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« Lettre de majesté de Rodolphe II » : différence entre les versions

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La '''Lettre de Majesté''' (en {{lang-de|''Majestätsbrief''}}) du {{date|9 juillet 1609}} est une décision de l'empereur [[Rodolphe II (empereur du Saint-Empire)|Rodolphe II]] octroyant la [[Liberté de religion|liberté religieuse]] aux sujets [[Protestantisme|protestants]] de son [[royaume de Bohême]]. Ce texte déroge au principe ''[[cujus regio, ejus religio]]'' (« tel prince, telle religion ») qui était de mise dans le [[Saint-Empire romain germanique|Saint-Empire romain]] depuis la [[paix d'Augsbourg]] en [[1555]]. Il organise au contraire la coexistence confessionnelle sur un même territoire, un peu comme le prescrit l'[[Édit de Nantes]] en France.
La '''Lettre de Majesté''' (en {{lang-de|''Majestätsbrief''}}) du {{date|9 juillet 1609}} est une décision de l'empereur [[Rodolphe II (empereur du Saint-Empire)|Rodolphe II]] octroyant la [[Liberté de religion|liberté religieuse]] aux sujets [[Protestantisme|protestants]] de son [[royaume de Bohême]]. Ce texte déroge au principe ''[[cujus regio, ejus religio]]'' (« tel prince, telle religion »), qui était de mise dans le [[Saint-Empire romain germanique|Saint-Empire romain]] depuis la [[paix d'Augsbourg]] de [[1555]]. Il organise au contraire la coexistence confessionnelle sur un même territoire, un peu comme le prescrit l'[[Édit de Nantes]] en France.


== Contexte ==
== Contexte ==
La promulgation de la Lettre de Majesté s'inscrit dans un contexte politique agité. Rodolphe II, issu de la dynastie des [[Monarchie de Habsbourg|Habsbourg]], s'est initialement attaché à adopter et faire appliquer des mesures de la [[Contre-Réforme]] ; toutefois, il atteint de troubles mentaux, délaissait l'exercice du gouvernement et laissait toute liberté à un « parti espagnol » présent au sein de la haute administration pour manœuvrer.
La promulgation de la Lettre de Majesté s'inscrit dans un contexte politique agité. Rodolphe II, issu de la dynastie des [[Monarchie de Habsbourg|Habsbourg]], s'est initialement attaché à adopter et faire appliquer des mesures de la [[Contre-Réforme]] ; toutefois, atteint de troubles mentaux, il délaissait l'exercice du gouvernement et laissait toute liberté à un « parti espagnol », présent au sein de la haute administration, pour manœuvrer.


[[Matthias Ier du Saint-Empire|Matthias]], le frère cadet de l'empereur, prit la tête d'une fronde des milieux dirigeants, se fit élire [[Liste des souverains de Hongrie|roi de Hongrie]] et [[Liste des souverains de Moravie|margrave de Moravie]], et voulut pousser l'empereur à l'abdication. Les États de Bohême, attachés aux libertés politiques du royaume, apportèrent leur soutien à Rodolphe II, mais cherchèrent à le monnayer contre une reconnaissance formelle de la ''[[Confessio Bohemica]]'' élaborée en [[1575]]. Après plusieurs refus, le {{date-|9 juillet 1609}}, l'empereur sanctionna la Confession et établit la liberté religieuse pour les sujets du royaume de Bohême.
[[Matthias Ier du Saint-Empire|Matthias]], le frère cadet de l'empereur, prit la tête d'une fronde des milieux dirigeants, se fit élire [[Liste des souverains de Hongrie|roi de Hongrie]] et [[Liste des souverains de Moravie|margrave de Moravie]], et voulut pousser l'empereur à l'abdication. Les États de Bohême, attachés aux libertés politiques du royaume, apportèrent leur soutien à Rodolphe, mais cherchèrent à le monnayer contre une reconnaissance formelle de la ''[[Confessio Bohemica]]'' élaborée en [[1575]]. Après plusieurs refus, le {{date-|9 juillet 1609}}, l'empereur sanctionna la Confession et établit la liberté religieuse pour les sujets du royaume de Bohême.


