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Condition des femmes en Occident à la Belle Époque

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À gauche : femmes à l'hippodrome de Longchamp (Paris), en 1908.
À droite : porteuse d'eau à Madère (Portugal), en 1909.

La condition des femmes à la Belle Époque est marquée par des changements politiques et sociaux affectant les femmes occidentales de façon disparate. La majorité des femmes (d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine et des sociétés rurales en Europe de l'Est et du Sud) voient perdurer un système multiséculaire où la question de l'émancipation ne se pose pas et dont les missions sont d'assurer les tâches familiales et la maternité. Les femmes occidentales pauvres qui travaillent comme ouvrières font face, avec l'avènement de la seconde révolution industrielle à des charges contraignantes, dans des conditions souvent exténuantes et sous-payées, avec l'apparition de la division sexuelle du travail. La transition démographique touche en Europe toutes les classes sociales, qui voient diminuer le taux de natalité. En revanche, dans la bourgeoisie et l'aristocratie des grandes villes occidentales (Paris, Londres, New York ou encore Berlin) s'opèrent d'autres mutations de structure : le rôle de femme au foyer devient la norme, et même un objectif stratégique en raison de la quasi-impossibilité pour les femmes d'obtenir un salaire décent. Dans le même temps pour la petite bourgeoisie, il devient possible de faire des études et d'occuper des emplois nouveaux comme l'enseignement ou le journalisme, pour les plus aisées s'instaure une relative libération des mœurs qui leur permet de côtoyer plus facilement les hommes, voire de s'adonner en public à la pratique d'un sport. D'autres encore s'engagent en politique, comme les suffragettes qui militent pour l'obtention du droit de vote pour les femmes, ou de manière plus radicale chez les socialistes comme Rosa Luxembourg pour une transformation de la société. Enfin, d'autres comme Marie Curie dans les sciences deviennent des pionnières en étant les premières femmes à obtenir une reconnaissance dans des milieux qui, malgré ces changements, restent à la veille de 1914 essentiellement toujours très masculins[1].

Monde familial et salarial

Employées d'une confiserie à Spalding (Angleterre), en 1907.
Femmes travaillant dans une atelier de textile à Sarajevo, en 1910.

Le contrôle des naissances (dans un cadre privé et non gouvernemental, qui condamne généralement ces pratiques) en Occident est lié à un changement des mentalités, où il devient envisageable de souhaiter pour ses enfants une meilleure condition sociale que la sienne, cela supposant un foyer plus restreint pour y consacrer du temps, du soin et de l'argent. Ce phénomène de transition démographique touche aussi bien les femmes insérées dans le monde du travail salarié, dont le nombre reste faible (dans les années 1890, deux tiers des hommes des pays développés sont actifs, contre un quart des femmes, et parmi celles-ci, en Allemagne, seulement 12 % sont mariées, 50 % célibataires et 40 % veuves)[2], que la femme du paysan ou de l'artisan qui travaille, mais en complément de son mari et à des tâches bien spécifiques, ce qui ne distingue pas leur rôle à la Belle Époque du leur aux siècles précédents. On ne compte par ailleurs auparavant pas de métier typiquement féminins, mis à part la prostitution et le spectacle[3]. Au XIXe siècle se sont développés les métiers proto-industriels, comme les ateliers de confection (tissage, vannerie, etc.), et qui à la Belle Époque, avec les progrès de l'éducation et la réglementation de l'État deviennent davantage féminins (les enfants y travaillent moins) tout en restant harassants et sous-payés et souvent effectués à domicile ; on compte aussi de nombreuses femmes domestiques. Le revenu du foyer devient dès lors double, engendrant une séparation économique des sexes. Mais la femme reste fortement dépendante de son mari et doit avant tout s'occuper de son ménage et si salaire elle a, il n'est vu que comme un complément. Ainsi, il était mal vu qu'une femme mariée travaille, le salaire du mari devant en théorie suffire, mais une célibataire ou une veuve y étaient généralement contraintes. Les salaires étaient maintenus vers le bas pour que ces emplois ne soient pas une concurrence pour le salariat masculin[4]. On assiste donc à une progressive masculinisation du monde du travail, où les emplois sont de plus en plus codifiés et le travail féminin assigné à des domaines bien spécifiques.

