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Volney

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Volney
Illustration.
Portrait de Volney par Gilbert Stuart[1] (Philadelphie, 1795)
Fonctions
Pair de France

(5 ans, 10 mois et 21 jours)
Sénateur

(14 ans, 5 mois et 11 jours)
Membre de l’Académie française
24e fauteuil

(17 ans, 2 mois et 28 jours)
Prédécesseur Claude-François Lizarde de Radonvilliers
Successeur Emmanuel de Pastoret
Membre de l’Institut national
Classe des sciences morales et politiques

(7 ans, 1 mois et 17 jours)
Député

(2 ans, 6 mois et 28 jours)
Circonscription Sénéchaussée d'Angers
Législature États généraux de 1789
Assemblée nationale constituante
Biographie
Nom de naissance Constantin-François Chassebœuf de La Giraudais
Date de naissance
Lieu de naissance Craon, Anjou
Date de décès (à 63 ans)
Lieu de décès Rue de Vaugirard, Paris
Sépulture Cimetière du Père-Lachaise
Profession Voyageur, philosophe, linguiste, historien

Volney

Constantin-François Chassebœuf[2] de La Giraudais, dit Volney, né le à Craon et mort le à Paris, est un historien, philosophe, orientaliste et homme politique français.

Hôte dans sa jeunesse des salons du baron d’Holbach et de Madame Helvétius, il se fait connaître avec son Voyage en Égypte et en Syrie (1787). Il siège comme député aux états généraux de 1789 puis à l’Assemblée nationale constituante. Son ouvrage la plus célèbre, Les Ruines (1791), est le premier à défendre la thèse mythiste concernant les origines du christianisme.

Il échappe de justesse à la guillotine pendant la Terreur et s’exile aux États-Unis d’Amérique en 1795. Ami de Thomas Jefferson, il est soupçonné d’être un espion par le président John Adams, qui le fait chasser du pays en 1798. À son retour, il est l’un des principaux instigateurs du coup d'État du 18 brumaire. Il est un conseiller intime de Bonaparte au début du Consulat, avant de prendre ses distances à la suite du concordat de 1801. Tout au long de l’Empire, ce sénateur « idéologue », élevé à la dignité de comte en 1808, fait partie des rares et discrets opposants tolérés par Napoléon Ier. Il se rallie en 1814 à Louis XVIII, qui le nomme à la Chambre des pairs.

Membre de l’Académie française, de la Société américaine de philosophie, de la Société asiatique de Calcutta et de l’Académie celtique, il est l’auteur de recherches sur la chronologie antique et de travaux linguistiques (il a rêvé jusqu’à sa mort d’un alphabet universel).

Premières années[modifier | modifier le code]

Constantin-François Chassebœuf de La Giraudais naît le 3 février 1757 à Craon. Son père, Jacques-René Chassebœuf (1727-1796), est un avocat issu d’une lignée d’hommes de loi[3]. Sa mère, Jeanne Gigault (1728-1759), est la fille de Joseph Gigault (1688-1771), sieur de La Giraudais (un domaine situé à côté de la baronnie de Candé). Les Gigault habitent un manoir et sont en relation avec des parlementaires de Rennes et de riches négociants de Nantes.

Après son mariage en 1756, la mère de Volney s’installe à Craon, dans la maison paternelle de la rue des Juifs. Elle meurt à l’été 1759, alors que son unique fils est âgé de 2 ans. Souffrant dès son enfance d’une santé fragile, Constantin-François est élevé par deux gouvernantes superstitieuses[4], qui lui transmettent la « terreur des revenants ». Ses relations avec son père sont froides et distantes ; elles le resteront jusqu’au bout.

À l’âge de 7 ans, il est placé dans un petit internat religieux d’Ancenis[5], où il subit les châtiments corporels de ses maîtres, comme beaucoup d'écoliers de son temps. Il se rapproche de sa famille maternelle, en particulier de son oncle Louis, père de sa cousine Charlotte (1766-1864) qu’il finira par épouser.

À 12 ans, Constantin-François est inscrit chez les oratoriens d’Angers, qui lui inculquent une solide culture latine. Connu sous le nom de Boisgirais (toponyme d’une métairie de son père[6],[7]), il y manifeste une défiance précoce à l’égard de l’enseignement historique et religieux qui lui est professé. Il s’intéresse aux origines des livres de l’Ancien Testament et se met en tête d’apprendre l’hébreu pour en réaliser ses propres traductions.

Son tempérament studieux et solitaire lui vaut sobriquet d’ermite de la part de ses condisciples. L’un d’eux, François-Yves Besnard (qui demeura son ami jusqu’à sa mort), lui aussi pensionnaire chez un libraire angevin, témoigne à son sujet : « Volney était le seul de la maison qui ne prenait pas de part à nos différents jeux, quoiqu’il en restât volontiers le spectateur silencieux pendant des heures entières ».

À l’approche de ses 18 ans, il s’inscrit à la Faculté de droit d’Angers et sollicite son indépendance, qui est entérinée lors d’un conseil de famille réuni à Craon. Disposant d’une rente de 1 100 livres sur la succession de sa mère, il quitte ses terres natales pour Paris à l’été 1775.

Paris et les Lumières[modifier | modifier le code]

À son arrivée dans la capitale, la santé fragile de Boisgirais l'incite à abandonner le droit pour la médecine[8]. Il approfondit pendant trois ans ses connaissances pratiques à l’Hôtel-Dieu (au pied de la cathédrale Notre-Dame) et se lie d’amitié avec Delamétherie et Proust.

En 1777, il fait la connaissance de Cabanis à l’École de médecine. Celui-ci, introduit par Turgot chez le baron d'Holbach, l'y présente à son tour. Dans les salons d’Holbach, rue Royale Saint-Roch, Boisgirais croise notamment Chamfort, Marmontel et Saint-Lambert, mais aussi Diderot, d’Alembert et Buffon. Le jeune homme, qui se rapproche du fils d’Holbach, est inspiré par l’athéisme et le matérialisme du baron, exposés dans son Système de la nature. L’idée d’une morale rationaliste, procédant de la nécessité sociale plutôt que de la superstition, aura sur lui une influence durable.

À partir du printemps 1778 (au moment du retour triomphal de Voltaire et de sa mort à Paris), Cabanis et Boisgirais fréquentent aussi le salon de Madame Helvétius, rue d'Auteuil. Ils ont même le privilège d’être logés chez elle. Veuve depuis 1771, Madame Helvétius avait perdu son unique garçon (né comme eux en 1757) alors qu’il était encore un nourrisson. Elle développera une relation quasi-filiale avec les deux amis, tous les deux orphelins de mère depuis l’enfance.

Parmi les habitués de la maison d'Auteuil, on retrouve Diderot, d’Alembert, Lavoisier, Condorcet ou encore Malesherbes. Boisgirais s’entretient fréquemment avec l’ambassadeur américain Benjamin Franklin, ami intime de Madame Helvétius. Il est probablement initié à cette époque au sein de la loge maçonnique des Neuf Sœurs[9].

Son Mémoire sur la Chronologie d’Hérodote soulève des discussions à l’Académie des inscriptions. Il abandonne ses études de médecine avant leur terme pour se consacrer à l'orientalisme. Maîtrisant le grec ancien et lisant l’hébreu, il s’inscrit en 1780 au cours d’arabe donné au collège de France par Le Roux Deshauterayes[10], qui lui fait découvrir Erpenius, Michaelis et Niebuhr (auteurs des ouvrages de référence pour les arabisants du XVIIIe siècle). Boisgirais se convainc qu’il lui faut voyager en Orient pour approfondir ses connaissances par l’expérience, et non se contenter d’être un savant de bibliothèque.

À l’été 1782, il se retire chez son oncle en Anjou et se soumet à un entraînement méthodique pour s’habituer aux privations et à la fatigue qui l’attendent. C’est à l’occasion de son départ qu’il prend le pseudonyme de Volney, contraction de Voltaire et de Ferney, le village adoptif du philosophe qu’il admire.

Voyage en Égypte et en Syrie[modifier | modifier le code]

Les raisons de son voyage ne se limitent pas à des motivations savantes ou à la quête d’aventure d’un jeune homme de 25 ans : il est probable qu’une mission de renseignement lui ait secrètement été confiée à cette occasion par les services du comte de Vergennes[11],[12], comme le laisse penser l'importance qu'il donnera aux considérations politiques et militaires[13] dans l’ouvrage publié à son retour.

Itinéraire (1783-1785)[modifier | modifier le code]

Il embarque sur une corvette à Marseille en décembre 1782 et débarque à Alexandrie au début de l’année 1783. Il remonte ensuite le Nil en direction du Caire. La capitale, en proie à l’agitation politique, est alors désertée par les Français. Volney peut toutefois compter sur un guide expérimenté en la personne du vice-consul Magallon.

Après la visite des pyramides de Gizeh, aux pieds desquelles il passe une nuit à la belle étoile, il part en juillet en excursion à Suez, sur les rivages de la mer Rouge. Le 26 septembre 1783, il quitte Le Caire et redescend le Nil jusqu’à Damiette, pressé de quitter l’Égypte où se propagent la famine et la peste[14],[15].

Volney privilégie d’abord la navigation, plus sûre et plus rapide. Il passe par les ports de Jaffa, Acre, Tyr, Sidon et Beyrouth, avec une escale en novembre à Larnaca, sur l’île de Chypre. Il débarque finalement en Turquie, à Alexandrette, et progresse vers le sud à l’intérieur des terres. Il séjourne à Alep au tournant de l’année 1784, puis sur la côte à Tripoli.

Au mois de mars, il gravit le mont Liban encore enneigé, et atteint le couvent de Dhour Choueir où il est accueilli par les moines basiliens. Il réalise plusieurs expéditions à partir du monastère : Beyrouth, Antoura, Deir-el-Qamar, Djebel el-Druze, Damas et surtout Baalbek en août, où il visite les ruines des temples romains sous un soleil brûlant.

Volney fait ses adieux à ses hôtes basiliens en octobre et descend le Jourdain jusqu’à Jérusalem. Il passe par Bethléem et Jéricho, s’enfonce dans les terres jusqu’aux rivages de la mer Morte, puis regagne Jaffa sur la côte, descendant à Gaza en janvier 1785. C’est là qu’il côtoie brièvement une tribu de Bédouins, les Ouâhydât, dont il détaillera les mœurs et les conditions d’existence. Rebuté par l’extrême frugalité du mode de vie nomade[16], il se sépare de la tribu après quelques semaines.

Au début du mois de mars, il rembarque à Acre en compagnie du peintre Cassas, qui le documente sur les ruines de Palmyre (que Volney n’a pas vues de ses propres yeux) et lui offre un dessin du Sphinx de Gizeh et une vue des pyramides. Après une courte escale à Alexandrie, il débarque à Marseille en avril 1785, achevant un périple de vingt-huit mois.

Retour en France[modifier | modifier le code]

À son arrivée, Volney monte aussitôt à Paris, avant même d’aller revoir sa famille, ce qui peut s’expliquer par la nécessité d’un compte rendu de mission auprès des services diplomatiques. Il reprend contact avec le baron d’Holbach et réintègre le cercle d’Auteuil de Madame Helvétius. Benjamin Franklin, sur le point de regagner l’Amérique, le présente à Thomas Jefferson, son successeur à l’ambassade des États-Unis.

Il rentre à Craon en juin 1785. Les fêtes organisées en son honneur et la curiosité bavarde des provinciaux, qui satisfont d’abord son orgueil, l’ennuient rapidement. Son mutisme affecté et dédaigneux blesse ses amis d’enfance[17]. De surcroît, il apprend avec amertume que sa jeune cousine Charlotte Gigault de la Giraudais, qu'il aimait secrètement, a épousé un notaire royal de Nantes. Cette déconvenue le pousse à vendre ses propriétés de Candé héritées de sa mère et à regagner à l’automne la maison Helvétius, qui lui paraît son véritable foyer. C’est donc à Auteuil qu’il travaille pendant dix-huit mois à la rédaction de son premier ouvrage, sollicitant les réflexions et les conseils stylistiques de son entourage.

Publication[modifier | modifier le code]

Voyage en Égypte et en Syrie, édition de 1823

La publication du Voyage en Syrie et en Égypte est approuvée par la censure royale le 1er février 1787.

Suivant les préceptes de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (tous les deux décédés pendant son voyage), Volney met en œuvre une approche pluridisciplinaire. Le livre comporte pour chacun des deux pays étudiés une « description de l’état physique » (géologie, hydrologie, météorologie et épidémiologie[18]) suivie d’une « description de l’état politique » (où se mêlent l’ethnologie, la politologie, la psychologie, l’économie et l’agronomie).

L’attention portée aux détails et aux quantités[19], la précision, la sobriété et la sécheresse[20] scientifiques de son style ; tout cela contraste avec les épanchements de ceux qu’il nomme les « conteurs aux rêveries systématiques ». Il est conscient de la tendance qu’ont les voyageurs à embellir leurs récits[21] et critique en particulier les descriptions enchantées de l’Égypte par Savary, auxquelles il oppose un réalisme austère[22].

À partir de la multitude d’observations qu’il a récoltées, Volney peint une vision désabusée et pessimiste de la société orientale, en proie à la misère, à la violence et à l’ignorance[23]. Pour expliquer cet état détérioré de la condition humaine, il s’écarte de la théorie des climats de Montesquieu pour mettre l’accent sur le rôle des institutions politiques et religieuses. Il s’en prend au « despotisme militaire » des Ottomans, qu’il juge inaptes à gouverner[24].

Sa critique de l’arbitraire et du fanatisme s’inscrit dans la continuité de celles formulées par ses maîtres, Voltaire, Helvétius et d'Holbach. La théocratie et la tyrannie induisent une léthargie des individus, qui se fondent dans la masse d’une communauté soupçonneuse, profondément angoissée et résignée. De cette vision désenchantée de l’Orient[25] se dégage entre les lignes une critique de l’absolutisme et du cléricalisme de l’Ancien régime.

Réflexions sur l’Égypte ancienne[modifier | modifier le code]

Illustration des pyramides de Gizeh dans l’édition de 1787
Le Sphinx de Gizeh d'après un dessin de Vivant Denon (1798)

À propos de la pyramide de Khéops, la fascination initiale[26] qu'il éprouve devant le monument s’estompe rapidement. Il y voit « l’orgueil d’un luxe inutile », le vestige d’une injustice millénaire : « on s’afflige de penser que pour construire un vain tombeau, il a fallu tourmenter vingt ans une nation entière[27]. »

Volney attribue au Sphinx de Gizeh un visage de nègre[28],[29] : « Quel sujet de méditation, de voir la barbarie et l'ignorance actuelles des Coptes, issues de l'alliance du génie profond des Égyptiens et de l'esprit brillant des Grecs ; de penser que cette race d'hommes noirs, aujourd'hui notre esclave et l'objet de nos mépris, est celle-là même à qui nous devons nos arts, nos sciences et jusqu'à l'usage de la parole. D'imaginer enfin que c'est au milieu des peuples qui se disent les plus amis de la liberté et de l'humanité que l'on a sanctionné le plus barbare des esclavages et mis en problème si les hommes noirs ont une intelligence de l'espèce des hommes blancs[30] ! »

La thèse d’une origine subsaharienne des anciens Égyptiens est aujourd'hui contestée par les recherches génétiques[31],[32].

Réception et postérité de son ouvrage[modifier | modifier le code]

La publication du Voyage de Volney est un événement littéraire. Son témoignage est comparé à l’Enquête d’Hérodote. Une version anglaise est publiée à Londres dès 1787, suivie de traductions dans plusieurs langues européennes. Le baron de Grimm, rencontré chez d’Holbach, fait parvenir un exemplaire à l’impératrice Catherine II.

Dix ans plus tard, les membres de l’expédition d’Égypte seront unanimes quant au réalisme de ses descriptions. Bonaparte, Berthier et Bourienne estimeront que Volney est le seul à ne jamais les avoir trompés. Le dessinateur Vivant Denon écrit : « forme, couleur, sensation, tout y est, et peint avec un tel degré de vérité, que quelque mois après, relisant ces belles pages de son livre, je crus que je rentrais de nouveau à Alexandrie. »

Le Voyage de Volney lui confère une réputation de jeune aventurier énigmatique, revenu d’Orient avec les secrets de la sagesse. Son récit influencera les écrivains romantiques, comme Chateaubriand[33],[34] (Itinéraire de Paris à Jérusalem, 1811), Lamartine (Voyage en Orient, 1835) et Nerval (Voyage en Orient, 1851), qui le citent tous les trois[35].

Considérations sur la guerre des Turcs et des Russes[modifier | modifier le code]

Le succès de son Voyage l’a fait connaître dans les milieux diplomatiques : il est en relation avec le secrétaire d’ambassade de Venise, avec le représentant du roi d’Espagne, et surtout avec l’ambassadeur Thomas Jefferson.

Le 26 février 1788, il publie un deuxième ouvrage, les Considérations sur la Guerre des Turcs et des Russes, qu’il rédige en réaction au déclenchement, à l’été 1787, de la septième guerre opposant les deux empires. Volney examine les suites probables du conflit ainsi que la conduite que devrait selon lui adopter la France pour défendre ses intérêts.

Il fait le constat de la décadence de la Turquie, dont les tentatives de réformes semblent condamnées à l’échec par le poids de la tradition et la mentalité obscurantiste des élites. À l’inverse, la puissance de la Russie, alors rejetée par l’Europe au rang des « barbares asiatiques », n’a fait que croître depuis Pierre le Grand. Volney insiste sur la dimension religieuse du conflit, sur lequel plane le « rêve grec » de Catherine II, qui souhaite reconstituer l’Empire byzantin.

La victoire de la Russie, civilisation en plein essor, lui apparaît certaine. Face à ces événements, Volney prône la neutralité de la France, seule position raisonnable. Il juge irréaliste le projet de conquête de l’Égypte formulé par le baron de Tott : il exigerait une triple guerre contre l’Angleterre, la Turquie et les mamelouks, que la France surendettée serait incapable de mener. Il fixe comme priorité le rétablissement interne du royaume[36].

Catherine II lui adresse en juin 1788 une médaille d’or par l’intermédiaire du baron de Grimm[37],[38]. Les Considérations de Volney sont assez mal reçues dans les cercles diplomatiques français, qui voient en lui un profane indiscret, mésestimant le dangereux ascendant que la Russie tirerait d’un démembrement de l’Empire ottoman. Un ancien consul en Turquie, Claude-Charles de Peyssonnel, publie une réponse acerbe à ces « inconsidérations ».

La Révolution[modifier | modifier le code]

En 1787 et 1788, Volney gravite dans plusieurs cercles intellectuels parisiens. Il fréquente l’hôtel de la Monnaie, où Condorcet et sa femme Sophie reçoivent à dîner[39]. Delamétherie l’introduit dans les foyers de discussion maçonniques ; il se rapproche de Lalande (fondateur des Neuf Sœurs) et de Dupuis (instigateur de l’interprétation astronomique des mythes). C’est à cette époque qu’il fait la connaissance de Mirabeau, de Sieyès ou encore du docteur Guillotin.

Il devient membre (aux côtés de Lacépède et Lavoisier) de la Société des amis des Noirs, fondée en février 1788 par Brissot et l’abbé Grégoire. Ses vues abolitionnistes, alors que sa fortune est placée dans le commerce nantais, lui valent l’hostilité d’une partie des notables de sa province.

La Sentinelle du Peuple[modifier | modifier le code]

Le 8 août 1788, Louis XVI convoque les États généraux du royaume pour le printemps suivant. Volney (qui fréquente les mêmes salons que Necker, principal ministre d'État récemment rappelé par le roi) décide de partir pour Rennes, la capitale parlementaire de la Bretagne, afin d’y participer activement à la lutte politique.

Conscient de l’importance croissante de la presse, il multiplie les pamphlets[40]. Le premier numéro de La Sentinelle du Peuple[41], périodique adressé à tous les membres du tiers état de la province de Bretagne, paraît en novembre. Incitant les roturiers à la désobéissance, il réclame l’égalité de tous devant l’impôt, la suppression des fonctions officielles héréditaires et le vote par tête (et non par ordre), condition de la victoire du tiers aux états généraux. Il n’hésite pas à s’attaquer à l’un des principaux aristocrates de la province, le comte de Serrant, qui l’a accusé d’être un agitateur stipendié[42].

L’hiver glacial de 1788-1789 accroît la misère et la colère sociale. L’émeute rennaise de la fin janvier 1789 le décide à partir pour Angers, où il présente sa candidature à la députation. Les procédures engagées contre Volney par un Parlement très impopulaire, qui fait brûler ses brochures, contribuent à son élection le 19 mars 1789[43]. Il est l’un des neuf représentants du tiers état de la sénéchaussée d’Angers, avec notamment La Révellière, Milscent et Desmazières.

Député aux états généraux[modifier | modifier le code]

Il arrive à Versailles à la mi-avril 1789 et s’installe au 66 rue de la Paroisse-Notre-Dame. Son nom est alors l’un des plus célèbres parmi les élus du tiers. Il retrouve Mirabeau et Sieyès. Du fait de son rôle dans les événements de Rennes, il est considéré comme un allié par le groupe des députés bretons menés par Lanjuinais et Le Chapelier. Il est l’un des fondateurs du club breton, futur club des jacobins.

Les états généraux s’ouvrent le 5 mai avec le discours du roi. Au cours des jours suivants, les dissensions se crisallisent autour de la question du vote, le tiers souhaitant la fusion des trois ordres dans une assemblée unique.

Le caractère mélancolique et hautain de Volney, qui se lasse vite des discussions stériles entre députés vaniteux[44], ne l’empêche pas de prendre une part active aux événements de 1789. Il n’est pas grand orateur[45],[46] mais exerce en coulisses une influence de premier plan. En bien des occasions, il laissera au tribun Mirabeau le soin d’animer ses idées de son éloquence.

Buste de Volney dans salle du Jeu de paume à Versailles, sculpté par Idrac en 1883.

Le 17 juin, six semaines après l’ouverture des états généraux, alors que la situation demeure bloquée, les députés du tiers votent une motion de Sieyès : considérant qu'ils représentent au moins 96% du pays[47], ils se constituent en « Assemblée nationale ». Trois jours plus tard, lors du serment du Jeu de paume, ils s’engagent à rédiger une Constitution.

Louis XVI, résigné, demande le 27 juin au clergé et à la noblesse de se joindre au tiers, pour former une seule assemblée.

L’Assemblée nationale constituante[modifier | modifier le code]

Volney est l’un des 30 membres du comité de Constitution créé le 7 juillet[48]. Après la prise de la Bastille, il s’agace du temps perdu aux débats portant sur les désordres de la rue, qui empiètent sur les discussions relatives à l’organisation des nouvelles institutions[49]. Loin d'adhérer à ses vues pragmatiques, les députés se lancent dans l’élaboration de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen[50]. Sa lassitude devant des méthodes de travail qu’il juge incohérentes s’accompagne d’un épuisement physique[51].

À l’occasion du plan financier proposé par Necker, il défend ardemment l’abolition de la gabelle, particulièrement impopulaire dans sa province[52], et prône avec le soutien de Mirabeau la mise à disposition des biens du clergé, seul remède à ses yeux au déficit abyssal du royaume. Arguant que « l’État est d’autant plus puissant qu’il compte un plus grand nombre de propriétaires », il est partisan d’une division et d’une redistribution maximales des biens nationaux, afin d’en multiplier les bénéficiaires[53].

Au mois d’octobre, l’Assemblée quitte Versailles pour Paris, s’installant au manège du jardin des Tuileries. Volney, qui est élu secrétaire de l’Assemblée le 23 novembre, loge non loin, dans un appartement de l’hôtel de Malte, rue Saint-Nicaise. Il reprend ses habitudes à la maison Helvétius. Volney est un commensal du duc de La Rochefoucauld-Liancourt. Il se réunit souvent avec Talleyrand, Garat et Barnave, ainsi qu’avec le comte de Lameth et le vicomte de Noailles, députés de la noblesse ralliés aux jacobins. Il fréquente également les cercles des partisans de Philippe d’Orléans. Autour de lui, il voit grandir la couardise de ses collègues constituants, terrorisés par la gronde populaire[54].

Nommé par Necker directeur de l’agriculture et du commerce en Corse (sans rejoindre son poste[55]), il conseille Saliceti, le député du tiers état de l’île, et réclame devant l’Assemblée la réunion de la Corse à la France qui est adoptée le 30 novembre 1789.

En mai 1790, lors du grand débat de la constituante sur le droit de paix et de guerre, Volney préconise de mettre fin avec la diplomatie secrète, pour que les représentants du peuple puissent décider eux-mêmes de la politique étrangère. Il propose dans son discours du 18 mai que la France s’interdise toute « guerre tendant à accroître son territoire actuel. » L’attitude prise par Mirabeau dans les débats le surprend ; il pressent la collusion de son ami avec le roi[56].

Dès lors, il assiste avec moins d’assiduité aux séances pour se consacrer à l’écriture des Ruines. Observateur lucide des événements, il est déçu et inquiet de la tournure prise par la Révolution. Il ne se fait pas d’illusions sur le culte de la Patrie instauré au moment de la Fête de la Fédération, prélude de l'oppression à venir. Après la mort de Mirabeau, Volney ne paraît plus à l’Assemblée qu’en témoin silencieux.

Les Ruines[modifier | modifier le code]

Querelle avec le baron de Grimm[modifier | modifier le code]

Le 5 décembre 1791, le Le Moniteur universel publie une courte lettre de Volney à « M. le baron de Grimm, chargé d’affaires de S.M. l’Impératrice de Russie ». Déplorant le soutien de Catherine II aux princes émigrés qui rassemblent leurs forces à Coblence, Volney charge Grimm de rendre à l’impératrice le prix reçu en 1788 pour ses Considérations sur la guerre des Turcs et des Russes. « Veuillez lui dire que, si je l’obtins de son estime, je le lui rends pour la conserver ». Il refuse de croire que la tsarine, admirée des philosophes français, veuille en connaissance de cause « épouser la querelle des champions iniques et absurdes de la barbarie superstitieuse et tyrannique des siècles passés ».

Le 1er janvier 1792, une violente réponse à cette lettre paraît à Coblence sous le nom de Grimm, sans que ce dernier démente en être l’auteur[57],[58],[59]. Le pamphlétaire raille la vanité de Volney, qui aurait prétendument obtenu sa « petite médaille » après « maintes sollicitations ». Il prend la défense des émigrés et accuse le philosophe de vénalité (la somme de six mille livres de rente sur les fonds du royaume est citée à de multiples reprises)[60].

Les sarcasmes visent également le médecin Cabanis, accusé d’avoir tué Mirabeau, et tout le cercle d’Auteuil, « la loge de fous les plus ridicules de la terre ». Volney est désigné responsable de « quelques incendies dans l’Anjou et de quelques douzaines d’assassinats ».

Ce pamphlet a un écho limité, tandis que la lettre de Volney, qui se distancie d’une ennemie déclarée de la Révolution, accroît sa réputation de patriote.

