« Sébastianisme » : différence entre les versions

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Le ''sébastianisme'' commence en 1578 à la disparition du roi [[Sébastien Ier de Portugal|Sébastien I{{er}}]] durant la [[bataille des Trois Rois]] au Maroc. En l'absence d'héritier direct, le trône de Portugal est l'objet de disputes entre plusieurs candidats. Parmi eux, [[Philippe II (roi d'Espagne)|Philippe de Habsbourg]] finit par évincer le roi [[Antoine (roi de Portugal)|Antoine Ier]] et par s'imposer par la force, associant le [[Portugal]] ''in persona regis'' aux [[Monarchie catholique espagnole|possessions espagnoles]]. La période [[Union ibérique|philippine]] est vécue par la population comme une période de déclin et d'abandon de la part de la cour, qui est installée à [[Madrid]]. Le corps de [[Sébastien Ier de Portugal|Sébastien I{{er}}]] n'ayant jamais été retrouvé, un mythe du retour se développe progressivement, d'après lequel que le roi disparu reviendra « dans un matin de brume », pour restaurer la grandeur du pays et sauver la nation. Associé d'abord à un mouvement nationaliste et indépendantiste, il fait écho à la légende ibérique du « roi caché » (''rei encoberto''), qui attend le bon moment pour remonter sur le trône et chasser les étrangers. Ce mythe, très en vogue dans la péninsule dominée par les [[Maison de Habsbourg en Espagne|Habsbourg]] et la [[Couronne de Castille|Castille]], s'était déjà manifesté notamment pendant les ''[[Germanías]]'', entre 1519 et 1523, à Valence, au début du règne de [[Charles Quint]]<ref>NALLE, Sarah. “El Encubierto Revisited: Navigating between Visions of Heaven and Hell on Earth.” In ''Werewolves, Witches, and Wandering Spirits'', ed. Kathryn A. Edwards (Kirksville, Mo.: Truman State University Press, 2002).</ref>.
Le ''sébastianisme'' commence en 1578 à la disparition du roi [[Sébastien Ier de Portugal|Sébastien I{{er}}]] durant la [[bataille des Trois Rois]] au Maroc. En l'absence d'héritier direct, le trône de Portugal est l'objet de disputes entre plusieurs candidats. Parmi eux, [[Philippe II (roi d'Espagne)|Philippe de Habsbourg]] finit par évincer le roi [[Antoine (roi de Portugal)|Antoine Ier]] et par s'imposer par la force, associant le [[Portugal]] ''in persona regis'' aux [[Monarchie catholique espagnole|possessions espagnoles]]. La période [[Union ibérique|philippine]] est vécue par la population comme une période de déclin et d'abandon de la part de la cour, qui est installée à [[Madrid]]. Le corps de [[Sébastien Ier de Portugal|Sébastien I{{er}}]] n'ayant jamais été retrouvé, un mythe du retour se développe progressivement, d'après lequel que le roi disparu reviendra « dans un matin de brume », pour restaurer la grandeur du pays et sauver la nation. Associé d'abord à un mouvement nationaliste et indépendantiste, il fait écho à la légende ibérique du « roi caché » (''rei encoberto''), qui attend le bon moment pour remonter sur le trône et chasser les étrangers. Ce mythe, très en vogue dans la péninsule dominée par les [[Maison de Habsbourg en Espagne|Habsbourg]] et la [[Couronne de Castille|Castille]], s'était déjà manifesté notamment pendant les ''[[Germanías]]'', entre 1519 et 1523, à Valence, au début du règne de [[Charles Quint]]<ref>NALLE, Sarah. “El Encubierto Revisited: Navigating between Visions of Heaven and Hell on Earth.” In ''Werewolves, Witches, and Wandering Spirits'', ed. Kathryn A. Edwards (Kirksville, Mo.: Truman State University Press, 2002).</ref>.


Au fil des décennies, le sébastianisme prend des caractéristiques messianiques propres à la métropole portugaise et à la culture du Nord du Brésil (''cultura nordestina''). Il est associé à des miracles. D'un point de vue politique, il est considéré comme l'expression double d'un mal-être de la population et d'un espoir. Le mythe sébastianiste de la restauration de la grandeur du Portugal à travers la venue d'un homme providentiel est utilisé à plusieurs reprises. Il est l'un des conditionnants du rapport du peuple portugais à la politique. Lors de la [[Guerre de Restauration (Portugal)|guerre de Restauration de 1640-1668]] menée par le roi [[Jean IV de Portugal]] contre la [[Monarchie catholique espagnole|Monarchie Catholique espagnole]], il est mis au service de la [[Maison de Bragance]]. Le jésuite [[Antonio Vieira]] est l'un des principaux artisans de cette construction prophétique nouvelle, à laquelle il consacre l'essentiel de son œuvre dans ses dernières années, même après la fin de la guerre contre l'Espagne, écrivant, entre autres, ''Clavis Prophetaruam et l'História do Futuro''. Assimilé par la suite à une forme de [[patriotisme]], le sébastianisme est mis à contribution de façon plus ou moins directe dans plusieurs mouvement de régénération nationale. Il perdure dans l'inconscient collectif jusqu'à la période contemporaine<ref>{{harvsp|Malte-Brun|Nachet|1828|page=136}}</ref>.
Au fil des décennies, le sébastianisme prend des caractéristiques messianiques propres à la métropole portugaise et à la culture du Nord du Brésil (''cultura nordestina'')<ref>Cantel Raymond. Les prophéties dans la littérature populaire du Nordeste. In: ''Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien'', n°15, 1970. Brésil. pp. 57-72.</ref> <ref />. Il est associé à des miracles. D'un point de vue politique, il est considéré comme l'expression double d'un mal-être de la population et d'un espoir. Le mythe sébastianiste de la restauration de la grandeur du Portugal à travers la venue d'un homme providentiel est utilisé à plusieurs reprises. Il est l'un des conditionnants du rapport du peuple portugais à la politique. Lors de la [[Guerre de Restauration (Portugal)|guerre de Restauration de 1640-1668]] menée par le roi [[Jean IV de Portugal]] contre la [[Monarchie catholique espagnole|Monarchie Catholique espagnole]], il est mis au service de la [[Maison de Bragance]]. Le jésuite [[Antonio Vieira]] est l'un des principaux artisans de cette construction prophétique nouvelle, à laquelle il consacre l'essentiel de son œuvre dans ses dernières années, même après la fin de la guerre contre l'Espagne, écrivant, entre autres, ''Clavis Prophetaruam et l'História do Futuro''. Assimilé par la suite à une forme de [[patriotisme]], le sébastianisme est mis à contribution de façon plus ou moins directe dans plusieurs mouvement de régénération nationale. Il perdure dans l'inconscient collectif jusqu'à la période contemporaine<ref>{{harvsp|Malte-Brun|Nachet|1828|page=136}}</ref>.


== Le sébastianisme au Brésil ==
== Le sébastianisme au Brésil ==

Version du 26 juin 2015 à 18:57

Le sébastianisme (Sebastianismo) est une croyance et un mythe messianique, qui consiste à espérer le retour sur le trône du Portugal du jeune roi Sébastien Ier, disparu lors de la bataille des Trois Rois, dont la légende rapporte qu'il ne serait pas mort. Le sébastianisme est l'un des éléments de la psychologie collective et de la culture politique du Portugal.

Origines et évolution

Le sébastianisme commence en 1578 à la disparition du roi Sébastien Ier durant la bataille des Trois Rois au Maroc. En l'absence d'héritier direct, le trône de Portugal est l'objet de disputes entre plusieurs candidats. Parmi eux, Philippe de Habsbourg finit par évincer le roi Antoine Ier et par s'imposer par la force, associant le Portugal in persona regis aux possessions espagnoles. La période philippine est vécue par la population comme une période de déclin et d'abandon de la part de la cour, qui est installée à Madrid. Le corps de Sébastien Ier n'ayant jamais été retrouvé, un mythe du retour se développe progressivement, d'après lequel que le roi disparu reviendra « dans un matin de brume », pour restaurer la grandeur du pays et sauver la nation. Associé d'abord à un mouvement nationaliste et indépendantiste, il fait écho à la légende ibérique du « roi caché » (rei encoberto), qui attend le bon moment pour remonter sur le trône et chasser les étrangers. Ce mythe, très en vogue dans la péninsule dominée par les Habsbourg et la Castille, s'était déjà manifesté notamment pendant les Germanías, entre 1519 et 1523, à Valence, au début du règne de Charles Quint[1].

Au fil des décennies, le sébastianisme prend des caractéristiques messianiques propres à la métropole portugaise et à la culture du Nord du Brésil (cultura nordestina)[2] Erreur de référence : La balise ouvrante <ref> est mal formée ou a un mauvais nom.. Il est associé à des miracles. D'un point de vue politique, il est considéré comme l'expression double d'un mal-être de la population et d'un espoir. Le mythe sébastianiste de la restauration de la grandeur du Portugal à travers la venue d'un homme providentiel est utilisé à plusieurs reprises. Il est l'un des conditionnants du rapport du peuple portugais à la politique. Lors de la guerre de Restauration de 1640-1668 menée par le roi Jean IV de Portugal contre la Monarchie Catholique espagnole, il est mis au service de la Maison de Bragance. Le jésuite Antonio Vieira est l'un des principaux artisans de cette construction prophétique nouvelle, à laquelle il consacre l'essentiel de son œuvre dans ses dernières années, même après la fin de la guerre contre l'Espagne, écrivant, entre autres, Clavis Prophetaruam et l'História do Futuro. Assimilé par la suite à une forme de patriotisme, le sébastianisme est mis à contribution de façon plus ou moins directe dans plusieurs mouvement de régénération nationale. Il perdure dans l'inconscient collectif jusqu'à la période contemporaine[3].

Le sébastianisme au Brésil

Le sébastianisme fut introduit au Brésil par les jésuites, notamment par José de Anchieta au XVIe, mais c'est au XIXe que la croyance au sébastianisme provoqua d'importantes agitations messianiques, en particulier dans la région du Nordeste. Celles-ci se manifestèrent par la création de sectes s'appuyant sur les milieux ruraux de condition modeste. On peut citer comme exemple le cas d'Antônio Conselheiro. Certains de ces mouvements dérivèrent vers des actions meurtrières, tel le royaume enchanté de Pedra Bonita où les adeptes se massacrèrent entre eux. La plupart de ces mouvements furent sévèrement réprimés par les autorités brésiliennes.

Au XXe siècle

L'écrivain Fernando Pessoa utilise abondamment la mythologie sébastianiste dans son recueil Message, dédiant notamment le poème D. Sebastião, Rei de Portugal au roi disparu. Pour Malheiro Dias le sébastianisme est « l'expression de la foi portugaise en sa destinée »[4].

Notes et références

  1. NALLE, Sarah. “El Encubierto Revisited: Navigating between Visions of Heaven and Hell on Earth.” In Werewolves, Witches, and Wandering Spirits, ed. Kathryn A. Edwards (Kirksville, Mo.: Truman State University Press, 2002).
  2. Cantel Raymond. Les prophéties dans la littérature populaire du Nordeste. In: Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien, n°15, 1970. Brésil. pp. 57-72.
  3. Malte-Brun et Nachet 1828, p. 136
  4. Histoire cachée entre histoire révélée et histoire critique, Jean-Pierre Brach

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Le Cinquième Empire: l’Empire de la Saudade », par Mathieu Leroux.
  • António Henrique R. de Oliveira Marques, Mário Soares, Jean-Michel Massa, Marie-Hélène Baudrillart, Histoire du Portugal et de son empire colonial, KARTHALA Editions, (ISBN 2865378446, lire en ligne)
  • Histoire des religions, tome III, Encyclopédie de la Pléiade, Gallimard, (1976), p.1093-1102
  • (de) Günther Berger, Relazioni:internationales Wien, Peter Lang, 2009, p. 288.
  • (de) Ruth Tobias, Der "Sebastianismo" in der portugiesischen Literatur des 20. Jahrhunderts: zur literarischen Konstruktion und Dekonstruktion nationaler Identität am Beispiel eines Erlösermythos, pp. 116 et suiv.
  • Conrad Malte-Brun et J. Nachet (recueil), Mélanges scientifiques et littéraires de Malte-Brun : ou choix de ses principaux articles sur la littérature, la géographie et l'histoire, Volume 1, t. 1, Paris, Aimé-André, (lire en ligne), « Coup d'oeil historique et géographique sur le Portugal et sur ses colonies »