Des changements structurels donnent naissance à de nouveaux emplois pour la classe moyenne et la petite bourgeoisie, à mesure que reculent ceux de domestique, comme ceux du travail de bureau (en 1881, on compte dans l'administration en Grande-Bretagne 7 000 femmes contre 76 000 en 1911), de vendeuse (en Allemagne, il y en a 32 000 en 1882 et 174 000 en 1907) ou d'institutrice à mesure que se développe l'enseignement des jeunes filles[5].

Enseignement

L'enseignement féminin se développe également, bien qu'il concerne des filles issues de la petite et de la moyenne bourgeoisie. La France, qui ne compte aucun lycée de jeunes filles en 1880 en possède 138 en 1913 et la Grande-Bretagne passe de 99 établissements secondaires féminins en 1904-1905 à 349 en 1913-1914, soit un chiffre voisin de ceux des garçons, avec même une originalité dans le Yorkshire où l'on voit plus de filles que de garçons poursuivre leurs études après l'âge de seize ans. Fait original, la Russie compte environ 250 000 filles dans l'enseignement secondaire en 1900, chiffre atteint en 1910 en Allemagne. Dans d'autres pays comme la Suède, les Pays-Bas, la Belgique et l'Italie, l'éducation des filles est en comparaison et à des degrés divers, en retard. Concernant l'université, les filles y sont admises depuis les années 1860 en Russie, en Suisse et aux États-Unis, depuis 1897 en Autriche et depuis les années 1900-1908 en Allemagne (à Berlin). En Allemagne précisément, seules 103 Allemandes obtiennent un diplôme universitaire avant 1908 (le cursus médical mis à part), date à laquelle une femme devient pour la première fois professeur d'université. En 1914, il y a entre Modèle:Nombre/2 à l'université en Allemagne, en France et en Italie contre 2 700 en Autriche ; en Russie on passe de moins de 2 000 en 1905 à 9 300 en 1911, et 56 000 aux États-Unis, soit deux fois plus qu'en 1890. Ces chiffres ne doivent pourtant pas masquer qu'il s'agit d'une infime minorité de filles qui intègrent ces universités, encore en très grande partie masculines ; le grand changement constituait surtout dans l'entrée de jeunes filles dans l'enseignement secondaire[6]. Par ailleurs, du point de vue des familles, l'accession des filles à l’université n’était pas une nécessité et donc rare, hormis dans les milieux progressistes et libéraux[7].

Rapport aux hommes et sexualité

Loge dans la Sofiensaal (Vienne), Josef Engelhart (1903).

La Belle Époque se caractérise également pour les jeunes filles aisées par leurs rapports aux hommes, qui deviennent moins conventionnels, par exemple dans l'apparition de soirées dansantes ou de night clubs spécialement consacrés à la danse (voire dans des hôtels au moment du thé), et plus comme auparavant simplement dans des réceptions mondaines ou des bals à date fixe. Impliquant une jeunesse émancipée qui dansait sur des rythmes exotiques (tango argentin ou musique noire américaine), ces évènements (qui se déroulent dans de grandes villes européennes ou des lieux de villégiature) traduisent un assouplissement des conventions, non sans choquer certaines franges plus conservatrices. Ce rapprochement physique va de paire avec un renouvellement de la mode, qui sans connaître encore la révolution vestimentaire post-Première Guerre mondiale voit disparaître les corsets à baleine, l'apparition dans les années 1880 de tenues plus souples et en 1910 du soutien-gorge, libérant concrètement le corps de la femme. Le sport et l'accession aux femmes à des clubs de montagne ou de tourisme suit la même logique, sortant les quelques privilégiées qui y avaient accès de leur cercle social restreint et leur permettant de fréquenter des garçons. Plus que l'équitation, où les femmes montaient encore en amazone, la bicyclette émancipe vestimentairement la femme pour bénéficier d'une liberté de mouvement. Les loisirs dans les stations balnéaires et les villes d'eau participent aussi à dévoiler le corps féminin, au risque de choquer comme en témoigne une réglementation stricte sur ce qu'il est possible de montrer, et ce d'autant plus que les époux des femmes pris par leur travail concernées les laissaient souvent y aller seules, les rejoignant de façon occasionnelles[8].

Femmes bourgeoises dans la station balnéaire de Trouville (France), en 1913.
La joueuse de tennis britannique Dorothea Douglass Chambers.

Sexuellement, il est pourtant difficile de parler d'évolution, les relations charnelles étant, sauf cas exceptionnel, proscrites avant le mariage et l'adultère n'ayant apparemment pas augmenté dans les milieux bourgeois, bien qu'il était plus fréquents dans les grandes villes, dans les milieux aisés, les hôtels discrets et anonymes rendant les choses plus simples. Ces pratiques trouvent un écho dans les arts, comme dans Madame Bovary de Flaubert ou le théâtre de boulevard, qui a un grand succès. Dans les écrits scientifiques ou littéraires, les hommes tendent à reconnaître l'existence d'une sensibilité féminine (notamment Karl Kraus), mais passive, par rapport à la virilité de l'homme qui serait son complément, et ce sans doute pour réaffirmer la position masculine face à la peur de l'émancipation des femmes[9]. On ne peut pas vraiment parler néanmoins de libération sexuelle, en témoigne le cas d'Annie Besant, qui défendit le contrôle des naissances et se vit pour cela retirer la garde de ses enfants en 1877. Par ailleurs, les pratiques sexuelles de la bourgeoisie, ou par exemple les amours lesbiens de Natalie Clifford Barney n'étaient pas pensés comme un combat politique à généraliser. Certes les mouvements sociaux ou anarchistes pouvaient parler d'émancipation voire pour certains d'amour libre, mais cela concernait plutôt une minorité avant-gardiste qui ne faisait pas l'unanimité et donnait lieu à des débats internes. Si la question des tâches domestiques et de l'éducation des enfants était déchargée pour les femmes de la bourgeoisie, qui employaient des domestiques, elle l'était moins pour les autres, et ce malgré le développement des appareils ménagers (les cuisinières à gaz dans les années 1880, les cuisinières électriques au début des années 1910, l'aspirateur en 1903 ou encore les machines à laver dont le nombre de pièces produites quintuple aux États-Unis entre 1880 et 1910) qui tout en aidant les femmes qui pouvaient s'en procurer ne réglait pas tout : les mouvements de gauche militaient ainsi pour davantage d'équipements collectifs, de crèches et de cantines scolaires. Les travaux d'anthropologues et d'ethnologues commencent par ailleurs à remettre en cause le modèle de famille nucléaire en étudiant d'autres formes de communautés (Histoire du mariage humain de Westermack en 1891) mais pour la majorité des dirigeants et militants socialistes, ce modèle ancestral devait perdurer, laissant des débats ouverts sur l'avenir de la femme, qui s'émanciperait en ayant un travail ou bien qui serait à défendre en tant que femme au foyer. De nombreuses femmes salariées renonçaient ainsi à avoir une vie familiale, ou bien mettaient un terme à leur vie professionnelle pour des raisons familiales, comme la militante Amalie Seidl qui quitte pendant cinq ans son activité militante au Parti socialiste autrichien afin de donner trois enfants à son mari. Par ailleurs en Grande-Bretagne, l'excédent de femmes par rapport aux hommes empêchait à beaucoup de se marier[10].

À Paris, la prostitution revêt un caractère protéiforme (de la misère des relations tarifées de rue à celle, fastueuse, des « demi-mondaines » comme Caroline Otero, Liane de Pougy ou encore Valtesse de La Bigne) qui obtient une résonance particulière avec l'utilisation du sujet par des peintres de nombreux courants artistiques, de l'académisme à l'impressionnisme[11].

Politique et émancipation

Féminisme

Arrestation d'une suffragette à Londres, vers 1910-1915.

La politique par ailleurs, où les femmes avaient joué un rôle social non négligeable les siècles précédents (notamment dans les campagnes, où elles pouvaient diriger des domaines) devient une affaires d'hommes à mesure que se développent les élections et le système des partis, les femmes étant, sauf exception (Nouvelle-Zélande en 1893, Australie en 1901, Finlande en 1906, Norvège en 1913 et dans quelques États d'Amérique du Nord), exclues du droit de vote[12]. En réaction, et à mesure que la société occidentale de libéralise économiquement et politiquement, des femmes (les suffragettes) demandent également d'accéder au droit de vote : leur combat acquiert une importance certaine au Royaume-Uni (notamment avec l'action directe de la Women's Social and Political Union) et dans une moindre mesure en France et aux États-Unis. Issues de la bourgeoisie, comme Emmeline Pankhurst, elles sont peu suivies par les mouvements de gauche, qui sans critiquer le droit de vote préfèrent dénoncer en premier lieu les conditions de travail exécrables des ouvrières[13].

Le féminisme concernait cependant un faible nombre de personnes (quelques centaines voire milliers de femmes par pays), issues de la bourgeoisie libérale ou de la classe moyenne, disposant du temps et de l'argent pour faire entendre leur cause, des choses qui n'étaient pas primordiales dans les milieux populaires (droit de vote, accès à l'université ou encore droit de propriété) où l'on insistait davantage sur les conditions de travail. L'égalité à laquelle elles aspiraient n'était ainsi compréhensible que dans la logique bourgeoise occidentale et pouvait donner lieu à des oppositions y compris venant des femmes qui souhaitaient conserver le pré-carré où elles étaient parquées mais qui était structurant et conserver leur statut de gardiennes des valeurs sociales[14]. Les branches féminines des mouvements sociaux et ouvriers avaient ainsi un plus grand succès car ils offraient une plus grande perspective d'épanouissement et un projet politique transformant radicalement la société.

Socialisme

La militante socialiste Rosa Luxembourg.

L'opposition se situait plus entre le socialisme et l'Église, laquelle maintenait certes les femmes dans un état d'infériorité sociale mais défendait leurs droits traditionnels, notamment face à leurs maris : la fin du XIXe siècle voit ainsi une explosion de femmes religieuses et la mise en valeur de personnalités féminines comme Thérèse de Lisieux et Bernadette Soubirous[15]. On compte ainsi une plus grande proportion de femmes qui se tournent vers la religion que vers les mouvements sociaux. Les premières à adhérer à ces derniers étaient issues des classes moyennes et bourgeoises et restent minoritaires : ainsi, jusque 1905, les partis ouvriers restent quasi exclusivement masculins (dans les années 1890, les femmes représentent par exemple 2-3 % des adhérents du Parti ouvrier français) et après, même si elles augmentent, il s'agit surtout de mères, épouses ou filles de militants socialistes. En 1913, il y a 10,5 % de femmes dans les syndicats britanniques, 9 % en Allemagne, 5 % en Suède, 11 % en Suisse et 12,3 % en Finlande. Ce n'est que dans l'entre-deux-guerres que leur proposition atteindra les 20 %, voire 40 % d'adhérents à ces mouvements[16]. Les militantes féminines n'avaient par ailleurs pas toujours la volonté de se cantonner à des thèmes strictement féministes, ainsi Rosa Luxembourg et Beatrice Potter Webb parlaient aux ouvriers dans leur ensemble et pas seulement aux femmes[17].

Au sein des partis ouvriers, les femmes sont toutefois invitées à ne se consacrer qu'aux thématiques vraiment féminines et ce malgré l'idéologie égalitaire des mouvements. Dans ces structures en grande partie composées d'hommes, elles doivent également se battre pour s'affirmer, les conflits se réglant généralement au sein de commissions internes. Il demeurait ainsi une vision traditionaliste de la femme au sein même de ces partis, mais aussi la crainte des femmes comme concurrence bon marché qui tirerait les salaires vers le bas[18].

Groupes de pression

Au-delà de la lutte pour le droit de vote, des femmes se constituant en groupe de pression arrivent à obtenir un poids politique, notamment aux États-Unis avec l'adoption du Mann Act de 1910 contre la traite des blanches, dans les ligues de tempérance (qui aboutirent au XVIIIe amendement en 1919) ou des mouvements en faveur de la paix. Il était ainsi plus aisé pour elles de se faire entendre, étant compris que l'action politique autonome était, sauf exceptions, compliquée[19].

Émancipation et société de consommation

Les grands magasins du Printemps à Paris, en 1891.

Concernant l'émancipation des femmes par rapport à la tutelle masculine s'est formée sein de la petite et la moyenne bourgeoisie une nouvelle catégorie sociale, indépendante financièrement par son travail dans le nouveau secteur tertiaire, sans pour autant pouvoir subvenir seules à l'éducation d'enfants. Les jeunes mouvements socialistes et ouvriers diffusaient eux dans la société l'idée de l'émancipation des individus. Plusieurs familles bourgeoises élevaient également leurs filles dans l'idée de leur donner une indépendance, plus encore si le père de famille était de sensibilité libérale.

La « chérette », l'archétype de la femme célébrée comme un objet de désir et d'attention et devenant outil publicitaire[20].

Elles deviennent une cible pour la société de consommation en essor, même parmi les familles pauvres où les femmes géraient de plus en plus le budget de la famille, et donc les achats, ce que la publicité a tôt compris. Outre les grands magasins nés dans la seconde moitié du XIXe siècle se développent les catalogues de vente par correspondance, qui flattent la femme à coups d'arguments de vente. Si pour les produits de luxe, les femmes de la bourgeoisie avaient toujours bénéficié de ces égards, les femmes des classes moyennes pouvaient désormais acheter des vêtements à la mode ou des produits de toilette, quand les plus pauvres voyaient le cercle des produits dits « indispensables » s'élargir[21].

Le sujet féminin est valorisé, non seulement dans le commerce, mais aussi dans les médias, où l'on trouve des pages féminines dans les journaux à grand tirage ainsi que des magazines féminins. L'idée que la femme est un marché à part à conquérir fait son chemin. Les publicitaires et les médias s'adressent donc désormais à elles comme des consommatrices mais aussi des individus autonomes. Lors de l'Exposition franco-britannique de 1908, un palais dédié au travail féminin est édifié, avec une exposition sur les femmes célèbres « d'origine royale, noble ou roturière » mortes avant le début des années 1900, présentant notamment un portrait de la reine Victoria, la voiture de Florence Nightingale lors de la guerre de Crimée et une multitude d'objets, de livres et de photographies. Les compétitions sportives se déclinent également au féminin (dans le tennis à Wimbledon dans les années 1880, dans les Jeux olympiques à partir de 1900), chose révolutionnaire dans le sens où il aurait été inconcevable quelques décennies plus tôt de voir des femmes respectables se produire ainsi en public[22].

Pionnières

La physicienne et chimiste Marie Curie.

L'émergence de femmes dans des domaines jusque là spécifiquement masculins a souvent donné lieu à une focalisation excessive sur ces épiphénomènes dans un monde toujours très masculin, moins importantes que l'évolution des structures sociales et des mentalités, bien qu'elles témoignaient d'une nouveauté originale.

En 1895, parmi les femmes citées dans l'annuaire britannique de célébrités Men and Women of the Time (nommé Mens of the Time avant 1891), on compte en premier lieu des femmes de lettres (48) puis des actrices (42), illustrant le fait que les femmes de premier plan restaient à l'époque dans des domaines traditionnels de la féminité. On peut également citer la Française Colette ou la Suédoise Selma Lagerlöf, Prix Nobel de littérature[23].

Parmi les nouvelles carrières offertes aux femmes, on compte l'enseignement, la médecine (en Angleterre et au Pays-de-Galle, on passe de vingt femmes médecins en 1881 contre 447 en 1911), notamment en Grande-Bretagne, le journalisme (en Australie, ce dernier métier est plutôt bien payé, soit 150 livres par an[24]). L'engagement politique à gauche s'est également offert pour certaines d'entre elles : on y compte de nombreuses femmes russes ou originaires de Russie (Rosa Luxembourg, Vera Zassoulitch, Alexandra Kollontaï, Anna Kuliscioff, Angelica Balabanoff et Emma Goldman), ou Beatrice Webb, Annie Besant et Eleanor Marx en Grande-Bretagne ou Henriette Roland Holst aux Pays-Bas. Les femmes de premier plan peuvent également jouer un rôle politique, mais sans qu'il soit comme ces dernières celui de militantes mais plus d'influence : ainsi un quart des duchesses anglaises en 1905 sont recensées dans un annuaire féministe alors qu'elles soutiennent les conservateurs. En 1905, Bertha von Suttner obtient le Prix Nobel de la paix, témoignant de la possibilité pour les femmes d'obtenir une reconnaissance politique internationale. Marie Curie obtient pour sa part dans les sciences deux Prix Nobel (1903 et 1911)[25].

Vers l'émancipation de l'entre-deux-guerres

La Belle Époque traduit donc une période de mutations pour les femmes, sans d'immenses changements néanmoins et concernant surtout une minorité bourgeoise occidentale, mais qui a permis par leur action à ce qu'après la Première Guerre mondiale par exemple un terreau fertile existe pour la reconnaissance du droit de vote des femmes dans plusieurs pays (Royaume-Uni, Allemagne, États-Unis et dans de nombreux pays européens mis à part beaucoup de pays latins). Certaines inégalités juridiques criantes disparaissent mais au niveau du travail, les femmes restent sous-payées et employées à des tâches considérées comme féminines malgré la perspective de nouvelles carrières alors que dans la sphère familiale, elles restent souvent dépendantes de leur mari. La période de l'entre-deux-guerres va pour les plus aisées s'ouvrir encore plus, en permettant à ce que les femmes urbaines assument une féminité autrefois considérée comme choquante et assimilée aux prostituées (maquillage, jambes découvertes) ou au contraire jouent sur l'androgynie en coupant courts leurs cheveux et assumant une poitrine plate, reprenant en cela des modes et des idées en germe dès la Belle Époque dans les milieux artistiques d'avant garde des grandes métropoles[26].

Notes et références

  1. Hobsbawm 2012, p. 250-251.
  2. Hobsbawm 2012, p. 254.
  3. Hobsbawm 2012, p. 255.
  4. Hobsbawm 2012, p. 256-259.
  5. Hobsbawm 2012, p. 261.
  6. Hobsbawm 2012, p. 264-265.
  7. Hobsbawm 2012, p. 234.
  8. Hobsbawm 2012, p. 266-268.
  9. Hobsbawm 2012, p. 268-269.
  10. Hobsbawm 2012, p. 278-280.
  11. « Images de la prostitution », musee-orsay.fr, consulté le 28 avril 2016.
  12. Hobsbawm 2012, p. 260.
  13. Hobsbawm 2012, p. 262.
  14. Hobsbawm 2012, p. 270-271.
  15. Hobsbawm 2012, p. 272-273.
  16. Hobsbawm 2012, p. 273.
  17. Hobsbawm 2012, p. 274.
  18. Hobsbawm 2012, p. 276.
  19. Hobsbawm 2012, p. 277.
  20. Nicholas-Henri Zmelty, « À l'enseigne des désirs : Colloque tenu à Orléans les 5 et 6 avril 2012 », dans François Le Guennec, Nicolas-Henri Zmelty, La Belle Époque des femmes ? 1889-1914, l'Harmattan, (ISBN 9782343003306, lire en ligne), p. 19-21 ; 26
  21. Hobsbawm 2012, p. 262-264.
  22. Hobsbawm 2012, p. 269-270.
  23. Hobsbawm 2012, p. 274.
  24. Hobsbawm 2012, p. 289.
  25. Hobsbawm 2012, p. 274-275.
  26. Hobsbawm 2012, p. 281-283.

Sources primaires imprimées

Bibliographie

Études historiques

Ouvrages

Iconographie
  • Serge Pacaud, La condition de la femme à la Belle Époque : à travers la carte postale, Paris, CPE, coll. « Il était une fois », , 272 p. (ISBN 2-84503-218-8).
  • Juliette Rennes (préf. Michelle Perrot), Femmes en métiers d'hommes. Cartes postales (1890-1930) : une histoire visuelle du travail et du genre, Saint-Pourçain-sur-Sioule, Bleu autour, coll. « D'un regard l'autre », , 219 p. (ISBN 978-2-35848-044-4, présentation en ligne).
  • Serge Zeyons, La femme en 1900 : les années 1900 par la carte postale, Paris, Larousse, , 239 p. (ISBN 2-03-519202-1).

Articles

  • « Repères chronologiques (1791-1913) », Le Mouvement social, Paris, Les Éditions ouvrières, no 105 « Travaux de femmes dans la France du XIXe siècle »,‎ , p. 133-137 (lire en ligne).
  • Anaïs Albert, « Les midinettes parisiennes à la Belle Époque : bon goût ou mauvais genre ? », Histoire, économie & société, Paris, Armand Colin « Morales de la consommation et moralisation des consommateurs »,‎ , p. 61-74 (lire en ligne).
  • Alexandre Buisseret, « Les femmes et l'automobile à la Belle Époque », Le Mouvement social, Paris, Les Éditions de l'Atelier, no 192 « Circulations »,‎ , p. 41-64 (lire en ligne).
  • Delphine Gardey, « Le travail des femmes en France et en Grande-Bretagne de la révolution industrielle à la Seconde Guerre mondiale », dans Margaret Maruani (dir.), Travail et genre dans le monde : l'état des savoirs, La Découverte, (ISBN 978-2-7071-7456-7, présentation en ligne).
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  • Michelle Perrot, « Quelques éléments de bibliographie sur l'histoire du travail des femmes en France (principalement au XIXe siècle) », Le Mouvement social, Paris, Les Éditions ouvrières, no 105 « Travaux de femmes dans la France du XIXe siècle »,‎ , p. 127-132 (lire en ligne).
  • Michelle Perrot, « Les femmes et l'art en 1900 », Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle, Société d’études soréliennes, no 21 « Art et société. Les ruptures de la Belle Époque »,‎ , p. 49-54 (lire en ligne).
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  • Anne Steiner, « De l’émancipation des femmes dans les milieux individualistes à la Belle Époque », Réfractions, no 24,‎ (lire en ligne).
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  • Jeanne-Marie Wailly, « Les différentes phases du travail des femmes dans l'industrie », Innovations, no 20,‎ , p. 131-146 (lire en ligne), DOI 10.3917/inno.020.0131.
  • Marie-Hélène Zylberberg-Hocquard, « Les ouvrières d'Etat (Tabacs et Allumettes) dans les dernières années du XIXe siècle », Le Mouvement social, Paris, Les Éditions ouvrières, no 105 « Travaux de femmes dans la France du XIXe siècle »,‎ , p. 87-108 (lire en ligne).

Articles connexes