Georges Forestier (professeur de littérature)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 5 juin 2013 à 06:28 et modifiée en dernier par Chicobot (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

Georges Forestier est un professeur de littérature à l'université Paris-Sorbonne (Paris IV), où il enseigne le théâtre du XVIIe siècle. Historien des formes littéraires et à ce titre spécialiste de dramaturgie, il a mis au point une méthode particulière d'analyse des textes dramatiques qu'il a nommée «génétique théâtrale», grâce à laquelle il a contribué à renouveler l'approche des grands dramaturges classiques, Corneille, Racine et Molière.

Vie et travaux

Né en 1951 à Nice, agrégé de lettres classiques, docteur en littérature française et docteur ès lettres (=HDR), il a été assistant à l'université de Coimbra au Portugal, professeur à l'IUFM de Rouen, maître de conférences puis professeur à l'Université de Reims et ensuite à l'Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, avant de devenir professeur à l'Université Paris Sorbonne-Paris IV en 1995. Après avoir dirigé le Centre de Recherche sur l'Histoire du Théâtre (CRHT) de la Sorbonne, il dirige actuellement le Centre dEtude de la Langue et de la Littérature Françaises des XVIIe et XVIIIe siècles (CELLF 17e-18e), une unité mixte de recherche CNRS/Université Paris-Sorbonne (UMR 8599).

Il est depuis 2011 membre senior de l'Institut universitaire de France.

Ses travaux d'édition portent principalement sur Racine et Molière (édition des œuvres complètes dans la Bibliothèque de la Pléiade, avec la collaboration notamment de Claude Bourqui) mais aussi sur des auteurs moins connus du grand public comme Rotrou, Brosse, Boyer...

Ses travaux de recherche incluent une dimension historique. On peut citer parmi ses ouvrages principaux :

  • Le Théâtre dans le théâtre sur la scène française du XVIIe siècle, Genève, Droz, 1981
  • Esthétique de l'identité dans le théâtre français (1550-1680) : le déguisement et ses avatars, Genève, Droz, 1988
  • Passions tragiques et règles classiques : essai sur la tragédie française, Paris, PUF, 2003

et deux travaux sur Pierre Corneille qui font aujourd'hui référence :

  • Essai de génétique théâtrale. Corneille à l’œuvre, Paris, Klincksieck, 1996
  • Corneille, le sens d’une dramaturgie, Paris, SEDES, 1998.

Il met (notamment) en valeur l'importance des travaux réflexifs de Corneille (examens, discours, actuellement disponibles en édition critique présentée par Bénédicte Louvat et Marc Escola en GF) et souligne la construction « à rebours » de ces tragédies.

Ses dernières publications sont en 2006 une biographie de Jean Racine et, en 2010, l'édition des œuvres complètes de Molière (avec Claude Bourqui) dans la collection de la Pléiade.

Il est l'ami de quarante ans de Bertrand Marchal, le grand spécialiste de Stéphane Mallarmé.

Méthodologie

G. Forestier explique sa démarche dans l'avant-propos de son Essai de génétique théâtrale[1]. Selon lui, la mission principale des études littéraires consiste à se détacher de l'attitude normale du lecteur ou du spectateur (ressentir des émotions et se livrer à des interprétations) pour tenter de pénétrer dans l'atelier de l'écrivain afin d'essayer de comprendre comment l'œuvre se fait. Chercher à comprendre comment l’œuvre se fait, écrit-il, c’est d'abord (dans le cas d'une tragédie) analyser le fonctionnement de la mise en drame de la source historique (ou légendaire) en tenant compte du système de composition défini par la poétique classique issue d’Aristote, système sur lequel Corneille a donné des indications très précises dans ses textes théoriques. Ses analyses lui ont permis de parvenir à la conclusion suivante : la tragédie est certes un art de fiction qui, comme tout art narratif, repose sur un enchaînement logique ou probable de causes et d’effets ; mais envisagée sur un plan génétique, c’est-à-dire dans la perspective du travail de mise en intrigue, la tragédie cornélienne se révèle être un genre fondé sur le principe de la cause finale. Selon Forestier, le travail créateur de Corneille consiste à dégager de l’histoire non pas un ensemble d’éléments, mais un seul élément fondamental — le dénouement, qui est en même temps le sujet de l’œuvre — à partir duquel est reconstruit à rebours un enchaînement de causes et d’effets qui donne l’illusion de conduire l’histoire à sa fin selon les modalités de la logique et du probable. Il montre que si les tragédies de Corneille prennent souvent d’extraordinaires libertés avec leurs sources historiques, c’est à cause de ce principe de composition régressive : en ne retenant (indépendamment du cadre historique général et d’un certain nombre de détails référentiels) que le seul dénouement, elles reconstruisent à rebours à partir de lui une intrigue qui obéit à ses lois propres de cohérence et qui, partant, peut être parfaitement imaginaire.

Plaçant cette approche "génétique" sous l'égide de la poïétique de Valéry, concernant l’appréciation critique du sens de l’œuvre littéraire, il explique qu'il s'agit pour lui de réduire le sens à ce que l’on peut percevoir de l’organisation de la forme. Ainsi l'ensemble de son livre montre que la tragédie cornélienne se révèle être une constante mise à l’épreuve du genre même de la tragédie, et en second lieu seulement du rapport de l’homme au monde ; il s’agit donc, pour reprendre ses termes, d’un art de la mise en forme d’une matière poétique, qui va de la forme au sens, et non l’inverse — ce que Corneille explique lui-même, rappelle Forestier, mais que la critique cornélienne, fascinée depuis le XIXe siècle par la dimension politique de son théâtre, s’était toujours abstenu d’envisager.

C'est en cela que son livre n'est pas une interprétation supplémentaire de la tragédie cornélienne. En cherchant à comprendre le travail créateur d’un écrivain qui n’avait suscité que des travaux d’herméneutique, Forestier s'est efforcé de s’en tenir à ce qu'il nomme une description des conditions mêmes d’une interprétation — à partir de quoi peuvent se construire les « lectures » et les interprétations.

Tous ses travaux ultérieurs, sur Racine puis sur Molière, mettent à l'épreuve la même méthodologie "génétique" : une démarche qui veut rester en deçà des différents gestes critiques des XXe et XXIe siècles qui actualisent de différentes manières la tradition herméneutique.

Notes et références

  1. Essai de génétique théâtrale. Corneille à l'œuvre, Paris, Klincksieck, 1996 (coll. Esthétique), 396 p., 2e édition parue en format "demi-poche", Genève, Droz (coll. "Titre courant"), 2004.

Bibliographie

(D'après le CV en ligne sur le site du CELLF XVIIe et XVIIIe siècles de l'université Paris-Sorbonne)

I. OUVRAGES DE RECHERCHE

  • Le Théâtre dans le théâtre sur la scène française du XVIIe siècle (version remaniée de la thèse de doctorat de 3e Cycle), Genève, Droz, 1981, 385p., 2e édition parue en format "demi-poche", Droz (coll. « Titre courant »), 1996.
  • Esthétique de l'identité dans le théâtre français (1550-1680) : le déguisement et ses avatars, (version remaniée de la thèse de doctorat d'État), Genève, Droz, 1988, 670p.
  • Essai de génétique théâtrale. Corneille à l'œuvre, Paris, Klincksieck, 1996 (coll. Esthétique), 396p., 2e édition parue en format "demi-poche", Genève, Droz (coll. "Titre courant"), 2004.
  • Corneille. Le sens d’une dramaturgie, Paris, S.E.D.E.S, 1998, 138p.
  • Passions tragiques et règles classiques. Essai sur la tragédie française, Paris, PUF, 2003, 370p.
  • Jean Racine, Paris, Gallimard (coll. nrf/biographies), 2006, 940 p. (ISBN 2-07-075529-0)
  • La Tragédie française. Passions tragiques et règles classiques, Paris, Armand Colin (coll. U), 2010, 310p. (nouvelle édition revue de l'ouvrage de 2003, épuisé aux PUF)

II. OUVRAGES DE SYNTHESE

  • Molière, Paris, Bordas, coll. "En toutes lettres", 1990, 192p.
  • Introduction à l'analyse des textes classiques. Eléments de rhétorique et de poétique du XVIIe siècle, Paris, Nathan, coll. "128", 1993, 128p.

III. EDITIONS CRITIQUES

  • Brosse, Les Songes des hommes esveillez, comédie (1646) : édition critique, Paris, Société des Textes Français Modernes, 1984, 228p.
  • Boyer, Oropaste ou le faux Tonaxare, tragédie, édition critique en collaboration avec Chr. Delmas, Genève, Droz (coll. Textes Littéraires Français), 1990, 213p.
  • Corneille, Le Cid, édition critique des textes de 1637 et de 1660, Paris, Société des Textes Français Modernes, 1992, 224p.
  • Racine, Œuvres complètes, vol. I (théâtre et poésies) (nouvelle édition), Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1999.
  • Molière, Œuvres complètes (2 vol.), Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2010 (édition dirigée par Georges Forestier avec Claude Bourqui)

Lien externe