« Alfredo Stroessner » : différence entre les versions

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== Situation personnelle ==
== Situation personnelle ==
Alfredo Stroessner est né le {{date|3 novembre 1912}} à [[Encarnación]] dans le [[Départements du Paraguay|département]] d'[[Itapúa]], à 350 km au sud-est [[Asunción]]<ref name="Nécrologie le monde">{{Lien web |langue=français |auteur=[[Agence France-Presse|AFP]] |titre=Alfredo Stroessner, ex-dictateur du Paraguay, est mort sans avoir été jugé |url=https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2006/08/16/alfredo-stroessner-ex-dictateur-du-paraguay-est-mort-sans-avoir-ete-juge_804012_3382.html |date=16 août 2006 |site=www.lemonde.fr |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. Il est le fils d’un [[expert comptable]] et brasseur d’origine bavaroise ([[Hof-sur-Saale]]), Hugo Strößner, arrivé dans le pays en 1895, et d'une paraguayenne d'ascendance créole, Heriberta Matiauda. Il parlait l'[[espagnol]], le [[guarani]]<ref name="Patriache autharcique">{{Chapitre |langue=français |auteur1=Emmanuel Hecht |titre chapitre=Alfredo Stroessner, le patriarche autarcique |auteurs ouvrage=[[Olivier Guez]] (dir.) |titre ouvrage=Le Siècle des dictateurs |lieu=[[Paris]] |éditeur=[[Éditions Perrin|Perrin]] |année=2019 |isbn=978-2-262-07710-5 |lire en ligne= |passage=223-236 }}.</ref> et l'[[allemand]].
Alfredo Stroessner est né le {{date|3 novembre 1912}} à [[Encarnación]] dans le [[Départements du Paraguay|département]] d'[[Itapúa]], à 350 km au sud-est [[Asunción]]<ref name="Nécrologie le monde">{{Lien web |langue=français |auteur=[[Agence France-Presse|AFP]] |titre=Alfredo Stroessner, ex-dictateur du Paraguay, est mort sans avoir été jugé |url=https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2006/08/16/alfredo-stroessner-ex-dictateur-du-paraguay-est-mort-sans-avoir-ete-juge_804012_3382.html |date=16 août 2006 |site=www.lemonde.fr |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. Il est le fils d’un [[expert comptable]] et brasseur d’origine bavaroise ([[Hof-sur-Saale]]), Hugo Strößner, arrivé dans le pays en 1895, et d'une paraguayenne d'ascendance créole, Heriberta Matiauda. Il parlait l'[[espagnol]], le [[Guarani (langue)|guarani]]<ref name="Patriache autharcique">{{Chapitre |langue=français |auteur1=Emmanuel Hecht |titre chapitre=Alfredo Stroessner, le patriarche autarcique |auteurs ouvrage=[[Olivier Guez]] (dir.) |titre ouvrage=Le Siècle des dictateurs |lieu=[[Paris]] |éditeur=[[Éditions Perrin|Perrin]] |année=2019 |isbn=978-2-262-07710-5 |lire en ligne= |passage=223-236 }}.</ref> et l'[[allemand]].


Il entre à la {{lien|langue=en|trad=Francisco López Military Academy|fr=Académie militaire Francisco López}} en [[1929]]<ref name="Nécrologie Guardian">{{Lien web |langue=anglais |auteur=Phil Gunson |titre=General Alfredo Stroessner |url=https://www.theguardian.com/news/2006/aug/17/guardianobituaries.world |date=17 août 2006 |site=www.theguardian.com |consulté le=16 août 2021}}.</ref> et en ressort trois ans plus tard avec le grade de [[sous-lieutenant]]<ref name="Nécrologie le monde"/>.
Il entre à la {{lien|langue=en|trad=Francisco López Military Academy|fr=Académie militaire Francisco López}} en [[1929]]<ref name="Nécrologie Guardian">{{Lien web |langue=anglais |auteur=Phil Gunson |titre=General Alfredo Stroessner |url=https://www.theguardian.com/news/2006/aug/17/guardianobituaries.world |date=17 août 2006 |site=www.theguardian.com |consulté le=16 août 2021}}.</ref> et en ressort trois ans plus tard avec le grade de [[sous-lieutenant]]<ref name="Nécrologie le monde"/>.
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Il fait modifier à plusieurs reprises la constitution et rétablit une opposition [[fantoche]] sans réelle marge de manœuvre, autorisant de nouveau le [[Parti libéral radical authentique]] à exister mais favorisant également le retour d'un autre parti, le [[Parti révolutionnaire fébrériste]]<ref name="Patriache autharcique"/>. Il est réélu tous les cinq ans jusqu'en [[1988]]<ref name="Nécrologie le monde"/> et ne fut réellement inquiété qu'en [[1968]]. En [[1977]], une modification constitutionnelle lui permet légalement de devenir [[président à vie]], bien que des élections entachées de [[fraude électorale]] soient organisées<ref name="Patriache autharcique"/>{{,}}<ref name="Nécrologie Guardian"/>{{,}}{{sfn|Olivier Dabène|2020|p=112}}. Assez vite, il fait [[exil]]er son principal opposant réformateur au sein du Parti colorado, l'ancien président de la [[banque centrale du Paraguay]] [[Epifanio Méndez Fleitas]]<ref name="Nécrologie Guardian"/>. Il fait du Paraguay un [[État policier]] et fait réprimer violemment toute opposition au régime<ref name="Nécrologie Guardian"/>{{,}}<ref name="Nécrologie NYT"/>. Stroessner s'assure de la loyauté de l'armée et de ses proches en leur accordant tous les privilèges possibles. C'est ainsi que divers trafics se développèrent, contribuant en partie au développement de l'économie du pays<ref name="Nécrologie Guardian"/>. Malgré son manque de [[charisme]], Stroessner travaillait énormément<ref name="Patriache autharcique"/>{{,}}<ref name="Nécrologie Guardian"/>.
Il fait modifier à plusieurs reprises la constitution et rétablit une opposition [[fantoche]] sans réelle marge de manœuvre, autorisant de nouveau le [[Parti libéral radical authentique]] à exister mais favorisant également le retour d'un autre parti, le [[Parti révolutionnaire fébrériste]]<ref name="Patriache autharcique"/>. Il est réélu tous les cinq ans jusqu'en [[1988]]<ref name="Nécrologie le monde"/> et ne fut réellement inquiété qu'en [[1968]]. En [[1977]], une modification constitutionnelle lui permet légalement de devenir [[président à vie]], bien que des élections entachées de [[fraude électorale]] soient organisées<ref name="Patriache autharcique"/>{{,}}<ref name="Nécrologie Guardian"/>{{,}}{{sfn|Olivier Dabène|2020|p=112}}. Assez vite, il fait [[exil]]er son principal opposant réformateur au sein du Parti colorado, l'ancien président de la [[banque centrale du Paraguay]] [[Epifanio Méndez Fleitas]]<ref name="Nécrologie Guardian"/>. Il fait du Paraguay un [[État policier]] et fait réprimer violemment toute opposition au régime<ref name="Nécrologie Guardian"/>{{,}}<ref name="Nécrologie NYT"/>. Stroessner s'assure de la loyauté de l'armée et de ses proches en leur accordant tous les privilèges possibles. C'est ainsi que divers trafics se développèrent, contribuant en partie au développement de l'économie du pays<ref name="Nécrologie Guardian"/>. Malgré son manque de [[charisme]], Stroessner travaillait énormément<ref name="Patriache autharcique"/>{{,}}<ref name="Nécrologie Guardian"/>.


Entre [[1958]] et [[1960]], une [[guérilla]] tente de renverser le régime, mais elle est finalement écrasée par l'armée<ref name="Nécrologie Guardian"/>. Il est également victime de deux tentatives de coup d'État dans les années 1950<ref name="Nécrologie NYT"/>. Il instaure l'[[état de siège]] en [[1959]]<ref name="Nécrologie NYT"/>. Celui-ci n'est levé qu'en [[1987]] suite aux pressions exercées par les [[États-Unis]]<ref name="Nécrologie libération"/>. Il n'hésitait pas à outrepasser le texte constitutionnel pour prendre ses décisions<ref name="Patriache autharcique"/>. L'adhésion au Parti colorado devint obligatoire, si bien que {{formatnum:900000}} membres étaient référencés en [[1986]]<ref name="Patriache autharcique"/>{{,}}<ref name="Dictateur paraguayen"/>. Il organise régulièrement des purges au sein du parti pour éliminer les membres les moins corrompus ou ses éventuels opposants en interne<ref name="Stroessner inégalitaire BBC"/>. La dernière purge, organisée en [[1987]] alors que des rumeurs sur sa santé commençaient à circuler, lui sera d'ailleurs fatale<ref name="Dictateur paraguayen"/>. Un véritable [[culte de la personnalité]] s'instaure autour de sa personne, si bien que le jour de son anniversaire devient le jour de la [[fête nationale]]<ref name="Patriache autharcique"/>.
Entre [[1958]] et [[1960]], une [[guérilla]] tente de renverser le régime, mais elle est finalement écrasée par l'armée<ref name="Nécrologie Guardian"/>. Il est également victime de deux tentatives de coup d'État dans les années 1950<ref name="Nécrologie NYT"/>. Il instaure l'[[état de siège]] en [[1959]]<ref name="Nécrologie NYT"/>. Celui-ci n'est levé qu'en [[1987]] suite aux pressions exercées par les [[États-Unis]]<ref name="Nécrologie libération"/>. Il n'hésitait pas à outrepasser le texte constitutionnel pour prendre ses décisions<ref name="Patriache autharcique"/>. L'adhésion au Parti colorado devint obligatoire, si bien que {{nombre|900000|membres}} étaient référencés en [[1986]]<ref name="Patriache autharcique"/>{{,}}<ref name="Dictateur paraguayen"/>. Il organise régulièrement des purges au sein du parti pour éliminer les membres les moins corrompus ou ses éventuels opposants en interne<ref name="Stroessner inégalitaire BBC"/>. La dernière purge, organisée en [[1987]] alors que des rumeurs sur sa santé commençaient à circuler, lui sera d'ailleurs fatale<ref name="Dictateur paraguayen"/>. Un véritable [[culte de la personnalité]] s'instaure autour de sa personne, si bien que le jour de son anniversaire devient le jour de la [[fête nationale]]<ref name="Patriache autharcique"/>.


===== Économie =====
===== Économie =====
Durant sa présidence, l'[[économie du Paraguay|économie du pays]] connaît une forte stabilité, avec une [[croissance économique]] entre 3 et 4 % par an, excepté entre [[1976]] et [[1981]] où la croissance économique atteignait 10 % en moyenne<ref name="Patriache autharcique"/>.
Durant sa présidence, l'[[économie du Paraguay|économie du pays]] connaît une forte stabilité, avec une [[croissance économique]] entre 3 et 4 % par an, excepté entre [[1976]] et [[1981]] où la croissance économique atteignait 10 % en moyenne<ref name="Patriache autharcique"/>.


Une véritable [[économie souterraine]] se développe durant sa présidence, tenue en grande partie par ses proches et l'armée<ref name="Patriache autharcique"/>. Le [[trafic de stupéfiants]] et d'[[alcool de contrebande|alcool]] devient chose courante durant sa présidence<ref name="Patriache autharcique"/>. Les divers trafics internationaux furent largement aidés par le soutien des pays limitrophes du Paraguay<ref name="Stroessner inégalitaire BBC"/>. Il distribue également de larges parts des terres agricoles du pays à ses proches et aux militaires<ref name="Paraguay soja">{{Lien web |langue=français |auteur=Maurice Lemoine |titre=Le Paraguay dévoré par le soja |url=https://www.monde-diplomatique.fr/2014/01/LEMOINE/49984 |date=janvier 2014 |site=www.monde-diplomatique.fr |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. Sa politique économique fit du Paraguay l'un des pays les plus inégalitaire du monde avec le [[Dictature militaire au Brésil|Brésil]]<ref name="Stroessner inégalitaire BBC"/>. Sa propre fortune personnelle est estimée à 3,9 milliards de dollars<ref name="Paraguay hanté">{{Lien web |langue=français |auteur=Paulo A. Paranagua |titre=Le Paraguay reste hanté par les années de dictature du général Alfredo Stroessner |url=https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2010/07/15/le-paraguay-reste-hante-par-les-annees-de-dictature-du-general-alfredo-stroessner_1388309_3222.html |date=15 juillet 2010 |site=www.lemonde.fr |consulté le=16 août 2021}}.</ref>.
Une véritable [[économie souterraine]] se développe durant sa présidence, tenue en grande partie par ses proches et l'armée<ref name="Patriache autharcique"/>. Le [[trafic de stupéfiants]] et d'[[alcool de contrebande|alcool]] devient chose courante durant sa présidence<ref name="Patriache autharcique"/>. Les divers trafics internationaux furent largement aidés par le soutien des pays limitrophes du Paraguay<ref name="Stroessner inégalitaire BBC"/>. Il distribue également de larges parts des terres agricoles du pays à ses proches et aux militaires<ref name="Paraguay soja">{{Lien web |langue=français |auteur=Maurice Lemoine |titre=Le Paraguay dévoré par le soja |url=https://www.monde-diplomatique.fr/2014/01/LEMOINE/49984 |date=janvier 2014 |site=www.monde-diplomatique.fr |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. Sa politique économique fit du Paraguay l'un des pays les plus inégalitaire du monde avec le [[Dictature militaire au Brésil (1964-1985)|Brésil]]<ref name="Stroessner inégalitaire BBC"/>. Sa propre fortune personnelle est estimée à 3,9 milliards de dollars<ref name="Paraguay hanté">{{Lien web |langue=français |auteur=Paulo A. Paranagua |titre=Le Paraguay reste hanté par les années de dictature du général Alfredo Stroessner |url=https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2010/07/15/le-paraguay-reste-hante-par-les-annees-de-dictature-du-general-alfredo-stroessner_1388309_3222.html |date=15 juillet 2010 |site=www.lemonde.fr |consulté le=16 août 2021}}.</ref>.


Il signe avec le Brésil l'accord qui permettra la construction du [[barrage d'Itaipu]] (en rayant de la carte les [[Cascade des Sept Chutes|chutes de Guaira]]), et permet une relative libéralisation des échanges avec les pays voisins ([[Argentine]], [[Brésil]] et [[Uruguay]])<ref name="Dictateur paraguayen"/>. Le {{Lien|langue=es|trad=Tratado del Río de la Plata|fr=traité du Río de la Plata}}, signé en [[1973]], facilite ces échanges en réduisant l'importance des différends frontaliers qui persistaient après la [[guerre de la Triple-Alliance]] (1864-70), laquelle avait réglé pour l'essentiel le sort des régions intéressant le Brésil et l'Argentine à leur profit, notamment avec la Bolivie.
Il signe avec le Brésil l'accord qui permettra la construction du [[barrage d'Itaipu]] (en rayant de la carte les [[Cascade des Sept Chutes|chutes de Guaira]]), et permet une relative libéralisation des échanges avec les pays voisins ([[Argentine]], [[Brésil]] et [[Uruguay]])<ref name="Dictateur paraguayen"/>. Le {{Lien|langue=es|trad=Tratado del Río de la Plata|fr=traité du Río de la Plata}}, signé en [[1973]], facilite ces échanges en réduisant l'importance des différends frontaliers qui persistaient après la [[guerre de la Triple-Alliance]] (1864-70), laquelle avait réglé pour l'essentiel le sort des régions intéressant le Brésil et l'Argentine à leur profit, notamment avec la Bolivie.
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Les services secrets paraguayens mettent en œuvre une pratique de [[torture]] inédite, nommée ''Pileta'' et qui consistait à plonger les opposants, notamment les communistes, dans des baignoires remplies d'excréments pour les faire parler<ref name="Patriache autharcique"/>{{,}}<ref name="Coup d'État rampant">{{Lien web |langue=français |auteur=François Musseau |titre=Coup d’Etat rampant au Paraguay |url=https://www.monde-diplomatique.fr/2010/03/MUSSEAU/18902 |date=mars 2010 |site=www.monde-diplomatique.fr |consulté le=16 août 2021}}.</ref>.
Les services secrets paraguayens mettent en œuvre une pratique de [[torture]] inédite, nommée ''Pileta'' et qui consistait à plonger les opposants, notamment les communistes, dans des baignoires remplies d'excréments pour les faire parler<ref name="Patriache autharcique"/>{{,}}<ref name="Coup d'État rampant">{{Lien web |langue=français |auteur=François Musseau |titre=Coup d’Etat rampant au Paraguay |url=https://www.monde-diplomatique.fr/2010/03/MUSSEAU/18902 |date=mars 2010 |site=www.monde-diplomatique.fr |consulté le=16 août 2021}}.</ref>.


Á partir de [[1967]], il participe à la sédentarisation et l'élimination systématique des indigènes [[Guayaki|Achés]], les hommes étant pourchassés à la [[chasse à courre]] et les femmes étant réduites à l'[[esclavage sexuel]]<ref name="Patriache autharcique"/>{{,}}<ref name="Renaissance achés">{{Lien web |langue=français |auteur=Tony Robin |titre=Paraguay |sous-titre=la renaissance des indigènes Aché après le «génocide oublié» |url=https://www.rfi.fr/fr/hebdo/20160715-paraguay-ache-stroessner-renaissance-indigenes-genocide-oublie |date=15 juillet 2016 |site=www.rfi.fr |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. Des [[enlèvement d'enfant|enlèvements d'enfants]] furent réalisés pour les réduire à l'état de [[domestique]]s<ref name="Patriache autharcique"/>{{,}}<ref name="Renaissance achés"/>. Des [[colon]]s brésiliens accaparèrent les terres des indigènes<ref name="Patriache autharcique"/>{{,}}<ref name="Paraguay soja"/>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=français |auteur=[[Agence France-Presse|AFP]] |titre=Au Paraguay, les Indiens guayakis veulent un bout de terre |url=https://www.lepoint.fr/monde/au-paraguay-les-indiens-guayakis-veulent-un-bout-de-terre-23-12-2016-2092520_24.php |date=23 décembre 2016 |site=www.lepoint.fr |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. L'[[anthropologue]] {{lien|langue=es|trad=Bartomeu Melià}} fut le premier à évoquer, dès [[1971]], la situation des Achés. Son expulsion du pays en [[1976]] conduisit la [[communauté internationale]] à ouvrir les yeux sur ce problème, sans pour autant agir. Ce sont des [[organisation non gouvernementale|ONG]] qui se rendent sur place et qui enquêtent sur les crimes du régime<ref name="Renaissance achés"/>.
Á partir de [[1967]], il participe à la sédentarisation et l'élimination systématique des indigènes [[Guayaki|Achés]], les hommes étant pourchassés à la [[chasse à courre]] et les femmes étant réduites à l'[[esclavage sexuel]]<ref name="Patriache autharcique"/>{{,}}<ref name="Renaissance achés">{{Lien web |langue=français |auteur=Tony Robin |titre=Paraguay |sous-titre=la renaissance des indigènes Aché après le «génocide oublié» |url=https://www.rfi.fr/fr/hebdo/20160715-paraguay-ache-stroessner-renaissance-indigenes-genocide-oublie |date=15 juillet 2016 |site=www.rfi.fr |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. Des [[enlèvement d'enfant|enlèvements d'enfants]] furent réalisés pour les réduire à l'état de [[Domesticité|domestique]]s<ref name="Patriache autharcique"/>{{,}}<ref name="Renaissance achés"/>. Des [[Colon (personne)|colon]]s brésiliens accaparèrent les terres des indigènes<ref name="Patriache autharcique"/>{{,}}<ref name="Paraguay soja"/>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=français |auteur=[[Agence France-Presse|AFP]] |titre=Au Paraguay, les Indiens guayakis veulent un bout de terre |url=https://www.lepoint.fr/monde/au-paraguay-les-indiens-guayakis-veulent-un-bout-de-terre-23-12-2016-2092520_24.php |date=23 décembre 2016 |site=www.lepoint.fr |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. L'[[anthropologue]] {{lien|langue=es|trad=Bartomeu Melià}} fut le premier à évoquer, dès [[1971]], la situation des Achés. Son expulsion du pays en [[1976]] conduisit la [[communauté internationale]] à ouvrir les yeux sur ce problème, sans pour autant agir. Ce sont des [[organisation non gouvernementale|ONG]] qui se rendent sur place et qui enquêtent sur les crimes du régime<ref name="Renaissance achés"/>.


Un tiers de la population a pris le chemin de l'[[exil]] durant sa présidence, soit près de 2 millions de paraguayens<ref name="Nécrologie libération"/>{{,}}<ref name="Patriache autharcique"/>. La période de sa dictature est considérée par les [[historien]]s comme la plus violente depuis l'indépendance du pays en [[1811]]<ref name="Nécrologie libération"/>. Près de {{formatnum:400000}} personnes sont arrêtées et emprisonnées par le régime, tandis que le nombre de victimes est estimé entre {{formatnum:4000}} et {{formatnum:5000}} personnes<ref name="Stroessner Courrier international 2006">{{Lien web |langue=français |auteur=Olivier Bras |titre=Stroessner est mort en toute impunité |url=https://www.courrierinternational.com/chronique/2006/08/17/stroessner-est-mort-en-toute-impunite |date=18 août 2006 |site=www.courrierinternational.com |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. Une commission a estimé que {{formatnum:400}} personnes avaient disparu durant la dictature<ref name="Macabre découverte">{{Lien web |langue=français |auteur=Gilles Biassette |titre=Paraguay, découverte macabre dans la propriété de l’ancien dictateur |url=https://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/Decouverte-macabre-propriete-lancien-dictateur-Paraguay-2019-09-15-1201047689 |date=15 septembre 2019 |site=www.la-croix.com |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. Dans les années 1970, les opposants politiques furent emprisonnés dans des [[camp de concentration|camps de concentration]]<ref name="Nécrologie NYT"/>. Plus de {{formatnum:18000}} prisonniers auraient été torturés, surtout après [[1975]]<ref name="Coup d'État rampant"/>{{,}}<ref name="Macabre découverte"/>{{,}}<ref name="7 fatos">{{Lien web |langue=portugais |auteur1=Ariel Palacios |auteur2=Daniel Salgado |titre=7 fatos sobre o ditador — e pedófilo reiterado — elogiado por Bolsonaro |url=https://oglobo.globo.com/epoca/7-fatos-sobre-ditador-e-pedofilo-reiterado-elogiado-por-bolsonaro-23486277 |date=27 février 2019 |site=oglobo.globo.com |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. Sur toutes les personnes assassinées durant la dictature, seuls quatre corps ont été identifiés et tous sont morts durant la période de l'[[opération Condor]]<ref name="Macabre découverte"/>{{,}}<ref name="Emoi Paraguay">{{Lien web |langue=français |auteur=[[Agence France-Presse|AFP]] |titre=Emoi au Paraguay après la découverte d'ossements dans une maison de Stroessner |url=https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/emoi-au-paraguay-apres-la-decouverte-d-ossements-dans-une-maison-de-stroessner_2097477.html |date=14 septembre 2019 |site=www.lexpress.fr |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. Trente ans après sa chute, des ossements humaines et des crânes sont découverts dans l'une de ses nombreuses anciennes résidences à [[Ciudad del Este]]<ref name="Macabre découverte"/>{{,}}<ref name="Emoi Paraguay"/>.
Un tiers de la population a pris le chemin de l'[[exil]] durant sa présidence, soit près de 2 millions de paraguayens<ref name="Nécrologie libération"/>{{,}}<ref name="Patriache autharcique"/>. La période de sa dictature est considérée par les [[historien]]s comme la plus violente depuis l'indépendance du pays en [[1811]]<ref name="Nécrologie libération"/>. Près de {{nombre|400000|personnes}} sont arrêtées et emprisonnées par le régime, tandis que le nombre de victimes est estimé entre {{formatnum:4000}} et {{nombre|5000|personnes}}<ref name="Stroessner Courrier international 2006">{{Lien web |langue=français |auteur=Olivier Bras |titre=Stroessner est mort en toute impunité |url=https://www.courrierinternational.com/chronique/2006/08/17/stroessner-est-mort-en-toute-impunite |date=18 août 2006 |site=www.courrierinternational.com |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. Une commission a estimé que {{nombre|400|personnes}} avaient disparu durant la dictature<ref name="Macabre découverte">{{Lien web |langue=français |auteur=Gilles Biassette |titre=Paraguay, découverte macabre dans la propriété de l’ancien dictateur |url=https://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/Decouverte-macabre-propriete-lancien-dictateur-Paraguay-2019-09-15-1201047689 |date=15 septembre 2019 |site=www.la-croix.com |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. Dans les années 1970, les opposants politiques furent emprisonnés dans des [[camp de concentration|camps de concentration]]<ref name="Nécrologie NYT"/>. Plus de {{formatnum:18000}} prisonniers auraient été torturés, surtout après [[1975]]<ref name="Coup d'État rampant"/>{{,}}<ref name="Macabre découverte"/>{{,}}<ref name="7 fatos">{{Lien web |langue=portugais |auteur1=Ariel Palacios |auteur2=Daniel Salgado |titre=7 fatos sobre o ditador — e pedófilo reiterado — elogiado por Bolsonaro |url=https://oglobo.globo.com/epoca/7-fatos-sobre-ditador-e-pedofilo-reiterado-elogiado-por-bolsonaro-23486277 |date=27 février 2019 |site=oglobo.globo.com |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. Sur toutes les personnes assassinées durant la dictature, seuls quatre corps ont été identifiés et tous sont morts durant la période de l'[[opération Condor]]<ref name="Macabre découverte"/>{{,}}<ref name="Emoi Paraguay">{{Lien web |langue=français |auteur=[[Agence France-Presse|AFP]] |titre=Emoi au Paraguay après la découverte d'ossements dans une maison de Stroessner |url=https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/emoi-au-paraguay-apres-la-decouverte-d-ossements-dans-une-maison-de-stroessner_2097477.html |date=14 septembre 2019 |site=www.lexpress.fr |consulté le=16 août 2021}}.</ref>. Trente ans après sa chute, des ossements humaines et des crânes sont découverts dans l'une de ses nombreuses anciennes résidences à [[Ciudad del Este]]<ref name="Macabre découverte"/>{{,}}<ref name="Emoi Paraguay"/>.


Stroessner était connu pour ses penchants de [[pédophilie]], à l'instar du dictateur dominicain [[Rafael Trujillo]]. Il veillait particulièrement à ce que les jeunes diplômées reçoivent leur diplôme en fin d'année, de façon à pouvoir sélectionner certaines d'entre elles qu'il jugeait à son goût<ref name="Patriache autharcique"/>. Elles étaient alors logées et payées par le régime pour leurs services sexuels rendus<ref name="Patriache autharcique"/>. En [[1977]], le ''[[Washington Post]]'' le qualifie dans un article de {{citation|sexuellement dépravé}}<ref name="7 fatos"/>. De nombreuses plaintes pour [[viol]] et [[séquestration]] ont été déposées depuis la fin du régime<ref name="Macabre découverte"/>{{,}}<ref name="Emoi Paraguay"/>.
Stroessner était connu pour ses penchants de [[pédophilie]], à l'instar du dictateur dominicain [[Rafael Trujillo]]. Il veillait particulièrement à ce que les jeunes diplômées reçoivent leur diplôme en fin d'année, de façon à pouvoir sélectionner certaines d'entre elles qu'il jugeait à son goût<ref name="Patriache autharcique"/>. Elles étaient alors logées et payées par le régime pour leurs services sexuels rendus<ref name="Patriache autharcique"/>. En [[1977]], le ''[[Washington Post]]'' le qualifie dans un article de {{citation|sexuellement dépravé}}<ref name="7 fatos"/>. De nombreuses plaintes pour [[viol]] et [[Séquestration (crime)|séquestration]] ont été déposées depuis la fin du régime<ref name="Macabre découverte"/>{{,}}<ref name="Emoi Paraguay"/>.


==== Politique extérieure ====
==== Politique extérieure ====
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==== Opération Condor ====
==== Opération Condor ====
{{Article détaillé|Opération Condor}}
{{Article détaillé|Opération Condor}}
La découverte des {{citation|[[archives de la terreur]]}} en [[1992]] permet de mettre à jour un certain nombre d'éléments sur les crimes commis par les dictatures d'[[Amérique latine]], mais également la participation active du Paraguay. Près de {{formatnum:50000}} personnes ont été assassinées durant la période, {{formatnum:30000}} ont été déclarées portés disparus et {{formatnum:400000}} ont été emprisonnées<ref name="Patriache autharcique"/>.
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==== Coup d'État de 1989 ====
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== Dernières années en exil ==
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En plus de son épouse, il aurait eu au moins une quinzaine de [[concubine]]s et presque le double d'[[enfant adultérin|enfants illégitimes]]<ref name="Patriache autharcique"/>.

Version du 19 août 2021 à 14:16

Alfredo Stroessner
Illustration.
Portrait photographique d'Alfredo Stroessner (1980).
Fonctions
Président de la République du Paraguay

(34 ans, 5 mois et 19 jours)
Prédécesseur Tomás Romero Pereira
Successeur Andrés Rodríguez Pedotti
Biographie
Nom de naissance Alfredo Stroessner Matiauda
Surnom « Le tyrannosaure »[1]
« El Rubio »[1]
Date de naissance
Lieu de naissance Encarnación (Itapúa, Paraguay)
Date de décès (à 93 ans)
Lieu de décès Brasilia (Brésil)
Nature du décès Accident vasculaire cérébral
Pneumonie
Nationalité Paraguayenne
Parti politique Parti colorado
Famille Andrés Rodríguez Pedotti (gendre)
Profession Militaire
Religion Catholicisme

Alfredo Stroessner
Présidents de la République du Paraguay

Alfredo Stroessner Matiauda, dit Alfredo Stroessner (prononcé en espagnol : [alˈfɾeðo estɾozˈneɾ]), né le à Encarnación (Paraguay) et mort en exil à Brasilia (Brésil), est un militaire et un homme d'État paraguayen.

Commandant en chef des forces armées et membre du Parti colorado, il dirige le Paraguay pendant près de trente-cinq ans avant d'être renversé par un coup d'État. Son régime fut l'un des plus violents d'Amérique latine.

Situation personnelle

Alfredo Stroessner est né le à Encarnación dans le département d'Itapúa, à 350 km au sud-est Asunción[2]. Il est le fils d’un expert comptable et brasseur d’origine bavaroise (Hof-sur-Saale), Hugo Strößner, arrivé dans le pays en 1895, et d'une paraguayenne d'ascendance créole, Heriberta Matiauda. Il parlait l'espagnol, le guarani[3] et l'allemand.

Il entre à la Académie militaire Francisco López (en) en 1929[4] et en ressort trois ans plus tard avec le grade de sous-lieutenant[2].

Carrière militaire

Alfredo Stroessner
Alfredo Stroessner
Portrait photographique d'Alfredo Stroessner en uniforme dans son bureau.

Nom de naissance Alfredo Stroessner Matiauda
Naissance
Encarnación (Itapúa, Paraguay)
Décès (à 93 ans)
Brasilia (Brésil)
Allégeance Drapeau du Paraguay Paraguay
Arme Forces armées paraguayennes
Grade Général de brigade (1950)
Années de service 19291989
Conflits Guerre du Chaco
Guerre civile paraguayenne
Famille Andrés Rodríguez Pedotti (gendre)

Il participe comme officier d'artillerie à la Guerre du Chaco[2]. Il s'illustre durant la guerre, ce qui facilite son ascension dans l'armée[4]. En 1940, il devient colonel[2] et devient un intime du président Higinio Morínigo qui mène le pays d'une main de fer jusqu'à ce que la guerre civile n'éclate en 1947[5]. Stroessner organise alors la répression du régime[2],[6]. L'année suivante, il est mêlé à une tentative de coup d'État visant à renverser le nouveau président, Juan Natalicio González (en). Lorsque l'armée se divise en factions, il fait partie des militaires les plus à droite de l'armée[4]. Il favorise l'accession de Federico Chaves à la présidence, qui fit de lui un général de brigade en 1950[4].

En 1951, il devient commandant en chef des forces armées[2],[4],[6]. Le pays connaît une forte période d'instabilité avec une succession de gouvernements[7]. Le , il prend la tête d'un coup d'État qui renverse le président Federico Chaves[2]. Après une période de transition, il prend la tête du pays.

Carrière politique

Commandant en chef des forces armées

Son rang de commandant en chef des forces armées lui fut attribué par le président Federico Chaves qu'il avait soutenu pour prendre la présidence en 1949. Il était déjà proche des milieux politiques depuis les années 1940. Il adhère au Parti colorado en 1951.

Lorsque Chaves tenta de renforcer la militarisation du régime en voulant armer la police nationale, Stroessner fit partie des principaux organisateurs du coup d'État qui le renversa en 1954. De la fin de la Guerre du Chaco à sa prise de pouvoir, le Paraguay aura connu 9 coups d'État[8].

Président du Paraguay (1954-1989)

Avec l'appui du Parti colorado, il organise des élections qui aboutissent à la rédaction d'une nouvelle constitution[2]. Il est candidat unique lors de l'élection présidentielle organisée en août 1954 et qui le place à la tête du pays[2]. C'est la première d'une longue série d'élections entachée de fraude électorale[1]. Stroessner est officiellement investi le . Il parvient à se maintenir au pouvoir pendant près de 35 ans, bien aidé par l'aide financière accordée par les États-Unis et par la mainmise du Parti colorado sur l'appareil d'État[1],[2],[7],[9]. Il arrive à la tête d'un pays dont 96 % de la population est catholique, une grande partie d'entre elle étant paysanne et analphabète[10].

Politique intérieure

Il fait modifier à plusieurs reprises la constitution et rétablit une opposition fantoche sans réelle marge de manœuvre, autorisant de nouveau le Parti libéral radical authentique à exister mais favorisant également le retour d'un autre parti, le Parti révolutionnaire fébrériste[3]. Il est réélu tous les cinq ans jusqu'en 1988[2] et ne fut réellement inquiété qu'en 1968. En 1977, une modification constitutionnelle lui permet légalement de devenir président à vie, bien que des élections entachées de fraude électorale soient organisées[3],[4],[11]. Assez vite, il fait exiler son principal opposant réformateur au sein du Parti colorado, l'ancien président de la banque centrale du Paraguay Epifanio Méndez Fleitas[4]. Il fait du Paraguay un État policier et fait réprimer violemment toute opposition au régime[4],[7]. Stroessner s'assure de la loyauté de l'armée et de ses proches en leur accordant tous les privilèges possibles. C'est ainsi que divers trafics se développèrent, contribuant en partie au développement de l'économie du pays[4]. Malgré son manque de charisme, Stroessner travaillait énormément[3],[4].

Entre 1958 et 1960, une guérilla tente de renverser le régime, mais elle est finalement écrasée par l'armée[4]. Il est également victime de deux tentatives de coup d'État dans les années 1950[7]. Il instaure l'état de siège en 1959[7]. Celui-ci n'est levé qu'en 1987 suite aux pressions exercées par les États-Unis[1]. Il n'hésitait pas à outrepasser le texte constitutionnel pour prendre ses décisions[3]. L'adhésion au Parti colorado devint obligatoire, si bien que 900 000 membres étaient référencés en 1986[3],[10]. Il organise régulièrement des purges au sein du parti pour éliminer les membres les moins corrompus ou ses éventuels opposants en interne[6]. La dernière purge, organisée en 1987 alors que des rumeurs sur sa santé commençaient à circuler, lui sera d'ailleurs fatale[10]. Un véritable culte de la personnalité s'instaure autour de sa personne, si bien que le jour de son anniversaire devient le jour de la fête nationale[3].

Économie

Durant sa présidence, l'économie du pays connaît une forte stabilité, avec une croissance économique entre 3 et 4 % par an, excepté entre 1976 et 1981 où la croissance économique atteignait 10 % en moyenne[3].

Une véritable économie souterraine se développe durant sa présidence, tenue en grande partie par ses proches et l'armée[3]. Le trafic de stupéfiants et d'alcool devient chose courante durant sa présidence[3]. Les divers trafics internationaux furent largement aidés par le soutien des pays limitrophes du Paraguay[6]. Il distribue également de larges parts des terres agricoles du pays à ses proches et aux militaires[12]. Sa politique économique fit du Paraguay l'un des pays les plus inégalitaire du monde avec le Brésil[6]. Sa propre fortune personnelle est estimée à 3,9 milliards de dollars[13].

Il signe avec le Brésil l'accord qui permettra la construction du barrage d'Itaipu (en rayant de la carte les chutes de Guaira), et permet une relative libéralisation des échanges avec les pays voisins (Argentine, Brésil et Uruguay)[10]. Le traité du Río de la Plata (es), signé en 1973, facilite ces échanges en réduisant l'importance des différends frontaliers qui persistaient après la guerre de la Triple-Alliance (1864-70), laquelle avait réglé pour l'essentiel le sort des régions intéressant le Brésil et l'Argentine à leur profit, notamment avec la Bolivie.

Droits humains

Les services secrets paraguayens mettent en œuvre une pratique de torture inédite, nommée Pileta et qui consistait à plonger les opposants, notamment les communistes, dans des baignoires remplies d'excréments pour les faire parler[3],[14].

Á partir de 1967, il participe à la sédentarisation et l'élimination systématique des indigènes Achés, les hommes étant pourchassés à la chasse à courre et les femmes étant réduites à l'esclavage sexuel[3],[15]. Des enlèvements d'enfants furent réalisés pour les réduire à l'état de domestiques[3],[15]. Des colons brésiliens accaparèrent les terres des indigènes[3],[12],[16]. L'anthropologue Bartomeu Melià (es) fut le premier à évoquer, dès 1971, la situation des Achés. Son expulsion du pays en 1976 conduisit la communauté internationale à ouvrir les yeux sur ce problème, sans pour autant agir. Ce sont des ONG qui se rendent sur place et qui enquêtent sur les crimes du régime[15].

Un tiers de la population a pris le chemin de l'exil durant sa présidence, soit près de 2 millions de paraguayens[1],[3]. La période de sa dictature est considérée par les historiens comme la plus violente depuis l'indépendance du pays en 1811[1]. Près de 400 000 personnes sont arrêtées et emprisonnées par le régime, tandis que le nombre de victimes est estimé entre 4 000 et 5 000 personnes[17]. Une commission a estimé que 400 personnes avaient disparu durant la dictature[18]. Dans les années 1970, les opposants politiques furent emprisonnés dans des camps de concentration[7]. Plus de 18 000 prisonniers auraient été torturés, surtout après 1975[14],[18],[19]. Sur toutes les personnes assassinées durant la dictature, seuls quatre corps ont été identifiés et tous sont morts durant la période de l'opération Condor[18],[20]. Trente ans après sa chute, des ossements humaines et des crânes sont découverts dans l'une de ses nombreuses anciennes résidences à Ciudad del Este[18],[20].

Stroessner était connu pour ses penchants de pédophilie, à l'instar du dictateur dominicain Rafael Trujillo. Il veillait particulièrement à ce que les jeunes diplômées reçoivent leur diplôme en fin d'année, de façon à pouvoir sélectionner certaines d'entre elles qu'il jugeait à son goût[3]. Elles étaient alors logées et payées par le régime pour leurs services sexuels rendus[3]. En 1977, le Washington Post le qualifie dans un article de « sexuellement dépravé »[19]. De nombreuses plaintes pour viol et séquestration ont été déposées depuis la fin du régime[18],[20].

Politique extérieure

Il envoie des troupes pour appuyer les États-Unis lors de l'occupation de la République dominicaine en 1965[21]. Il rompt tout lien diplomatique avec Cuba dès 1960.

Il noue des liens privilégiés avec Tchang Kaï-chek et fut l'un des premiers chefs d'État à adhérer à la Ligue communiste mondiale fondée par celui-ci en 1967[22]. Il fait même ériger en son honneur une statue en plein cœur de la capitale[22].

Il entretient également de bons rapports avec Israël, malgré ses propres sympathies pour le nazisme[23]. Un accord est même signé en 1969 dans le but d'accueillir 60 000 palestiniens contraints à un exil forcé après la Guerre des Six Jours[23],[24]. Le Mossad propose alors d'importantes sommes d'argent au Paraguay, soit 33 dollars pour chaque Palestinien transféré et 350 000 dollars pour gérer les frais d'immigration. Cependant, seuls 30 Palestiniens sont transférés, une attaque palestinienne contre l'ambassade israélienne à Asunción mettant fin au projet[23],[24].

Opération Condor

La découverte des « archives de la terreur » en 1992 permet de mettre à jour un certain nombre d'éléments sur les crimes commis par les dictatures d'Amérique latine, mais également la participation active du Paraguay. Près de 50 000 personnes ont été assassinées durant la période, 30 000 ont été déclarées portés disparus et 400 000 ont été emprisonnées[3].

Il donne l'asile politique au président nicaraguayen déchu Anastasio Somoza en 1979, mais celui-ci est assassiné un an plus tard à Asunción par des montoneros argentins. Cet évènement marque un nouveau renforcement de la répression par le régime, mais également l'incapacité des services secrets de neutraliser tous les opposants.

Accueil d'anciens criminels de la Seconde Guerre mondiale

Le régime de Stroessner accorda l'asile à d'anciens criminels nazis, notamment Josef Mengele[3],[7],[23] ou Eduard Roschmann, surnommé « le boucher de Riga ». Beaucoup d'entre eux recevront la nationalité paraguayenne[19]. Il faut dire que le Paraguay fut le premier pays en dehors de l'Allemagne à autoriser la création d'un parti nazi, en 1927, et certains thèses nazis furent transmises dans les écoles, y compris les écoles militaires[23].

Il est lui-même très proche de certains d'entre eux, notamment de l'ancien pilote de la Luftwaffe Hans-Ulrich Rudel[23] ou de l'ancien commandant oustachi du camp de concentration de Jasenovac Dinko Sakic[25].

Coup d'État de 1989

Le , il est renversé par un coup d'État mené par son gendre, le général Andrés Rodríguez Pedotti, qui était alors le deuxième homme le plus puissant du pays[4],[14],[26]. Il est arrêté par le général Lino Oviedo qui n'hésita pas à pointer un revolver et à enlever le cran de sûreté d'une grenade pour contraindre Stroessner à abandonner le pouvoir[3].

Dernières années en exil

Deux jours après le coup d'État qui l'a renversé, Alfredo Stroessner parvient à s'enfuir au Brésil et s'établit à Brasilia[4]. Malgré tous les crimes commis par le régime et les diverses enquêtes conduites notamment par l'Argentine et le Paraguay, il ne fut jamais inquiété car le Brésil refusa de l'extrader[20]. Il continue de bénéficier du soutien des États-Unis malgré le rôle joué par le gouvernement fédéral dans sa chute du pouvoir[17]. Il est néanmoins condamné à plusieurs reprises par contumace pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité[3].

En 1992, les « archives de la terreur » sont découvertes par un avocat et ancien opposant de Stroessner, Martín Almada[1],[17]. Elles révèlent tous les secrets du régime, notamment ceux des services secrets paraguayens, et donne de nombreuses indications sur la participation du Paraguay à l'opération Condor[1]. Almada, qui a été arrêté et torturé pendant trois ans entre 1974 et 1977 et dont l'épouse est morte d'une crise cardiaque durant sa détention[1],[3], a multiplié les procédures et les recours pour tenter d'obtenir son extradition, mais ses recours resteront lettres mortes[17]. Très peu de personnalités proches du régime seront jugées[14],[15]. En 2013, les indigènes Achés portent plainte auprès d'un tribunal argentin contre l'État pour crimes contre l'humanité et génocide[15].

Sa femme le quitte durant sa période d'exil, tandis qu'il voit sa famille se désagréger[4]. Son fils cadet se suicide en 1993[4].

Il meurt le à Brasilia des suites d'une intervention chirurgicale pour une hernie discale d'une pneumonie et d'un accident vasculaire cérébral[3],[4].

Anecdotes

Il était surnommé « Le tyrannosaure » par l'écrivain Augusto Roa Bastos[1],[3] et « El Rubio » du fait de ses origines allemandes[1].

Il aurait inspiré les traits du général Tapioca dans Tintin et les Picaros[3].

Il est le second dictateur d'Amérique latine par sa longévité, derrière Fidel Castro[3].

En plus de son épouse, il aurait eu au moins une quinzaine de concubines et presque le double d'enfants illégitimes[3].

Hommages et postérité

Malgré la durée et les exactions de la dictature, Alfredo Stroessner reste une figure reconnue au Paraguay et de nombreuses personnes restent nostalgiques de la période[6],[13].

En 2019, le président brésilien Jair Bolsonaro lui rend hommage dans un discours[19].

Notes et références

  1. a b c d e f g h i j k et l « La mort du «tyrannosaure» Stroessner », sur www.liberation.fr, (consulté le ).
  2. a b c d e f g h i j et k AFP, « Alfredo Stroessner, ex-dictateur du Paraguay, est mort sans avoir été jugé », sur www.lemonde.fr, (consulté le ).
  3. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z et aa Emmanuel Hecht, « Alfredo Stroessner, le patriarche autarcique », dans Olivier Guez (dir.), Le Siècle des dictateurs, Paris, Perrin, (ISBN 978-2-262-07710-5), p. 223-236.
  4. a b c d e f g h i j k l m n o et p (en) Phil Gunson, « General Alfredo Stroessner », sur www.theguardian.com, (consulté le ).
  5. Bérengère Marques-Pereira et David Garibay 2011, p. 66.
  6. a b c d e et f (es) Veronica Smink, « Cómo el régimen de Alfredo Stroessner convirtió a Paraguay en uno de los países más desiguales del mundo », sur www.bbc.com, (consulté le ).
  7. a b c d e f et g (en) Diana Jean Schemo, « Stroessner, Paraguay’s Enduring Dictator, Dies », sur www.nytimes.com, (consulté le ).
  8. Bérengère Marques-Pereira et David Garibay 2011, p. 65.
  9. Olivier Dabène 2020, p. 113.
  10. a b c et d Catherine Derivery, « Alfredo Stroessner, ancien dictateur paraguayen », sur www.lemonde.fr, (consulté le ).
  11. Olivier Dabène 2020, p. 112.
  12. a et b Maurice Lemoine, « Le Paraguay dévoré par le soja », sur www.monde-diplomatique.fr, (consulté le ).
  13. a et b Paulo A. Paranagua, « Le Paraguay reste hanté par les années de dictature du général Alfredo Stroessner », sur www.lemonde.fr, (consulté le ).
  14. a b c et d François Musseau, « Coup d’Etat rampant au Paraguay », sur www.monde-diplomatique.fr, (consulté le ).
  15. a b c d et e Tony Robin, « Paraguay : la renaissance des indigènes Aché après le «génocide oublié» », sur www.rfi.fr, (consulté le ).
  16. AFP, « Au Paraguay, les Indiens guayakis veulent un bout de terre », sur www.lepoint.fr, (consulté le ).
  17. a b c et d Olivier Bras, « Stroessner est mort en toute impunité », sur www.courrierinternational.com, (consulté le ).
  18. a b c d et e Gilles Biassette, « Paraguay, découverte macabre dans la propriété de l’ancien dictateur », sur www.la-croix.com, (consulté le ).
  19. a b c et d (pt) Ariel Palacios et Daniel Salgado, « 7 fatos sobre o ditador — e pedófilo reiterado — elogiado por Bolsonaro », sur oglobo.globo.com, (consulté le ).
  20. a b c et d AFP, « Emoi au Paraguay après la découverte d'ossements dans une maison de Stroessner », sur www.lexpress.fr, (consulté le ).
  21. Olivier Dabène 2020, p. 130.
  22. a et b Guillaume Beaulande, « L’Amérique centrale lâche Taipei », sur www.monde-diplomatique.fr, (consulté le ).
  23. a b c d e et f Ramona Wadi, « L’histoire oubliée de l’alliance entre Israël et les dictatures latino-américaines », sur orientxxi.info, (consulté le ).
  24. a et b (en) « Paraguay had agreed in 1967 to receive 60,000 Palestinians from the West Bank », sur en.mercopress.com, (consulté le ).
  25. (en) Anthony Faiola, « EXTRADITION -- TO A HERO'S WELCOME? WORLD WAR II CAMP CHIEF MAY BE GREETED WARMLY IN CROATIA », sur www.washingtonpost.com, (consulté le ).
  26. Olivier Dabène 2020, p. 189.

Voir aussi

Bibliographie

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Articles connexes

Liens externes