Nadine Gordimer

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Nadine Gordimer
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Nadine Gordimer à la Foire du livre de Göteborg en 2010.
Naissance
Springs, Union d'Afrique du Sud Union d'Afrique du Sud
Décès (à 90 ans)
Johannesburg, Drapeau d'Afrique du Sud Afrique du Sud
Activité principale
romancière, nouvelliste, dramaturge, essayiste
Distinctions
Auteur
Langue d’écriture anglais
Genres
autobiographique, dramatique, historique, politique, psychologique

Œuvres principales

  • Le Conservateur (1974)
  • Ceux de July (1981)

Nadine Gordimer, née à Springs (Afrique du Sud) le et morte à Johannesburg (Afrique du Sud) le [1], est une femme de lettres sud-africaine, romancière, nouvelliste, critique et éditrice. En 1991, le prix Nobel de littérature récompense l'écrivain dont « l’œuvre épique a rendu à l'humanité d'éminents services ». Elle a combattu l'apartheid.

Biographie

Née dans une famille bourgeoise, d'un père juif lituanien et d'une mère anglaise, Nadine Gordimer est élevée dans la religion chrétienne et grandit dans l'environnement privilégié de la communauté anglophone blanche du quartier de Springs proche de Johannesburg. Elle n'en demeure pas moins sensible aux inégalités raciales et aux problèmes sociopolitiques de son pays. Souvent malade, l'enfant est couvée par sa mère et occupe son temps à lire, développant ainsi une passion pour la littérature. À neuf ans, elle rédige sa première nouvelle, inspirée par la fouille policière de la chambre de sa domestique noire. Ses premiers récits se situent dans le milieu juif d'Afrique du Sud. Par l'écriture, elle choisit ensuite de décrire la société inégalitaire sud-africaine et de s'engager contre le système d'apartheid. Elle dit avoir pris très tôt conscience de la situation des Noirs en lisant des ouvrages sur la Révolution française puis le roman La Jungle d'Upton Sinclair qui évoque les conditions de vie des ouvriers travaillant dans les abattoirs de Chicago[2]. Elle publie ses premières nouvelles dans les grands magazines américains et acquiert une importante notoriété. Cependant, le roman Un monde d'étrangers publié en 1958, qui raconte une amitié impossible entre un jeune Anglais et un jeune Sud-Africain, est condamné par le pouvoir et interdit[2]. Elle est pendant longtemps membre du Congrès national africain, l'ANC de Nelson Mandela. La fusillade de Sharpeville au cours de laquelle des Noirs manifestant contre la ségrégation raciale sont tués par les forces de l'ordre, ainsi que l'arrestation des dirigeants de l'ANC, ne font que renforcer sa détermination à lutter contre l'apartheid, malgré la censure qui frappe souvent ses œuvres.

En 1974, elle reçoit le prestigieux prix Booker Prize pour Le Conservateur. Elle est agressée chez elle, à Johannesburg, par trois cambrioleurs le mais n'est pas sérieusement blessée lors de l'agression. En 2008, elle rejoint plusieurs auteurs de renommée mondiale dont Philip Roth, Salman Rushdie et Carlos Fuentes et trois autres lauréats du prix Nobel (Gabriel García Márquez, J.M. Coetzee et Orhan Pamuk) pour soutenir l'écrivain franco-tchèque Milan Kundera, soupçonné d'avoir dénoncé à l'ancienne police tchécoslovaque l'un de ses concitoyens, condamné à vingt-deux ans de prison[3].

Elle a été décorée le de la Légion d'honneur française, lors d'une cérémonie à l'Ambassade de France à Pretoria[4]. Elle est en outre Commandeur de l'Ordre des Arts et des Lettres. Elle décède le , à l'âge de 90 ans, dans sa maison de Johannesburg, entourée de ses enfants.

Regards sur l'œuvre et les influences littéraires

Nadine Gordimer a publié quinze romans, deux cents nouvelles et plusieurs recueils d'essais et de textes critiques. L'essentiel de sa production, de facture classique, témoigne aujourd'hui de son combat et la lecture de ses textes enseigne une douloureuse page d'Histoire[5]. Cependant, sa célébration grandiose des paysages sud-africains et son amour pour cette terre « odorante et colorée » — qu'elle n'a pas quittée — ajoutent de l'humanité et de la chaleur à ses écrits[2]. À la peinture détaillée de son pays natal, elle juxtapose la critique de ses dysfonctionnements, ses drames et son cheminement douloureux vers la démocratie (égalité entre Noirs et Blancs, liberté d'expression, etc.)[6]. Excluant toute bien-pensance, ses œuvres se caractérisent par une volonté de faire passer l'intrigue au second plan afin de privilégier l'étude psychologique et sociale[2]. Son style se veut personnel, épuré, sec et efficace[2],[6]. Gordimer n'était pas opposée à ce qu'on la place dans la lignée des conteurs réalistes du XIXe siècle parmi lesquels Jane Austen, Thomas Hardy et Guy de Maupassant[2]. Elle admirait également Anton Tchekhov, Honoré de Balzac, Marcel Proust, Michel Tournier, Marguerite Duras, Günter Grass[7] ou encore Kenzaburō Ōe et José Saramago qu'elle a lus bien avant qu'ils reçoivent le prix Nobel de littérature[8]. Elle était aussi une grande lectrice de Milan Kundera[9]. Par ailleurs, elle affirmait à Libération en 2002 devoir beaucoup à Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, les derniers écrivains qui, selon elle, « ont eu une influence sur la politique. »[8].

Rapidement, les écrits de Gordimer dénotent l'influence théorique de Georg Lukács pour le lien établi entre roman réaliste, sociologie et histoire[10]. L'empreinte de Lukács se décèle également dans le besoin de refléter la lutte des classes, le recours à la perspective épico-politique du récit ou encore l'imbrication de parcours individuels dans la destinée collective[10]. Dans Occasion of Living, d'inspiration autobiographique, l'auteur n'hésite pas à critiquer les illusions angéliques des Blancs progressistes[10]. The Late Bourgeois World ridiculise un personnage de saboteur blanc poussé au suicide[10]. A Guest of Honour est le seul roman que l'écrivain ne situe pas en Afrique du Sud mais dans un État africain imaginaire, sans dévier vers un message optimiste[10].

Ne se considérant pas comme communiste mais reconnaissant des accointances avec le marxisme, Gordimer a un temps été censurée par le régime de Pretoria pour ses prises de position et le caractère subversif de ses textes ; censure finalement levée sous la pression internationale[6]. Le Conservateur, qui évoque les rites agraires des Zoulous (ceux qui « conservent » les terres ancestrales) et les violentes répressions de Soweto, marque le sommet de sa carrière et lui vaut une notoriété mondiale[6],[10]. Ses autres romans célèbres sont Ceux de July, L'Arme domestique et la Fille de Burger[8]. Un caprice de la nature synthétise ses thèmes de prédilection et reformule son aspiration à voir naître un État égalitaire et démocratique[11]. Histoire de mon fils marque une évolution vers le postmodernisme qui va de pair avec le durcissement de ses positions : intertextualité, dédoublement des voix narratives, construction éclatée etc. Pour la première fois, la romancière choisit un homme noir comme protagoniste : un professeur qui se voit rattaché aux idées révolutionnaires par ses étudiants et entame une liaison avec une femme blanche[11]. Après la fin de la société d'apartheid, Gordimer renouvelle son inspiration en s'adaptant à la nouvelle situation de l'Afrique du Sud et cesse d'évoquer le passé[11]. Personne pour m'accompagner relate le parcours de Vera Stark, son double littéraire : une femme blanche privilégiée d'une soixantaine d'années souhaitant aider les Noirs revenus au pays à recouvrer les droits dont ils furent auparavant privés[11]. Ses deux derniers ouvrages, Bouge-toi ! et Vivre à présent, questionnent la dimension réellement égalitaire de la société post-apartheid[11].

Gordimer surveillait minutieusement la traduction de ses ouvrages : elle repassait sans cesse sur les traductions française et, dans une moindre mesure, allemande[8].

Œuvres

Romans

  • 1953 : The Lying Days
  • 1958 : A World of Strangers (Un monde d’étrangers)
  • 1963 : Occasion for Loving
  • 1966 : The Late Bourgeois World (Feu le monde bourgeois)
  • 1970 : A Guest of Honour
  • 1974 : The Conservationist (Le Conservateur)
  • 1979 : Burger's Daughter, (Fille de Burger)
  • 1981 : July's People (Ceux de July)
  • 1987 : A Sport of Nature (Un caprice de la nature)
  • 1990 : My Son's Story (Histoire de mon fils)
  • 1994 : None to Accompany Me (Personne pour m’accompagner)
  • 1998 : The House Gun (L'arme domestique)
  • 2001 : The Pickup (Un amant de fortune)
  • 2005 : Get a Life (Bouge-toi !)
  • 2012 : No Time Like the Present (Vivre à présent)

Recueils de nouvelles

  • 1949 : Face to Face
  • 1952 : The Soft Voice Of The Serpent (La Voix douce du serpent)
  • 1956 : Six Feet of the Country
  • 1960 : Friday's Footprint
  • 1965 : Not for Publication
  • 1971 : Livingstone's Companions
  • 1976 : Some Monday for Sure
  • 1980 : A Soldier's Embrace (L’Étreinte d’un soldat)
  • 1980 : Town and Country Lovers
  • 1984 : Something Out There (Quelque chose là-bas)
  • 1984 : Correspondance Course
  • 1989 : Once upon a time
  • 1991 : Jump (Le Safari de votre vie)
  • 2003 : Loot (Pillage)
  • 2007 : Beethoven Was One-Sixteenth Black (Beethoven avait un seizième de sang noir)
  • 2011 : Life Times: Stories (Les Saisons de la vie)

Essais

  • 1973 : The Black Interpreters
  • 1988 : The Essential Gesture (Le Geste essentiel)
  • 1995 : Writing and Being (L'écriture et l'existence)

Autres

  • 2004 : Telling Tales
  • 2010 : Telling times. Writing and Living, 1954-2008 (Récits de vies (1954-2008))

Distinctions

Citations

  • « Les formules qui semblent avoir perdu tout leur sens à force d'avoir été répétées trop souvent sont celles qui contiennent le plus de vérité. »

L'arme domestique

  • « Chacun naît seul et meurt seul quelles que soient la nature et l'intensité des relations qu'il tisse avec les autres, conjoint, enfants, amis. »

Extrait d'un entretien avec Catherine Argand - juin 1996

  • « Le siècle nouveau ne sera pas nouveau du tout si nous nous contentons de faire la charité, ce palliatif qui apaise la conscience et qui maintient en place bien sagement le même vieux système de nantis et de démunis »
  • « Les hommes ne se comportent de façon cohérente qu'en se montrant incohérents »

Déclaration à L'Express

Notes et références

  1. Huffington Post, L'écrivain sud-africain Nadine Gordimer, prix Nobel de littérature, est morte à 90 ans, 14 juillet 2014
  2. a b c d e et f Nadine Gordimer, mort d'une militante anti-apartheid, article sur lefigaro.fr du 14 juillet 2014.
  3. (en) « Support Milan Kundera », sur theguardian.com, (consulté le )
  4. Nadine Gordimer décorée Officier de l’Ordre national de la Légion d’Honneur
  5. Biographie de Nadine Gordimer sur lefigaro.fr
  6. a b c et d « Décès de Nadine Gordimer, prix Nobel de littérature », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. Communiqué de presse de l'Académie suédoise du 30 septembre 1999, sur le site des Prix Nobel, consulté le 19 mai 2016.
  8. a b c et d Natalie Levisallès, « Nadine Gordimer : "Je me suis appris à écrire" », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. Denise Brahimi, Nadine Gordimer : la femme, la politique et le roman, Karthala éditions, page 20, consulté le 11 août 2014.
  10. a b c d e et f « Nadine Gordimer : faire surgir l'histoire à partir de vies individuelles » par Marc Porée sur le site de l'encyclopædia Universalis, consulté le 11 août 2014.
  11. a b c d et e « Nadine Gordimer : vers une écriture postmoderne » par Marc Porée sur le site de l'encyclopædia Universalis, consulté le 11 août 2014.

Liens externes

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