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« Chemin de fer djibouto-éthiopien » : différence entre les versions

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Le '''chemin de fer djibouto-éthiopien''' est une ancienne ligne à voie unique et [[voie métrique|métrique]] longue de {{unité|784|km}}, reliant [[Djibouti (ville)|Djibouti]], la capitale de la [[République de Djibouti|république homonyme]] à [[Addis-Abeba]], capitale de l'[[Éthiopie]].<br />
Le '''chemin de fer djibouto-éthiopien''' est une ancienne ligne à [[voie unique]] et [[voie métrique|métrique]] longue de {{unité|784|km}}, reliant [[Djibouti (ville)|Djibouti]], la capitale de la [[République de Djibouti|république homonyme]], à [[Addis-Abeba]], capitale de l'[[Éthiopie]].<br />
La ligne a été construite entre 1897 et 1917, et inaugurée le [[9 mai]] [[1917]].
La ligne a été construite entre 1897 et 1917, et inaugurée le {{date-|9 mai 1917}}.


La société exploitante s'est appelée Compagnie impériale des chemins de fer éthiopiens (CIE), puis Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien (CFE) à partir de 1909, avant de devenir la Compagnie du chemin de fer djibouto-éthiopien (CDE) en octobre 1981. L'exploitation de la ligne s'est définitivement interrompue dans les années 2000.
La société exploitante s'est appelée Compagnie impériale des chemins de fer éthiopiens (CIE), puis Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien (CFE) à partir de 1909, avant de devenir la Compagnie du chemin de fer djibouto-éthiopien (CDE) en octobre 1981. L'exploitation de la ligne s'est définitivement interrompue dans les années 2000.
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== Contexte ==
== Contexte ==
[[Fichier:Gotha Bridge Franco-Ethiopian Railway.JPG|vignette|droite|Un train sur le pont de Gotha près de Dire Dawa.]]
[[Fichier:Dire Dawa-Djibouti train leaving, c. 1912..jpg|vignette|droite|Un train quitte Dire Dawa pour Djibouti.]]
La construction du [[chemin de fer]] est à replacer dans le contexte historique marqué par la volonté des puissances coloniales de dominer la [[Corne de l'Afrique]]. L'empereur [[Ménélik II d'Éthiopie|Ménélik II]], sorti victorieux de la [[bataille d’Adoua]], tenait à l’indépendance de son pays.
La construction du [[chemin de fer]] est à replacer dans le contexte historique marqué par la volonté des puissances coloniales de dominer la [[Corne de l'Afrique]]. L'empereur [[Ménélik II d'Éthiopie|Ménélik II]], sorti victorieux de la [[bataille d’Adoua]], tenait à l’indépendance de son pays.


Le premier projet de construction ferroviaire dans la Corne de l'Afrique semble être celui élaboré par [[Brémond]], en 1883, qui envisageait de relier la côte à l'Awash <ref>Van Gelder de Pineda</ref>. Mais c'est l'ingénieur suisse [[Alfred Ilg]] qui obtient le 9 mars [[1894]] une concession de [[Menelik II]] qu'il essaye de mettre en œuvre avec le commerçant [[Léon Chefneux]]. Cette concession prévoit « la construction et l'exploitation d'un chemin de fer allant de Djibouti à Harrar, de Harrar à Entotto, et d'Entotto au Kaffa et au Nil Blanc» (art. 1). Ce n'est qu'après la victoire éthiopienne d'[[Adoua|Adwa]] que les autorités françaises autorisent le passage gratuit de la ligne sur le territoire de la [[Côte française des Somalis]].
Le premier projet de construction ferroviaire dans la Corne de l'Afrique semble être celui élaboré par [[Brémond]], en 1883, qui envisageait de relier la côte à l'Awash <ref>Van Gelder de Pineda</ref>. Mais c'est l'ingénieur suisse [[Alfred Ilg]] qui obtient le 9 mars [[1894]] une concession de [[Menelik II]] qu'il essaye de mettre en œuvre avec le commerçant [[Léon Chefneux]]. Cette concession prévoit « la construction et l'exploitation d'un chemin de fer allant de Djibouti à Harrar, de Harrar à Entotto, et d'Entotto au Kaffa et au [[Nil Blanc]]» (art. 1). Ce n'est qu'après la victoire éthiopienne d'[[Adoua|Adwa]] que les autorités françaises autorisent le passage gratuit de la ligne sur le territoire de la [[Côte française des Somalis]].


La ligne prévue par la concession devait se diviser en trois sections : un point terminal partant de Djibouti pour arriver à Harar, une étape intermédiaire qui relierait Harar au comptoir d’Enttoto, et un dernier tronçon parcourant l’Afrique Nilotique.
La ligne prévue par la concession devait se diviser en trois sections : un point terminal partant de Djibouti pour arriver à Harar, une étape intermédiaire qui relierait Harar au comptoir d’Enttoto, et un dernier tronçon parcourant l’Afrique Nilotique.
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=== Résistances au projet ===
=== Résistances au projet ===


Le projet souleva de nombreuses objections tant en Éthiopie que dans les territoires parcourus par la ligne. Les dignitaires des groupes locaux craignaient que le chemin de fer n'accentue la colonisation européenne. Les propriétaires de caravanes de chameaux considéraient ce projet comme entrant en concurrence directe avec leurs activités. Les Européens (Italie et Angleterre) firent eux aussi part de leurs réserves quant à l'impact de l'entreprise ferroviaire sur leurs propres intérêts économiques.
Le projet souleva de nombreuses objections tant en Éthiopie que dans les territoires parcourus par la ligne. Les dignitaires des groupes locaux craignaient que le chemin de fer n'accentue la colonisation européenne. Les propriétaires de [[Caravane (convoi)|caravanes]] de chameaux considéraient ce projet comme entrant en concurrence directe avec leurs activités. Les Européens (Italie et [[Angleterre]]) firent eux aussi part de leurs réserves quant à l'impact de l'entreprise ferroviaire sur leurs propres intérêts économiques.


== Construction ==
== Construction ==


=== Premier tronçon ===
=== Premier tronçon ===
En 1896 se crée la première compagnie ferroviaire, privée, la Compagnie impériale du chemin de fer franco-éthiopien (CIE), au capital de 2 millions de francs répartis en {{formatnum:4000}} actions.<br />
En 1896 se crée la première compagnie ferroviaire, privée, la Compagnie impériale du chemin de fer franco-éthiopien (CIE), au capital de {{nobr|2 millions}} de francs répartis en {{nombre|4000 actions}}.<br />
Après que, le 5 novembre 1896, Menelik accepte que la première section ne se termine pas à Harar mais reste dans la plaine, la construction de la ligne commence à Djibouti en octobre ou novembre 1897. Un premier tronçon, entre Djibouti et Dewele ({{unité|108|km}}) est ouvert à l'exploitation le 14 juillet 1900.<br />
Après que, le {{date-|5 novembre 1896}}, Menelik accepte que la première section ne se termine pas à Harar mais reste dans la plaine, la construction de la ligne commence à Djibouti en octobre ou {{nobr|novembre 1897}}. Un premier tronçon, entre Djibouti et Dewele ({{unité|108|km}}) est ouvert à l'exploitation le {{date-|14 juillet 1900}}.<br />
Les fonds sont insuffisants et la société fait appel à des capitaux britanniques (les frères [[Ochs]]). Cependant, les frais financiers et de complexes manœuvres financières (par exemple le capital n'est pas appelé et la société utilise de coûteux emprunts), maintiennent la compagnie au bord du dépôt de bilan<ref>Shiferaw Bekele, 1991</ref>. C'est par la convention dite « Bonhoure-Chefneux », du 6 février 1902, approuvée par la loi du 4 avril, qui accorde à la compagnie une subvention annuelle de {{formatnum:500000}} francs, en échange du retrait des capitaux britanniques, et permet d'amener la voie à la ville nouvelle de [[Dire Dawa]] en décembre 1902.
Les fonds sont insuffisants et la société fait appel à des capitaux britanniques (les frères [[Ochs]]). Cependant, les frais financiers et de complexes manœuvres financières (par exemple le capital n'est pas appelé et la société utilise de coûteux emprunts), maintiennent la compagnie au bord du dépôt de bilan<ref>Shiferaw Bekele, 1991</ref>. C'est la convention dite « Bonhoure-Chefneux », du {{date-|6 février 1902}}, approuvée par la loi du {{nobr|4 avril}}, qui, en accordant à la compagnie une [[subvention]] annuelle de {{nombre|500000 francs}} en échange du retrait des capitaux britanniques, permet d'amener la voie à la ville nouvelle de [[Dire Dawa]] en {{nobr|décembre 1902}}.


[[Fichier:Jeton sur la thématique des chemins de fer éthiopiens.jpg|vignette|Médaille commémorative. Avers : portrait de Ménélik II à droite au type du thaler; revers : locomotive à vapeur allant à gauche, texte en amharique : የዎድር ፤ባቡር ፤ማሳሰቢያ ። (En souvenir du chemin de fer, 1895 e. c.)]]
[[Fichier:Jeton sur la thématique des chemins de fer éthiopiens.jpg|vignette|Médaille commémorative. Avers : portrait de Ménélik II à droite au type du thaler ; Revers : locomotive à vapeur allant à gauche, texte en amharique የዎድር ፤ባቡር ፤ማሳሰቢያ ። (En souvenir du chemin de fer) suivi, en caractères guèzes de la date 1895 du [[Calendrier éthiopien]] correspondant à l'année allant de septembre 1902 à septembre 1903 du calendrier grégorien.]]


Alors que les travaux avancent, les tribus nomades [[somalis]] s'inquiètent de la fin de leur contrôle du commerce caravanier. Les relations des habitants avec la compagnie et ses salariés sont tumultueuses et très violentes. En février 1899, neuf ouvriers sont tués dans une attaque du chantier. Le service de sécurité de la compagnie organise des représailles, attaque les campements, razzie les troupeaux... En février 1900, le gouverneur dénonce les pratiques des constructeurs qui « peuvent se résumer en cinq mots : refus de paiement, ligotement des indigènes, bastonnades, viols de femmes, au besoin assassinats » <ref>ANOM, Somalis 6/85, lettre du gouverneur du 21/2/1900.</ref>.
Alors que les travaux avancent, les tribus nomades [[somalis]] s'inquiètent de la fin de leur contrôle du commerce caravanier. Les relations des habitants avec la compagnie et ses salariés sont tumultueuses et très violentes. En {{nobr|février 1899}}, neuf ouvriers sont tués dans une attaque du chantier. Le service de sécurité de la compagnie organise des représailles, attaque les campements, razzie les troupeaux… En {{nobr|février 1900}}, le gouverneur dénonce les pratiques des constructeurs qui « peuvent se résumer en cinq mots : refus de paiement, ligotement des indigènes, bastonnades, viols de femmes, au besoin assassinats »<ref>ANOM, Somalis 6/85, lettre du gouverneur du 21 février 1900.</ref>.


Les discussions s’apaiseront après qu’un des délégués français, écarta les jambes et s’exclama : « Dans l’immensité de votre territoire nous ne vous demandons rien que l’espace entre mes deux pieds, comment pouvez-vous nous le refuser ? » {{référence nécessaire}}. Les chefs de tribus acceptèrent mais obtinrent la gratuité du transport pour les personnes membres de leur clan {{référence nécessaire}}.
Les discussions s’apaiseront après qu’un des délégués français écarta les jambes et s’exclama : « Dans l’immensité de votre territoire nous ne vous demandons rien que l’espace entre mes deux pieds, comment pouvez-vous nous le refuser ? »{{référence nécessaire}}. Les chefs de tribus acceptèrent mais obtinrent la gratuité du transport pour les personnes membres de leur clan{{référence nécessaire}}.


La Compagnie rencontre des difficultés multiples. Le chantier a été sous-évalué ({{unité|225|km}} au lieu des 310 réels), le terrain est difficile, et surtout l'argent manque et les travaux piétinent. Le ''trust'' britannique piloté par les frères Ochs tente de prendre le contrôle de la Compagnie. Ils proposent dès 1898 de garantir le financement en échange de l'abandon du monopole sur les voies ferrées vers le [[Shewa]], et donc la possibilité de construire un embranchement vers les ports britanniques du [[Somaliland]], [[Zeila]] ou [[Berbera]]<ref>{{Lien web
La Compagnie rencontre des difficultés multiples. Le chantier a été sous-évalué ({{unité|225|km}} au lieu des 310 réels), le terrain est difficile, et surtout l'argent manque et les travaux piétinent. Le ''trust'' britannique piloté par les frères Ochs tente de prendre le contrôle de la Compagnie. Ils proposent dès 1898 de garantir le financement en échange de l'abandon du monopole sur les voies ferrées vers le [[Shewa]], et donc la possibilité de construire un embranchement vers les ports britanniques du [[Somaliland]], [[Zeila]] ou [[Berbera]]<ref>{{Lien web
| url = http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1901_num_10_52_5015
| url = http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1901_num_10_52_5015
| titre = « Djibouti et le chemin de fer du Harar », ''Annales de Géographie'', 1901, {{t.|10}}, {{numéro|52}}, {{pp.|370-373}}.
| titre = « Djibouti et le chemin de fer du Harar », ''Annales de Géographie'', 1901, {{t.|10}}, {{numéro|52}}, {{p.|370-373}}.
| auteur = André Brisse
| auteur = André Brisse
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| consulté le = 2 janvier 2012
| consulté le = 2 janvier 2012
}}; Shiferaw Bekele [1991].</ref>. Le [[Comité de l'Afrique française]] et les milieux coloniaux obtiennent que le caractère français de la ligne soit maintenu. La convention de 1902 (voir plus haut) qui met la compagnie sous contrôle des autorités coloniales, et des techniques de construction sommaires (comme la «ligne molle» qui fait traverser les rivières temporaires en posant la voie sur le fond sans construire de pont) permettent au chemin de fer d'atteindre la plaine où s'établit Dire Dawa en décembre 1902.
}}; Shiferaw Bekele [1991].</ref>. Le [[Comité de l'Afrique française]] et les milieux coloniaux obtiennent que le caractère français de la ligne soit maintenu. La convention de 1902 (voir plus haut) qui met la compagnie sous contrôle des autorités coloniales, et des techniques de construction sommaires (comme la « ligne molle » qui fait traverser les rivières temporaires en posant la voie sur le fond sans construire de pont) permettent au chemin de fer d'atteindre la plaine où s'établit Dire Dawa en {{nobr|décembre 1902}}.


=== Deuxième tronçon ===
=== Deuxième tronçon ===
Cependant la prise de contrôle par un État étranger de la compagnie chargée de la construction de la principale infrastructure de transport du pays ne peut laisser les autorités éthiopiennes indifférentes. [[Ménélik II d'Éthiopie|Menelik]] n'accorde donc pas l'autorisation de construction de la deuxième section, et tente de s'appuyer sur les autres puissances européennes. Mais l'accord du 13 décembre 1906<ref>Marcus (Harold G.), « A Preliminary History of Tripartite Treaty of december 13, 1906 », ''Journal of Ethiopian Studies'', vol. II, {{n°|2}}, July, {{p.|21-40}}.</ref> qui partage l'Éthiopie en zones d'influences réservées à la France, l'Italie et le Royaume-Uni ne lui laisse aucune chance. Il marque aussi l'abandon par la France de la troisième section, entre Addis Abeba et le Nil.
Cependant la prise de contrôle par un État étranger de la compagnie chargée de la construction de la principale infrastructure de transport du pays ne peut laisser les autorités éthiopiennes indifférentes. [[Ménélik II d'Éthiopie|Menelik]] n'accorde donc pas l'autorisation de construction de la deuxième section, et tente de s'appuyer sur les autres puissances européennes. Mais l'accord du 13 décembre 1906<ref>Marcus (Harold G.), « A Preliminary History of Tripartite Treaty of december 13, 1906 », ''Journal of Ethiopian Studies'', vol. II, {{n°|2}}, July, {{p.|21-40}}.</ref> qui partage l'Éthiopie en zones d'influences réservées à la France, l'Italie et le Royaume-Uni ne lui laisse aucune chance. Il marque aussi l'abandon par la France de la troisième section, entre Addis Abeba et le Nil.


La Compagnie impériale, abandonné par la France, l'Éthiopie et le Royaume-Uni, est amenée au dépôt de bilan le 3 juin 1907. Elle a dépensé en tout 47,8 millions de francs, dont 10 millions de frais financiers, 4 millions de droits à Ilg et Chefneux et 32,5 millions de frais de construction<ref>Shiferaw Bekele [1982]</ref>. C'est l'administration coloniale de Djibouti qui prend alors en charge sa gestion provisoire en régie.
La Compagnie impériale, abandonnée par la France, l'Éthiopie et le Royaume-Uni, est amenée au dépôt de bilan le 3 juin 1907. Elle a dépensé en tout 47,8 millions de francs, dont 10 millions de frais financiers, 4 millions de droits à Ilg et Chefneux et 32,5 millions de frais de construction<ref>Shiferaw Bekele [1982]</ref>. C'est l'administration coloniale de Djibouti qui prend alors en charge sa gestion provisoire en régie.


Malgré quelques tentatives de résistance, Menelik est contraint en 1908 de signer sous la pression de l'envoyé français [[Antony Wladislas Klobukowski|Antony Klobukowski]] deux accords<ref>Sur la mission Klobukowski, voir Prijac (Lukian), ''Antony Klobukowski et le traité franco-éthiopien de 1908'', Paris, Aresæ, 2003, 50 p.</ref>. Le premier, signé le 10 janvier 1908, est un traité d'amitié qui prévoit un régime dit de « capitulation » pour les Européens résidant en Éthiopie, qui relèvent alors en droit civil et pénal de leur consul. Le second, le 30 janvier 1908, est la concession de la ligne à un Français, son médecin, le docteur [[Joseph Vitalien]], représentant d'une compagnie à créer chargée de l'exploitation du tronçon existant et de la construction de la deuxième section.
Malgré quelques tentatives de résistance, Menelik est contraint en 1908 de signer sous la pression de l'envoyé français [[Antony Wladislas Klobukowski|Antony Klobukowski]] deux accords<ref>Sur la mission Klobukowski, voir Prijac (Lukian), ''Antony Klobukowski et le traité franco-éthiopien de 1908'', Paris, Aresæ, 2003, 50 p.</ref>. Le premier, signé le 10 janvier 1908, est un traité d'amitié qui prévoit un régime dit de « capitulation » pour les Européens résidant en Éthiopie, qui relèvent alors en droit civil et pénal de leur consul. Le second, le 30 janvier 1908, est la concession de la ligne à un Français, son médecin, le docteur [[Joseph Vitalien]], représentant d'une compagnie à créer chargée de l'exploitation du tronçon existant et de la construction de la deuxième section.


La nouvelle « Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien » est constituée par de grandes banques françaises, sous la houlette de la [[Banque de l'Indochine]]. Entre le 5 et le 8 mars 1909, plusieurs accords organisent les relations entre le gouvernement français et la compagnie et l'indemnisation des actionnaires de la Compagnie impériale<ref>{{Article|langue=fr|titre=Loi relative au chemin de fer de Djibouti à Addis-Abeba|sous-titre=3 avril 1909|périodique=Journal officiel de la République Française|lieu=Paris|éditeur=Imprimerie Nationale|numéro=93|jour=4|mois=avril|année=1909|pages=3513 - 3520|url texte=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6344527n/f1.image|consulté le=28 octobre 2014}}.</ref>. En échange de la garantie financière totale de l'État, la construction, l'exploitation et la gestion de la ligne sont contrôlées par le gouvernement français sur l'ensemble du tracé. Le chemin de fer est alors une enclave souveraine française en Éthiopie, marquant la faiblesse de l'indépendance éthiopienne à ce moment.
La nouvelle « Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien » est constituée par de grandes banques françaises, sous la houlette de la [[Banque de l'Indochine]]. Entre le 5 et le 8 mars 1909, plusieurs accords organisent les relations entre le gouvernement français et la compagnie et l'indemnisation des actionnaires de la Compagnie impériale<ref>{{Article|langue=fr|titre=Loi relative au chemin de fer de Djibouti à Addis-Abeba|sous-titre=3 avril 1909|périodique=Journal officiel de la République Française|lieu=Paris|éditeur=Imprimerie Nationale|numéro=93|jour=4|mois=avril|année=1909|pages=3513 - 3520|url texte=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6344527n/f1.image|consulté le=28 octobre 2014}}.</ref>. En échange de la garantie financière totale de l'État, la construction, l'exploitation et la gestion de la ligne sont contrôlées par le gouvernement français sur l'ensemble du tracé. Le chemin de fer est alors une enclave souveraine française en Éthiopie, marquant la faiblesse de l'indépendance éthiopienne à ce moment.


Les travaux reprennent en janvier 1910. Soixante-six kilomètres sont mis en exploitation en mai 1911, 100 en août 1912, 145 en mai 1913, 235 en février 1914. La ligne atteint alors la rivière [[Awash]]. En avril 1915, 779 kilomètres sont construits jusqu'à Addis Abeba, mais l'exploitation s'arrête à [[Mojo (ville)|Mojo]] (km 715) en raison d'un désaccord sur la construction de la gare terminale. La même année, la nouvelle gare de [[Dire Dawa]] est construite<ref>[http://www.africantrain.org/la-gare-de-dire-daoua-dire-dawa-railways-station La gare de Diré-Daoua]</ref>. Ce n'est que le 7 juin 1917 que l'ensemble de la ligne est ouverte. La [[gare d'Addis-Abeba]] est inaugurée le 3 décembre 1929.
Les travaux reprennent en janvier 1910. Soixante-six kilomètres sont mis en exploitation en mai 1911, 100 en août 1912, 145 en mai 1913, 235 en février 1914. La ligne atteint alors la rivière [[Awash]]. En avril 1915, 779 kilomètres sont construits jusqu'à Addis Abeba, mais l'exploitation s'arrête à [[Mojo (ville)|Mojo]] (km 715) en raison d'un désaccord sur la construction de la gare terminale. La même année, la nouvelle gare de [[Dire Dawa]] est construite<ref>[http://www.africantrain.org/la-gare-de-dire-daoua-dire-dawa-railways-station La gare de Diré-Daoua]</ref>. Ce n'est que le 7 juin 1917 que l'ensemble de la ligne est ouverte. La [[gare d'Addis-Abeba]] est inaugurée le 3 décembre 1929.
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== Exploitation ==
== Exploitation ==


=== La première Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien ===
=== La première Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien (1909-1959) ===


De 1909 à 1959, la Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien est présidée par [[Charles Michel-Côte]]. Sous tutelle du gouvernement français qui y exerce un contrôle financier, elle assure l'exploitation de la ligne de 1909 à 1941, puis de 1946 à 1959. Entre 1941 et 1946, l'exploitation est divisée en deux parties, la partie éthiopienne étant administrée par les autorités militaires britanniques.
La Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien est présidée successivement par [[Ernest Roume]] de 1909 à 1915, [[Pierre Famin]] de 1915 à 1922, Maxime Getten de 1922 à 1932 et [[Charles Michel-Côte]] jusqu'en 1959<Ref>[https://www.entreprises-coloniales.fr/madagascar-et-djibouti/Ch._fer_Djibouti-Addis-Abeba.pdf La Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien], site
entreprises-coloniales.fr.</ref>. Sous tutelle du gouvernement français qui y exerce un contrôle financier, elle assure l'exploitation de la ligne de 1909 à 1941, puis de 1946 à 1959. Entre 1941 et 1946, l'exploitation est divisée en deux parties, la partie éthiopienne étant administrée par les autorités militaires britanniques.


Les conditions de l'exploitation en Éthiopie sont modifiées par plusieurs accords entre la Compagnie et le gouvernement. Celui du 31 mars 1922 règle la question des terrains nécessaires à la construction de la gare d'Addis Abeba et supprime la douane de Dire-Dawa. Le 12 août 1924, le début de la concession de 99 ans est fixé au {{1er}} janvier 1918. Mais surtout, le 20 mars 1926, un accord finalise les modalités de construction de la gare d'Addis Abeba et organise le transfert aux autorités éthiopiennes de l'administration de la ville de [[Dire Dawa]] (qui ne s'appliquera qu'en 1931) <ref>Shiferaw Bekele, « Aspects of the History of Dire Dawa (1902 to 1936) », in ''Proceedings of the Fourth Seminar of the Department of History'', 1989, {{p.|81-132}}</ref>.
Les conditions de l'exploitation en Éthiopie sont modifiées par plusieurs accords entre la Compagnie et le gouvernement. Celui du 31 mars 1922 règle la question des terrains nécessaires à la construction de la gare d'Addis Abeba et supprime la douane de Dire-Dawa. Le 12 août 1924, le début de la concession de 99 ans est fixé au {{1er}} janvier 1918. Mais surtout, le 20 mars 1926, un accord finalise les modalités de construction de la gare d'Addis Abeba et organise le transfert aux autorités éthiopiennes de l'administration de la ville de [[Dire Dawa]] (qui ne s'appliquera toutefois qu'en 1931)<ref>Shiferaw Bekele, « Aspects of the History of Dire Dawa (1902 to 1936) », in ''Proceedings of the Fourth Seminar of the Department of History'', 1989, {{p.|81-132}}</ref>. L'exploitation est bénéficiaire dès 1923. Le trafic du chemin de fer atteint un maximum vers 1928 avec environ {{unité|70000|tonnes}} transportées.


[[Fichier:Offener Güterwagen der Chemin de fer Franco-Ethiopien de Djibouti à Addis-Abeba.jpg|vignette|droite|Un wagon tombereau de la CFE construit par [[Société franco-belge]].]]
Le trafic du chemin de fer atteint un maximum vers 1928 avec environ {{unité|70000|tonnes}} transportées. L'exploitation est bénéficiaire dès 1923. Des investissements permettent de réduire le temps de trajet, et en 1936 il ne faut plus que 25 heures pour parcourir la ligne entière<ref>Dubois (Colette), ''Djibouti, 1888-1967 - Héritage ou frustration'', L’Harmattan, Paris, 1997, 431 p., chapitre 2-2</ref>.<br />
Il est à noter que la ligne Djibouti - Addis-Abeba est concurrencée par la construction d'une route joignant [[Assab]] à [[Addis-Abeba]] par [[Dessie]] et l'octroi d'une zone franche éthiopienne dans le port d'Assab, à la suite d'une convention italo-éthiopienne du 2 août 1928. Cette route est développée par les Italiens à partir de 1937 à la suite de l'invasion de l'Éthiopie.
À partir de l'invasion de l'Éthiopie par l'Italie en 1936, la demande croît fortement mais la Compagnie ne parvient pas à augmenter les tonnages transportés, malgré la signature d'un accord entre Michel-Cote et les autorités coloniales italiennes dès le {{1er}} juillet 1936. Une route est ouverte en 1937 afin de permettre le développement du commerce.<br />
L'unification de l'administration de l'Éthiopie et de l'Érythrée, qui dure jusqu'en 1991, entraîne la création d'une voie routière entre le port d'Assab et Addis Abeba, qui concurrence le « corridor » de Djibouti. Cette concurrence s'accroît après la Seconde Guerre mondiale, avec la création par Antonin Besse d'un service régulier par camions au départ d'Assab.


Pour en revenir à la ligne Djibouti - Addis-Abeba, la demande croît tout de même fortement à la suite de l'invasion de l'Éthiopie par l'Italie en 1936, mais la Compagnie ne parvient pas à augmenter les tonnages transportés, malgré la signature d'un accord entre Michel-Cote et les autorités coloniales italiennes dès le {{1er}} juillet 1936. Une route est ouverte en 1937 afin de permettre le développement du commerce. Quoi qu'il en soit, des investissements permettent de réduire le temps de trajet, et en 1936 il ne faut plus que 25 heures pour parcourir la ligne entière<ref>Dubois (Colette), ''Djibouti, 1888-1967 - Héritage ou frustration'', L’Harmattan, Paris, 1997, 431 p., chapitre 2-2</ref>.
À partir de la libération de l'Éthiopie par les Alliés, la voie ferrée est coupée à la frontière. Elle n'est rouverte qu'après le ralliement de la [[Côte française des Somalis]] en décembre 1942. Mais l'exploitation reste divisée. C'est l'accord franco-éthiopien du 5 septembre 1945 qui permet à la Compagnie de récupérer l'ensemble de la ligne à partir du {{1er}} juillet 1946. Cette « rétrocession » engendre de nombreux mouvements de protestation des employés éthiopiens qui, promus durant l'administration britannique, se voient à nouveau remplacés aux postes de responsabilités par des Français.<br />
L'exploitation devient déficitaire à partir de 1954.


En 1936, la société disposait de 60 [[locomotive]]s, 45 voitures et 353 wagons<ref>{{ouvrage|titre= World Survey of Foreign Railways. |url=https://books.google.de/books?id=HxHLQGfxDa0C&hl=de&pg=RA12-PT1 |année=1936 |éditeur=Transportation Division, Bureau of foreign and domestic commerce, Washington D.C.|langue=en |page=154b}}</ref>.
=== La deuxième Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien ===


À partir de la libération de l'Éthiopie par les Alliés, la voie ferrée est coupée à la frontière. Elle n'est rouverte qu'après le ralliement de la [[Côte française des Somalis]] en décembre 1942. Mais l'exploitation reste divisée. C'est l'accord franco-éthiopien du 5 septembre 1945 qui permet à la Compagnie de récupérer l'ensemble de la ligne à partir du {{1er}} juillet 1946. Cette « rétrocession » engendre de nombreux mouvements de protestation des employés éthiopiens qui, promus durant l'administration britannique, se voient à nouveau remplacés aux postes de responsabilités par des Français.
Le 12 novembre 1959, un accord diplomatique entre la France et l'Éthiopie modifie profondément la structure de la société. Les deux pays en deviennent propriétaires à part égale, et le siège est transféré à Addis Abeba. Cependant, la direction générale et la direction technique restent confiées à des Français (détachés de la SNCF) jusqu'en 1975.<br />

En 1950, [[Antonin Besse]], en conflit avec la compagnie de chemin de fer djibouto-ethiopien, relance la route joignant Assab à Addis-Abeba en y mettant 50 camions qui effectuent le trajet en une semaine et le trafic ne cesse d'augmenter au fil des ans.

L'exploitation de la ligne Djibouti - Addis-Abeba devient déficitaire à partir de 1954.

=== La deuxième Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien (1959-1981) ===

Le 12 novembre 1959, un accord diplomatique entre la France et l'Éthiopie modifie profondément la structure de la société. Les deux pays en deviennent propriétaires à parts égales, et le siège est transféré à Addis Abeba. Cependant, la direction générale et la direction technique restent confiées à des Français (détachés de la [[Société nationale des chemins de fer français|SNCF]]) jusqu'en 1975.<br />
Le premier directeur général éthiopien est [[Bekele Geleta]].
Le premier directeur général éthiopien est [[Bekele Geleta]].


=== Le chemin de fer djibouto-éthiopien ===
=== Le chemin de fer djibouto-éthiopien (à partir de 1981) ===


Après la révolution éthiopienne de 1974 et l'indépendance de Djibouti en 1977, une nouvelle compagnie est créée entre les deux États par un accord du 21 mars 1981. L'Éthiopie est alors responsable de 90 % des déficits, et Djibouti de 10 %.
Après la [[révolution éthiopienne]] de 1974 et l'indépendance de Djibouti en 1977, une nouvelle compagnie est créée entre les deux États par un accord du 21 mars 1981. L'Éthiopie est alors responsable de 90 % des déficits, et Djibouti de 10 %.


En 2006, une tentative de privatisation de la compagnie a échoué. Depuis, l'exploitation est interrompue entre Dire Dawa et Addis-Abeba (soit sur {{unité|472|km}}), dans l'attente d'une réhabilitation de la voie. Celle-ci tend à prendre du retard, d'autant plus qu'une bonne part du trafic fret a été capté par les transporteurs routiers qui ne tiennent pas particulièrement à une réhabilitation de la ligne.
En 2006, une tentative de [[privatisation]] de la compagnie a échoué. Depuis, l'exploitation est interrompue entre Dire Dawa et Addis-Abeba (soit sur {{unité|472|km}}), dans l'attente d'une réhabilitation de la voie. Celle-ci tend à prendre du retard, d'autant plus qu'une bonne part du trafic fret a été capté par les transporteurs routiers qui ne tiennent pas particulièrement à une réhabilitation de la ligne.


Des projets de construction d'une nouvelle ligne électrifiée proposé par des entreprises [[Chine|chinoises]] (''[[China Communications Construction]]'' et ''[[China Railway Engineering Corporation]]''), associés à des sociétés [[Inde|indienne]] et [[Russie|russe]], sont cependant jugés irréalisables étant donné les investissements nécessaires en infrastructures et le trafic minimal requis (entre 5 et 10 millions de tonnes) pour assurer la rentabilité d’une telle ligne<ref>{{lien web|url=http://www.slateafrique.com/1553/chemin-de-fer-djibouti-ethiopie|titre=Terminus pour le chemin de fer djibouto-éthiopien|site=Slate Afrique|consulté le=14 avril 2011}}</ref>.
Des projets de construction d'une nouvelle ligne électrifiée proposé par des entreprises [[Chine|chinoises]] (''[[China Communications Construction]]'' et ''[[China Railway Engineering Corporation]]''), associés à des sociétés [[Inde|indienne]] et [[Russie|russe]], sont cependant jugés irréalisables étant donné les investissements nécessaires en infrastructures et le trafic minimal requis (entre 5 et 10 millions de tonnes) pour assurer la rentabilité d’une telle ligne<ref>{{lien web|url=http://www.slateafrique.com/1553/chemin-de-fer-djibouti-ethiopie|titre=Terminus pour le chemin de fer djibouto-éthiopien|site=Slate Afrique|consulté le=14 avril 2011}}</ref>.


En octobre 2012, il semble que des trains ont recommencé à circuler entre Dire Dawa et la frontière djiboutienne<ref>Voir la vidéo sur [https://www.youtube.com/watch?v=FNNCg6POdLI YouTube].</ref>. Le 22 juillet 2013, le service commercial est rétabli entre Dire Dawa en Éthiopie et Djibouti.
Le service commercial a été officiellement rétabli le 22 juillet 2013 entre Dire Dawa en Éthiopie et Djibouti, mais il semblerait que des trains aient recommencé à circuler dès octobre 2012 sur ce tronçon <ref>Voir la vidéo sur [https://www.youtube.com/watch?v=FNNCg6POdLI YouTube].</ref>.


=== Le chemin de fer franco-éthiopien au cinéma ===
=== Le chemin de fer franco-éthiopien au cinéma ===
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=== Une nouvelle ligne ===
=== Une nouvelle ligne ===
{{Loupe|Ligne d'Addis-Abeba à Djibouti}}
{{Loupe|Ligne d'Addis-Abeba à Djibouti}}
En 2013, grâce à une conjoncture économique favorable, les gouvernements éthiopien et djiboutien ont convenu avec l'aide la [[Chine]] de reconstruire une ligne ferroviaire entre leurs deux capitales, dont le tracé suit approximativement celui du chemin de fer djibouto-éthiopien. Ainsi, un financement de près de 600 millions de dollars contracté auprès de ''[[Exim Bank of China]]'', tandis que la ''{{Lien|langue=en|fr=China Civil Engineering Construction Corporation}}'' (CCECC) a été désignée comme maître d'œuvre du nouveau chantier ferroviaire<ref>[http://french.peopledaily.com.cn/96852/8182894.html Djibouti-Ethiopie: derniers préparatifs avant le lancement du chantier de la nouvelle ligne de chemin de fer] sur ''http://french.peopledaily.com.cn'' du 26 mars 2013</ref>.
En 2013, grâce à une conjoncture économique favorable, les gouvernements éthiopien et djiboutien sont convenus avec l'aide la [[Chine]] de reconstruire une ligne ferroviaire entre leurs deux capitales, dont le tracé suit approximativement celui du chemin de fer djibouto-éthiopien. Ainsi, un financement de près de 600 millions de dollars contracté auprès de ''[[Exim Bank of China]]'', tandis que la ''{{Lien|langue=en|fr=China Civil Engineering Construction Corporation}}'' (CCECC) a été désignée comme maître d'œuvre du nouveau chantier ferroviaire<ref>[http://french.peopledaily.com.cn/96852/8182894.html Djibouti-Ethiopie: derniers préparatifs avant le lancement du chantier de la nouvelle ligne de chemin de fer] sur ''http://french.peopledaily.com.cn'' du 26 mars 2013</ref>.


L'inauguration officielle de la nouvelle ligne a eu lieu le 5 octobre 2016, après quatre ans de travaux. Cependant, le lancement de l'exploitation est prévu après quelques mois d'essais<ref name="France 24">{{Lien web|titre=Éthiopie : inauguration d'un train chinois pour relier Addis Abeba à Djibouti |url=http://www.france24.com/fr/20161006-ethiopie-djibouti-inauguration-train-chinois-relier-addis-abeba |date=6 octobre 2016 |site=france24.com |consulté le=4 novembre 2016}}</ref>{{,}}<ref name="Monde">{{Lien web|titre=Des contrôleurs chinois dans le nouveau train éthiopien |url=https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/10/05/dans-le-nouveau-train-ethiopien-les-controleurs-en-kepi-seront-chinois_5008474_3212.html |date=6 octobre 2016 |site=Le Monde Afrique |consulté le=5 novembre 2016}}</ref>.
L'inauguration officielle de la nouvelle ligne a eu lieu le 5 octobre 2016, après quatre ans de travaux. Cependant, le lancement de l'exploitation eut lieu après quelques mois d'essais<ref name="France 24">{{Lien web|titre=Éthiopie : inauguration d'un train chinois pour relier Addis Abeba à Djibouti |url=http://www.france24.com/fr/20161006-ethiopie-djibouti-inauguration-train-chinois-relier-addis-abeba |date=6 octobre 2016 |site=france24.com |consulté le=4 novembre 2016}}</ref>{{,}}<ref name="Monde">{{Lien web|titre=Des contrôleurs chinois dans le nouveau train éthiopien |url=https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/10/05/dans-le-nouveau-train-ethiopien-les-controleurs-en-kepi-seront-chinois_5008474_3212.html |date=6 octobre 2016 |site=Le Monde Afrique |consulté le=5 novembre 2016}}</ref>.


L'exploitation est assurée par deux sociétés différentes, la « Ethiopian Railway Corporation » pour la partie éthiopienne<ref>« Ethiopian Railway Corporation Etablishment », Council of Ministers Regulation n° 141/2007, ''Federal Negarit Gazeta'', 29/11/2007.</ref>et la « Société djiboutienne de chemin de fer »<ref>Loi n°96/AN/10/6ème L du 3 janvier 2011 portant création de l’entreprise publique dénommée « Société djiboutienne de chemin de fer » sur le [http://www.presidence.dj/recherchetexte.php site de la présidence djiboutienne].</ref>pour la partie djiboutienne de la ligne.
L'exploitation est assurée par deux sociétés différentes, la « Ethiopian Railway Corporation » pour la partie éthiopienne<ref>« Ethiopian Railway Corporation Etablishment », Council of Ministers Regulation n° 141/2007, ''Federal Negarit Gazeta'', 29/11/2007.</ref>et la « Société djiboutienne de chemin de fer »<ref>Loi n°96/AN/10/6ème L du 3 janvier 2011 portant création de l’entreprise publique dénommée « Société djiboutienne de chemin de fer » sur le [http://www.presidence.dj/recherchetexte.php site de la présidence djiboutienne].</ref>pour la partie djiboutienne de la ligne.
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Le chemin de fer a été la première, et longtemps la plus importante, entreprise industrielle d'Éthiopie. Elle a formé de nombreux techniciens, ouvriers, cadres, qui ont ensuite participé à l'industrialisation relative du pays.
Le chemin de fer a été la première, et longtemps la plus importante, entreprise industrielle d'Éthiopie. Elle a formé de nombreux techniciens, ouvriers, cadres, qui ont ensuite participé à l'industrialisation relative du pays.

En 2019, il restait 2 retraités et 6 bénéficiaires de pensions de réversion de la Caisse de retraite du chemin de fer franco-éthiopien (CRCFE), gérée par la [[Caisse des dépôts et consignations|Caisse des dépôts]]<ref>{{Lien web |titre=Rapport d'activité 2019 CRCFE |url=https://retraitesolidarite.caissedesdepots.fr/sites/default/files/CRCFE_2019.pdf}}</ref>.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
{{Références|colonnes=2}}
{{Références|colonnes=2}}


=== Bibliographie ===
== Bibliographie ==
==== Sources ====
=== Sources ===
* {{fr}} Brisse (André) [1901], «Djibouti et le chemin de fer du Harar», ''Annales de Géographie'', t. 10, {{n°|52}}. {{p.|370-373}}, [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1901_num_10_52_5015 en ligne].
* {{fr}} Brisse (André) [1901], «Djibouti et le chemin de fer du Harar», ''Annales de Géographie'', t. 10, {{n°|52}}. {{p.|370-373}}, [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1901_num_10_52_5015 en ligne].
* {{en}} Gilmour (T. Lennox) [1906], ''Abyssinia. The Ethiopian Railway and the Powers'', London, Alston Rivers.
* {{en}} Gilmour (T. Lennox) [1906], ''Abyssinia. The Ethiopian Railway and the Powers'', London, Alston Rivers.
* {{fr}} Péroz (Étienne) [1907], ''Le chemin de fer éthiopien et le port de Djibouti'', Paris, Comité de l’Afrique française, 31 p. + 6 pl., [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k103785t en ligne].
* {{fr}} Péroz (Étienne) [1907], ''Le chemin de fer éthiopien et le port de Djibouti'', Paris, Comité de l’Afrique française, 31 p. + 6 pl., [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k103785t en ligne].
* {{fr}} Camut (Jean-Georges) [1935], ''Une expérience de réalisation ferroviaire africaine : le chemin de fer éthiopien Djibouti-Addis Abeba'', Paris, Comité de l’Afrique française.
* {{fr}} Camut (Jean-Georges) [1935], ''Une expérience de réalisation ferroviaire africaine : le chemin de fer éthiopien Djibouti-Addis Abeba'', Paris, Comité de l’Afrique française.


==== Études ====
=== Études ===
* Basuyau (Vincent) [1991], ''Le chemin de fer de Djibouti à Addis Abeba'', Mémoire de DEA, [[Université de Paris I - Panthéon-Sorbonne]], .
* Basuyau (Vincent) [1991], ''Le chemin de fer de Djibouti à Addis Abeba'', Mémoire de DEA, [[Université de Paris I - Panthéon-Sorbonne]], .
* {{en}} Christopher (John Barret) [1942], ''Ethiopia, the Powers and the Jibuti railway - 1899-1906'', PhD thesis in History, Harvard University, dact.
* {{en}} Christopher (John Barret) [1942], ''Ethiopia, the Powers and the Jibuti railway - 1899-1906'', PhD thesis in History, Harvard University, dact.
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* {{en}} Shiferaw Bekele [1991], «The Ethiopian railway and British finance capital, 1896-1902», ''Africa'' (Roma), vol. 46, {{numéro}}3, {{p.|351}}-374
* {{en}} Shiferaw Bekele [1991], «The Ethiopian railway and British finance capital, 1896-1902», ''Africa'' (Roma), vol. 46, {{numéro}}3, {{p.|351}}-374
* Pasteau (Michel) [1984], «Évolution de la situation juridique du Chemin de fer de Djibouti à Addis Abeba de 1896 à 1977», in ''Proceedings of the 8th international conference on Ethiopian studies'', vol. 2, {{p.|283-288}}.
* Pasteau (Michel) [1984], «Évolution de la situation juridique du Chemin de fer de Djibouti à Addis Abeba de 1896 à 1977», in ''Proceedings of the 8th international conference on Ethiopian studies'', vol. 2, {{p.|283-288}}.
* Van Gelder de Pineda (Rosanna) [1995], ''Le Chemin de fer de Djibouti à Addis-Abeba'', L'Harmattan, Paris, 733 p.
* Van Gelder de Pineda (Rosanna) [1995], ''Le Chemin de fer de Djibouti à Addis-Abeba'', [[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]], Paris, 733 p.


==Voir aussi==
=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
{{autres projets|commons=Category:Chemin de fer djibouto-éthiopien}}
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=== Liens externes ===
=== Liens externes ===
* [[Ali Moussa Iye]], [http://www.alimoussaiye.com/blog-ecrits--publications/le-djibouto-ethiopien-il-etait-une-fois-un-train-du-far-east "Le Djibouto-éthiopien : Il était une fois un train du Far East"] , 2016.
* Ali Moussa Iye, [http://www.alimoussaiye.com/blog-ecrits--publications/le-djibouto-ethiopien-il-etait-une-fois-un-train-du-far-east "Le Djibouto-éthiopien : Il était une fois un train du Far East"] , 2016.
* {{Lien web|url=http://www.train-franco-ethiopien.com/|titre=Le Chemin de fer Franco-Éthiopien de Djibouti à Addis-Abeba de 1900 à 1980|auteur=Jean-Pierre Crozet|année=2008|site=|consulté le=21 avril 2009}}
* {{Lien web|url=http://www.train-franco-ethiopien.com/|titre=Le Chemin de fer Franco-Éthiopien de Djibouti à Addis-Abeba de 1900 à 1980|auteur=Jean-Pierre Crozet|année=2008|site=|consulté le=21 avril 2009}}
* {{Lien web|url=http://www.africantrain.org/|titre=Un Train en Afrique. African Train. Djibouti - Addis Abeba|auteur=Hugues Fontaine}}
* {{Lien web|url=http://www.africantrain.org/|titre=Un Train en Afrique. African Train. Djibouti - Addis Abeba|auteur=Hugues Fontaine}}
* [http://www.spcm.org/Journal/spip.php?article1779 Concession du chemin de fer à la société Comazar]
* [http://www.spcm.org/Journal/spip.php?article1779 Concession du chemin de fer à la société Comazar]
* [http://www.proparco.fr/jahia/Jahia/site/proparco/lang/fr/Accueil_PROPARCO/Publications-Proparco/secteur-prive-et-developpement/ L’échec paradoxal de la mise en concession du chemin de fer djibouto-éthiopien]
* [http://www.proparco.fr/jahia/Jahia/site/proparco/lang/fr/Accueil_PROPARCO/Publications-Proparco/secteur-prive-et-developpement/ L’échec paradoxal de la mise en concession du chemin de fer djibouto-éthiopien]
* [https://www.monde-diplomatique.fr/1964/11/A/26308 La ligne gérée par la Compagnie franco-éthiopienne relie le pays a ses principaux débouchés commerciaux. Le Monde diplomatique, novembre 1964].


{{Portail|chemin de fer|Éthiopie|Djibouti}}
{{Portail|chemin de fer|Éthiopie|Djibouti}}

Dernière version du 5 décembre 2023 à 03:47

Chemin de fer djibouto-éthiopien
Ligne de Djibouti à Addis-Abeba
via Dire Dawa
Voir la carte de la ligne.
Carte de la ligne
Voir l'illustration.
La gare de Dire Dawa en Éthiopie.
Pays Drapeau de Djibouti Djibouti,
Drapeau de l'Éthiopie Éthiopie
Historique
Mise en service 1917
Fermeture 2010
Concessionnaire CDE (à partir de 1981)
Caractéristiques techniques
Longueur 784 km
Écartement métrique (1,000 m)
Nombre de voies Voie unique
Trafic
Trafic Voyageurs et fret

Le chemin de fer djibouto-éthiopien est une ancienne ligne à voie unique et métrique longue de 784 km, reliant Djibouti, la capitale de la république homonyme, à Addis-Abeba, capitale de l'Éthiopie.
La ligne a été construite entre 1897 et 1917, et inaugurée le .

La société exploitante s'est appelée Compagnie impériale des chemins de fer éthiopiens (CIE), puis Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien (CFE) à partir de 1909, avant de devenir la Compagnie du chemin de fer djibouto-éthiopien (CDE) en octobre 1981. L'exploitation de la ligne s'est définitivement interrompue dans les années 2000.

Elle est remplacée depuis 2016 par la nouvelle ligne à voie normale reliant Addis-Abeba à Djibouti.

Contexte[modifier | modifier le code]

Un train sur le pont de Gotha près de Dire Dawa.
Un train quitte Dire Dawa pour Djibouti.

La construction du chemin de fer est à replacer dans le contexte historique marqué par la volonté des puissances coloniales de dominer la Corne de l'Afrique. L'empereur Ménélik II, sorti victorieux de la bataille d’Adoua, tenait à l’indépendance de son pays.

Le premier projet de construction ferroviaire dans la Corne de l'Afrique semble être celui élaboré par Brémond, en 1883, qui envisageait de relier la côte à l'Awash [1]. Mais c'est l'ingénieur suisse Alfred Ilg qui obtient le 9 mars 1894 une concession de Menelik II qu'il essaye de mettre en œuvre avec le commerçant Léon Chefneux. Cette concession prévoit « la construction et l'exploitation d'un chemin de fer allant de Djibouti à Harrar, de Harrar à Entotto, et d'Entotto au Kaffa et au Nil Blanc» (art. 1). Ce n'est qu'après la victoire éthiopienne d'Adwa que les autorités françaises autorisent le passage gratuit de la ligne sur le territoire de la Côte française des Somalis.

La ligne prévue par la concession devait se diviser en trois sections : un point terminal partant de Djibouti pour arriver à Harar, une étape intermédiaire qui relierait Harar au comptoir d’Enttoto, et un dernier tronçon parcourant l’Afrique Nilotique.

Résistances au projet[modifier | modifier le code]

Le projet souleva de nombreuses objections tant en Éthiopie que dans les territoires parcourus par la ligne. Les dignitaires des groupes locaux craignaient que le chemin de fer n'accentue la colonisation européenne. Les propriétaires de caravanes de chameaux considéraient ce projet comme entrant en concurrence directe avec leurs activités. Les Européens (Italie et Angleterre) firent eux aussi part de leurs réserves quant à l'impact de l'entreprise ferroviaire sur leurs propres intérêts économiques.

Construction[modifier | modifier le code]

Premier tronçon[modifier | modifier le code]

En 1896 se crée la première compagnie ferroviaire, privée, la Compagnie impériale du chemin de fer franco-éthiopien (CIE), au capital de 2 millions de francs répartis en 4 000 actions.
Après que, le , Menelik accepte que la première section ne se termine pas à Harar mais reste dans la plaine, la construction de la ligne commence à Djibouti en octobre ou novembre 1897. Un premier tronçon, entre Djibouti et Dewele (108 km) est ouvert à l'exploitation le .
Les fonds sont insuffisants et la société fait appel à des capitaux britanniques (les frères Ochs). Cependant, les frais financiers et de complexes manœuvres financières (par exemple le capital n'est pas appelé et la société utilise de coûteux emprunts), maintiennent la compagnie au bord du dépôt de bilan[2]. C'est la convention dite « Bonhoure-Chefneux », du , approuvée par la loi du 4 avril, qui, en accordant à la compagnie une subvention annuelle de 500 000 francs en échange du retrait des capitaux britanniques, permet d'amener la voie à la ville nouvelle de Dire Dawa en décembre 1902.

Médaille commémorative. Avers : portrait de Ménélik II à droite au type du thaler ; Revers : locomotive à vapeur allant à gauche, texte en amharique የዎድር ፤ባቡር ፤ማሳሰቢያ ። (En souvenir du chemin de fer) suivi, en caractères guèzes de la date 1895 du Calendrier éthiopien correspondant à l'année allant de septembre 1902 à septembre 1903 du calendrier grégorien.

Alors que les travaux avancent, les tribus nomades somalis s'inquiètent de la fin de leur contrôle du commerce caravanier. Les relations des habitants avec la compagnie et ses salariés sont tumultueuses et très violentes. En février 1899, neuf ouvriers sont tués dans une attaque du chantier. Le service de sécurité de la compagnie organise des représailles, attaque les campements, razzie les troupeaux… En février 1900, le gouverneur dénonce les pratiques des constructeurs qui « peuvent se résumer en cinq mots : refus de paiement, ligotement des indigènes, bastonnades, viols de femmes, au besoin assassinats »[3].

Les discussions s’apaiseront après qu’un des délégués français écarta les jambes et s’exclama : « Dans l’immensité de votre territoire nous ne vous demandons rien que l’espace entre mes deux pieds, comment pouvez-vous nous le refuser ? »[réf. nécessaire]. Les chefs de tribus acceptèrent mais obtinrent la gratuité du transport pour les personnes membres de leur clan[réf. nécessaire].

La Compagnie rencontre des difficultés multiples. Le chantier a été sous-évalué (225 km au lieu des 310 réels), le terrain est difficile, et surtout l'argent manque et les travaux piétinent. Le trust britannique piloté par les frères Ochs tente de prendre le contrôle de la Compagnie. Ils proposent dès 1898 de garantir le financement en échange de l'abandon du monopole sur les voies ferrées vers le Shewa, et donc la possibilité de construire un embranchement vers les ports britanniques du Somaliland, Zeila ou Berbera[4]. Le Comité de l'Afrique française et les milieux coloniaux obtiennent que le caractère français de la ligne soit maintenu. La convention de 1902 (voir plus haut) qui met la compagnie sous contrôle des autorités coloniales, et des techniques de construction sommaires (comme la « ligne molle » qui fait traverser les rivières temporaires en posant la voie sur le fond sans construire de pont) permettent au chemin de fer d'atteindre la plaine où s'établit Dire Dawa en décembre 1902.

Deuxième tronçon[modifier | modifier le code]

Cependant la prise de contrôle par un État étranger de la compagnie chargée de la construction de la principale infrastructure de transport du pays ne peut laisser les autorités éthiopiennes indifférentes. Menelik n'accorde donc pas l'autorisation de construction de la deuxième section, et tente de s'appuyer sur les autres puissances européennes. Mais l'accord du 13 décembre 1906[5] qui partage l'Éthiopie en zones d'influences réservées à la France, l'Italie et le Royaume-Uni ne lui laisse aucune chance. Il marque aussi l'abandon par la France de la troisième section, entre Addis Abeba et le Nil.

La Compagnie impériale, abandonnée par la France, l'Éthiopie et le Royaume-Uni, est amenée au dépôt de bilan le 3 juin 1907. Elle a dépensé en tout 47,8 millions de francs, dont 10 millions de frais financiers, 4 millions de droits à Ilg et Chefneux et 32,5 millions de frais de construction[6]. C'est l'administration coloniale de Djibouti qui prend alors en charge sa gestion provisoire en régie.

Malgré quelques tentatives de résistance, Menelik est contraint en 1908 de signer sous la pression de l'envoyé français Antony Klobukowski deux accords[7]. Le premier, signé le 10 janvier 1908, est un traité d'amitié qui prévoit un régime dit de « capitulation » pour les Européens résidant en Éthiopie, qui relèvent alors en droit civil et pénal de leur consul. Le second, le 30 janvier 1908, est la concession de la ligne à un Français, son médecin, le docteur Joseph Vitalien, représentant d'une compagnie à créer chargée de l'exploitation du tronçon existant et de la construction de la deuxième section.

La nouvelle « Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien » est constituée par de grandes banques françaises, sous la houlette de la Banque de l'Indochine. Entre le 5 et le 8 mars 1909, plusieurs accords organisent les relations entre le gouvernement français et la compagnie et l'indemnisation des actionnaires de la Compagnie impériale[8]. En échange de la garantie financière totale de l'État, la construction, l'exploitation et la gestion de la ligne sont contrôlées par le gouvernement français sur l'ensemble du tracé. Le chemin de fer est alors une enclave souveraine française en Éthiopie, marquant la faiblesse de l'indépendance éthiopienne à ce moment.

Les travaux reprennent en janvier 1910. Soixante-six kilomètres sont mis en exploitation en mai 1911, 100 en août 1912, 145 en mai 1913, 235 en février 1914. La ligne atteint alors la rivière Awash. En avril 1915, 779 kilomètres sont construits jusqu'à Addis Abeba, mais l'exploitation s'arrête à Mojo (km 715) en raison d'un désaccord sur la construction de la gare terminale. La même année, la nouvelle gare de Dire Dawa est construite[9]. Ce n'est que le 7 juin 1917 que l'ensemble de la ligne est ouverte. La gare d'Addis-Abeba est inaugurée le 3 décembre 1929.

Premier tracé du Chemin de Fer de Djibouti à Addis-Abeba [10]

Exploitation[modifier | modifier le code]

La première Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien (1909-1959)[modifier | modifier le code]

La Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien est présidée successivement par Ernest Roume de 1909 à 1915, Pierre Famin de 1915 à 1922, Maxime Getten de 1922 à 1932 et Charles Michel-Côte jusqu'en 1959[11]. Sous tutelle du gouvernement français qui y exerce un contrôle financier, elle assure l'exploitation de la ligne de 1909 à 1941, puis de 1946 à 1959. Entre 1941 et 1946, l'exploitation est divisée en deux parties, la partie éthiopienne étant administrée par les autorités militaires britanniques.

Les conditions de l'exploitation en Éthiopie sont modifiées par plusieurs accords entre la Compagnie et le gouvernement. Celui du 31 mars 1922 règle la question des terrains nécessaires à la construction de la gare d'Addis Abeba et supprime la douane de Dire-Dawa. Le 12 août 1924, le début de la concession de 99 ans est fixé au 1er janvier 1918. Mais surtout, le 20 mars 1926, un accord finalise les modalités de construction de la gare d'Addis Abeba et organise le transfert aux autorités éthiopiennes de l'administration de la ville de Dire Dawa (qui ne s'appliquera toutefois qu'en 1931)[12]. L'exploitation est bénéficiaire dès 1923. Le trafic du chemin de fer atteint un maximum vers 1928 avec environ 70 000 tonnes transportées.

Un wagon tombereau de la CFE construit par Société franco-belge.

Il est à noter que la ligne Djibouti - Addis-Abeba est concurrencée par la construction d'une route joignant Assab à Addis-Abeba par Dessie et l'octroi d'une zone franche éthiopienne dans le port d'Assab, à la suite d'une convention italo-éthiopienne du 2 août 1928. Cette route est développée par les Italiens à partir de 1937 à la suite de l'invasion de l'Éthiopie.

Pour en revenir à la ligne Djibouti - Addis-Abeba, la demande croît tout de même fortement à la suite de l'invasion de l'Éthiopie par l'Italie en 1936, mais la Compagnie ne parvient pas à augmenter les tonnages transportés, malgré la signature d'un accord entre Michel-Cote et les autorités coloniales italiennes dès le 1er juillet 1936. Une route est ouverte en 1937 afin de permettre le développement du commerce. Quoi qu'il en soit, des investissements permettent de réduire le temps de trajet, et en 1936 il ne faut plus que 25 heures pour parcourir la ligne entière[13].

En 1936, la société disposait de 60 locomotives, 45 voitures et 353 wagons[14].

À partir de la libération de l'Éthiopie par les Alliés, la voie ferrée est coupée à la frontière. Elle n'est rouverte qu'après le ralliement de la Côte française des Somalis en décembre 1942. Mais l'exploitation reste divisée. C'est l'accord franco-éthiopien du 5 septembre 1945 qui permet à la Compagnie de récupérer l'ensemble de la ligne à partir du 1er juillet 1946. Cette « rétrocession » engendre de nombreux mouvements de protestation des employés éthiopiens qui, promus durant l'administration britannique, se voient à nouveau remplacés aux postes de responsabilités par des Français.

En 1950, Antonin Besse, en conflit avec la compagnie de chemin de fer djibouto-ethiopien, relance la route joignant Assab à Addis-Abeba en y mettant 50 camions qui effectuent le trajet en une semaine et le trafic ne cesse d'augmenter au fil des ans.

L'exploitation de la ligne Djibouti - Addis-Abeba devient déficitaire à partir de 1954.

La deuxième Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien (1959-1981)[modifier | modifier le code]

Le 12 novembre 1959, un accord diplomatique entre la France et l'Éthiopie modifie profondément la structure de la société. Les deux pays en deviennent propriétaires à parts égales, et le siège est transféré à Addis Abeba. Cependant, la direction générale et la direction technique restent confiées à des Français (détachés de la SNCF) jusqu'en 1975.
Le premier directeur général éthiopien est Bekele Geleta.

Le chemin de fer djibouto-éthiopien (à partir de 1981)[modifier | modifier le code]

Après la révolution éthiopienne de 1974 et l'indépendance de Djibouti en 1977, une nouvelle compagnie est créée entre les deux États par un accord du 21 mars 1981. L'Éthiopie est alors responsable de 90 % des déficits, et Djibouti de 10 %.

En 2006, une tentative de privatisation de la compagnie a échoué. Depuis, l'exploitation est interrompue entre Dire Dawa et Addis-Abeba (soit sur 472 km), dans l'attente d'une réhabilitation de la voie. Celle-ci tend à prendre du retard, d'autant plus qu'une bonne part du trafic fret a été capté par les transporteurs routiers qui ne tiennent pas particulièrement à une réhabilitation de la ligne.

Des projets de construction d'une nouvelle ligne électrifiée proposé par des entreprises chinoises (China Communications Construction et China Railway Engineering Corporation), associés à des sociétés indienne et russe, sont cependant jugés irréalisables étant donné les investissements nécessaires en infrastructures et le trafic minimal requis (entre 5 et 10 millions de tonnes) pour assurer la rentabilité d’une telle ligne[15].

Le service commercial a été officiellement rétabli le 22 juillet 2013 entre Dire Dawa en Éthiopie et Djibouti, mais il semblerait que des trains aient recommencé à circuler dès octobre 2012 sur ce tronçon [16].

Le chemin de fer franco-éthiopien au cinéma[modifier | modifier le code]

Un voyage de Djibouti à Addis Abeba a été longuement filmé, vues dans le train, défilement des paysages et animation des gares dans le film Empty Quarter de 1985, époque où la desserte voyageurs était régulière.

Une nouvelle ligne[modifier | modifier le code]

En 2013, grâce à une conjoncture économique favorable, les gouvernements éthiopien et djiboutien sont convenus avec l'aide la Chine de reconstruire une ligne ferroviaire entre leurs deux capitales, dont le tracé suit approximativement celui du chemin de fer djibouto-éthiopien. Ainsi, un financement de près de 600 millions de dollars contracté auprès de Exim Bank of China, tandis que la China Civil Engineering Construction Corporation (en) (CCECC) a été désignée comme maître d'œuvre du nouveau chantier ferroviaire[17].

L'inauguration officielle de la nouvelle ligne a eu lieu le 5 octobre 2016, après quatre ans de travaux. Cependant, le lancement de l'exploitation eut lieu après quelques mois d'essais[18],[19].

L'exploitation est assurée par deux sociétés différentes, la « Ethiopian Railway Corporation » pour la partie éthiopienne[20]et la « Société djiboutienne de chemin de fer »[21]pour la partie djiboutienne de la ligne.

Conséquences du chemin de fer[modifier | modifier le code]

La longue domination française, et l'obligation concomitante de parler français pour travailler au CFE, explique que cette langue reste encore utilisée par la plupart des salariés du chemin de fer, y compris en Éthiopie.

Le chemin de fer a été la première, et longtemps la plus importante, entreprise industrielle d'Éthiopie. Elle a formé de nombreux techniciens, ouvriers, cadres, qui ont ensuite participé à l'industrialisation relative du pays.

En 2019, il restait 2 retraités et 6 bénéficiaires de pensions de réversion de la Caisse de retraite du chemin de fer franco-éthiopien (CRCFE), gérée par la Caisse des dépôts[22].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Van Gelder de Pineda
  2. Shiferaw Bekele, 1991
  3. ANOM, Somalis 6/85, lettre du gouverneur du 21 février 1900.
  4. André Brisse, « « Djibouti et le chemin de fer du Harar », Annales de Géographie, 1901, t. 10, no 52, p. 370-373. » (consulté le ); Shiferaw Bekele [1991].
  5. Marcus (Harold G.), « A Preliminary History of Tripartite Treaty of december 13, 1906 », Journal of Ethiopian Studies, vol. II, no 2, July, p. 21-40.
  6. Shiferaw Bekele [1982]
  7. Sur la mission Klobukowski, voir Prijac (Lukian), Antony Klobukowski et le traité franco-éthiopien de 1908, Paris, Aresæ, 2003, 50 p.
  8. « Loi relative au chemin de fer de Djibouti à Addis-Abeba : 3 avril 1909 », Journal officiel de la République Française, Paris, Imprimerie Nationale, no 93,‎ , p. 3513 - 3520 (lire en ligne).
  9. La gare de Diré-Daoua
  10. Extraite de Péroz (Étienne), Le chemin de fer éthiopien et le port de Djibouti, Comité de l’Afrique française, 1907, 31 p. + 6 pl.
  11. La Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien, site entreprises-coloniales.fr.
  12. Shiferaw Bekele, « Aspects of the History of Dire Dawa (1902 to 1936) », in Proceedings of the Fourth Seminar of the Department of History, 1989, p. 81-132
  13. Dubois (Colette), Djibouti, 1888-1967 - Héritage ou frustration, L’Harmattan, Paris, 1997, 431 p., chapitre 2-2
  14. (en) World Survey of Foreign Railways., Transportation Division, Bureau of foreign and domestic commerce, Washington D.C., (lire en ligne), p. 154b
  15. « Terminus pour le chemin de fer djibouto-éthiopien », sur Slate Afrique (consulté le )
  16. Voir la vidéo sur YouTube.
  17. Djibouti-Ethiopie: derniers préparatifs avant le lancement du chantier de la nouvelle ligne de chemin de fer sur http://french.peopledaily.com.cn du 26 mars 2013
  18. « Éthiopie : inauguration d'un train chinois pour relier Addis Abeba à Djibouti », sur france24.com, (consulté le )
  19. « Des contrôleurs chinois dans le nouveau train éthiopien », sur Le Monde Afrique, (consulté le )
  20. « Ethiopian Railway Corporation Etablishment », Council of Ministers Regulation n° 141/2007, Federal Negarit Gazeta, 29/11/2007.
  21. Loi n°96/AN/10/6ème L du 3 janvier 2011 portant création de l’entreprise publique dénommée « Société djiboutienne de chemin de fer » sur le site de la présidence djiboutienne.
  22. « Rapport d'activité 2019 CRCFE »

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Sources[modifier | modifier le code]

  • (fr) Brisse (André) [1901], «Djibouti et le chemin de fer du Harar», Annales de Géographie, t. 10, no 52. p. 370-373, en ligne.
  • (en) Gilmour (T. Lennox) [1906], Abyssinia. The Ethiopian Railway and the Powers, London, Alston Rivers.
  • (fr) Péroz (Étienne) [1907], Le chemin de fer éthiopien et le port de Djibouti, Paris, Comité de l’Afrique française, 31 p. + 6 pl., en ligne.
  • (fr) Camut (Jean-Georges) [1935], Une expérience de réalisation ferroviaire africaine : le chemin de fer éthiopien Djibouti-Addis Abeba, Paris, Comité de l’Afrique française.

Études[modifier | modifier le code]

  • Basuyau (Vincent) [1991], Le chemin de fer de Djibouti à Addis Abeba, Mémoire de DEA, Université de Paris I - Panthéon-Sorbonne, .
  • (en) Christopher (John Barret) [1942], Ethiopia, the Powers and the Jibuti railway - 1899-1906, PhD thesis in History, Harvard University, dact.
  • Fontaine (Hugues) [2012], Un Train en Afrique. African Train. Djibouti - Éthiopie, CFEE / Shama Books, Addis Abeba, 308 p. (ISBN 978-9994486717). [1]
  • Imbert-Vier (Simon), Tracer des frontières à Djibouti. Des frontières et des hommes aux XIXe et XXe siècles, Paris, Karthala, 2011, 480 p., en particulier les chapitres 2 et 3
  • (en) Shiferaw Bekele [1982], The Railway, trade and politics : a historical survey (1896-1935), MA Thesis in History, Addis Ababa University, dir. David Chapple, dact.
  • (en) Shiferaw Bekele [1991], «The Ethiopian railway and British finance capital, 1896-1902», Africa (Roma), vol. 46, no 3, p. 351-374
  • Pasteau (Michel) [1984], «Évolution de la situation juridique du Chemin de fer de Djibouti à Addis Abeba de 1896 à 1977», in Proceedings of the 8th international conference on Ethiopian studies, vol. 2, p. 283-288.
  • Van Gelder de Pineda (Rosanna) [1995], Le Chemin de fer de Djibouti à Addis-Abeba, L'Harmattan, Paris, 733 p.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]