« Tchécoslovaquie » : différence entre les versions

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La création de la Tchécoslovaquie en 1918 fut l'aboutissement d'un long processus d'émancipation commencé avec la renaissance culturelle [[Renaissance nationale tchèque|des Tchèques]], des [[Slovaques]] (initiée par [[Ľudovít Štúr]]) et [[République houtsoule|des Ruthènes]] de l'[[Autriche-Hongrie|empire multi-national]] dirigé par la [[Maison de Habsbourg-Lorraine|famille des Habsbourg]], processus initialement appelé « [[austroslavisme]] ». Depuis le {{s-|VI|e}}, les [[Tchèques]] vivaient principalement en [[Bohême]] et en [[Moravie]], mais des [[Volksdeutsche|colons allemands]] appelés « [[Allemands des Sudètes|Sudètes]] » s'étaient [[Drang nach Osten|installés en périphérie de la Bohême]] depuis le {{s-|XIII|e}}. Après 1526, la Bohême tomba sous le contrôle de la [[maison des Habsbourg]] alors [[Monarchie élective|élus rois]] de Bohême avant de devenir les dirigeants héréditaires du pays. Après la [[bataille de la Montagne-Blanche]] en 1620, le [[Royaume de Bohême]] fut progressivement intégré à la monarchie Habsbourgeoise comme l'une des trois composantes principales aux côtés de l'[[archiduché d'Autriche]] et du [[royaume de Hongrie]] dont faisaient partie la [[Slovaquie]] et la [[Ruthénie]]. Alors que la Bohême et la Moravie subissaient un processus de [[germanisation]], le [[tchèque]] n'étant plus parlé que par les classes populaires, les Slovaques et les [[Ruthènes]] furent l'objet d'un processus parallèle de [[magyarisation]] : leurs territoires étaient alors sous domination de la [[noblesse autrichienne]] et de la [[noblesse hongroise]], qui possédaient plus de 80% des terres<ref>{{harvsp|Viator|1908}}</ref>.
La création de la Tchécoslovaquie en 1918 fut l'aboutissement d'un long processus d'émancipation commencé avec la renaissance culturelle [[Renaissance nationale tchèque|des Tchèques]], des [[Slovaques]] (initiée par [[Ľudovít Štúr]]) et [[République houtsoule|des Ruthènes]] de l'[[Autriche-Hongrie|empire multi-national]] dirigé par la [[Maison de Habsbourg-Lorraine|famille des Habsbourg]], processus initialement appelé « [[austroslavisme]] ». Depuis le {{s-|VI|e}}, les [[Tchèques]] vivaient principalement en [[Bohême]] et en [[Moravie]], mais des [[Volksdeutsche|colons allemands]] appelés « [[Allemands des Sudètes|Sudètes]] » s'étaient [[Drang nach Osten|installés en périphérie de la Bohême]] depuis le {{s-|XIII|e}}. Après 1526, la Bohême tomba sous le contrôle de la [[maison des Habsbourg]] alors [[Monarchie élective|élus rois]] de Bohême avant de devenir les dirigeants héréditaires du pays. Après la [[bataille de la Montagne-Blanche]] en 1620, le [[Royaume de Bohême]] fut progressivement intégré à la monarchie Habsbourgeoise comme l'une des trois composantes principales aux côtés de l'[[archiduché d'Autriche]] et du [[royaume de Hongrie]] dont faisaient partie la [[Slovaquie]] et la [[Ruthénie]]. Alors que la Bohême et la Moravie subissaient un processus de [[germanisation]], le [[tchèque]] n'étant plus parlé que par les classes populaires, les Slovaques et les [[Ruthènes]] furent l'objet d'un processus parallèle de [[magyarisation]] : leurs territoires étaient alors sous domination de la [[noblesse autrichienne]] et de la [[noblesse hongroise]], qui possédaient plus de 80% des terres<ref>{{harvsp|Viator|1908}}</ref>.


