Yevno Azev

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 30 mars 2016 à 11:17 et modifiée en dernier par Andalussia (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
Photo d'Azév.

Yevno Azév (autres translittérations: Azev, Azef en anglais, né Evno Fichelevitch Azef, à Lyskava, dans la voblast de Brest de la Biélorussie actuelle, en 1869 - décédé en 1918) est un espion de l'Okhrana, la police secrète tsariste, infiltré comme agent provocateur chez les socialistes-révolutionnaires (SR), dont il dirigea l'aile terroriste. La révélation de cette infiltration est connue comme « affaire Azév », à la suite de laquelle les socialistes découvrirent plusieurs autres agents infiltrés dans leurs rangs.

Biographie

Voilà un personnage tout à fait étonnant qui passa sa vie sur un fil comme un funambule, à tromper et trahir les uns et les autres avant de finir par s'engluer lui-même dans ses filets, comme il était inévitable.

Azev nait en 1869 dans une famille juive de Biélorussie. Il va rouler sa bosse dans divers métiers tout en fréquentant les milieux évolutionnaires. En 1892, sur le point d'être arrêté pour ses activités illicites, il vole huit cents roubles et s'enfuit en Allemagne. Là, il reprend des études, mais surtout entame en 1893 - il a vingt-quatre ans - une fructueuse carrière d'indicateur, puis d'agent à part entière, de l'Okhrana, la police secrète tsariste.

Dorénavant, il va agir suivant .les instructions de ses employeurs. En Allemagne d'abord, il se lie aux révolutionnaires russes exilés puis voyage à travers toute l'Europe afin de fournir le maximum d'informations sur ses camarades révolutionnaires réfugiés ici et là.

Il rentre en Russie en 1899. Considéré par ses pairs, qui ne se doutent de rien, comme un révolutionnaire pur et dur, il participe avec Guerchouni à la fondation du parti socialiste révolutionnaire (SR). Guerchouni crée dans la foulée la branche terroriste du parti, l'Organisation de Combat (OC), qui, prenant la relève de la Narodnya Volya, a décidé de jouer la carte de la violence totale pour abattre le régime tsariste. Commence alors un étonnant double jeu, Azev procurant des informations sur les SR et l'OC à l'Okhrana, tout en organisant des attentats avec les « camarades».

En 1903, il livre Guerchouni à la police tsariste et réussit le tour de force de le remplacer à la tête de l'OC ! Le Comité central des SR, ayant en lui une confiance aveugle, l'a en effet pressé d'accepter ce poste sensible.

Mais laissons la parole à Roland Gaucher qui, dans Les Terroristes, parle longuement du personnage et de sa façon de procéder :

'' Azev débuta de bonne heure dans la carrière d'espion. Le 8 avril 1893, les services de l'Okhrana reçurent une lettre postée de Karlsruhe. L'expéditeur y indiquait qu'il terminait ses études d'ingénieur-électricien, se disait bien introduit dans les milieux de l'émigration et offrait de dénoncer ses camarades. Deux mois plus

tard, il était engagé au tarif de 50 roubles par mois, plus les primes. Dès celle époque, il s'efforça d'engager les émigrés qu'il connaissait dans la voie du terrorisme. La police ne tarda pas à remarquer la qualité de cette nouvelle recrue et s'employa activement à faciliter son ascension. Son salaire progressait aussi, récompense de ses dons : en 1899 : 80 roubles, en 1902 : 200 roubles, en 1903 : 500 roubles, auxquels s'ajoutaient bien sûr des primes, cadeaux, frais de déplacement (les chiffres figurent dans une comptabilité de la section financière des archives de l'Okhrana).

Quand le Comité central des socialistes révolutionnaires lui proposa de prendre la tête de l'Organisation de Combat, il demanda à réfléchir. Cette circonspection fut bien appréciée. On avait affaire, pensait-on, à un homme qui ne prenait pas de dispositions à la légère.

Et, en effet, ses décisions étaient mûrement pesées : ce révolutionnaire Evno Azev, dit Valentin, exigea du Comité central une autonomie complète pour l'Organisation de Combat, mais l'agent Raskine se garda bien de prévenir ses patrons de sa promotion clandestine. ! Il les avertit simplement qu'il était à même de suivre désormais de fort près les péripéties de l'O. C. On le félicita. On l'augmenta.

Peu après, Azev décida de tuer Plehve, c'est-à-dire le ministre qui, par intermédiaires, le rétribuait( ... ) L'attentat fut fixé au 18 mars 1904. A cette époque, Azev adressa à l'Okhrana un avertissement très vague, expliquant qu'on était en train de préparer un attentat contre le ministre. [L'attentat est remis plusieurs fois, puis ... ]

Azev, jugeant que le mécanisme qui devait tuer Plehve était au point, quitta Saint-Pétersbourg et écrivit le 19 juin au policier Rataiev que le projet était différé à cause du manque de bombes et que les SR préparaient un autre attentat contre le gouverneur d'lrkoustk. Là-dessus, il élabora à Moscou avec les conjurés le plan de l'attentat, fixa la date au 8 juillet et partit pour Vienne. ( ... ) Il fallut encore une semaine pour que l'opération si longuement préparée par Azev réussît. Le 15 juillet, la bombe de Sazonov mettait fin aux jours de Plehve. Une fois de plus, Azev était à l'étranger, d'où il continuait à << renseigner» l'Okhrana. Chaque fois, il avait pris soin de se créer un alibi.

Ni à L'Okhrana, ni chez les SR, personne ne le soupçonna. La mort de Plehve, avec le retentissement qu'elle avait provoqué, donnait à l'Organisation de Combat un immense prestige, à Valentin le premier rôle dans cet exploit. ( ... ) En même temps, l'O. C. en profita pour renforcer sa puissance. Elle pouvait se le permettre. Des fonds importants venus de l'étranger étaient mis à sa disposition et c'était Azev qui en possédait le contrôle. Par ce moyen, le Comité central dépendait de lui et son autorité se trouvait amoindrie.

( ... ) Ce fut le même Azev qui proposa au Comité central des SR d'organiser un attentat contre le tsar à Revel. Fidèle à ses habitudes, il avertit en même temps I'Okhrana qu'un groupe installé en Finlande préparait le régicide. ( ... ) Azev fit échouer le projet de Revel par un procédé bien dans sa manière. On ne savait si le tsar viendrait à Revel, port militaire, sur son yacht ou par la voie ferrée.

Mais un complice haut placé dans l'administration des chemins de fer avertit Azev que c'était ce second itinéraire qui avait été retenu. Taisant le nom de son informateur, Azev fit savoir à l'Okhrana qu'il connaissait l'itinéraire choisi. Il communiqua la même information à l'O. C., mais avec un retard suffisant pour que le train impérial eût déjà atteint Revel.

C'était un habile coup double. Auprès des SR Azev confirmait l'importance des renseignements qu'il était capable d'obtenir. Guerassimov [chef de l'Okhrana de Saint-Pétersbourg] n'était pas moins stupéfait : Azev connaissait avant lui l'itinéraire adopté. »

En gros, sa tactique consistait donc à organiser les attentats avec l'OC tout en prévenant l'Okhrana que ces attentats allaient avoir lieu. En réalité, les choses étaient plus subtiles car il fallait faire gagner tantôt l'un, tantôt l'autre camp et tâcher de fournir à chacun ce qu'il attendait.

Il réussit si bien ce double jeu que lorsque le pot aux roses sera finalement découvert, les deux parties auront beaucoup de mal à admettre la vérité : les SR, qu'Azev était LE traître qui avait fait échouer bon nombre d'attentats et permis l'arrestation de nombreux camarades et l'Okhrana, qu'Azev était LE chef de l'OC qui leur avait donné tant de fil à

retordre, car bon nombre d'attentats avaient quand même réussi. Dont celui, emblématique, de Plehve.

Au fil des années, l'étau va cependant se resserrer autour de lui. Les tensions s'exacerberont de part et d'autre en raison des troubles de la révolution avortée de 1905, ce qui obligera l'agent trouble à jouer de plus en plus serré.

Des informations sur le double jeu d'Azev étaient déjà parvenues aux SR en 1903, puis en 1905. Ces derniers les avaient considérées comme d'affreuses calomnies, ou de la désinformation pure et simple. Azev, ce héros, un traître !

Certains des accusateurs furent même liquidés sans autre forme de procès pour avoir osé jeter le soupçon sur un personnage aussi inattaquable.

Pour que la vérité éclate enfin, en 1908, il faudra les efforts très tenaces d'un révolutionnaire journaliste, Vladimir Bourtzev, qui avait un dada : démasquer les agents provocateurs au service de la police. Il en avait déjà un certain nombre à son actif lorsqu'il acquit la certitude qu'un traître opérait au sommet des SR. Mais qui ? Lui-même informé par un indicateur de police, Bourtzev va devoir mener une enquête solitaire pour accumuler les preuves contre Azev et arriver à ébranler les certitudes des dirigeants du parti qui l'accuseront dans un premier temps de vouloir discréditer le mouvement tout entier.

Une sorte de tribunal va se tenir à Paris en 1908 pour examiner les preuves que Bourtzev déclare détenir. Ce dernier apparaît en position d'accusé plus que d'accusateur, tant il semble impossible aux vétérans qui siègent de croire à la trahison.

Cependant, ébranlé malgré tout par les arguments de Bourtzev, le « tribunal » décide d'ouvrir une enquête. Mais commet l'erreur de convoquer Azev pour un ultime interrogatoire. Ce dernier promet d'apporter les preuves de son innocence.

Naturellement, il va disparaître dans la nature, trop heureux de se tirer de ce mauvais pas à si bon compte. Ce qui prouvera définitivement à ses ex-camarades » qu'il était bien un traître. Azev se réfugie en Allemagne puis dans divers pays pour brouiller les pistes. Apparemment, l'OC ne le traquera pas pour l'abattre comme elle le fit pour d'autres. Il est vrai que le parti SR était sorti complètement déconsidéré par « l'affaire » qui causa un énorme scandale.

Chacun était éclaboussé et voyait désormais des traîtres partout. En fait, à cause de cette incroyable trahison au plus haut niveau, la vague terroriste allait complètement retomber et il faudrait la guerre de 14-18 pour redonner ses chances à la révolution. Azev, ayant accumulé de confortables économies, vivra à peu près tranquille en Allemagne jusqu'en 1915, date à laquelle il est étonnamment arrêté par les autorités allemandes comme un élément subversif». Il ne sera relâché qu'en 1917 et mourra à Berlin en avril l918 d'une néphrite.

Sources

  • Anne Kling  : Révolutionnaires Juifs

Fiction

Références

Liens externes

Sur les autres projets Wikimedia :

  1. First published in the UK by Macmillan in 1966, and published in the US by Viking Press also in 1966.
  2. a b et c Great Spy Stories from Fiction, Harper & Row, , 47–48 p. (ISBN 9780004105918)