Intonation musicale

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 Article à recycler

L'intonation musicale définit de manière précise la hauteur des notes de musiques jouées ou chantées, les unes par rapport aux autres. On emploie également l'expression justesse d'intonation. On parle d’intonation musicale plus particulièrement dans l'usage pratique quotidien, et de tempérament, de gamme ou système de justesse dans l'usage théorique.

Problématique

Les imperfections des gammes théoriques ne concernent en fait que les instruments dits « à sons fixes » qui, une fois accordés, émettent au cours de la même pièce musicale, toujours la même fréquence pour la même note. Il n'en va pas de même pour la voix humaine, les instruments de la famille du violon, ou les vents, qui peuvent s'adapter en cours d'exécution, à "l'environnement" modal ou mélodique, pour "ajuster" les intervalles mélodiques ou harmoniques du morceau joué.

Ces instruments permettraient ce que certains appellent la « juste intonation », dans laquelle la plus grande partie des intervalles consonants, qu'ils soient d'octave, de quinte, de tierce, etc., simultanés ou successifs, seraient purs, et de telle manière que, selon leur rôle musical, deux notes portant le même nom ne seront pas nécessairement jouées exactement à la même fréquence, mais pourront différer d'un intervalle tres faible. (commas)

Lien externe : Essai sur la question de la juste intonation par Olivier Bettens : Utopie ou réalité?
Olivier Bettens :

« L'intonation juste a de tout temps été considérée par certains comme une chimère. Ils y voient, peut-être à raison, un caprice de mathématicien sans réel contenu musical. Il n'en demeure pas moins que cette « illusion » a longtemps fait l'objet d'une quête que Haynes n'hésite pas à comparer à celle du Graal. S'il est un point de l'espace-temps où cette quête avait quelque chance d'aboutir, il se situe à coup sûr dans l'une ou l'autre des cappelle et camerate de très haut niveau qui fleurissent dans l'Italie du XVIe siècle, ce microcosme qui voit « tous les praticiens, mus par l'autorité de Zarlino », rechercher assidûment la meilleure intonation possible. C'est à cette époque plus qu'à n'importe quelle autre que l'intonation juste a pu faire l'objet d'une pratique plus ou moins consciente et raisonnée... Seulement, une telle affirmation gagnerait en consistance si l'intonation juste était autre chose qu'une idée vague. Sa mise en pratique implique en effet des choix qui peuvent conduire à des résultats fort divers. C'est en vain qu'on cherche, dans la littérature ancienne ou moderne, un mode d'emploi permettant de l'appliquer à des exemples musicaux concrets. »


Rapports purs entre notes proches sur le schema

Cette intonation « dynamique » est généralement inaccessible aux instruments à sons fixes dits aussi « instruments tempérés » : ce sont les plus nombreux. Il est toutefois possible d'accorder ces instruments avec le maximum de quintes, tierces majeures et tierce mineures justes, comme le montre le schéma, mais évidemment, beaucoup d'intervalles ne peuvent pas l'être.

La théorie mathématique de la musique rend compte de la difficulté d'établissement des gammes et démontre même l'impossibilité de leur perfection, mais ce sont bien des contraintes pratiques et purement musicales qui introduisent la notion de tempérament.


Intonation « naturelle » et intonation tempérée

Qu'est-ce que jouer juste ? Qu'est-ce qui conduit l'artiste à choisir une hauteur plutôt qu'une autre ? Lorsqu'on approfondit la question, on s'aperçoit que les chemins vers une hauteur idéale peuvent être forts divers.

Intervalles naturels

Les intervalles dits naturels, ou « purs », sont les intervalles de notes qui ont un rapport de fréquence défini par une fraction simple. Depuis l'antiquité on a utilisé l'unisson (1/1), l'octave (2/1), la quinte (3/2), la quarte (4/3) et le ton (9/8), depuis la Renaissance (Zarlino) on mit à l'honneur la tierce majeure pure (5/4) et la sixte correspondante (8/5), la tierce mineure pure (6/5) et la sixte correspondante (5/3).

Ces rapports « simples » (rapports de nombre entiers petits) s'expliquent par la notion de battement. En effet, si des sons ont des fréquences proches, il se créent des variations rapides du volume sonore, utilisées notamment par les musiciens pour s'accorder. Ces battements sont perçus comme désagréables (ils sont utilisés à dessein dans certaines alarmes). Par contre, pour une octave, les fréquences sont doubles et il ne se produit pas de battement. C'est le rapport des fréquence qui détermine l'absence ou la présence de battements[note 1].

Composition d'intervalles naturels

On peut construire d'autres intervalles par composition d'intervalles naturels. Par exemple, on peut obtenir un ton par l'addition d'une quinte et la soustraction d'une quarte.

Mathématiquement, cela fait 3/2 × 3/4 = 9/8, c'est-à-dire un ton naturel ascendant.

Mais si on répète l'opération, c'est-à-dire si l'on additionne deux tons, on ne trouve pas la tierce majeure naturelle (dite « pure ») mais la tierce pythagoricienne: (9/8) × (9/8) = 1,265625 et non 5/4. Et les demi-tons obtenus par différence avec la quarte ne valent ni l'un ni l'autre la moitié du ton naturel. /

Les différents systèmes

Rien n'est parfait et il faut choisir l'outil avec lequel on veut travailler : Le système de Pythagore, dont les notes sont définies par quintes pures à partir d'un ton de base fait entendre des quintes et des octaves parfaites, mais des tierces très médiocres. Le système de Zarlino dont les notes sont définies par la qualité de leur consonance par rapport au ton de base fait entendre certaines tierces pures magnifiques, mais d'autres ne le sont pas.

Deux possibilités se présentent ensuite :

  • Si l'on joue sur un instrument à intonation fixe, on tempère l'accord, c'est-à-dire qu'on fait des compromis.
  • Si l'on joue sur un instrument à intonation libre, on a la possibilité d'adopter une intonation changeante, ce qui est un autre compromis.
Voir à ce sujet un dossier extrêmement élaboré sur la justesse a cappella à la Renaissance:
Zarlino

L'accord à tempérament égal a pu s'imposer petit à petit au XIXe siècle grâce à ce que :

  • La musique d'ensemble ne laisse généralement pas entendre de façon nette les consonances parfaites, et l'emploi du vibrato renforce cette tendance.
  • La musique a exploité à fond la modulation, et n'a plus voulu sacrifier certaines tonalités au profit d'autres. La gamme par tons et la musique atonale réclament absolument le tempérament égal.
  • Le mélodisme et la virtuosité ont continuellement gagné en importance, rendant l'exigence en matière de consonance moins grande que pour les polyphonies de la renaissance.
  • L'intonation changeante est plus difficile.
  • Le piano, accordé en tempérament égal par nature, a été omniprésent dans la vie musicale.

Voici quelques rapports de fréquence à partir de do qui donnent une idée des grandeurs : (Le « cent » est une valeur physique correspondant à 1/100e de ½ ton tempéré.)

Intervalles naturels	Différence	Intervalles tempérés	Différence	Intervalles Pythagoriciens
		Do	1,000000		
		Doréb	1,059463		
(Ré-mi 10/9)
Ré 9/8 = 1,125	(<12,3 cents<)
> 3,9 cents >	
Ré	1,122462	
< 3,9 cents <	
naturel
Mib 6/5 = 1,2	> 15,6 cents >	Rémib	1,189207	> 5,9 cents >	Mib 32/27 = 1,185185
Mi 5/4 = 1,25	< 13,7 cents <	Mi	1,259920	< 7,8 cents <	Mi 81/64 = 1,265625
Fa 4/3 = 1,333333	< 2 cents <	Fa	1,334839	> 2cents >	naturel
		Fasolb	1,414213		
Sol 3/2 = 1,5	> 2 cents >	Sol	1,498306	< 2 cents <	naturel
Lab 8/5 = 1,6	> 13,7 cents >	sollab	1,587401		
La 5/3 = 1,666666	< 15,6 cents <	La	1,681792	< 5,9 cents <	La 27/16 =1,6875
		Lasib	1,781797		
		Si	1,887748	< 9,8 cents <	Si 243/128=1,898437

On le voit, les intervalles les plus problématiques sont les tierces et les sixtes. La différence entre le mi naturel et le mi pythagoricien est de 21,5 cents. On peut la réaliser sur un violon accordé en quintes justes : le mi de la corde ré peut se définir par quarte pure à partir du la à vide, et se définir par sixte pure à partir du sol à vide. Le deuxième est beaucoup plus bas à 3,7 mm de distance sur la touche. (Ils définissent avec le ré à vide respectivement un ton naturel majeur et un ton naturel mineur)

Justesse

Lequel des deux est juste ?

Sur le plan harmonique, on peut préférer le mi « naturel » (c. à d. formant une tierce naturelle avec le do dans le cadre de notre exemple), mais sur le plan technique il sera plus commode de faire le mi tempéré, et sur le plan mélodique, on pourra préférer le mi pythagoricien à cause de l'attraction mélodique descendante fa-mi. La tierce naturelle est un tabou pour l'école franco-belge de violon, est refusée par les grecs anciens, mais est au contraire très prisée par la Renaissance au point de sacrifier les quintes. Les tenants de la tierce naturelle trouveront la tierce tempérée "fausse", et "vice versa

Par ailleurs, les instrumentistes à vents sont indécis entre les tierces tempérées données par l'accordeur électronique et les tierces naturelles données par la consonance avec leurs collègues. Les instrumentistes à cordes sont indécis entre les tierces tempérées données par l'égalité nécessaire de leurs intervalles (surtout dans les gammes chromatiques ; ils utilisent rarement l'accordeur électronique qui est instable au son des instruments à cordes), et les tierces pythagoriciennes données par l'enchaînement des quintes[réf. nécessaire]. Quant aux choristes, ils ont souvent tendance à monter avec des tons mineurs et des tierces naturelles, puis à descendre avec des tons majeurs et des tierces pythagoriciennes...[réf. nécessaire]


  • Complémentairement :

En ce qui concerne la juste intonation, il serait judicieux de se pencher sur un nouveau système d'intervalles, le système G, récemment élaboré sur la base d'une recherche méthodique, sur l'ordinateur, du demi-ton le plus agréable à l'oreille (qui reste le juge ultime), le plus facile à exécuter et donc le plus "naturel", et qui alors mériterait, lui, d'être qualifié de "juste". Cette quête du Graal a abouti à la conclusion suivante : le rapport de fréquences qui donne entière satisfaction, c'est le 22/21 !

Prière de se reporter à Gamme musicale, rubrique "Histoire", pour écouter et comparer les 4 gammes pythagoricienne (P), zarlinienne (Z), tempérée (T) et du système G, majeures et mineures : on se rendra compte qu'étonnamment le demi-ton (16/15) de la gamme de Zarlino, pourtant considérée jusques-là comme "la" gamme naturelle par excellence, est le plus insupportable pour l'oreille ; du même coup, on pourra se rendre compte que le MI et le SI de la gamme de Zarlino sont trop bas ! La perfection absolue n'étant pas de ce monde, la tierce majeure 5/4 et la tierce mineure 6/5 ont beau être "pures" harmoniquement, elles ne peuvent être utilisées dans une pratique "naturelle" parce que mélodiquement elles ne conviennent pas. Par contre la coexistence dans une même gamme des tierces majeure et mineure pythagoriciennes et des tierces maxime et minime spécifiques du système G convient tout à fait.

En guise d'illustration du système G, voici un petit extrait du 2ème mouvement de la 7ème symphonie de Beethoven, codé sur le bloc-notes de l'ordinateur, exécuté sur un programme très simple, le G System Player, transféré sur Audacity pour être enregistré sur .ogg. :

                [[Media:beethoven_7e_symphonie|Beethoven 7ème symphonie]

Certes, les harmoniques 7 et 11 et leurs multiples (comme 22 et 21) sont à prescrire quand ils sont en rapport direct avec la note fondamentale, là ce n'est pas le cas. Et comme la plupart des intervalles dépendent du demi-ton, il s'ensuit que tous les intervalles caractéristiques du système G (minimes ou maximes par rapport aux intervalles pythagoriciens) sont représentés par le 7, le 11 et leurs multiples : tierce minime 33/28, tierce maxime 14/11, quarte faible (ou minime) 297/224, sixte minime 11/7, etc.

Le système G est, pour résumer, une combinaison d'intervalles pythagoriciens (justes, majeurs ou mineurs) et d'intervalles minimes ou maximes résultant du remplacement du demi-ton pythagoricien (le limma) 256/243, un peu trop grand et pas assez souple, par le demi-ton "minime" 22/21.

  • Si on prend pour exemple la gamme de DO majeur, le seul fait de placer un demi-ton minime entre MI et FA et entre SI et DO (en donnant au FA une position basse et au SI une position haute par rapport à leur position moyenne pythagoricienne) nous donne les intervalles de la gamme majeure du système G :

- DO-RE ton pythagoricien 9/8

- DO-MI tierce majeure pythagoricienne 81/64

- DO-FA quarte faible 297/224 (priorité du demi-ton minime 22/21 sur la quarte juste 4/3 du premier tétracorde en mode majeur)

- RE-FA tierce minime 33/28

- DO-SOL quinte juste 3/2

- MI-FA demi-ton minime 22/21

- MI-SOL tierce mineure pythagoricienne 32/27

- FA-SOL ton maxime 112/99

- SOL-LA ton pythagoricien 9/8

- FA-LA tierce maxime 14/11

- DO-LA sixte majeure pythagoricienne 27/16

- RE-LA quinte juste 3/2

- MI-LA quarte juste 4/3

- SI-FA quinte diminuée ultra-minime 1089/784

- LA-MI quinte juste 3/2

- LA-FA sixte minime 11/7

- SOL-FA septième minime 99/56

- RE-DO septième mineure 16/9

- LA-SI ton maxime 112/99

- FA-SI triton ultra-maxime 1568/1089

- SOL-SI tierce maxime 14/11

- SOL-DO quarte juste 4/3

- LA-DO tierce mineure pythagoricienne 32/27

- SI-DO demi-ton minime 22/21 (SI en position haute = sensible de DO ; un SI en position moyenne = médiante de SOL)

- SI-RE tierce minime 33/28

  • Pour la gamme de DO mineur descendante du système G, dans laquelle la médiante et la sus-dominante sont en position basse et la sensible, le cas échéant, en position haute, on obtient les intervalles suivants :

- DO-RE ton pythagoricien 9/8

- RE-MIb demi-ton minime 22/21

- DO-MIb tierce minime 33/28

- MIb-FA ton maxime 112/99

- DO-FA quarte juste 4/3 (En mineur la sous-dominante est en position moyenne pythagoricienne, alors qu'en majeur elle est en position basse à cause du demi-ton minime incontournable entre MI et FA)

- RE-FA tierce mineure pythagoricienne 32/27

- FA-SOL ton pythagoricien 9/8

- DO-SOL quinte juste 3/2

- RE-SOL quarte juste 4/3

- MIb-SOL tierce maxime 14/11

- SOL-LAb demi-ton minime 22/21

- DO-LAb sixte minime 11/7

- RE-LAb quinte diminuée minime 88/63

- MIb-LAb quarte juste 4/3

- FA-LAb tierce minime 33/28

- LAb-SIb ton maxime 112/99

- SIb-DO ton pythagoricien 9/8

- SOL-SIb tierce mineure pythagoricienne 32/27

- FA-SIb quarte juste 4/3

- MIb-SIb quinte forte 448/297

- RE-SIb sixte mineure pythagoricienne 128/81

- DO-SIb septième mineure pythagoricienne 16/9

- SI bécarre-MIb quarte diminuée ultra-minime 121/98

- SI bécarre-FA quinte diminuée 88/63

  • Mais que l'on se rassure, nul besoin de garder en tête tous ces rapports de fréquences pour la pratique de la musique : les positions et leur expressivité particulière constituent un mode d'emploi hyper facile pour la juste intonation, en conjugaison avec un marquage très simple de la partition : un cercle entourant les notes en position basse, un losange entourant les notes en position haute, en fonction de la tonalité dans laquelle on se trouve. (Voir Gamme musicale, rubrique "Histoire").

Musiques extra-européennes

De nombreux systèmes d'intonation ne sont pas tempérés et exigent aussi une grande précision, souvent inférieure à 10 cents, tout en ne reposant pas forcement intégralement, sur des lois dites « naturelles » de la résonance : Par exemple, les musiciens Are-Are, qui accordent leurs flûtes de pan en échelles équiheptatoniques[1]. De même, par exemple, comme le montrent les travaux de Simha Arom et de son équipe entre 1986 - 1994 au sujet des systèmes d'intonation des pygmées Aka. Et bien d'autres ethnomusicologues et traditions orales (Indonésie, Amériques...).

Notes et références

Notes

  1. : D'un point de vue mathématiques, on a une échelle exponentielle (qui « transforme » les additions en multiplications) : ajouter une quarte, cela revient à multiplier la fréquence par 4/3 ; retrancher une quarte, cela revient à diviser par 4/3 (c'est-à-dire à multiplier par 3/4)

Références

  1. Hugo Zemp, CNRS, disque collection Musée de l'Homme, Paris

Annexes

Bibliographie

  • Dominique Devie: le tempérament musical
  • Pierre-Yves Asselin: musique et tempérament
  • Jean Lattard: gammes et tempéraments musicaux
  • Eric Emery: la gamme et le langage musical
  • Alain Daniélou: traité de musicologie comparée
  • S. Cordier: piano et justesse orchestrale ed. Buchet-Chastel 1982
  • Le « Tempérament égal à quintes justes », un système d'intonation du XXe siècle pour l'orchestre et le piano. (Extrait du livre de Serge Cordier : « Piano bien tempéré et justesse orchestrale » , éd. Buchet-Chastel, 1982), et commentaires
  • Nabih Gédéon, l'intonation juste enfin trouvée, BoD, Paris, 2013

Articles connexes

Lien externe