Plan (mathématiques)

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Un plan dans un espace euclidien à trois dimensions.

En géométrie classique, un plan est une surface plate illimitée[1], munie de notions d’alignement, d’angle et de distance, et dans laquelle peuvent s’inscrire des points, droites, cercles et autres figures planes usuelles. Il sert ainsi de cadre à la géométrie plane, et en particulier à la trigonométrie, et permet de représenter l’ensemble des nombres complexes.

Un plan peut aussi se concevoir comme partie d’un espace tridimensionnel euclidien, dans lequel il permet de définir les sections planes d’un solide ou d’une autre surface. Plus généralement, un plan apparait en géométrie vectorielle et géométrie affine, comme un sous-espace de dimension 2, abstraction faite des notions d’angle et de distance. En définissant ces structures sur d’autres corps que celui des nombres réels, le concept de plan se résume à une structure d’incidence satisfaisant le théorème de Desargues.

En géométrie projective, le plan est complété par une droite à l'infini pour obtenir un plan projectif, comme par exemple le plan de Fano.

Définitions

Premières approches

En géométrie classique, la définition d'un plan est axiomatique et vise à idéaliser[2],[3] les représentations physiques de surfaces planes (table, tableau, feuille...). On trouve une définition axiomatique du plan chez Euclide, vers 300 ans avant Jésus-Christ, qui définit une surface comme « ce qui a longueur et largeur seulement »[4] et précise alors dans sa définition 7:

Une superficie plane est celle qui est également placée entre ses lignes droites.

Plusieurs siècles plus tard, Denis Henrion, dans sa traduction et commentaires des Éléments, tente d'expliciter le sens de «également placée entre ses lignes droites»[5] indiquant que c'est une surface dont toutes les parties du milieu ne sont plus élevées ni abaissée que les extrêmes, que c'est la surface la plus courte parmi celles ayant mêmes extrêmes, que les parties du milieu y ombrage les parties extrêmes. Il explique que, si par un point quelconque d'une surface , on peut faire tourner une droite en restant dans la surface, alors cette surface est plane.

Cette même idée transparait dans la définition d'Adrien-Marie Legendre dans ses Éléments de Géométrie (1790)[6]:

Une surface est ce qui a longueur et largeur, sans hauteur ni épaisseur. Le plan est une surface, dans laquelle, prenant deux points à volonté et joignant ces deux points par une ligne droite, cette ligne est entièrement dans la surface.

ou bien dans cette définition de La Petite encyclopédie des mathématiques (1980)[7]:

L'ensemble des droites issues d'un point A et coupant une droite d ne passant pas par A, ou parallèles à d forme un plan.

Repérage cartésien

Au XVIIe siècle, la géométrie analytique de Descartes et Fermat décrit tous les points du plan par des couples de coordonnées. En langage mathématique contemporain, le plan est alors en bijection avec l’ensemble , de sorte que les droites du plan sont les ensembles de solutions d’équations cartésiennes de la forme .

Présentation algébrique

Le développement de l'algèbre linéaire au XIXe siècle permet une définition du plan à l'aide du concept d'espace vectoriel et de dimension :

Un plan (vectoriel ou affine) sur un corps K est un espace vectoriel (ou affine) de dimension 2.

C’est le cas, par exemple, de l’ensemble des nombres complexes, l’ensemble des fonctions affines, l’ensemble des suites satisfaisant une relation de récurrence linéaire d’ordre 2 de la forme (comme celle de la suite de Fibonacci), ou l’ensemble des solutions d’une équation différentielle linéaire d'ordre 2 de la forme sur un intervalle donné.

Le plan de la géométrie classique se réalise dans un espace affine sur le corps des nombres réels. Mais de nombreuses constructions géométriques gardent du sens sur d’autres corps, en particulier sur des corps finis.

Structure d'incidence

À la fin du XIXe siècle, après la découverte des géométries non euclidiennes, un mouvement se dessine pour axiomatiser encore davantage la géométrie en cherchant à la vider de son contenu ontologique. David Hilbert, dans son Grundlagen der Geometrie (Base de la géométrie), définit points, droites et plans de l'espace par les relations qui les unissent (les axiomes d'incidences):

Sur tout plan est situé au moins un point. Soient 3 points non alignés, il existe un et un seul plan contenant ces trois points. Si deux points (distincts) d'une droite sont situés dans un plan, la droite entière est située dans le plan. Si deux plans ont un point en commun, alors ils possèdent un autre point en commun. Il existe au moins 4 points non situés dans un même plan.

Une réduction des axiomes de Hilbert permet de fonder la géométrie plane en dehors du contexte de la géométrie dans l'espace :

Par deux points distincts passe une et une seule droite. Toute droite passe par au moins deux points. Il existe au moins trois points non alignés. Par un point extérieur à une droite d, il ne passe qu'une seule droite disjointe de d.

La structure d’incidence ainsi définie est satisfaite par tous les espaces affines de dimension 2 quel que soit le corps sous-jacent, mais aussi par d’autres structures comme le plan de Moulton.

Hilbert identifie que le théorème de Desargues de la géométrie classique se déduit d’autres axiomes mais pas de ceux d’incidence dans le plan, alors qu’il se formule uniquement en termes d’incidence. En l’introduisant comme axiome supplémentaire, il caractérise en fait tous les espaces affines de dimension 2. Et en le remplaçant par le théorème de Pappus, on obtient une caractérisation de tous les espaces affines sur des corps commutatifs.

Dans l'espace tridimensionnel euclidien

Positions relatives

Dans un espace de dimension trois, il n'existe que deux positions relatives de deux plans :

  • parallèles : strictement (leur intersection est vide) ou bien confondus ;
  • sécants : leur intersection est alors une droite. Ils peuvent être perpendiculaires (leurs vecteurs « normaux » sont orthogonaux)

Étant donnés (D) une droite et un plan (P), les différentes positions relatives sont :

  • (D) est incluse dans (P) ;
  • l'intersection de (D) et de (P) est réduite à un point ;
  • (D) et (P) sont disjoints.

Dans un espace de dimension trois, (D) est parallèle à (P) si et seulement si (D) est incluse dans (P) ou disjointe de (P).

Caractérisations

Par incidence

Le deuxième axiome d’incidence de Hilbert stipule que trois points non alignés définissent un unique plan les contenant. Mais les autres axiomes permettent de montrer qu’il existe un unique plan :

  • contenant une droite et un point n'appartenant pas à cette droite ;
  • contenant deux droites non confondues et sécantes ;
  • contenant deux droites non confondues et parallèles ;
  • contenant un point et dont la direction est engendrée par deux vecteurs non colinéaires.

Par structure euclidienne

Les caractérisations suivantes reposent sur les notions de distance et d’angle (en particulier d’orthogonalité) qui viennent de la structure euclidienne de l’espace en géométrie classique.

Étant donnés deux points A et B distincts de l’espace, il existe un unique plan qui est le lieu des points équidistants de A et B, et appelé plan médiateur du segment [AB].

Étant données deux droites disjointes et non parallèles, il existe un unique plan qui soit à la même distance de tous les points des deux droites.

Étant donnés un point A et un vecteur il existe un unique plan passant par A et orthogonal à , appelé le vecteur normal.

Étant donnés un point A et deux plans P et P' non parallèles dans l’espace, il existe un unique plan passant par A et perpendiculaire à P et P'.

Équations

Soit un point par lequel passe le plan et et les vecteurs non colinéaires qui définissent son orientation.

Équations paramétriques

Le plan est l'ensemble des points pour lesquels il existe deux scalaires et tels que :

(équation vectorielle)

ou

(équations paramétriques)

Équation cartésienne

Soit un point quelconque du plan et le vecteur défini par le bipoint .

Pour que ces trois vecteurs soient coplanaires, il faut que leur produit mixte soit nul :

, avec
, et de même,

On distingue 4 facteurs que nous appellerons . Nous pouvons ainsi écrire l'équation cartésienne du plan :

Dans le cadre euclidien, nous remarquons en outre que les nombres , et sont les composantes du vecteur , le résultat du produit vectoriel des deux vecteurs. D'après la propriété , il s'agit d'un vecteur normal au plan :

Le plan passant par , de vecteur normal , est l'ensemble des points pour lesquels le vecteur les reliant au point est orthogonal au vecteur normal, autrement dit pour lesquels le produit scalaire entre ces vecteurs est nul :

En utilisant les égalités

cette définition équivaut à l'équation cartésienne :

On identifie généralement le quadruplet aux lettres et on appelle équation cartésienne du plan l'équation :

Géométrie vectorielle

Un plan est un sous-espace de dimension 2 d'un espace vectoriel sur un corps commutatif . On parle aussi dans ce cas d'un plan vectoriel.

Un plan est toujours engendré par deux vecteurs et non colinéaires. De la sorte, est un vecteur du plan si et seulement s'il est combinaison linéaire de et , à coefficients dans . Si est de dimension finie , on peut aussi définir un plan par formes linéaires indépendantes s'annulant sur tous les vecteurs du plan. Il est particulièrement intéressant de disposer de cette dernière caractérisation, si on veut, par exemple, déterminer les points d'intersection du plan et d'un autre objet, par exemple une courbe ou une surface.

Approche analytique en dimension 3

Dans le cas où l'espace est de dimension 3, il suffit d'une seule forme linéaire pour définir un plan. Connaissant deux vecteurs et qui l'engendrent, de coordonnées

il est utile de savoir fabriquer une forme linéaire donnant l'équation du plan. Le produit mixte de , et est nul si et seulement si appartient au plan engendré par et . Ce produit mixte s'écrit

On a ainsi obtenu la forme linéaire désirée.

Réciproquement, si on possède une forme linéaire définissant un plan, on peut trouver aisément deux vecteurs engendrant ce plan à partir de la forme linéaire. Il existe forcément un coefficient non nul parmi et . Disons que ce coefficient est . On peut alors réécrire l'équation du plan sous la forme

Alors en substituant au couple les couples indépendants et , on obtient deux vecteurs

qui sont forcément indépendants puisque leurs projections respectives sur le plan des par rapport à l'axe des sont des vecteurs indépendants.

Généralisation en dimension plus élevée

Supposons qu'on ait dans un espace de dimension deux vecteurs et indépendants. Comment trouver formes linéaires indépendantes donnant les équations du plan? Cela revient à chercher une base de solutions du système linéaire

Pour ce faire, on sélectionne deux indices et tels que les couples et soient linéairement indépendants. Géométriquement, cela revient à sélectionner un plan de coordonnées tel que les projections respectives de et sur ce plan, parallèlement au sous-espaces soient indépendantes. Un tel plan existe toujours parce que et sont indépendants. Une fois ceci fait, on réécrit le système précédent sous la forme

La solution de ce système linéaire est obtenue par les méthodes classiques. Pour obtenir une base de l'espace des solutions, il suffira de substituer à la suite à éléments les éléments de la base canonique de l'espace vectoriel , c'est-à-dire

.

Réciproquement, étant données formes linéaires indépendantes , on trouve deux vecteurs indépendants dans le plan défini comme ensemble des points où s'annulent ces formes linéaires, en trouvant une base de l'ensemble des solutions du système En pratique, la meilleure manière de procéder est de mettre la matrice du système sous forme échelonnée, moyennant d'éventuelles permutations sur les colonnes. Comme est de rang , cet algorithme fournira variables par rapport auxquelles on résoudra, et deux variables indépendantes à mettre dans le second membre. La résolution est alors rapide. Il faut absolument éviter les formules de Cramer pour détecter les indices des variables par rapport auxquelles on résout : il faudrait calculer déterminants , pour un nombre total d'opérations de l'ordre de , si on calcule les déterminants par algorithme de Gauss-Jordan, alors que le passage sous forme échelon permet de conclure pour un nombre d'opérations de l'ordre de .

Notes et références

  1. Stella Baruk, « Plan » dans le Dictionnaire de mathématiques élémentaires, Éditions du Seuil, Paris 1995.
  2. La géométrie - histoire et épistémologie, chap 27: élaboration d'objets idéaux dans Culturemath.ens.fr
  3. Thomas Hausberger, « Repères historiques et épistémologiques sur les Géométries non euclidiennes », Irem de Montpellier - group Mathématiques et philosophie,
  4. Euclide, Éléments, Livre 1, définition 5
  5. D. Henrion, Les quinze livres des éléments géométriques d'Euclide : plus le livre des donnez du mesme Euclide aussi traduict en françois par ledit Henrion, et imprimé de son vivant, livre Premier, définition 7.
  6. Adrien Marie Legendre, Eléménts de géométrie - Livre Premier. Définitions 5 et 6, 1840
  7. Collectif (dir. W. Gellert, H. Küstner, M. Hellwich, H. Kästner) (trad. sous la direction de Jacques-Louis Lions, professeur au Collège de France), Petite encyclopédie des mathématiques [« Kleine Enzyklopädie der Mathematik »], Paris, Didier, (1re éd. 1980), 896 p. (ISBN 978-2278035267), p. 201.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes