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Version du 1 mars 2013 à 13:49

La légitime défense est l'autorisation légale de faire cesser une agression contre soi-même ou autrui par des moyens en d'autres cas interdits. Cette notion s'applique aussi bien aux individus qu'aux États.

En droit pénal français

La légitime défense est prévue à l'article 122-5 du code pénal dans son livre premier ( Disposition Générales ). C'est une cause d'irresponsabilité pénale, cela signifie qu'elle a pour effet d’empêcher que soit engagée la responsabilité pénale de l'auteur alors que l'infraction est constituée dans son élément légal, matériel et moral.

Concernant les individus

"N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle même ou autrui, effectue dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte" (art 122-5 CP)

En France, pour agir dans le cadre de la légitime défense des personnes[1], l'agression contre soi-même ou autrui doit être :

  • actuelle : le danger est imminent ;
  • injustifiée : l'agression est interdite – riposter aux forces de polices pendant une manifestation par exemple ne peut être considéré comme de la légitime défense
  • réelle : l'agression ne doit pas être putative (la jurisprudence admet cependant que des éléments trompeurs peuvent justifier une légitime défense putative[2]).

Parallèlement, la défense doit être :

  • nécessaire : il n'y a aucun autre moyen de se soustraire au danger ;
  • concomitante : la réaction doit être immédiate, par exemple : on ne doit pas agir par vengeance ou dans le but de stopper l'agresseur en fuite ;
  • proportionnée à l'agression : il ne doit pas y avoir d'excès dans la riposte.

Il existe en droit français deux cas dans lesquels la légitime défense est présumée : d'une part, pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ; et d'autre part, pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. Dans ces cas, le défendeur n'aura pas à prouver qu'il était en état de légitime défense. La charge de la preuve est supportée par la partie adverse[3].

En Belgique, la légitime défense est régie ou concernée par les articles 70, 71, 411 à 413, 416, 417 et 478 à 486 du Code pénal. Le pouvoir d'utiliser la force ne peut se faire que de manière proportionnelle, pour repousser une agression injuste, actuelle ou imminente, contre une ou plusieurs personnes.

En Suisse, la légitime défense est régie par l'article 15 du Code pénal[4]. Agit en légitime défense quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d’une attaque imminente. Le droit de repousser l’attaque doit se faire par des moyens proportionnés aux circonstances. En cas d'excès, le juge peut atténuer la peine[5].

Concernant les biens

En France, la légitime défense s'applique également aux atteintes aux biens[1]. Les conditions d'application sont les mêmes, à l'exception de l'homicide volontaire qui n'est en aucun cas légitimé dans la défense d'un bien.

Si concernant la défense des individus, la loi dispose d'une présomption de proportionnalité en faveur de la victime de l'agression, il appartient à la personne demandant le bénéfice de la légitime défense des biens de prouver que sa riposte était bien mesurée par rapport à l'agression.

La légitime défense ne peut être admise en matière d'atteinte aux biens que lorsque l'acte commis a pour objet d'interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit[6].

Aux États-Unis d'Amérique, la définition du droit de légitime défense varie suivant les États ; elle s'étend parfois aux biens (voir la loi Stand your ground (en)).

En droit international public

Le concept de légitime défense a été introduit en droit international parallèlement à l'interdiction du recours à la force armée, dont il est la contrepartie. Il a eu lieu en plusieurs étapes. L'article premier de la deuxième Convention de La Haye (1907), dite Drago-Porter, dispose que les parties contractantes sont « convenues de ne pas avoir recours à la force armée pour le recouvrement de dettes contractuelles réclamées au gouvernement d'un pays par le gouvernement d'un autre pays comme dues à ses nationaux. »

Cependant, le premier pacte réel est le pacte de la Société des Nations (28 juin 1919) par lequel les États acceptent des restrictions au recours à la guerre. Il distingue guerres illicites et guerres licites, dont la légitime défense fait implicitement partie. Dans le pacte Briand-Kellogg (26 août 1928), le recours à la force pour légitime défense est implicitement admis en ce sens qu'il nest pas interdit. Cependant, l'un des critiques à l'égard de ce pacte est justement l'absence manifeste d'exception, ce qui fragilise cette interdiction.

Enfin, l'art. 51 de la Charte des Nations unies (26 juin 1945), tout en explicitant le droit de légitime défense, l'étend à la légitime défense collective :

« Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. »

Comme en droit civil, le droit de légitime défense est défini comme une exception au principe de non-recours à la force ; son exercice doit être proportionné à l'agression subie et la riposte doit être immédiate. Dans l'art. 1 de la résolution 3314 du 14 décembre 1974, les Nations unies précisent les circonstances nécessaires :

« L'agression est l'emploi de la force armée par un État contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations unies, ainsi qu'il ressort de la présente définition. »

Ainsi, est une agression une invasion, mais aussi un blocus ou un bombardement. L'arrêt Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua de la Cour internationale de justice (27 juin 1986) y ajoute « l'envoi par un État ou en son nom de bandes et de groupes armés (…) contre un autre État d'une gravité telle qu'il équivaut à une véritable agression accomplie par des forces régulières. » En revanche, l'ONU a refusé la demande des pays du Tiers-Monde d'ajouter à la liste l'agression idéologique ou économique[7].

La légitime défense collective consiste en la faculté pour un État non directement agressé d'intervenir au nom d'accords de défense le liant au pays agressé. Il a été invoqué par les États-Unis au Liban en 1958, au Viêt Nam et à Saint-Domingue, contre le Nicaragua en 1985, et par l'URSS pour justifier ses interventions à Prague (1968) et en Afghanistan (1979)[7]. Pour justifier leur intervention au Viêt Nam, les États-Unis ont invoqué une notion de légitime défense permanente, justifiée selon eux, par les incursions continues de bandes armées venues du Nord. Cette notion n'a cependant jamais été consacrée en droit international public.

Enfin, la légitime défense préventive a été invoquée par Israël à quatre reprises[8] :

Elle a également été évoquée par les États-Unis à l'adresse de son opinion interne (et non devant le Conseil de sécurité) à l'occasion de la guerre en Irak (2003-2005). Cette conception de la légitime défense a été rejetée dès le début par la majorité des États.

En religion

Christianisme : entre refus radical et encadrement

Le Nouveau Testament exclut radicalement la légitime défense violente, mais invite à une action non-violente active face à l'agression. "Inscrite au coeur de l’Évangile, elle est la norme pour tous".[9] "Vous avez appris qu'il a été dit : oeil pour oeil et dent pour dent. Et moi je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si on te frappe sur la joue droite, tends aussi l'autre joue"(Matthieu 5, 38-39)."Ne rends pas le mal pour le mal" (1P 3, 9; cfr Rom 12, 17 et 21; 1 Th 5, 15) Jésus donne sa vie, préférant mourir que tuer. Il invite donc très clairement à une nouvelle attitude face à l'ennemi, par ses paroles : "aimez vos ennemis"(Mt 5, 44, par sa vie et sa Passion.

Les premiers chrétiens ont assumé avec enthousiasme ce chemin de vie. Origène (IIIè siècle)écrit ainsi : "Il ne faut tirer l'épée ni pour faire la guerre, ni pour faire valoir nos droits, ni pour aucun motif, car ce précepte de l'Evangile ne souffre aucune exception".[10] .[11]

Augustin d'Hippone sera le premier à justifier le recours à la violence, et de façon très mesurée, au Vème siècle.[12]

Le Magistère de l'Église catholique, en se référant essentiellement au droit naturel, justifie et encadre la légitime défense. Selon lui, en plus d'un droit, la légitime défense est un devoir grave pour qui est responsable de la vie d'autrui ou du bien commun. L'interdit du meurtre n'abroge pas le droit de mettre hors d'état de nuire un injuste agresseur[13].[14] Mais les derniers papes contredisent cette thèse dans plusieurs déclarations. Ainsi Benoît XVI, commentant l’Évangile de Luc, 6, 27-35 où il est question de l'amour des ennemis : "Cet Évangile est à juste titre considéré comme la grande charte de la non-violence chrétienne, qui ne consiste pas à se résigner au mal - selon une fausse interprétation du "tendre l'autre joue" (cf.Luc 6,29) - mais à répondre au mal par le bien en brisant la chaine de l'injustice.(...) L'amour de l'ennemi constitue le noyau de la "révolution chrétienne" (...) Voilà la nouveauté de l’Évangile"[15]

Les saints martyrs et d'autres très nombreux saints ont donné le témoignage de l’Évangile, refusant radicalement la légitime défense. Citons Léon le Grand face à Attila et plus tard face aux Vandales, saint Benoit face aux Goths, François d'Assise face au sultan à Jérusalem, saint Dominique face aux hérétiques ou encore Don Bosco face à ceux qui ont tenté de l'assassiner.(Cfr Michel CALLEWAERT, Un amour subversif. Jésus, l'Eglise et la légitime défense, (Préface de Mgr Marc Stenger), éd. Fidélité - Cerf, 2011, p.445-447)

Le protestantisme Luthérien et Calviniste notamment, a repris la doctrine médiévale de la légitime défense violente en la radicalisant : l'exemption pour les prêtres et religieux est supprimée. Il existe un certain nombre d'Eglises pacifistes historiques : l'Eglise mennonnite née au XVIème, les diverses communautés de "Brethren" (XVIIIème), les Quakers.[16] Martin Luther King était quant à lui d'une Eglise baptiste.

Le débat est ouvert dans le christianisme. Pour Michel Callewaert on ne peut déclarer légitime la défense violente dans la mesure où Jésus propose aux hommes une toute autre manière de faire, de se défendre, respectant la vie et la dignité des agresseurs. Dans le même sens, il existe des méthodes de défense non-violentes, généralement plus efficaces que la défense violente. Dans les faits plusieurs évêques ne soutiennent pas un discours appelant à prendre les armes pour se défendre ou défendre ses proches. Trois exemples célèbres : Jean-Paul II s'est vivement opposé à la guerre en Irak.[17] Mgr. Dr. John Onaiyekan, Archevêque d’ Abuja, Nigéria, Prix de la paix de Pax Christi International, ne cesse d'inciter ses ouailles à réagir de façon non-violente face aux agressions des musulmans. [18] L'archevêque grec-melkite de Syrie, en pleine guerre (2012), appelle à la non-violence et refuse d'appeler aux armes.[19] De nombreuses publications justifient le refus de toute légitimation de la violence ou relatent des expériences de défense non-violente.[20] Eglise et Paix (Church and Peace) est une organisation oecuménique de référence dans ce domaine.[21]

Islam

Dans l'islam, la défense des biens, de soi-même et de ses proches est un devoir, quitte à en mourir. D'après un hadith (propos du prophète de l'islam Mahomet), un des compagnons de Mahomet lui demanda comment devait être sa réaction s'il se faisait attaquer par un individu dont l'intention était de lui prendre ses biens ou de s'en prendre a sa famille. Il répondit "Empêche-le". " Et s'il m'attaque ?" rétorqua le compagnon. "Combats-le, répondit le prophète, S'il te tue, tu es martyr. Et si tu le tues, il ira en Enfer." Les musulmans justifient généralement les guerres de Mahomet par la légitime défense.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Droit international
  • J.-P. Cot et A. Pellet, La Charte des Nations unies, Economica, 1991 (ISBN 2717809430).
  • N. Q. Dinh, Droit international public, LGDJ, coll. « Traités », 1999.
  • P.-M. Dupuy, Droit international public, Dalloz, coll. « Précis », 1998 (4e édition) (ISBN 2-24-703214[à vérifier : ISBN invalide]).
  • (en) D. W. Greig, « Self-Defence and the Security Council: What Does Article 51 require? », International and Comparative Law Quarterly, 40 (1991).
  • J. Zourek, « La notion de légitime défense en droit international – Rapport provisoire », AIDI 56 (1975), p. 1-80.
  • R. van Steenberghe,La légitime défense en droit international public, Larcier, coll. « Droit international », 2012.

Notes et références

  1. a et b « Art. 122-5 du Code Pénal français »
  2. Régime de la défense légitime
  3. « Art. 122-6 du Code Pénal français »
  4. art. 15 Code pénal suisse
  5. art. 16 Code pénal suisse
  6. Arrêt du 24 janvier 2002, Cour d'Appel de Toulouse, 3e Chambre
  7. a et b Dupuy, p. 506.
  8. Dupuy, p. 505.
  9. Etienne CHOME, Tends l'autre joue. Ne rends pas coup pour coup. Mt 5, 38-42 : Non-violence active et Tradition, Coll. Sortir de la Violence et CommunicActions, éd. Lumen Vitae, 2008, p.182.
  10. Cité par François Jourdan in Les Nouvelles de l'Arche, 2004, p. 16.
  11. Pour d'autres citations, voir : Michel CALLEWAERT, Un amour subversif. Jésus, l'Eglise et la légitime défense, (Préface de Mgr Marc Stenger), éd. Fidélité - Cerf, 2011, p.341-347.
  12. Michel CALLEWAERT, Un amour subversif. Jésus, l'Eglise et la légitime défense, (Préface de Mgr Marc Stenger), éd. Fidélité - Cerf, 2011, p.349.
  13. Catéchisme du Vatican, cinquième commandement : En bref.
  14. Cfr. Catéchisme de l'Eglise Catholique, 1997, n°2263 à 2267.
  15. Angélus du 18 février 2007, traduction réalisée par l'agence Zenit (18-02-2007).
  16. Cf. Michel CALLEWAERT, Un amour subversif. Jésus, l'Eglise et la légitime défense. (Préface de Mgr Marc Stenger), éd. Fidélité - Cerf, 2011, p.360.
  17. http://www.zenit.org/article-27760?l=french
  18. cf. http://www.zenit.org/article-32442?l=french
  19. Cf. http://fr.lpj.org/2012/07/24/reflexions-et-observations-sur-la-situation-actuelle-en-syrie-du-patriarche-gregorios-iii-laham/
  20. Cf. l'abondante bibliographie des livres cités de E.Chomé et de M. Callewaert.
  21. www.church-and-peace.org/

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