== Contenu ==
== Contenu ==
Alors que la tendance était nettement à la reconquête catholique, notamment au sein des élites, la Lettre de Majesté apparaît donc comme une revanche inespérée sur les catholiques. Elle donne la liberté religieuse aux sujets de Bohême, mais également aux [[régnicole]]s. La construction de temples est autorisée. L'Église protestante reçoit une organisation institutionnelle officielle, avec la reconnaissance d'un consistoire à [[Prague]] pouvant désigner et consacrer les pasteurs [[utraquistes]]. L'[[université de Prague]] est confiée aux protestants, qui reçoivent également des garanties juridiques avec la nomination de Défenseurs chargés de faire respecter la Lettre de Majesté.
Alors que la tendance était nettement à la reconquête catholique, notamment au sein des élites, la Lettre de Majesté apparaît comme une revanche inespérée sur les catholiques. Elle donne la liberté religieuse aux sujets de Bohême, mais également aux [[régnicole]]s. La construction de temples est autorisée. L'Église protestante reçoit une organisation institutionnelle officielle, avec la reconnaissance d'un consistoire à [[Prague]] pouvant désigner et consacrer les pasteurs [[Utraquisme|utraquistes]]. L'[[université de Prague]] est confiée aux protestants, qui reçoivent également des garanties juridiques avec la nomination de Défenseurs chargés de faire respecter la Lettre de Majesté.
La Lettre de Majesté donnait certes des garanties au parti protestant, mais ne réglait pas le différend dynastique entre Rodolphe II et Matthias, et présentait bien des zones sujettes à interprétation. Les conflits locaux avec les catholiques ne cessèrent pas. Le camp protestant était par ailleurs divisé entre [[utraquistes]] et [[Frères Moraves]], qui se disputaient les bâtiments de culte. Le compromis était donc fragile, et ne résista pas longtemps. La tolérance prescrite ne fut jamais réellement effective, et les incidents entre confessions se multiplièrent, menant finalement à la [[Défenestration de Prague (1618)|Défenestration de Prague]] et le déclenchement de la [[guerre de Trente Ans]] en [[1618]].
La Lettre de Majesté donnait certes des garanties au parti protestant, mais ne réglait pas le différend dynastique entre Rodolphe II et Matthias, et présentait bien des zones sujettes à interprétation. Les conflits locaux avec les catholiques ne cessèrent pas. Le camp protestant était par ailleurs divisé entre [[utraquistes]] et [[Frères Moraves]], qui se disputaient les bâtiments de culte. Le compromis était donc fragile et ne résista pas longtemps. La tolérance prescrite ne fut jamais réellement effective, et les incidents entre confessions se multiplièrent, menant finalement à la [[Défenestration de Prague (1618)|Défenestration de Prague]] et au déclenchement de la [[guerre de Trente Ans]] en [[1618]].
En [[1620]], au lendemain de la [[bataille de la Montagne Blanche]], l'acte original de la Lettre de Majesté fut lacéré de deux coups de poignard par l'empereur [[Ferdinand II (empereur du Saint-Empire)|Ferdinand II]], geste qui signe la fin du régime de tolérance religieuse en Bohême.
En [[1620]], au lendemain de la [[bataille de la Montagne Blanche]], l'acte original de la Lettre de Majesté fut lacéré de deux coups de poignard par l'empereur [[Ferdinand II (empereur du Saint-Empire)|Ferdinand II]], geste qui signe la fin du régime de tolérance religieuse en Bohême.

Dernière version du 6 mars 2021 à 22:45

La Lettre de Majesté.

La Lettre de Majesté (en allemand : Majestätsbrief) du est une décision de l'empereur Rodolphe II octroyant la liberté religieuse aux sujets protestants de son royaume de Bohême. Ce texte déroge au principe cujus regio, ejus religio (« tel prince, telle religion »), qui était de mise dans le Saint-Empire romain depuis la paix d'Augsbourg de 1555. Il organise au contraire la coexistence confessionnelle sur un même territoire, un peu comme le prescrit l'Édit de Nantes en France.

Contexte[modifier | modifier le code]

La promulgation de la Lettre de Majesté s'inscrit dans un contexte politique agité. Rodolphe II, issu de la dynastie des Habsbourg, s'est initialement attaché à adopter et faire appliquer des mesures de la Contre-Réforme ; toutefois, atteint de troubles mentaux, il délaissait l'exercice du gouvernement et laissait toute liberté à un « parti espagnol », présent au sein de la haute administration, pour manœuvrer.

Matthias, le frère cadet de l'empereur, prit la tête d'une fronde des milieux dirigeants, se fit élire roi de Hongrie et margrave de Moravie, et voulut pousser l'empereur à l'abdication. Les États de Bohême, attachés aux libertés politiques du royaume, apportèrent leur soutien à Rodolphe, mais cherchèrent à le monnayer contre une reconnaissance formelle de la Confessio Bohemica élaborée en 1575. Après plusieurs refus, le , l'empereur sanctionna la Confession et établit la liberté religieuse pour les sujets du royaume de Bohême.

Contenu[modifier | modifier le code]

Alors que la tendance était nettement à la reconquête catholique, notamment au sein des élites, la Lettre de Majesté apparaît comme une revanche inespérée sur les catholiques. Elle donne la liberté religieuse aux sujets de Bohême, mais également aux régnicoles. La construction de temples est autorisée. L'Église protestante reçoit une organisation institutionnelle officielle, avec la reconnaissance d'un consistoire à Prague pouvant désigner et consacrer les pasteurs utraquistes. L'université de Prague est confiée aux protestants, qui reçoivent également des garanties juridiques avec la nomination de Défenseurs chargés de faire respecter la Lettre de Majesté.

La Lettre de Majesté donnait certes des garanties au parti protestant, mais ne réglait pas le différend dynastique entre Rodolphe II et Matthias, et présentait bien des zones sujettes à interprétation. Les conflits locaux avec les catholiques ne cessèrent pas. Le camp protestant était par ailleurs divisé entre utraquistes et Frères Moraves, qui se disputaient les bâtiments de culte. Le compromis était donc fragile et ne résista pas longtemps. La tolérance prescrite ne fut jamais réellement effective, et les incidents entre confessions se multiplièrent, menant finalement à la Défenestration de Prague et au déclenchement de la guerre de Trente Ans en 1618.

En 1620, au lendemain de la bataille de la Montagne Blanche, l'acte original de la Lettre de Majesté fut lacéré de deux coups de poignard par l'empereur Ferdinand II, geste qui signe la fin du régime de tolérance religieuse en Bohême.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jean Bérenger, Tolérance ou paix de religion en Europe Centrale (1415-1792), Paris, Honoré Champion, 2000.

Voir aussi[modifier | modifier le code]