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« Icône du Christ et de l'abbé Ména » : différence entre les versions

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L''''''[[Icône (religion)|icône]] du [[Jésus-Christ|Christ]] et de l'abbé Ména''''' est un œuvre [[Art copte|copte]] datant du {{s-|VI}} et conservée au [[musée du Louvre]], à Paris<ref name=":0">{{Harvnb|Patterson Svecenko|1979|p=352-353}}</ref>. Il s'agit d'une [[peinture à l'encaustique]] sur bois datant du {{s-|VI}} et provenant du [[Monastère de Baouit|monastère d'Apollon à Baouit]], en [[Égypte]]. Elle représente le Christ à côté de l'[[abbé]] Ména qu'il entoure de son bras droit passé sur l'épaule.


L'icône mesure environ {{Tunité|57|57|4|cm}} d'épaisseur<ref name=":0" />{{,}}<ref name=":2">{{Lien web |titre=Le Christ et l'abbé Ména |url=https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010048163 |site=collections.louvre.fr |consulté le=14 mai 2024}}</ref>. Elle a été endommagée au fil des ans: il manque une partie du [[pigment]], et le bois présente trois fissures verticales qui le traversent; toutefois le sujet reste toujours clairement identifiable<ref name=":0" />.
L'icône mesure environ {{Tunité|57|57|4|cm}} d'épaisseur<ref name=":0" />{{,}}<ref name=":2">{{Lien web |titre=Le Christ et l'abbé Ména |url=https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010048163 |site=collections.louvre.fr |consulté le=14 mai 2024}}</ref>. Elle a été endommagée au fil des ans: il manque une partie du [[pigment]], et le bois présente trois fissures verticales qui le traversent; toutefois le sujet reste toujours clairement identifiable<ref name=":0" />.


== Description ==
== Description ==
Découverte en 1902<ref name=":2" /> et datée du {{s-|VI}}<ref name=":0" />{{,}}<ref name=":5" />{{,}}<ref group="Note">Le musée du Louvre, dans lequel l'icône est entreposée, la date du {{S-|VIII}}. {{Lire en ligne|lien=https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010048163|consulté le=14 mai 2024}}</ref>, l'icône représente le [[Jésus-Christ|Christ]] avec un [[Nimbe#Nimbe crucifère|nimbe crucifère]], debout à côté de l'abbé saint Ména qui vécut au {{s-|V}} — et qu'il ne faut pas confondre, selon N. Patterson Svecenko, avec [[Ménas|saint Ménas]], [[martyr]] du début du {{s-|IV}}<ref name=":0" />. L'abbé est également représenté avec une auréole indiquant sa [[saint]]eté<ref name=":5">{{Harvnb|Belting|1994|p=96-97}}</ref>. On sait que l'icône représente [[Jésus-Christ]] et l'abbé car les deux personnages sont identifiés par une inscription à côté de chacune des deux têtes : en [[copte]]<ref name=":1" />, ''ΨΟΤΕΡ'' (''Sôter'', « Sauveur »); et en [[grec ancien]], le nom et le titre du second personnage: ''ΑΠΑ ΜΗΝΑ ΠΡΟΕΙCΤΟC'' (''Apa Ména proeïstos'' « Père Mena, abbé »)<ref name=":0" />{{,}}<ref name=":1">{{Harvnb|Courtray|2023|p=328}}</ref>{{,}}<ref group="Note">À noter que cette inscription est répétée juste en dessous, sur le fond marron, sous une forme abrégée : ''ΑΠΑ ΜΗΝΑ ΠΡΟ.'' ({{Harvnb|Patterson Svecenko|1979|p=352-353}}); {{Harvnb|Courtray|2023|p=328}}.</ref>.
Découverte en 1902<ref name=":2" /> et datée du {{s-|VI}}<ref name=":0" />{{,}}<ref name=":5" />{{,}}<ref group="Note">Le musée du Louvre, dans lequel l'icône est entreposée, la date du {{S-|VIII}}. {{Lire en ligne|lien=https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010048163|consulté le=14 mai 2024}}</ref>, l'icône représente le [[Jésus-Christ|Christ]] avec un [[Nimbe#Nimbe crucifère|nimbe crucifère]], debout à côté de l'abbé saint Ména qui vécut au {{s-|V}} — et qu'il ne faut pas confondre, selon N. Patterson Svecenko, avec [[Ménas|saint Ménas]], [[martyr]] du début du {{s-|IV}}<ref name=":0" />. L'abbé est également représenté avec une [[Auréole (religion)|auréole]] indiquant sa [[saint]]eté<ref name=":5">{{Harvnb|Belting|1994|p=96-97}}</ref>. On sait que l'icône représente [[Jésus-Christ]] et l'abbé car les deux personnages sont identifiés par une inscription à côté de la tête de chacun d'eux : en [[copte]]<ref name=":1" /> pour le Christ, on lit ''ΨΟΤΕΡ'' (''Sôter'', « Sauveur »); et en [[grec ancien]], on a le nom et le titre du second personnage: ''ΑΠΑ ΜΗΝΑ ΠΡΟΕΙCΤΟC'' (''Apa Ména proeïstos'' « Père Mena, abbé »)<ref name=":0" />{{,}}<ref name=":1">{{Harvnb|Courtray|2023|p=328}}</ref>{{,}}<ref group="Note">À noter que cette inscription est répétée juste en dessous, sur le fond marron, sous une forme abrégée : ''ΑΠΑ ΜΗΝΑ ΠΡΟ.'' ({{Harvnb|Patterson Svecenko|1979|p=352-353}}); {{Harvnb|Courtray|2023|p=328}}.</ref>.
[[Fichier:VdR TIV9.jpg|vignette|Anubis accueillant [[Thoutmôsis IV]] et passant son bras sur son épaule. [[Fresque]] de la tombe du roi (KV43), [[Vallée des Rois]]. [[XVIIIe dynastie égyptienne]].]]
[[Fichier:VdR TIV9.jpg|vignette|Anubis accueillant [[Thoutmôsis IV]] et passant son bras sur son épaule. [[Fresque]] de la tombe du roi (KV43), [[Vallée des Rois]]. [[XVIIIe dynastie égyptienne]].]]
Les deux personnages se tiennent l'un à côté de l'autre, l'abbé étant légèrement plus petit. Le Christ tient dans sa main gauche une [[évangéliaire]] à la couverture richement décorée de perles et de pierres précieuses , tandis qu'il pose sa main droite sur l'épaule la plus éloignée de l'abbé et l'entoure ainsi de son bras<ref name=":0" />. Ce faisant, il reprend l'ancien geste du [[Clientélisme (Rome)|patron]] qui protège son client en plaçant son bras protecteur sur l'épaule de ce dernier<ref name=":5" />. Si l'on a pu soutenir que par ce geste le Christ élève l'abbé au rang des saints et le présente au peuple<ref>Selon {{Lien|langue=de|trad=Klaus Wessel|fr=Klaus Wessel}}, cité par {{Harvnb|Belting|1994|p=96-97}}.</ref>, il n'en reste pas moins qu'il s'agit véritablement d'un geste de protection, que l'on retrouve ailleurs dans l'histoire<ref name=":5" />. Mais c'est aussi un geste qui rappelle celui du dieu égyptien [[Anubis]] avec les défunts, que l'on trouve dans des représentations égyptiennes datant de l'époque romaine<ref name=":1" />. Quant à l'abbé, il tient un [[parchemin]] dans la main gauche, tandis que la droite fait un geste de bénédiction<ref name=":5" />.
Les deux personnages se tiennent l'un à côté de l'autre, l'abbé étant légèrement plus petit. Le Christ tient dans sa main gauche une [[évangéliaire]] à la couverture richement décorée de perles et de pierres précieuses , tandis qu'il pose sa main droite sur l'épaule la plus éloignée de l'abbé et l'entoure ainsi de son bras<ref name=":0" />. Ce faisant, il reprend l'ancien geste du [[Clientélisme (Rome)|patron]] qui protège son client en plaçant son bras protecteur sur l'épaule de ce dernier<ref name=":5" />. Si l'on a pu soutenir que par ce geste le Christ élève l'abbé au rang des saints et le présente au peuple<ref>Selon {{Lien|langue=de|trad=Klaus Wessel|fr=Klaus Wessel}}, cité par {{Harvnb|Belting|1994|p=96-97}}.</ref>, il n'en reste pas moins qu'il s'agit véritablement d'un geste de protection, que l'on retrouve ailleurs dans l'histoire<ref name=":5" />. Mais c'est aussi un geste qui rappelle celui du dieu égyptien [[Anubis]] avec les défunts, que l'on trouve dans des représentations égyptiennes datant de l'époque romaine<ref name=":1" />. Quant à l'abbé, il tient un [[parchemin]] dans la main gauche, tandis que la droite fait un geste de bénédiction<ref name=":5" />.



Les deux personnages sont vêtus d'une [[tunique]] et du ''[[Pallium (christianisme)|pallium]]'', bien que de couleur différente : le Christ est en violet rehaussé de bleu et Mena, en marron<ref name=":0" />. Le visage du Christ se distingue par sa douceur ; il a des yeux en amande, porte une courte barbe, une moustache, et de longs cheveux ondulés; Ména, lui arbore une barbe grisonnante, et des cheveux courts de la même teinte<ref name=":0" />. Les yeux exagérément grands sont ainsi soulignés dans la composition. Les dégradés de couleurs — où l'arrière-plan figure des collines vertes et brunes qui se fondent dans un ciel aux teintes abricot — sont clairement une création du {{s-|VI}}, qui renvoie aux Coptes, le plus grand groupe chrétien de la région<ref>{{Harvnb|Meinardus|2016}}</ref>. L'église copte égyptienne a en effet développé ses propres traditions artistiques au {{s-|VI}} et les a utilisées pour créer cette icône, et d'autres similaires<ref name=":4">{{Lien web |langue=en |auteur=K.C. Innemée |titre=Coptic Art |url=https://www.oxfordbibliographies.com/display/document/obo-9780195396584/obo-9780195396584-0137.xml |site=oxfordbibliographies.com |périodique=Oxford Bibliographies |date=25 février 2014 |consulté le=13 mai 2024}}</ref>.[[Fichier:Tafelbildnis_Apa_Abraham.jpg|vignette| ''Aba Abraham, l'évêque.'' [[Bode-Museum|Bode Museum]], Berlin.]]

Le Christ et Ména sont vêtus d'une [[tunique]] et du ''[[Pallium (christianisme)|pallium]]'', mais de couleur différente : le Christ est en violet rehaussé de bleu et Mena, en marron<ref name=":0" />. Le visage du Christ se distingue par sa douceur ; il a des yeux en amande, porte une courte barbe, une moustache, et de longs cheveux ondulés; Ména, lui arbore une barbe grisonnante, et des cheveux courts de la même teinte<ref name=":0" />{{,}}<ref name=":1" />. De par leur taille, les yeux sont soulignés dans la composition. Les dégradés de couleurs — où l'arrière-plan figure peut-être des collines vertes et brunes qui se fondent dans un ciel aux teintes abricot — sont clairement une création du {{s-|VI}}, qui renvoie aux Coptes, le plus grand groupe chrétien de la région<ref>{{Harvnb|Meinardus|2016}}</ref>{{,}}<ref name=":1" />. L'église copte égyptienne a en effet développé ses propres traditions artistiques au {{s-|VI}} et les a utilisées pour créer cette icône, et d'autres similaires<ref name=":4">{{Lien web |langue=en |auteur=K.C. Innemée |titre=Coptic Art |url=https://www.oxfordbibliographies.com/display/document/obo-9780195396584/obo-9780195396584-0137.xml |site=oxfordbibliographies.com |périodique=Oxford Bibliographies |date=25 février 2014 |consulté le=13 mai 2024}}</ref>.

Selon {{Lien|trad=Christian Cannuyer|fr=Christian Cannuyer}}, l'intimité que l'on trouve entre le Christ et l'abbé est une évocation de l'alliance entre l'Égypte et l'Église, à cette époque<ref>Christian Cannuyer, ''L'Égypte copte. Les chrétiens du Nil'', Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard », 2000, 143 p. {{ISBN|978-2-070-53512-5}} p. 29; 55.</ref>.[[Fichier:Tafelbildnis_Apa_Abraham.jpg|vignette| ''Aba Abraham, évêque'' (de [[Hermonthis]], mort en 620'')''<ref>Christian Cannuyer, ''L'Égypte copte. Les chrétiens du Nil'', Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard », 2000, 143 p. {{ISBN|978-2-070-53512-5}} p. 29; 55.</ref>. [[Bode-Museum|Bode Museum]], Berlin.]]


== Monastère de Baouit ==
== Monastère de Baouit ==
Lorsque le [[Baouit|monastère de Baouit]], situé sur la rive ouest du [[Nil]], a été fouillé au début du {{s-|XX}} par une équipe de l'[[Institut français d'archéologie orientale]], dirigée par [[Jean Clédat]] et [[Jean Maspero]]<ref>{{Harvnb|Gabra|Takla|2015}}</ref>. Nombre d'œuvres ont été découvertes, en plus de l'icône du Christ et de saint Ménas. On a ainsi trouvé plusieurs [[Cellule (monachisme)|cellules]] du monastère recouvertes d'icônes, ainsi qu'une icône datant de la fin du {{S-|VI}}, connue sous le nom de ''Aba Abraham, l'évêque'' — aujourd'hui à [[Berlin]]<ref name=":5" />.
Lorsque le [[Baouit|monastère de Baouit]], situé sur la rive ouest du [[Nil]], a été fouillé au début du {{s-|XX}} par une équipe de l'[[Institut français d'archéologie orientale]], dirigée par [[Jean Clédat]] et [[Jean Maspero]]<ref>{{Harvnb|Gabra|Takla|2015}}</ref>. Nombre d'œuvres ont été découvertes, en plus de l'icône du Christ et de saint Ménas. On a ainsi trouvé plusieurs [[Cellule (monachisme)|cellules]] du monastère recouvertes d'icônes, ainsi qu'une icône datant de la fin du {{S-|VI}}, connue sous le nom de ''Aba Abraham, l'évêque'' — aujourd'hui à [[Berlin]]<ref name=":5" />.


L'idée de sainteté étant en pleine transition, de nombreuses œuvres ont été créées pour ressembler à celles qui indiqueraient que l'image est celle d'un saint ; cela afin de s'assurer que si la personne représentée devait plus tard être reconnue comme un saint, il ne serait alors pas nécessaire d'en retoucher le portrait<ref name=":5" />.
L'idée de sainteté étant en pleine transition, de nombreuses œuvres ont été créées pour ressembler à celles qui indiqueraient que l'image est celle d'un saint ; cela afin de s'assurer que si la personne représentée devait plus tard être reconnue comme un saint, il ne serait alors pas nécessaire d'en retoucher le portrait<ref name=":5" />.

Version du 14 mai 2024 à 20:43

Le Christ et l'abbé Ména
Icône du Christ et de l'abbé Ména
Artiste
InconnuVoir et modifier les données sur Wikidata
Date
VIe siècle
Type
Matériau
peinture à la cire (d) sur boisVoir et modifier les données sur Wikidata
Dimensions (H × L × l)
58,5 × 57,7 × 4 cmVoir et modifier les données sur Wikidata
Propriétaire
No d’inventaire
E 11565Voir et modifier les données sur Wikidata
Localisation

L'icône du Christ et de l'abbé Ména est un œuvre copte datant du VIe siècle et conservée au musée du Louvre, à Paris[1]. Il s'agit d'une peinture à l'encaustique sur bois datant du VIe siècle et provenant du monastère d'Apollon à Baouit, en Égypte. Elle représente le Christ à côté de l'abbé Ména qu'il entoure de son bras droit passé sur l'épaule.

L'icône mesure environ 57 × 57 × 4 cm d'épaisseur[1],[2]. Elle a été endommagée au fil des ans: il manque une partie du pigment, et le bois présente trois fissures verticales qui le traversent; toutefois le sujet reste toujours clairement identifiable[1].

Description

Découverte en 1902[2] et datée du VIe siècle[1],[3],[Note 1], l'icône représente le Christ avec un nimbe crucifère, debout à côté de l'abbé saint Ména qui vécut au Ve siècle — et qu'il ne faut pas confondre, selon N. Patterson Svecenko, avec saint Ménas, martyr du début du IVe siècle[1]. L'abbé est également représenté avec une auréole indiquant sa sainteté[3]. On sait que l'icône représente Jésus-Christ et l'abbé car les deux personnages sont identifiés par une inscription à côté de la tête de chacun d'eux : en copte[4] pour le Christ, on lit ΨΟΤΕΡ (Sôter, « Sauveur »); et en grec ancien, on a le nom et le titre du second personnage: ΑΠΑ ΜΗΝΑ ΠΡΟΕΙCΤΟC (Apa Ména proeïstos « Père Mena, abbé »)[1],[4],[Note 2].

Anubis accueillant Thoutmôsis IV et passant son bras sur son épaule. Fresque de la tombe du roi (KV43), Vallée des Rois. XVIIIe dynastie égyptienne.

Les deux personnages se tiennent l'un à côté de l'autre, l'abbé étant légèrement plus petit. Le Christ tient dans sa main gauche une évangéliaire à la couverture richement décorée de perles et de pierres précieuses , tandis qu'il pose sa main droite sur l'épaule la plus éloignée de l'abbé et l'entoure ainsi de son bras[1]. Ce faisant, il reprend l'ancien geste du patron qui protège son client en plaçant son bras protecteur sur l'épaule de ce dernier[3]. Si l'on a pu soutenir que par ce geste le Christ élève l'abbé au rang des saints et le présente au peuple[5], il n'en reste pas moins qu'il s'agit véritablement d'un geste de protection, que l'on retrouve ailleurs dans l'histoire[3]. Mais c'est aussi un geste qui rappelle celui du dieu égyptien Anubis avec les défunts, que l'on trouve dans des représentations égyptiennes datant de l'époque romaine[4]. Quant à l'abbé, il tient un parchemin dans la main gauche, tandis que la droite fait un geste de bénédiction[3].


Le Christ et Ména sont vêtus d'une tunique et du pallium, mais de couleur différente : le Christ est en violet rehaussé de bleu et Mena, en marron[1]. Le visage du Christ se distingue par sa douceur ; il a des yeux en amande, porte une courte barbe, une moustache, et de longs cheveux ondulés; Ména, lui arbore une barbe grisonnante, et des cheveux courts de la même teinte[1],[4]. De par leur taille, les yeux sont soulignés dans la composition. Les dégradés de couleurs — où l'arrière-plan figure peut-être des collines vertes et brunes qui se fondent dans un ciel aux teintes abricot — sont clairement une création du VIe siècle, qui renvoie aux Coptes, le plus grand groupe chrétien de la région[6],[4]. L'église copte égyptienne a en effet développé ses propres traditions artistiques au VIe siècle et les a utilisées pour créer cette icône, et d'autres similaires[7].

Selon Christian Cannuyer, l'intimité que l'on trouve entre le Christ et l'abbé est une évocation de l'alliance entre l'Égypte et l'Église, à cette époque[8].

Aba Abraham, évêque (de Hermonthis, mort en 620)[9]. Bode Museum, Berlin.

Monastère de Baouit

Lorsque le monastère de Baouit, situé sur la rive ouest du Nil, a été fouillé au début du XXe siècle par une équipe de l'Institut français d'archéologie orientale, dirigée par Jean Clédat et Jean Maspero[10]. Nombre d'œuvres ont été découvertes, en plus de l'icône du Christ et de saint Ménas. On a ainsi trouvé plusieurs cellules du monastère recouvertes d'icônes, ainsi qu'une icône datant de la fin du VIe siècle, connue sous le nom de Aba Abraham, l'évêque — aujourd'hui à Berlin[3].

L'idée de sainteté étant en pleine transition, de nombreuses œuvres ont été créées pour ressembler à celles qui indiqueraient que l'image est celle d'un saint ; cela afin de s'assurer que si la personne représentée devait plus tard être reconnue comme un saint, il ne serait alors pas nécessaire d'en retoucher le portrait[3].

Galerie

Notes et références

Notes

  1. Le musée du Louvre, dans lequel l'icône est entreposée, la date du VIIIe siècle. [lire en ligne (page consultée le 14 mai 2024)]
  2. À noter que cette inscription est répétée juste en dessous, sur le fond marron, sous une forme abrégée : ΑΠΑ ΜΗΝΑ ΠΡΟ. (Patterson Svecenko 1979, p. 352-353); Courtray 2023, p. 328.

Références

  1. a b c d e f g h et i Patterson Svecenko 1979, p. 352-353
  2. a et b « Le Christ et l'abbé Ména », sur collections.louvre.fr (consulté le )
  3. a b c d e f et g Belting 1994, p. 96-97
  4. a b c d et e Courtray 2023, p. 328
  5. Selon Klaus Wessel (de), cité par Belting 1994, p. 96-97.
  6. Meinardus 2016
  7. (en) K.C. Innemée, « Coptic Art », sur oxfordbibliographies.com, Oxford Bibliographies, (consulté le )
  8. Christian Cannuyer, L'Égypte copte. Les chrétiens du Nil, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard », 2000, 143 p. (ISBN 978-2-070-53512-5) p. 29; 55.
  9. Christian Cannuyer, L'Égypte copte. Les chrétiens du Nil, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard », 2000, 143 p. (ISBN 978-2-070-53512-5) p. 29; 55.
  10. Gabra et Takla 2015

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Hans Belting, Likeness and Presence: A History of the Image before the Era of Art, Chicago, University of Chicago Press, , 676 p. (ISBN 978-0-226-04215-2, lire en ligne), p. 96-97
  • Régis Courtray, « L’icône du Christ et de l’abbé Ména (notice iconographique) », dans Régis Coutray, Régis Burnet, Jérôme Lagouanère, Maguelone Renard (Dir.), Du Jésus des Écritures au Christ des théologiens. Les Pères de l’Église, lecteurs de la vie de Jésus, Brepols, , 353 p. (ISBN 978-2-503-59942-7, lire en ligne), p. 328
  • (en) Gawdat Gabra (Ed.) et Hany N. Takla (Ed.), Christianity and Monasticism in Middle Egypt, Cairo, The American University in Cairo Press, , 416 p. (ISBN 978-9-774-16663-1)
  • (en) Otto F.A. Meinardus, Two Thousand Years of Coptic Christianity, Cairo, The American University in Cairo Press, (1re éd. 1999), 352 p. (ISBN 978-9-774-16745-4)
  • (en) Nancy Patterson Svecenko, « 497. Icon of Christ and Abbot Menas », dans Kurt Weitzmann (Ed.), Age of Spirituality: Late Antique and Early Christian Art, Third to Seventh Century; Catalogue of the Exhibition at the Metropolitan Museum of Art, Nov. 19, 1977 – Feb. 12, 1978, New York, Metropolitan Museum of Art, Publication, in Assoc. with Princeton University Press, , xviii + 735 p. (ISBN 978-0-870-99179-0, lire en ligne), p. 552-553

Liens externes