The Artist
Titre québécois | L’Artiste |
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Titre original | The Artist |
Réalisation | Michel Hazanavicius |
Scénario | Michel Hazanavicius |
Acteurs principaux | |
Sociétés de production |
La Petite Reine Studio 37 France 3 Cinéma Warner Bros. |
Pays de production | France |
Genre | Comédie dramatique |
Durée | 100 minutes |
Sortie | 2011 |
Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.
The Artist, ou L’Artiste au Québec, est un film français, muet et en noir et blanc, écrit et réalisé par Michel Hazanavicius et sorti en 2011. Tourné à Los Angeles, et notamment à Hollywood, il met en scène Jean Dujardin dans le rôle de George Valentin, star du cinéma muet confrontée à l'arrivée des films parlants entre la fin des années 1920 et le début des années 1930, Bérénice Bejo dans le rôle de Peppy Miller, jeune actrice en pleine ascension, ainsi que plusieurs comédiens américains tels que James Cromwell (Babe, L.A. Confidential) et John Goodman (Barton Fink, The Big Lebowski) dans des rôles secondaires importants. Le comédien britannique Malcolm MacDowell apparaît également dans une scène.
Produit par Thomas Langmann, The Artist est entre autres un hommage aux films muets des années 1920. Il reprend la structure de scénario des différentes versions d'Une étoile est née. Le film est aussi un hommage à Charlie Chaplin et à ses films Les Lumières de la ville et Les Temps modernes, derniers films muets sortis en plein essor du parlant.
Sélectionné au Festival de Cannes 2011, The Artist vaut à Jean Dujardin le Prix d'interprétation masculine. Grâce à l'accueil cannois, le film est acheté par des distributeurs du monde entier, dont la Weinstein Company aux États-Unis[1]. Il entame alors une brillante carrière internationale et gagne plus de 80 récompenses, remportant notamment trois Golden Globes, sept BAFTAs, six César, un Goya et cinq Oscars. The Artist est le deuxième film à n'être pas produit essentiellement par des anglo-saxons à remporter l'Oscar du meilleur film (Le Dernier Empereur[2], coproduction franco-sino-italo-britannique[3] avait reçu la récompense en 1988), et Jean Dujardin devient le premier comédien français à recevoir l'Oscar du meilleur acteur[4].
Synopsis
À Hollywood, en 1927, George Valentin (Jean Dujardin) est un acteur très célèbre du cinéma muet, auquel le succès est monté à la tête. De son côté, Peppy Miller (Bérénice Bejo) est une jeune femme qui tente sa chance dans le cinéma après avoir été prise en photo avec Valentin et fait la une de Variety. Elle se fait embaucher comme figurante et recroise le chemin de Valentin dans un studio où il découvre ses talents de danseuse. Il la fait alors embaucher pour un second rôle sur son nouveau film, mais la présence de Peppy le trouble. Les deux se retrouvent plus tard dans la loge de George, où ils manquent de succomber.
Le temps passe, Peppy enchaîne les seconds rôles et commence à avoir de plus grands rôles, tandis que Valentin continue à avoir le premier rôle, mais son producteur, Al Zimmer (John Goodman), lui montre alors les essais vocaux d'une ancienne partenaire de Valentin. Zimmer est enthousiaste, Valentin est moqueur, ne croyant pas au succès du cinéma parlant. Cependant, la possibilité de voir le cinéma parlant triompher lui donne des cauchemars. Et ses peurs deviennent réelles : du jour au lendemain, Zimmer arrête la production de tout film muet pour miser sur le parlant et choisit plusieurs jeunes acteurs pour lancer la vague, dont Peppy. Valentin, par fierté, quitte les studios en annonçant produire et réaliser lui-même son prochain film, toujours muet. Il se lance donc dans son projet et dépense sans compter.
La sortie du film de Valentin, Tears of Love, est prévue le 25 octobre 1929. Valentin a la mauvaise surprise de voir que le premier film dont Peppy est la vedette, Beauty Spot, sortira le même jour, et la critique applaudit la jeune femme. La veille de la sortie des films a lieu le krach de 1929, qui ruine George Valentin, à moins que son film ne soit un succès. Plus tard, il surprend Peppy en pleine interview pour la radio, où elle est très critique envers le cinéma muet, remarque que George ne laisse pas passer. Finalement, le public est enthousiaste devant Beauty Spot et délaisse totalement Tears of Love. En une soirée, George Valentin perd sa fortune, sa notoriété et sa femme, qui le quitte. Quand Peppy, qui a vu et adoré Tears of Love, vient à sa rencontre, il la repousse.
Durant les deux ans qui suivent, la carrière de Peppy explose alors que Valentin sombre dans l'oubli et l'alcool. Il chasse son dernier ami, son chauffeur Clifton, qu'il ne peut plus payer car il en est réduit à vendre l'intégralité de ses dernières propriétés aux enchères pour survivre — il ignore qu'un des acheteurs n'est autre que Peppy. Valentin, désormais lui aussi convaincu que le parlant est l'avenir et qu'il appartient au passé, s'enfonce dans l'alcool et un jour, saoul et dans un état second, met le feu aux dernières pellicules de film qu'il gardait chez lui, mais se reprend et tente de sauver une dernière bobine avant de s'évanouir, intoxiqué par la fumée. Il ne doit la vie sauve qu'à son chien, qui est parvenu à amener un policier pour le sauver. Quand Peppy l'apprend, elle se rend à son chevet à l'hôpital et trouve la bobine que George a sauvée : les rushes des scènes qu'ils ont tournées ensemble. Voyant ce geste, Peppy décide de ramener George dans sa propriété.
George se remet doucement et se réconcilie avec Peppy, mais reste jaloux de son succès. Un jour, sur le plateau, Peppy insiste auprès de Zimmer pour qu'il lui offre un rôle dans son film. George saisit la situation et perd pied quand il retrouve tous les souvenirs de son succès passé chez Peppy, qui a racheté tous les objets. George fuit la demeure de Peppy, et dans la rue, réalise qu'il est terrifié à l'idée de devoir parler devant la caméra car il est certain qu'on ne le prendra pas au sérieux. Il retourne alors dans son ancien appartement, où il retrouve un pistolet et tente de se suicider. Il est sauvé par le bruit fait par l'accident de voiture de Peppy, qui est rentrée chez elle et a compris la situation. George jette l'arme avant de se jeter dans les bras de Peppy et de lui confier ses peurs. Peppy a alors une idée, qui séduit immédiatement Zimmer : Peppy et George feront un numéro de claquettes à deux dans leur prochain film.
Le récit s'achève sur le tournage de la comédie musicale de George et Peppy. Le film, dans ses derniers instants, devient parlant, alors que le réalisateur, enthousiaste, demande une deuxième prise, Valentin répond with pleasure, « avec plaisir » en anglais, avec l’accent français, et les deux protagonistes reprennent leur numéro.
Fiche technique
- Titre : The Artist
- Titre québécois : L'Artiste
- Réalisation : Michel Hazanavicius
- Scénario : Michel Hazanavicius
- Direction artistique : Gregory S. Hooper
- Décors : Laurence Bennett et Robert Gould
- Costumes : Mark Bridges
- Photographie : Guillaume Schiffman
- Montage : Michel Hazanavicius, Anne-Sophie Bion
- Musique : Ludovic Bource interprétée par le Brussels Philharmonic Orchestra et le Brussels Jazz Orchestra
- Production : Thomas Langmann
- Production associée : Emmanuel Montamat
- Production exécutive : Daniel Delume, Antoine de Cazotte, Richard Middleton
- Coproduction : Jeremy Burdek, Adrian Politowski, Gilles Waterkeyn, Nadia Khamlichi
- Sociétés de production : La Petite Reine, La Classe Américaine, France 3 Cinéma, Studio 37, JD Prod, uFilm, Jouror Productions
- Société de distribution :
- Warner Bros. France ( France)
- The Weinstein Company (Autres)
- Ventes internationales : Wild Bunch
- Budget : 9 000 000 d'euros[5] (environ 12 000 000 de dollars[6],[7])
- Pays d'origine : France
- Langues : Muet avec intertitres anglais ou français
- Format : Noir et blanc - 35 mm - 1,33:1
- Genre : Comédie dramatique
- Durée : 100 minutes
- Dates de sortie :
- France : (festival de Cannes)
- France, Belgique : (en salles)
- États-Unis :
- Canada :
- France : ressortie exceptionnelle au cinéma
- Dates de sortie DVD :
- France :
Distribution
- Jean Dujardin : George Valentin
- Bérénice Bejo : Peppy Miller
- James Cromwell : Clifton, le chauffeur / valet
- John Goodman : Al Zimmer, le patron des studios Kinograph
- Penelope Ann Miller : Doris, la femme de George
- Missi Pyle : Constance, la partenaire de George dans le film A Russian Affair
- Malcolm McDowell : « The Butler »
- Beth Grant : la domestique de Peppy
- Ed Lauter : le premier chauffeur de Peppy
- Joel Murray : le policier qui sauve George Valentin
- Jewel Shepard : la starlette
- Serge Hazanavicius (non crédité)
- Uggie : le chien
Bande originale
La bande originale de The Artist a été composée par Ludovic Bource. C'est la quatrième fois que Michel Hazanavicius et Ludovic Bource collaborent après Mes amis (1999), OSS 117 : Le Caire, nid d'espions (2006) et OSS 117 : Rio ne répond plus (2009). Le compositeur a dû relever le même défi que toute l'équipe du film, faire du neuf avec du vieux.
« On est parti des grandes références du cinéma hollywoodien et même si le film se déroule au début des années 1930, on a étalé nos choix sur une période beaucoup plus longue. On a écouté beaucoup de choses - de Chaplin, Max Steiner et Franz Waxman, jusqu'à Bernard Herrmann, et j'en passe... On a écouté et analysé tous ces trésors, on est revenu aux sources aussi, aux compositeurs romantiques du 19e siècle... Donc principalement de la musique symphonique. Une musique extrêmement puissante, orchestrée, jouée par 80 musiciens. Il m'a fallu du temps à moi qui suis autodidacte et pas un spécialiste de la musique symphonique, pour digérer tout ça avant de pouvoir composer le premier thème... Michel a commencé à s'attacher à des thèmes forts de grands compositeurs de grands films pour mieux les contourner et les oublier ensuite. On est parti du fantasme pour ramener tout cela aux images de son film. En même temps, ça reste un hommage, une déclaration d'amour aux grands compositeurs du grand cinéma hollywoodien. »
— Ludovic Bource, Dossier de presse de The Artist p. 53-54[8]
La bande originale a été éditée par le label Sony Classical et distribuée dès le 10 octobre 2011. La partition du film a été interprétée par le Brussels Philharmonic et le Brussels Jazz Orchestra. L'enregistrement s'est déroulé en avril 2011 au Studio 4 du Flagey à Bruxelles[9].
À la fin, on retrouve le thème de Vertigo composé par Bernard Herrmann, reprise qui entraîne la colère de l'actrice du film Kim Novak, reprochant à Michel Hazanavicius d'avoir triché et violé son « corps artistique »[10].
Liste des titres
- The Artist Ouverture par Ludovic Bource[11]
- 1927 A Russian Affair par Ludovic Bource
- George Valentin par Ludovic Bource
- Pretty Peppy par Ludovic Bource
- At The Kinograph Studios par Ludovic Bource
- Fantaisie d'Amour par Ludovic Bource
- Waltz For Peppy par Ludovic Bource
- Estancia OP.8 par Alberto Ginastera, interprété par le Brussels Philharmonic
- Imagination par Red Nichols & His Five Pennies
- Silent Rumble par Ludovic Bource
- 1929 par Ludovic Bource
- In The Stairs par Ludovic Bource
- Jubilee Stomp (Album Version) par Duke Ellington
- Comme Une Rosée De Larmes par Ludovic Bource
- The Sound Of Tears par Ludovic Bource
- Pennies From Heaven par Rose Murphy
- 1931 par Ludovic Bource
- Jungle Bar par Ludovic Bource
- L'Ombre Des Flammes par Ludovic Bource
- Happy Ending ... par Ludovic Bource
- Charming Blackmail par Ludovic Bource
- Ghosts From The Past par Ludovic Bource
- My Suicide 03.29.1967 par Ludovic Bource
- Peppy And George par Ludovic Bource
Distinctions
Nombreuses récompenses internationales
Au Festival de Cannes 2011, The Artist vaut le Prix d'interprétation masculine à Jean Dujardin. Aux États-Unis, le film remporte ensuite, en 2012, trois Golden Globes (Meilleure comédie, Meilleur acteur de comédie pour Jean Dujardin et Meilleure musique de film pour Ludovic Bource) puis le Prix Darryl F. Zanuck de la Producers Guild of America pour la meilleure production (Thomas Langmann), le Directors Guild of America Award de la meilleure réalisation (Michel Hazanavicius) et le Screen Actors Guild Award du meilleur premier rôle masculin (Jean Dujardin). The Artist gagne également, parmi 80 récompenses internationales, sept BAFTAs dont celui du meilleur film, du meilleur réalisateur (Michel Hazanavicius) et du meilleur acteur (Jean Dujardin), un Goya (Meilleur film européen), quatre Independent Spirit Awards (notamment Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleur acteur) et six Césars dont ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur et de la meilleure actrice (Bérénice Bejo).
Consécration aux Oscars
Le , The Artist devient le film français le plus sélectionné aux Oscars avec dix citations (devant Z, Cyrano de Bergerac, Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, Un homme et une femme, La Môme, Tess et Le Pianiste). Il est deuxième en nombre de présélections, derrière Hugo Cabret de Martin Scorsese (onze mentions)[12].
Après l'obtention de ses trois Golden Globes et de la majorité des prix de syndicats professionnels et de cercles de critiques aux États-Unis, le film apparaît favori, aux yeux de la presse et des parieurs britanniques, pour la 84e cérémonie[13],[14] où il reçoit cinq statuettes : Meilleur film (Thomas Langmann), Meilleur réalisateur (Michel Hazanavicius), Meilleur acteur (Jean Dujardin), Meilleure musique (Ludovic Bource) et Meilleurs costumes (Mark Bridges).
The Artist est donc le premier long métrage français et la deuxième production n'étant pas majoritairement anglo-saxonne (après Le Dernier Empereur de Bernardo Bertolucci en 1988) à recevoir l'Oscar du meilleur film. Il est aussi la deuxième œuvre muette, après Les Ailes de William A. Wellman en 1929 (lors de la toute première cérémonie, l'année du krach de Wall Street), à être consacrée par ce prix. Il devient par ailleurs le film français le plus récompensé aux Oscars, devant Tess et Le Pianiste (trois trophées) puis Un homme et une femme, Z et La Môme (deux distinctions).
Michel Hazanavicius est le deuxième cinéaste français, après Roman Polanski en 2003, à remporter l'Oscar de la meilleure réalisation[15] et Jean Dujardin est le premier interprète masculin français à être oscarisé comme meilleur acteur[16]. Il rejoint alors un cercle exclusivement féminin : Claudette Colbert[17], Simone Signoret, Juliette Binoche et Marion Cotillard.
Pour Olivier Bonnard du Nouvel Observateur, la victoire du film aux Oscars s'explique notamment par l'excellent travail de communication de son distributeur américain, Harvey Weinstein, qui aurait savamment réussi à faire oublier qu'il s'agissait d'un film français, chose facilitée par l'absence de dialogues, les cartons de texte en langue anglaise et les mouvements de lèvres de comédiens révélant une série de phrases prononcées en anglais. Ce désir d'« entretenir l’illusion d’un film américain » fut par ailleurs l'un des objectifs revendiqués du réalisateur via la reconstitution d'époque, le tournage du film à Los Angeles puis le choix d'une distribution et d'une équipe technique très majoritairement américaine[18]. À noter que la Warner Bros. est entrée dans le plan de financement du film lorsqu'elle en acheta les droits pour la distribution française. Ces données (tournage, équipe et circulation de fonds américains...) ont d'ailleurs permis à The Artist de concourir aux Independent Spirit Awards avec l'étiquette de film américain[19].
Harvey Weinstein, ex-dirigeant avec son frère Robert de Miramax, est considéré par la presse comme le champion des campagnes pour les Oscars : en 2012, les films qu'il a produits ou distribués totalisent 300 nominations et 86 statuettes remportées[20].
Liste complète des récompenses et présélections
The Artist a obtenu un total de 102 récompenses pour 172 nominations[21]
Box-office
- Décompte des entrées au 1er février 2012 : 2 300 000 entrées aux États-Unis, 900 000 en Grande-Bretagne, 340 000 en Espagne, 235 000 en Italie et 100 000 au Québec[39].
- En Allemagne, son compteur est au 11 mars 2012 à 462 770 entrées[40].
- Les victoires du film aux Golden Globes 2012 lui ont permis de ressortir en France, sur 200 copies, le 25 janvier 2012[41], à cette date son box-office français était à 1 608 098 entrées.
Film | Box-office France[42] | Box-office Étranger[39] | Total |
---|---|---|---|
The Artist | 2 881 520 entrées | 4 248 643 entrées | 7 130 163 entrées |
Production
Genèse du projet
Selon une interview de Jean Dujardin, Michel Hazanavicius lui avait déjà parlé d'une idée de film muet durant le tournage d’OSS 117 : Le Caire, nid d'espions, leur première collaboration[43]. Ce projet est d'abord une idée loufoque du réalisateur qui reprend néanmoins la structure du scénario d’Une étoile est née (William Wellman, 1937).
Au départ, Michel Hazanavicius avait l'idée de faire un film d'espionnage, en hommage à Espions sur la Tamise de Fritz Lang, mais ce genre était rare dans le cinéma muet et il souhaitait que la forme et le fond soient en adéquation[44]. De plus, il ne désirait pas, après OSS 117, enfermer Jean Dujardin dans un type de personnage[44]. Le cinéaste confie avoir finalement opté pour la forme du mélodrame qui était le registre dominant des débuts du cinéma.
Même s'il souhaitait préserver un ton décalé, le réalisateur désirait, dès le début, prendre ses distances avec le genre parodique et l'ironie des deux OSS 117 pour célébrer les œuvres de réalisateurs classiques qu'il admirait (Billy Wilder, F.W. Murnau et Ernst Lubitsch)[44].
Dans une autre interview, Jean Dujardin explique avoir d'abord refusé de participer à ce projet de film muet : « Pour The Artist, j'ai commencé par dire non à Michel, et je m'en suis voulu. Je l'ai rappelé très vite. »[45]. Après OSS 117 : Rio ne répond plus, l'annonce du projet se fait davantage officielle[46]. Cependant, les fonds sont difficiles à trouver : aucune chaîne de télévision, participant en général à hauteur de 30% du budget d'un long métrage, n'est prête à s'engager sur un film muet et en noir et blanc. L'arrivée du producteur Thomas Langmann permet de débloquer la situation et de lancer la production même si l'avance sur recettes n'est pas accordée[46],[47]. La société indépendante de Langmann La Petite Reine est épaulée par Studio 37 (Orange), France 3 Cinéma, Canal + puis par la Warner France qui achète les droits pour la distribution française et permet de boucler le plan de financement[48].
C'est au début du tournage que Jean Dujardin se sent réellement à sa place dans le rôle de George Valentin : « C'est le premier jour de tournage que j'ai vraiment compris : Michel avait raison, ce film était pour moi. »[45].
Selon les notes de production, The Artist est « un film d'époque qui se déroule dans les années 1920 aux États-Unis, autour d'une histoire d'amour entre deux personnages qui se croisent. L'un est une vedette du cinéma muet, l'autre est figurant. L'arrivée du parlant va changer leur relation[46]. ».
Habitué à la rédaction de dialogues, Michel Hazanavicius a dû se contraindre à un type d'écriture à la fois ancien et totalement nouveau pour le scénario[44]. Il a également dû entreprendre un important travail de recherche sur les années 1920 et 1930[44].
Le film devait initialement s'intituler Beauty Spot[46].
Distribution
C'est la troisième collaboration de Jean Dujardin et Michel Hazanavicius, après OSS 117 : Le Caire, nid d'espions en 2006 et OSS 117 : Rio ne répond plus, en 2009. Quant à Jean Dujardin et Bérénice Bejo, ils avaient déjà travaillé ensemble sur le même OSS 117 : Le Caire, nid d'espions également sous la direction de Michel Hazanavicius. Bérénice Bejo est par ailleurs la compagne du réalisateur[49]. Elle a immédiatement été impliquée dans le projet dont elle a suivi les diverses étapes mais elle devait, au départ, ne tenir qu'un rôle de figuration[44]. Plus tard, le réalisateur ajoute l'histoire d'amour qui lui permet d'avoir un rôle plus conséquent. Pour la préparation, elle dit s'être inspirée de Joan Crawford, Eleanor Powell et Marlene Dietrich[44]. Jean Dujardin admet, quant à lui, avoir été fortement influencé par Douglas Fairbanks, ce qui lui vaudra les remerciements publics de la petite-fille du comédien : Melissa Fairbanks[50].
Charlie Chaplin a aussi souvent été cité par la presse pour définir le jeu de Jean Dujardin mais ce dernier a refusé la comparaison, affirmant que Chaplin était unique, inédit et inimitable[44].
La distribution comprend également des acteurs américains réputés comme James Cromwell (L.A. Confidential, La Ligne verte) et John Goodman (The Big Lebowski), ainsi que le comédien britannique Malcolm McDowell (Orange mécanique) dans une courte apparition.
Tournage
Le film est tourné au cours de l'automne 2010 à Los Angeles, avec une équipe majoritairement américaine. Le tournage a lieu sur certains des sites mythiques dépeints dans le scénario, notamment les rues de la Warner Bros et de la Paramount[5],[44].
Accueil du film
Sélection cannoise et carrière américaine
Initialement sélectionné hors compétition, The Artist est basculé en compétition à la dernière minute, lors du 64e Festival de Cannes[51]. C'est sur l'insistance du producteur Thomas Langmann, persuadé de la présence du film au palmarès, que le délégué général Thierry Frémaux fait une entorse au règlement qui impose une limite de trois longs métrages français à la compétition (sélection alors arrêtée sur Polisse de Maïwenn, Pater d'Alain Cavalier et L'Apollonide de Bertrand Bonello)[1]. Lors du festival, le film reçoit un excellent accueil, offre un prix à Jean Dujardin et suscite l'intérêt de nombreux distributeurs internationaux qui sollicitent la société Wild Bunch, en charge des ventes à l'étranger[1]. En clôture, le président du jury Robert De Niro confie à la presse adorer cette œuvre à laquelle il aurait volontiers attribué une seconde récompense, voire la Palme d'or, ce qui n'a pas été possible en raison de la restriction des doubles prix et des mentions ex æquo[44],[52].
Harvey Weinstein, président de la Weinstein Company, avait acquis les droits de The Artist pour la sortie américaine avant la projection cannoise[1]. Il met au point une intense campagne de promotion du film aux États-Unis en prévision des Oscars du cinéma 2012[53],[54]. Selon certaines sources, le coût de cette campagne serait de 10 millions de dollars soit presque le budget de production, estimé à 15 millions de dollars[55]. D'autres avancent même des sommes plus hautes comme 20 millions de dollars, ce que Weinstein dément sans toutefois donner de chiffres précis[56].
La Weinstein Company fait notamment repousser la sortie française afin d'éviter que le film ne soit sélectionné pour représenter la France car il n'aurait probablement concouru qu'en tant que « meilleur film étranger », sans prétendre à d'autres récompenses[1]. Évaluant le potentiel de victoire minime de Bérénice Bejo dans la catégorie « Meilleure actrice » face à Meryl Streep pour son interprétation de Margaret Thatcher dans La Dame de fer (dont il est aussi distributeur aux États-Unis), Weinstein l'inscrit dans les registres comme second rôle afin d'en faire, à défaut, l'une des candidates favorites au titre de « Meilleur actrice de soutien »[57]. Bejo se trouvera d'ailleurs plus tard dans un situation inédite, étant nommée comme « meilleur second rôle féminin » aux Golden Globes, aux SAG Awards et aux Oscars mais citée aux BAFTAs et récompensée aux Césars comme « meilleure actrice » pour le même rôle.
Pour améliorer les chances de The Artist, Weinstein brouille également les allusions à la nationalité du film qui fait la une des couvertures spécialisées et gagne la sympathie du public outre-Atlantique, appréciant sa démarche artistique et son hommage décalé à l'âge d'or d'un cinéma américain tombé dans l'oubli[58],[59]. Lors de son premier week-end d'exploitation, le long métrage engrange 210 000 dollars de recettes aux États-Unis, sur une combinaison de quatre salles[60].
Sortie
Distribué par la Warner, le film sort en France le . Le jour de sa sortie, il réalise 72 521 entrées pour 295 copies[61], et 443 269 au cours de sa première semaine[62]. Ressorti en salles en février 2012, après l'annonce de ses dix nominations aux Oscars, The Artist totalise plus de deux millions d'entrées[63]. L'annonce du palmarès des Césars et des Oscars permet ensuite au film, début mars 2012, d'avoisiner les trois millions de spectateurs[64].
Quiproquo lié à l'absence de dialogues
À Liverpool, des spectateurs ont demandé le remboursement de leur place après avoir constaté que le film était muet. Les spectateurs sortis avant la dixième minute du film ont été dédommagés. Une campagne d’information est désormais mise en place dans les cinémas britanniques[65].
Accueil de la critique
Sur le site AlloCiné, il obtient de la part des critiques une note de 4,1/5. Un peu plus que la note des spectateurs, qui lui attribuent une note de 4/5. Les utilisateurs d'IMDB le créditent, quant à eux, d'une note de 8,4/10[66] tandis que le site Metacritic relève une moyenne de 89/100 sur quarante-et-un critiques anglophones[67] et que Rotten Tomatoes indique que 97% des 196 critiques recensées sont positives pour un score moyen de 8,7/10[68].
Éric Libiot de L'Express a donné cinq étoiles au film écrivant qu'il s'agit d'un film « aussi radical que festif conjuguant un engagement sans concessions et une passion amoureuse pour tous ces fantômes de l'écran valsant dans la salle de bal de nos imaginaires. »[69].
Ollivier Pourriol exprime son enthousiasme pour The Artist dans Marianne, expliquant : « La performance du couple Dujardin-Bejo dans cet hommage amusé aux classiques hollywoodiens des années 20, entre expressionnisme, pantomime et claquettes, rappelle à quel point, comme disait le metteur en scène Peter Brook, “le corps a des idées”. [...] The Artist a la texture d'un souvenir qui n'appartiendrait à personne et à tous, revisitant un imaginaire qui est moins celui du cinéma américain que celui du cinéma tout court. »[70].
Le magazine Les Inrockuptibles note que « Michel Hazanavicius démontre une fois de plus dans The Artist son talent d’imitateur, de pasticheur fou. »[71].
Le Monde estime que « la réussite du film tient à la manière joyeuse dont Michel Hazanavicius s’empare du cinéma d'antan avec les outils du cinéma d’aujourd’hui. »[72].
Autrefois défenseur du diptyque OSS 117, Les Cahiers du cinéma exprime des réserves sur la réalisation de Michel Hazanavicius dont il reconnait malgré tout le brio : « Un pastiche gourmand qui est à l'âge d'or hollywoodien ce que le rococo est au baroque : une déformation très séduisante mais aussi dédramatisée, où la sophistication flirte avec la mièvrerie mais brille par son indéniable virtuosité. Et pourtant cette incontestable réussite marque aussi les limites d'un système. »[73].
L'hebdomadaire Charlie Hebdo évoque, quant à lui, un pur exercice de style et un objet plaisant sur la forme mais sans aucun contenu : « La surface de The Artist est brillante, pétillante, souvent subtile, mais le fond, lui, est inexistant. »[73].
Gérard Lefort fait, de son côté, part de sa déception dans le quotidien Libération : « Il faut en effet être de très bonne humeur pour s'intéresser au mélo à deux balles et trois Kleenex qui croise le cœur de George à celui de Peppy [...] Le problème de The Artist n'est pas celui du faux-semblant mais du faux air. »[73].
Le Figaro note que, même s'il s'agit d'un film français, The Artist est « au moins autant américain ». En effet, le réalisateur lui-même parle de l'« essence profondément américaine » de son film, « lettre d'amour à Hollywood », et la langue de l'œuvre est l'anglais, dans les intertitres originaux, et les quelques mots de dialogue prononcés à la fin. Mais, pour 'le journal français, « il ne s'agit pas pour autant de bouder [son] plaisir. Peu importe au fond que The Artist ait l'air d'un film américain puisque cet air a été habilement façonné par des Français qui ont compris, mieux que beaucoup de natifs américains, ce qui a fait l'âge d'or d'Hollywood. Et puis, comme l'a si bien résumé Michel Hazanavicius en recevant le Director's Guild Award : "Je ne suis pas américain et, en fait, je ne suis pas français non plus. Je suis cinéaste." »[74].
À l'occasion de la victoire du film aux Oscars, le critique et historien américain Robert Zaretsky pour The New York Times titre son article en français, « Vive la différence ! ». Il y qualifie Jean Dujardin de nouvelle icône française des deux côtés de l'Atlantique. Selon lui, The Artist incarne : pour certains une idée du cinéma français, et pour d'autres une capitulation du cinéma français face aux exigences d'un succès américain. En d'autres termes, soit le film validerait l'exception culturelle de la France, soit au contraire, il apporterait la preuve que cette exception a actuellement besoin d'un soutien américain puissant[75].
Todd McCarthy, après la cérémonie des Oscars, se montre critique dans The Hollywood Reporter et considère que le film ne méritait pas une telle moisson de récompenses, sa victoire étant selon lui due au fait que « cette année, il n'y avait pas de film particulièrement remarquable, ou alors qu'il y avait déjà un favori immensément populaire ». Il met cette victoire au même rang que celle de films comme Crash, Miss Daisy et son chauffeur, Rocky ou Oliver!, dont « dans un an à peine, les gens y repensent et se demandent pourquoi ? ». Quant à la performance de Jean Dujardin et sa récompense de meilleur acteur, il la compare à celle de Roberto Benigni pour La Vie est belle, et se demande « comment diable une telle chose a-t-elle pu se produire ? ». « Au delà de sa nouveauté et de son charme » qu'il salue tout de même, le film aurait selon lui le défaut de représenter « la métaphore de la peur du progrès et de la technologie ». McCarthy estime que « le refus de Valentin de changer avec son temps traduit le malaise de la vieille garde face aux nouvelles façons de faire du cinéma, qu'elle ne comprend pas ou ne veut pas comprendre », et qu'il aurait été plus intéressant de primer Hugo Cabret de Martin Scorsese, qui représente la philosophie inverse : Scorsese, appartenant désormais à cette vieille garde, y a néanmoins eu recours aux nouvelles technologies, pour créer un univers, entreprise que le critique juge « infiniment plus complexe et ambitieuse » que celle de Michel Hazanavicius[76].
Certains grands journaux américains se sont en effet agacés de cette victoire affirmant que The Artist était, comme Le Discours d'un roi l'année précédente[77], conforme au goût du « veil homme blanc », majoritaire au sein de l'Académie des Oscars (composée de 94% de Blancs, de 77% d'hommes et de 54% de personnes âgées de 60 ans et plus selon une étude du Los Angeles Times[78],[79]). Ce long métrage serait, pour le New Yorker une « flatterie » facile, une « célébration du passé » et un « voyage nostalgique » dans l'âge d'or révolu d'Hollywood, prompt à émouvoir la cible la plus large de votants[80],[81].
Pour Richard Verrier, journaliste du Los Angeles Times, The Artist va à l'inverse de la « tendance des membres du jury des Oscars à privilégier les longs-métrages tournés dans des endroits exotiques loin de L.A. où ils résident pour la plupart ». Dans le même article, Chuck Walton, rédacteur en chef de Fandango déclare que « c'est simplement de l'ordre du subconscient, les choix de l'Académie sont souvent des films qui emmènent en voyage, loin du cocon de Los Angeles », mais pour lui, « The Artist donne un coup de jeune à ce qui est vieux - c'est le L.A. classique, mais revu par des yeux français »[82].
Analyse
Michel Hazanavicius cite plusieurs sources d'inspiration pour sa réalisation dont L'Aurore et L'Intruse de F.W. Murnau, Les Quatre fils de John Ford, La Foule de King Vidor et L'Inconnu de Tod Browning[44].
Mais des films des années 1940 et 1950, comme Boulevard du crépuscule de Billy Wilder et Chantons sous la pluie de Stanley Donen et Gene Kelly, l'ont également influencé pour leur évocation du passage du muet au parlant et leur représentation tragi-comique d'un Hollywood disparu[44].
L'histoire, qui évoque le destin croisé d'une star féminine montante et d'un acteur à la notoriété déclinante, fait surtout référence au film Une étoile est née de William A. Wellman[83],[84],[85]. Parmi les sources possibles d'influence, des critiques ont aussi relevé l'histoire réelle de John Gilbert, qui présente des similitudes avec le scénario de The Artist[86],[85]. Star américaine des années 1920, John Gilbert vécut difficilement le passage du muet au parlant. Il était en conflit ouvert avec le producteur Louis B. Mayer, qui tenta de briser sa carrière. Mais il reçut une seconde chance grâce à Greta Garbo, elle aussi grande vedette du muet qui avait réussi sa transition vers le cinéma parlant. Elle se souvint de Gilbert, dont elle avait été très proche, et l'imposa à la Metro-Goldwyn-Mayer comme partenaire pour le film La Reine Christine, en 1933[87].
Le film fourmille également de références à des scènes plus ou moins connues du cinéma hollywoodien (notamment à l'âge d'or du film classique). Les séquences de repas en tête à tête entre George Valentin et son épouse, où l'ennui se fait de plus en plus prégnant, renvoient au procédé similaire employé par Orson Welles dans Citizen Kane. Dans The Artist, l'affiche du film Guardian Angel, dans lequel joue Peppy Miller, suggère une œuvre de 1928 : L'Ange de la rue de Frank Borzage. Quant à la scène de la veste empruntée par Peppy dans la loge de George Valentin, elle rappelle un geste semblable de Janet Gaynor dans un autre film de Borzage : L'Heure suprême[83].
La scène finale des claquettes, chorégraphiée par Fabien Ruiz, est une citation explicite des comédies musicales de l'année 1932, dans un style différent de celui que va créer, dès 1933, Fred Astaire[88].
Annexes
Articles connexes
Liens externes
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- « The Artist » (fiche film), sur Allociné.
- Modèle:Commeaucinema titre.
Notes et références
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- Le Dernier empereur est cependant un film essentiellement en langue anglaise, avec par moments du mandarin, du japonais et du russe
- Fiche IMDB sur Le Dernier Empereur
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- Toutefois, Claudette Colbert (née en 1903 à Saint-Mandé), que l'on associe souvent à cette liste, quitta la France en bas âge et fut naturalisée américaine. Elle reçut d'ailleurs l'Oscar de la meilleure actrice en 1935, pour New York-Miami de Frank Capra, sous bannière américaine. Simone Signoret est donc plutôt considérée comme la première actrice française à être oscarisée (en 1960 pour Les Chemins de la haute ville de Jack Clayton).
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- Kevin Brownlow, Hollywood, les Pionniers, Calmann-Lévy 1981, cf. p. 192-194, Chap. 17, Grandeur et déclin de John Gilbert
- Pascale Leray, Iris Mazzacurati et Joséfa Lopez, Pas de deux avec Fabien Ruiz, professeur de claquettes de Jean Dujardin et Bérénice Bejo, l'express.fr, 24/02/2012
- Film romantique
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