Kulturkampf

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Modus vivendi, caricature de Wilhelm Scholz dans le Kladderadatsch, no 14-15 du 18 mars 1878 : le pape et le chancelier veulent tous deux se faire lécher les bottes par l’autre, mais le souverain pontife demande à ne pas être dérangé et Bismarck en fait autant.

Le Kulturkampf /kʊlˈtuːɐ̯ˌkampf/ Écouter, ou « combat pour un idéal de société », est un conflit qui oppose le royaume de Prusse puis l'Empire allemand sous la direction du chancelier impérial Otto von Bismarck à l’Église catholique dirigée par Pie IX et au parti politique représentant les catholiques : le Zentrum. Le conflit s'intensifie en 1871, se termine en 1878 avant d'être définitivement soldé de manière diplomatique en 1887.

Le Kulturkampf est la manifestation de la politique libérale visant à séparer État et Église, par exemple en introduisant un mariage civil. Les autorités religieuses, principalement chez les catholiques, s'opposent fermement à ce mouvement en réaffirmant leur influence dans les questions politiques et de société, ainsi que le primat de l'Église et de la religion sur l'État et la science. En Allemagne cela s'illustre par une lutte de pouvoir pour le contrôle de la minorité catholique dans le pays. Otto von Bismarck utilise des moyens législatifs importants pour lutter contre l'Église catholique : de nombreux ecclésiastiques sont emprisonnés ou du moins condamnés à des amendes. Ces méthodes finissent par déplaire aux alliés même de Bismarck que sont les libéraux et les protestants.

Cependant les catholiques font preuve d'une grande unité et le Zentrum ressort renforcé. Devant cet échec, et face à la nécessité de changer de majorité pour voter les lois antisocialistes, Bismarck décide d'abandonner cette politique vers la fin des années 1880. En 1878, l'élection du pape Léon XIII marque déjà le début de la détente.

La plupart des lois sont retirées ou assouplies, les prêtres peuvent retrouver leur paroisse. La paix est définitivement signée en 1886 et 1887 entre le Vatican et l'Empire allemand. L'alliance des conservateurs et du Zentrum avec Bismarck, qui tourne dos aux libéraux, devient également possible.

Contexte

L'évêque de Mayence Wilhelm Emmanuel von Ketteler, cofondateur du Zentrum.

Changement de relation entre État et Église

L'Église est très présente depuis le Moyen Âge dans l'éducation et dans le tissu social allemand. Ce n'est qu'au XVIIIe siècle que l'absolutisme et les Lumières commencent à vouloir voir l'État la remplacer dans ces rôles. Les sécularisations pratiquées surtout durant l'occupation napoléonienne changent les rapports de force et la relation entre État et Église : le premier se considère désormais comme libéré de tout devoir de formation religieuse et veut se libérer de l'influence papale dans les domaines sociaux-culturels et civils. Cette revendication d'universalité de l'État se trouve cependant confrontée à l'opposition de l'Église catholique, qui souhaite préserver les traditions chrétiennes comme ciment de la société[1]. Ce conflit d'intérêt est amplifié par l'apparition du libéralisme puis du socialisme, qui sont deux mouvements politiques opposés à l'influence de l'Église sur l'État.

Ce type de changement dans les relations Église-État n'est pas particulier à l'Allemagne : des conflits similaires ont lieu en Suisse, en Autriche-Hongrie, en Angleterre, en Belgique, en France, en Espagne, au Mexique[2] et au Brésil. La présence de libéraux dans les gouvernements joue un rôle important dans le déclenchement de ces conflits. Ils ont lieu pour certains dès le début du XIXe siècle et, pour d'autres, au cours du XXe siècle[3]. Les catholiques se retrouvent souvent au centre des conflits, car leur branche la plus extrême : les ultramontains, c'est-à-dire favorables à Rome, veulent maintenir le primat de l'Église et du pape sur l'État[4]. Il faut noter que ce mouvement est critiqué au sein même de l'Église. Ainsi, au XIXe siècle, certains éminents ecclésiastiques et théologiens souhaitent réformer l'Église catholique.

Les catholiques dans l'Empire allemand

Carte de la répartition des confessions dans l'Empire allemand au XVIIIè siècle. Les catholiques sont en bleu clair et foncé, les protestants en rose et rouge. Le jaune indique que les deux confessions sont présentes.

Les catholiques représentent au moment de la création de l'Empire allemand un bon tiers de sa population, contre un petit deux tiers pour les protestants. Il n'y a pas de religion d'État, cependant ce dernier et l'Église sont encore très liés : ainsi le premier finance la seconde, les facultés de théologie se trouvent dans les universités contrôlées par l'État, il a également son mot à dire lors de la nomination des évêques[1].

Le fait que la population ne soit pas d'une seule confession explique également qu'on n'ait pas qu'une simple opposition croyants / anticléricaux. Les libéraux allemands, majoritairement protestants, sont ainsi plutôt anticatholiques, alors que les catholiques sont plutôt antilibéraux. Les libéraux ne sont pas anticléricaux par idéologie, mais ils se considèrent comme les représentants de la modernité, du progrès et de la culture en Allemagne. Ils voudraient que l'école devienne neutre et aconfessionnelle, hors de l'influence de l'Église. Les ultramontains, au contraire, sont clairement contre une modernité et un rationalisme qu'ils jugent excessifs. Leurs visions du monde sont donc complètement divergentes, ils s'opposent naturellement[5].

Les catholiques n'étaient jusqu'en 1870 que peu ou pas organisés politiquement, mais la fondation du Zentrum en 1870 pour défendre leurs intérêts change la donne. Ce parti est donc opposé au libéralisme, mais aussi au chancelier impérial. Bien qu'il ne soit pas opposé à l'Empire en tant que tel, le fait que les particularistes de tous bords (Welf, Polonais, Lorrains, Alsaciens…) s'y allient, que le parti soit dans l'opposition gouvernementale, que ses membres penchent pour le fédéralisme, par opposition à l'État fédéral moins lâche, et pour un rapprochement avec la catholique Autriche-Hongrie en font de facto une menace pour l'intégrité de l'Empire tel que Bismarck l'entrevoyait dans son état d'alors. Bismarck sent rapidement le danger et utilise l'opportunité que lui offre le pape de déclencher le Kulturkampf[6].

Otto von Bismarck, chancelier impérial et ministre-président de Prusse est le grand artisan du Kulturkampf.

Par ailleurs, les prêtres polonais posent à l'époque un problème au chancelier car ils tendent à « repoloniser » les territoires prussiens habités par la minorité polonaise. Bismarck, en tant que chancelier de l'empire allemand, se doit de réagir pour les empêcher de prêcher et d'enseigner[7]. Les pangermanistes parlent même avec indignation des Daicz katolicki, ces Allemands catholiques établis dans la Pologne prussienne, qui auraient été polonisés par le clergé catholique. Vers la fin du siècle, Otto Richard Tannenberg, qui représente le pangermanisme populiste, évoque ces jeunes Polonaises qui vont travailler en Allemagne et ramènent un fiancé allemand ; leur mariage est béni par le curé et les enfants élevés à la polonaise : « le grand-père s’appelait Schroeter, le petit-fils s’appelle Szreda et est un agitateur polonais de première classe ! »

Un Kulturkampf badois

Avant l'unité allemande, le grand-duc de Bade Frédéric Ier, gendre du roi de Prusse, avait déjà entrepris un Kulturkampf dans les années 1860. Les libéraux au gouvernement obligent les prêtres à se soumettre à un examen de « culture », comprendre de fidélité à l'État. Les récalcitrants sont suspendus. Par ailleurs, un mariage civil est également créé. On peut donc le voir comme un précurseur du Kulturkampf à l'échelle de l'Empire[8].

Le conflit

Embrasement du conflit sous Pie IX

Pie IX

Dans le contexte du Risorgimento, qui menace sa domination, le pape Pie IX choisit de soutenir les ultramontains[4]. En 1864, il publie le Syllabus Errorum : une liste de 80 erreurs qui seraient présentes dans la politique, la culture et la science moderne. La liberté d'expression et la liberté religieuse, ainsi que la séparation de l'Église et de l'État, figurent notamment dans la liste. Le premier concile œcuménique du Vatican, qui dure de 1869 à 1870, tente de renforcer l'autorité papale avec notamment la proclamation de l'infaillibilité pontificale en matière de théologie. Ces déclarations ex cathedra doivent avoir un caractère universel. Ces mesures conservatrices en contrepieds avec l'évolution politique de l'époque ne font que creuser le fossé entre les partis. En Allemagne, les libéraux sont particulièrement virulents contre ce choix, considérant que l'infaillibilité pontificale s'oppose à la liberté d'opinion et à la libre conscience. Il est également à noter que le clergé allemand est majoritairement opposé à cette décision[8].

Peu après ce concile, en été 1870, la France, protectrice des États Pontificaux, retire ses troupes de Rome, afin de pouvoir mener la guerre contre la Prusse. Elle est rapidement vaincue. La défaite provoque la chute du Second Empire. Les nationalistes italiens en profitent pour s'emparer des États pontificaux qui sont annexés à l'État-nation italien en . Les Etats Pontificaux sont rayés de la carte. Le pape s'enferme dans son palais du Vatican où il se considère prisonnier du roi d'Italie. En France, Paris est assiégé. Les Parisiens affamés instaurent la Commune de Paris qui mène une politique anticléricale. L'archevêque de Paris est passé par les armes. L'Allemagne est unifiée sous l'égide de la Maison de Hohenzollern, dynastie protestante. Le catholicisme s'y trouve menacé, l'Empire allemand, créé le , étant un État majoritairement protestant.

Lois contre l'Église et les catholiques

En réaction, le chancelier s'allie politiquement sur le sujet avec les libéraux, mais aussi les conservateurs. Le ministre de la Culture prussien Adalbert Falk est l'homme chargé de cette politique[9]. Le chancelier tient des discours contre les catholiques et les membres du Zentrum qui avec les autres minorités sont qualifiés d'« ennemis de l'Empire[citation 1] »[10]. Le , lors d'un discours devant le Reichstag, Bismarck déclare « nous n'irons pas à Canossa[citation 2] ! » et « nous ne céderons rien[citation 3] » face à l'Église catholique[9]. Les relations diplomatiques entre l'Allemagne et le Vatican sont rompues en 1872. Avec ses alliés, Bismarck fait passer une série de lois et de décrets dirigés de manière directe ou indirecte contre l'Église catholique :

Adelbert Falk, ministre de la Culture prussien de l'époque, met en place le Kulturkampf (photo de 1900).
  • En  : Bismarck dissout le département du ministère de la culture prussien affecté aux catholiques[7].
  • Le  : loi dite « paragraphe de la chaire[citation 4] », interdit aux religieux de prendre des positions politiques dans le cadre de leur fonction sous peine d'emprisonnement pour une durée allant jusqu'à 2 ans. Ironie de l'histoire, la loi est présentée par les députés bavarois[7].
  • Le  : la « loi sur l’inspection des écoles[citation 5] » nationalise les établissements scolaires confessionnels.
  • Le  : les jésuites n'ont plus le droit d'installer des établissements en Allemagne. On parle de « loi (anti) jésuite[citation 6] »[11].
  • En mai 1873 : les « lois de mai[citation 7] » font de l'État le responsable de la formation et de l'affectation des ecclésiastiques, ceux-ci sont donc contraints de passer des examens de culture. Les propriétés de l'Église doivent être dirigées par un représentant des communes. Les petits séminaires sont supprimés[9].
  •  : Rudolf Virchow utilise pour la première fois le terme « Kulturkampf » pour désigner le conflit[12].
  • 1874 : le mariage civil devient le seul mariage de référence en Prusse. Le mariage religieux n'est autorisé qu'après conclusion d'un mariage civil[13]. Cette loi est imposée dans l'ensemble de l'Empire allemand le [9].
  • 1875 : la « loi de la corbeille de pain[citation 8] » coupe les subventions publiques pour l'Église catholique si les ecclésiastiques ne se soumettent pas à la volonté de l'État. La « loi des monastères[citation 9] » chasse les congrégations religieuses du territoire allemand, mais garde les congrégations hospitalières. Leurs biens, écoles et couvents, sont confisqués. Les prêtres doivent désormais être élus[9].

La discrimination à l'égard des catholiques s'exerce aussi dans la fonction publique de l'État prussien. Les prêtres réfractaires sont déchus de la nationalité allemande et exilés.

Face à ces lois la résistance est surtout passive, ainsi les prêtres rejettent les lois de mai en ne se présentant pas aux examens. En outre, face à la loi des monastères, le pape déclare le que toute personne la respectant serait menacée d'excommunication. Le , Eduard Kullmann (de), artisan catholique âgé de 21 ans, commet un attentat contre le chancelier allemand ; cependant, ce dernier n'est que légèrement blessé[9].

« Zwischen Berlin und Rom » (Entre Berlin et Rome), Kladderadatsch, 1875.

Le conflit ne touche pas également tous les États fédérés allemands : alors qu'en Prusse et dans le Bade il bat son plein, la Bavière et le Wurtemberg sont relativement épargnés. Dans la première, très catholique, le gouvernement royal du régent Luitpold de Bavière ne trouve pas de soutien auprès de son parlement pour faire voter les lois. Seuls les décrets sont appliqués. Dans le second, à large majorité protestante, le rôle de l'évêque catholique de Rottenburg Karl Joseph von Hefele n'est pas à négliger[9].

Statistiques

À la fin du conflit, 1 800 prêtres catholiques se trouvent en prison. L'État a réquisitionné pour 16 millions de Goldmark de biens à l'Église[14]. Entre autres, l'archevêque de Posen, Mgr Mieczysław Ledóchowski, est emprisonné avec une peine de 2 ans pour haute trahison[15], puis exilé ; celui de Paderborn, Mgr Martin, jeté en prison, comme celui de Cologne, Mgr Melchers, ou celui de Trêve Mgr Matthias Eberhard (en), qui est condamné le à une amende de 130 000 Goldmark et 9 mois de prison, il y meurt au bout de 6[14]. L'évêque de Munster , Mgr Brinkmann est déposé et s'exile aux Pays-Bas. En 1875, 241 clercs, 136 rédacteurs, 210 autres catholiques sont condamnés à des amendes ou emprisonnés. 74 logements sont perquisitionnés, 55 organisations dissoutes, 20 journaux mis sous scellés et 103 personnes sont internées ou exilées. En 1877, sur 12 diocèses, 8 sont vacants, dont 6 par destitution et 2 pour cause de décès. En 1880, environ 1 000 paroisses, soit environ un quart des communes, n'ont pas de prêtre[9].

Malgré la rudesse du conflit, seule la voie légale a été employée. Les associations et journaux catholiques n'ont en général pas été attaqués[16].

Échec de la politique

Otto von Bismarck n'atteint pas tous les objectifs qu'il s'est fixés avec le Kulturkampf. Ainsi le Zentrum ressort renforcé, avec des scores aux élections supérieurs à ceux d'avant la mise en place de cette politique. La création en réaction du concile de l'Église vieille-catholique ne provoque pas de division dans le catholicisme. Sous la pression, l'Église, les laïcs catholiques et son bras politique, le Zentrum, en sortent unis. Certains des soutiens du chancelier se montrent également irrités par cette politique; ainsi, les conservateurs protestants ne sont partisans, ni du mariage civil, ni de l'immixtion de l'État dans les écoles; les libéraux craignent que les droits de l'Homme soient menacés. Une répression toujours plus féroce ne semble pas être non plus la solution qui pourrait affaiblir les catholiques[17],[18].

Fin du conflit

Léon XIII

Bismarck, après avoir gagné sur quelques points, se montre prêt à négocier avec l'Église. Bismarck a notamment besoin à partir de 1878 d'une nouvelle majorité pour faire voter les lois antisocialistes, or il sait que les libéraux ne peuvent consentir à de telles lois. De son côté, Rome, face à son Église allemande, est complètement désorganisée et souhaite également mettre fin au conflit[18].

Pie IX meurt en 1878, son successeur est Léon XIII. Cette élection est unanimement comprise comme un signe de paix[18]. Ce dernier envoie aussitôt un message au Kaiser Guillaume Ier faisant « appel à la magnanimité de son cœur pour que la paix et la tranquillité des consciences soient rendues aux catholiques ». Il veillera en contrepartie « comme la foi qu'ils professent le leur prescrit, [qu'ils se montrent], avec le plus consciencieux dévouement, des sujets respectueux et fidèles de Sa Majesté. » Le contact se rétablit et des négociations ont lieu directement entre la Curie et le gouvernement allemand, le Zentrum perçu comme peu fiable par le pape est contourné, cela marque les catholiques allemands par la suite. La Curie se montre plus diplomate que les politiques allemands[19]. Pendant les dix-huit mois que durent les négociations, les socialistes commettent deux attentats contre l'empereur. La situation politique évoluant, le chancelier de fer déclare  : « je suis tout prêt à faire un petit Canossa[20] ». Adalbert Falk, l'instigateur du Kulturkampf, doit se retirer en juillet 1879[19]. En 1881, Les 1 500 prêtres expulsés de leurs paroisses peuvent revenir, et les congrégations religieuses peuvent rentrer d’exil, à l’exception des jésuites, qui devront attendre 1903 et des archevêques de Cologne et de Posen, respectivement Mgr Melchers et Mgr Ledochowski, qui sont rappelés par le pape à Rome en signe d'apaisement[19]. En 1882, la Prusse recommence à payer les traitements ecclésiastiques. En été 1882, les relations diplomatiques entre l'Empire allemand et le Saint-Siège sont rétablies[19]. En 1883, il est décidé que les évêques n'auront plus à soumettre la nomination des curés aux autorités civiles. Enfin, les lois de mai sont révisées en 1886. Entretemps, le Kronprinz Frédéric a demandé et obtenu une audience pontificale.

En échange, le pape oblige le Zentrum, pourtant réticent, à voter pour les lois antisocialistes et pour la loi du septennat, faisant passer la durée du budget militaire à 7 ans[19].

Les « lois de paix[citation 10] » de 1886 et 1887 mettent un terme définitif au conflit côté allemand[19]. Côté Vatican, Léon XIII déclare officiellement le que le « combat qui endommagea l'Église et ne servit en rien l'État » est fini. Les deux partis ont su garder la face dans les négociations[21].

Plus tard, en 1888, 1893 et 1903, non sans commettre quelques impairs, Guillaume II rend visite au pape.

Conséquences

Le Kulturkampf marque une étape importante dans la séparation de l'État et de l'Église en Allemagne. Elle cesse d'évoluer avec la république de Weimar. Il a également pour conséquence que les catholiques restent des citoyens de seconde zone jusqu'en 1918.

La loi (anti)jésuite est abrogée en 1917, le paragraphe de la chaire en 1953. Ce n'est que depuis le qu'un mariage religieux peut être célébré sans avoir été précédé d'un mariage civil. Ce cas reste cependant rare, le cadre légal du mariage civil étant recherché. La loi sur l’inspection des écoles est toujours en vigueur.

Armin Heinen (de) doute de la thèse, souvent rencontrée, que les libéraux se seraient faits manipuler par Bismarck pour lutter contre les catholiques. La prise d'initiative des libéraux du Sud de l'Allemagne réclamant une séparation de l'État et de l'Église, poussant Bismarck à agir en ce sens, a selon lui plus d'importance[22].

Analyse

Les historiens ont analysé le conflit ces dernières décennies en prenant plusieurs aspects en compte.

Manfred Görtemaker considère qu'on ne peut pas parler, comme Pie IX, d'une persécution des croyants. L'objectif est ici de briser ou de limiter l'indépendance de l'Église[17].

Dimension sociale

Au XIXe siècle, le courant libéral est surtout dominé par les bourgeois citadins. La population rurale, marginalisée par l'industrialisation, trouve alors dans le clergé un refuge et un porte-parole. Le Kulturkampf est donc aussi une lutte des classes avec d'une part les commerçants et les industriels et de l'autre des nobles anti-libéraux, les ecclésiastes et les fermiers. Les ouvriers se tenant entre les deux camps, sont courtisés aussi bien par les ultramontains, que les libéraux ou les socialistes[23].

Dimension politique

En 1867, la confédération de l'Allemagne du Nord est fondée puis transformée en Empire allemand en 1871. Dès le départ, le droit de vote au suffrage universel est introduit, ce qui apporte un grand succès au Zentrum. Les libéraux sont par contre menacés par cette nouvelle donne et cherchent à éradiquer l'influence du clergé. Leur tentative se montre toutefois contre-productive en rassemblant et mobilisant les croyants contre les premiers[23].

Dimension culturelle

L'historien David Blackbourn considère que le Kulturkampf est le conflit entre deux manières de vivre. Pour développer sa thèse, il renvoie à l'exemple de l'apparition de la Vierge à Marpingen en 1876. Trois jeunes filles affirment avoir vu à plusieurs reprises apparaître la Vierge Marie dans le bois de ce village. Ces apparitions ne sont pas reconnues par l'Église, les jeunes filles renient leurs dires, mais elles attirent tout de même des milliers de pèlerins en quelques jours. Peu après d'autres enfants disent avoir vu des apparitions, des guérisons miraculeuses sont également rapportées. Ces rassemblements attirent l'attention des autorités prussiennes, qui bloquent rapidement l'accès au site en envoyant des militaires et en mettant en place un tribunal. Ils comptent ainsi arrêter le flux de pèlerins[24].

Les autorités prussiennes avaient déjà agi de manière tout à fait comparable une génération auparavant après la création d'un pèlerinage pour adorer la Sainte Tunique à Trêves en 1844. Cette action avait provoqué un vif débat dans l'opinion publique. Comme réaction en 1845 Otto von Corvin rédige un livre aux accents anticléricaux, le Pfaffenspiegel (de) (le miroir du curé), tandis que Rudolf Löwenstein (en) écrit le poème Freifrau von Droste-Vischering zum heil’gen Rock nach Trier ging dans le journal satirique, le Kladderadatsch.

Le terme Kulturkampf

Rudolf Virchow utilise le premier le terme de Kulturkampf.

Le terme « Kulturkampf » a été employé pour la première fois dans le journal Zeitschrift für Theologie de Fribourg-en-Brisgau. Il apparaît dans une lettre anonyme écrite par le radical Ludwig Snell (de)sur la « signification du combat des libéraux catholiques suisses contre la curie romaine[citation 11] »[2]. En Allemagne c'est Rudolf Virchow qui introduit le terme le dans la chambre des représentants de Prusse[12],[25]. Il répète ensuite ce terme dans les affiches électorales du parti progressiste allemand le [26]. L'expression est critiquée par la presse catholique mais défendue par celle libérale[26].