Mésaventure en Corse[modifier | modifier le code]

En février 1792, Volney débarque avec Saliceti à Bastia, avec l’idée de conduire des expériences agricoles sur l'île. Il fait la connaissance à Corte du lieutenant Napoléon Bonaparte[61], qui le guide jusqu’à Ajaccio[62] où il le présente à sa mère Letizia.

Le 1er mai, suivant les conseils de la famille Bonaparte, il achète la confina, un immense domaine[63],[64] aux portes d’Ajaccio, qui fait de lui le plus important propriétaire foncier de la région. Ces « Petites-Indes », lui coûtent 100 000 livres (payables en 12 annuités). Imprégné des idées physiocrates et hostile à la colonisation[65], Volney veut prouver qu’il est possible d’établir en Méditerranée les cultures des tropiques (orangers, dattiers, cannes à sucre, caféiers, cotonniers et indigotiers).

Son séjour course est aussi motivé par ses ambitions politiques. À son arrivée, il fait d’amères constatations sur l’état du corps social, qui repose entièrement sur le clientélisme[66]. Il essaye de se faire nommer au directoire du département, avec l’espoir d’être ensuite élu à la Convention aux côtés de Saliceti, grâce à la diffusion d’un journal sur le modèle de la Sentinelle.

Il compte sur l’appui de Pascal Paoli, qu’il avait soutenu devant l’Assemblée constituante. Mais le vieux chef corse désapprouve les évènements de l’été 1792 et prend ses distances avec la République naissante. Selon Volney, il entend « chasser les Français par les Anglais pour chasser ensuite les Anglais par les Corses, puis soumettre les Corses par son parti et sa parenté ». Paoli l’évince du directoire de l’île et s’emploie à entacher sa réputation en le faisant passer pour un espion et un hérétique[67]. Ces accusations menacent sa sécurité[68] et l’intégrité de son domaine[69]. Craignant pour sa vie, il s'enfuit en février 1793[70],[71]. Paoli ordonne la vente aux enchères des « Petites-Indes ».

La Terreur[modifier | modifier le code]

Lorsqu’il retrouve son appartement parisien de la rue Saint-Nicaise, un mois après l’exécution de Louis XVI, l’atmosphère de la capitale est transformée. Le pays est assiégé par la première coalition et la Convention se déchire entre montagnards et girondins.

S’étant massivement endetté pour investir dans son domaine corse, il est incapable de payer la première annuité qui lui est réclamée. Grâce à son ami Garat, ministre de l’intérieur, il obtient le 21 avril un sursis de six mois pour s’en acquitter.

La trahison du général Dumouriez, qui a rejoint les rangs autrichiens, vient jeter la suspicion sur tous ceux qui ont fréquenté le cercle du duc d’Orléans. Le nom de Volney est éclaboussé par l’affaire. Pour l’éloigner de la capitale, Garat lui confie une mission d’observation dans l’ouest de la France[72]. Il est à Nantes en mai, puis à Rennes en juin, et n’assiste donc pas à l’arrestation des députés girondins.

Catéchisme du citoyen français[modifier | modifier le code]

Au début du mois de septembre 1793, il publie depuis la Bretagne un petit ouvrage, La Loi naturelle, ou Catéchisme du citoyen français, qui vise à synthétiser et à rendre accessibles à tous les idées exposées dans Les Ruines. Volney cherche à établir une morale universelle, soumise aux règles du calcul à l’instar de la physique et de la géométrie[73],[74].

Il fait profession de déisme[75] : « Qu’est-ce que la loi naturelle ? C’est la loi éternelle, immuable, nécessaire, par laquelle Dieu régit l’univers, et qu’il présente lui-même aux sens et à la raison des hommes pour leur servir de règle égale et commune, et les guider, sans distinction de pays ni de secte, vers la perfection et le bonheur. »

Incarcération[modifier | modifier le code]

De retour à Paris, voyant les arrestations se multiplier dans son entourage du fait de la loi des suspects nouvellement promulguée, Volney cherche à se mettre à l’abris. Malgré la recommandation de Garat, le citoyen Deforgues, ministre des Affaires étrangères, lui refuse un poste de consul. Le 18 octobre, le Conseil exécutif lui propose un voyage d’étude aux États-Unis (on sait qu’il a été lié avec l’illustre Benjamin Franklin, et qu’il est en relations confiantes avec Thomas Jefferson).

Il prépare son départ lorsqu’il est arrêté le 16 novembre 1793, sur ordre du Comité de sûreté générale. Le motif officiel de son incarcération est le non-remboursement de ses dettes contractées en Corse : le délai qu’il a obtenu au printemps pour le versement de la première annuité s’est écoulé, et Garat, destitué de son ministère et attaqué par les montagnards, n’est plus en mesure de le protéger.

Détenu à la prison de La Force, Volney est transféré le 24 janvier 1794 à la pension Belhomme pour raison de santé. Le 21 février, peu après son 37e anniversaire, il est envoyé à la maison Coignard sur ordre du citoyen Froidure, qui lui évite par ce transfert la guillotine[76],[77]. Il sort de prison le 16 septembre 1794, quelques semaines après la chute de Robespierre.

L’École Normale[modifier | modifier le code]

En octobre 1794, il se rend dans les Alpes-Maritimes pour y rétablir sa santé qui s’est détériorée dans les geôles parisiennes. À Nice, il retrouve Napoléon Bonaparte, élevé l’année précédente au rang de général de brigade. Chaptal rapporte qu’au cours d’un dîner, Bonaparte expose à Volney son plan de conquête de l’Italie, plus d’un an avant sa campagne victorieuse[78].

Il est très sollicité par les autorités politiques au cours de l’automne. Garat a pris la tête de la Commission exécutive de l’instruction publique et des personnalités qui le tiennent en haute estime siègent au Comité d'instruction publique, en particulier Lakanal et l’abbé Grégoire. Dix écrivains sont désignés pour composer les livres dédiés à l’enseignement dans les écoles primaires[79]. Volney est chargé de rédiger un manuel d'explication de la Droits de l’Homme et de la Constitution qui ne verra jamais le jour[80].

Il est également appelé par Miot, commissaire aux relations extérieures, en tant que spécialiste de l’Empire ottoman. Il publie deux opuscules à l’usage de la diplomatie française : une Simplification des langues orientales[81], présentant une méthode pour apprendre les langues arabe, persane et turque avec l’alphabet latin[82], et des Questions de Statistique à l’usage des Voyageurs, qui doivent servir à une enquête à l’échelle planétaire[83].

À la création de l’École normale, destinée à former de manière accélérée des instituteurs pour les disséminer ensuite à travers la France, Volney est choisi comme professeur d’histoire. Le 20 janvier 1795, jour de l’ouverture de l’École au Muséum du Jardin des plantes, il prononce sa première leçon.

Il commence par définir la spécificité de l’histoire par rapport aux sciences naturelles[84], avant de s’interroger sur l’intérêt moral de cette discipline, son utilité pour le progrès humain[85] et ses potentiels effets délétères[86],[87],[88],[89]. Dans les six leçons qu’il donne, il présente les éléments d’une méthode pour tenter de reconstruire rationnellement le passé, à la manière d’un enquêteur[90],[91]. Il privilégie les sources écrites, immuables, aux traditions orales où « se déploient tous les caprices, toutes les divagations volontaires ou forcées de l’entendement ». Il prône l’interdisciplinarité (la géographie, l’économie, la linguistique et l’étude des religions doivent enrichir la connaissance historique des sociétés) et insiste sur l’importance des détails, parfois plus révélateurs que les grands événements[92].

Sa vision du devenir humain apparaît profondément pessimiste. L'espoir révolutionnaire des Ruines s’est éteint avec son incarcération. Le destin de l’espèce lui paraît cyclique et dénué de sens : « Sous des noms divers, un même fanatisme ravage les nations ; les acteurs changent sur la scène ; les passions ne changent pas, et l’histoire n’est que la rotation d’un même cercle de calamités et d’erreurs[93]. »

L’École normale ferme ses portes en mai 1795, après seulement cinq mois d’existence. Il reprend alors les préparatifs de son voyage en Amérique interrompus par son arrestation en 1793. Dans les semaines précédant son départ, il reçoit la visite de Napoléon Bonaparte. Peu confiant quant à ses perspectives d’avenir, celui-ci est en quête de renseignements sur la Turquie, où il songe à proposer ses services. Volney le dissuade de partir, lui disant que c’est en France que ses talents auront le plus de chances d’être reconnus.

Voyage en Amérique[modifier | modifier le code]

En 1795, les relations franco-américaines connaissent des tensions croissantes dues au traité de Londres, qui marque le rapprochement des États-Unis avec la Grande-Bretagne[94]. Volney espère obtenir par son séjour un poste de consul général ou même d’ambassadeur.

Marqué par son incarcération pendant la Terreur, il envisage de s’installer durablement dans le nouveau monde et d’y acquérir des terres[95],[96]. « Triste du passé, soucieux de l’avenir, j’allais avec défiance chez un peuple libre, voir si un ami sincère de cette liberté profanée trouverait, pour sa vieillesse, un asile de paix dont l’Europe ne lui offrait plus d’espérance. »

Avant son départ, il demande à James Monroe, alors ambassadeur à Paris, de lui écrire des lettres d’introduction auprès d’hommes de confiance à Philadelphie. Il entretient tout au long de son voyage une correspondance avec des membres du gouvernement français, en particulier avec l’abbé Grégoire[97] et La Révellière[98], récemment nommé Directeur.

Volney quitte Le Havre le 13 juillet 1795. La traversée de l’Atlantique dure près de trois mois. Son navire passe par les Bermudes, arrive dans la baie de la Delaware et remonte le fleuve jusqu’à Philadelphie. Il y retrouve de nombreux Français en exil[99], dont plusieurs anciens collègues à la constituante qui se réunissent chez Theophilus Cazenove (Talleyrand, La Rochefoucauld-Liancourt, Moreau de Saint-Méry[100], ou encore le vicomte de Noailles[101], beau-frère de La Fayette).

Il passe l’hiver à apprendre l’anglais et fréquente assidûment la Société américaine de philosophie fondée par Franklin[102]. On lui apprend qu’il a été élu en octobre au Conseil des Cinq-Cents par les citoyens de la Mayenne (il n’y siégera pas du fait de son absence). Il est également informé de sa nomination par le Directoire à l’Institut national des sciences et des arts[103].

Dans ses lettres à La Révellière, Volney dénigre l’ambassadeur français Pierre Auguste Adet[104]. Il affirme que les Américains perçoivent très mal une certaine condescendance française (« Ne parlez plus de « bienfait » ni de « gratitude » : vos agents ont ulcéré les cœurs par ces reproches. Tenons nous quittes, parlons d’intérêts, c’est la boussole de ce pays.[105]. »). Il prône une diplomatie de séduction culturelle[106].

Expédition à l’intérieur des terres[modifier | modifier le code]

Au printemps 1796, il part pour Georgetown, où l’architecte William Thornton lui fait visiter le chantier du Capitole : « les villes d’Asie ressemblent un peu à celle-ci, mais ce sont des squelettes ; ici, c’est un embryon. » Il suit ensuite le Potomac jusqu’à Fredericksburg, avant d’obliquer vers le sud-ouest, arrivant le 8 juin à Monticello, chez Thomas Jefferson. Il demeure trois semaines dans le domaine de son ami, où sont exploités quelques 150 esclaves.

Après avoir assisté à la moisson, Volney se met en route vers l’ouest. Au cours de l’été, il passe par Gallipolis, y constatant l’échec de la colonie française, descend l’Ohio jusqu’à Louisville (il fait un détour par Fort Vincennes) et visite Frankfort et Cincinnati. En septembre, il part pour Detroit avec un convoi militaire destiné au général Wayne. Il traverse le lac Érié jusqu’aux chutes du Niagara, avant de prendre le chemin du retour, longeant l’Hudson jusqu’à New York et regagnant Philadelphie en décembre.

Conflit avec John Adams[modifier | modifier le code]

La guerre franco-britannique nuit au commerce américain et les relations avec Paris se dégradent nettement après l’élection à la présidence de John Adams, dont l’aversion pour les Français est de notoriété publique[107].

Malgré l’hostilité croissante envers son pays, Volney est élu membre de la Société américaine de philosophie le 20 janvier 1797. Cette consécration provoque la colère de Joseph Priestley, chimiste anglais réfugié aux États-Unis, qui diffuse un pamphlet l’accusant d’athéisme, ce qui entache sa réputation dans la société puritaine philadelphienne. Il publie une réponse emplie d’ironie, tournant en dérision l’hypocrisie et la vanité de son adversaire.

À l’été 1797, il se rend de nouveau à Georgetown. William Thornton le présente à George Washington, qui l’accueille pendant deux jours à Mount Vernon et lui témoigne publiquement son estime. Thomas Jefferson l’invite ensuite une seconde fois à Monticello. Volney passe l’hiver à Philadelphie, où il étudie la langue des Miamis à la Société américaine de philosophie.

En avril 1798, l’affaire XYZ déclenche une « quasi-guerre » entre la France et les États-Unis. Le gouvernement de John Adams fait voter une loi permettant d’emprisonner ou d’expulser tout étranger suspect (la loi étant spécialement dirigée contre Volney selon Jefferson). On l’accuse à tort d’intriguer pour livrer la Louisiane au Directoire[108]. William Cobbett, pamphlétaire à la solde des Britanniques, mène une violente campagne pour le discréditer. Il est contraint de quitter précipitamment l’Amérique en juin 1798.

Tableau du climat et du sol[modifier | modifier le code]

Dans le sillage de Crèvecœur, Brissot, Talleyrand et La Rochefoucauld-Liancourt, Volney rend compte de son expérience américaine auprès du public français : il publie en 1803 un traité de géographie, le Tableau du Climat et du Sol des États-Unis.

Il commence par présenter la configuration générale du territoire (les plaines côtières de l’Atlantique, la chaîne des Appalaches et le bassin du Mississippi), puis il consacre différents chapitres à la géologie[109], aux lacs, aux chutes d’eau, aux séismes, aux climats et aux courants aériens. Il conclut son ouvrage par un exposé des principales maladies affectant la population du pays. Au long de son ouvrage, il conseille à plusieurs reprises au gouvernement des États-Unis de créer des « sociétés savantes » pour mesurer les phénomènes naturels et travailler si possible à les maîtriser.

Volney insiste sur le caractère empirique de son enquête. Quand il n’a pas constaté lui-même un fait, il nomme des témoins dignes de foi (magistrats, officiers, ecclésiastiques ou médecins, qui lui ont presque toujours été recommandés par Jefferson et Thornton). À son retour, il a confié à Delamétherie l’étude des échantillons minéraux qu’il a rapportés, et à Lamarck celle des fossiles.

Dans sa préface, il fait état de ses démêlés avec John Adams et rend hommage à Thomas Jefferson, élu président en 1801. Il fait l’apologie de la liberté de la presse américaine, alors même que Napoléon Bonaparte restreint celle des journaux français[110].

Il avait d’abord conçu son livre sur le même plan que son Voyage en Égypte et en Syrie, avec un « tableau politique » en seconde partie. Mais seul le traité géographique est publié[111]. Se croyant mourant[112], il laisse inachevées ses réflexions politiques. Toutefois, son Tableau, sa correspondance et ses manuscrit laissent entrevoir sa vision de la jeune démocratie américaine, trente ans avant le célèbre ouvrage de Tocqueville.

Observations sur les Américains[modifier | modifier le code]

Ses considérations sur la société américaine se veulent dénuées d’illusions, comme celles qu’il avait tirées de son séjour en Orient. Il en résulte une vision assez sombre, à rebours de l’engouement de ses contemporains pour le nouveau monde[113]. Il se plaint par exemple dans ses lettres de la saleté des villes[114] et de l’alimentation indigeste des habitants[115]. L’ivrognerie est décrite comme un vice très répandu à travers le pays.

Volney compare l’orgueilleuse caste des grands propriétaires terriens à la noblesse française de l’Ancien régime. Il remarque l’esprit mercantile des Américains, qui réduisent « tout en calcul », et l’importance des juristes (« les prêtres du pays »). Selon lui, les États-Unis tirent leur prospérité bien moins de la sagesse de leurs législateurs, que des richesses naturelles de leur immense territoire. Disciple des physiocrates, convaincu que la richesse vient du sol, il se montre dithyrambique quant aux efforts héroïques des pionniers de l’agriculture américaine.

Il discerne les aspirations isolationnistes et l’impérialisme panaméricain de cette nation bénéficiant d’une position géopolitique avantageuse (isolée du théâtre militaire européen). Malgré la guerre d’indépendance qui les a opposés, Britanniques et Américains ont conservé des liens privilégiés. Il a pu constater pendant son voyage la prégnance des sentiments antifrançais[116],[117].

Il note également l’opposition fondamentale entre les états du Nord, où se développent l’industrie, et ceux du Sud, où prédominent une économie agricole reposant entièrement sur l’esclavage.

L’esclavage des Noirs[modifier | modifier le code]

Son manuscrit non publié comporte de longs passages critiquant l’esclavage, tant pour son inhumanité que pour ses effets économiques néfastes[118],[119].

À Monticello[120], les invités de Jefferson conversent à propos du « problème des nègres », auquel diverses solutions sont envisagées : « Les uns veulent qu’on renvoie tous les Noirs en Afrique ; les autres veulent qu’on en fasse une république, isolée dans un canton de l’ouest, par-delà le Mississippi. D’autres enfin pensent qu’il vaudrait mieux éduquer les Noirs et les rendre capables de bien user de la liberté qui deviendrait le prix certain de leur bonne conduite. »

Face aux saillies racistes d’un planteur carolinien, Volney rétorque qu’en Bretagne, les enfants de paysans arriérés sont devenus « des notaires, des procureurs et des ecclésiastiques d’esprit distingué ». Il en conclut : « Éduquez vos Noirs, rendez-les libres, et la même chose leur arrivera[121]. »

Il suggère que les mariages mixtes pourraient favoriser à terme une société sans distinction de couleurs[122]. Cependant, il remarque que les enfants métis, nombreux dans les plantations en dépit de l’indignation qu’ils suscitent, n’en demeurent pas moins des esclaves[123].

Les « Sauvages »[modifier | modifier le code]

Volney clôt son ouvrage par un chapitre intitulé « éclaircissements sur les sauvages ». Il s’intéresse aux autochtones d’autant plus qu’il craint que « dans cent ans », ces peuples seront éteints, et que leur histoire[124] et leur culture auront disparu avec eux.

Sa première intention est de vivre quelques temps avec une tribu pour l’étudier, comme il l’avait fait avec les bédouins de Gaza, mais les colons l’en dissuadent, lui assurant qu’il n’existe aucune loi d’hospitalité chez les sauvages, que leur « état social est celui de l’anarchie et d’une nature féroce et brute ». Il est conforté dans cette idée à Fort Vincennes, où les Piankashaw[125] qu’il observe sont « sales, ivrognes, fainéants, voleurs, d’un orgueil excessif, d’une vanité facilement blessée, et alors, cruels, altérés de sang, implacables dans leur haine, atroces dans leur vengeance[126],[127] ».

Au début de l'année 1798, à Philadelphie, il a l’occasion de s’entretenir plusieurs fois avec Michikinikwa (« petite tortue »), le célèbre chef des Miamis[128] que Volney décrit comme un homme sage et lucide. Michikinikwa comprend que la cause première du pouvoir des Européens réside dans leur maîtrise de l’agriculture, qui leur donne la capacité de nourrir d’immenses populations sur des espaces restreints. Il se désole de l’expansion des colons : « nous fondons comme la neige devant le soleil du printemps ; si nous ne changeons pas de marche, il est impossible que la race des hommes rouges subsiste. »

La question de la propriété foncière est centrale dans le regard que porte Volney sur les autochtones d'Amérique. À l’image de nombreux députés de 1789, il pense que la propriété est nécessaire au sentiment d’appartenance à une société[129]. Il est convaincu des bienfaits de la sédentarité, de la civilisation comme « enclos » défensif face à une nature hostile. Le sauvage lui semble condamné à disparaître ou à s’assimiler[130].

Son aversion pour les mœurs indigènes contraste avec l’image du « bon sauvage » popularisée au XVIIIe siècle. Il y voit le fantasme de ceux « qui jamais n’ont quitté le coin de leur cheminée » et s’en prend particulièrement aux célèbre Discours de Rousseau, auteur d’un « monde d’abstractions » qui vécut « presque aussi étranger à la société où il naquit qu’à celle des sauvages[131] ».

