McCartney<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=164–170}}.</ref>. Des compositions inédites et qui ne seront jamais publiées sont également jouées pendant ces répétitions (''Wake up in the Morning'' ou ''Commonwealth'' de Lennon-McCartney).
Avec trois semaines pour préparer une heure de concert, le planning de travail s'avère serré pour les Beatles qui ont pris l'habitude de ne pas se presser en studio<ref>{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|auteur1=Paul Trynka|titre=The Beatles : 1961-1970 : dix années qui ont secoué le monde|lieu=Paris|éditeur=Tournon|année=2005|pages totales=455|passage=357|isbn=2-914237-35-9}}</ref>. Ils abordent des dizaines et des dizaines de titres, en quelques notes seulement pour certains, discutent, blaguent, se disputent, revisitent des vieux classiques du rock 'n' roll (''[[Rock and Roll Music (chanson)|Rock and Roll Music]]'', ''[[Dizzy Miss Lizzy]]'', ''[[Be-Bop-A-Lula]]'', ''[[Lucille (chanson de Little Richard)|Lucille]]'', ''[[Whole Lotta Shakin' Goin' On]]'', ''[[Sure to Fall (in Love with You)|Sure to Fall]]''), font le [[jam session|bœuf]], jouent de tout et de rien, parfois mal et sans conviction<ref name="lewisohn165">{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=165}}.</ref>{{,}}<ref>{{Harvsp|Mark Herstgaard|1995|p=331}}.</ref>. Ils répètent aussi leurs nouvelles chansons, dont certaines seront utilisées sur l'album en préparation (''{{lang|en|[[Let It Be (chanson)|Let It Be]]}}'', ''{{lang|en|[[The Long and Winding Road]]}}'', ''{{lang|en|[[I Me Mine]]}}'', ''{{lang|en|[[For You Blue]]}}'', ''{{lang|en|[[Two of Us]]}}'', ''{{lang|en|[[I've Got a Feeling]]}}''{{etc.}}); ''[[Get Back]]'' étant la seule conçue et écrite sur place durant ce mois de janvier<ref>Livre accompagnateur de la version Deluxe du disque ''Let It Be'', p.68.</ref>. D'autres seront retravaillées à l'été 1969 pour ''{{lang|en|[[Abbey Road (album)|Abbey Road]]}}'' (''{{lang|en|[[Maxwell's Silver Hammer]]}}'', ''{{lang|en|[[Oh! Darling]]}}'', ''[[Octopus's Garden]]'', ''{{lang|en|[[I Want You (She's So Heavy)]]}}'', ''[[Something (chanson des Beatles)|Something]]'' ainsi que ''{{lang|en|[[Mean Mr. Mustard]]}}'', ''{{lang|en|[[Polythene Pam]]}}'', ''{{lang|en|[[She Came In Through the Bathroom Window]]}}'', ''[[Golden Slumbers]]'' et ''[[Carry That Weight]]'' qui finiront par constituer la majeure partie du medley de la seconde face de ''Abbey Road'') , sans oublier des compositions qui se retrouveront sur les albums solos publiés après la séparation des Beatles, telles ''All Things Must Pass'' de Harrison, ''Gimme Me Some Truth'' et ''Child of Nature/On The Road to Marrakech'' (qui deviendra ''[[Jealous Guy]]'') de Lennon, ''[[Junk (chanson)|Junk]]'', ''[[Teddy Boy (chanson)|Teddy Boy]]'', ''[[The Back Seat of My Car]]'' et ''[[Another Day (chanson de Paul McCartney)|Another Day]]'' de McCartney<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=164–170}}.</ref>. Des compositions inédites et qui ne seront jamais publiées sont également jouées pendant ces répétitions (''[[Suzy Parker]]'', ''Too Bad About Sorrows'' ou ''Commonwealth'' de Lennon/McCartney et ''Taking a Trip to Carolina'' signé [[Ringo Starr|Richard Starkey]]).


Bien que d'un point de vue musical, ces sessions sont particulièrement prolifiques compte tenu du nombre de nouvelles chansons apportées par les trois auteurs principaux, le groupe est toujours miné par les tensions ; tandis que [[John Lennon]] achève de se désintéresser du groupe pour [[Yoko Ono]] et ses projets solo, [[Paul McCartney]] fait preuve d'un dirigisme qui finit par exaspérer les autres. Lui-même reconnaît avoir parfois montré trop d'enthousiasme, et avoue aussi que ses partenaires le trouvaient {{citation|trop dominateur}}<ref name="anthology316">{{Harvsp|The Beatles|2000|p=316}}.</ref>. Les horaires matinaux inhabituels et l'atmosphère froide et austère des studios de Twickenham n'arrangent pas les choses<ref name="DI173">{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=173}}.</ref>. La présence constante de Yoko aux côtés de John, et dont le comportement frise parfois l'ingérence, participe aussi à la tension ambiante. Lennon explique ainsi avoir fait l'album {{citation|comme on va bosser à neuf heures du matin}}<ref>{{Harvsp|The Beatles|2000|p=315}}.</ref>, et décrit les sessions de Twickenham comme {{citation|les plus misérables… de la terre}}, [[George Harrison]] déclare que le groupe y a {{citation|touché le fond}}, et McCartney les a vécues comme {{citation|très délicates}}<ref>{{Harvsp|Mark Herstgaard|1995|p=328}}.</ref>.
Bien que d'un point de vue musical, ces sessions sont particulièrement prolifiques compte tenu du nombre de nouvelles chansons apportées par les trois auteurs principaux, le groupe est toujours miné par les tensions ; tandis que [[John Lennon]] achève de se désintéresser du groupe pour [[Yoko Ono]] et ses projets solo, [[Paul McCartney]] fait preuve d'un dirigisme qui finit par exaspérer les autres. Lui-même reconnaît avoir parfois montré trop d'enthousiasme, et avoue aussi que ses partenaires le trouvaient {{citation|trop dominateur}}<ref name="anthology316">{{Harvsp|The Beatles|2000|p=316}}.</ref>. Les horaires matinaux inhabituels et l'atmosphère froide et austère des studios de Twickenham n'arrangent pas les choses<ref name="DI173">{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=173}}.</ref>. La présence constante de Yoko aux côtés de John, et dont le comportement frise parfois l'ingérence, participe aussi à la tension ambiante. A posteriori, Lennon explique ainsi avoir fait l'album {{citation|comme on va bosser à neuf heures du matin}}<ref>{{Harvsp|The Beatles|2000|p=315}}.</ref>, et décrit les sessions de Twickenham comme {{citation|les plus misérables… de la terre}}, [[George Harrison]] déclare que le groupe y a {{citation|touché le fond}}, et McCartney les a vécues comme {{citation|très délicates}}<ref>{{Harvsp|Mark Herstgaard|1995|p=328}}.</ref>.


Les disputes sont courantes et s'engagent souvent sur des sujets futiles. Le {{nobr|6 janvier}}, durant les répétitions de la chanson ''[[Two of Us]]'', McCartney fait une remarque à Harrison concernant sa façon de jouer, et celui-ci répond : {{Citation|Je jouerai ce que tu veux. Et si tu ne veux pas que je joue, je ne jouerai pas du tout ! Tout ce qui te fera plaisir, je le ferai}}<ref>{{Harvsp|Mark Herstgaard|1995|p=330}}.</ref>. Le 10 janvier, exaspéré par ces disputes qui éclatent sous l'œil des caméras, Harrison prend sa guitare et quitte les studios.
Les disputes sont courantes et s'engagent souvent sur des sujets futiles. Le {{date|6 janvier}}, durant les répétitions de la chanson ''[[Two of Us]]'', McCartney fait une remarque à Harrison concernant sa façon de jouer, et celui-ci répond : {{Citation|Je jouerai ce que tu veux. Et si tu ne veux pas que je joue, je ne jouerai pas du tout ! Tout ce qui te fera plaisir, je le ferai}}<ref>{{Harvsp|Mark Herstgaard|1995|p=330}}.</ref>. Le 10 janvier, exaspéré par ces disputes qui éclatent sous l'œil des caméras, Harrison prend sa guitare et quitte les studios.


{{Citation bloc|À Twickenham, les Beatles, Yoko, moi et souvent notre cameraman Tony Richmond nous allions souvent déjeuner dans une petite salle en haut des escaliers, près d'un bar où des membres de l'équipe de tournage ou des employés du studio sifflaient une ou deux bières avant d'aller déjeuner de l'autre côté. George était habituellement avec nous, il participait aux conversations, affable et sympathique, intéressé par tout ce qui se tramait, mais le jour où on a discuté du concert en Tunisie, il n'était pas avec nous quand on a commencé à manger. Lors des répétitions du matin, je pouvais sentir par son silence et son retrait que quelque chose mijotait en lui, et comme c'était mon rôle d'être le documentariste, j'ai demandé à notre ingénieur du son de planter un micro dans un pot de fleurs sur la table du déjeuner. On avait fini l'entrée lorsque George est arrivé. Il est resté debout, face à la table. On l'a tous regardé. Il est resté silencieux durant un moment. Puis il nous a dit : « On se verra dans les clubs. » C'était ça ses adieux. Et il est parti.|Michael Lindsay-Hogg<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Frédéric Granier|titre=Les Beatles|sous-titre=Quatre garçons dans le siècle|lieu=Paris|éditeur=PERRIN|année=2020|pages totales=566|passage=385-386|isbn=978-2-262-07723-5}}</ref>}}
{{Citation bloc|À Twickenham, les Beatles, Yoko, moi et souvent notre cameraman Tony Richmond nous allions souvent déjeuner dans une petite salle en haut des escaliers, près d'un bar où des membres de l'équipe de tournage ou des employés du studio sifflaient une ou deux bières avant d'aller déjeuner de l'autre côté. George était habituellement avec nous, il participait aux conversations, affable et sympathique, intéressé par tout ce qui se tramait, mais le jour où on a discuté du concert en Tunisie, il n'était pas avec nous quand on a commencé à manger. Lors des répétitions du matin, je pouvais sentir par son silence et son retrait que quelque chose mijotait en lui, et comme c'était mon rôle d'être le documentariste, j'ai demandé à notre ingénieur du son de planter un micro dans un pot de fleurs sur la table du déjeuner. On avait fini l'entrée lorsque George est arrivé. Il est resté debout, face à la table. On l'a tous regardé. Il est resté silencieux durant un moment. Puis il nous a dit : « On se verra dans les clubs. » C'était ça ses adieux. Et il est parti.|Michael Lindsay-Hogg<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Frédéric Granier|titre=Les Beatles|sous-titre=Quatre garçons dans le siècle|lieu=Paris|éditeur=PERRIN|année=2020|pages totales=566|passage=385-386|isbn=978-2-262-07723-5}}</ref>}}


Ne le voyant pas revenir, les autres ne savent plus quoi faire, et se lancent dans une [[Jam session|improvisation]] apocalyptique couverte par des « vocalises » de Yoko Ono<ref name="hill338">{{Harvsp|Tim Hill|2008|p=338}}.</ref>{{,}}<ref group="a">{{vid}} [https://www.youtube.com/watch?v=SYqCpvzXGTE « Beatles jamming with Yoko Ono »], [[YouTube]]. Consulté le {{date-|18 septembre 2010}}.</ref>. Lennon envisage de faire venir [[Eric Clapton]] en remplacement<ref name="anthology316"/>{{,}}<ref name="hill338"/>. Le groupe se réunit finalement chez [[Ringo Starr]] pour débloquer la situation, mais la réunion tourne court quand Harrison la quitte, exaspéré par Yoko Ono qui répond à la place de John Lennon<ref name="Beaumont">{{en}} Mark Beaumont, « [https://www.independent.co.uk/arts-entertainment/music/features/the-beatles-split-break-up-john-lennon-yoko-ono-paul-mccartney-let-it-be-a9450096.html ''Why The Beatles split: The true story behind the break-up of the biggest band ever''] », ''[[The Independent]]'', {{date-|10 avril 2020}}, consulté le {{date-|12 avril 2020}}.</ref>. Des négociations aboutissent finalement au retour du guitariste au bout d'une dizaine de jours, sous conditions. Il n'est plus question d'un concert en fin de tournage, comme c'était prévu, ni d'une émission télévisée en [[mondovision]], mais simplement de filmer le groupe en train de préparer et enregistrer son nouvel album. De plus, les Beatles décident de quitter les studios inadaptés de Twickenham pour ceux qu'ils se sont fait construire au sous-sol de leur compagnie, [[Apple Corps]] au {{nobr|[[3 Savile Row]]}}<ref name="DI173"/>.
Ne le voyant pas revenir, les autres ne savent plus quoi faire, et se lancent dans une [[Jam session|improvisation]] apocalyptique couverte par des « vocalises » de Yoko Ono<ref name="hill338">{{Harvsp|Tim Hill|2008|p=338}}.</ref>{{,}}<ref group="a">{{vid}} [https://www.youtube.com/watch?v=SYqCpvzXGTE « Beatles jamming with Yoko Ono »], [[YouTube]]. Consulté le {{date-|18 septembre 2010}}.</ref>. Lennon envisage de faire venir [[Eric Clapton]] en remplacement<ref name="anthology316"/>{{,}}<ref name="hill338"/>. Le groupe se réunit finalement chez [[Ringo Starr]] pour débloquer la situation, mais la réunion tourne court quand Harrison la quitte, exaspéré par Yoko Ono qui répond à la place de John Lennon<ref name="Beaumont">{{en}} Mark Beaumont, « [https://www.independent.co.uk/arts-entertainment/music/features/the-beatles-split-break-up-john-lennon-yoko-ono-paul-mccartney-let-it-be-a9450096.html ''Why The Beatles split: The true story behind the break-up of the biggest band ever''] », ''[[The Independent]]'', {{date-|10 avril 2020}}, consulté le {{date-|12 avril 2020}}.</ref>. Des négociations aboutissent finalement au retour du guitariste au bout d'une dizaine de jours, sous conditions. Il n'est plus question d'un concert en fin de tournage, comme c'était prévu, ni d'une émission télévisée en [[mondovision]], mais simplement de filmer le groupe en train de préparer et enregistrer son nouvel album. De plus, les Beatles décident de quitter les studios inadaptés de Twickenham pour ceux qu'ils se sont fait construire au sous-sol de leur compagnie, [[Apple Corps]] au {{nobr|[[3 Savile Row]]}}<ref name="DI173"/>.

De ces sessions à Twickenham subsistent le film ''{{lang|en|[[Let It Be (film)|Let It Be]]}}'', d'innombrables vidéos, issues ou non de ce qui a été monté dans le film, et des [[bootleg (musique)|bootlegs]] (disques pirates) audio contenant l'intégralité des répétitions, des discussions et des enregistrements captés par les magnétophones [[Nagra (magnétophones)|Nagra]] qui tournaient en continu<ref name="lewisohn165"/>, ce qui représente dix-sept volumes intitulés ''{{lang|en|The Complete Get Back Sessions}}''<ref group="a">{{en}} [http://vivalesbootlegs.blogspot.com/2008/01/beatles-twickenham-sessions-bootleg-8.html ''Viva Les Bootlegs – Beatles Twickenham Sessions''], ''vivalesbootlegs.blogspot.com'', consulté le {{date-|22 septembre 2010}}.</ref>.


==== Savile Row ====
==== Savile Row ====
[[Fichier:3 Savile Row.jpg|vignette|gauche|C'est au sous-sol, puis sur le toit de l'immeuble du [[3 Savile Row]] que sont enregistrées les chansons de ''Let It Be''.]]
[[Fichier:3 Savile Row.jpg|vignette|gauche|C'est au sous-sol, puis sur le toit de l'immeuble du [[3 Savile Row]]. que sont enregistrées les chansons de ''Let It Be''.]]


Lorsque les Beatles se retrouvent au complet au siège d'[[Apple Records|Apple]] le {{Date|20|janvier|1969}}, une mauvaise surprise les attend dans leur nouveau studio au sous-sol : ils ont confié la construction de celui-ci à Alexis Marda, surnommé « Magic Alex », un véritable charlatan et un personnage très influent à ce moment dans l'entourage direct du groupe, promu à la tête de la division {{lang|en|Apple Electronics}}. Lorsqu'ils découvrent le résultat, le [[20 janvier]], ils tombent des nues : Mardas a prétendu construire le premier [[magnétophone]] à {{nobr|72 pistes}} de l'histoire, mais il s'est en réalité contenté de disposer une vingtaine d'[[enceinte (audio)|enceintes]] autour du studio où rien n'est prévu pour des conditions normales d'enregistrement<ref name="lewisohn165"/>. Mardas a expliqué à [[Ringo Starr]] qu'il n'avait plus besoin de panneaux autour de sa batterie (destinés à isoler le son de l'instrument pour éviter les « fuites » vers les autres micros) puisqu'il allait créer tout autour une sorte de « champ de force ». Il n'a pas pensé non plus à isoler le chauffage central, qui doit être coupé pour ne pas émettre des bruits sur la bande d'enregistrement. Sa console de mixage, ouvragée au marteau, est bonne pour la poubelle ; elle est revendue cinq [[livres sterling]] à un magasin de seconde zone<ref name="lewisohn165"/>. Deux tables de mixages quatre pistes sont empruntés en catastrophe à [[EMI Group|EMI]] pour y brancher le magnétophone huit pistes de Harrison, le câblage est réalisé tant bien que mal (aucun trou n'a été percé entre la cabine et la salle d'enregistrement), et les Beatles se mettent au travail, avec l'ingénieur du son [[Glyn Johns]] et le technicien [[Alan Parsons]] aux manettes<ref name="lewisohn165"/>{{,}}<ref name="lewisohn166">{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=166}}.</ref>.
Lorsque les Beatles se retrouvent au complet au siège d'[[Apple Records|Apple]] le {{Date|20|janvier|1969}}, George Harrison invite un vieil ami du groupe, le claviériste américain [[Billy Preston]], rencontré en [[1962 en musique|1962]] à [[Hambourg]], alors qu'encore adolescent, il jouait avec [[Little Richard]] dans le même club que les jeunes musiciens de Liverpool, le ''[[Star-Club (Hambourg)|Star-Club]]''<ref name="lewisohn165"/>{{,}}<ref>{{Harvsp|The Beatles|2000|p=318}}.</ref>, à passer les voir au studio. Les musiciens lui proposent de les accompagner, il accepte avec joie. Comme lorsque [[Eric Clapton]] était venu exécuter un solo de guitare sur ''{{lang|en|[[While My Guitar Gently Weeps]]}}'' un an plus tôt, le groupe oublie un temps ses tensions. George Harrison explique par la suite que la présence d'un musicien extérieur pousse toujours les Beatles à bien se conduire entre eux<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=174}}.</ref>, et qu'il y a {{citation|littéralement 100 % d'amélioration dans l'atmosphère de la salle}}<ref name="hill339">{{Harvsp|Tim Hill|2008|p=339}}.</ref>. De plus, les conditions ''{{lang|en|live}}'' rendent la présence d'un cinquième instrument, le [[clavier (musique)|clavier]], fort bienvenue.


George Harrison invite un vieil ami du groupe, le claviériste américain [[Billy Preston]], rencontré en [[1962 en musique|1962]] à [[Hambourg]], alors qu'encore adolescent, il jouait avec [[Little Richard]] dans le même club que les jeunes musiciens de Liverpool, le ''[[Star-Club (Hambourg)|Star-Club]]''<ref name="lewisohn165"/>{{,}}<ref>{{Harvsp|The Beatles|2000|p=318}}.</ref>, à passer les voir au studio. Les musiciens lui proposent de les accompagner, il accepte avec joie. Comme lorsque [[Eric Clapton]] était venu exécuter un solo de guitare sur ''{{lang|en|[[While My Guitar Gently Weeps]]}}'' un an plus tôt, le groupe oublie un temps ses tensions. George Harrison explique par la suite que la présence d'un musicien extérieur pousse toujours les Beatles à bien se conduire entre eux<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=174}}.</ref>, et qu'il y a {{citation|littéralement 100 % d'amélioration dans l'atmosphère de la salle}}<ref name="hill339">{{Harvsp|Tim Hill|2008|p=339}}.</ref>. De plus, les conditions ''{{lang|en|live}}'' rendent la présence d'un cinquième instrument, le [[clavier (musique)|clavier]], fort bienvenue.
Une mauvaise surprise attend cependant les Beatles dans les sous-sols d'Apple : ils ont confié la construction de leur studio à un véritable charlatan, le dénommé « Magic Alex », de son vrai nom Alexis Mardas, personnage très influent à ce moment dans l'entourage direct du groupe, bombardé à la tête de la division {{lang|en|Apple Electronics}}. Lorsqu'ils découvrent le résultat, le [[20 janvier]], ils tombent des nues : Mardas a prétendu construire le premier [[magnétophone]] à {{nobr|72 pistes}} de l'histoire, mais il s'est en réalité contenté de disposer une vingtaine d'[[enceinte (audio)|enceintes]] autour du studio où rien n'est prévu pour des conditions normales d'enregistrement<ref name="lewisohn165"/>. Mardas a expliqué à [[Ringo Starr]] qu'il n'avait plus besoin de panneaux autour de sa batterie (destinés à isoler le son de l'instrument pour éviter les « fuites » vers les autres micros) puisqu'il allait créer tout autour une sorte de « champ de force ». Il n'a pas pensé non plus à isoler le chauffage central, qui doit être coupé pour ne pas émettre des bruits sur la bande d'enregistrement. Sa console de mixage, ouvragée au marteau, est bonne pour la poubelle ; elle est revendue cinq [[livres sterling]] à un magasin de seconde zone<ref name="lewisohn165"/>. Deux magnétophones quatre pistes sont empruntés en catastrophe à [[EMI Group|EMI]], le câblage est réalisé tant bien que mal (aucun trou n'a été percé entre la cabine et la salle d'enregistrement), et les Beatles se mettent au travail, avec les ingénieurs du son [[Glyn Johns]] et [[Alan Parsons]] aux manettes<ref name="lewisohn165"/>{{,}}<ref name="lewisohn166">{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=166}}.</ref>.


À partir du [[22 janvier]], toutes les chansons qui figurent sur le disque sont donc enregistrées. Billy Preston apporte beaucoup au groupe, humainement et musicalement. Il atténue en effet les tensions entre les Beatles, mais surtout, selon [[George Martin]], son travail, {{citation|sur [la chanson] ''{{lang|en|[[Get Back]]}}'', justifie à lui seul sa présence}}<ref>{{Harvsp|The Beatles|2000|p=319}}.</ref>. Ce jour-là, les cinq musiciens enregistrent les premières versions de plusieurs chansons de ''{{lang|en|Let It Be}}'', ainsi qu'un instrumental intitulé ''{{lang|en|Rocker}}'' et un succès des [[The Drifters|Drifters]], ''[[Save the Last Dance for Me]]'', tous deux inclus sur l'album original ''{{lang|en|Get Back}}'', mais évincés de la version finale de l'album<ref name="lewisohn165"/>.
À partir du [[22 janvier]], toutes les chansons qui figurent sur le disque sont donc enregistrées. Billy Preston apporte beaucoup au groupe, humainement et musicalement. Il atténue en effet les tensions entre les Beatles, mais surtout, selon [[George Martin]], son travail, {{citation|sur [la chanson] ''{{lang|en|[[Get Back]]}}'', justifie à lui seul sa présence}}<ref>{{Harvsp|The Beatles|2000|p=319}}.</ref>. Ce jour-là, les cinq musiciens enregistrent les premières versions de plusieurs chansons de ''{{lang|en|Let It Be}}'', ainsi qu'un instrumental intitulé ''{{lang|en|Rocker}}'' et un succès des [[The Drifters|Drifters]], ''[[Save the Last Dance for Me]]'', tous deux inclus sur l'album original ''{{lang|en|Get Back}}'', mais évincés de la version finale de l'album<ref name="lewisohn165"/>.


La chanson ''{{lang|en|Get Back}}'' est enregistrée pour la première fois le [[23 janvier]], bien qu'aucune prise de ce jour-là ne soit utilisée sur l'album<ref name="lewisohn166"/>. Dès le lendemain, le groupe enregistre les versions de ''[[Two of Us]]'', ''[[Dig a Pony]]'' et ''[[I've Got a Feeling]]'' sélectionnées pour l'album ''{{lang|en|Get Back}}'', et jamais publiées officiellement<ref name="lewisohn166"/>. La version de ''[[Maggie May|Maggie Mae]]'' qui apparaît sur l'album est mise en boîte le [[24 janvier]], entre deux prises de ''Two of Us''. Une chanson de McCartney, ''[[Teddy Boy (chanson)|Teddy Boy]]'', est également enregistrée et incluse sur ''{{lang|en|Get Back}}''. Détestée par les autres Beatles, spécialement par John Lennon, elle est évincée de l'album paru en {{Date||mai|1970}} et reprise un mois avant la sortie de ''{{lang|en|Let It Be}}'' sur le premier album solo de Paul, intitulé ''{{lang|en|[[McCartney (album)|McCartney]]}}''<ref name="lewisohn166"/>{{,}}<ref>{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=265}}.</ref>.
La chanson ''{{lang|en|Get Back}}'' est enregistrée pour la première fois le [[23 janvier]], bien qu'aucune prise de ce jour-là ne soit utilisée sur l'album<ref name="lewisohn166"/>. Dès le lendemain, le groupe enregistre les versions de ''[[Two of Us]]'', ''[[Dig a Pony]]'' et ''[[I've Got a Feeling]]''<ref name="lewisohn166"/>. La version de ''[[Maggie May|Maggie Mae]]'' qui apparaît sur l'album est mise en boîte le [[24 janvier]], entre deux prises de ''Two of Us''. Une chanson de McCartney, ''[[Teddy Boy (chanson)|Teddy Boy]]'', est également enregistrée et incluse sur l'ébauche ''{{lang|en|Get Back}}''. Détestée par les autres Beatles, spécialement par John Lennon, elle est évincée de l'album paru en {{Date||mai|1970}} et reprise un mois avant la sortie de ''{{lang|en|Let It Be}}'' sur''{{lang|en|[[McCartney (album)|McCartney]]}}'', le premier album solo de Paul<ref name="lewisohn166"/>{{,}}<ref>{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=265}}.</ref>.


Du [[23 janvier|23]] au [[29 janvier]], les Beatles enregistrent plusieurs prises des chansons studio qui figurent sur l'album, comme ''[[For You Blue]]'' le 25, mais aussi quelques versions de chansons qui sont finalement interprétées le [[30 janvier]] sur le toit d'Apple, comme ''[[I've Got a Feeling]]''<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=166–168}}.</ref>. La version de ''[[Dig It]]'' présente sur le disque est un extrait d'un bœuf de plus de dix minutes, enregistré le 26 ; le même jour, le groupe reprend également des titres de ses anciens albums tels que ''[[You've Really Got a Hold on Me]]'', de l'album ''[[With the Beatles]]''<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=167}}.</ref>. La version de ''{{lang|en|Get Back}}'' utilisée sur le disque, mixée avec celle captée trois jours plus tard sur le toit du bâtiment Apple, est enregistrée le [[27 janvier|27]]<ref name="lewisohn169">{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=169}}.</ref>.
Du [[23 janvier|23]] au [[29 janvier]], les Beatles enregistrent plusieurs prises des chansons studio qui figurent sur l'album, comme ''[[For You Blue]]'' le 25, mais aussi quelques versions de chansons qui sont finalement interprétées le [[30 janvier]] sur le toit d'Apple, comme ''[[I've Got a Feeling]]''<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=166–168}}.</ref>. La version de ''[[Dig It]]'' présente sur le disque est un extrait d'un bœuf de plus de dix minutes, enregistré le 26 ; le même jour, le groupe reprend également des titres de ses anciens albums tels que ''[[You've Really Got a Hold on Me]]'', de l'album ''[[With the Beatles]]''<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=167}}.</ref>. La version de ''{{lang|en|Get Back}}'' utilisée pour le single et sur l'album est enregistrée le [[27 janvier|27]]<ref name="lewisohn169">{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=169}}.</ref>.


Quant à ''[[Across the Universe]]'', si elle est répétée par le groupe entier lors de ces sessions de {{Date||janvier|1969}}, c'est bien la version enregistrée aux [[studios EMI]] par John Lennon avec sa guitare acoustique le {{Date|4|février|1968}}, et complétée quatre jours plus tard, qui va paraitre sur l'album, après retraitement par [[Phil Spector]]<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=133–134}}.</ref>.
Quant à ''[[Across the Universe]]'', si elle est répétée par le groupe entier lors de ces sessions de {{Date||janvier|1969}}, c'est bien la version enregistrée aux [[studios EMI]] par John Lennon avec sa guitare acoustique le {{Date|4|février|1968}}, et complétée quatre jours plus tard, qui va paraitre sur l'album, après retraitement par [[Phil Spector]]<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=133–134}}.</ref>.
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==== Concert sur le toit ====
==== Concert sur le toit ====
{{article détaillé|Concert des Beatles sur le toit}}
{{article détaillé|Concert des Beatles sur le toit}}
Le temps de conclure le tournage du film approche, et le groupe n'arrive pas à trouver de solution qui fasse l'unanimité. Le documentaire de [[Peter Jackson]], ''[[The Beatles : Get Back]]'' montre que le {{date-|26 janvier}}, le réalisateur [[Michael Lindsay-Hogg]] et l'ingénieur du son [[Glyn Johns]] viennent exposer leur idée à Paul McCartney : la solution la plus simple ne serait-elle pas de monter quelques étages et de faire ce concert sur le toit du bâtiment ? Ils s'y rendent avec Ringo Starr pour étudier la faisabilité, conscients du bruit qui sera produit et du risque d'être interrompus par la police. Paul effectue des sauts sur le toit pour être sûr que le sol est assez solide. Dans un premier temps, la solution semble plaire à tout le monde, mais par la suite, Harrison et McCartney affichent leur réticence et les discussions se poursuivent jusqu'à la dernière minute. La date choisie pour cette prestation est le mercredi {{date-|29 janvier 1969}} mais la météo obligera à la repousser d'un jour<ref name="lewisohn169"/>. Ils s'exécutent donc le {{date-|30 janvier}} vers midi<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=175}}</ref>. Accompagnés de [[Billy Preston]], les Beatles interprètent ''{{lang|en|[[Get Back]]}}'', ''{{lang|en|[[Don't Let Me Down]]}}'', ''{{lang|en|[[I've Got a Feeling]]}}'', ''{{lang|en|[[One After 909]]}}'' et ''{{lang|en|[[Dig a Pony]]}}'', certaines chansons étant jouées plusieurs fois. Ils concluent finalement par une troisième version de ''{{lang|en|Get Back}}''<ref name="lewisohn169"/>{{,}}<ref group="a">{{en}} [http://www.maccafan.net/Gallery/GetBackRehearsals/Rooftop.htm « ''The Rooftop Concert'' »], MaccaFan. Consulté le 20 septembre 2010.</ref>. C'est la dernière fois que les Beatles se produisent ensemble, en concert et en dehors des studios, et bien que seul le personnel technique présent autour d'eux, quelques proches, ainsi que de rares personnes téméraires qui ont réussi à grimper sur les toits voisins y assistent, le ''{{lang|en|Rooftop Concert}}'' est leur ultime prestation publique. Elle dure {{unité|42|minutes}} en tout.
Le temps de conclure le tournage du film approche, et le groupe n'arrive pas à trouver de solution qui fasse l'unanimité. Le documentaire de [[Peter Jackson]], ''[[The Beatles : Get Back]]'' montre que le {{date-|26 janvier}}, le réalisateur [[Michael Lindsay-Hogg]] et l'ingénieur du son [[Glyn Johns]] viennent exposer leur idée à Paul McCartney : la solution la plus simple ne serait-elle pas de monter quelques étages et de faire ce concert sur le toit du bâtiment ? Ils s'y rendent avec Ringo Starr pour étudier la faisabilité, conscients du bruit qui sera produit et du risque d'être interrompus par la police. Dans un premier temps, la solution semble plaire à tout le monde, mais par la suite, Harrison et McCartney affichent leur réticence et les discussions se poursuivent jusqu'à la dernière minute. La date choisie pour cette prestation est le mercredi {{date-|29 janvier 1969}} mais la météo obligera à la repousser d'un jour<ref name="lewisohn169"/>. Ils s'exécutent donc le {{date-|30 janvier}} vers midi<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=175}}</ref>, accompagnés de [[Billy Preston]]. Ils interprètent ''{{lang|en|[[Get Back]]}}'', ''{{lang|en|[[Don't Let Me Down]]}}'', ''{{lang|en|[[I've Got a Feeling]]}}'', ''{{lang|en|[[One After 909]]}}'' et ''{{lang|en|[[Dig a Pony]]}}'', certaines chansons étant jouées plusieurs fois. Ils concluent finalement par une troisième version de ''{{lang|en|Get Back}}''<ref name="lewisohn169"/>{{,}}<ref group="a">{{en}} [http://www.maccafan.net/Gallery/GetBackRehearsals/Rooftop.htm « ''The Rooftop Concert'' »], MaccaFan. Consulté le 20 septembre 2010.</ref>. C'est la dernière fois que les Beatles se produisent ensemble, en concert et en dehors des studios, et bien que seul le personnel technique présent autour d'eux, quelques proches, ainsi que de rares personnes téméraires qui ont réussi à grimper sur les toits voisins y assistent, le ''{{lang|en|Rooftop Concert}}'' est leur ultime prestation publique. Elle dure {{unité|42|minutes}} en tout.


En contrebas de l'immeuble, la foule s'amasse en regardant en l'air. Des passants montent sur les toits et bloquent les rues pour assister à cette prestation improvisée. La police, qui reçoit des plaintes pour cause de vacarme, finit par intervenir pour demander le retour à la normale. En prévision d'un événement semblable, une caméra a été installée à l'entrée du bâtiment d'Apple. Dans le film, on voit donc [[Mal Evans]], assistant du groupe, s'occuper de négocier avec les agents de police pour que le groupe puisse terminer ses prises.
En contrebas de l'immeuble, la foule s'amasse en regardant en l'air. Des passants montent sur les toits et bloquent les rues pour assister à cette prestation improvisée. La police, qui reçoit des plaintes pour cause de vacarme, finit par intervenir pour demander le retour à la normale. En prévision d'un événement semblable, une caméra a été installée à l'entrée du bâtiment d'Apple. Dans le film, on voit donc [[Mal Evans]], assistant du groupe, s'occuper de négocier avec les agents de police pour que le groupe puisse terminer ses prises.
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{{Citation bloc|Quand ils sont arrivés, j'étais en train de jouer, et je me suis dit : « Super, j'espère qu'ils vont m'embarquer ». Je voulais que les flics m'embarquent — « dégagez de cette batterie ! » — parce qu'on était filmés et que ça aurait vraiment eu de la gueule de les voir virer les cymbales et tout le matériel.|[[Ringo Starr]]<ref>{{Harvsp|The Beatles|2000|p=321}}</ref>.}}
{{Citation bloc|Quand ils sont arrivés, j'étais en train de jouer, et je me suis dit : « Super, j'espère qu'ils vont m'embarquer ». Je voulais que les flics m'embarquent — « dégagez de cette batterie ! » — parce qu'on était filmés et que ça aurait vraiment eu de la gueule de les voir virer les cymbales et tout le matériel.|[[Ringo Starr]]<ref>{{Harvsp|The Beatles|2000|p=321}}</ref>.}}


Le concert se conclut cependant de façon pacifique. Les versions jouées en plein air, ce jour-là, de ''{{lang|en|One After 909}}'', ''{{lang|en|Dig a Pony}}'', ''{{lang|en|I've Got a Feeling}}'' et une partie de ''{{lang|en|Get Back}}'' sont celles que l'on entend sur l'album<ref name="lewisohn169"/>.
Le concert se conclut cependant de façon pacifique. Les versions jouées en plein air de ''{{lang|en|One After 909}}'', ''{{lang|en|Dig a Pony}}'' et ''{{lang|en|I've Got a Feeling}}'' sont celles que l'on entend sur l'album<ref name="lewisohn169"/>. Des sons d'ambiance sont rajoutés à l'enregistrement studio de ''{{lang|en|Get Back}}'' pour lui donner l'impression d'y avoir été enregistrée.


{{Citation bloc|Ce fut un des plus beaux et des plus excitants jours de ma vie. Voir les Beatles jouer ensemble et recevoir la réaction instantanée des gens autour d'eux, cinq caméras sur le toit, d'autres en pleine rue… c'était juste incroyable. Une journée magique, magique !|[[Alan Parsons]], à l'époque jeune ingénieur du son assistant employé d'[[EMI Group|EMI]]<ref name="lewisohn169"/>.}}
{{Citation bloc|Ce fut un des plus beaux et des plus excitants jours de ma vie. Voir les Beatles jouer ensemble et recevoir la réaction instantanée des gens autour d'eux, cinq caméras sur le toit, d'autres en pleine rue… c'était juste incroyable. Une journée magique, magique !|[[Alan Parsons]], à l'époque jeune ingénieur du son assistant employé d'[[EMI Group|EMI]]<ref name="lewisohn169"/>.}}
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Les enregistrements s'achèvent dans le studio de fortune du sous-sol de l'immeuble, le lendemain. Trois chansons (''{{lang|en|Two of Us}}'', ''{{lang|en|The Long and Winding Road}}'' et ''{{lang|en|Let It Be}}'') sont de nouveau mises en boîte, et ce sont ces prises du {{date-|31 janvier 1969}} qui apparaissent sur l'album<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=170}}</ref>.
Les enregistrements s'achèvent dans le studio de fortune du sous-sol de l'immeuble, le lendemain. Trois chansons (''{{lang|en|Two of Us}}'', ''{{lang|en|The Long and Winding Road}}'' et ''{{lang|en|Let It Be}}'') sont de nouveau mises en boîte, et ce sont ces prises du {{date-|31 janvier 1969}} qui apparaissent sur l'album<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=170}}</ref>.

De ces sessions subsistent le film ''{{lang|en|[[Let It Be (film)|Let It Be]]}}'' et la télésérie ''{{lang|en|[[The Beatles: Get Back]]}}'', les [[vidéoclip]]s de certaines des chansons, d'innombrables vidéos, issues ou non de ce qui a été monté dans ces films, et des [[bootleg (musique)|disques pirates]] contenant l'intégralité des répétitions, des discussions et des enregistrements captés par les magnétophones [[Nagra (magnétophones)|Nagra]] qui tournaient en continu<ref name="lewisohn165"/>, ce qui représente dix-sept volumes intitulés ''{{lang|en|The Complete Get Back Sessions}}''<ref group="a">{{en}} [http://vivalesbootlegs.blogspot.com/2008/01/beatles-twickenham-sessions-bootleg-8.html ''Viva Les Bootlegs – Beatles Twickenham Sessions''], ''vivalesbootlegs.blogspot.com'', consulté le {{date-|22 septembre 2010}}.</ref>.


=== Abandon et achèvement ===
=== Abandon et achèvement ===
==== Premiers essais et mise au placard ====
==== Premiers essais et mise au placard ====
Après les séances d'enregistrement, la production de l'album s'annonce laborieuse. En effet, les Beatles ne sont plus aussi motivés par cet aspect de la réalisation qu'auparavant. Ils confient à [[Glyn Johns]] la charge de tirer quelque chose de leurs prises. Comme l'explique par la suite [[John Lennon]], elles sont très nombreuses dans la mesure où tout a été enregistré durant le tournage du film, au sous-sol et sur le toit du bâtiment d'Apple, et les {{unité|29|heures}} de bandes à trier découragent tout le monde. Il poursuit en disant : {{Citation|Je me suis dit que ça serait bien de la sortir, cette version merdique. Ça casserait les Beatles, ça casserait le mythe}}<ref name="A322">{{Harvsp|The Beatles|2000|p=322}}</ref>. Glyn Johns commence à travailler sur l'album ''{{lang|en|Get Back}}'' en {{nobr|mars 1969}} et propose plusieurs projets qui incluent des chansons qui ne seront ultimement pas publiées par les Beatles; les pièces originales ''[[Teddy Boy]]'' et ''The Walk'', et les reprises ''Rocker'', ''[[Save the Last Dance for Me]]''<ref>{{Lien web|langue=en|auteur=Joe Goodden|titre=Mixing: Get Back, Teddy Boy, Two Of Us, Dig A Pony, I’ve Got A Feeling, The Long And Winding Road, Let It Be, Rocker, Save The Last Dance For Me, Don’t Let Me Down, For You Blue, The Walk|url=https://www.beatlesbible.com/1969/03/10/mixing-get-back-teddy-boy-two-of-us-dig-a-pony-ive-got-a-feeling-the-long-and-winding-road-let-it-be-rocker-save-the-last-dance-for-me-dont-let-me-down-for-you-blue-the-walk/|site=The Beatles Bible|consulté=23 septembre 2018}}</ref>, ''[[Shake Rattle And Roll]]'', ''[[Kansas City (chanson)|Kansas City]]'', ''Miss Ann'' et ''Lawdy Miss Clawdy''<ref>{{Lien web|langue=en|auteur=Joe Goodden|titre=Mixing: I’ve Got A Feeling, Dig It, Maggie Mae, Shake Rattle And Roll, Kansas City, Miss Ann, Lawdy Miss Clawdy, Blue Suede Shoes, You Really Got A Hold On Me|url=https://www.beatlesbible.com/1969/03/13/mixing-ive-got-a-feeling-dig-it-maggie-mae-shake-rattle-and-roll-kansas-city-miss-ann-lawdy-miss-clawdy-blue-suede-shoes-you-really-got-a-hold-on-me/|site=The Beatles Bible|consulté=23 septembre 2018}}</ref>. Cependant, ses tentatives d'en faire un album sont plusieurs fois repoussées, même s'il est prévu que sa sortie coïncide avec celle du [[Let It Be (film)|film]]<ref name="A322"/>. Un de ses essais est publié dans l'édition deluxe de la réédition de l'album en 2021<ref>{{article|prénom=Louis-Philippe |nom=Ouimet|titre=The Beatles, Let It Be et la magie de Giles Martin|jour=15|mois=octobre|année=2021|périodique=[[Société Radio-Canada]]|url=https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1832085/beatles-let-it-be-giles-martin-phil-spector-glyn-johns|consulté=18 octobre 2021}}.</ref>. Naïvement, John Lennon remet cette ébauche à un journaliste en septembre 1969 et elle est diffusée à la radio. Enregistrée par des fans, un [[Bootleg (musique)|bootleg]] intitulé ''Kum Back'' a été distribué sur le [[marché gris]]<ref name="People">{{article |langue=en |prénom=Jordan|nom=Runtagh|titre=Getting Back to 'Get Back': The Long and Winding Saga of Glyn Johns' Lost Beatles Album |jour=15 |mois=novembre|année=202 |périodique=[[People (magazine)|People]] |url=https://people.com/music/long-winding-story-of-glyn-johns-lost-beatles-album-get-back/ |consulté le=16 janvier 2022}}</ref>.
Durant ce mois de janvier, [[Glyn Johns]] présente une ébauche sommaire de son concept d'album qui comprendrait certaines des prises incomplètes et des extraits de discussions, mais elle unanimement refusée. Après ces séances, la production de l'album s'annonce laborieuse. Le groupe se ravise et confie donc à Johns la charge de tirer quelque chose des enregistrements, basée sur l'ébauche précédente<ref name="People">{{article |langue=en |prénom=Jordan|nom=Runtagh|titre=Getting Back to 'Get Back': The Long and Winding Saga of Glyn Johns' Lost Beatles Album |jour=15 |mois=novembre|année=202 |périodique=[[People (magazine)|People]] |url=https://people.com/music/long-winding-story-of-glyn-johns-lost-beatles-album-get-back/ |consulté le=16 janvier 2022}}</ref>. Comme l'explique [[John Lennon]], les prises sont très nombreuses dans la mesure où tout a été enregistré durant le tournage du film, au sous-sol et sur le toit du bâtiment d'Apple, et les {{unité|29|heures}} de bandes à trier découragent tout le monde. Il poursuit en disant : {{Citation|Je me suis dit que ça serait bien de la sortir, cette version merdique. Ça casserait les Beatles, ça casserait le mythe}}<ref name="A322">{{Harvsp|The Beatles|2000|p=322}}</ref>. Glyn Johns commence à travailler sur l'album ''{{lang|en|Get Back}}'' en {{date|mars 1969}} et propose une [[Kum Back|première version]] toujours avec des prises incomplètes et des dialogues<ref name="People"/> qui inclus des chansons qui ne seront ultimement pas publiées par les Beatles; la pièce originale ''[[Teddy Boy]]'' et la reprise ''{{Lien|langue=en|trad=The Walk (Jimmy McCracklin song)|fr=The Walk (chanson de Jimmy McCracklin)|texte=The Walk}}''<ref>{{article|langue=en|prénom=Mark|nom=Smotroff|titre=The Beatles Let It Be Super Deluxe Editions: Part 2, Glyn Johns’ Get Back Album|jour=19|mois=octobre|année=2021|périodique=Audiophile Review|url=https://audiophilereview.com/audiophile-music/the-beatles-let-it-be-super-deluxe-editions-part-2-glyn-johns-get-back-album/|consulté=09 mai 2024}}.</ref>. Il mixera aussi, ''{{lang|en|[[Shake Rattle And Roll]]}}'', ''{{lang|en|[[Kansas City (chanson)|Kansas City]]}}'', ''{{lang|en|Miss Ann}}'', ''{{lang|en|[[Lawdy Miss Clawdy]]}}'', ''Rocker'' et ''[[Save the Last Dance for Me]]''<ref>{{Lien web|langue=en|auteur=Joe Goodden|titre=Mixing: Get Back, Teddy Boy, Two Of Us, Dig A Pony, I’ve Got A Feeling, The Long And Winding Road, Let It Be, Rocker, Save The Last Dance For Me, Don’t Let Me Down, For You Blue, The Walk|url=https://www.beatlesbible.com/1969/03/10/mixing-get-back-teddy-boy-two-of-us-dig-a-pony-ive-got-a-feeling-the-long-and-winding-road-let-it-be-rocker-save-the-last-dance-for-me-dont-let-me-down-for-you-blue-the-walk/|site=The Beatles Bible|consulté=09 mai 2024}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=en|auteur=Joe Goodden|titre=Mixing: I’ve Got A Feeling, Dig It, Maggie Mae, Shake Rattle And Roll, Kansas City, Miss Ann, Lawdy Miss Clawdy, Blue Suede Shoes, You Really Got A Hold On Me|url=https://www.beatlesbible.com/1969/03/13/mixing-ive-got-a-feeling-dig-it-maggie-mae-shake-rattle-and-roll-kansas-city-miss-ann-lawdy-miss-clawdy-blue-suede-shoes-you-really-got-a-hold-on-me/|site=The Beatles Bible|consulté=23 septembre 2018}}</ref> sans pour autant les inclure dans cet album<ref group="n">Ces deux dernières remplaceront ''The Walk'' sur la seconde ébauche.</ref>. Naïvement, John Lennon remet cette ébauche à un journaliste américain en septembre 1969 et elle est diffusée à la radio. Enregistré par des fans, un [[Bootleg (musique)|bootleg]] intitulé ''{{lang|en|[[Kum Back]]}}'' a été distribué sur le [[marché gris]]<ref name="People"/>. Cependant, la publication de l'album est plusieurs fois repoussée afin de coïncider avec la sortie du [[Let It Be (film)|film]]<ref name="A322"/>.

Un 45 tours couplant les versions studio de ''{{lang|en|[[Get Back]]}}'' et ''{{lang|en|[[Don't Let Me Down]]}}'' issu des enregistrements de janvier 1969, coproduit par George Martin et Glyn Johns, sort cependant le {{date|11 avril 1969}}<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=177}}</ref>. Le communiqué de presse indique que ce single présente les Beatles « tel que la nature l'a destiné » (''{{citation|The Beatles as nature intended}}'').


Subséquemment, les Beatles se désintéressent totalement du projet ''{{lang|en|Get Back}}'', dont ils ne pensent rien tirer. Sentant la fin du groupe proche, ils décident de se pencher sur un nouvel album réalisé avec l'aide de [[George Martin]] et de [[Geoff Emerick]], en revenant aux modes de production sophistiqués qui ont fait le succès de leurs précédents opus<ref>{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=225–226}}</ref>. Les enregistrements débutent fin février et se concentrent principalement en juillet et août aux [[studios EMI]]<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=170–191}}</ref>, pour aboutir à la sortie de l'album ''{{lang|en|[[Abbey Road (album)|Abbey Road]]}}'' le {{date|26 septembre 1969}}, repoussant de fait à nouveau une éventuelle sortie de ''{{lang|en|Get Back}}''<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=192–193}}</ref>, dont les bandes restent au placard. Tout porte alors à croire que ''{{lang|en|Abbey Road}}'' est le dernier album des Beatles ; bien que le grand public ne soit pas encore au courant, Lennon met fin au groupe ce mois-là en annonçant son départ définitif à ses partenaires<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=182}}</ref>.
Un single issu des enregistrements de janvier, produit par George Martin, sort cependant le {{nobr|11 avril 1969}}, ''{{lang|en|[[Get Back]]/[[Don't Let Me Down]]}}''<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=177}}</ref>.


En {{date|janvier 1970}}, Glyn Johns refait une ultime tentative afin que l'album soit aligné à la bande-son du documentaire mais encore une fois, cette ébauche est mise de côté<ref name="People"/>. Elle sera incluse, cinquante ans plus tard, dans l'édition Deluxe de la réédition de l'album ''Let It Be''<ref>{{article|prénom=Louis-Philippe |nom=Ouimet|titre=The Beatles, Let It Be et la magie de Giles Martin|jour=15|mois=octobre|année=2021|périodique=[[Société Radio-Canada]]|url=https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1832085/beatles-let-it-be-giles-martin-phil-spector-glyn-johns|consulté=18 octobre 2021}}.</ref>).
Par ailleurs, les Beatles se désintéressent totalement du projet ''{{lang|en|Get Back}}'', dont ils ne pensent rien tirer. Sentant la fin du groupe proche, ils décident de terminer en beauté avec un album réalisé avec l'aide de [[George Martin]] et de [[Geoff Emerick]], en revenant aux modes de production sophistiqués qui ont fait le succès de leurs précédents opus<ref>{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=225–226}}</ref>. Les enregistrements débutent fin février et se concentrent principalement en juillet et août aux [[studios EMI]]<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=170–191}}</ref>, pour aboutir à la sortie de l'album ''{{lang|en|[[Abbey Road (album)|Abbey Road]]}}'' le {{nobr|26 septembre 1969}}, repoussant de fait à nouveau une éventuelle sortie de ''{{lang|en|Get Back}}''<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=192–193}}</ref>, dont les bandes restent au placard. Tout porte alors à croire que ''{{lang|en|Abbey Road}}'' est le dernier album des Beatles ; bien que le grand public ne soit pas encore au courant, Lennon met fin au groupe ce mois-là en annonçant son départ définitif à ses partenaires<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=182}}</ref>.


==== Reprise par Phil Spector ====
==== Reprise par Phil Spector ====
Depuis 1969, les Beatles ont un nouveau manager, [[Allen Klein]], qui ne fait pas l'unanimité dans le groupe. S'il a été fortement recommandé par Lennon, et accepté par Harrison et Starr, il est désapprouvé par McCartney qui lui préférerait son beau-père, Lee Eastman, et qui refuse de signer le moindre contrat avec Klein. De grands changements sont opérés par Klein, qui congédie notamment [[Mal Evans]], assistant et ami des Beatles depuis de nombreuses années<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=194}}</ref>. Bien que John Lennon ait mis fin aux Beatles (ce qui restera secret jusqu'au {{nobr|10 avril 1970}}), Klein désire voir sortir un dernier album. Puisque [[George Martin]] n'a travaillé que partiellement sur le projet ''{{lang|en|Get Back}}''<ref name="lewisohn165" />, et que toutes les tentatives de [[Glyn Johns]] ont été rejetées, il décide de faire appel à un nouveau producteur<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=195}}</ref>. En attendant, c'est en trio que George Harrison, Paul McCartney et Ringo Starr participent à leur ultime séance studio en tant que groupe, en enregistrant une nouvelle version de ''{{lang|en|[[I Me Mine]]}}'', les 3 et {{nobr|4 janvier 1970}}<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=195}}</ref>, au début de laquelle George Harrison lâche une plaisanterie concernant le départ de Lennon : {{Citation|Vous aurez tous lu que Dave Dee n'est plus avec nous. Mais Micky, Tich et moi-même voudrions juste poursuivre le bon travail qui a toujours été réalisé dans le [studio] {{n°}}2}}. Ces noms, attribués à ses partenaires par George Harrison, faisant référence à un groupe britannique populaire du moment : {{lang|en|[[Dave Dee, Dozy, Beaky, Mick and Tich]]}}<ref group="a">''[[Anthology 3]]'' (disque 2, piste 22), 1996, introduction de George Harrison à la prise 16 d'''I Me Mine''.</ref>.
Depuis 1969, les Beatles ont un nouveau manager, [[Allen Klein]], qui ne fait pas l'unanimité dans le groupe. S'il a été fortement recommandé par Lennon, et accepté par Harrison et Starr, il est désapprouvé par McCartney qui lui préférerait son beau-père, Lee Eastman, et qui refuse de signer le moindre contrat avec Klein. De grands changements sont opérés par Klein, qui congédie notamment [[Mal Evans]], assistant et ami des Beatles depuis de nombreuses années<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=194}}</ref>. Bien que John Lennon ait mis fin aux Beatles (ce qui restera secret jusqu'au {{date|10 avril 1970}}), Klein désire voir sortir un dernier album. Puisque [[George Martin]] n'a travaillé que partiellement sur le projet ''{{lang|en|Get Back}}''<ref name="lewisohn165" />, et que les deux tentatives de [[Glyn Johns]] ont été rejetées, il décide de faire appel à un nouveau producteur<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=195}}</ref>. C'est en trio que les Beatles effectuent, les 3 et {{date|4 janvier 1970}}, leur ultime séance en tant que groupe actif. George Harrison, Paul McCartney et Ringo Starr enregistrent une courte version en studio de ''{{lang|en|[[I Me Mine]]}}'', puisqu'une version préliminaire de cette chanson sera entendue dans le documentaire<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=195}}</ref>. Dans les ''outtakes'', on entend George Harrison lâcher une plaisanterie, entendue sur ''[[Anthology 3]]'', concernant le départ de Lennon : {{Citation|Vous aurez tous lu que Dave Dee n'est plus avec nous. Mais Micky, Tich et moi-même voudrions juste poursuivre le bon travail qui a toujours été réalisé dans le [studio] {{n°}}2}}. Ces noms, attribués à ses partenaires par le guitariste, fait référence au groupe britannique populaire du moment, {{lang|en|[[Dave Dee, Dozy, Beaky, Mick and Tich]]}}<ref group="a">''[[Anthology 3]]'' (disque 2, piste 22), 1996, introduction de George Harrison à la prise 16 d'''I Me Mine''.</ref>, duquel le premier venait justement de quitter<ref>{{Lien web|langue=en|titre=Dave Dee, Dozy, Beaky, Mick, Tich… and Swindon|url=https://www.swindonweb.com/index.asp?m=8&s=121&ss=1136|site=swindonweb|consulté=30 décembre 2023}}</ref>.


Le producteur finalement choisi par Allen Klein, qui ne daigne pas consulter Paul McCartney à ce sujet, est le très renommé [[Phil Spector]]<ref name="lewisohn199">{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=199}}</ref>. Celui-ci est notamment apprécié par [[John Lennon]] qui a l'occasion de travailler avec lui sur son single ''{{lang|en|[[Instant Karma!]]}}'' en {{nobr|janvier 1970}}. Tandis que Spector se met au travail sur l'album, le dernier [[single (musique)|single]] des Beatles sort le {{nobr|6 mars 1970}}. Il s'agit de ''{{lang|en|[[Let It Be (chanson)|Let It Be]]/[[You Know My Name (Look Up the Number)]]}}''. La version de ''{{lang|en|Let It Be}}'' présente sur le single est celle qui a été travaillée auparavant par George Martin<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=196}}</ref>.
Le producteur finalement choisi par Allen Klein, qui ne daigne pas consulter Paul McCartney à ce sujet, est le très renommé [[Phil Spector]]<ref name="lewisohn199">{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=199}}</ref>. Celui-ci est notamment apprécié par [[John Lennon]] qui a eu l'occasion de travailler avec lui sur son single ''{{lang|en|[[Instant Karma!]]}}'' en {{date|janvier 1970}}. Tandis que Spector se met au travail sur l'album, le dernier [[single (musique)|single]] des Beatles sort le {{date|6 mars 1970}}. Il s'agit de ''{{lang|en|[[Let It Be (chanson)|Let It Be]]/[[You Know My Name (Look Up the Number)]]}}''. La version de ''{{lang|en|Let It Be}}'' présente sur le single est celle qui a été travaillée auparavant par George Martin<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=196}}</ref>.


Le travail de Spector consiste notamment à appliquer partout de l'écho de façon massive (un exemple frappant est le traitement du [[charleston (instrument de musique)|charleston]] de Ringo Starr au début de la chanson ''{{lang|en|Let It Be}}'') et en particulier à un certain nombre d'ajouts sur les chansons. Lors d'une grande séance d'[[re-recording|overdubs]] le {{nobr|{{1er}} avril 1970}} à Abbey Road, Spector ajoute ainsi un orchestre de dix-huit [[violon]]s, quatre [[alto (instrument à cordes)|altos]], quatre [[violoncelle]]s, trois [[trompette]]s, trois [[Trombone (instrument)|trombone]]s, deux [[guitare]]s, et un [[chœur (musique)|chœur]] féminin de quatorze chanteuses sur ''{{lang|en|[[The Long and Winding Road]]}}'', ''{{lang|en|I Me Mine}}'' et ''{{lang|en|[[Across the Universe]]}}''<ref name="lewisohn198"/>. Un seul Beatle est présent, Ringo Starr, appelé à doubler ses parties de batterie sur l'ensemble de ces titres<ref name="lewisohn198">{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=198–199}}</ref>. Les [[arrangement (musique)|arrangements]] sont écrits par [[Richard Anthony Hewson]], qui se charge aussi de diriger l'orchestre. À Abbey Road, Phil Spector recrée et applique donc à la musique des Beatles ce qu'il a inventé et rendu célèbre : le « [[mur de son]] » (''{{lang|en|Wall of Sound}}''), en contradiction totale avec ce qu'était au départ le projet ''{{lang|en|Get Back}}''<ref name="lewisohn198"/>.
Lors d'une grande séance d'[[re-recording|overdubs]] le {{date|{{1er}} avril 1970}} à Abbey Road, Spector ajoute un orchestre de dix-huit [[violon]]s, quatre [[alto (instrument à cordes)|altos]], quatre [[violoncelle]]s, trois [[trompette]]s, trois [[Trombone (instrument)|trombone]]s, deux [[guitare]]s, et un [[chœur (musique)|chœur]] de quatorze chanteuses sur ''{{lang|en|[[The Long and Winding Road]]}}'', ''{{lang|en|I Me Mine}}'' et ''{{lang|en|[[Across the Universe]]}}''<ref name="lewisohn198"/>. Un seul Beatle est présent, Ringo Starr, appelé à doubler ses parties de batterie sur l'ensemble de ces titres<ref name="lewisohn198">{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=198–199}}</ref>. Les [[arrangement (musique)|arrangements]] et la direction de l'orchestre des deux premiers sont effectués par [[Richard Anthony Hewson]], tandis que Brian Rogers s'occupe du dernier titre. {{Lien|langue=en|trad=John Barham}} a pour sa part effectué les arrangements de la chorale de cette séance<ref>https://www.the-paulmccartney-project.com/session/overdubs-for-let-it-be-album/</ref>. Phil Spector s'éloigne alors du concept original du projet épuré ''{{lang|en|Get Back}}''<ref name="lewisohn198"/>. La chanson homonyme parue depuis déjà un an fait en sorte que le titre de l'album est changé à ''{{lang|en|Let It Be}}'' et inclus une version différente de cette chanson du plus récent single<ref name="Rybaczewski">{{Lien web|langue=en|auteur=Dave Rybaczewski|titre=Let It Be|url=http://www.beatlesebooks.com/let-it-be-album|site=Beatles Music History, DKR Products Toledo, Ohio.|consulté=13 mai 2024}}</ref>.


Les réactions au sujet du traitement réservé aux chansons par Phil Spector sont partagées. John Lennon en est fort satisfait : selon lui, {{citation|on lui a refilé le truc le plus minable, un tas de boue mal enregistré, sans aucun ''{{lang|en|feeling}}'', et il en a tiré quelque chose. Il a fait un super boulot<ref name="A323">{{Harvsp|The Beatles|2000|p=323}}</ref>.}} [[George Harrison]] et [[Ringo Starr]] sont également satisfaits du travail de Spector. À l'inverse, Paul McCartney et George Martin sont outrés, et voient dans ces ajouts une altération totale du concept de départ, qui voulait que l'album reprenne l'essence des performances ''{{lang|en|live}}'' du groupe<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=197}}</ref>. Les retouches faites à ''{{lang|en|The Long and Winding Road}}'' choquent particulièrement McCartney, qui demande expressément à Allen Klein de les retirer. {{Citation|Ne refaites plus jamais ça !}}, écrit-il en conclusion de la lettre qu'il lui expédie chez Apple. Mais Klein n'en tient pas compte. En fin d'année, le traitement réservé à sa chanson fera partie des six raisons évoquées en justice par Paul pour prononcer la dissolution juridique du groupe<ref name="lewisohn199"/>.
Les réactions au sujet du traitement réservé aux chansons par Phil Spector sont partagées. John Lennon en est fort satisfait : selon lui, {{citation|on lui a refilé le truc le plus minable, un tas de boue mal enregistré, sans aucun ''{{lang|en|feeling}}'', et il en a tiré quelque chose. Il a fait un super boulot<ref name="A323">{{Harvsp|The Beatles|2000|p=323}}</ref>.}} [[George Harrison]] et [[Ringo Starr]] sont également satisfaits du travail de Spector. À l'inverse, Paul McCartney, Glyn Johns et George Martin sont outrés, et voient dans ces ajouts une altération totale du concept de départ, qui voulait que l'album reprenne l'essence des performances ''{{lang|en|live}}'' du groupe<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=197}}</ref>. Les retouches faites à ''{{lang|en|The Long and Winding Road}}'' choquent particulièrement McCartney, qui demande expressément à Allen Klein de les retirer. {{Citation|Ne refaites plus jamais ça !}}, écrit-il en conclusion de la lettre qu'il lui expédie chez Apple. Mais Klein n'en tient pas compte. En fin d'année, le traitement réservé à sa chanson fera partie des six raisons évoquées en justice par Paul pour prononcer la [[Séparation des Beatles|dissolution juridique du groupe]]<ref name="lewisohn199"/>.


