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Mésopotamie

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Carte de la Mésopotamie avec les frontières des États modernes, l'ancien tracé du littoral du golfe Persique et les sites des grandes cités antiques.

La Mésopotamie (du grec Μεσοποταμία / Mesopotamía, de μεσο / meso « entre, au milieu de » et ποταμός / potamós « fleuves », littéralement le pays « entre les fleuves ») est une région historique du Moyen-Orient située dans le Croissant fertile, entre le Tigre et l'Euphrate. Elle correspond pour sa plus grande part à l'Irak actuel.

Elle comprend deux régions topographiques distinctes : d'une part, au nord (nord-est de la Syrie et le nord de l'Irak actuel), une région de plateaux, celle-ci étant une zone de cultures pluviales et, d'autre part, au sud, une région de plaines où se pratique une agriculture reposant exclusivement sur l'irrigation.

L'ensemble des historiens et des archéologues contemporains s'accordent à dire que les Mésopotamiens sont à l'origine de l'écriture. Ils utilisaient un système de signes qualifiés de « pictogrammes » ; plus tard, aux alentours du IVe millénaire av. J.-C., les Mésopotamiens — qui étaient alors des Sumériens et Akkadiens — utilisèrent des signes « cunéiformes » (du latin cuneus, le « coin »).

Actuellement, le terme « Mésopotamie » est généralement utilisé en référence à l'histoire antique de cette région, pour la civilisation ayant occupé cet espace jusqu'aux derniers siècles avant l'ère chrétienne ou au VIIe siècle, plus exactement en 637 ap. J.-C. avec la conquête des Arabes musulmans[1].

Origines et usages du nom

Le terme Mésopotamie vient du grec Μεσοποταμία / Mesopotamía, de μεσο / meso « entre, au milieu de » et ποταμός / potamós « fleuve », littéralement le pays « entre les fleuves ». Ce mot se retrouve d'abord chez Polybe au IIe siècle av. J.-C. puis Strabon au siècle suivant, mais il est employé par Arrien (qui écrit au IIe siècle) pour désigner une province de l'époque d'Alexandre (seconde moitié du IVe siècle av. J.-C.), et pourrait donc remonter à cette époque. Il désigne dans l'Antiquité un espace plus restreint que celui pour lequel il est employé à l'époque moderne, puisque son emploi est limité à désigner l'espace situé entre le Tigre et l'Euphrate au nord de Babylone et jusqu'aux contreforts du Taurus, excluant donc la Babylonie. Le mot grec semble repris d'expressions similaires attestées en araméen antique, notamment Bêyn nahrîn « maison des fleuves », et peut-être des expressions isolées plus anciennes en akkadien comme Berît nâri « entre le fleuve » et Mât birîti « pays du milieu », qui désignent aussi des régions situées en Haute Mésopotamie[2]. Aucun terme attesté dans des textes antiques, mésopotamien ou autre, ne sert à désigner la Mésopotamie au sens moderne du terme ; ce n'est qu'à l'époque contemporaine, avec la redécouverte des civilisations de la région, que le terme Mésopotamie a été progressivement employé pour désigner la région antique correspondant en gros aux limites de l'Irak, avec en plus la frange orientale de la Syrie située sur les bords de l'Euphrate. Dans les faits les historiens ont d'abord repris des termes antiques désignant des régions plus réduites, l'Assyrie, la Babylonie (ou Chaldée), Akkad et Sumer, avant de recourir au terme Mésopotamie afin de mettre en évidence le fait qu'ils les concevaient comme une seule civilisation.

Géographie

Extension du Croissant fertile.

La notion essentielle est celle de Croissant fertile. Il s'agit de la zone où l'irrigation n'est pas nécessaire pour l'agriculture. Ces terres sont humides, faciles à cultiver. Ce croissant est délimité par l'isohyète 250 mm. Concrètement, cette zone se trouve entre le Zagros, le Taurus et les côtes méditerranéennes et du golfe Persique. C'est dans cette zone qu'a eu lieu la révolution néolithique.

On y inclut la région qui se situe au sud, entre le Tigre et l'Euphrate (en Irak actuel), mais dans celle-ci, il est nécessaire de recourir à l'irrigation ; car les précipitations n'y sont pas assez importantes.

Le terme d'Assyrie est très couramment employé pour désigner le Nord de la Mésopotamie. Parallèlement, le terme de Babylonie désigne le Sud de la Mésopotamie, c'est-à-dire la plaine mésopotamienne. En effet, à partir du milieu du IIe millénaire av. J.-C., la région connaît deux entités politiques, dont l'une a pour capitale Assur — c'est l'Assyrie — et l'autre, Babylone — c'est la Babylonie.

Le Nord de la Mésopotamie est un vaste plateau désertique, tandis que le Sud est une immense plaine alluviale très fertile où, de plus, la présence de nombreux bras de fleuve et de marécages permettait l'irrigation. Cette situation idéale en fit l'un des grands foyers de civilisation.

Chronologie

Préhistoire

La présence humaine y est attestée depuis la Préhistoire, à partir du Paléolithique moyen. Au Néolithique, vers 7 000 av. J.-C., sur le site de Jarmo, la poterie y apparaîtrait pour la première fois. On relève également des traces manifestes d'un début de domestication progressive des animaux comme des plantes. L'utilisation de briques crues témoigne pour la première fois de l'existence d'une société proto-citadine ; les populations autochtones se regroupant pour former des villages.

Protohistoire

À partir du VIe millénaire av. J.-C., « le territoire émerge peu à peu, du nord au sud et prend sa configuration de grande vallée entre Tigre et Euphrate, vraisemblablement en contrecoup de l'assèchement général provoqué par la fin des âges glaciaires en Europe. Il se peuple d'ethnies inconnues, probablement descendues des piémonts du Kurdistan et du Zagros, elles-mêmes descendantes supposées de cavernicoles dont les plus anciennes traces remonteraient à plus d'une centaine de siècles. […] Sans doute aussi déjà de Sémites, venus des franges septentrionales du grand désert syro-arabe »[3].

À partir du chalcolithique, vers 6 000 av. J.-C., on note que « dans ce terroir neuf, limoneux et fertile, on s'est livré très tôt, outre l'élevage du menu et du gros bétail, surtout à la culture des céréales, pour laquelle, sous un climat excessif et riche en précipitations, était indispensable l'établissement d'un réseau serré de canaux, rejoignant l'un et l'autre fleuve et conférant à la terre une fécondité exceptionnelle. Que ce travail collectif n'a pas seulement enrichi les habitants à l'extrême, mais favorisé le regroupement des travailleurs en villages dans un premier temps, puis très vite en agglomérations plus importantes, centres de l'administration et de la distribution »[4]. On remarque de plus l'usage du cuivre, des peintures murales, de la céramique peinte, incisée ou décorée, des premiers sanctuaires ainsi qu'une utilisation généralisée de la brique.

