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Durant les années 1840, les lieux où s'expriment cette génération sont les cafés et brasserie, les ateliers d'artistes et les [[Publication périodique|périodiques]]. Avec la [[Charte constitutionnelle de 1830|charte de 1830]], la presse retrouve une certaine forme de liberté et quantité de petites feuilles vont être publiées.
Durant les années 1840, les lieux où s'expriment cette génération sont les cafés et brasserie, les ateliers d'artistes et les [[Publication périodique|périodiques]]. Avec la [[Charte constitutionnelle de 1830|charte de 1830]], la presse retrouve une certaine forme de liberté et quantité de petites feuilles vont être publiées.

C'est la mort de Murger en 1861 qui signe l'installation de la bohème comme posture et ses exégètes en ont une sorte de mythologie. Du côté de [[Jules Vallès]], la bohème prend une tournure politique, il y voit l'expression des réfractaires et des irréguliers. S'ensuivent des dizaines d'ouvrages, autant de souvenirs, de témoignages et de chroniques des temps passés, qui ravivent chez les lecteurs, une époque révolue. Durant le dernier tiers du {{XIXe}} siècle, [[Paul Verlaine]] incarne à lui seul une figure modernisée de la bohème, qu'il revitalise entre autres en inventant le concept de [[Les Poètes maudits|«poète maudit»]]. En 1896, la création de l'opéra de [[Giacomo Puccini|Puccini]], ''[[La Bohème]]'', donne lieu à un succès international<ref>{{pdf}} Jean-Didier Wagneur, [https://serd.hypotheses.org/files/2018/08/WagneurVielitteraire.pdf La vie de bohème comme vie littéraire], ''Hypothèses'', août 2018.</ref>.


== La bohémianisme hors de France ==
== La bohémianisme hors de France ==

Version du 16 janvier 2024 à 00:24

La bohème, ou vie de bohème, ou encore bohème littéraire et artistique ou bohémianisme correspond à un mouvement littéraire et artistique de la première moitié du XIXe siècle qui essaime en Europe, en marge du mouvement romantique : vu comme une contre-culture, il se manifeste alors par un style de vie qui allie pauvreté, rejet de la domination bourgeoise et de la société industrielle, et la recherche d’un idéal esthétique et politique.

Au départ péjorative, « mauvais genre » et moquée, la bohème littéraire et artistique, devenue un stéréotype, voire un cliché ou tout simplement un phénomène de mode, finit par caractériser toute une génération post-romantique, jusque dans les années 1880[1].

Un stéréotype aux origines françaises

L'Homme à la pipe (1848), autoportrait de Gustave Courbet (musée Fabre).

L’apparition du mot bohème, dont l’accent grave le distingue du nom de l’habitant de la Bohême, remonte en France à 1659 chez Tallemant des Réaux. Il s’agissait de décrire un « homme qui mène une vie sans règle », en le comparant aux peuples nomades que l'on n'appelait pas encore tziganes ou roms. En 1835, l'Académie française relève l'expression « mener une vie de bohème, vivre en (comme un) bohème », avec comme définition : « n'avoir ni feu ni lieu, vivre dans le vagabondage »[2]. L'expression « bohème littéraire » s'impose autour de 1842 dans Le Charivari sous forme de caricatures satiriques. Elle caractérise les candidats au succès littéraire qui déferlent alors dans Paris, au moment où le monde de l'édition et de la presse s'industrialisent. Mais de nombreux peintres, sculpteurs ou dessinateurs sont également du nombre[3]. En avril 1843, Alexandre Privat d'Anglemont, alors inconnu, soumet à Eugène Sue, auteur installé, un projet de roman qu'il résume ainsi : « Ce serait la vie de misère de faim et de rage, de cette race intelligente, travailleuse, instruite, les existences problématiques de tous ces jeunes gens, qui ont eu les bras brisés par l’éducation de collège, qui n’ont pas d’état. Et à qui notre malheureuse civilisation n’a laissé que deux débouchés la potence ou l’hôpital »[4].

Vers 1840, Balzac, dans Un prince de la bohème écrit : « Ce mot de Bohème vous dit tout. La Bohème n’a rien et vit de tout ce qu’elle a. L’espérance est sa religion, la foi en soi-même est son code, la charité passe pour être son budget. Tous ces jeunes gens sont plus grands que leur malheur, au-dessous de la fortune mais au-dessus du destin »[5],[6]. Mais cette bohème décrite par Balzac est celle d'une jeunesse dorée, exprimant par là une forme de dandysme décalée.

Le roman qui exprimera au plus juste le déclassement dans lequel a sombré une partie de la jeunesses littéraires et artistiques est celui de Henry Murger, intitulé Scènes de la vie de bohème, qui, publié en 1851, par son succès et sa postérité, forge un mythe. Ce texte est bâti à partir de l'expérience parisienne de Murger, du temps où il formait avec d'autres, une sorte de faune, de clan, de cénacle, de phalanstère. Ces témoins de Murger sont les artistes Alexandre Schanne, François Tabar, Joseph Desbrosses, et les écrivains Charles Barbara, Jean Wallon et Marc Trapadoux. Murger doit son succès d'abord au contexte politique : après la révolution française de 1848, les salons artistiques et les théâtres s'ouvrent à cette génération. Murger va produire sur scène La Vie de Bohème en novembre 1849 au théâtre des Variétés, d'après ses feuilletons parus dans Le Corsaire-Satan[1].

Leur principaux lieux de rencontre sont dans le quartier latin de Paris. Mais d'autres groupes et lieux existent, qui à Montmartre, au Châtelet ou hors-barrière, manifestent des modes de vie peu ou prou similaires. Ainsi, la seconde génération romantique, celle de 1830, du Petit-Cénacle, des Bousingos ou du Doyenné, avec entre autres Théophile Gautier et Gérard de Nerval, a pu être qualifiée de « bohème ». Nerval lui-même l'écrit, en publiant La Bohème galante en 1852[1].

Durant les années 1840, les lieux où s'expriment cette génération sont les cafés et brasserie, les ateliers d'artistes et les périodiques. Avec la charte de 1830, la presse retrouve une certaine forme de liberté et quantité de petites feuilles vont être publiées.

C'est la mort de Murger en 1861 qui signe l'installation de la bohème comme posture et ses exégètes en ont une sorte de mythologie. Du côté de Jules Vallès, la bohème prend une tournure politique, il y voit l'expression des réfractaires et des irréguliers. S'ensuivent des dizaines d'ouvrages, autant de souvenirs, de témoignages et de chroniques des temps passés, qui ravivent chez les lecteurs, une époque révolue. Durant le dernier tiers du XIXe siècle, Paul Verlaine incarne à lui seul une figure modernisée de la bohème, qu'il revitalise entre autres en inventant le concept de «poète maudit». En 1896, la création de l'opéra de Puccini, La Bohème, donne lieu à un succès international[7].

La bohémianisme hors de France

Carl Spitzweg, Le Pauvre Poète (1839), Munich, Neue Pinakothek.
Thomas Eakins, The Bohemian (vers 1890), Philadelphia Museum of Art.

Allemagne

Angleterre

Italie

Scandinavie


Réappropriation au XXIe siècle

En France, depuis le début des années 2000, un nouveau concept est apparu, celui de bourgeois-bohème, reprenant, en le dénaturant, le mythe post-romantique de bohème. Abrégé dans la langue populaire en « bobo », ce syntagme tentait de définir un style de vie ayant l’apparence de la bohème, mais menée par des personnes n’ayant aucune difficulté financière. L'équivalent anglo-saxon est hipster. Ce phénomène est lié à la gentrification des quartiers populaires des grandes villes occidentales[8].

Dans la culture classique et populaire

Notes et références

  1. a b et c Jean-Didier Wagneur, « L'Invention de la bohème », in: Les essentiels littérature/ Gallica — en ligne.
  2. « Bohême, Bohème », base lexicographique CNRTL.
  3. Firmin Maillard, Les derniers Bohèmes. Henry Murger et son temps, Librairie Sartorius, Paris, 1874.
  4. Citée par Pierre Citron, « Alexandre Privat d’Anglemont. Quatre lettres à Eugène Sue », in: Revue des sciences humaines, 103, avril-juin 1960, Modèle:P.393-399.
  5. Édition Furne, études de mœurs, scènes de la vie parisienne, 1845, vol. XII, p. 99.
  6. Un prince de bohème.
  7. [PDF] Jean-Didier Wagneur, La vie de bohème comme vie littéraire, Hypothèses, août 2018.
  8. David Brooks, Les Bobos : Les bourgeois bohèmes, Paris, Le livre de poche, , 314 p. (ISBN 9782253151265).

Annexes

Bibliographie

  • Niklaus Manuel Güdel, « Henri Murger (1822-1861) : réminiscence et fin de la bohème romantique », in : Robert Kopp (dir.), Achèvement et dépassement. Romantisme et Révolution(s) III, Paris, Gallimard, coll. « Cahiers de la NRF », 2010, p. 31-75.
  • Bertrand Matot, Paris Bohèmes 1830-1960 : Des romantiques à la Beat Génération, le souffle de la liberté et de l’anticonformisme, Parigramme, , 128 p. (ISBN 978-2-37395-133-2).
  • (en) Jerrold Seigel, Bohemian Paris. Culture, politics, and the boundaries of bourgeois life, 1830-1930, Baltimore and London, The Johns Hopkins University Press, (ISBN 978-0-8018-6063-8, présentation en ligne).

Articles connexes


Liens externes