=== Parution et réception ===
=== Parution et réception ===
==== Succès commercial ====
==== Succès commercial ====
''{{Lang|en|Let It Be}}'' paraît donc le {{nobr|8 mai 1970}} sous la forme d'un coffret accompagné d'un livret contenant des photographies du [[Let It Be (film)|film du même nom]]. Aux États-Unis, il est distribué par la [[United Artists Records|United Artists]], mais avec l'étiquette rouge d'Apple sur laquelle est inscrit « ''Reproduced for disc by Phil Spector'' »<ref>{{Lien web|langue=en|titre=The Beatles – Let It Be|url=https://www.discogs.com/fr/release/377554-The-Beatles-Let-It-Be|site=[[Discogs]]|consulté=07 août 2022}}</ref>{{,}}<ref group="n">Au Canada, comme ailleurs dans le monde, c'est l'étiquette verte sans la note qui est fixée.</ref>, et paraît le {{date-|18 mai}} sans le livre accompagnateur<ref>{{Lien web|langue=en|auteur=Joe Goodden|titre=US album release: Let It Be|url=https://www.beatlesbible.com/1970/05/18/us-lp-let-it-be/|site=The Beatles Bible|consulté=27 novembre 2018}}</ref>. L'album seul n'est disponible au Royaume-Uni que le {{nobr|6 novembre 1970}}<ref group="a" name="jpgr">{{en}} [http://www.jpgr.co.uk/pcs7096.html « ''Let It Be'' »], The Beatles Complete U.K. Discography, 2001. Consulté le 22 septembre 2010.</ref>. Comme le commente [[Ringo Starr]], {{Citation|en {{nobr|mai 1970}}, ''{{lang|en|Let It Be}}'' a été le dernier album édité, alors que bien sûr, ''{{lang|en|[[Abbey Road (album)|Abbey Road]]}}'' avait été le dernier enregistré. Ça montre comme le monde est bizarre — que l'avant-dernier album sorte le dernier, et que le dernier sorte avant lui. On s'est séparés après ''{{lang|en|Abbey Road}}'' alors qu'on n'envisageait pas vraiment de se séparer pendant qu'on faisait le précédent. Tout ça est très étrange<ref name="A323"/>}}.
''{{Lang|en|Let It Be}}'' paraît donc le {{date|8 mai 1970}} sous la forme d'un coffret comprenant un livre de 164 pages contenant des photographies des séances de janvier 1969. Aux États-Unis, il est distribué par la [[United Artists Records|United Artists]], mais avec l'étiquette rouge d'Apple sur laquelle est inscrit {{Citation|''Reproduced for disc by Phil Spector''}}<ref name="Discogs">{{Lien web|langue=en|titre=The Beatles – Let It Be|url=https://www.discogs.com/fr/release/377554-The-Beatles-Let-It-Be|site=[[Discogs]]|consulté=12 mai 2024}}</ref>{{,}}<ref group="n">Au Canada, comme ailleurs dans le monde, c'est l'étiquette verte sans la note qui est fixée.</ref>, et paraît le {{date-|18 mai}} sans le livre accompagnateur<ref>{{Lien web|langue=en|auteur=Joe Goodden|titre=US album release: Let It Be|url=https://www.beatlesbible.com/1970/05/18/us-lp-let-it-be/|site=The Beatles Bible|consulté=27 novembre 2018}}</ref>. L'album seul n'est disponible au Royaume-Uni que le {{date|6 novembre 1970}}<ref group="a" name="jpgr">{{en}} [http://www.jpgr.co.uk/pcs7096.html « ''Let It Be'' »], The Beatles Complete U.K. Discography, 2001. Consulté le 22 septembre 2010.</ref>. Comme le commente [[Ringo Starr]], {{Citation|en {{date|mai 1970}}, ''{{lang|en|Let It Be}}'' a été le dernier album édité, alors que bien sûr, ''{{lang|en|[[Abbey Road (album)|Abbey Road]]}}'' avait été le dernier enregistré. Ça montre comme le monde est bizarre — que l'avant-dernier album sorte le dernier, et que le dernier sorte avant lui. On s'est séparés après ''{{lang|en|Abbey Road}}'' alors qu'on n'envisageait pas vraiment de se séparer pendant qu'on faisait le précédent. Tout ça est très étrange<ref name="A323"/>}}.


Bien que le coffret soit vendu un tiers plus cher que les albums habituels, il prend la première place des ventes dès le {{nobr|23 mai 1970}}, et ce pour les trois semaines suivantes<ref group="a" name="jpgr"/>{{,}}<ref group="a">Livret de l'album ''Let It Be'', Apple, 2009, {{p.|6}}</ref>. Si, du fait de sa forme inhabituelle, le coffret se vend moins bien en Angleterre, aux États-Unis sous forme d'album simple, il bat tous les records de pré-commandes dans l'histoire de l'industrie du disque, avec {{unité|3700000|exemplaires}}<ref name="turner212"/>{{,}}<ref group="a" name="jpgr"/>. Celui-ci, comme la version simple de l'album parue en novembre, se maintient en tout {{unité|59|semaines}} dans les [[hit-parade]]s britanniques, et pendant {{unité|55|semaines}} aux États-Unis<ref group="a">Livret de l'album ''{{lang|en|Let It Be}}'', Apple, 2009, {{p.|9}}</ref>. Par ailleurs, les singles ''{{lang|en|[[Get Back]]}}'', ''{{lang|en|[[Let It Be (chanson)|Let It Be]]}}'' et ''{{lang|en|[[The Long and Winding Road]]}}'' — ce dernier est uniquement paru aux [[États-Unis]] — atteignent le sommet des ventes<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=244}}</ref>. Enfin, la bande originale du film ''[[Let It Be (film)|{{lang|en|Let It Be}}]]'' reçoit en 1971 le [[Grammy Awards|Grammy Award]] de la meilleure musique de film. Seul Beatle présent à la cérémonie, Paul McCartney, accompagnée par Linda, recevra le prix des mains de [[John Wayne]]<ref group="a">{{en}} [https://www.imdb.com/title/tt0065976/awards « ''Awards for Let It Be'' (1970) »], ''[[IMDb]]''. Consulté le 20 septembre 2010.</ref>. Elle gagnera également l'[[Oscar de la meilleure musique de film]] cette même année, prix accepté pour les Beatles, absents de la cérémonie, par [[Quincy Jones]].
Bien que le coffret soit vendu un tiers plus cher que les albums habituels, il prend la première place des ventes dès le {{date|23 mai 1970}}, et ce pour les trois semaines suivantes<ref group="a" name="jpgr"/>{{,}}<ref group="a">Livret de l'album ''Let It Be'', Apple, 2009, {{p.|6}}</ref>. Si, du fait de sa forme inhabituelle, le coffret se vend moins bien en Angleterre, aux États-Unis sous forme d'album simple, il bat tous les records de pré-commandes dans l'histoire de l'industrie du disque, avec {{unité|3700000|exemplaires}}<ref name="turner212"/>{{,}}<ref group="a" name="jpgr"/>. Celui-ci, comme la version simple de l'album parue en novembre, se maintient en tout {{unité|59|semaines}} dans les [[hit-parade]]s britanniques, et pendant {{unité|55|semaines}} aux États-Unis<ref group="a">Livret de l'album ''{{lang|en|Let It Be}}'', Apple, 2009, {{p.|9}}</ref>. Par ailleurs, les singles ''{{lang|en|[[Get Back]]}}'', ''{{lang|en|[[Let It Be (chanson)|Let It Be]]}}'' et ''{{lang|en|[[The Long and Winding Road]]}}'' — ce dernier est uniquement paru aux [[États-Unis]] — atteignent le sommet des ventes<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=244}}</ref>. Enfin, la bande originale du film ''[[Let It Be (film)|{{lang|en|Let It Be}}]]'' reçoit en 1971 le [[Grammy Awards|Grammy Award]] de la meilleure musique de film. Seul Beatle présent à la cérémonie, Paul McCartney, accompagnée par Linda, recevra le prix des mains de [[John Wayne]]<ref group="a">{{en}} [https://www.imdb.com/title/tt0065976/awards « ''Awards for Let It Be'' (1970) »], ''[[IMDb]]''. Consulté le 20 septembre 2010.</ref>. Elle gagnera également l'[[Oscar de la meilleure musique de film|Oscar de la meilleure partition de chansons originales]] en 1971, prix accepté par [[Quincy Jones]] pour les Beatles qui sont tous absents lors de la cérémonie.


==== Accueil critique ====
==== Accueil critique ====
Pour certains critiques de l'époque, notamment le magazine ''{{lang|en|[[Rolling Stone]]}}'', l'album se situe nettement en deçà des productions précédentes du groupe<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=198}}</ref>. L'album est, à l'époque, une relative déception pour les fans, notamment en comparaison avec ''{{lang|en|[[Abbey Road (album)|Abbey Road]]}}'', qui le précède<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=245}}</ref>. Richie Unterberger d'''{{lang|en|[[AllMusic]]}}'' explique ainsi que ''{{lang|en|Let It Be}}'' est le seul album du groupe à avoir engendré des critiques négatives, et parfois même hostiles<ref group="a">{{en}} [http://www.allmusic.com/cg/amg.dll?p=amg&sql=Aemfozf0heh6k « ''Let It Be'' »], ''[[AllMusic]]''. Consulté le 30 septembre 2010.</ref>. Dans une critique assez sévère du ''{{lang|en|Record Mirror}}'', le {{nobr|9 mai 1970}}, David Skan met en cause le travail de [[Phil Spector]] sur l'album : {{Citation|Le contenu a été trifouillé, ou, selon la pochette, « rafraîchi ». Pour certains, « castré » est le terme approprié, à cause des chœurs ainsi que des harpes, violons{{etc.}} L'idée que les chansons de John et de Paul aient besoin d'une production lisse est une impertinence}}<ref name="mojo">{{Harvsp|Mojo|2005|id=mojo|p=418}}</ref>.
Pour certains critiques de l'époque, notamment le magazine ''{{lang|en|[[Rolling Stone]]}}'', l'album se situe nettement en deçà des productions précédentes du groupe<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=198}}</ref>. L'album est, à l'époque, une relative déception pour les fans, notamment en comparaison avec ''{{lang|en|[[Abbey Road (album)|Abbey Road]]}}'', qui le précède<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=245}}</ref>. Richie Unterberger d'''{{lang|en|[[AllMusic]]}}'' explique ainsi que ''{{lang|en|Let It Be}}'' est le seul album du groupe à avoir engendré des critiques négatives, et parfois même hostiles<ref group="a">{{en}} [http://www.allmusic.com/cg/amg.dll?p=amg&sql=Aemfozf0heh6k « ''Let It Be'' »], ''[[AllMusic]]''. Consulté le 30 septembre 2010.</ref>. Dans une critique assez sévère du ''{{lang|en|Record Mirror}}'', le {{date|9 mai 1970}}, David Skan met en cause le travail de [[Phil Spector]] sur l'album : {{Citation|Le contenu a été trifouillé, ou, selon la pochette, « rafraîchi ». Pour certains, « castré » est le terme approprié, à cause des chœurs ainsi que des harpes, violons{{etc.}} L'idée que les chansons de John et de Paul aient besoin d'une production lisse est une impertinence}}<ref name="mojo">{{Harvsp|Mojo|2005|id=mojo|p=418}}</ref>. Alan Smith du [[New Musical Express]] considère l'album comme étant « une épitaphe de radin, une pierre tombale en carton, une fin triste et défraîchie » (''{{Citation|...a cheapskate epitaph, a cardboard tombstone, a sad and tatty end}}'') pour ce groupe qui a changé la face de la musique pop<ref>{{article|langue=en|prénom=Patrick|nom=Ryan|titre='Let It Be' at 50: Why the Beatles' last album is a 'mess,' but still spawned a masterpiece|jour=08|mois=mai|année=2020|périodique=[[USA Today]]|url=https://www.usatoday.com/story/entertainment/music/2020/05/08/let-be-50th-anniversary-looking-back-beatles-final-album/5174735002/|consulté=13 mai 2024}}.</ref>.


Pourtant, l'album s'attire aussi des avis favorables, sur fond de rumeurs de séparation définitive du groupe. McCartney a en effet, à l'occasion de la sortie de son [[McCartney (album)|premier album solo]], rompu le secret qui tenait depuis {{nobr|septembre 1969}}, à propos du départ de John Lennon. Ainsi, le ''{{lang|en|[[The Times|Times]]}}'' écrit le {{nobr|8 mai 1970}} : {{Citation|Les oiseaux de mauvais augure font courir le bruit que ''{{lang|en|Let It Be}}'' serait le dernier album des Beatles… Ne nous précipitons pas : pour l'instant, leur vitalité, si l'on se base sur ''{{lang|en|Let It Be}}'', est toujours aussi éclatante. […] Les Beatles n'en sont pas encore à racler les fonds de tiroir}}<ref name="mojo"/>. Plus nuancé, Derek Jewell qualifie l'album, dans le {{lang|en|[[The Sunday Times (Royaume-Uni)|Sunday Times]]}} du {{nobr|10 mai}}, de {{citation|testament parfait, qui résume ce que les Beatles ont été en tant qu'artistes : brillants et inégalables à leur summum, négligents et complaisants à leur plus bas}}<ref name="mojo"/>.
Pourtant, l'album s'attire aussi des avis favorables, sur fond de rumeurs de séparation définitive du groupe. McCartney a en effet, à l'occasion de la sortie de son [[McCartney (album)|premier album solo]], rompu le secret qui tenait depuis {{date|septembre 1969}}, à propos du départ de John Lennon. Ainsi, le ''{{lang|en|[[The Times|Times]]}}'' écrit le {{date|8 mai 1970}} : {{Citation|Les oiseaux de mauvais augure font courir le bruit que ''{{lang|en|Let It Be}}'' serait le dernier album des Beatles… Ne nous précipitons pas : pour l'instant, leur vitalité, si l'on se base sur ''{{lang|en|Let It Be}}'', est toujours aussi éclatante. […] Les Beatles n'en sont pas encore à racler les fonds de tiroir}}<ref name="mojo"/>. Plus nuancé, Derek Jewell qualifie l'album, dans le {{lang|en|[[The Sunday Times (Royaume-Uni)|Sunday Times]]}} du {{date|10 mai}}, de {{citation|testament parfait, qui résume ce que les Beatles ont été en tant qu'artistes : brillants et inégalables à leur summum, négligents et complaisants à leur plus bas}}<ref name="mojo"/>.


Avec le temps, les critiques au sujet de l'album évoluent. ''{{lang|en|Rolling Stone}}'', qui avait peu apprécié l'album à sa sortie, le classe, dans les {{nobr|années 2000}}, {{86e}} [[Les 500 plus grands albums de tous les temps selon Rolling Stone|plus grand album de tous les temps]]. Ceci n'en fait pas moins, d'après ce magazine, un album secondaire de la [[discographie des Beatles]], dans la mesure où trois des albums du groupe sont présents dans les cinq meilleures places de ce classement<ref group="a">{{en}} [https://www.rollingstone.com/music/lists/6862/35223 « ''500 Greatest Albums of All Time'' »], ''[[Rolling Stone]]''. Consulté le 20 septembre 2010.</ref>. Lors de la préparation de l'''{{lang|en|[[The Beatles Anthology|Anthology]]}}'', dans les années 1990, les Beatles encore en vie ont eu l'occasion de faire le point sur cet album. [[George Harrison]] a ainsi déclaré que le travail de Phil Spector était {{citation|une très bonne idée}}. [[Ringo Starr]] dit, pour sa part : {{Citation|J'aime ce que Phil a fait. Il a amené la musique ailleurs<ref name="A323"/>.}}
Avec le temps, les critiques au sujet de l'album évoluent. ''{{lang|en|Rolling Stone}}'', qui avait peu apprécié l'album à sa sortie, le classe, dans les {{nobr|années 2000}}, {{86e}} [[Les 500 plus grands albums de tous les temps selon Rolling Stone|plus grand album de tous les temps]]. Ceci n'en fait pas moins, d'après ce magazine, un album secondaire de la [[discographie des Beatles]], dans la mesure où trois des albums du groupe sont présents dans les cinq meilleures places de ce classement<ref group="a">{{en}} [https://www.rollingstone.com/music/lists/6862/35223 « ''500 Greatest Albums of All Time'' »], ''[[Rolling Stone]]''. Consulté le 20 septembre 2010.</ref>. Lors de la préparation de l'''{{lang|en|[[The Beatles Anthology|Anthology]]}}'', dans les {{nobr|années 1990}} , les Beatles encore en vie ont eu l'occasion de faire le point sur cet album. [[George Harrison]] a ainsi déclaré que le travail de Phil Spector était {{citation|une très bonne idée}}. [[Ringo Starr]] dit, pour sa part : {{Citation|J'aime ce que Phil a fait. Il a amené la musique ailleurs<ref name="A323"/>.}}


[[Paul McCartney]] et le producteur [[George Martin]] ne renvoient pas du tout le même son de cloche. Le premier déclare en effet, simplement : {{Citation|J'ai récemment réécouté la version Spector : c'était horrible}}. En revanche, dans le prologue du livre accompagnant l'édition Deluxe de 2021, McCartney affirme que malgré le fait qu'il {{Citation|n'aimait pas certains de ses ajouts, il s'est avéré être un bel album des Beatles}}<ref>Livre accompagnateur de la version Deluxe du disque ''Let It Be'', p.11.</ref>. De son côté, Martin déclare que le travail de Spector revenait à {{citation|ramener les disques des Beatles au niveau du prêt-à-porter […] C'était faire sonner leurs disques comme ceux des autres}}<ref name="A323"/>. Le producteur ironisera : {{citation|''Produced by George Martin, overproduced by Phil Spector''}}<ref>{{article|langue=en|prénom=Sylvain|nom=Cormier|titre=La fin jamais finale des Beatles|jour=19|mois=octobre|année=2021|périodique=[[Le Devoir]]|url=https://www.ledevoir.com/culture/musique/641208/musique-la-fin-jamais-finale-des-beatles|consulté=19 octobre 2021}}.</ref>. Au début des {{nobr|années 2000}}, avec l'accord de George Harrison (juste avant sa mort) et de Ringo Starr, Paul McCartney fait ainsi réaliser par les ingénieurs du son d'Abbey Road une version dénudée de l'album, ''{{lang|en|[[Let It Be... Naked]]}}'', qui parait finalement le {{nobr|18 novembre 2003}}. Elle présente un ordre des morceaux différent et des chansons sans les orchestrations de Spector. Par ailleurs, les passages parlés, ainsi que ''{{lang|en|[[Dig It]]}}'' et ''{{lang|en|[[Maggie May|Maggie Mae]]}}'', sont supprimés, tandis que ''{{lang|en|[[Don't Let Me Down]]}}'', un montage des deux versions enregistrées sur le toit, est intégrée à l'album<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=249}}</ref>. Les critiques sont mitigés : si certains voient là une redécouverte totale de l'album, d'autres parlent plus d'un battage médiatique important pour peu de chose<ref group="a">{{en}} [http://www.metacritic.com/music/let-it-be-naked/critic-reviews « ''Critic reviews for Let It Be... Naked'' »], ''[[Metacritic]]''. Consulté le 20 septembre 2010.</ref>.
[[Paul McCartney]] et le producteur [[George Martin]] ne renvoient pas du tout le même son de cloche. Le premier déclare en effet, simplement : {{Citation|J'ai récemment réécouté la version Spector : c'était horrible}}. En revanche, dans le prologue du livre accompagnant l'édition Deluxe de 2021, McCartney affirme que malgré le fait qu'il {{Citation|n'aimait pas certains de ses ajouts, il s'est avéré être un bel album des Beatles}}<ref>Livre accompagnateur de la version Deluxe du disque ''Let It Be'', p.11.</ref>. De son côté, Martin déclare que le travail de Spector revenait à {{citation|ramener les disques des Beatles au niveau du prêt-à-porter […] C'était faire sonner leurs disques comme ceux des autres}}<ref name="A323"/>. Le producteur ironisera : {{citation|''Produced by George Martin, overproduced by Phil Spector''}}<ref>{{article|langue=en|prénom=Sylvain|nom=Cormier|titre=La fin jamais finale des Beatles|jour=19|mois=octobre|année=2021|périodique=[[Le Devoir]]|url=https://www.ledevoir.com/culture/musique/641208/musique-la-fin-jamais-finale-des-beatles|consulté=19 octobre 2021}}.</ref>. Au début des {{nobr|années 2000}}, avec l'accord de George Harrison (juste avant sa mort) et de Ringo Starr, Paul McCartney fait ainsi réaliser ''{{lang|en|[[Let It Be... Naked]]}}'' par les ingénieurs du son d'Abbey Road, une version « dénudée » de l'album. Parue le {{date|18 novembre 2003}}, elle présente un ordre des morceaux différent sans les orchestrations de Spector (ni de George Martin sur ''Let It Be''). Par ailleurs, les passages parlés, ainsi que ''{{lang|en|[[Dig It]]}}'' et ''{{lang|en|[[Maggie May|Maggie Mae]]}}'', sont supprimés, tandis que ''{{lang|en|[[Don't Let Me Down]]}}'', un montage des deux versions enregistrées sur le toit, est intégrée à l'album<ref>{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=249}}</ref>. Les critiques sont mitigés : si certains voient là une redécouverte de l'album, d'autres parlent plus d'un battage médiatique important pour peu de chose<ref group="a">{{en}} [http://www.metacritic.com/music/let-it-be-naked/critic-reviews « ''Critic reviews for Let It Be... Naked'' »], ''[[Metacritic]]''. Consulté le 20 septembre 2010.</ref>.


== Caractéristiques artistiques ==
== Caractéristiques artistiques ==
=== Analyse musicale ===
=== Analyse musicale ===
[[Fichier:Paul, George & John.png|thumb|left|Le projet ''Get Back'' visait à revenir aux sources du succès des Beatles, avec des morceaux proches de ceux qu'ils jouaient sur scène.]]
[[Fichier:Paul, George & John.png|vignette|left|Le projet ''Get Back'' visait à revenir aux sources du succès des Beatles, avec des morceaux proches de ceux qu'ils jouaient sur scène.]]
Lors de sa réalisation, ''{{lang|en|Let It Be}}'', alors encore appelé ''{{lang|en|Get Back}}'', devait marquer un retour aux fondamentaux des Beatles : un groupe uni jouant du [[rock]]. La période psychédélique de ''{{lang|en|[[Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (album)|Sgt. Pepper]]}}'' et ''{{lang|en|[[Magical Mystery Tour (album)|Magical Mystery Tour]]}}'' se referme, et il n'est pas non plus question que, comme sur l'« ''[[The Beatles (album)|Album blanc]]'' », les membres jouent leurs morceaux chacun de leur côté. Ceci se ressent dans les chansons de l'album : à l'exception de ''{{lang|en|[[I Me Mine]]}}'', enregistrée après le départ de Lennon, toutes sont interprétées par le groupe au complet. Deux des chansons, ''{{lang|en|I Me Mine}}'' et ''{{lang|en|[[For You Blue]]}}'', sont composées et chantées par [[George Harrison]]. Les huit autres sont signées par le duo [[Lennon/McCartney]]. L'album est, avec ''{{lang|en|[[A Hard Day's Night (album)|A Hard Day's Night]]}}'', le seul à ne pas contenir de prestation vocale de [[Ringo Starr]].
Lors de sa réalisation, ''{{lang|en|Let It Be}}'', alors encore appelé ''{{lang|en|Get Back}}'', devait marquer un retour aux fondamentaux des Beatles : un groupe uni jouant du [[rock]]. La période psychédélique de ''{{lang|en|[[Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (album)|Sgt. Pepper]]}}'' et ''{{lang|en|[[Magical Mystery Tour (album)|Magical Mystery Tour]]}}'' définitivement refermé, et il n'est pas non plus question que, comme sur l'« ''[[The Beatles (album)|Album blanc]]'' », les membres jouent leurs morceaux chacun de leur côté. Ceci se ressent dans les chansons de l'album : à l'exception de ''{{lang|en|[[Across the Universe]]}}'' récupérée d'une séance de 1968 et de ''{{lang|en|[[I Me Mine]]}}'', enregistrée après le départ de Lennon, toutes sont interprétées par le groupe au complet. Deux des chansons, ''{{lang|en|I Me Mine}}'' et ''{{lang|en|[[For You Blue]]}}'', sont composées et chantées par [[George Harrison]]. Les huit autres sont signées par le duo [[Lennon/McCartney]]. L'album est, avec ''{{lang|en|[[A Hard Day's Night (album)|A Hard Day's Night]]}}'', le seul à ne pas contenir de prestation vocale de [[Ringo Starr]].


Quatre des chansons de l'album sont des morceaux purement rock, interprétés durant le ''{{lang|en|[[Let It Be (film)|Rooftop Concert]]}}'' : ''{{lang|en|[[Get Back]]}}'', ''{{lang|en|[[Dig a Pony]]}}'', ''{{lang|en|[[One After 909]]}}'' et ''{{lang|en|[[I've Got a Feeling]]}}''. La première est une composition de McCartney préalablement sortie en [[single (musique)|single]]. La seconde est une composition de Lennon assez représentative de ses chansons de l'époque puisqu'elle est consacrée à [[Yoko Ono]]. Comme il l'avait fait auparavant sur ''{{lang|en|[[I Am the Walrus]]}}'', Lennon enchaîne des phrases sans véritable sens servant de préambule au message véritable du texte : « ''{{lang|en|all I want is you}}'' » (« je ne veux que toi »)<ref>{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=213–214}}</ref>. ''{{lang|en|One After 909}}'' date pour sa part de plus de dix ans, et a été composée peu après la rencontre entre les deux compositeurs, en 1957. Déjà enregistrée en 1963, mais laissée de côté, elle est finalement reprise pour cet ultime album<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=28}}</ref>. Il s'agit ainsi d'un retour aux sources du succès du groupe<ref>{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=218}}</ref>. ''{{lang|en|I've Got a Feeling}}'' est, enfin, un amalgame de deux chansons, composées séparément par les deux musiciens<ref>{{harvsp|Steve Turner|1999|p=217}}</ref>.
Quatre des chansons de l'album sont des morceaux purement rock : ''{{lang|en|[[Get Back]]}}'', ''{{lang|en|[[Dig a Pony]]}}'', ''{{lang|en|[[One After 909]]}}'' et ''{{lang|en|[[I've Got a Feeling]]}}'', interprétés durant le ''{{lang|en|[[Let It Be (film)|Rooftop Concert]]}}''. La première est une composition de McCartney préalablement sortie en [[single (musique)|single]]. La seconde est une composition de Lennon assez représentative de ses chansons de l'époque puisqu'elle est consacrée à [[Yoko Ono]]. Comme il l'avait fait auparavant sur ''{{lang|en|[[I Am the Walrus]]}}'', Lennon enchaîne des phrases sans véritable sens servant de préambule au message véritable du texte : « ''{{lang|en|all I want is you}}'' » (« je ne veux que toi »)<ref>{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=213–214}}</ref>. ''{{lang|en|One After 909}}'' date pour sa part de plus de dix ans, et a été composée peu après la rencontre entre les deux compositeurs, en 1957. Déjà enregistrée en 1963, mais laissée de côté, elle est finalement reprise pour cet ultime album<ref>{{Harvsp|Mark Lewisohn|1988|p=28}}</ref>. Il s'agit ainsi d'un retour aux sources du succès du groupe<ref>{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=218}}</ref>. ''{{lang|en|I've Got a Feeling}}'' est, enfin, un amalgame de deux chansons, composées séparément par les deux musiciens<ref>{{harvsp|Steve Turner|1999|p=217}}</ref>. Les prestations ''{{lang|en|live}}'' sur le toit des trois dernières sont entendues sur l'album.


''{{lang|en|[[Two of Us]]}}'' et ''{{lang|en|[[For You Blue]]}}'' sont des chansons plus axées sur la [[guitare acoustique]], l'une [[musique folk|folk]] et l'autre [[blues]], composées respectivement par McCartney et Harrison. ''{{lang|en|[[Let It Be (chanson)|Let It Be]]}}'', présentée au milieu de l'album, est une ballade de McCartney à dominante de [[piano]], qui contraste avec la plupart des autres chansons de l'album. Lorsque celui-ci sort, la chanson est déjà connue du public, étant sortie en single deux mois plus tôt<ref>{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=216}}</ref> dans une version quelque peu différente. Trois autres chansons se démarquent totalement de la volonté d'un album proche des prestations en direct du groupe : ''{{lang|en|[[Across the Universe]]}}'', ''{{lang|en|I Me Mine}}'' et ''{{lang|en|[[The Long and Winding Road]]}}''. Ces chansons sont en effet totalement reprises par le producteur [[Phil Spector]], qui y ajoute orchestres et chœurs. Si ce choix satisfait John Lennon, il ne convient pas du tout à Paul McCartney. Ces chansons ne sont pas les seules à avoir été retouchées par Spector, qui a retravaillé tout l'album, mais ce sont sur celles-ci que les différences sont les plus flagrantes, comme en témoigne la sortie, en 2003, de la version « ''déspectorisée'' » de l'album, ''{{lang|en|[[Let It Be... Naked]]}}''<ref name="turner212">{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=212}}</ref>.
''{{lang|en|[[Two of Us]]}}'' et ''{{lang|en|[[For You Blue]]}}'' sont des chansons plus axées sur la [[guitare acoustique]], l'une [[musique folk|folk]] et l'autre [[blues]], composées respectivement par McCartney et Harrison. ''{{lang|en|[[Let It Be (chanson)|Let It Be]]}}'', présentée au milieu de l'album, est une ballade de McCartney à dominante de [[piano]], qui contraste avec la plupart des autres chansons de l'album. Lorsque celui-ci sort, la chanson est déjà connue du public, étant sortie par [[Aretha Franklin]] le 15 janvier et en single par le groupe en mars dans une version quelque peu différente<ref name="Rybaczewski"/>. Trois autres chansons se démarquent totalement de la volonté d'un album proche des prestations en direct du groupe. ''{{lang|en|[[Across the Universe]]}}'', ''{{lang|en|I Me Mine}}'' et ''{{lang|en|[[The Long and Winding Road]]}}'' sont en effet totalement reprises par le producteur [[Phil Spector]], qui y ajoute orchestres et chœurs. Si ce choix satisfait John Lennon, il ne convient pas du tout à Paul McCartney<ref name="turner212">{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=212}}</ref>.


''{{lang|en|Let It Be}}'' se distingue enfin par les dialogues éparpillés tout au long de l'album pour, justement, rendre compte d'une certaine ambiance ''{{lang|en|live}}'' typique des concerts ou des studios d'enregistrement. C'est la seule et unique fois que ce procédé est utilisé sur un disque des Beatles. L'album s'ouvre ainsi par une annonce humoristique de Lennon avant d'enchaîner sur ''{{lang|en|Two of Us}}''. De même, ''{{lang|en|Dig a Pony}}'' débute sur un faux départ du groupe. Ce concept trouve son apogée dans les deux pistes qui entourent la chanson ''{{lang|en|Let It Be}}''. ''{{lang|en|[[Dig It]]}}'' est en effet un extrait d'une improvisation du groupe au cours d'un « [[Jam session|bœuf]] », tandis que ''{{lang|en|[[Maggie May|Maggie Mae]]}}'' est une rapide [[Liste des chansons reprises par les Beatles|reprise]] d'une chanson traditionnelle de Liverpool<ref>{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=215}}</ref>. ''{{lang|en|Get Back}}'', qui clôt le disque, est introduite par les échauffements du groupe, et la performance se termine par les phrases prononcées par McCartney et Lennon à la fin du concert sur le toit d'Apple : « ''{{lang|en|Thanks Mo'!}}'' » (« Merci Mo ! », à destination de [[Maureen Cox]], épouse de Ringo) et {{Citation étrangère|langue=en|I'd like to say thank you on behalf of the group and ourselves, and I hope we passed the audition!}} ({{Citation|Je voudrais vous remercier au nom du groupe et de nous-mêmes, et j'espère que nous avons réussi l'audition !}}).
''{{lang|en|Let It Be}}'' se distingue enfin par les dialogues éparpillés tout au long de l'album pour, justement, rendre compte d'une certaine ambiance ''{{lang|en|live}}'' voulu par ce concert ou même des séances studios. C'est la seule et unique fois que ce procédé est utilisé sur un disque des Beatles. L'album s'ouvre ainsi par une annonce humoristique de Lennon (''{{Citation|I dig a pygmy...}}'') avant d'enchaîner sur ''{{lang|en|Two of Us}}''. De même, ''{{lang|en|Dig a Pony}}'' débute sur un faux départ du groupe. Ce concept trouve son apogée dans les deux pistes qui entourent la chanson ''{{lang|en|Let It Be}}''. ''{{lang|en|[[Dig It]]}}'' est en effet un extrait d'une improvisation du groupe au cours d'un « [[Jam session|bœuf]] », tandis que ''{{lang|en|[[Maggie May|Maggie Mae]]}}'' est une rapide [[Liste des chansons reprises par les Beatles|reprise]] d'une chanson traditionnelle de Liverpool<ref>{{Harvsp|Steve Turner|1999|p=215}}</ref>. On donne une saveur ''{{lang|en|live}}'' devant public à la version jouée en direct en studio de ''{{lang|en|Get Back}}'', qui clôt le disque, en l'introduisant par les échauffements du groupe sur le toit mêlés à des commentaires tirés des ''outtakes'' studio, et la performance se termine par les phrases prononcées par McCartney et Lennon à la fin du concert sur le toit d'Apple : « ''{{lang|en|Thanks Mo'!}}'' » (« Merci Mo ! », à destination de [[Maureen Cox]], épouse de Ringo) et {{Citation étrangère|langue=en|I'd like to say thank you on behalf of the group and ourselves, and I hope we passed the audition!}} ({{Citation|Je voudrais vous remercier au nom du groupe et de nous-mêmes, et j'espère que nous avons réussi l'audition !}})<ref>{{Lien web|langue=en|auteur=Dave Rybaczewski|titre=Get Back|url=http://www.beatlesebooks.com/get-back|site=Beatles Music History, DKR Products Toledo, Ohio.|consulté=13 mai 2024}}</ref>.


=== Coffret et pochette ===
=== Coffret et pochette ===
La première version de l'album, alors intitulé ''{{lang|en|Get Back}}'', parodiait le concept de la pochette de ''{{lang|en|[[Please Please Me (album)|Please Please Me]]}}'', le tout premier album des Beatles, pour marquer leur retour à leurs racines<ref group="n">Par contre, cette pochette était inconnue aux États-Unis dû à la disparité des versions américaines.</ref>. Six ans plus tard, en {{date-|mai 1969}}, le groupe prend la même pose dans la cage d'escaliers des bureaux d'[[EMI Group|EMI]], penché à la rambarde et regardant le photographe {{lien|lang=en|trad=Angus McBean|fr=Angus McBean|texte=Angus McBean}} en contrebas, arborant maintenant des cheveux longs, ainsi que des barbes ou moustaches<ref name="DI32">{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=32}}</ref>. Cependant, le projet est mis en veilleuse, et lorsqu'il est repris en 1970, une pochette différente est utilisée. Les deux clichés pris dans la cage d'escalier d'EMI en 1963 puis en 1969 sont utilisés sur les compilations ''[[The Beatles 1962–1966]]'' et ''[[The Beatles 1967–1970]]'', parues en 1973<ref name="DI32"/>.
La première version de l'album, alors intitulé ''{{lang|en|Get Back}}'', parodiait le concept de la pochette de ''{{lang|en|[[Please Please Me (album)|Please Please Me]]}}'', le tout premier album des Beatles publié six an plus tôt, afin de marquer leur retour à leurs racines<ref group="n">Par contre, cette pochette était inconnue aux États-Unis dû à la disparité des versions américaines.</ref>. En {{date-|mai 1969}}, le groupe, arborant maintenant des cheveux très longs ainsi que des barbes ou moustaches, prend la même pose dans la cage d'escaliers des bureaux d'[[EMI Group|EMI]], penché à la rambarde et regardant le photographe {{lien|lang=en|trad=Angus McBean|fr=Angus McBean|texte=Angus McBean}} en contrebas<ref name="DI32">{{Harvsp|Daniel Ichbiah|2009|p=32}}</ref>. Contrairement au film, McCartney est maintenant glabre tandis que c'est Lennon qui porte la barbe. Cependant, le projet est mis en veilleuse, et lorsqu'il est repris en 1970, une pochette différente est utilisée. Les deux clichés pris dans la cage d'escalier d'EMI en 1963 puis en 1969 sont utilisés sur les compilations ''[[The Beatles 1962–1966]]'' et ''[[The Beatles 1967–1970]]'', parues en 1973<ref name="DI32"/>.


''{{lang|en|Let It Be}}'' est finalement paru sous la forme d'un coffret, qui n'est aujourd'hui plus disponible. À l'intérieur se trouvait le [[disque microsillon|disque vinyle]] et un livre de {{unité|164|pages}}, intitulé ''{{lang|en|The Beatles Get Back}}'' et contenant des photos d'{{lien|lang=en|trad=Ethan Russell|fr=Ethan Russell|texte=Ethan A. Russell}}<ref group="n">Incluant quelques photos prises en février, montrant McCartney sans la barbe.</ref>, une transcription de quelques dialogues du [[Let It Be (film)|film]], et un texte de Jonathan Cott et {{lien|lang=en|trad=David Dalton (writer)|fr=David Dalton|texte=David Dalton}}<ref group="a" name="jpgr"/>. La colle utilisée pour la reliure avait tendance à s'effriter et, comme le groupe, le livre s'est rapidement désintégré<ref>Peter Doggett, ''{{lang|en|You Never Give Me Your Money - The Beatles After the Breakup}}'', 2010, Harper, {{ISBN|9780061774461}}</ref>. Ce coffret n'était pas disponible aux États-Unis. Un [[beau-livre]] de 240 pages suivant le même concept, accompagnant la sortie du documentaire ''[[The Beatles: Get Back]]'', paraît le 12 octobre 2021<ref>{{article|langue=en|prénom=Daniel |nom=Kreps|titre=‘The Beatles: Get Back’ Docuseries Set for Thanksgiving Release on Disney+|jour=17|mois=juin|année=2021|périodique=[[Rolling Stone]]|url=https://www.rollingstone.com/music/music-news/the-beatles-get-back-docuseries-thanksgiving-release-disney-plus-1185633/|consulté=16 juillet 2021}}.</ref>.
''{{lang|en|Let It Be}}'' est finalement paru sous la forme d'un coffret, qui n'est aujourd'hui plus disponible. À l'intérieur se trouvait le [[disque microsillon|disque vinyle]] et un livre de {{unité|164|pages}} aux dimensions de {{unité|21.5 x 28|cm}} ({{unité|8.5 x 11|pouces}})<ref>https://www.tracks.co.uk/product/b36211-the-beatles-1970-let-it-be-lp-box-set-uk/</ref>, intitulé ''{{lang|en|The Beatles Get Back}}'' et contenant des photos d'{{lien|lang=en|trad=Ethan Russell|fr=Ethan Russell|texte=Ethan A. Russell}}<ref group="n">Incluant quelques photos prises en février, montrant McCartney sans la barbe.</ref>, une transcription de quelques dialogues du [[Let It Be (film)|film]], et un texte de Jonathan Cott et {{lien|lang=en|trad=David Dalton (writer)|fr=David Dalton|texte=David Dalton}}<ref group="a" name="jpgr"/>. La colle utilisée pour la reliure avait tendance à s'effriter et, comme le groupe, le livre s'est rapidement désintégré<ref>Peter Doggett, ''{{lang|en|You Never Give Me Your Money - The Beatles After the Breakup}}'', 2010, Harper, {{ISBN|9780061774461}}</ref>. Ce coffret n'était pas disponible aux États-Unis mais l'édition américaine offre tout de même une pochette ouvrante affichant neuf photos<ref name="Discogs"/>. Un [[beau-livre]] de 240 pages suivant le même concept, accompagnant la sortie du documentaire ''[[The Beatles: Get Back]]'', paraît le 12 octobre 2021<ref>{{article|langue=en|prénom=Daniel |nom=Kreps|titre=‘The Beatles: Get Back’ Docuseries Set for Thanksgiving Release on Disney+|jour=17|mois=juin|année=2021|périodique=[[Rolling Stone]]|url=https://www.rollingstone.com/music/music-news/the-beatles-get-back-docuseries-thanksgiving-release-disney-plus-1185633/|consulté=16 juillet 2021}}.</ref>.