Entre 6 000 av. J.-C. et 5 000 av. J.-C., on distingue la succession de trois cultures de types différents :

Puis viennent deux phases où le processus de complexification sociale s'accélère, jusqu’à la constitution de véritables États, puis la création d'une première forme d'écriture qui fait basculer la Mésopotamie dans l'Histoire :

« Au premier peuplement d'« indigènes » dont nous ne savons quasi rien et de Sémites détachés de ces bandes semi-nomades qui poussaient leur menu bétail aux franges septentrionales et orientale du grand désert syro-arabe et ne cessaient de s'infiltrer parmi les sédentaires, sont venus se mêler, au IVe millénaire av. J.-C. semble-t-il, les Sumériens arrivés probablement du Sud-Est. Nous ignorons leurs attaches et leur habitat antérieur, avec lequel du reste ils paraissent avoir coupé tous les ponts, n'en recevant jamais le moindre sang frais, au rebours des sémites, perpétuellement renforcés par de nouveaux arrivages de congénères. Dès le IVe millénaire av. J.-C., au plus tard, après l'arrivée des Sumériens s'établit le procès osmotique suméro-sémitique de compénétration et d'échanges mutuels avec la participation probable d'occupants antérieurs mal connus. Pour la première fois au monde fleurit ce qu'on peut bien appeler une « haute civilisation urbaine », complexe et originale : la civilisation locale, passe rapidement au régime urbain, par réunion de villages primitifs plus ou moins autonomes »[5].

Histoire

Localisation des principales cités de Mésopotamie à l'époque historique.

« La civilisation suméro-akkadienne, trois millénaires durant, ne va pas seulement animer le pays et ses habitants et en conditionner tous les progrès assez admirables, mais aussi rayonner alentour jusqu'au loin et imprégner profondément le Proche-Orient tout entier, lequel nous en aura transmis l'essentiel lorsque aux environs de notre ère se constitueront les propres assises de notre civilisation occidentale. Ainsi la Mésopotamie se trouve-t-elle notre plus vieil ancêtre connu en ligne ascendante directe »[6].

« On y trouve en effet réunis l'organisation sociale et politique ; la création d'institutions, d'obligations et de droits ; la production et la mise en circulation — tant sur le plan intérieur qu'à l'étranger — de tous les biens d'usage et d'échange, surabondamment procurés par un travail planifié ; l'apparition des formes supérieures et monumentales de l'art; les rudiments d'un esprit scientifique caractérisé d'abord par un souci constant de ranger, classer et clarifier l'univers ; et enfin […] la mise au point d'un système d'écriture […] qui en peu de siècles permet de fixer « tout ce qu'exprime » le langage parlé, et « comme il l'exprime », et par là, d'objectiver, d'analyser, d'organiser tout autrement et de propager un savoir, beaucoup plus rapidement élargi et approfondi »[7].

La période historique commence en Mésopotamie quand l'écriture est mise au point (vers 3 400 av. J.-C. - 3 200 av. J.-C.). Elle est divisée en plusieurs périodes successives :

  • Période d'Uruk récent (3 400 av. J.-C. - 2 900 av. J.-C.) : l'écriture se développe, mais les textes écrits à cette époque sont encore difficiles à interpréter, et il s'agit de documents administratifs et de listes lexicales, qui ne nous apprennent rien sur l'histoire évènementielle.
  • Période des Dynasties archaïques (2 900 av. J.-C. - 2 340 av. J.-C.) : elle est divisée en trois sous-périodes. C'est à partir du milieu du IIIe millénaire av. J.-C. qu'on est informé sur les évènements, avant tout grâce aux archives retrouvées à Lagash. C'est la période des cités-États de Basse Mésopotamie.
  • Période d'Akkad (2 340 av. J.-C. - 2 180 av. J.-C.) : Sargon d'Akkad met fin à la période des cités-États en les incluant dans le premier état territorial, qui se mue vite en véritable empire, notamment grâce à l'action de son petit-fils Naram-Sin.
  • Période néo-sumérienne (2 180 av. J.-C. - 2 004 av. J.-C.) : l'Empire d'Akkad s'effondre à cause de révoltes et d'attaques de peuples « barbares ». Les cités-États sumériennes reprennent leur indépendance, avant d'être unifiées par les rois fondateurs de la Troisième dynastie d'Ur, Ur-Nammu et son fils Shulgi, qui établissent un nouvel empire dominant la Mésopotamie.
  • Période paléo-babylonienne (ou amorrite) (2 004 av. J.-C. - 1 595 av. J.-C.) : le royaume d'Ur s'effondre vers 2 000 av. J.-C. sous les coups des Élamites et des Amorrites. Ces derniers prennent la tête de différents royaumes qui se partagent la Mésopotamie : Isin, Larsa, Eshnunna, Mari, puis Babylone, qui finit par dominer toute la région sous le règne de Hammurabi, avant de décliner lentement jusqu’à la prise de la ville par les Hittites vers 1 595 av. J.-C.
  • Période « médio-babylonienne » (terminologie non fixée) (1 595 av. J.-C. - c. 1 080 av. J.-C.) : les Kassites fondent une nouvelle dynastie qui domine Babylone pendant plus de quatre siècles. Au nord, le Mitanni exerce sa domination avant de se faire supplanter par le royaume médio-assyrien. La rivalité entre les deux entités occupant le nord et le sud de la Mésopotamie apparaît alors. Cette période se termine avec une crise grave, provoquée notamment pas les invasions des Araméens.
  • Période néo-assyrienne (911 av. J.-C. - 609 av. J.-C.) : les Assyriens rétablissent leur puissance dans le courant du IXe siècle av. J.-C., et établissent un empire dominant tout le Proche-Orient, qui connaît sa période d'apogée sous les Sargonides, avant de s'effondrer à la fin du VIIe siècle av. J.-C. sous les coups des Babyloniens et des Mèdes. En 609 av. J.-C., Ninive est abattue par Babylone qui reprend la mainmise sur le pays entier[5].
  • Période néo-babylonienne (625 av. J.-C. - 539 av. J.-C.) : les Babyloniens reprennent à leur profit une partie de l'empire néo-assyrien, notamment grâce à l'action de Nabuchodonosor II. Ce royaume connaît cependant un déclin rapide, et il passe en 539 av. J.-C. sous le contrôle du roi perse Cyrus II. L'araméen, alphabétisé, commence à reléguer l'akkadien toujours cunéiformisé, à l'état de langue littéraire et savante[5].
  • Période achéménide (539 av. J.-C. - 331 av. J.-C.) : Babylone succombe à son tour (539 av. J.-C.) sous les coups de Cyrus qui incorpore la Mésopotamie à son Empire. Elle tombe sous la domination des Perses, mais cela ne l'empêche pas de connaître une période de grande prospérité.
  • Période séleucide (331 av. J.-C. - 140 av. J.-C.) : l'empire Perse achéménide tombe sous les coups d'Alexandre le Grand, et après la mort de ce dernier et les luttes qui s'ensuivent, la Mésopotamie est dominée par les Séleucides. La culture mésopotamienne entre dans l'orbite culturelle hellénistique et connaît à cette période un déclin qui s'accélère au IIe siècle av. J.-C.
  • Période parthe (140 av. J.-C. - 224 apr. J.-C.) : les Parthes chassent finalement les Séleucides de Mésopotamie dans le courant du IIe siècle apr. J.-C. C'est sous leur règne que disparaît définitivement l'antique culture mésopotamienne, qui subsistait jusqu'alors dans le milieu des temples de Babylonie.

À noter un intermède romain avec les conquêtes de Trajan (116 apr. J.-C.) qui prit la capitale parthe Ctésiphon et descendit jusqu'au Golfe Persique, avec l'ambition de reconquérir l'empire d'Alexandre. Son successeur, Hadrien, abandonne ces territoires dès son avènement (117 apr. J.-C.).

Plus tard, l'empereur Septime Sévère arrachera définitivement la Mésopotamie du Nord aux Parthes lors de ses campagnes de 195 apr. J.-C. à 198 apr. J.-C.

Ère moderne

Le terme de « Mésopotamie » est à nouveau utilisé de manière officielle au XXe siècle, lorsque le traité de Sèvres confie au Royaume-Uni un Mandat de la Société des Nations lui confiant l'administration de l'ancienne province de l'Empire ottoman. Le Mandat britannique de Mésopotamie laisse ensuite la place au Royaume d'Irak.

Entités linguistiques et culturelles

Les textes de la Mésopotamie antique ne comportant pas la notion d'une « Mésopotamie » telle qu'elle est comprise dans les travaux modernes, ces derniers distinguent des entités géographiques plus réduites correspondant souvent à des réalités politiques voire culturelles, qu'il est plus aisé de distinguer en fonction de la langue de leurs habitants, telle qu'elle peut être devinée par les textes, en l'absence d'une notion claire d'ethnicité dans l'Antiquité (la culture matérielle ne permettant pas vraiment de tracer des limites dans ce domaine). Dans les études historiques il est ainsi courant de distinguer Sumer, Akkad, l'Assyrie et Babylone, aussi les Araméens, bien que cela ne doive pas masquer la présence d'autres groupes de populations qui ont joué un rôle important.

Pour la Mésopotamie méridionale de la fin du IIIe millénaire av. J.-C., la grande séparation est celle entre le pays de Sumer et le pays d'Akkad. Le premier, situé à l'extrême sud du delta mésopotamien, est occupé majoritairement par une population parlant le sumérien, isolat linguistique, et qui a eu une importance primordiale dans l'émergence de la civilisation mésopotamienne. Le second est un pays où la population est surtout constituée de locuteurs de l'akkadien, langue sémitique ; il doit son nom à la ville et à l'empire d'Akkad qui a existé au XXIVe siècle av. J.-C., mais cela correspond à une réalité démographique et culturelle plus ancienne, puisque même avant cette époque les pays situés au nord de Nippur, jusqu'en Haute Mésopotamie et en Syrie, sont dominés par des populations parlant des langues sémitiques très proches.

La fin du IIIe millénaire av. J.-C. voit la disparition du sumérien en tant que langue parlée, même s'il reste important dans le cercle des lettrés. Le début du IIe millénaire av. J.-C. est marqué par l'importance de populations parlant une langue sémitique d'origine occidentale, l'amorrite, qui se retrouvent dans toute la Mésopotamie. Mais la moitié Nord de cette région est également marquée par l'importance des populations parlant le hourrite, isolat linguistique.

Dans la seconde moitié du IIe millénaire av. J.-C. se met en place plus clairement la séparation Nord/Sud de la Mésopotamie entre le royaume d'Assur et celui de Babylone, qui prévaut pour les siècles suivants et délimite deux espaces politiques et culturels distincts (mais toujours en forte interaction), l'Assyrie et la Babylonie. Cette dernière est longtemps politiquement sous la coupe d'une dynastie d'origine kassite, population isolée, qui n'a pas eu une grande influence culturelle. La fin de ce millénaire est marquée par l'apparition et l'expansion à partir du nord-ouest d'une nouvelle population ouest-sémitique, les Araméens, qui tendent à devenir dans la première moitié du Ier millénaire av. J.-C. la population dominante du nord mésopotamien, au point que les Assyriens deviennent des locuteurs de la langue araméenne. Durant les dernières périodes de l'Antiquité, les locuteurs de l'araméen et les régions qu'ils habitent sont d'ailleurs désignés comme Assyriens/Assyrie ou bien des termes dérivés, Syriens/Syrie (surtout pour la partie occidentale). Les populations de Babylonie deviennent également fortement araméisées, mais on y trouve également un autre peuple, les Chaldéens, dont le nom sert aux Grecs de désignation alternative du Sud mésopotamien, la Chaldée. Les dernières périodes de l'histoire mésopotamienne sont marquées par l'implantation de royaumes d'origine étrangère, iraniens (perses) puis grecs (période hellénistique), dont les éléments ne sont jamais devenus dominants. Les populations arabes connaissent également une expansion en direction de certaines régions du nord mésopotamien à partir de la seconde moitié du Ier millénaire av. J.-C.

Organisation politique

De la cité-État à l'Empire

La Stèle de la victoire du roi Naram-Sin d'Akkad, XXIIIe siècle av. J.-C., Musée du Louvre.

La Mésopotamie a vu l'aboutissement du processus de création de l'État, dans le courant du IVe millénaire av. J.-C., avec l'élaboration des premiers micro-États (les cités-États) dans sa partie méridionale. On a parfois imaginé l'existence d'une « démocratie primitive », ou bien d'une « oligarchie », ou encore d'un régime dirigé par un « roi-prêtre ». Quoi qu'il en soit, dès l'apparition de sources qui permettent d'analyser le système d'organisation politique des États mésopotamiens, on est en présence d'un système monarchique, dirigé par un souverain, en sumérien EN, ENSÍ, et LUGAL. Les deux premiers termes renvoient au domaine religieux : ils laissent envisageable l'existence d'un « roi-prêtre » dans certains États. Le dernier désigne clairement un « roi », šarrum en akkadien.

Après l'époque des cités-États, le premier État territorial, ou empire, est élaboré par Sargon d'Akkad vers la fin du XXIVe siècle av. J.-C. Dès lors, la Mésopotamie est dirigée en plusieurs royaumes, avant que la césure entre l'Assyrie au nord et Babylone au sud ne soit établie dans la seconde moitié du IIe millénaire av. J.-C.. Dans la première partie du Ier millénaire av. J.-C. sont élaborés les premiers véritables empires à très grande échelle, le néo-assyrien (911 av. J.-C. - 609 av. J.-C.), le néo-babylonien (624 av. J.-C. - 539 av. J.-C.), avant la mise en place de l'empire perse des Achéménides, qui marque la fin de la Mésopotamie en tant que centre politique du Proche-Orient avant plusieurs siècles. Chaque cité possède alors son propre gouvernement.

L'idéologie du pouvoir

Le roi Hammurabi de Babylone face au dieu Shamash, détail de la stèle du Code de Hammurabi, XVIIIe siècle av. J.-C., Musée du Louvre.

Quelle que soit la dimension des royaumes, l'idéologie du pouvoir reste basée sur les mêmes principes. Le véritable souverain du pays est sa divinité tutélaire, qui accorde la royauté à une personne qui est digne de lui, qui n'est jamais que son représentant terrestre, chargé d'assurer l'entretien des temples du pays et aussi de grandes conquêtes territoriales. Ces dieux sont les divinités tutélaires des cités-États du IIIe millénaire av. J.-C., puis le grand dieu Enlil avec l'avènement des États prétendant dominer les pays de Sumer et d'Akkad, et enfin les divinités au caractère plus « national » pour les royaumes et empires à partir de la fin du IIe millénaire av. J.-C. : Assur en Assyrie et Marduk à Babylone.

L'histoire sur la longue durée était considérée comme cyclique. Cela est bien marqué par des textes comme la Liste royale de Sumer, dont la chronologie est une succession de dynasties chacune régnant à son tour, leur avènement et leur chute respectant la volonté des dieux. Chaque période de crise est considérée comme la punition infligée par les dieux à des souverains impies, tandis que la prospérité et le succès militaire sont au contraire la démonstration de la faveur divine.

Le roi et l'État

Les États mésopotamiens sont donc organisés autour de la figure royale. Celui-ci dirige l'administration, l'armée, la justice, et il est chargé d'assurer le bon déroulement du culte rendu aux dieux, entreprend des grands travaux. Il est entouré de « ministres » l'aidant dans ses tâches, et dirigeant une administration gérant ses terres, le prélèvement des taxes, la justice locale. Ce système se complexifie avec l'élaboration d'entités politiques plus vastes.

Les relations diplomatiques

La Mésopotamie est restée durant une grande partie de son histoire répartie en plusieurs États, qui ont eu à entretenir des relations diplomatiques entre eux, et ont aussi été en contact avec des royaumes extérieurs au Pays des fleuves. Les pratiques diplomatiques sont diverses : correspondance entre cours, conclusion d'accords, mariages inter-dynastiques, échanges de présents. Ce système se remarque dès la fin du IIIe millénaire av. J.-C., mais on le voit mieux dans le IIe millénaire av. J.-C. (notamment grâce aux archives de Mari et aux lettres d'Amarna).

Lettres

Écriture

Inscription cunéiforme du palais de Dur-Sharrukin, époque néo-assyrienne, fin du VIIIe siècle av. J.-C. (Musée du Louvre).

La Mésopotamie a vu l'élaboration de ce qui est actuellement considéré comme le plus ancien système d'écriture au monde. On date son apparition vers 3500 av. J.-C. Ce système d'écriture est d'abord linéaire, puis il prend un aspect cunéiforme (i.e. en forme de coin) dans le courant de la seconde moitié du IIIe millénaire av. J.-C. On écrit alors essentiellement sur des tablettes faites en argile, matériau abondant en Mésopotamie. Ce support survit très bien à l'épreuve du temps (et encore plus quand il est cuit à la suite d'un incendie), et c'est ce qui nous permet d'avoir une quantité de documentation écrite considérable sur la Mésopotamie ancienne. À partir du début du Ier millénaire av. J.-C., cette forme d'écriture est concurrencée par l'alphabet araméen, rédigé sur parchemin ou papyrus, supports périssables dont aucun exemplaire ne nous est parvenu. Celui-ci finit par supplanter le cunéiforme vers le milieu du Ier millénaire av. J.-C., avant la disparition définitive de ce dernier au début de notre ère.

Les scribes

Seule une minorité de la population est alphabétisée. Les spécialistes de l'écriture sont les scribes. Ils suivent une formation destinée à leur apprendre à maîtriser le cunéiforme, et s'initient au sumérien et à l'akkadien (à partir de la fin du IIIe millénaire av. J.-C.). Plusieurs niveaux de spécialisation coexistent, allant du simple scribe d'administration au lettré ayant suivi de nombreuses années de formation, travaillant souvent dans les temples.

On estime également qu'une certaine partie de la population, dans les couches supérieures, est en mesure de comprendre ou d'écrire des textes cunéiformes : personnel administratif, politique, ou bien de marchands.

Bibliothèques

Les tablettes cunéiformes étaient entreposées dans des endroits prévus à cet effet dans les bâtiments où ils étaient rédigés. Parfois même des salles étaient réservées aux archives. Les tablettes pouvaient être placées dans des paniers, des coffres, ou bien sur des étagères. Un système de classement pouvait avoir été mis au point, mais il nous échappe bien souvent. On pouvait faire des classements d'archives administratives, mais aussi de production littéraire savante, comme dans le cas de la prétendue Bibliothèque d'Assurbanipal, trouvée à Ninive.

Production écrite

Tablette de vente de propriétés retrouvée à Shuruppak, XXVIe siècle av. J.-C., Musée du Louvre.

La production écrite mésopotamienne qui nous est parvenue est constituée en majorité de textes de nature administrative et comptable. Il s'agit souvent de comptes liés à l'agriculture, l'élevage, des distributions de rations à des travailleurs, des comptes d'entrées et des sorties d'entrepôts.

À côté de cela, on trouve des textes de la pratique plus élaborés : des contrats (de prêt, de vente, de location) ou des lettres. Ils sont un apport inestimable pour nous aider à mieux approcher la vie quotidienne des anciens mésopotamiens.

Les textes littéraires sont minoritaires en quantité. Ils se composent en premier lieu de listes lexicales, mais aussi de textes d'apprentissage de certains métiers, ou bien des descriptifs de rituels, jusqu’à des productions de littérature plus savante, des textes mythologiques, épiques.

Un dernier genre que l'on peut distinguer est celui des inscriptions et textes royaux. Ce sont des textes produits par les rois, destinés à célébrer leurs grandes œuvres. Les perdants ayant rarement l'occasion de se faire entendre, ce sont le plus souvent les vainqueurs qui ont la parole. Ce genre de textes va de l'inscription de fondation, jusqu’à des récits plus élaborés comme les Annales royales assyriennes.

Religion

Les dieux

Les dieux mésopotamiens sont pour la plupart très anciens, et leur origine nous est souvent inaccessible. Les plus anciens ont un nom sumérien et un nom akkadien. Les principaux dieux sont :

À partir de la fin du IIe millénaire av. J.-C., les dieux « nationaux » Marduk à Babylone et Assur en Assyrie prennent une place de premier choix.

Humains et dieux

Toutes les anthropogonies mésopotamiennes expliquent que les dieux ont créé les humains de manière à en faire leurs esclaves/serviteurs chargés de leur entretien. De manière concrète, cet entretien passe par le culte qui est rendu aux dieux dans ce qui est considéré comme leur résidence, le temple.

Les personnes pieuses sont en principe assurées de la bienveillance divine à leur égard. En revanche, quiconque offenserait les dieux se place sous la menace d'une punition divine : maladie, disgrâce, difficultés économiques, etc.

Les temples

Les temples sont considérés comme étant les résidences terrestres de leur divinité principale, et souvent de leur entourage (parèdre, enfants, personnel divin). Ils portent d'ailleurs le même nom que les résidences humaines (É en sumérien, bītu(m) en akkadien). Ils sont également souvent flanqués d'une tour à étages (ziggurat), monument emblématique de la civilisation mésopotamienne, passé à la postérité grâce au récit biblique de la Tour de Babel.

Les temples sont constitués d'une cella (salle close, plus souvent de forme rectangulaire avec une porte à 2 battants), abritant une statue divine, représentation terrestre qui garantit la présence de celle-ci en ce lieu, et qui doit constamment être entretenue. Les temples sont interdits au peuple. Leur perte, notamment après une défaite militaire et la mise à sac du temple, est considérée comme un grand malheur.

Parce qu'ils doivent assurer le très coûteux entretien des dieux (et leur personnel), les temples sont des agents économiques de premier plan : ils bénéficient de dotations en terres, abritent aussi parfois des ateliers, et montent des opérations commerciales.

Le clergé

Le personnel officiant dans les temples est logé à proximité de celui-ci, dans des dépendances. Le personnel est divisé entre membres chargés de son administration, et d'autres qui s'occupent de la partie rituelle. En fonction de la tâche à accomplir lors des rituels, diverses spécialisations existent.

Les prêtres sont souvent des lettrés, qui suivent parfois de longues études. Principaux dépositaires des savoirs mésopotamiens,ils assureront la survie de cette culture jusqu'aux débuts de l'ère chrétienne.

Certaines catégories de prêtres (devins, exorcistes et astrologues) exercent en dehors des temples et notamment dans le cadre du palais royal. Le souverain a besoin de leur aide puisque la fonction royale est aussi une fonction religieuse (le roi étant parfois lui-même considéré comme un prêtre).

Il existe aussi un clergé féminin. Certaines de leurs membres vivent cloîtrées dans une résidence, et ne peuvent en sortir, même si elles disposent parfois de la possibilité de mener leurs propres affaires (par des achats de terrain notamment).

Sciences

Mathématiques

Le système numérique employé par les Mésopotamiens repose sur une base sexagésimale (base 60), avec quelques aspects d'un système décimal.

Les connaissances mathématiques des Anciens mésopotamiens enregistrent de grands progrès durant la période paléo-babylonienne, après quoi ils furent minimes. Mais il faut attendre le Ier millénaire av. J.-C. pour que ce savoir soit employé à sa pleine mesure dans le domaine de l'astronomie.

Astronomie

La séparation que l'on effectue entre astronomie et astrologie est inconnue des Anciens mésopotamiens, comme pour beaucoup d'autres peuples avant l'époque moderne. Les connaissances astronomiques des Mésopotamiens atteignent un très haut niveau durant le Ier millénaire av. J.-C., époque durant laquelle les astronomes « Chaldéens » sont réputés jusqu'en Grèce.

Les Mésopotamiens mettent au point le principe de la division de la voûte céleste entre douze signes du Zodiaque, qui sont sensiblement les mêmes que les nôtres. De la même manière, ils ont déjà nommé de nombreuses constellations et connaissent cinq planètes : Mercure (Sihtu), Vénus (Delebat), Mars (Salbanatu), Jupiter (Neberu) et Saturne (Kayamanu) [réf. nécessaire].

Au Ier millénaire av. J.-C., les prêtres astronomes babyloniens ont compilé de longues listes de relevés de phénomènes astraux. En les interprétant, ils établissent des éphémérides pour tous les astres observables, et réussissent presque à prédire des éclipses, dont ils ont repéré l'aspect cyclique.

Médecine

Pour les Mésopotamiens, la maladie est une malédiction envoyée par les dieux. Maîtres de tous les humains, ceux-ci, lorsqu'ils sont insatisfaits par le comportement de certains d'entre eux, les punissent en envoyant des « démons » qui les rendent malades, à moins qu'ils ne se chargent eux-mêmes de la tâche.

Guérir un malade peut requérir des pratiques comme la magie et la médecine empirique, qui nous semblent être différentes, mais qui sont alors vues comme complémentaires. De longues listes techniques nous renseignent sur ces pratiques. Elles se présentent sous la forme de phrases avec une protase présentant l'état du malade, et une apodose disant le diagnostic, avec parfois à la suite le traitement à prodiguer. Elles s'appliquent à de multiples domaines : depuis la gynécologie jusqu’à des cas psychiatriques, en passant par l'ophtalmologie. On dispose aussi d'une longue liste de recettes de produits pharmacologiques.

Droit

Le droit mésopotamien est avant tout connu du néophyte par le fameux Code de Hammurabi. Celui-ci, avec les autres textes provenant de Mésopotamie et qui lui sont apparentés (comme le Code d'Ur-Nammu, le plus ancien du genre retrouvé, ou bien les lois assyriennes), ne représentent qu'une petite partie des sources nous informant sur le droit dans cette région. Selon certains historiens, ce seraient des recueils de sentences ayant vocation à servir de sortes de traités juridiques, du domaine de la science juridique, plutôt que des codes juridiques au sens moderne du terme. Ils n'étaient en effet pas appliqués[8] (Dominique Charpin, professeur au Collège de France, est l'un des rares à penser le contraire[8]). D'autres historiens ont affirmé qu'il s'agissait de déclarations d'intention à visée idéologique, qui essaieraient par exemple de convaincre le peuple, notamment celui des campagnes, de la magnificence du pouvoir et de la prospérité urbaine[8]. Ainsi, par exemple, des édits portant sur la régulation des prix et des salaires, fixant des montants irréalistes, viseraient plutôt, dans le cadre d'une compétition entre cités, à faire venir chez eux davantage de travailleurs: ce seraient donc de simples textes de propagande[8]. D'ailleurs, lorsque Hammurabi a établi la domination du royaume babylonien sur la Mésopotamie, de tels édits cessèrent d'être promulgués (il n'y avait plus de concurrence entre cités à proprement parler)[8].

S'il n'existait pas de droit étatique à proprement parler, en revanche le droit privé et commercial était très développé[8]. En effet, la majeure partie de nos sources écrites sur le droit mésopotamien sont les très nombreux actes contractuels retrouvés dans les différents sites de la région des deux-fleuves, auxquels peuvent être ajoutés ceux retrouvés ailleurs dans le Proche-Orient, depuis Suse jusqu’à Alalakh et Ougarit. Il s'agit d'actes de droit privé, comme des prêts (contrat de base, le plus courant, et duquel sont inspirés les autres contrats, au moins pour leur formulaire), d'achats/ventes/locations de biens immobiliers, d'animaux ou d'esclaves, de contrats de mariage ou d'adoption, d'affranchissement, de contrats de société (commerciaux surtout), et aussi de comptes rendus de procès. Retrouvés sur un grand espace géographique, et sur une très grande période (depuis le XXIe siècle av. J.-C. jusqu’à la seconde moitié du Ier millénaire av. J.-C., ils nous présentent des situations variées, et de nombreux aspects juridiques. Ainsi, chaque lieu développe à une période donnée un type de formulaire récurrent pour la rédaction d'un acte juridique précis. Mais les similitudes relevées entre les différentes périodes attestées, témoigne de l'existence d'un même fonds juridique.

Au-delà de l'aspect juridique, ces documents, comme peu d'autres documents cunéiformes, sont une mine d'information qui nous permet d'avoir un aperçu de la vie quotidienne des Anciens mésopotamiens et d'analyser leurs institutions, rapports sociaux, et pratiques agricoles, artisanales ou commerciales, etc.

Art

Représentation de Gudea de Lagash, XXIIe siècle av. J.-C., Musée du Louvre.
Représentation du Dieu sumérien « Imdugud » en aigle léontocéphale – cuivre sur support en bois (env. 2500  av. J.C. )[9]

Parmi les principaux domaines artistiques attestés en Mésopotamie, on peut relever :

la glyptique : l'étude des motifs représentés sur les sceaux, puis les sceaux-cylindres (à partir de la période d'Uruk) nous révèle l'univers mental des anciens Mésopotamiens.

la sculpture : parmi les œuvres réalisées en ronde-bosse, les statues de la période de Gudea de Lagash (XXIIe siècle av. J.-C.) sont parmi les plus remarquables ; par la suite, les sculpteurs mésopotamiens ont préféré les bas-reliefs, dont les plus fameux sont ceux des palais néo-assyriens.

la peinture : elle est assez peu attestée, car peu de peintures ont été conservées ; les plus belles fresques mésopotamiennes ont été retrouvées à Mari) (XVIIIe siècle av. J.-C.), Til-Barsip (VIIIe siècle av. J.-C.) et un peu dans les capitales néo-assyriennes (Assur, Kalhu, Ninive) (IXe-VIIe siècle av. J.-C.) ; leur style est très proche de celui des bas-reliefs. l'orfèvrerie : assez peu de bijoux de grande qualité ont été mis au jour, les plus beaux exemples ont été exhumés des tombes royales d'Ur ; sinon, on peut avoir une idée de leur forme par la représentation de bijoux portés par des hommes sur des bas-reliefs. la musique : elle occupe une place importante, tant pour le divertissement que pour le culte ; les instruments utilisés sont : la lyre, des percussions (tambours, tambourins), le oud, des flûtes, etc.

Architecture

La brique crue

Pour des raisons géologiques (plaine alluviale), la matière de base utilisée pour réaliser des bâtiments en Mésopotamie n'est pas la pierre mais l'argile. On s'en sert pour réaliser des briques crues, en la mélangeant avec des matières végétales. À cette fin, des moules à briques sont mis au point et utilisés. Exceptionnellement, les briques sont cuites dans des fours, ce qui les rend extrêmement solides, alors que celles en argile crue ont tendance à s'effriter. Les bâtiments en briques cuites, une fois abandonnés, servent d'ailleurs souvent de carrières.

Urbanisme

L'archéologie de la Mésopotamie a porté uniquement sur des centres urbains, et jamais sur des sites ruraux (en dehors de la période pré-urbaine). L'attention s'est surtout portée sur les grands monuments (temples, palais) plus que sur les quartiers résidentiels.

Les villes sont souvent protégées par une muraille, voire plusieurs dans le cas des grandes cités. L'espace central est souvent réservé au palais et au temple principal. En Mésopotamie du Nord, le cœur de la ville est souvent une acropole. De petites rues délimitent divers îlots résidentiels. La différenciation sociale de l'espace ne semble pas exister : les maisons des plus riches (les plus vastes) côtoient celles des classes moins favorisées. Les plus pauvres et les marginaux sont plutôt rejetés en périphérie de la ville. Existent en revanche des quartiers où les gens se regroupent en fonction d'une activité artisanale commune.

Résidences

Cour intérieure du palais de Zimri-Lim à Mari, Haute-Mésopotamie, XVIIIe siècle av. J.-C.

Trois types de résidences peuvent être distinguées: celles des gens du peuple, celles des dirigeants (les palais), et celles des dieux (les temples). Elles portent le même nom : É en sumérien, bītu(m) en akkadien. Elles fonctionnent d'ailleurs selon un même principe, puisqu'elles s'organisent généralement autour d'un espace central, et sont renfermées sur elles-mêmes (et non ouvertes vers l'extérieur).

Les résidences classiques peuvent avoir un étage. Elles varient en fonction des moyens financiers de leur propriétaire, et de la taille de la maisonnée. La plupart ont un espace central (couvert ou pas), d'autres sont constituées d'une suite de salles. On constate l'habitude fréquente d'enterrer les morts de la famille sous les résidences où ils ont vécu.

Les palais sont à l'origine construits comme des maisons, en plus vastes, avec parfois là aussi un étage. Ils finissent par prendre plus d'espace, et à avoir un espace plus complexe. Leur plan est néanmoins très variable d'un endroit à l'autre. Les zones sont généralement différenciées : espace résidentiel (avec un harem), salle de réception, magasins, salles administratives, etc.

Les temples sont traditionnellement considérés comme ayant trois parties principales : un vestibule, une antichambre, puis le « saint des saints » abritant la statue de la divinité principale. Ces édifices sont organisés selon le même principe qu'une résidence normale, à savoir autour d'un espace central, ils ouvrent parfois sur des magasins et des bâtiments administratifs, ou bien des bibliothèques. Les temples les plus importants disposent de grandes dépendances, en fonction de leur richesse économique et de l'importance numérique de leur personnel.

Économie

Les « Grands organismes »

L'économie de la Mésopotamie antique est encadrée par ce que l'on appelle parfois les « Grands organismes » (à la suite de A. Leo Oppenheim). Ce sont le palais royal, les temples, et leurs dépendances. En plus de leur fonction politique, ceux-ci possèdent en effet un pouvoir économique remarquable, reposant sur un patrimoine foncier souvent très important. Le plus souvent le palais apparaît comme celui qui peut mobiliser le plus d'avantages. Le roi redistribue les terres aux temples et à ses hommes tout en gardant une grande partie de celles-ci pour son compte. Les terres sont allouées à une personne contre une charge effectuée par celle-ci, pour l'aider à subsister (on parle parfois de « champs de subsistance »). Il arrive que ces terres, octroyées uniquement à titre temporaire, finissent par passer définitivement dans le patrimoine familial du détenteur de la charge. Les temples ont souvent une grande importance économique, surtout dans la Babylonie du début du Ier millénaire av. J.-C., où le pouvoir royal s'étant affaibli, ils demeurent les seuls organismes à peu près stables.

En marge de ces Grands organismes, la grande partie de la population vit de petites propriétés agricoles, ou bien d'un travail artisanal modeste qui peut être exercé à son propre compte. La vie de ces personnes n'est pas décrite par les archives cunéiformes que l'on a retrouvées, puisqu'ils vivent en dehors de la partie de la société pratiquant l'écrit. Les personnes travaillant pour les Grands organismes peuvent aussi mener des affaires pour leur propre compte, notamment au niveau commercial.

Agriculture

L'agriculture est la base des économies de type pré-industriel, et la Mésopotamie antique ne déroge pas à la règle.

Une grande partie de cette région étant située en dessous du seuil de pluviosité nécessaire pour la pratique de l'agriculture sèche, il a fallu développer un système d'irrigation pour mettre en valeur ses terres. Cela s'est d'abord fait de manière assez simple, dans le cadre de petites entités politiques, puis les grands royaumes mésopotamiens ont mis en place des projets d'aménagements de canaux à grande échelle. Il n'en demeure pas moins que l'irrigation était essentiellement une affaire gérée au niveau local, sans l'aide du pouvoir central. Les agriculteurs de Basse Mésopotamie ont dû faire face à un problème de salinisation des terres irriguées, qui a parfois abouti à la mise en friche de grands espaces.

La céréaliculture domine en Mésopotamie. L'orge est la plante la plus cultivée, mais on fait aussi pousser du blé amidonnier, du millet, et à partir du milieu du Ier millénaire av. J.-C. le riz est introduit dans la vallée. La productivité céréalière de la Mésopotamie a pu atteindre des rendements impressionnants, surtout quand une longue période de stabilité politique a permis une bonne mise en valeur des terres.

La culture du palmier-dattier occupe aussi une place importante dans la région, puisque l'on peut se servir de ses dattes, ses feuilles ou éventuellement son bois. Les palmiers servent également à abriter des jardins que l'on fait pousser à leur pied. L'horticulture était en effet couramment pratiquée, dans le but d'obtenir des produits agricoles (fruits, légumes et condiments) complémentaires des céréales.

Artisans

Le secteur artisanal fonctionne comme celui de l'agriculture avant tout dans le cadre des grands organismes. L'artisanat en dehors de cette sphère n'est pas documenté. Il existait parfois de grandes fabriques, notamment dans le textile, employant un grand nombre d'ouvrières souvent dans des conditions peu enviables. Mais l'artisanat à petite échelle était majoritaire.

La plupart des domaines artisanaux sont représentés en Mésopotamie : textile, menuiserie, métallurgie, orfèvrerie, vannerie, etc.

Commerce

Poids d'une demi-mine (poids réel : 248 gr.) tel que ceux que l'on utilisait pour faciliter l'évaluation des marchandises, consacré par le roi Shulgi et portant l'emblème du croissant de lune, XXIIe siècle av. J.-C. Musée du Louvre.

Le commerce est souvent défini comme une activité importante pour les Mésopotamiens, vu que la région où ils vivent est pauvre en matières premières (pierre, métal, bois de qualité). Dans les faits, ce sont surtout les plus riches qui profitent du commerce à longue distance.

Les entreprises commerciales sont initialement menées par des marchands (sumérien DAM.GAR, akkadien tamkāru(m)) engagés par un Grand organisme. À partir du début du IIe millénaire av. J.-C., la documentation abonde sur les systèmes commerciaux essentiellement « privés », à Larsa, Sippar, et surtout Assur, grâce aux archives des marchands de cette ville retrouvées à Kültepe en Cappadoce. Elle témoigne de l'existence d'un commerce très élaboré et fructueux.

De leur côté, les Mésopotamiens exportent surtout des produits manufacturés, avant tout du textile, ou bien jouent le rôle d'intermédiaires entre deux régions (en échangeant de l'étain d'Iran contre du cuivre d'Anatolie par exemple).

Le commerce local existe par ailleurs pour assurer l'approvisionnement des centres urbains en produits agricoles provenant de la campagne.

Cuisine et gastronomie

Société

La société mésopotamienne se divise en deux grands groupes : personnes libres et non-libres (les esclaves).

Les personnes libres

Les premiers sont une catégorie où l'on peut également distinguer deux groupes (moins évidents à repérer pour le IIIe millénaire av. J.-C.). Le premier (les awīlu(m) du Code de Hammurabi et des Lois assyriennes) est constitué par le personnel travaillant dans le cadre des « Grands organismes », le palais et le temple, qui dispose de ce fait d'une place importante dans la société. Le reste de la société (muškēnum dans le Code d'Hammurabi, aššurayu dans les Lois assyriennes) vit en dehors de ce cercle, dans le cadre de communautés urbaines ou rurales. La stratification sociale ne se fait pas autour d'une conception idéologique de la société distinguant des classes plus prestigieuses que les autres, ce sont les moyens financiers qui paraissent faire la différence, et pour en avoir il faut travailler avec le pouvoir royal ou les temples. Il est pour cela important d'être en bons termes avec le pouvoir royal.

Les esclaves

Les esclaves (sumérien ÌR, akkadien (w)ardu(m)) occupent le bas de l'échelle sociale. Ils sont considérés comme des objets, au service de leur maître. Il y a différentes façons de devenir esclave : s'il ne s'agit pas d'esclaves de naissance, la majorité sont des prisonniers de guerre, et on trouve également des personnes libres tombés en servitude à cause de dettes impayées (ce qui peut n'être que temporaire).

Les nomades

Une partie de la société se caractérise par son mode de vie nomade. Les nomades occupent une place importante durant toute l'histoire mésopotamienne (Amorrites, Kassites, Sutéens, Gutis, Araméens, Chaldéens, etc.). Ils vivent dans un cadre tribal, organisé autour de grands groupement de tribus et sont dirigés par un grand chef. La division entre libre et non-libre existe aussi au sein de cette partie de la société.

Les semi-nomades sont une partie de la population qui devient sédentaire à certains moments de l'année pour effectuer des travaux agricoles tandis que l'autre s'adonne au pastoralisme. Les nomades constituent parfois un danger pour les sociétés sédentaires : leur mode de vie assez précaire les rend plus fragiles aux coups durs (notamment climatiques). Ce qui les pousse souvent à se faire pillards en période de crise. De ce fait, ils sont souvent décrits en terme péjoratifs par les lettrés urbains. Ils vivent pourtant généralement en symbiose avec le monde sédentaire : ils se font pasteurs pour les grands organismes, parfois servent comme travailleurs saisonniers, et ils sont souvent appréciés en tant que soldats.

Les populations nomades finissent bien souvent par se sédentariser et adopter le mode de vie des sédentaires, et leurs chefs constituent parfois des royaumes promis à une grande prospérité, comme le firent Amorrites, Kassites et Araméens.

Différenciation sexuelle

Stèle représentant une femme en train de filer, Suse, VIIIe siècle av. J.-C., Musée du Louvre.

L'homme occupe alors dans la société mésopotamienne une place importante. Les codes de lois placent la femme à un rang inférieur à l'homme. C'est une « éternelle mineure », qui passe du contrôle de son père à celui de son époux lorsqu'elle est mariée. Le maître de maison est un homme, la femme s'occupant de l'entretien du foyer et de l'éducation des jeunes enfants. Les activités agricoles sont apparemment réservées aux hommes, de même que le commerce et évidemment la guerre, ainsi que la plupart des métiers de l'artisanat, les femmes étant en revanche beaucoup employées dans le textile (filage, tissage) et aussi l'industrie laitière.

Les textes de la pratique (jugements, recueils d'incantation, textes et prières mythologiques, recettes de potions de fertilité) montrent l'importance de la procréation dans la famille mésopotamienne et l'existence d'interdits sexuels, notamment le viol et l'inceste qui ne sont pas permis non plus chez les dieux[10].

Rayonnement

Parce qu'elle a été la première région du Proche-Orient ancien à être étudiée, la Mésopotamie a longtemps été considérée comme le « centre » de celui-ci, le reste étant relégué au rang de « périphérie ». Les découvertes des civilisations sumérienne, babylonienne et assyrienne paraissaient abonder en ce sens. Mais la mise au jour de nouveaux centres fait apparaître que des régions considérées comme marginales étaient très avancées dès une époque reculée (notamment grâce aux archives d'Ebla et de Mari en Syrie, et aujourd'hui de Jiroft en Iran), et n'avaient pas grand-chose à envier à la Mésopotamie contemporaine. L'impossibilité de fouiller sur le sol irakien depuis le début des années 1990 n'a pas été sans effet sur ce changement de perspective.

La ressemblance entre la civilisation mésopotamienne et ses voisines peut s'expliquer par le fait qu'elles constituent un territoire ayant partagé une destinée commune depuis la période néolithique, phase que la Mésopotamie est la dernière à avoir expérimentée. Ceci explique pourquoi on retrouve partout dans cette région de l'Asie un fonds culturel commun, des organisations politiques et sociales similaires en dépit de sa disparité géographique.

Il n'empêche que la Mésopotamie, et en particulier la Basse Mésopotamie a exercé une influence indéniable sur le Proche-Orient ancien, comme aucune autre région. Cela débute avec la période d'Uruk, qui voit une expansion des habitants du futur pays de Sumer dans les régions voisines. La culture élaborée par les Sumériens, puis les Akkadiens a un rayonnement considérable. Son système d'écriture, avec ses méthodes d'apprentissage, sa littérature sont repris en Syrie, en Anatolie, au Levant, en Iran et jusqu'en Égypte à l'époque d'Amarna, quand l'akkadien est la langue des relations internationales.

Babylone, en reprenant cet héritage à partir du IIe millénaire av. J.-C., devient un centre culturel incomparable. C'est d'ailleurs par son nom, repris par la Bible et les auteurs grecs classiques, que la mémoire de la Mésopotamie va subsister avant sa redécouverte avec les fouilles du XIXe siècle, marquant la naissance de l'assyriologie.

Notes et références

  1. Georges Roux, La Mésopotamie, Points
  2. Finkelstein, J. J. ; 1962. Mesopotamia, Journal of Near Eastern Studies 21: 73–92
  3. Jean Bottéro, Mésopotamie, l'écriture, la raison et les dieux, Flammarion 1987 p.33
  4. Jean Bottéro, op. cit. P. 98
  5. a b et c Jean Bottéro, op. cit.
  6. Jean Bottéro, op. cit. p. 100
  7. Jean Bottéro, op. cit. p. 99-100
  8. a b c d e et f (en) Seth Richardson, « Early Mesopotamia: The Presumptive State », Past and Present, vol. 215, no 1,‎ , p. 3-49 (DOI 10.1093/pastj/gts009)
  9. The Imdugud Relief – British Museum
  10. Véronique Grandpierre, Sexe et amour de Sumer à Babylone, Folio, , 336 p. (ISBN 2070446182)

Bibliographie

Introductions

  • Pierre Bordreuil, Françoise Briquel-Chatonnet et Cécile Michel (dir.), Les débuts de l'histoire : Le Proche-Orient, de l’invention de l’écriture à la naissance du monothéisme, Paris, Éditions de la Martinière,
  • (en) Benjamin R. Foster et Karen Polinger-Foster, Civilizations of ancient Iraq, Princeton, Princeton University Press,
  • Jean-Jacques Glassner, La Mésopotamie, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Guide Belles Lettres des civilisations »,
  • Véronique Grandpierre, Histoire de la Mésopotamie, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire n° 175 »,
  • Michael Roaf (trad. Philippe Tallon), Atlas de la Mésopotamie et du Proche-Orient ancien, Turnhout, Brepols, (ISBN 2503500463)
  • Georges Roux, La Mésopotamie, Paris, Le Seuil, coll. « Points Histoire », (ISBN 2-02-023636-2)

Présentations d'ensemble

  • Paul Garelli, Jean-Marie Durand, Hatice Gonnet et Catherine Breniquet, Le Proche-Orient asiatique, tome 1 : Des origines aux invasions des peuples de la mer, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « La Nouvelle Clio »,
  • Paul Garelli et André Lemaire, Le Proche-Orient Asiatique, tome 2 : Les empires mésopotamiens, Israël, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « La Nouvelle Clio »,
  • Francis Joannès (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins »,
  • (en) Jack M. Sasson (dir.), Civilizations of the Ancient Near East, New York, Scribner,
  • (en) Mario Liverani, The Ancient Near East : History, society and economy, Londres et New York, Routledge,
  • Bertrand Lafont, Aline Tenu, Philippe Clancier et Francis Joannès, Mésopotamie : De Gilgamesh à Artaban (3300-120 av. J.-C.), Paris, Belin, coll. « Mondes anciens »,

Art et archéologie

  • Pierre Amiet, L'Art antique du Moyen-Orient, Paris, Citadelles et Mazenod,
  • Jean-Claude Margueron, Les Mésopotamiens, Paris, Picard, (ISBN 2708406930)
  • Agnès Benoit, Art et archéologie : les civilisations du Proche-Orient ancien, Paris, RMN, coll. « Manuels de l'école du Louvre »,
  • Jean-Louis Huot, Une archéologie des peuples du Proche-Orient, 2 t., Paris, Errances,

Religion

  • Jean Bottéro, Mésopotamie : L'écriture, la raison et les dieux, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », (1re éd. 1987)
  • Jean Bottéro, La plus vieille religion : en Mésopotamie, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire »,
  • (en) Jeremy Black et Anthony Green, Gods, Demons and Symbols of Ancient Mesopotamia, Londres, British Museum,

Recueils de textes

  • Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Lorsque les Dieux faisaient l'Homme, Paris, Gallimard, coll. « NRF »,
  • (en) William W. Hallo (dir.), The Context of Scripture, Leyde et Boston, Brill,
  • Samuel Noah Kramer, L'histoire commence à Sumer, Paris, Flammarion, coll. « Champs »,

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes