Politique de la chaise vide

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La politique de la chaise vide désigne la politique de blocage menée par le gouvernement français du général de Gaulle du au . Refusant d'accepter une extension du rôle du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, chargé de la mise en œuvre de la politique agricole commune (PAC), et de celui du Parlement européen, mais surtout la modification du principe de l'unanimité dans la prise de décision au profit de la règle majoritaire, de Gaulle suspend la participation de la France aux réunions du Conseil des ministres de la CEE, bloquant de fait toute prise de décision.

Cette crise est l'aboutissement de divergences anciennes entre deux conceptions européennes : celle de l'« Europe des patries » du général de Gaulle, dans laquelle les États européens s'accordent seuls sur la direction qu'ils souhaitent prendre (c'est-à-dire au niveau des chefs d’États et de gouvernement qui prendraient les décisions seuls sur la base des traités), et la conception d'une Europe qui serait une fédération à caractère supranational, dans laquelle les institutions (représentant les États membres, au travers des chefs d’États et de gouvernement, et les citoyens, au travers de députés), orienteraient certaines politiques de l'Union pour lesquelles elles seraient compétentes. Ces deux visions sont un point de discorde majeur, soutenues d'un côté par la France et de l'autre par les autres États membres, en particulier la RFA, et des personnalités telles que Jean Monnet ou Robert Schuman, considérées comme les « pères de l'Europe ».

Compromis de Luxembourg

Cette crise est résolue par le compromis de Luxembourg[1], en janvier 1966. Celui-ci fait suite à l'élection présidentielle française de décembre 1965, lors de laquelle le général de Gaulle n'est pas parvenu à se faire réélire au premier tour, partiellement en raison de sa politique européenne (selon Luuk Van Middelaar[2]).

Le compromis met fin à la crise institutionnelle en affirmant la nécessité d'une prise de décision à l'unanimité pour les votes importants. Ainsi, la France obtient que lorsqu'une question concerne un « intérêt vital », les membres du Conseil doivent trouver un compromis jusqu'à ce que cette solution fasse un accord unanime. Le compromis du Luxembourg peut être considéré comme un frein à l'intégration des États dans un système commun.

Pour les tenants du fédéralisme, cette rigidité dans les processus de décisions serait à l'origine des blocages institutionnels de l'UE, aggravés par les élargissements successifs qui rendent de plus en plus difficiles à obtenir les compromis entre les différents États-membres. Cependant, pour les souverainistes, le droit de veto demeure l'ultime rempart contre la limitation de la souveraineté des États-nations au profit d'une Union européenne de plus en plus supranationale, dans laquelle la règle de la majorité qualifiée prend une place croissante au fil de la succession des traités (Maastricht, Nice, Amsterdam, Lisbonne).

Le compromis de Luxembourg est employé en 1992 par le gouvernement Bérégovoy afin de s'opposer à un accord entre les États-Unis et la Commission[3] dans le cadre des négociations de l’Uruguay Round en matière agricole. En tout et pour tout, il n'est finalement invoqué qu'une dizaine de fois entre 1966 et 1987.

En 2011 en France, le Front de Gauche propose l'invocation du même compromis de Luxembourg pour obtenir une clause d'exception pour la France aux dispositions du traité de Lisbonne sans quitter l'Union européenne[4].

Théorie de l'intégration européenne

Dans le champ théorique des relations internationales et de l'étude de la construction européenne, la politique de la chaise vide a conduit à mettre en doute la pertinence de l'approche néo-fonctionnaliste, notamment en relativisant le spill-over, ou engrenage automatique, mis en pratique par Jean Monnet et Robert Schuman[5].

Sources

Références

Bibliographie