Quatrième mur

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Au théâtre, le quatrième mur désigne un « mur » imaginaire situé sur le devant de la scène, séparant la scène des spectateurs et « au travers » duquel ceux-ci voient les acteurs jouer[1],[2]. Ce concept fut pour la première fois formulé par le philosophe et critique Denis Diderot et plus largement repris au XIXe siècle avec l'avènement du théâtre réaliste[3], puis par le comédien et metteur en scène André Antoine[4] qui voulait recréer sur scène la vraisemblance.

Le dramaturge allemand Berthold Brecht a aussi utilisé le 4e mur pour provoquer l’effet de distanciation par divers procédés communs aux deux approches.

Les écrans (cinématographiques, cathodiques, ou autres) représentent la variation physique du concept.

Paradoxalement, alors que le 4e mur constitue le lieu, sinon le lien physique entre une œuvre scénique et la salle de spectacle, et qu’un écran permet de surmonter les distances les plus grandes, l’obstacle du 4e mur sépare psychologiquement les uns des autres.

L'expression « briser le quatrième mur » fait surtout référence aux comédiens sur scène s'adressant directement au public et, au cinéma, quand des acteurs le font par le biais de la caméra. L'expression fait aussi référence à d'autres techniques ; certaines sont considérées comme des techniques de métafiction. Par exemple, les conteurs de contes urbains essaient de « briser le quatrième mur » qui sépare les acteurs de théâtre classique et le public.

Historique

Denis Diderot, dans le Discours sur la poésie dramatique (1758), avait formulé l'idée qu'un mur virtuel devait séparer les acteurs des spectateurs : « Imaginez sur le bord du théâtre un grand mur qui vous sépare du parterre ; jouez comme si la toile ne se levait pas. » (Chap. 11, « De l'intérêt ».)

Description

Le quatrième mur est un écran imaginaire qui sépare l'acteur du spectateur. Parallèle au mur de fond de scène, il se situe entre le plateau et la salle, au niveau de la rampe. Avec ce système, les acteurs ont commencé à avoir des déplacements plus naturalistes et quotidiens, ils pouvaient par exemple jouer dos au public.

Le public voit alors une action qui est censée se dérouler indépendamment de lui. Il se trouve en position de voyeur : rien ne lui échappe, mais il ne peut pas intervenir. Le personnage peut briser cette illusion en faisant un commentaire directement au public, ou bien en aparté.

Autres usages

Dans les séries télévisées (ou les films, les bandes dessinées, les jeux vidéo, etc.), supprimer le quatrième mur représente soit un moment où le personnage s'adresse au public, soit lorsqu'il énonce un fait hors du cadre de la série et qu'il lui est impossible de connaître. Par exemple, s'il parle du public ou de sa propre condition, un personnage brise le quatrième mur.

Les récits réalistes ne doivent pas transgresser le quatrième mur sous peine de briser l’illusion réaliste. Le personnage qui s’adresse directement au public (par un aparté) ou qui parle de sa propre condition (de personnage dans un film, par exemple) dans les comédies, risque de rompre le « contrat narratif » réaliste (suspension consentie de l'incrédulité) et de le faire basculer vers l’absurde ou le fantastique.

Le contrat narratif est l'« ensemble de clauses implicitement (im)posées qui contribuent à (pré)déterminer le comportement logique d'un récit »[5]. Le contrat narratif réaliste se définit comme :

  • ce qui arrive dans le récit est possible et pourrait arriver ;
  • les personnages qui habitent l’univers du récit, les événements qui s’y produisent et les sociétés qui y sont présentées sont réalistes, soit des reflets de la réalité, naturalistes et vraisemblables.

Il s’agit du contrat narratif le plus fréquent dans les fictions et les docufictions cinématographiques et télévisuelles. Parmi les autres contrats narratifs, on retrouve : le fantastique et l'horreur, la science-fiction, l'absurde, l'historique et la comédie musicale.

Ce procédé se produit entre autres dans le film À bout de souffle de Jean-Luc Godard avec Jean-Paul Belmondo : (« Si vous n'aimez pas la mer… »), la série télévisée Clair de lune, dans le film québécois Nuit de Noces (2001), dans le film français le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (2001) ou dans High Fidelity (2000) avec John Cusack, ainsi que dans de nombreux films de Bertrand Blier, dont c´est une spécialité.

Il est systématiquement utilisé au début de chaque épisode de la série télévisée Le Saint, dans sa partie noir et blanc, avec les confidences de Roger Moore en début de film, créant ainsi une connivence avec le spectateur. Dans la série policière Les Cinq Dernières Minutes, le commissaire Bourrel faisait de même, peu avant le dénouement. Également utilisé dans la série House of Cards, où le personnage de Frank Underwood s'adresse régulièrement au spectateur en regardant la caméra, brisant ainsi le quatrième mur.

Dans Star Trek: Deep Space Nine, il est utilisé plusieurs fois, mais de manière détournée, en prenant pour les épisodes « Les Règles du combat » et « Dr Bashir, je présume ? », la vue de la personne en train d'interroger les personnages, et « Sous la lune pâle » en prenant la vue de l'ordinateur enregistrant le journal personnel.

Enfin, dans la franchise James Bond, il est brisé grâce à la séquence d’ouverture de chaque film (excepté dans Quantum of Solace et Skyfall, où il conclut les deux films) appelée Gunbarrel, dans laquelle James Bond est visé par un canon de pistolet. Une fois ce dernier arrivé au milieu de l’écran, Bond tire sur celui-ci.

Notes et références

  1. (en) Elizabeth S. Bell, Theories of Performance, Sage, , 320 p. (ISBN 978-1-4129-2637-9), p. 203.
  2. (en) Mick Wallis et Simon Shepherd, Studying plays, Arnold, (ISBN 0-340-73156-7), p. 214
  3. (en) The Fourth Wall and the Third Space par John Stevenson, créateur du Playback Theatre.
  4. André Antoine, « Causerie sur la mise en scène », Revue de Paris,‎ , p.603-604
  5. Gabrielle Gourdeau, Analyse du discours narratif, Boucherville, Gaëtan Morin éditeur, 1993, p. 2

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