Musique de film

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Session d'enregistrement de la musique du film Nouvelle-France à Prague en 2004.

La musique de film est la musique utilisée pour un film, voulue par le réalisateur ou le producteur. Il peut s'agir de musique préexistante ou de musique composée spécialement pour le film, dite musique originale. On parle aussi de « bande originale » (BO), ou en anglais d'« original soundtrack » (OST), ces expressions désignant normalement la musique originale mais étant parfois utilisées pour désigner l'ensemble de la musique d'un film, notamment dans le cadre de leur exploitation commerciale (album, etc.).

Histoire

Origine de la musique au cinéma

En 1891, l'inventeur et industriel américain Thomas Edison, présentait au public les premiers films du cinéma. Le grand rêve d’Edison, était de coupler l’image et le son correspondant : « On pourrait ainsi assister à un concert du Metropolitan Opera cinquante ans plus tard, alors que tous les interprètes auraient disparu depuis longtemps[1]. ».

Un an plus tard, en 1892, Émile Reynaud avait inventé le dessin animé avec son Théâtre optique. L'inventeur et dessinateur français avait en outre compris que la dramaturgie d’images animées demandait un support aux vertus rythmiques et lyriques : la musique. Ainsi, il chargea un certain Gaston Paulin d'écrire pour chaque représentation une musique originale afin de soutenir l’action des personnages dessinés[2]. C'était les premières musiques de film, bien qu'elles ne furent jamais enregistrées mais seulement transcrites sur partitions puisque Gaston Paulin les interprétait lui-même au piano et qu'il adaptait le cours de sa musique aux improvisations dont Émile Reynaud enrichissait les projections (arrêt sur image, marche arrière, etc).

Dans les jours qui suivirent la première représentation des frères Lumière, en janvier 1896, le pianiste Émile Malaval vint improviser pour tenter de couvrir le bruit désagréable de crécelle métallique de l'appareil de projection[3]. Cette tradition de fête foraine sera reprise depuis dans la majorité des salles de cinéma et dans les foires. Un piano ou un violon faisaient l’affaire mais, dans les salles des quartiers riches, un orchestre de quelques instrumentistes améliorait l’accompagnement musical.

En 1908, le compositeur de renom Camille Saint-Saëns accepta d’écrire pour la société de production Le Film d'art, la première musique originale pour un film[4] : le film muet L'Assassinat du duc de Guise, réalisé par André Calmettes et Charles Le Bargy.

En 1909, la société de production Edison Studios édita Suggestion for Music, un catalogue dans lequel chaque action ou émotion est associée à une ou plusieurs mélodies extraites du répertoire classique. De même, Playing to Picture (W.T. George, 1912), Sam Fox Moving Picture Music Volumes (J.S. Zamacki, 1913), Motion Pictures Moods for Pianists and Organists : A Rapid-Reference Collection of Selected Pieces (Ernö Rapee, 1924) sont des ouvrages musicaux qui classent minutieusement les pièces classiques et les compositions originales pour une utilisation lors d’une projection de film[5].

Les premières partitions écrites spécifiquement pour le cinéma jouent généralement le même rôle que les morceaux du répertoire classique qu'elles remplacent : elles ne font que soutenir le discours cinématographique, souvent avec emphase et redondance. Cette réduction de la musique à une fonction de redoublement amènera le compositeur Igor Stravinsky à la comparer à du « papier peint »[6].

Finalement, c'est à partir des années 1930 que la musique originale de film se démocratise et, petit à petit, elle brise le cocon de simple accompagnement sonore pour apporter une dimension supplémentaire chargée de sens. Ainsi, au-delà de son apport esthétique, elle devient utile et participe au récit.

Héritage de la musique classique

Il est assez courant de vouloir lier la musique de film à la musique classique, bien que les genres adoptés par les compositeurs de musique de film soient très divers. Une versatilité qui s'étend de la musique symphonique à la musique minimaliste.

Lors de l'âge d'Or d'Hollywood, les compositeurs de film (pour la plupart européens) sont les véritables héritiers de la musique romantique de Richard Wagner, Johannes Brahms et Richard Strauss, et il est courant de trouver des structures musicales narratives proches de celles employées dans les poèmes symphoniques (Max Steiner, Erich Wolfgang Korngold, Miklós Rózsa, Bernard Herrmann, etc...). Par ailleurs, la musique devient omniprésente avec de longues mélodies et parfois des développements thématiques et l'utilisation de leitmotivs.

Modernisme

Les trois décennies qui suivent voient arriver l'intégration d'éléments de musique populaire, et l'utilisation diégétique de la musique. Les compositions deviennent davantage partie intégrante de l'action (Elmer Bernstein, John Barry, Ennio Morricone, Jerry Goldsmith, John Williams).

La partition de John Williams pour le film Les Dents de la mer de Steven Spielberg en est un exemple révélateur. Le thème musical devient un leitmotiv induisant l'appréhension à lui seul à plusieurs reprises dans le film et transforme l'attente du spectateur en véritable angoisse.

Musique numérique

À l'ère du numérique (dans les années 1990), les partitions au départ fort inspirées (Hans Zimmer, Alan Silvestri, Danny Elfman, James Horner, etc...), tendent a se standardiser avec l'emergence de sociétés de production telles que Remote Control Productions (les musiques d'ambiance prédominent avec des textures qui se ressemblent, souvent un style électro fait de boucles maintes fois entendues). Toutefois, il y a de nombreuses innovations dans la musique de film, provenant en particulier d'Hans Zimmer (utilisation des chœurs dans des musiques d'action depuis USS Alabama, mixité entre la musique électronique et symphonique, instruments exotiques, musique expérimentale, etc...). Ces innovations sont ensuite couramment reprises par d'autres compositeurs de musique de film.

Pouvoirs de la musique

Sa fonction expressive (dramatique, lyrique, esthétique ou symbolique) vient en appui de la narration, que ce soit pour caractériser ou illustrer musicalement la scène, lui conférer un pouvoir émotionnel sur le spectateur, voire devenir un protagoniste à part entière comme l'estime Alexandre Tylski en se référant au propos de Steven Spielberg sur la musique d'Indiana Jones[7] .

La musique devient indissociable de l'image et nombreux sont les réalisateurs qui lui accordent une place de choix. Les thèmes musicaux de certains films sont devenus de grands succès populaires : le célèbre James Bond Theme (Monty Norman et John Barry), Il était une fois dans l'Ouest (Ennio Morricone), Gonna Fly Now de Rocky (Bill Conti), le Main Title et The Imperial March de Star Wars (John Williams), Les Chariots de feu (Vangelis), Le Roi lion (Hans Zimmer), ...

Des collaborations durables s'installent entre réalisateur et compositeur qui partagent la même sensibilité cinématographiques :

Peut-on mesurer la place de la musique dans un film ?

La place de la musique est liée à la conception globale qu'aura le réalisateur (et parfois le producteur) de l'œuvre audiovisuelle ainsi qu'à la qualité de l'activité conjointe réalisateur/compositeur (le compositeur étant choisi pour la musique originale qu'il va composer mais pouvant aussi souvent être le conseiller pour le choix d'autres musiques pour le film et qui sont alors incorporées dans la bande son). Dans cette perspective, pour Mario d'Angelo[8], il est certain que le budget consacré à la musique dans une production cinématographique a un impact sur la musique, mais le facteur économique n'explique pas tout. Marc-Olivier Dupin soulignait déjà que : « Les Anglo-saxons ont une exigence plus équilibrée dans les différents champs de la création concourant à la confection du film. Ils accordent un soin particulièrement attentif à la musique et la bande son dans toutes ses composantes. »[9]. Ce soin n'a évidemment pas pour seule explication le budget alloué à la musique.

D'autres raisons expliquent également la place et l'impact de la musique dans une œuvre cinématographique car l'art sonore n'en est qu'une composante, parmi d'autres mais pouvant être utilisée selon les différents résultats possibles qu'escompte le réalisateur. Ainsi par exemple, dans le film Nue Propriété de Joachim Lafosse (Isabelle Huppert dans le rôle-titre), sur une durée totale d'une heure et vingt-huit minutes, les séquences avec musique (arrangements de la 2e Symphonie de Gustav Mahler par Uri Caine) totalisent seulement deux minutes vingt-trois secondes. Mais le réalisateur, dans un souci de réalisme et pour favoriser l'atmosphère pesante de son drame, ne réserve qu'une seule plage à la musique, à la conclusion du film (il n'y a alors plus de dialogues) juste avant le générique final, lequel redevient silencieux (comme l'est d'ailleurs aussi le générique de début).

Si l'analyse du rôle que joue la musique dans un film ne peut être que qualitative, Mario d'Angelo estime cependant que cette analyse peut être accompagnée d'éléments tangibles ; ils ne permettront que de mieux étayer l'analyse plus globale du contenu audiovisuel en particulier d'une fiction[10]. Dans l'étude qui a été conduite par une équipe d'universitaires de l'OMF et du CEISME[11], Mario d'Angelo pointe les différentes variantes possibles par rapport à la place de la musique en définissant, outre un critère de durée, un critère de niveau de mixage : « musique forte ou seule » (comme la séquence finale de Nue Propriété) « musique égale à la voix » et « musique en retrait ». La vérification a été faite sur quarante contenus audiovisuels parmi lesquels six longs métrages. Ceux-ci ont été retenus dans l'échantillon pour refléter la grande diversité des films du point de vue des deux critères tangibles de durée et de niveau de mixage de la musique. À l'opposé de Nue Propriété, le film Casino Royale, un James Bond réalisé par Martin Campbell (2006) avec une musique originale de David Arnold, se distingue d'abord par la durée de la musique par rapport à la durée totale du film (80 %) mais ici aussi la musique représente un ensemble d'œuvres musicales incorporées dans la bande son[12], y compris une chanson interprétée par Chris Cornell et composée pour la circonstance par David Arnold. Elle ne fait cependant pas partie en tant que telle de la BO du film mais de l'album du chanteur. En outre, les séquences d'action présentent la particularité d'un mixage de la musique avec les bruitages[13].

La mesure de la musique ne préjuge en rien de sa qualité. Toutefois, elle est nécessaire pour gérer les droits de propriété intellectuelle liés aux œuvres musicales (ou leurs extraits) utilisées dans le contenu audiovisuel (musique originale, musique préexistante, c'est-à-dire enregistrée dans un autre contexte ou pour d'autres buts que le film dans lequel elle est incorporée)[14].

Distinctions

Les compositeurs de musique de film peuvent être récompensés par des prix tels que l'Oscar de la meilleure musique de film, le Golden Globe de la meilleure musique de film, le César de la meilleure musique originale ou les World Soundtrack Awards.

Commercialisation

Au moment de la sortie en salles, souvent avant pour les très grosses productions et plus rarement après pour d'autres, la musique d'un film peut être vendu au public et devenir un produit dérivé.

Il peut y avoir deux types de produits :

  • Original Motion Picture Soundtrack, où sont regroupés généralement des titres « sur catalogue » fournis par les majors et apparaissant plus ou moins dans le film, ou des morceaux « inspirés par le film ». Suivant la production, il s'agit essentiellement de chansons, de musique classique ou de morceaux de jazz.
  • Original Motion Picture Score, où figure la véritable musique composée pour le film.

Annexes

Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Musique de film.

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Bibliographie

Documentaire

  • 2019 : Les Génies de la musique de film (Great Film Composers: The Music of the Movies), série documentaire britannique de 12 épisodes réalisée par Lyndy Saville et produite par 3DD Productions[15],[16], qui revient sur toute l'histoire de la musique au cinéma à ses débuts muets jusqu'aux années 2000[17].

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. (en) W.K. Laurie Dickson et Antonia Dickson, préface de Thomas Alva Edison, History of the Kinetograph, Kinetoscope and Kineto-Phonograph, facsimile edition, New York Museum of Modern Art, 2000 (ISBN 0-87070-038-3).
  2. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 23.
  3. Vincent Perrot, B.O.F. : Musiques et compositeurs du cinéma français, Dreamland, 2002 (ISBN 978-2-9100-2793-3).
  4. « La petite chronologie de la musique de film », sur cinezik.org
  5. Histoire de la musique de film
  6. (en) Part I: Igor Stravinsky on Film Music - Article paru dans The Musical Digest de septembre 1946, reproduit sur le site de la Film Music Society.
  7. Les dents de la mer : Analyse d'une partition incisive - Alexandre Tylski, Lumiere.org.
  8. Mario d'Angelo, op. cit.
  9. La musique à l’image : Les enjeux d’une meilleure prise en compte de la musique originale dans la création cinématographique et audiovisuelle - Marc-Olivier Dupin, Rapport de mission, octobre 2011, p. 4.
  10. Mario d'Angelo, op. cit., pp. 18-20.
  11. Mario d'Angelo, Alexandre Benéteau, Jérôme Rossi, Philippe Lavat. L'étude a été réalisée avec le soutien de la SPEDIDAM.
  12. Lorsque ces œuvres existent préalablement (enregistrées sur des phonogrammes du commerce) pour leur incorporation dans la fiction on parle de synchronisation.
  13. Mario d'Angelo, op. cit., pp. 28-32.
  14. MArio d'Angelo, op. cit., p. 67 et suivantes.
  15. « Les génies de la musique de film Saison 1 », sur telestar.fr (consulté le ).
  16. (en) « Great Film Composers: The Music of the Movies (2019-2020) », sur Imdb (consulté le ).
  17. (en) « Great Film Composers », sur 3ddproductions.com (consulté le ).