Autres Kulturkampf

En allemand, le terme Kulturkampf peut désigner d'autres conflits entre l'Église et un État. Par exemple en Suisse. Les Kulturkampf bavarois et souabe ont ainsi débuté avant le prussien et sont ainsi souvent vus comme ses précurseurs. Ils démontrent également le caractère national du conflit[27].

En Suisse

Un mouvement semblable existe simultanément en Suisse, où il aboutit à la révision de la Constitution de 1874 et à l’adoption des articles d'exception, expulsant les jésuites, puis toutes les congrégations contemplatives et les bénédictins, et rendant non-éligibles prêtres et religieux, limitant le nombre d’évêchés (interdisant la création de nouveaux évêchés sans l'accord du gouvernement) et la création de nouveaux couvents, et interdisant les novices. Les cantons les plus touchés sont ceux de Berne et de Genève. À Genève, le Kulturkampf aboutit à l'adoption des articles interdisant le culte extérieur. Ceux-ci sont encore valables aujourd'hui pour toute personne ayant un domicile ou une résidence dans le canton.

Notes et références

(de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Reichstag (Deutsches Kaiserreich) » (voir la liste des auteurs).

Citations

  1. « Feinde des Reiches ».
  2. « Nach Canossa gehen wir nicht! »
  3. « keinen Fußbreit nachzugeben ».
  4. « Kanzelparagraph ».
  5. « Schulaufsichtsgesetz ».
  6. « Jesuitengesetz ».
  7. « Maigesetze ».
  8. « Brotkorbgesetz ».
  9. « Klostergesetz ».
  10. « Friedensgesetze ».
  11. « Die Bedeutung des Kampfes der liberalen katholischen Schweiz mit der römischen Kurie ».

Références

  1. a et b Nipperdey 1992, p. 364.
  2. a et b Borutta 2011, p. 11.
  3. Borutta 2011, p. 13.
  4. a et b Borutta 2011, p. 15.
  5. Nipperdey 1992, p. 366.
  6. Nipperdey 1992, p. 370.
  7. a b et c Nipperdey 1992, p. 372.
  8. a et b Nipperdey 1992, p. 368.
  9. a b c d e f g et h Nipperdey 1992, p. 374.
  10. (de) Manfred Görtemaker, Deutschland im 19. Jahrhundert. Entwicklungslinien., Opladen, , p. 277 et 278.
  11. sans la date exacte, Nipperdey 1992, p. 374.
  12. a et b (de) Heinrich August Winkler, Der lange Weg nach Westen. Deutsche Geschichte 1806–1933, Munich, , p. 222.
  13. Görtemaker 1983, p. 279.
  14. a et b (de) David Blackbourn, Marpingen. Das deutsche Lourdes in der Bismarckzeit., t. 6, Saarbruck, Historische Beiträge des Landesarchivs Saarbrücken, , 645 p. (ISBN 978-3-9808556-8-6), p. 128.
  15. (de) « ieczyslaw Graf Halka-Ledochowski » (consulté le ).
  16. Nipperdey 1992, p. 376.
  17. a et b Görtemaker 1983, p. 280.
  18. a b et c Nipperdey 1992, p. 380.
  19. a b c d e et f Nipperdey 1992, p. 414.
  20. Daniel-Rops, op cité, p. 155.
  21. Nipperdey 1992, p. 416.
  22. (de) Armin Heinen, « Umstrittene Moderne. Die Liberalen sind der preußisch-deutsche Kulturkampf », Geschichte und Gesellschaft, vol. 1, no 29,‎ , p. 138-156, 140, 143 et 144.
  23. a et b Borutta 2011, p. 22.
  24. Blackbourn 2007.
  25. (de) Karl Bachem, Vorgeschichte, Geschichte und Politik der Deutschen Zentrumspartei, t. III, , p. 268–269.
  26. a et b Bachem 1927, p. 269.
  27. par exemple Borutta 2011, p. 21.

Bibliographie

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes