Réforme des retraites en France en 2023

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Début , le gouvernement Élisabeth Borne lance un nouveau processus de réforme des retraites en France en annonçant des objectifs, des éléments de contenu et un projet de loi qui sera déposé en février[1]. À la différence du projet de 2020, suspendu par la pandémie de Covid-19, cette réforme repose principalement sur le report de l'âge légal de départ à la retraite et l'augmentation du nombre de trimestres cotisés pour arriver à une retraite à taux plein[2]. Le , le gouvernement a adopté en Conseil des ministres la réforme des retraites, affichant sa « détermination » à aller jusqu'au bout sans « renoncer » au report de l'âge légal de départ à la retraite[3].

Elle fait suite aux réformes de 1993, 2003, 2010, 2013-2014, et 2020[4].

Les objectifs annoncés de la réforme sont entre autres la pérennité du système de retraite par répartition sur le long terme et l'application du montant minimal de retraite de 1 200 euros pour une carrière complète[5] prévu par la loi depuis 2020. La principale source d'économie de la réforme proposée est le report de l'âge légal à 64 ans. La réforme vise également, selon le gouvernement, à compenser la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) à partir de 2024, soit un coût de 8 milliards d’euros par an[6].

Le projet de réforme rencontre une forte opposition de la part de tous les principaux syndicats, d'une majorité des Français selon les sondages, ainsi que de la NUPES et du RN, il bénéfice d'un fort soutien des organisations patronales et d'un soutien majoritaire au Parlement, malgré les divisions de la majorité présidentielle, qui bénéficie néanmoins du soutien des LR.

Contexte

Origine, évolution et chronologie du projet

Les principales dispositions du projet présenté par Élisabeth Borne le 10 janvier[7] :

  • âge légal de départ à la retraite : reporté de 62 ans à 64 ans ;
  • durée de cotisation : 43 ans minimum pour avoir la retraite à taux plein[8] ;
  • minimum de pension : relevé à 85 % du smic (environ 1 200 euros net par mois) pour une carrière complète, pour tous les retraités et dès à présent ;
  • fin des régimes spéciaux, comme ceux des transports publics parisiens ou des industries énergétiques par exemple ;
  • carrières longues : pas besoin de travailler plus de quarante-quatre ans. Ceux qui ont commencé à travailler à 16 ans pourront donc partir à 60 ans. La durée de 44 ans inclut les périodes de congé parental ;
  • pénibilité : les critères tels que port de charges lourdes ou postures pénibles sont pris en compte sous réserve d'un examen médical ouvrant la possibilité à un départ anticipé à 62 ans.
Exemple d'évolution, une manifestation unitaire à Reims.
Aperçu de la manifestation du , à Besançon.

Accueil de la proposition de réforme

Position des organisations syndicales et patronales

Les huit principaux syndicats français (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires, FSU) appellent le 10 janvier à une journée de grève et de mobilisations le jeudi 19 janvier[9].

Les organisations patronales (MEDEF, CPME, U2P) sont globalement satisfaites de la réforme, à l'exception de la mise en place d'un « index senior » qui a pour but d'évaluer l'emploi des seniors dans chaque entreprise[10].

Position des partis politiques et du gouvernement

  • l'ensemble des partis de gauche (LFI, PS, EELV, PCF) ont fait part de leur opposition à la réforme et ont appelé à rejoindre la première journée de mobilisation organisée par les syndicats le 19 janvier[9]. LFI a décidé le 10 décembre de participer à une « marche pour nos retraites » organisée le 21 janvier par de nombreuses organisations de jeunesses[11] . À l’initiative des élus communistes, une centaine de députés de la Nupes ont déposé mardi 24 janvier une demande de référendum sur le projet de réforme des retraites. Cette proposition doit être débattue par l’Assemblée nationale le 6 février[12].
  • le groupe LIOT a l'Assemblée nationale a annoncé qu'il voterait contre la réforme des retraites et pour la motion référendaire déposée par la NUPES
  • le Rassemblement national est opposé à la réforme et a annoncé que ses députés voteraient contre, mais n'appelle pas à manifester[13].
  • Les Républicains soutiennent la réforme et envisagent de la soutenir au Parlement[14]. Cependant, malgré l’accord du parti avec la majorité présidentielle, de nombreux députés pourraient ne pas voter pour. En effet, le 23 janvier, France Inter a sondé chacun d'entre eux : « Seuls 15 nous ont assuré qu’ils voteraient « pour » […]. 16 élus voteraient aujourd’hui « contre » […]. On dénombre également sept « abstentions » et quatre « indécis », les 20 députés restants ayant refusé de répondre »[15]
  • bien que la majorité présidentielle soit a l'origine de la réforme des retraites, une minorité de ses parlementaires s'y opposent. Dans les rangs de Renaissance ou Horizons quelques-uns critiquent la réforme, dont l'ancienne ministre Barbara Pompili[16], le député de la Mayenne Yannick Favennec-Bécot[17]et le député de l'Hérault Patrick Vignal[18]. Au sein du MoDem, certains députés émettent des doutes. Le député du Haut-Rhin Bruno Fuchs, n'est pas sûr de voter la réforme[19] et le député du Loiret Richard Ramos appelle à entendre les Français « qui ont entre 53-54 ans et 58-60 ans »[20]. Cependant, d'autres souhaitent aller plus loin en augmentant le temps de travail hebdomadaire afin de générer plus de cotisations sociales[21].
  • Éric Zemmour, chef du parti Reconquête, estime que cette réforme « reprend globalement [ses] principes » mais appelle à « aller plus loin »[22].
  • le , au nom de la solidarité ministérielle, le ministre Franck Riester est recadré par Élisabeth Borne, pour avoir déclaré que les femmes seront plus pénalisées que les hommes par cette réforme[23],[24],[15].

Analyses d'économistes

Certains économistes ont proposé de mettre à contribution les retraites les plus élevées au nom de l'équité entre les générations, afin que la réforme ne repose pas sur les seuls actifs. Le gouvernement a cependant fermement rejeté cette option[25].

Selon Michael Zemmour, l’augmentation de la main-d'œuvre disponible sur le marché du travail constitue un autre objectif de la réforme, afin de prévenir les risques de difficultés de recrutement et d'augmentation des salaires. Selon les estimations de la direction générale du Trésor et de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le recul de l'âge de départ la retraite augmenterait la population active d’environ 100 000 personnes supplémentaires tous les ans durant neuf ans, ce qui conduirait à une hausse temporaire du chômage (notamment parce qu'une partie des seniors actifs, déjà au chômage à 62 ans, resterait au chômage) et ainsi à une modération des salaires[6].

Sondages d'opinion sur la réforme

Concernant le recul à 64 ans de l'âge minimum de départ à la retraite, le , 80 % des Français y sont opposés et 16 % y sont favorables selon un sondage Odoxa-AGIPI pour Challenges et BFM TV[26].

Selon un sondage Elabe réalisé le pour BFM TV après les annonces faites par la Première ministre Élisabeth Borne et les ministres concernés, 59 % des Français sont opposés à la réforme des retraites et 60 % approuvent la mobilisation[27].

Un sondage Ifop du pour L'Humanité indique que 68 % des Français sont opposés à ce projet de réforme. L'opposition est particulièrement forte chez les moins de 35 ans, les classes populaires et intermédiaires et les chômeurs, mais plus basse chez les retraités[28].

Précédents mouvements sociaux comparables en France

La première journée de manifestations du est selon le ministère de l'Intérieur, la plus forte mobilisation de ces trente dernières années[29] La manifestation contre la réforme des retraites a regroupé entre 1,12 selon le ministère de l'Intérieur et 2 millions de manifestants selon les syndicats. Une très forte affluence pour une première journée de mobilisation sociale, que l'on peut comparer avec les précédents mouvements sociaux en France :

International

Références

  1. Ministère du Travail et du Plein emploi et de l'Insertion, « Projet pour l'avenir de notre système de retraite », sur Ministère du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion, (consulté le ).
  2. « Réforme des retraites 2023 : âge, régimes spéciaux... les questions qui font débat », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le ).
  3. [« Retraites : pour Olivier Dussopt, revenir sur les 64 ans « serait renoncer au retour à l’équilibre » du système », sur L'Obs avec l'AFP (consulté le )
  4. Didier Blanchet, « Retraites : retour sur trente ans de débats et de réformes », Revue d'histoire de la protection sociale, vol. N°13, no 1,‎ , p. 87 (ISSN 1969-9123 et 2491-3049, DOI 10.3917/rhps.013.0087, lire en ligne, consulté le ).
  5. « Réforme des retraites 2023 : âge, carrières longues… Toutes les annonces d’Élisabeth Borne », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le ).
  6. a et b Michael Zemmour, « Bientôt, la retraite à 70 ans ? », sur Le Monde diplomatique,
  7. « Les détails (et le petit bonus) de la réforme des retraites présentée par le gouvernement français », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le )
  8. « DÉCRYPTAGE. Décote, surcote, taux plein : notre petit lexique pour déchiffrer la réforme des retraites », sur France 3 Centre-Val de Loire (consulté le )
  9. a et b « Réforme des retraites : les syndicats appellent à manifester le 19 janvier et promettent « une puissante mobilisation sur les retraites dans la durée » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. « Retraites : satisfait de la réforme, le patronat opposé à la mise en place d’un « index senior » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. « La France Insoumise organisera une «marche pour nos retraites» le 21 janvier à Paris », sur LEFIGARO, (consulté le ).
  12. « La NUPES dépose une motion référendaire contre la réforme des retraites », sur Le HuffPost, (consulté le )
  13. « RN et Nupes, la lutte pour le leadership de l’opposition sur les retraites », sur www.20minutes.fr, (consulté le ).
  14. « Réforme des retraites : Les Républicains qualifient de « succès » leur échange avec Élisabeth Borne », sur lejdd.fr (consulté le ).
  15. a et b Chez Pol, « Retraites : face aux réticences de LR et de la majorité, le ministre Riester est «à la rue» », sur Libération (consulté le )
  16. « Réforme des retraites : l'ex-ministre macroniste Barbara Pompili ne votera pas le texte en l'état », sur Le Figaro, (consulté le ).
  17. Gildas Menguy, « Le député de la Mayenne, Yannick Favennec (Horizons) ne votera pas "en l'état" la réforme des retraites », sur francebleu.fr, (consulté le )
  18. Marion Chevalet, « Réforme des retraites : "Si ça n'évolue pas, je ne voterai pas cette loi" prévient le député de la majorité Patrick Vignal », sur France Régions 3 avec l'AFP, (consulté le )
  19. « Bruno Fuchs (Modem) "pas certain" de voter la réforme des retraites avec un âge de départ à 65 ans », sur BFMTV (consulté le )
  20. « Réforme des retraites : "On est sur une poudrière sociale, il ne faut pas que ce texte soit la mèche qui l'allume", avertit un député du MoDem », sur France Info, (consulté le )
  21. « Réforme des retraites : des députés macronistes veulent revenir sur les 35 heures », sur Le Figaro,
  22. « Éric Zemmour : «ceux qui sont pour la retraite à 60 ans sont des irresponsables» », sur CNEWS,
  23. Richard Flurin et Dinah Cohen, « Retraites : le ministre Franck Riester admet que les femmes seront «un peu pénalisées» par la réforme », sur Le Figaro, (consulté le )
  24. « Retraites : Franck Riester admet que les femmes seront «un peu pénalisées» par la réforme », sur Le Parisien avec l'AFP, (consulté le )
  25. « Réforme des retraites : faire contribuer les retraités, le grand tabou », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne).
  26. Maxence D'Aversa, « Retraites : les Français rejettent massivement le projet de Macron », sur Challenges, .
  27. « Près de 6 Français sur 10 opposés à la réforme des retraites annoncée par Élisabeth Borne », sur ELABE, (consulté le ).
  28. « Opposition générale à la réforme des retraites », sur L'Humanité, .
  29. Mathieu Lehot-Couette pour France Télévisions, « PLUS FORTE MOBILISATION DES 30 DERNIERES ANNÉES Manifestation contre la réforme des retraites : visualisez l'ampleur de la première journée de mobilisation par rapport aux précédents mouvements », France Télévisions,‎ (lire en ligne).
  30. a et b © 2010 AFP, « Les plus grandes manifestations en France depuis 15 ans », La Dépêche,‎ (lire en ligne).
  31. a b c et d "«Les manifestations sont devenues des référendums», interview de Danielle Tartakowsky, historienne, par Guillaume Guichard, Le Figaro du 12/10/2010
  32. a b et c Guillaume Guichard, « «Les manifestations sont devenues des référendums» », Le Figaro,‎ (lire en ligne).
  33. http://www.gauchemip.org/spip.php?article1093
  34. (fr) « Le trafic ferroviaire conforme aux prévisions », sur www.liberation.fr (consulté le )
  35. Sujet au 20 heures de TF1 du 4 décembre 1986, présenté par Claude Sérillon, dans les archives télévisées de l'Ina
  36. « Retraites. Celui qui a porté la réforme en Suède invite Macron à ne pas reproduire les mêmes erreurs », sur Ouest-France, (consulté le )
  37. « L’homme qui a réformé le système de retraite suédois alerte Emmanuel Macron », sur Le Point, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes