Aller au contenu

Georges de Grèce

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 21 août 2007 à 19:52 et modifiée en dernier par Konstantinos (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)

Le prince George de Grèce et du Danemark (en grec : Πρίγκιπας Γεώργιος) est né le 24 juin 1869 à Corfou, en Grèce, et est décédé le 25 novembre 1957 à Saint-Cloud, près de Paris. C’est un membre de la famille royale hellène et un gouverneur de la Crète.

Famille

Le prince Georges est le second fils du roi Georges Ier de Grèce (1845-1913) et de son épouse la grande-duchesse Olga Constantinovna de Russie (1851-1926). Il est également le petit-fils du roi Christian IX de Danemark (1818-1906), surnommé le « beau-père de l’Europe ».

Les 21 novembre et 12 décembre 1907, Georges de Grèce épouse civilement (à Paris) puis religieusement (à Athènes) la princesse Marie Bonaparte (1882-1962), fille de Roland Bonaparte (1858-1924), lui-même descendant du prince Lucien Bonaparte (1775-1840), et de son épouse Marie-Félix Blanc (1859-1882).

De l’union de Georges et de Marie naissent 2 enfants :

  • Pierre de Grèce (1908-1980), prince de Grèce et de Danemark, qui épouse morganatiquement la divorcée Irina Aleksandrovna Ovtchinnikova (1900-1990) et perd donc ses droits dynastiques ;
  • Eugénie de Grèce (1910-1988), princesse de Grèce et de Danemark, qui épouse le prince Dominique Radziwill (1911-1976) mais en divorce en 1948 et se remarie l’année suivante avec Raymond von Thurn und Taxis, prince della Torre e Tasso et duc de Castel Duino, avant de divorcer une seconde fois en 1965.

Biographie

Premières années

Le prince Georges passe son enfance en Grèce, aux côtés de ses parents et de ses six frères et sœurs. Mais, en 1859, alors qu’il n’a que 14 ans, il est envoyé par son père au Danemark, afin d’y intégrer la marine royale. A Copenhague, l’adolescent est accueilli par le plus jeune de ses oncles paternels, le prince Valdemar de Danemark (1858-1939), alors amiral de la flotte. Pour Georges, cette rencontre est une révélation : il tombe éperdument amoureux du jeune homme de 25 ans et éprouvera désormais le besoin de se retrouver régulièrement à ses côtés [1].

En 1891, le tsarévitch Nicolas de Russie (1868-1918) part pour un voyage autour du monde qui doit le conduire aux Indes, en Malaisie, à Java, en Thaïlande, au Vietnam, en Chine et au Japon. Or, le prince Georges de Grèce est alors lieutenant de vaisseau dans la marine russe et son oncle, le tsar Alexandre III (1847-1928), lui demande d’accompagner son cousin durant son périple. Dans les premiers temps, l’expédition se passe pour le mieux et la suite princière découvre avec beaucoup de plaisir les délices de l’Asie, se livrant tantôt à la chasse au tigre, tantôt à l’achat d’antiquités.

Malheureusement, l’étape nippone du voyage se révèle beaucoup plus éprouvante que ne l’avaient été les précédentes destinations. Le 11 mai 1891, Tsuda Sanzō, un policier japonais chargé par le gouvernement de son pays d’escorter l’héritier du trône russe, tente d’assassiner ce dernier en le frappant par deux fois à la tête avec son sabre. L’événement, connu sous le nom de « Scandale d’Ōtsu », est l’occasion pour Georges de Grèce de révéler son courage. Il réussit en effet à assommer l’agresseur de sa canne et à sauver ainsi le futur Nicolas II d’une mort certaine.

La gloire dont s’auréole alors le fils du roi des Hellènes est toutefois de courte durée. De fait, les nouvelles qui parviennent à Saint-Pétersbourg présentent Georges comme le principal responsable de l’attentat. Selon celles-ci, le prince aurait en effet entraîné son cousin dans des lieux dangereux. Pire encore, il aurait poussé le tsarévitch à profaner un temple et aurait ainsi provoqué la colère de la population. Georges est donc disgracié et doit quitter son cousin et la flotte russe, ce qui ternit durablement son image. Malgré tout, le tsarévitch se montre reconnaissant vis-à-vis de son cousin et fait taire ses détracteurs après son retour en Europe.

En 1896, Georges et deux de ses frères, le futur roi Constantin Ier et le prince Nicolas, s’impliquent dans l’organisation des premiers Jeux Olympiques modernes. Fort de son expérience marine, le prince Georges sert alors de président dans les sous-comités pour les sports nautiques.

Haut-commissaire en Crète

En 1897, une révolte irrédentiste éclate en Crète et la Grèce, désireuse d’annexer les provinces hellènes encore sous domination turque, déclare la guerre à l’Empire ottoman : c’est la guerre gréco-turque. Cependant, Athènes est très mal préparée au combat et la Sublime porte parvient facilement à écraser son adversaire. Les grandes puissances européennes (Grande-Bretagne, France, Russie, Italie), d’abord opposées à la Grèce, empêchent cependant les Turcs d’imposer des conditions trop dures au royaume hellène. Surtout, elles décident de donner à la Crète son autonomie tout en la laissant placée sous suzeraineté ottomane. Mais, pour cela, les chancelleries ont besoin d’un gouverneur bénéficiant du soutien de la population crétoise : elles demandent donc à Georges d’assurer la position de haut-commissaire dans l’île.

Contrairement aux apparences, la charge confiée au prince est loin d’être de tout repos. Les Crétois se montrent peu satisfaits de la solution intermédiaire que leur imposent les étrangers et des émeutes continuent à se produire dans l’île. Dans le même temps, les grandes puissances se comportent plus en conquérantes qu’en libératrices : elles occupent chacune une partie du territoire et se montrent incapables de s’entendre. Ajoutons à cela que Georges a le sentiment de n’être pas soutenu par le gouvernement grec, trop échaudé par la guerre qu’il vient de perdre pour s’investir dans les affaires crétoises.

Pour faire face à l’instabilité qui règne dans l’île, le prince choisit donc de gouverner sans trop s’occuper de son assemblée. Malheureusement, en agissant ainsi, le fils du roi des Hellènes s’attire les foudres d’Eleftherios Venizelos, leader des partisans de l’Enosis et ministre de la Justice du gouvernement crétois. Les deux hommes entrent bientôt dans un conflit ouvert qui déstabilise davantage l’île.

En 1905, Venizelos convoque une assemblée révolutionnaire illégale à Theriso, dans les collines, près de Chania, alors capitale de la Crète. L’année suivante, les élections à l’assemblée officielle divisent profondément la population crétoise : 38 127 personnes soutiennent le prince tandis que 33 279 autres offrent leurs voix aux partisans de Venizelos. Une révolte ouverte se déclare, pendant laquelle la gendarmerie insulaire reste fidèle au prince Georges tout en effectuant son travail le plus objectivement possible.

Finalement, en 1906, la diplomatie britannique organise des négociations entre les deux camps. Le 23 juillet, le prince Georges décide de quitter ses fonctions de haut-commissaire et fuit la Crète en se cachant. Deux ans plus tard, malgré tous les efforts des grandes puissances, l’assemblée crétoise proclame à nouveau unilatéralement son rattachement à la Grèce.

Mariage et vie privée

A partir de cette date, le prince Georges de Grèce ne joue plus aucune fonction officielle importante. En 1907, il épouse la princesse Marie Bonaparte qui provient d’une famille peu prestigieuse[2] mais fort riche[3]. Le mariage n’est pas très heureux du fait de l’homosexualité de Georges et du caractère compliqué de l’intelligente Marie. Pourtant, au sein de ce couple improbable, naît une profonde amitié qui traverse les années et les tromperies réciproques.

Jusqu’en 1912, le couple princier partage son temps entre Athènes, Paris et Bernstorff, où Valdemar de Danemark possède un château. C’est l’époque où les enfants de Georges et de Marie voient le jour et où les deux époux connaissent les joies simples d'être parents. Mais c’est également une longue période d’oisiveté pendant laquelle Georges n’a guère de rôle officiel, hormis l’organisation d’épreuves de gymnastiques lors des jeux panhelléniques et la représentation de Georges Ier de Grèce lors du couronnement du roi George V du Royaume-Uni (1865-1936).

=Le temps des épreuves

En 1912 éclate la Première Guerre balkanique qui oppose la Bulgarie, la Serbie, le Montenegro et la Grèce à l’Empire ottoman. Les Turcs sont vaincus mais les anciens alliés ne parviennent pas à s’entendre car la Bulgarie se montre trop exigeante au moment du partage des territoires abandonnés par Istanbul. Cette mésentente provoque le déclenchement de la Deuxième Guerre balkanique (1913), qui unit cette fois la Grèce, le Montenegro, la Serbie, l’Empire ottoman et la Roumanie contre la Bulgarie. Pendant ces événements, le prince Georges est d’abord affecté à l’Etat-major de la marine hellène avant d’être nommé comme aide de camp général de son père.

La Grèce sort de ces deux conflits considérablement agrandie. Pourtant, un terrible événement vient assombrir les réjouissances qui marquent la fin du deuxième conflit. Le 18 mars 1913, le roi Georges Ier est assassiné alors qu’il se promène dans les rues de Thessalonique, ville tout juste rattachée à la Grèce. Il s'agit de la première d’une série de morts violentes qui vont frapper la famille royale.

En 1914, lorsque débute la Première Guerre Mondiale, le royaume hellène reste neutre et le prince Georges et son épouse séjournent longuement en France, où ils soutiennent de leur cassette divers hôpitaux et institutions caritatives. Pendant les trois premières années du conflit, la situation n’évolue guère à Athènes. Pourtant, en mai 1917, le premier ministre Eleftherios Venizelos, ennemi juré de Georges depuis sa mission crétoise, organise un coup-d’Etat contre le roi Constantin Ier de Grèce (1868-1923) afin d’obliger son pays à s’engager dans la guerre aux côtés des Alliés. Après cet événement, les chancelleries de la Triple entente envisagent un temps de nommer Georges et Marie à la tête du royaume de Grèce mais c’est finalement le second fils de Constantin, Alexandre Ier de Grèce (1893-1920), qui est retenu comme roi. De toutes façons, Georges est profondément fidèle à son frère aîné et n’aspire plus à jouer aucun rôle politique depuis des années.

Tous ces événements provoquent l’exil d’une grande partie de la famille royale grecque, dont certains membres trouvent refuge dans la résidence parisienne de Georges et Marie[4]. Pourtant, tous les parents du prince ne trouvent pas la même sécurité. En 1918, le tsar Nicolas II, son épouse et leurs cinq enfants sont assassinés par les Bolcheviks et, l’année suivante, c’est au tour de deux beaux-frères du prince Georges, les grands-ducs Paul Alexandrovitch et Georges Mihailovich de Russie, d’être exécutés par les sbires de Lénine. A ces disparitions, s’ajoute celle du jeune roi Alexandre Ier, victime, en 1920, d’une septicémie provoquée par une morsure de singe.

A l’ombre de Marie

En 1925, la princesse Marie prend contact avec Sigmund Freud et part à Vienne pour que ce dernier l’analyse. Le prince Georges, profondément conservateur, désapprouve son épouse et tente de la dissuader d’entreprendre le voyage. Mais la petite-nièce de Napoléon Ier est têtue et rencontre malgré tout le praticien autrichien : c’est le début d’une amitié féconde. Au fil des années, le comportement de Georges vis-à-vis de Freud va évoluer et le prince lui témoignera de plus en plus de respect. Il reste que si l’époux de Marie Bonaparte apprend à apprécier le personnage, il refuse malgré tout d’adhérer à ses idées et préfère rester éloigner des travaux de son épouse.

En 1936, Georges et sa famille rentrent pour la première fois en Grèce après 16 ans d’exil. Ils y reçoivent un accueil chaleureux de la part de la population, ce qui rassure profondément le prince. Deux ans plus tard, Georges et son épouse retournent à nouveau dans leur pays et poursuivent même leur visite jusqu’en Crète, où l’ancien haut-commissaire n’a jamais remis les pieds depuis 1906. Là encore, les habitants réservent à l’oncle de leur roi un accueil triomphal.

Cependant, les joies du prince sont de courte durée. A son retour de Crète, celui-ci se brouille avec son fils, Pierre de Grèce, qui entretient une liaison avec une roturière divorcée qu’il finit par épouser en 1939. Surtout, Georges doit faire face au décès de celui qu’il aime le plus au monde, le prince Valdemar de Danemark. Pour lui, c’est le début d’une longue période de mélancolie teintée de mauvaise humeur.

De Paris, Georges et son épouse assistent par ailleurs impuissants à la montée du nazisme en Allemagne et aux persécutions antijuives[5]. Lorsqu’éclate la Deuxième Guerre mondiale, le couple décide donc d’abord de rester à Paris et fait don à la Croix-Rouge française de plusieurs ambulances. Cependant, l’invasion de la patrie d’origine de la princesse Marie conduit Georges et sa famille à rejoindre la Grèce en février 1941.

Malheureusement, l’avancée allemande se poursuit en Europe et la Grèce est à son tour envahie par les nazis. Accompagnés par la famille royale hellène, Georges et Marie fuient donc en Crète puis en Egypte, avant de s’établir pour plusieurs années en Afrique du Sud. C’est seulement en octobre 1944 que le couple princier regagne l’Europe et, quelques semaines plus tard, Georges se fait opérer à Londres d’un épithéliome du larynx.

En 1945, le prince et son épouse rentrent à Paris mais, à peine arrivé, Georges se hâte de repartir au Danemark afin d’y retrouver le souvenir de son bien-aimé. Enfin, l’année 1945 se clôture pour Georges et Marie par un séjour de plusieurs mois au Canada et aux Etats-unis, où la disciple de Feud réalise une série de conférences.

Pendant les dix dernières années de sa vie, le prince Georges réalise encore une série de voyages officiels en Europe afin de représenter le roi de Grèce lors de cérémonies. Il assiste ainsi aux funérailles du roi Christian X de Danemark (1870-1947), au couronnement de la reine Juliana des Pays-Bas (1909-2004), au mariage du prince Philippe de Grèce avec la future Elizabeth II du Royaume-Uni et au couronnement de cette même Elizabeth. Il retourne également chaque hiver en Grèce à partir de 1948 et effectue une nouvelle visite en Crète en 1954.

Le 21 février 1957, Georges et son épouse fêtent leurs noces d’or aux côtés de leurs parents et amis. Quatre jours plus tard, le prince, alors âgé de 88 ans, meurt d’hématurie après une longue agonie. Il était le plus vieux des princes d’Oldenbourg de sa génération. on corps est transporté peu après au cimetière royal de Tatoi, en Grèce.

Divers

A sa mort, le prince Georges lègue sa collection de 3000 tabatières de style Empire au musée de La Malmaison.

En Crète, la station balnéaire de Georgioupoli, située entre Chania et Rethimno, a été baptisée d’après le nom du prince Georges.

Œuvre

  • George, prince of Greece and Denmark, The Cretan Drama. The Life and Memoirs of Prince George of Greece ... , A. A. Pallis, Londres, 1959.

Bibliographie

  • Celia Bertin, Marie Bonaparte, Perrin, Paris, 1982 (ISBN : 226201602X)


  1. Selon les Souvenirs de Marie Bonaparte, Georges de Grèce lui aurait déclaré, en parlant de Valdemar : « De ce jour, de cet instant, je l’aimai, et je n’ai jamais eu d’autre ami que lui ». Cf. Celia Bertin p. 151.
  2. Le grand-père paternel de Marie, le prince Pierre-Napoléon Bonaparte (1815-1881) s'est en effet rendu coupable d'un assassinat en 1870. Il a, par ailleurs, épousé une roturière sans jamais recevoir l'autorisation de l'empereur Napoléon III (1808-1873), ce qui pose des doutes sur la qualité princière de Marie avant son mariage avec Georges.
  3. Le grand-père maternel de Marie, François Blanc (1806-1877), est en effet le fondateur de la Société des Bains de Mer de Monaco.
  4. C'est particulièrement le cas du prince André de Grèce (1882-1944) et de sa famille.
  5. Rappelons que c’est Marie Bonaparte qui a payé la rançon que demandait le IIIè Reich pour laisser Freud et sa famille quitter l’Autriche.