La pochette de l'album, créée par {{Lien|langue=en|trad=John Kosh}}<ref>{{Lien web|langue=en|titre=Beatles Album Art: The Stories Behind 16 Famous LP Covers|url=https://ultimateclassicrock.com/beatles-album-covers/|site=[[Ultimate Classic Rock]]|consulté=24 août 2020}}</ref>, est sobre et présente quatre photographies carrées de chaque ''Beatle'' : [[John Lennon]] en haut à gauche, [[Paul McCartney]] à sa droite, [[Ringo Starr]] en bas à gauche, et [[George Harrison]] à ses côtés. Le reste de la pochette est noir, le nom du groupe est omis et le titre y est inscrit en lettres capitales blanches. L'arrière de la pochette reprend la même disposition de clichés, en présentant cette fois-ci d'autres photographies, cette fois plus petites et en noir et blanc, accompagnant la liste des chansons. Celle-ci est introduite par un court texte, d'ailleurs parsemé d'erreurs [[grammaire|grammaticales]] et de ponctuation<ref group="n">"This is a new phase BEATLES album... essential to the content of the film<u>'''.'''</u> LET IT BE was <u>'''what'''</u> (au lieu de « ''that'' ») they performed live for many of the tracks<u>'''. I'''</u>n comes the warmth and the freshness of a live performance; as reproduced for disc by Phil Spector"</ref>, qui annonce {{citation|une nouvelle phase dans les albums des Beatles}}, présentant {{citation|ce qu'ils jouent en ''{{lang|en|live}}'', reproduit sur disque par [[Phil Spector]]}}. Tout ceci n'est, cependant, que du verbiage commercial. En effet, si le grand public ne le sait pas encore, le groupe n'existe déjà plus depuis un certain temps. De plus, le travail de Phil Spector, qui a effectué beaucoup d'ajouts aux morceaux, trahit le concept initial du disque, comme présenté dans le texte de pochette<ref group="a" name="jpgr"/>. On y rajoute des remerciements à George Martin, Glyn Johns, Billy Preston, Mal Davies (ingénieur de son), {{Lien|langue=en|trad=Peter Brown (music manager)|fr=Peter Brown (administrateur musical)|texte=Peter Brown}}, Richard Hewson et Brian Rogers.
Le design de la pochette de l'album (et de l'affiche du film), créée par {{Lien|langue=en|trad=John Kosh}}<ref>{{Lien web|langue=en|titre=Beatles Album Art: The Stories Behind 16 Famous LP Covers|url=https://ultimateclassicrock.com/beatles-album-covers/|site={{Lien|langue=en|trad=Townsquare Media|texte=Ultimate Classic Rock}}|consulté=24 août 2020}}</ref>, est sobre et présente quatre photographies carrées de chaque ''Beatle'' : [[John Lennon]] en haut à gauche, [[Paul McCartney]] à sa droite, [[Ringo Starr]] en bas à gauche, et [[George Harrison]] à ses côtés. Le reste de la pochette est noir, le nom du groupe est omis et le titre y est inscrit en lettres capitales blanches. L'arrière de la pochette reprend la même disposition de clichés, en présentant cette fois-ci d'autres photographies, cette fois plus petites et en noir et blanc, accompagnant la liste des chansons. On y rajoute des remerciements à George Martin, Glyn Johns, Billy Preston, Mal Davies, {{Lien|langue=en|trad=Peter Brown (music manager)|fr=Peter Brown (administrateur musical)|texte=Peter Brown}}, Richard Hewson et Brian Rogers. L'endos possède aussi un court texte, d'ailleurs parsemé d'erreurs [[grammaire|grammaticales]] et de ponctuation<ref group="n">"This is a new phase BEATLES album... essential to the content of the film<u>'''.'''</u> LET IT BE was <u>'''what'''</u> (au lieu de « ''that'' ») they performed live for many of the tracks<u>'''. I'''</u>n comes the warmth and the freshness of a live performance; as reproduced for disc by Phil Spector"</ref>, qui annonce {{citation|une nouvelle phase dans les albums des Beatles}}, présentant {{citation|ce qu'ils jouent en ''{{lang|en|live}}'', reproduit sur disque par [[Phil Spector]]}}. Tout ceci n'est, cependant, que du verbiage commercial. En effet, si le grand public ne le sait pas encore, le groupe n'existe déjà plus depuis un certain temps. De plus, le travail de Phil Spector, qui a effectué beaucoup d'ajouts aux morceaux, trahis le concept initial du disque, comme présenté dans le texte de pochette<ref group="a" name="jpgr"/>.


== Fiche technique ==
== Fiche technique ==
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* [[George Martin]] : [[Réalisateur artistique|production]]
* [[George Martin]] : [[Réalisateur artistique|production]]
* [[Glyn Johns]] : [[ingénieur du son]], [[mixage audio|mixage]]
* [[Glyn Johns]] : [[ingénieur du son]], [[mixage audio|mixage]]
* [[Alan Parsons]] : ingénieur du son
* [[Alan Parsons]] : technicien à l'enregistrement
* [[Phil Spector]] : production, mixage
* [[Phil Spector]] : production, mixage
* Mal Davies : ingénieur du son


== Rééditions ==
== Rééditions ==
Lors de la [[Rééditions des disques des Beatles#The Beatles Ultimate Collection|réédition]] du catalogue complet du groupe en 1987 en format [[Disque compact|CD]], ce disque a été remastérisé par George Martin et son équipe et publié le {{date-|19 octobre}}, le même jour que l'album ''Abbey Road''.
Lors de la [[Rééditions des disques des Beatles#The Beatles Ultimate Collection|réédition]] du catalogue complet du groupe en 1987 en format [[Disque compact|CD]], ce disque a été remastérisé par George Martin et son équipe et publié le {{date-|19 octobre}}, le même jour que l'album ''Abbey Road''.


Le 17 novembre 2003, une version alternative de l'album, intitulée ''[[Let It Be... Naked]]'', est publiée avec des différences dans l'ordre des chansons et en omettant ''Maggie Mae'' et ''Dig It''. On combine la première partie de la seconde prestation sur le toit de ''[[I've Got a Feeling]]'' avec la fin de la version entendue sur l'album<ref>{{Lien web|langue=en|auteur=Dave Rybaczewski|titre=I've Got a Feeling|url=http://www.beatlesebooks.com/ive-got-a-feeling|site=Beatles Music History, DKR Products Toledo, Ohio.|consulté=09 février 2023}}</ref> et on y rajoute un montage des deux prestations live de ''[[Don't Let Me Down]]'', chanson qui était absente de ''Let It Be''<ref>{{Lien web|langue=en|auteur=Dave Rybaczewski|titre=Don't Let Me Down|url=http://www.beatlesebooks.com/dont-let-me-down|site=Beatles Music History, DKR Products Toledo, Ohio.|consulté=09 février 2023}}</ref>. Les chansons de ce disque sont présentées dans leurs formes épurées, sans les orchestrations de Phil Spector.
Le 17 novembre 2003, une version alternative de l'album, intitulée ''[[Let It Be... Naked]]'', est publiée avec des différences dans l'ordre des chansons et en omettant ''Maggie Mae'' et ''Dig It''. On combine la première partie de la seconde prestation sur le toit de ''[[I've Got a Feeling]]'' avec la fin de la version entendue sur l'album<ref>{{Lien web|langue=en|auteur=Dave Rybaczewski|titre=I've Got a Feeling|url=http://www.beatlesebooks.com/ive-got-a-feeling|site=Beatles Music History, DKR Products Toledo, Ohio.|consulté=09 février 2023}}</ref> et on y rajoute un montage des deux prestations ''{{lang|en|live}}'' de ''[[Don't Let Me Down]]'', chanson qui était absente de ''Let It Be''<ref>{{Lien web|langue=en|auteur=Dave Rybaczewski|titre=Don't Let Me Down|url=http://www.beatlesebooks.com/dont-let-me-down|site=Beatles Music History, DKR Products Toledo, Ohio.|consulté=09 février 2023}}</ref>. Les chansons de ce disque sont présentées dans leurs formes épurées, sans les orchestrations de Phil Spector.


Le {{date-|9 septembre 2009}}, une nouvelle [[Rééditions des disques des Beatles#2009 - The Beatles Boxed Sets|remastérisation]] de ce disque, comme de tous les autres, a été commercialisée. Cette fois, le boîtier en plastique ''[[Emballage de disque optique| {{citation|jewel}}]]'' est remplacé par une pochette cartonnée qui s'ouvre en trois parties; à droite on trouve la pochette pour y insérer le disque et à gauche un repli pour le livret. Celui-ci contient un texte sur l'historique du disque (par Kevin Howlett et Mike Heatley) et un second sur l'enregistrement de l'album (par le producteur Allan Rouse assisté de Howlett). Les photos de la version originale s'y trouvent en plus de plusieurs autres.
Le {{date-|9 septembre 2009}}, une nouvelle [[Rééditions des disques des Beatles#2009 - The Beatles Boxed Sets|remastérisation]] de ce disque, comme de tous les autres, a été commercialisée. Cette fois, le boîtier en plastique ''[[Emballage de disque optique| {{citation|jewel}}]]'' est remplacé par une pochette cartonnée qui s'ouvre en trois parties; à droite on trouve la pochette pour y insérer le disque et à gauche un repli pour le livret. Celui-ci contient un texte sur l'historique du disque (par Kevin Howlett et Mike Heatley) et un second sur l'enregistrement de l'album (par le producteur Allan Rouse assisté de Howlett). Les photos de la version originale s'y trouvent en plus de plusieurs autres.
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==== Version ''Deluxe'' ====
==== Version ''Deluxe'' ====
Cette édition de deux CD inclus l'album originel remixé, en plus d'un livret de 40 pages.
Cette édition sur deux CD inclus l'album originel remixé, un CD de maquettes, de prises alternatives et de dialogues, en plus d'un livret de 40 pages.
{{Album|titre = '''Album remixé'''
{{Album|titre = '''Album remixé'''
|année =
|année =
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==== Version ''Super Deluxe'' ====
==== Version ''Super Deluxe'' ====
Cette version en cinq CD et un [[disque Blu-ray]] comprend toujours l'album originel remixé en plus de deux disques de répétitions, d'improvisations et de pistes de dialogues. La première des trois tentatives par [[Glyn Johns]] de faire un album de ces enregistrements est aussi incluse en plus d'un EP contenant quatre chansons remixées. Une version de quatre 33 tours vinyles {{unité|180|grammes}} et un [[extended play]] {{unité|12|pouces}}, sans le disque Blu-Ray, est aussi disponible. Est également inclus un livre de 105 pages écrit par Kevin Howlett et John Harris<ref name="Apple"/>.
Cette version en cinq CD et un [[disque Blu-ray]] comprend toujours l'album originel remixé en plus de deux disques de répétitions, d'improvisations et de pistes de dialogues. La première des deux tentatives par [[Glyn Johns]] de faire un album de ces enregistrements est aussi incluse en plus d'un EP contenant quatre chansons remixées. Une version de quatre 33 tours vinyles {{unité|180|grammes}} et un [[extended play]] {{unité|12|pouces}}, sans le disque Blu-Ray, est aussi disponible. Est également inclus un livre de 105 pages écrit par Kevin Howlett et John Harris<ref name="Apple"/>.


Toutes les chansons inédites à l'album originel sont créditées à Lennon/McCartney sauf indication contraire.
Toutes les chansons inédites à l'album originel sont créditées à Lennon/McCartney sauf indication contraire.
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* ''[[The Beatles: Get Back]]''
* ''[[The Beatles: Get Back]]''
* [[Discographie des Beatles]]
* [[Discographie des Beatles]]
* ''[[Kum Back]]''


=== Liens externes ===
=== Liens externes ===
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Version du 13 mai 2024 à 17:51

Let It Be
Description de l'image The Beatles, Lei It Be (Logo).png.
Album de The Beatles
Sortie
Enregistré 22 au , 3 et , 23 mars au
Savile Row, Studios EMI, Londres
Durée 35 minutes (approx.)
Genre Pop rock
Folk rock
Blues rock
Format 33 tours
Producteur Phil Spector
Label Apple
Critique

Albums de The Beatles

Albums nord-américains des Beatles

Singles

Let It Be est le douzième et dernier album original publié par les Beatles, paru le en Grande-Bretagne, et dix jours plus tard aux États-Unis. Au moment de sa sortie, le groupe est déjà officiellement séparé. Les chansons présentes sur ce disque ont été enregistrées plus d'un an avant leur parution, l'essentiel étant mis en boîte en , avant la réalisation de l'album Abbey Road, publié en . Pour cette raison, Let It Be n'est pas considéré comme l'ultime album des Beatles, puisqu'il n'est pas le dernier enregistré.

L'album, supposé paraître à l'été 1969 sous le titre Get Back, est conçu au départ comme un retour aux sources : quatre musiciens jouant du rock dans des conditions live, en répétition pour un hypothétique concert. De plus, le tout doit déboucher sur une émission de télévision. Les trois semaines consacrées aux répétitions et à l'enregistrement des chansons se déroulent sous l’œil des caméras de Michael Lindsay-Hogg qui tournent presqu'en continu. L'idée du concert devant public est abandonné remplacé par le fameux concert sur le toit de leur immeuble de Savile Row et le projet d'émission spéciale télévisuelle devient maintenant un documentaire pour le cinéma. John Lennon, Paul McCartney et George Harrison ont apporté un grand nombre de chansons, toutes répétées, dont douze finiront sur cet album, alors que d'autres seront retravaillées de février à l'été 1969 pour Abbey Road, ou encore apparaîtront sur leurs albums respectifs après la séparation du groupe.

Les difficultés, qu'elles soient d'ordre relationnel ou logistique, s'accumulent durant ces sessions. Insatisfaits du résultat, les Beatles abandonnent le projet. Hormis Get Back et Don't Let Me Down, publiées en single en avril 1969, les kilomètres de bandes enregistrées en un mois sont dans un premier temps rangées au placard avant que le nouveau manager du groupe, Allen Klein, sans consulter Paul McCartney, ne décide de les confier au producteur américain Phil Spector. En , Spector post-produit toutes les chansons à sa manière, rejette Don't Let Me Down de la liste, et le 33 tours paraît finalement en mai sous le nom de Let It Be, en même temps que le film du même nom.

Let It Be est aussi l'un des deux albums, avec A Hard Day's Night, sur lequel Ringo Starr ne chante pas. C'est, par ailleurs, l'unique œuvre des Beatles où George Martin, quoique présent du début à la fin du projet, n'est pas crédité en tant que producteur. C'est aussi le seul album où un musicien additionnel, Billy Preston à l'orgue et au piano électrique, est présent sur sept titres et crédité sur le single Get Back. Quant au travail de Phil Spector, il est sujet à controverse et entraîne, 33 ans plus tard sous l'impulsion de Paul McCartney, la publication d'une version « déspectorisée » : Let It Be... Naked.

Ce dernier album officiel des Beatles est initialement commercialisé sous la forme d'un coffret incluant le disque vinyle et un livre. L'album seul n'est disponible qu'en novembre. Il bat tous les records de pré-commandes avant sa parution aux États-Unis où le livre n'est pas disponible. La publication de cet album se fait en parallèle au film Let It Be sorti le en Angleterre et le 13 en Amérique quelques semaines après l'annonce de la séparation du groupe faite par Paul McCartney le . Ce documentaire montre les répétitions et les enregistrements de janvier 1969 et est généralement perçu comme étant le témoignage d'un groupe en train de se disloquer. Le film, qui a été réédité en 1981, est ultimement restauré en 2024 par la même équipe qui, en 2021, a produit The Beatles: Get Back. Tirée des soixante heures d'images, cachées dans les voûtes, cette télésérie de trois épisodes de plus de deux heures chacune, réalisée par Peter Jackson, démontre que ces séances étaient beaucoup moins malsaine et tendues que sa réputation laissait entendre.

Historique

Contexte

Les séances pour l'« Album blanc » sont l'occasion des premières tensions entre les membres du groupe, qui semblent empirer pendant le projet Get Back.

À la suite des pénibles sessions de mai à , consacrées à l'enregistrement de l'« Album blanc », les Beatles comprennent qu'ils traversent une période difficile[1]. Avant que le , John Lennon n'installe sa nouvelle compagne et muse Yoko Ono à ses côtés dans les studios, dès le début des sessions du double album tout simplement titré The Beatles[2], aucune compagne ou épouse n'était admise durant les enregistrements ou les répétitions. Ce disque et sa pochette toute blanche au formidable succès commercial avait été celui des individualités, les Beatles utilisant souvent séparément les trois studios d'Abbey Road pour enregistrer leurs chansons dans une ambiance particulièrement pesante, le groupe jouant rarement au grand complet[3]. Certaines, comme Julia, Blackbird, Good Night ou Mother Nature's Son, avaient même été interprétées par un seul des Beatles[a 1]. À présent, les autres membres du groupe peinent à s'entendre avec Yoko Ono[4] et leurs rapports sont tendus, d'autant plus qu'elle agace aussi l'équipe des studios en émettant des critiques[5].

Devenu le motivateur du groupe, Paul McCartney trouve une solution à cette situation doublement délicate : recoller les morceaux en revenant à ce qui a fait la cohésion et la force des Fab Four, jouer du rock 'n' roll brut, sans user des innombrables techniques de studio qui ont prédominé pendant les trois dernières années[6]. Le principe du projet est donc de jouer ensemble et en direct, comme un vrai groupe rock, bannir toute retouche, interdire les overdubs « watchamacallit » (« what you may call it », « quels que soient le nom que vous leur donnez »), comme dit John Lennon[6]. Les erreurs d'interprétation doivent rester, comme pour montrer que les Beatles ne sont pas parfaits, et l'idée plaît beaucoup à ce dernier[7].

À partir du , les Beatles s'installent donc avec l'équipe de tournage aux studios de cinéma de Twickenham, qu'ils connaissent déjà puisque des scènes de A Hard Day's Night et Help! y ont été tournées. Le tournage s'y déroule durant quinze jours[6]. Cependant, et jusqu'à la fin des sessions, le groupe a beaucoup de mal à se mettre d'accord sur les tenants et les aboutissants du projet : est-ce pour une émission télévisée, un documentaire montrant le processus créatif menant à la publication d'un album, ou des répétitions pour un concert ? Et si concert il doit y avoir, où se tiendra-t-il ? « Sur la lune ! », selon une blague de Lennon. Dans un premier temps, il est décidé de filmer des répétitions pour une émission télévisée qui sera retransmise mondialement, à l'image de ce qui avait été fait pour All You Need Is Love en [8]. Mais, ils doivent, par contrat avec United Artists, un dernier film, à une époque où ils n'ont plus la moindre envie de jouer la comédie. Le documentaire sera donc sorti au cinéma[9].

Enregistrement

Studios de Twickenham

Les répétitions et les premiers enregistrements débutent du 2 au , dans les studios de cinéma de Twickenham, sous les caméras du réalisateur Michael Lindsay-Hogg. Il est chargé de réaliser le documentaire sur les préparatifs du groupe, pour un projet qui porte provisoirement le nom de Get Back[6] à la suite de la création sur place de cette chanson. Lindsay-Hogg a pour ordre de laisser tourner les caméras en permanence, McCartney allant même jusqu'à suggérer divers angles de caméras. Chaque bribe de musique, chaque conversation sont enregistrées, dans le but de fournir le plus d'éléments possibles lors du montage final. Deux caméras, chacune reliée à un magnétophone Nagra disposant d'une bande d'une capacité de 16 minutes, se relayent de manière continue, filmant l'intégralité des sessions. L'ingénieur du son et coproducteur Glyn Johns installe également un studio huit pistes, afin que les Beatles puissent enregistrer les masters de leurs chansons[10].

Avec trois semaines pour préparer une heure de concert, le planning de travail s'avère serré pour les Beatles qui ont pris l'habitude de ne pas se presser en studio[11]. Ils abordent des dizaines et des dizaines de titres, en quelques notes seulement pour certains, discutent, blaguent, se disputent, revisitent des vieux classiques du rock 'n' roll (Rock and Roll Music, Dizzy Miss Lizzy, Be-Bop-A-Lula, Lucille, Whole Lotta Shakin' Goin' On, Sure to Fall), font le bœuf, jouent de tout et de rien, parfois mal et sans conviction[12],[13]. Ils répètent aussi leurs nouvelles chansons, dont certaines seront utilisées sur l'album en préparation (Let It Be, The Long and Winding Road, I Me Mine, For You Blue, Two of Us, I've Got a Feelingetc.); Get Back étant la seule conçue et écrite sur place durant ce mois de janvier[14]. D'autres seront retravaillées à l'été 1969 pour Abbey Road (Maxwell's Silver Hammer, Oh! Darling, Octopus's Garden, I Want You (She's So Heavy), Something ainsi que Mean Mr. Mustard, Polythene Pam, She Came In Through the Bathroom Window, Golden Slumbers et Carry That Weight qui finiront par constituer la majeure partie du medley de la seconde face de Abbey Road) , sans oublier des compositions qui se retrouveront sur les albums solos publiés après la séparation des Beatles, telles All Things Must Pass de Harrison, Gimme Me Some Truth et Child of Nature/On The Road to Marrakech (qui deviendra Jealous Guy) de Lennon, Junk, Teddy Boy, The Back Seat of My Car et Another Day de McCartney[15]. Des compositions inédites et qui ne seront jamais publiées sont également jouées pendant ces répétitions (Suzy Parker, Too Bad About Sorrows ou Commonwealth de Lennon/McCartney et Taking a Trip to Carolina signé Richard Starkey).

Bien que d'un point de vue musical, ces sessions sont particulièrement prolifiques compte tenu du nombre de nouvelles chansons apportées par les trois auteurs principaux, le groupe est toujours miné par les tensions ; tandis que John Lennon achève de se désintéresser du groupe pour Yoko Ono et ses projets solo, Paul McCartney fait preuve d'un dirigisme qui finit par exaspérer les autres. Lui-même reconnaît avoir parfois montré trop d'enthousiasme, et avoue aussi que ses partenaires le trouvaient « trop dominateur »[16]. Les horaires matinaux inhabituels et l'atmosphère froide et austère des studios de Twickenham n'arrangent pas les choses[17]. La présence constante de Yoko aux côtés de John, et dont le comportement frise parfois l'ingérence, participe aussi à la tension ambiante. A posteriori, Lennon explique ainsi avoir fait l'album « comme on va bosser à neuf heures du matin »[18], et décrit les sessions de Twickenham comme « les plus misérables… de la terre », George Harrison déclare que le groupe y a « touché le fond », et McCartney les a vécues comme « très délicates »[19].

Les disputes sont courantes et s'engagent souvent sur des sujets futiles. Le , durant les répétitions de la chanson Two of Us, McCartney fait une remarque à Harrison concernant sa façon de jouer, et celui-ci répond : « Je jouerai ce que tu veux. Et si tu ne veux pas que je joue, je ne jouerai pas du tout ! Tout ce qui te fera plaisir, je le ferai »[20]. Le 10 janvier, exaspéré par ces disputes qui éclatent sous l'œil des caméras, Harrison prend sa guitare et quitte les studios.

« À Twickenham, les Beatles, Yoko, moi et souvent notre cameraman Tony Richmond nous allions souvent déjeuner dans une petite salle en haut des escaliers, près d'un bar où des membres de l'équipe de tournage ou des employés du studio sifflaient une ou deux bières avant d'aller déjeuner de l'autre côté. George était habituellement avec nous, il participait aux conversations, affable et sympathique, intéressé par tout ce qui se tramait, mais le jour où on a discuté du concert en Tunisie, il n'était pas avec nous quand on a commencé à manger. Lors des répétitions du matin, je pouvais sentir par son silence et son retrait que quelque chose mijotait en lui, et comme c'était mon rôle d'être le documentariste, j'ai demandé à notre ingénieur du son de planter un micro dans un pot de fleurs sur la table du déjeuner. On avait fini l'entrée lorsque George est arrivé. Il est resté debout, face à la table. On l'a tous regardé. Il est resté silencieux durant un moment. Puis il nous a dit : « On se verra dans les clubs. » C'était ça ses adieux. Et il est parti. »

— Michael Lindsay-Hogg[21]

Ne le voyant pas revenir, les autres ne savent plus quoi faire, et se lancent dans une improvisation apocalyptique couverte par des « vocalises » de Yoko Ono[22],[a 2]. Lennon envisage de faire venir Eric Clapton en remplacement[16],[22]. Le groupe se réunit finalement chez Ringo Starr pour débloquer la situation, mais la réunion tourne court quand Harrison la quitte, exaspéré par Yoko Ono qui répond à la place de John Lennon[23]. Des négociations aboutissent finalement au retour du guitariste au bout d'une dizaine de jours, sous conditions. Il n'est plus question d'un concert en fin de tournage, comme c'était prévu, ni d'une émission télévisée en mondovision, mais simplement de filmer le groupe en train de préparer et enregistrer son nouvel album. De plus, les Beatles décident de quitter les studios inadaptés de Twickenham pour ceux qu'ils se sont fait construire au sous-sol de leur compagnie, Apple Corps au 3 Savile Row[17].

Savile Row

C'est au sous-sol, puis sur le toit de l'immeuble du 3 Savile Row. que sont enregistrées les chansons de Let It Be.

Lorsque les Beatles se retrouvent au complet au siège d'Apple le , une mauvaise surprise les attend dans leur nouveau studio au sous-sol : ils ont confié la construction de celui-ci à Alexis Marda, surnommé « Magic Alex », un véritable charlatan et un personnage très influent à ce moment dans l'entourage direct du groupe, promu à la tête de la division Apple Electronics. Lorsqu'ils découvrent le résultat, le 20 janvier, ils tombent des nues : Mardas a prétendu construire le premier magnétophone à 72 pistes de l'histoire, mais il s'est en réalité contenté de disposer une vingtaine d'enceintes autour du studio où rien n'est prévu pour des conditions normales d'enregistrement[12]. Mardas a expliqué à Ringo Starr qu'il n'avait plus besoin de panneaux autour de sa batterie (destinés à isoler le son de l'instrument pour éviter les « fuites » vers les autres micros) puisqu'il allait créer tout autour une sorte de « champ de force ». Il n'a pas pensé non plus à isoler le chauffage central, qui doit être coupé pour ne pas émettre des bruits sur la bande d'enregistrement. Sa console de mixage, ouvragée au marteau, est bonne pour la poubelle ; elle est revendue cinq livres sterling à un magasin de seconde zone[12]. Deux tables de mixages quatre pistes sont empruntés en catastrophe à EMI pour y brancher le magnétophone huit pistes de Harrison, le câblage est réalisé tant bien que mal (aucun trou n'a été percé entre la cabine et la salle d'enregistrement), et les Beatles se mettent au travail, avec l'ingénieur du son Glyn Johns et le technicien Alan Parsons aux manettes[12],[24].

George Harrison invite un vieil ami du groupe, le claviériste américain Billy Preston, rencontré en 1962 à Hambourg, alors qu'encore adolescent, il jouait avec Little Richard dans le même club que les jeunes musiciens de Liverpool, le Star-Club[12],[25], à passer les voir au studio. Les musiciens lui proposent de les accompagner, il accepte avec joie. Comme lorsque Eric Clapton était venu exécuter un solo de guitare sur While My Guitar Gently Weeps un an plus tôt, le groupe oublie un temps ses tensions. George Harrison explique par la suite que la présence d'un musicien extérieur pousse toujours les Beatles à bien se conduire entre eux[26], et qu'il y a « littéralement 100 % d'amélioration dans l'atmosphère de la salle »[27]. De plus, les conditions live rendent la présence d'un cinquième instrument, le clavier, fort bienvenue.

À partir du 22 janvier, toutes les chansons qui figurent sur le disque sont donc enregistrées. Billy Preston apporte beaucoup au groupe, humainement et musicalement. Il atténue en effet les tensions entre les Beatles, mais surtout, selon George Martin, son travail, « sur [la chanson] Get Back, justifie à lui seul sa présence »[28]. Ce jour-là, les cinq musiciens enregistrent les premières versions de plusieurs chansons de Let It Be, ainsi qu'un instrumental intitulé Rocker et un succès des Drifters, Save the Last Dance for Me, tous deux inclus sur l'album original Get Back, mais évincés de la version finale de l'album[12].

La chanson Get Back est enregistrée pour la première fois le 23 janvier, bien qu'aucune prise de ce jour-là ne soit utilisée sur l'album[24]. Dès le lendemain, le groupe enregistre les versions de Two of Us, Dig a Pony et I've Got a Feeling[24]. La version de Maggie Mae qui apparaît sur l'album est mise en boîte le 24 janvier, entre deux prises de Two of Us. Une chanson de McCartney, Teddy Boy, est également enregistrée et incluse sur l'ébauche Get Back. Détestée par les autres Beatles, spécialement par John Lennon, elle est évincée de l'album paru en et reprise un mois avant la sortie de Let It Be surMcCartney, le premier album solo de Paul[24],[29].

Du 23 au 29 janvier, les Beatles enregistrent plusieurs prises des chansons studio qui figurent sur l'album, comme For You Blue le 25, mais aussi quelques versions de chansons qui sont finalement interprétées le 30 janvier sur le toit d'Apple, comme I've Got a Feeling[30]. La version de Dig It présente sur le disque est un extrait d'un bœuf de plus de dix minutes, enregistré le 26 ; le même jour, le groupe reprend également des titres de ses anciens albums tels que You've Really Got a Hold on Me, de l'album With the Beatles[31]. La version de Get Back utilisée pour le single et sur l'album est enregistrée le 27[32].

Quant à Across the Universe, si elle est répétée par le groupe entier lors de ces sessions de , c'est bien la version enregistrée aux studios EMI par John Lennon avec sa guitare acoustique le , et complétée quatre jours plus tard, qui va paraitre sur l'album, après retraitement par Phil Spector[33].

Concert sur le toit

Le temps de conclure le tournage du film approche, et le groupe n'arrive pas à trouver de solution qui fasse l'unanimité. Le documentaire de Peter Jackson, The Beatles : Get Back montre que le , le réalisateur Michael Lindsay-Hogg et l'ingénieur du son Glyn Johns viennent exposer leur idée à Paul McCartney : la solution la plus simple ne serait-elle pas de monter quelques étages et de faire ce concert sur le toit du bâtiment ? Ils s'y rendent avec Ringo Starr pour étudier la faisabilité, conscients du bruit qui sera produit et du risque d'être interrompus par la police. Dans un premier temps, la solution semble plaire à tout le monde, mais par la suite, Harrison et McCartney affichent leur réticence et les discussions se poursuivent jusqu'à la dernière minute. La date choisie pour cette prestation est le mercredi mais la météo obligera à la repousser d'un jour[32]. Ils s'exécutent donc le vers midi[34], accompagnés de Billy Preston. Ils interprètent Get Back, Don't Let Me Down, I've Got a Feeling, One After 909 et Dig a Pony, certaines chansons étant jouées plusieurs fois. Ils concluent finalement par une troisième version de Get Back[32],[a 3]. C'est la dernière fois que les Beatles se produisent ensemble, en concert et en dehors des studios, et bien que seul le personnel technique présent autour d'eux, quelques proches, ainsi que de rares personnes téméraires qui ont réussi à grimper sur les toits voisins y assistent, le Rooftop Concert est leur ultime prestation publique. Elle dure 42 minutes en tout.

En contrebas de l'immeuble, la foule s'amasse en regardant en l'air. Des passants montent sur les toits et bloquent les rues pour assister à cette prestation improvisée. La police, qui reçoit des plaintes pour cause de vacarme, finit par intervenir pour demander le retour à la normale. En prévision d'un événement semblable, une caméra a été installée à l'entrée du bâtiment d'Apple. Dans le film, on voit donc Mal Evans, assistant du groupe, s'occuper de négocier avec les agents de police pour que le groupe puisse terminer ses prises.

« Quand ils sont arrivés, j'étais en train de jouer, et je me suis dit : « Super, j'espère qu'ils vont m'embarquer ». Je voulais que les flics m'embarquent — « dégagez de cette batterie ! » — parce qu'on était filmés et que ça aurait vraiment eu de la gueule de les voir virer les cymbales et tout le matériel. »

— Ringo Starr[35].

Le concert se conclut cependant de façon pacifique. Les versions jouées en plein air de One After 909, Dig a Pony et I've Got a Feeling sont celles que l'on entend sur l'album[32]. Des sons d'ambiance sont rajoutés à l'enregistrement studio de Get Back pour lui donner l'impression d'y avoir été enregistrée.

« Ce fut un des plus beaux et des plus excitants jours de ma vie. Voir les Beatles jouer ensemble et recevoir la réaction instantanée des gens autour d'eux, cinq caméras sur le toit, d'autres en pleine rue… c'était juste incroyable. Une journée magique, magique ! »

— Alan Parsons, à l'époque jeune ingénieur du son assistant employé d'EMI[32].

Par la suite, Alan Parsons mixera l'album suivant Abbey Road qui sort en fin d'année 1969.

Les enregistrements s'achèvent dans le studio de fortune du sous-sol de l'immeuble, le lendemain. Trois chansons (Two of Us, The Long and Winding Road et Let It Be) sont de nouveau mises en boîte, et ce sont ces prises du qui apparaissent sur l'album[36].

De ces sessions subsistent le film Let It Be et la télésérie The Beatles: Get Back, les vidéoclips de certaines des chansons, d'innombrables vidéos, issues ou non de ce qui a été monté dans ces films, et des disques pirates contenant l'intégralité des répétitions, des discussions et des enregistrements captés par les magnétophones Nagra qui tournaient en continu[12], ce qui représente dix-sept volumes intitulés The Complete Get Back Sessions[a 4].

Abandon et achèvement

Premiers essais et mise au placard

Durant ce mois de janvier, Glyn Johns présente une ébauche sommaire de son concept d'album qui comprendrait certaines des prises incomplètes et des extraits de discussions, mais elle unanimement refusée. Après ces séances, la production de l'album s'annonce laborieuse. Le groupe se ravise et confie donc à Johns la charge de tirer quelque chose des enregistrements, basée sur l'ébauche précédente[37]. Comme l'explique John Lennon, les prises sont très nombreuses dans la mesure où tout a été enregistré durant le tournage du film, au sous-sol et sur le toit du bâtiment d'Apple, et les 29 heures de bandes à trier découragent tout le monde. Il poursuit en disant : « Je me suis dit que ça serait bien de la sortir, cette version merdique. Ça casserait les Beatles, ça casserait le mythe »[38]. Glyn Johns commence à travailler sur l'album Get Back en et propose une première version toujours avec des prises incomplètes et des dialogues[37] qui inclus des chansons qui ne seront ultimement pas publiées par les Beatles; la pièce originale Teddy Boy et la reprise The Walk (en)[39]. Il mixera aussi, Shake Rattle And Roll, Kansas City, Miss Ann, Lawdy Miss Clawdy, Rocker et Save the Last Dance for Me[40],[41] sans pour autant les inclure dans cet album[n 2]. Naïvement, John Lennon remet cette ébauche à un journaliste américain en septembre 1969 et elle est diffusée à la radio. Enregistré par des fans, un bootleg intitulé Kum Back a été distribué sur le marché gris[37]. Cependant, la publication de l'album est plusieurs fois repoussée afin de coïncider avec la sortie du film[38].

Un 45 tours couplant les versions studio de Get Back et Don't Let Me Down issu des enregistrements de janvier 1969, coproduit par George Martin et Glyn Johns, sort cependant le [42]. Le communiqué de presse indique que ce single présente les Beatles « tel que la nature l'a destiné » (« The Beatles as nature intended »).

Subséquemment, les Beatles se désintéressent totalement du projet Get Back, dont ils ne pensent rien tirer. Sentant la fin du groupe proche, ils décident de se pencher sur un nouvel album réalisé avec l'aide de George Martin et de Geoff Emerick, en revenant aux modes de production sophistiqués qui ont fait le succès de leurs précédents opus[43]. Les enregistrements débutent fin février et se concentrent principalement en juillet et août aux studios EMI[44], pour aboutir à la sortie de l'album Abbey Road le , repoussant de fait à nouveau une éventuelle sortie de Get Back[45], dont les bandes restent au placard. Tout porte alors à croire que Abbey Road est le dernier album des Beatles ; bien que le grand public ne soit pas encore au courant, Lennon met fin au groupe ce mois-là en annonçant son départ définitif à ses partenaires[46].

En , Glyn Johns refait une ultime tentative afin que l'album soit aligné à la bande-son du documentaire mais encore une fois, cette ébauche est mise de côté[37]. Elle sera incluse, cinquante ans plus tard, dans l'édition Deluxe de la réédition de l'album Let It Be[47]).

Reprise par Phil Spector

Depuis 1969, les Beatles ont un nouveau manager, Allen Klein, qui ne fait pas l'unanimité dans le groupe. S'il a été fortement recommandé par Lennon, et accepté par Harrison et Starr, il est désapprouvé par McCartney qui lui préférerait son beau-père, Lee Eastman, et qui refuse de signer le moindre contrat avec Klein. De grands changements sont opérés par Klein, qui congédie notamment Mal Evans, assistant et ami des Beatles depuis de nombreuses années[48]. Bien que John Lennon ait mis fin aux Beatles (ce qui restera secret jusqu'au ), Klein désire voir sortir un dernier album. Puisque George Martin n'a travaillé que partiellement sur le projet Get Back[12], et que les deux tentatives de Glyn Johns ont été rejetées, il décide de faire appel à un nouveau producteur[49]. C'est en trio que les Beatles effectuent, les 3 et , leur ultime séance en tant que groupe actif. George Harrison, Paul McCartney et Ringo Starr enregistrent une courte version en studio de I Me Mine, puisqu'une version préliminaire de cette chanson sera entendue dans le documentaire[50]. Dans les outtakes, on entend George Harrison lâcher une plaisanterie, entendue sur Anthology 3, concernant le départ de Lennon : « Vous aurez tous lu que Dave Dee n'est plus avec nous. Mais Micky, Tich et moi-même voudrions juste poursuivre le bon travail qui a toujours été réalisé dans le [studio] no 2 ». Ces noms, attribués à ses partenaires par le guitariste, fait référence au groupe britannique populaire du moment, Dave Dee, Dozy, Beaky, Mick and Tich[a 5], duquel le premier venait justement de quitter[51].

Le producteur finalement choisi par Allen Klein, qui ne daigne pas consulter Paul McCartney à ce sujet, est le très renommé Phil Spector[52]. Celui-ci est notamment apprécié par John Lennon qui a eu l'occasion de travailler avec lui sur son single Instant Karma! en . Tandis que Spector se met au travail sur l'album, le dernier single des Beatles sort le . Il s'agit de Let It Be/You Know My Name (Look Up the Number). La version de Let It Be présente sur le single est celle qui a été travaillée auparavant par George Martin[53].

Lors d'une grande séance d'overdubs le à Abbey Road, Spector ajoute un orchestre de dix-huit violons, quatre altos, quatre violoncelles, trois trompettes, trois trombones, deux guitares, et un chœur de quatorze chanteuses sur The Long and Winding Road, I Me Mine et Across the Universe[54]. Un seul Beatle est présent, Ringo Starr, appelé à doubler ses parties de batterie sur l'ensemble de ces titres[54]. Les arrangements et la direction de l'orchestre des deux premiers sont effectués par Richard Anthony Hewson, tandis que Brian Rogers s'occupe du dernier titre. John Barham (en) a pour sa part effectué les arrangements de la chorale de cette séance[55]. Phil Spector s'éloigne alors du concept original du projet épuré Get Back[54]. La chanson homonyme parue depuis déjà un an fait en sorte que le titre de l'album est changé à Let It Be et inclus une version différente de cette chanson du plus récent single[56].

Les réactions au sujet du traitement réservé aux chansons par Phil Spector sont partagées. John Lennon en est fort satisfait : selon lui, « on lui a refilé le truc le plus minable, un tas de boue mal enregistré, sans aucun feeling, et il en a tiré quelque chose. Il a fait un super boulot[57]. » George Harrison et Ringo Starr sont également satisfaits du travail de Spector. À l'inverse, Paul McCartney, Glyn Johns et George Martin sont outrés, et voient dans ces ajouts une altération totale du concept de départ, qui voulait que l'album reprenne l'essence des performances live du groupe[58]. Les retouches faites à The Long and Winding Road choquent particulièrement McCartney, qui demande expressément à Allen Klein de les retirer. « Ne refaites plus jamais ça ! », écrit-il en conclusion de la lettre qu'il lui expédie chez Apple. Mais Klein n'en tient pas compte. En fin d'année, le traitement réservé à sa chanson fera partie des six raisons évoquées en justice par Paul pour prononcer la dissolution juridique du groupe[52].

Parution et réception

Succès commercial

Let It Be paraît donc le sous la forme d'un coffret comprenant un livre de 164 pages contenant des photographies des séances de janvier 1969. Aux États-Unis, il est distribué par la United Artists, mais avec l'étiquette rouge d'Apple sur laquelle est inscrit « Reproduced for disc by Phil Spector »[59],[n 3], et paraît le sans le livre accompagnateur[60]. L'album seul n'est disponible au Royaume-Uni que le [a 6]. Comme le commente Ringo Starr, « en , Let It Be a été le dernier album édité, alors que bien sûr, Abbey Road avait été le dernier enregistré. Ça montre comme le monde est bizarre — que l'avant-dernier album sorte le dernier, et que le dernier sorte avant lui. On s'est séparés après Abbey Road alors qu'on n'envisageait pas vraiment de se séparer pendant qu'on faisait le précédent. Tout ça est très étrange[57] ».

Bien que le coffret soit vendu un tiers plus cher que les albums habituels, il prend la première place des ventes dès le , et ce pour les trois semaines suivantes[a 6],[a 7]. Si, du fait de sa forme inhabituelle, le coffret se vend moins bien en Angleterre, aux États-Unis sous forme d'album simple, il bat tous les records de pré-commandes dans l'histoire de l'industrie du disque, avec 3 700 000 exemplaires[61],[a 6]. Celui-ci, comme la version simple de l'album parue en novembre, se maintient en tout 59 semaines dans les hit-parades britanniques, et pendant 55 semaines aux États-Unis[a 8]. Par ailleurs, les singles Get Back, Let It Be et The Long and Winding Road — ce dernier est uniquement paru aux États-Unis — atteignent le sommet des ventes[62]. Enfin, la bande originale du film Let It Be reçoit en 1971 le Grammy Award de la meilleure musique de film. Seul Beatle présent à la cérémonie, Paul McCartney, accompagnée par Linda, recevra le prix des mains de John Wayne[a 9]. Elle gagnera également l'Oscar de la meilleure partition de chansons originales en 1971, prix accepté par Quincy Jones pour les Beatles qui sont tous absents lors de la cérémonie.

Accueil critique

Pour certains critiques de l'époque, notamment le magazine Rolling Stone, l'album se situe nettement en deçà des productions précédentes du groupe[63]. L'album est, à l'époque, une relative déception pour les fans, notamment en comparaison avec Abbey Road, qui le précède[64]. Richie Unterberger d'AllMusic explique ainsi que Let It Be est le seul album du groupe à avoir engendré des critiques négatives, et parfois même hostiles[a 10]. Dans une critique assez sévère du Record Mirror, le , David Skan met en cause le travail de Phil Spector sur l'album : « Le contenu a été trifouillé, ou, selon la pochette, « rafraîchi ». Pour certains, « castré » est le terme approprié, à cause des chœurs ainsi que des harpes, violons, etc. L'idée que les chansons de John et de Paul aient besoin d'une production lisse est une impertinence »[65]. Alan Smith du New Musical Express considère l'album comme étant « une épitaphe de radin, une pierre tombale en carton, une fin triste et défraîchie » (« ...a cheapskate epitaph, a cardboard tombstone, a sad and tatty end ») pour ce groupe qui a changé la face de la musique pop[66].

Pourtant, l'album s'attire aussi des avis favorables, sur fond de rumeurs de séparation définitive du groupe. McCartney a en effet, à l'occasion de la sortie de son premier album solo, rompu le secret qui tenait depuis , à propos du départ de John Lennon. Ainsi, le Times écrit le  : « Les oiseaux de mauvais augure font courir le bruit que Let It Be serait le dernier album des Beatles… Ne nous précipitons pas : pour l'instant, leur vitalité, si l'on se base sur Let It Be, est toujours aussi éclatante. […] Les Beatles n'en sont pas encore à racler les fonds de tiroir »[65]. Plus nuancé, Derek Jewell qualifie l'album, dans le Sunday Times du , de « testament parfait, qui résume ce que les Beatles ont été en tant qu'artistes : brillants et inégalables à leur summum, négligents et complaisants à leur plus bas »[65].

Avec le temps, les critiques au sujet de l'album évoluent. Rolling Stone, qui avait peu apprécié l'album à sa sortie, le classe, dans les années 2000, 86e plus grand album de tous les temps. Ceci n'en fait pas moins, d'après ce magazine, un album secondaire de la discographie des Beatles, dans la mesure où trois des albums du groupe sont présents dans les cinq meilleures places de ce classement[a 11]. Lors de la préparation de l'Anthology, dans les années 1990 , les Beatles encore en vie ont eu l'occasion de faire le point sur cet album. George Harrison a ainsi déclaré que le travail de Phil Spector était « une très bonne idée ». Ringo Starr dit, pour sa part : « J'aime ce que Phil a fait. Il a amené la musique ailleurs[57]. »

Paul McCartney et le producteur George Martin ne renvoient pas du tout le même son de cloche. Le premier déclare en effet, simplement : « J'ai récemment réécouté la version Spector : c'était horrible ». En revanche, dans le prologue du livre accompagnant l'édition Deluxe de 2021, McCartney affirme que malgré le fait qu'il « n'aimait pas certains de ses ajouts, il s'est avéré être un bel album des Beatles »[67]. De son côté, Martin déclare que le travail de Spector revenait à « ramener les disques des Beatles au niveau du prêt-à-porter […] C'était faire sonner leurs disques comme ceux des autres »[57]. Le producteur ironisera : « Produced by George Martin, overproduced by Phil Spector »[68]. Au début des années 2000, avec l'accord de George Harrison (juste avant sa mort) et de Ringo Starr, Paul McCartney fait ainsi réaliser Let It Be... Naked par les ingénieurs du son d'Abbey Road, une version « dénudée » de l'album. Parue le , elle présente un ordre des morceaux différent sans les orchestrations de Spector (ni de George Martin sur Let It Be). Par ailleurs, les passages parlés, ainsi que Dig It et Maggie Mae, sont supprimés, tandis que Don't Let Me Down, un montage des deux versions enregistrées sur le toit, est intégrée à l'album[69]. Les critiques sont mitigés : si certains voient là une redécouverte de l'album, d'autres parlent plus d'un battage médiatique important pour peu de chose[a 12].

Caractéristiques artistiques

Analyse musicale

Le projet Get Back visait à revenir aux sources du succès des Beatles, avec des morceaux proches de ceux qu'ils jouaient sur scène.

Lors de sa réalisation, Let It Be, alors encore appelé Get Back, devait marquer un retour aux fondamentaux des Beatles : un groupe uni jouant du rock. La période psychédélique de Sgt. Pepper et Magical Mystery Tour définitivement refermé, et il n'est pas non plus question que, comme sur l'« Album blanc », les membres jouent leurs morceaux chacun de leur côté. Ceci se ressent dans les chansons de l'album : à l'exception de Across the Universe récupérée d'une séance de 1968 et de I Me Mine, enregistrée après le départ de Lennon, toutes sont interprétées par le groupe au complet. Deux des chansons, I Me Mine et For You Blue, sont composées et chantées par George Harrison. Les huit autres sont signées par le duo Lennon/McCartney. L'album est, avec A Hard Day's Night, le seul à ne pas contenir de prestation vocale de Ringo Starr.

Quatre des chansons de l'album sont des morceaux purement rock : Get Back, Dig a Pony, One After 909 et I've Got a Feeling, interprétés durant le Rooftop Concert. La première est une composition de McCartney préalablement sortie en single. La seconde est une composition de Lennon assez représentative de ses chansons de l'époque puisqu'elle est consacrée à Yoko Ono. Comme il l'avait fait auparavant sur I Am the Walrus, Lennon enchaîne des phrases sans véritable sens servant de préambule au message véritable du texte : « all I want is you » (« je ne veux que toi »)[70]. One After 909 date pour sa part de plus de dix ans, et a été composée peu après la rencontre entre les deux compositeurs, en 1957. Déjà enregistrée en 1963, mais laissée de côté, elle est finalement reprise pour cet ultime album[71]. Il s'agit ainsi d'un retour aux sources du succès du groupe[72]. I've Got a Feeling est, enfin, un amalgame de deux chansons, composées séparément par les deux musiciens[73]. Les prestations live sur le toit des trois dernières sont entendues sur l'album.

Two of Us et For You Blue sont des chansons plus axées sur la guitare acoustique, l'une folk et l'autre blues, composées respectivement par McCartney et Harrison. Let It Be, présentée au milieu de l'album, est une ballade de McCartney à dominante de piano, qui contraste avec la plupart des autres chansons de l'album. Lorsque celui-ci sort, la chanson est déjà connue du public, étant sortie par Aretha Franklin le 15 janvier et en single par le groupe en mars dans une version quelque peu différente[56]. Trois autres chansons se démarquent totalement de la volonté d'un album proche des prestations en direct du groupe. Across the Universe, I Me Mine et The Long and Winding Road sont en effet totalement reprises par le producteur Phil Spector, qui y ajoute orchestres et chœurs. Si ce choix satisfait John Lennon, il ne convient pas du tout à Paul McCartney[61].

Let It Be se distingue enfin par les dialogues éparpillés tout au long de l'album pour, justement, rendre compte d'une certaine ambiance live voulu par ce concert ou même des séances studios. C'est la seule et unique fois que ce procédé est utilisé sur un disque des Beatles. L'album s'ouvre ainsi par une annonce humoristique de Lennon (« I dig a pygmy... ») avant d'enchaîner sur Two of Us. De même, Dig a Pony débute sur un faux départ du groupe. Ce concept trouve son apogée dans les deux pistes qui entourent la chanson Let It Be. Dig It est en effet un extrait d'une improvisation du groupe au cours d'un « bœuf », tandis que Maggie Mae est une rapide reprise d'une chanson traditionnelle de Liverpool[74]. On donne une saveur live devant public à la version jouée en direct en studio de Get Back, qui clôt le disque, en l'introduisant par les échauffements du groupe sur le toit mêlés à des commentaires tirés des outtakes studio, et la performance se termine par les phrases prononcées par McCartney et Lennon à la fin du concert sur le toit d'Apple : « Thanks Mo'! » (« Merci Mo ! », à destination de Maureen Cox, épouse de Ringo) et « I'd like to say thank you on behalf of the group and ourselves, and I hope we passed the audition! » (« Je voudrais vous remercier au nom du groupe et de nous-mêmes, et j'espère que nous avons réussi l'audition ! »)[75].

Coffret et pochette

La première version de l'album, alors intitulé Get Back, parodiait le concept de la pochette de Please Please Me, le tout premier album des Beatles publié six an plus tôt, afin de marquer leur retour à leurs racines[n 4]. En , le groupe, arborant maintenant des cheveux très longs ainsi que des barbes ou moustaches, prend la même pose dans la cage d'escaliers des bureaux d'EMI, penché à la rambarde et regardant le photographe Angus McBean (en) en contrebas[76]. Contrairement au film, McCartney est maintenant glabre tandis que c'est Lennon qui porte la barbe. Cependant, le projet est mis en veilleuse, et lorsqu'il est repris en 1970, une pochette différente est utilisée. Les deux clichés pris dans la cage d'escalier d'EMI en 1963 puis en 1969 sont utilisés sur les compilations The Beatles 1962–1966 et The Beatles 1967–1970, parues en 1973[76].

Let It Be est finalement paru sous la forme d'un coffret, qui n'est aujourd'hui plus disponible. À l'intérieur se trouvait le disque vinyle et un livre de 164 pages aux dimensions de 21,5 × 28 cm (8,5 × 11 pouces)[77], intitulé The Beatles Get Back et contenant des photos d'Ethan A. Russell (en)[n 5], une transcription de quelques dialogues du film, et un texte de Jonathan Cott et David Dalton (en)[a 6]. La colle utilisée pour la reliure avait tendance à s'effriter et, comme le groupe, le livre s'est rapidement désintégré[78]. Ce coffret n'était pas disponible aux États-Unis mais l'édition américaine offre tout de même une pochette ouvrante affichant neuf photos[59]. Un beau-livre de 240 pages suivant le même concept, accompagnant la sortie du documentaire The Beatles: Get Back, paraît le 12 octobre 2021[79].

Le design de la pochette de l'album (et de l'affiche du film), créée par John Kosh (en)[80], est sobre et présente quatre photographies carrées de chaque Beatle : John Lennon en haut à gauche, Paul McCartney à sa droite, Ringo Starr en bas à gauche, et George Harrison à ses côtés. Le reste de la pochette est noir, le nom du groupe est omis et le titre y est inscrit en lettres capitales blanches. L'arrière de la pochette reprend la même disposition de clichés, en présentant cette fois-ci d'autres photographies, cette fois plus petites et en noir et blanc, accompagnant la liste des chansons. On y rajoute des remerciements à George Martin, Glyn Johns, Billy Preston, Mal Davies, Peter Brown (en), Richard Hewson et Brian Rogers. L'endos possède aussi un court texte, d'ailleurs parsemé d'erreurs grammaticales et de ponctuation[n 6], qui annonce « une nouvelle phase dans les albums des Beatles », présentant « ce qu'ils jouent en live, reproduit sur disque par Phil Spector ». Tout ceci n'est, cependant, que du verbiage commercial. En effet, si le grand public ne le sait pas encore, le groupe n'existe déjà plus depuis un certain temps. De plus, le travail de Phil Spector, qui a effectué beaucoup d'ajouts aux morceaux, trahis le concept initial du disque, comme présenté dans le texte de pochette[a 6].

Fiche technique

Liste des chansons

Toutes les chansons sont écrites et composées par John Lennon et Paul McCartney, sauf mention contraire.

Face 1
NoTitreAuteurChant principalDurée
1.Two of UsJohn Lennon, Paul McCartney3:37
2.Dig a PonyJohn Lennon3:55
3.Across the UniverseJohn Lennon3:49
4.I Me MineGeorge HarrisonGeorge Harrison2:26
5.Dig ItJohn Lennon, Paul McCartney,
George Harrison, Ringo Starr
John Lennon0:50
6.Let It BePaul McCartney4:00
7.Maggie MaeTraditionnel, arr. The BeatlesJohn Lennon0:41
Face 2
NoTitreAuteurChant principalDurée
8.I've Got a FeelingJohn Lennon, Paul McCartney3:37
9.One After 909John Lennon, Paul McCartney2:56
10.The Long and Winding RoadPaul McCartney3:37
11.For You BlueGeorge HarrisonGeorge Harrison2:33
12.Get BackPaul McCartney3:07

The Beatles

  • John Lennon : chant, chœurs, guitare rythmique, guitare solo sur Get Back, guitare lap steel sur For You Blue, guitare acoustique sur Two of Us, Across the Universe et Maggie Mae, basse six cordes sur Dig It, Let It Be et The Long and Winding Road, sifflement sur Two of Us
  • Paul McCartney : chant, chœurs, basse, guitare acoustique sur Two of Us et Maggie Mae, piano sur Dig It, Across the Universe, Let It Be, The Long and Winding Road et For You Blue, orgue Hammond sur I Me Mine, piano électrique sur I Me Mine et Let It Be, maracas sur Let It Be
  • George Harrison : guitares solo et rythmique, guitare acoustique sur For You Blue et I Me Mine, tambura sur Across the Universe, chant sur I Me Mine et For You Blue, chœurs
  • Ringo Starr : batterie, percussions sur Across The Universe

Musiciens additionnels

Selon le livret accompagnant l'album :

  • Richard Anthony Hewson : arrangements de cordes et cuivres sur I Me Mine et The Long and Winding Road
  • Brian Rogers : arrangements de cordes et cuivres sur Across The Universe
  • John Barham : arrangements des chœurs sur Across The Universe, I Me Mine et The Long and Winding Road
  • Billy Preston : orgue Hammond sur Dig it, Let It Be, piano électrique sur Dig a Pony, I've Got a Feeling, One After 909, The Long and Winding Road et Get Back
  • George Martin : maracas sur Dig It, arrangements des cuivres sur Let It Be, orgue Hammond sur Across The Universe
  • The Mike Sammes Singers : chœurs sur Across The Universe et The Long And Winding Road dans la post-production de Phil Spector[81]
  • Linda McCartney : chœurs sur Let It Be

Équipe de production

Rééditions

Lors de la réédition du catalogue complet du groupe en 1987 en format CD, ce disque a été remastérisé par George Martin et son équipe et publié le , le même jour que l'album Abbey Road.

Le 17 novembre 2003, une version alternative de l'album, intitulée Let It Be... Naked, est publiée avec des différences dans l'ordre des chansons et en omettant Maggie Mae et Dig It. On combine la première partie de la seconde prestation sur le toit de I've Got a Feeling avec la fin de la version entendue sur l'album[82] et on y rajoute un montage des deux prestations live de Don't Let Me Down, chanson qui était absente de Let It Be[83]. Les chansons de ce disque sont présentées dans leurs formes épurées, sans les orchestrations de Phil Spector.

Le , une nouvelle remastérisation de ce disque, comme de tous les autres, a été commercialisée. Cette fois, le boîtier en plastique « jewel » est remplacé par une pochette cartonnée qui s'ouvre en trois parties; à droite on trouve la pochette pour y insérer le disque et à gauche un repli pour le livret. Celui-ci contient un texte sur l'historique du disque (par Kevin Howlett et Mike Heatley) et un second sur l'enregistrement de l'album (par le producteur Allan Rouse assisté de Howlett). Les photos de la version originale s'y trouvent en plus de plusieurs autres.

Special Edition

L'album ressort le , remixé par Giles Martin, le fils de George Martin, et l'ingénieur du son Sam Okell aux studios Abbey Road, les mêmes qui ont remastérisé et modernisé le son des trois précédentes rééditions. Cette sortie se fait en marge de la diffusion de la série documentaire intitulée The Beatles: Get Back, réalisée par Peter Jackson, qui sera disponible en streaming sur Disney+ à partir de novembre[84]. Cette édition est sortie 51 ans après la sortie originelle à cause de reports dû à la pandémie de Covid-19. La collection est disponible en différentes configurations; en format super deluxe avec cinq CD et un disque Blu-ray ou quatre 33 tours vinyle avec un E.P. 12 pouces, en format deluxe avec deux CD ou en format standard avec un seul CD. Des éditions vinyles « picture disc » limitée ou standard seront aussi mises en vente en plus d'être disponibles en téléchargements ou en streaming[85].

Cette réédition a atteint la 5e position du Billboard 200 durant le semaine du 30 octobre[86] .

Album originel remixé

L'album d'origine est remixé par Martin et est mis en marché sous forme de vinyle 180 grammes noir, en picture-disc et en CD, cette dernière avec un livret accompagnateur.

Version Deluxe

Cette édition sur deux CD inclus l'album originel remixé, un CD de maquettes, de prises alternatives et de dialogues, en plus d'un livret de 40 pages.

Version Super Deluxe

Cette version en cinq CD et un disque Blu-ray comprend toujours l'album originel remixé en plus de deux disques de répétitions, d'improvisations et de pistes de dialogues. La première des deux tentatives par Glyn Johns de faire un album de ces enregistrements est aussi incluse en plus d'un EP contenant quatre chansons remixées. Une version de quatre 33 tours vinyles 180 grammes et un extended play 12 pouces, sans le disque Blu-Ray, est aussi disponible. Est également inclus un livre de 105 pages écrit par Kevin Howlett et John Harris[85].

Toutes les chansons inédites à l'album originel sont créditées à Lennon/McCartney sauf indication contraire.

Reprises

Laibach, groupe de musique industrielle slovène, a repris l'album presque au complet en 1988 utilisant le même titre. Seule la chanson Let It Be est absente du disque et, bien que le titre Maggie Mae soit présent dans la liste des chansons, c'est plutôt une chanson traditionnelle allemande qu'on entend à sa place[88].

Notes et références

Notes

  1. Ce single, sorti avant la parution de l'album Abbey Road, n'est pas réellement publié afin de promouvoir l'album Let It Be car celui-ci a tardé à être finalisé.
  2. Ces deux dernières remplaceront The Walk sur la seconde ébauche.
  3. Au Canada, comme ailleurs dans le monde, c'est l'étiquette verte sans la note qui est fixée.
  4. Par contre, cette pochette était inconnue aux États-Unis dû à la disparité des versions américaines.
  5. Incluant quelques photos prises en février, montrant McCartney sans la barbe.
  6. "This is a new phase BEATLES album... essential to the content of the film. LET IT BE was what (au lieu de « that ») they performed live for many of the tracks. In comes the warmth and the freshness of a live performance; as reproduced for disc by Phil Spector"

Ouvrages

  • (fr) The Beatles, The Beatles Anthology, Seuil, , 367 p. (ISBN 2-02-041880-0)
  • (en) Craig Cross, The Beatles: Day-by-Day, Song-by-Song, Record-by-Record, iUniverse, (ISBN 978-0-59534-663-9)
  • (fr) Mark Herstgaard, Abbey Road : l'Art des Beatles, Stock, , 498 p. (ISBN 2-234-04480-4)
  • (fr) Tim Hill, The Beatles : Quatre garçons dans le vent, Paris, Place des Victoires, , 448 p. (ISBN 978-2-84459-199-9)
  • (fr) Daniel Ichbiah, Et Dieu créa les Beatles, Les Cahiers de l'Info, , 293 p. (ISBN 978-2-9166-2850-9)
  • (en) Mark Lewisohn, The Beatles Recording Sessions, New York, Harmony Books, , 204 p. (ISBN 0-517-57066-1)
  • (fr) Mojo sous la direction de Paul Trynka, The Beatles, 1961–1970 : dix années qui ont secoué le monde, Tournon, , 456 p. (ISBN 2-914237-35-9)
  • (fr) Steve Turner, L'Intégrale Beatles : les secrets de toutes leurs chansons, Hors Collection, , 288 p. (ISBN 2-258-06585-2)

Références aux ouvrages

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Autres sources

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Annexes

Articles connexes

Liens externes