Au {{s-|XIX|e}}, les sujets de l'[[Autriche-Hongrie|empire austro-hongrois]] souhaitèrent s'émanciper de la vieille aristocratie et de la famille impériale. Bien que les langues [[tchèque]] et [[slovaque]] sont très semblables, la situation sociale et politique des deux peuples était assez différente à la fin du {{s-|XIX|e}}. La raison était l'attitude différente et la position de leurs dirigeants dans l'empire : les Autrichiens en Bohême et Moravie et les Hongrois en Slovaquie. La Bohême était la partie la plus industrialisée de l'Autriche et la Slovaquie était la partie la plus industrialisée de la Hongrie, cependant à différents niveau de développement<ref name=Keith/>. De plus, les Hongrois étaient plus déterminés à assimiler les Slovaques que les Autrichiens ne souhaitaient assimiler les Tchèques. Pendant un temps, la frustration de ces derniers fut apaisée par l'introduction de représentations ethniques locales et des droits linguistiques [[Royaumes et pays représentés à la Diète d'Empire|en Bohême et en Moravie autrichiennes]]{{sfn|Bled|1988|p=28}}. Mais [[Pays de la Couronne de saint Étienne|en Slovaquie et en Ruthénie hongroises]], la minorité hongroise était sur-représentée au Parlement de Budapest<ref>Max Schiavon, ''L'Autriche-Hongrie la Première Guerre mondiale : la fin d'un empire'', Soteca 14-18 Éditions, coll. « Les Nations dans la Grande Guerre », Paris 2011, {{ISBN|978-2-9163-8559-4}}, P. 139</ref> où, sur {{unité|453|députés}}, {{unité|372|étaient magyars}}{{sfn|Clark|2013|p=82}} {{sfn|Renouvin|1934|p=96}}<ref>Jean Bérenger, ''L'Autriche-Hongrie : 1815-1918'', Armand Colin 1998, {{ISBN|978-2200217433|2200217439}}.</ref>.
Au {{s-|XIX|e}}, les sujets de l'[[Autriche-Hongrie|empire austro-hongrois]] souhaitèrent s'émanciper de la vieille aristocratie et de la famille impériale. Bien que les langues [[tchèque]] et [[slovaque]] sont très semblables, la situation sociale et politique des deux peuples était assez différente à la fin du {{s-|XIX|e}}. La raison était l'attitude différente et la position de leurs dirigeants dans l'empire : les Autrichiens en Bohême et Moravie et les Hongrois en Slovaquie. La Bohême était la partie la plus industrialisée de l'Autriche et la Slovaquie était la partie la plus industrialisée de la Hongrie, cependant à différents niveaux de développement<ref name=Keith/>. De plus, les Hongrois étaient plus déterminés à assimiler les Slovaques que les Autrichiens ne souhaitaient assimiler les Tchèques. Pendant un temps, la frustration de ces derniers fut apaisée par l'introduction de représentations ethniques locales et des droits linguistiques [[Royaumes et pays représentés à la Diète d'Empire|en Bohême et en Moravie autrichiennes]]{{sfn|Bled|1988|p=28}}. Mais [[Pays de la Couronne de saint Étienne|en Slovaquie et en Ruthénie hongroises]], la minorité hongroise était sur-représentée au Parlement de Budapest<ref>Max Schiavon, ''L'Autriche-Hongrie la Première Guerre mondiale : la fin d'un empire'', Soteca 14-18 Éditions, coll. « Les Nations dans la Grande Guerre », Paris 2011, {{ISBN|978-2-9163-8559-4}}, P. 139</ref> où, sur {{unité|453|députés}}, {{unité|372|étaient magyars}}{{sfn|Clark|2013|p=82}} {{sfn|Renouvin|1934|p=96}}<ref>Jean Bérenger, ''L'Autriche-Hongrie : 1815-1918'', Armand Colin 1998, {{ISBN|978-2200217433|2200217439}}.</ref>.


Vers le début du {{s-|XX|e}}, l'idée d'une entité {{citation|Tchéco-Slovaque}} commença à être défendue par les dirigeants tchèques et slovaques après que les contacts entre les intellectuels des deux peuples se soient intensifiés dans les années 1890. En dépit des différences culturelles, les Slovaques partageaient des [[Austroslavisme|aspirations similaires]] avec les Tchèques et avec les autres [[Slaves]] de l'Empire, dont les Ruthènes<ref>{{harvsp|Hamberger|2004|p=165-191}}</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Lukes|2000|p=33-43}}</ref>. Le refus constant des aristocrates austro-hongrois de toute forme d'autonomie des populations slaves, causa finalement la dislocation de l'empire des Habsbourg<ref name=Keith>{{harvsp|Sword|1990|p=53}}</ref>.
Vers le début du {{s-|XX|e}}, l'idée d'une entité {{citation|Tchéco-Slovaque}} commença à être défendue par les dirigeants tchèques et slovaques après que les contacts entre les intellectuels des deux peuples se soient intensifiés dans les années 1890. En dépit des différences culturelles, les Slovaques partageaient des [[Austroslavisme|aspirations similaires]] avec les Tchèques et avec les autres [[Slaves]] de l'Empire, dont les Ruthènes<ref>{{harvsp|Hamberger|2004|p=165-191}}</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Lukes|2000|p=33-43}}</ref>. Le refus constant des aristocrates austro-hongrois de toute forme d'autonomie des populations slaves, causa finalement la dislocation de l'empire des Habsbourg<ref name=Keith>{{harvsp|Sword|1990|p=53}}</ref>.

Version du 1 juillet 2022 à 16:08

Tchécoslovaquie
(cs) Československo
(sk) Česko-Slovensko

 – 
(20 ans, 4 mois et 15 jours)
 – 
(47 ans, 8 mois et 26 jours)

Drapeau
Drapeau de la Tchécoslovaquie à partir de 1920.
Blason
Grandes armoiries de la Tchécoslovaquie de 1920 à 1938, puis de 1945 à 1960.
Devise

en tchèque : Pravda vítězí () (« La vérité vaincra[1] »)
en slovaque : Pravda víťazí () (« La vérité vaincra »)

en latin : Veritas vincit () (« La vérité vaincra »)
Hymne Kde domov můj? (tchèque) et Nad Tatrou sa blýska (slovaque)
Description de cette image, également commentée ci-après
Cartes indiquant en vert la localisation de la Tchécoslovaquie en Europe.
Informations générales
Statut République unitaire (, ).
République fédérale (, ).
État communiste à coalition unique ().
Capitale Prague
Langue(s) Tchèque et slovaque.
Religion Catholicisme
Monnaie Couronne tchécoslovaque (CSK)
Fuseau horaire UTC+1
Domaine internet .cs
Indicatif téléphonique +42
Démographie
Population (1991) 15 600 000 hab.[2]
Densité (1991) 122 hab./km2
Superficie
Superficie (1991) 127 900 km2
Histoire et événements
Indépendance vis-à-vis de l'Autriche-Hongrie : Première République.
Deuxième République.
14, 15 et Respectivement proclamation de la République slovaque, invasion allemande et instauration du Protectorat de Bohême-Moravie.
Troisième République.
République socialiste.
Fédéralisation.
République fédérale tchèque et slovaque.
Dissolution.
Président
Tomáš Masaryk
Edvard Beneš
Emil Hácha
Edvard Beneš
Klement Gottwald
Antonín Zápotocký
Antonín Novotný
Ludvík Svoboda
Gustáv Husák
Václav Havel
Premier ministre
(1er) Karel Kramář
(Der) 1992 Jan Stráský
Parlement
Assemblée nationale révolutionnaire (cs) ()
Assemblée nationale (cs) ()
Assemblée nationale provisoire (cs) ()
Assemblée nationale constituante (en) ()
Assemblée nationale (cs) ()
Assemblée fédérale (en) ()

Entités précédentes :

La Tchécoslovaquie est un État souverain qui exista en Europe centrale durant 68 ans, sous plusieurs formes constitutionnelles successives, du au et du au  ; entre le et le , pendant la Seconde Guerre mondiale, elle était reconnue de jure par les Alliés mais de facto ne contrôlait pas son territoire, alors occupé par l'Axe et ses satellites.

La Tchécoslovaquie s'est constituée à partir de l'ancien Empire austro-hongrois (1867-1918) : elle réunissait les États actuels de Tchéquie et de Slovaquie ainsi que, de 1919 à 1938, la Ruthénie subcarpathique (aujourd'hui ukrainienne) ; la Tchéquie est elle-même constituée de la Bohême, de la Moravie et de la Silésie tchèque.

Origines

La création de la Tchécoslovaquie en 1918 fut l'aboutissement d'un long processus d'émancipation commencé avec la renaissance culturelle des Tchèques, des Slovaques (initiée par Ľudovít Štúr) et des Ruthènes de l'empire multi-national dirigé par la famille des Habsbourg, processus initialement appelé « austroslavisme ». Depuis le VIe siècle, les Tchèques vivaient principalement en Bohême et en Moravie, mais des colons allemands appelés « Sudètes » s'étaient installés en périphérie de la Bohême depuis le XIIIe siècle. Après 1526, la Bohême tomba sous le contrôle de la maison des Habsbourg alors élus rois de Bohême avant de devenir les dirigeants héréditaires du pays. Après la bataille de la Montagne-Blanche en 1620, le Royaume de Bohême fut progressivement intégré à la monarchie Habsbourgeoise comme l'une des trois composantes principales aux côtés de l'archiduché d'Autriche et du royaume de Hongrie dont faisaient partie la Slovaquie et la Ruthénie. Alors que la Bohême et la Moravie subissaient un processus de germanisation, le tchèque n'étant plus parlé que par les classes populaires, les Slovaques et les Ruthènes furent l'objet d'un processus parallèle de magyarisation : leurs territoires étaient alors sous domination de la noblesse autrichienne et de la noblesse hongroise, qui possédaient plus de 80% des terres[4].

Au XIXe siècle, les sujets de l'empire austro-hongrois souhaitèrent s'émanciper de la vieille aristocratie et de la famille impériale. Bien que les langues tchèque et slovaque sont très semblables, la situation sociale et politique des deux peuples était assez différente à la fin du XIXe siècle. La raison était l'attitude différente et la position de leurs dirigeants dans l'empire : les Autrichiens en Bohême et Moravie et les Hongrois en Slovaquie. La Bohême était la partie la plus industrialisée de l'Autriche et la Slovaquie était la partie la plus industrialisée de la Hongrie, cependant à différents niveaux de développement[5]. De plus, les Hongrois étaient plus déterminés à assimiler les Slovaques que les Autrichiens ne souhaitaient assimiler les Tchèques. Pendant un temps, la frustration de ces derniers fut apaisée par l'introduction de représentations ethniques locales et des droits linguistiques en Bohême et en Moravie autrichiennes[6]. Mais en Slovaquie et en Ruthénie hongroises, la minorité hongroise était sur-représentée au Parlement de Budapest[7] où, sur 453 députés, 372 étaient magyars[8] [9][10].

Vers le début du XXe siècle, l'idée d'une entité « Tchéco-Slovaque » commença à être défendue par les dirigeants tchèques et slovaques après que les contacts entre les intellectuels des deux peuples se soient intensifiés dans les années 1890. En dépit des différences culturelles, les Slovaques partageaient des aspirations similaires avec les Tchèques et avec les autres Slaves de l'Empire, dont les Ruthènes[11],[12]. Le refus constant des aristocrates austro-hongrois de toute forme d'autonomie des populations slaves, causa finalement la dislocation de l'empire des Habsbourg[5].

C'est en 1917, durant la Première Guerre mondiale, que Tomáš Masaryk créa le Conseil national tchécoslovaque avec Edvard Beneš et Milan Štefánik. Auprès des Alliés, Masaryk aux États-Unis, Štefánik en France, Beneš en France et au Royaume-Uni œuvrèrent pour faire reconnaître le projet tchécoslovaque en s'appuyant sur le « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » et sur le dixième des « Quatorze points » du président américain Woodrow Wilson. Pour cela appuyer cette démarche, plus de 90 000 volontaires tchèques et slovaques formèrent les Légions tchécoslovaques qui combattirent contre les Austro-Allemands en Russie, en France et en Italie. Après l'échec des négociations entre l'empereur austro-hongrois Charles Ier et les Alliés, ceux-ci reconnurent durant l'été 1918 le Conseil national tchécoslovaque comme représentant légitime de la future Tchécoslovaquie. Par ailleurs environ 1,4 million de soldats tchèques, slovaques et ruthènes furent mobilisés dans l'armée austro-hongroise durant la Première Guerre mondiale, dont 150 000 ont été tués.

Histoire

Lors de la dislocation de l'Autriche-Hongrie dans la phase finale de la Première Guerre mondiale, la Tchécoslovaquie proclama son indépendance le . Les langues slaves occidentales des Tchèques et des Slovaques sont assez proches pour être inter-compréhensibles, mais les deux peuples n'avaient pas le même niveau de développement économique et technologique ni le même niveau de vie, les Tchèques rattachés à l'Autriche ayant une classe moyenne plus urbanisée, plus instruite, plus industrialisée que les Slovaques rattachés à la Hongrie, moins nombreux, plus ruraux, encore subordonnés à la noblesse hongroise et moins instruits. Ces différences jouèrent un certain rôle dans l'apparition de tensions durant les 68 ans de leurs union, qui prit fin en décembre 1992.

Première République tchécoslovaque (1918-1938)

Le , dans la petite ville de Darney (Vosges), la France a été le premier pays à reconnaître officiellement le Conseil national tchécoslovaque. L'indépendance de la Tchécoslovaquie fut officiellement proclamée le dans le « Hall Smetana » de la mairie de Prague, lieu éminemment symbolique. Les Slovaques ont officiellement rejoint le nouvel État deux jours plus tard dans la ville de Martin. Une constitution temporaire fut adoptée, qui établissait la « nation tchécoslovaque » comme fondatrice et élément principal de l'État, et Tomáš Masaryk fut déclaré président le . En Ruthénie subcarpatique, Grigor Zatkovitch forma d'abord une République ukrainienne indépendante[13], avant de se rallier au projet tchécoslovaque pour éviter de revenir sous domination hongroise[14].

La Tchécoslovaquie est une république démocratique parlementaire, mais la nouvelle prééminence tchèque, due au poids démographique des Tchèques et à leur bon niveau moyen d'instruction, n'est pas très appréciée par les anciennes élites allemandes et hongroises dépossédées de leurs terres, ni par les Slovaques et les Ruthènes qui souhaitent davantage d'autonomie. Le traité de Saint-Germain-en-Laye, signé le , reconnut formellement la nouvelle République[15] créée à partir de territoires austro-hongrois majoritairement peuplés de Tchèques, de Slovaques et de Ruthènes, et ses frontières avec l'Autriche et la Pologne, mais incluant aussi une importante minorité de langue allemande dans les Sudètes et des populations hongroises le long de sa frontière avec la Hongrie[16], reconnue par le Traité de Trianon en [17].

Lors de la guerre civile russe, les légions tchécoslovaques formées de prisonniers austro-hongrois capturés par les Russes furent mobilisées par les forces des Russes blancs face aux Bolcheviks. Elles contrôlèrent un temps le Transsibérien et assurèrent l'évacuation des forces antibolchéviques vers Vladivostok[18]. Tout cela contribua à assurer le soutien des Alliés à la République tchécoslovaque, dont les forces furent également mises à contribution contre la Hongrie bolchévique de Béla Kun et contre ses alliés slovaques ; le ralliement de la Ruthénie de Grigor Zatkovitch fut reconnu au traité de Trianon, en [19]. Les petits litiges frontaliers avec la Pologne, concernant Těšín/Cieszyn et deux districts de 580 km2 des anciens comitats de Szepes/Spisz et d'Árva/Orava, sont réglés par le partage de juillet 1920. Concernant Těšín/Cieszyn, le Conseil Suprême des Alliés procède au partage du territoire et de la ville entre la Tchécoslovaquie et la Pologne qui reçoit la moitié nord-est, mais s'estime lésée, parce qu'une minorité polonaise passe sous contrôle tchèque dans la moitié sud-ouest. C'est pourquoi, en , la Pologne participera au démantèlement de la Tchécoslovaquie pour annexer la totalité de l'ancien duché de Těšín/Cieszyn[20].

1 ducat d'or de la république tchécoslovaque, avec l'emblème du lion et le roi Wenceslas, 1926.

La première république tchécoslovaque parvînt à sauvegarder son régime parlementaire démocratique pendant l'entre-deux guerres, et promulgua des réformes dans le domaine du logement, de la sécurité sociale et des droits des travailleurs ; elle abolit aussi tous les indicateurs de noblesse (titres et noms de terres), nationalisant 90% des immenses domaines des domaines des aristocrates autrichiens et hongrois, et distribuant les terres aux paysans locaux[21],[22]. En 1929, le PIB avait augmenté de 52 % et la production industrielle de 41 % par rapport à 1913. En 1938, la première république tchécoslovaque occupe la dixième place dans la production industrielle mondiale, mais doit faire face à des problèmes liés à sa diversité ethnique et aux histoires distinctes des peuples tchèque, slovaque et ruthène, sans même compter les minorités allemande et hongroise, mécontentes de leur nouvelle situation. Les Allemands et Magyars de Tchécoslovaquie aspirent ouvertement à rejoindre respectivement l'Allemagne et la Hongrie. Après la crise économique de 1929 et la montée du nazisme en Allemagne, la minorité allemande des Sudètes est instrumentalisée par l'impérialisme hitlérien. Concentrés dans la région frontalière de la Bohême et de la Moravie, appelée Sudetenland en allemand, les Allemands des Sudètes constituaient la principale menace contre l'État tchécoslovaque, avec un effectif de 3 à 3,5 millions de personnes sur les 14 millions de la population tchécoslovaque de l'entre-deux guerres. À partir de 1933, les leaders de cette minorité, sympathisant avec l'Allemagne nazie, réclament leur rattachement au Troisième Reich.

Carte physique de la Première république tchécoslovaque.
Edouard Beneš, président tchécoslovaque en 1938.
Naissance et démantèlement de la première république tchécoslovaque.

L'éphémère deuxième République tchécoslovaque (1938-1939)

Après l'annexion de l'Autriche en 1938, le révisionnisme allemand et hongrois, le nationalisme slovaque et les politiques d'« apaisement » des puissances occidentales vis-à-vis d'Adolf Hitler débouchent sur les Accords de Munich en qui voient la sécession des Sudètes reconnue par la communauté internationale, tandis que les nationalistes slovaques profitent de la situation pour revendiquer un État indépendant sous les auspices de Jozef Tiso, soutenu par l'Allemagne nazie. La première république tchécoslovaque avait pris fin avec le départ en exil de son président, Edvard Beneš le , laissant place à la deuxième République tchécoslovaque, privée d'alliés et diminuée des Sudètes au profit de l'Allemagne nazie et de son bassin danubien au profit de la Hongrie. Celle-ci ne dure que cinq mois et demi et prend fin le  : après le premier arbitrage de Vienne, ce qui restait la partie tchèque, envahie par la Wehrmacht, devint un protectorat allemand le  ; la Slovaquie devînt un État-satellite du Reich et la Ruthénie fut annexée par la Hongrie.

Seconde Guerre mondiale

Edvard Beneš fonde en exil le Gouvernement provisoire tchécoslovaque, auquel demeurent fidèles des troupes tchécoslovaques (notamment de l'Armée de l'Air) qui participent à la Seconde Guerre mondiale aux côtés des Alliés. Le , Edvard Beneš revient à Košice, sur le territoire tchécoslovaque libéré par les armées soviétiques, roumaines et tchécoslovaques du Quatrième front ukrainien dirigées par les généraux Ivan Iefimovitch Petrov, Nicolae Rădescu et Ludvík Svoboda sous le commandement de Fiodor Tolboukhine. Là se forme un gouvernement de coalition présidé par Zdeněk Fierlinger : c'est la Troisième république tchécoslovaque.

Libération de la Tchécoslovaquie en 1945.

Troisième République tchécoslovaque (1945-1948) et prise de pouvoir par les communistes (1948)

Durant trois ans, la Troisième république tchécoslovaque tente de sauvegarder son indépendance, mais son sort est déjà scellé depuis les conférences interalliées de Moscou (octobre 1944) et de Yalta (février 1945) : rien n'empêche donc le Parti communiste tchécoslovaque de s'assurer l'exclusivité du pouvoir. En outre, le pays doit céder la Ruthénie subcarpatique à l'URSS qui l'intègre à sa république socialiste soviétique d'Ukraine. En revanche, à l'Ouest, les allemands des Sudètes, accusés d'avoir collaboré avec les nazis, sont définitivement expulsés du pays selon les décrets Beneš.

Certains historiens, tchèques en particulier, considèrent comme illégitimes et frappés de nullité les gouvernements de facto suivant la démission d'Edvard Beneš : pour eux, la continuité de la première République tchécoslovaque se prolonge de jure jusqu'au « coup de Prague » du par lequel le Parti communiste tchécoslovaque et son chef Klement Gottwald, premier ministre depuis 1946, s'emparent du pouvoir.

République tchécoslovaque communiste (1948-1989)

La démocratie tchécoslovaque restaurée en 1945 est abolie par le « coup de Prague » de 1948, lorsque le Parti communiste tchécoslovaque impose sa dictature.

Forme unitaire

En 1948 la Tchécoslovaquie devient de facto un pays satellite de l'URSS, membre du pacte de Varsovie et du COMECON, qui réprime fermement sa société civile et étouffe toute opposition ou dissidence. Le nom officiel de « République socialiste tchécoslovaque » (1960-1989) n'est pourtant adopté que douze ans plus tard, le , avec une nouvelle constitution qui met officiellement fin de jure à la Troisième République tchécoslovaque[23].

Selon les statistiques officielles du Parti communiste tchécoslovaque, dans les années 1950, la Tchécoslovaquie aurait connu une croissance économique de 7 % en moyenne par an qui aurait substantiellement augmenté les salaires et le niveau de vie, favorisant la stabilité du régime[24]. Mais dans la réalité concrète de cet état communiste, la pénurie de denrées et l'absence des libertés civiles accroit nettement les mécontentements dans les années 1960, y compris à l'intérieur du Parti communiste, ce qui aboutit à la démission du président Antonín Novotný[24]. Une timide libéralisation en 1968, appelée « Printemps de Prague », entraîne l'intervention des forces du Pacte de Varsovie qui fait capoter ce qu'Alexander Dubček a appelé la « dernière chance de sauver le socialisme réel » et referme le pays pour vingt ans de répression : c'est la « Normalisation »[25].

Forme fédérale

Face aux revendications autonomistes des Slovaques, la République socialiste tchécoslovaque devient officiellement, à partir du , un État fédéral (« République socialiste fédérative tchèque et slovaque »), composé de la République socialiste tchèque et de la République socialiste slovaque[26]. Dans les faits, le régime ne change pas et le pouvoir, dévolu dans les textes aux parlements tchèque, slovaque et fédéral, reste aux mains du Parti communiste lequel est subordonné à Moscou.

À gauche, le slovaque Alexander Dubček, initiateur du « socialisme à visage humain », recevant l'accolade du tchèque Vaclav Havel en 1989.
Vaclav Havel, président tchécoslovaque en 1989-90.

Quatrième République tchécoslovaque (1989-1990)

La politique de « glasnost » et de « perestroïka » mise en place par Gorbatchev en URSS aboutit à l'ouverture du rideau de fer qui oblige le parti communiste tchécoslovaque à desserrer son étreinte et finalement à abandonner le pouvoir : c'est la « révolution de velours » du . Le un nouveau gouvernement est formé, qui porte à sa tête le dramaturge et dissident Václav Havel : c'est ce que l'historiographie tchèque et slovaque appelle parfois la « Quatrième République tchécoslovaque »[27].

Au bout de quatre mois, le gouvernement, confronté aux aspirations nationales slovaques toujours plus affirmées, y répond en revenant à une structure fédéraliste, celle de « République fédérale tchèque et slovaque » (1990-1992). Le « divorce de velours » est cependant inévitable et la quatrième République tchécoslovaque est dissoute d'un commun accord au bout de deux ans et huit mois, le . La Tchéquie et la Slovaquie ne se livrent pas pour autant une guerre de dislocation comme en Yougoslavie, mais se séparent à l'amiable en gardant des liens privilégiés.

Économie

Démographie

Évolution de la démographie entre 1961 et 1992 (chiffre de la FAO, 2005). Population en milliers d'habitants.

Codes

La Tchécoslovaquie a eu pour code :

Voir aussi

Références

  1. L'Inde a une devise quasi-similaire : Satyamēva Jayatē (« Seule la Vérité triomphe »).
  2. Dont Tchèques 54,1 %, Slovaques 31 %, Moraves 8,7 %, Hongrois 3,8 %, Roms 0,7 %.
  3. La Ruthénie subcarpathique est devenue soviétique par le traité soviéto-tchécoslovaque du 29 juin 1945 (« Traité au sujet de l’Ukraine subcarpatique » et « Protocole annexé au traité conclu entre l’URSS et la République tchécoslovaque au sujet de l’Ukraine subcarpatique »).
  4. Viator 1908
  5. a et b Sword 1990, p. 53
  6. Bled 1988, p. 28.
  7. Max Schiavon, L'Autriche-Hongrie la Première Guerre mondiale : la fin d'un empire, Soteca 14-18 Éditions, coll. « Les Nations dans la Grande Guerre », Paris 2011, (ISBN 978-2-9163-8559-4), P. 139
  8. Clark 2013, p. 82.
  9. Renouvin 1934, p. 96.
  10. Jean Bérenger, L'Autriche-Hongrie : 1815-1918, Armand Colin 1998, (ISBN 978-2200217433 et 2200217439).
  11. Hamberger 2004, p. 165-191
  12. Lukes 2000, p. 33-43
  13. Proclamée le par le président Grigor Zatkovitch, la République houtsoule fut dirigée par le général Stepan Klotchourak, bientôt élu Premier ministre. Ce dernier parvient à organiser une petite armée de 1 000 soldats (Stepan Klochurak, (uk) Do Voli (« Mémoires »), The Carpathian Alliance publ., New York 1978, OCLC 17608529).
  14. (uk) Le mouvement de libération nationale en Transcarpathie en 1918-1919, Ukrayinska Pravda du 21 novembre 2018.
  15. Archive du ministère des affaires étrangères, « 1919 Versailles » (consulté le )
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  17. [PDF]« Traité de Trianon - texte intégral » (consulté le ), p. 216
  18. Marie-Noëlle Snider-Giovannone, Les Forces alliées et associées en Extrême-Orient, 1918-1920. Les soldats austro-hongrois, Poitiers, Université de Poitiers (thèse), (lire en ligne)
  19. Molnár, p. 337.
  20. « Pologne - Tchécoslovaquie », sur www.medailles1914-1918.fr (consulté le )
  21. Dieter Gosewinkel, Matĕj Spurný et Valentine Meunier, « Citoyenneté et expropriation en Tchécoslovaquie au lendemain des deux Guerres mondiales », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 61-1, no 1,‎ , p. 26 (ISSN 0048-8003 et 1776-3045, DOI 10.3917/rhmc.611.0026, lire en ligne, consulté le )
  22. Alexis Lassagne, « La blessure du Traité de Trianon », La Nouvelle Revue d'histoire, no 87 de novembre-décembre 2016, p. 47.
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  27. Čtvrtá Československá republika - Ondřej Franta, (cs) « Pomlčková válka: Československo nebo Česko-Slovensko? Jak se válčilo o pomlčku a ignoroval pravopis » (« La guerre sémantique : Tchécoslovaquie ou Tchéco-slovaquie ? comment se combattre pour le trait d'union et ignorer l'orthographe ») in : Český rozhlas - [1]

Bibliographie

  • Scotus Viator, Racial Problems in Hungary, Londres,
  • (en) Keith Sword, The Times Guide to Eastern Europe Times Book, , 270 p. (ISBN 0-7230-0348-3)
  • Judit Hamberger, « The Debate over Slovak Historiography with Respect to Czechoslovakia (1990s) », Studia Historica Slovenica,‎
  • Igor Lukes, « Strangers in One House: Czechs and Slovaks (1918–1992) », Canadian Review Of Studies In Nationalism,‎
  • Kamil Krofta, Histoire de la Tchécoslovaquie, traduit par G. Aucouturier de l'édition tchèque parue en 1934, Editions A.A.AM. Stols.
  • Jean-Philippe Namont, « République tchèque, Slovaquie - examen d’un divorce national », chapitre de l’ouvrage collectif sous la direction de Joao Medeiros (dir.), Le mondial des nations (30 chercheurs enquêtent sur l’identité nationale), Paris, Choiseul Editions- RFI, 2011, pp.461-474.

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