Volney égratigne également Chateaubriand[132] quand, évoquant la pédérastie des Chactas et des Chicachas, il écrit malicieusement que « ces honnêtes gens-là auraient bien besoin du missionnaire Atala[133]. »

Napoléon Bonaparte[modifier | modifier le code]

Volney invita Napoléon Bonaparte (qu'il avait rencontré en Corse) à déjeuner chez lui avec Louis-Marie de La Révellière-Lépeaux : la conversation de Bonaparte frappa ce directeur, qui le présenta le lendemain au directeur Paul Barras, par la protection duquel l'officier destitué recouvra son grade.

Volney était celui qui, au commencement de l'année 1794, avait détourné le futur empereur, alors privé de son grade, d'aller chercher du service soit en Turquie, soit en Russie. Bonaparte avait tout tenté pour être réintégré : rien n'avait réussi. Lors de l'expédition d'Égypte, Volney dans un article du 26 brumaire an VI, devinant les projets du conquérant, prévoyait de sa part une marche à travers la Syrie sur Constantinople[134]. Il inséra même dans le Moniteur du 7 frimaire an VII, un article qui mystifia jusqu'à des historiens sérieux[135].

Le 18 brumaire[modifier | modifier le code]

Au 18 brumaire, il seconda de tous ses efforts les résultats de cette journée. On peut penser même qu'il fut du nombre des personnages qui préparèrent ce coup d'État ; il était alors fort lié avec le général Bonaparte.

Après le 18 brumaire, Bonaparte eut la pensée de se donner Volney comme troisième Consul, puis comme ministre de l'Intérieur. Volney refusa, et se laissa seulement nommer sénateur[136], mais il resta le confident, l'ami, et même le médecin du Premier Consul. Membre du sénat dès la création de ce corps, vice-président un peu plus tard, il fréquentait la Malmaison et les Tuileries.

La rupture avec Bonaparte[modifier | modifier le code]

La dissidence de leurs opinions éclata principalement à l'occasion du clergé, auquel le premier consul se préparait à rendre une partie de son influence. Quelque temps après, Volney, dans un conseil secret, ne se prononça pas moins fortement contre l'expédition de Saint-Domingue, dont il prévoyait tous les désastres. Il ne tarda point à s'apercevoir que sa franchise déplaisait et qu'on ne l'accueillait plus aux Tuileries avec la même cordialité ; mais il ne s'en inquiéta point. Enfin, lorsque Bonaparte voulut échanger la dignité consulaire contre la couronne impériale, l'austère sénateur se permit de lui dire que mieux vaudrait ramener les Bourbons.

Il envoya même sa démission de membre du sénat ; mais cette démission, qui fit tant de bruit en Europe, ne fut point acceptée. Cédant aux sollicitations affectueuses du nouveau souverain, obéissant d'ailleurs à un sénatus-consulte qui portait que le sénat ne recevrait la démission d'aucun de ses membres, Volney continua de siéger dans cette assemblée ; mais il fit constamment partie, avec Lanjuinais, Cabanis, Destutt de Tracy, Colaud, Dominique Joseph Garat, etc., de cette faible minorité qui s'opposait vainement.

L'Empire[modifier | modifier le code]

Volney.

Le Sénat conservateur[modifier | modifier le code]

Il est pour un temps vice-président du Sénat conservateur, où il s'oppose à la politique de Bonaparte et à son Concordat. Il forme avec d'autres « idéologues[137] » l'opposition à l'empereur. Il était du club des Encyclopédistes qui se réunissaient chez Madame Helvétius, puis chez Cabanis, faisant de l'opposition en chambre et des épigrammes[138].

L'empereur l'honore cependant et lui concède le titre de comte de l'Empire. Volney se laissa aussi décorer du titre de commandeur de la Légion d'honneur; mais, peu touché de tous ces honneurs, en quelque sorte obligés, il ne pardonna pas.

Les études[modifier | modifier le code]

II se tint le plus souvent étranger, sous l'Empire, au mouvement des affaires publiques et ne paraissait au sénat que très rarement. Il habitait à Paris, rue de la Rochefoucauld, une maison de style égyptien[139]. C'est là que Volney n'était plus qu'homme de lettres. Il passait ses journées livré à l'étude la plus opiniâtre. L'examen et la justification de la Chronologie d'Hérodote, de nombreuses et profondes recherches sur l'histoire des peuples les plus anciens, occupèrent alors ce savant, qui avait observé leurs monuments et leurs traces dans les pays qu'ils avaient habités[140].

Il donne sa démission de sénateur, et se retire de la scène politique sous l'Empire. Il est élu en 1803 à l'Académie française au vingt-quatrième fauteuil précédemment occupé par l’abbé de Radonvilliers.

Un mariage tardif[modifier | modifier le code]

Guère porté sur le beau sexe, resté célibataire jusqu'en 1810, il épouse sur le tard une cousine, mademoiselle Gigault, avec qui il vivra « dans une entente polie[141] ». Depuis son mariage, il avait dû renoncer à son habitation de la rue de la Rochefoucauld. Il fit l'acquisition d'un hôtel situé rue de Vaugirard, remarquable surtout par l'agrément d'un jardin fort étendu[142]. Il restait bourru et maussade pour le reste du monde[143].

Œuvres[modifier | modifier le code]

Tableau du climat et du sol des États-Unis d'Amérique[modifier | modifier le code]

En 1803, il publia le Tableau du climat et du sol des États-Unis d'Amérique[144]. L'étude que l'auteur avait faite de la médecine lui donne l'avantage de pouvoir, en observateur profond, juger du climat, analyser les propriétés de l'air et tracer en quelque sorte la statistique médicale de ce pays.

Ce n'est que dans quelques-unes de ses préfaces qu'il lui arrive parfois de parler de lui. Celle de son Tableau des États-Unis offre surtout des détails précieux sur la persécution qu'il avait éprouvée dans cette république[145]

La Chronologie[modifier | modifier le code]

Volney a développé ses idées en chronologie dans plusieurs écrits publiés à différentes époques. On a vu plus haut qu'il s'en était occupé en 1790 ; il donna une nouvelle forme à son ancien travail sous le titre de Supplément à l'Hérodote de Larcher, Paris, 1808, mémoire où beaucoup de choses sont rassemblées en quatre-vingts pages.

À l'aide des Tables chronologiques faites par Pingré, en faveur de l'Académie des inscriptions, pour dix siècles avant l'ère chrétienne, l'auteur fixe avec une précision rigoureuse à l'an 625 avant cette ère l'éclipse centrale de soleil qui, selon le récit d'Hérodote, fut autrefois prédite par Thalès[146].

L'analyse et le rapprochement de quelques passages de l'historien grec suffisent au critique pour désigner avec une égale certitude l'an 557 comme date précise de la prise de Sardes et de la chute de la monarchie lydienne. De ces deux dates bien constatées découle aisément toute la chronologie des rois mèdes et des rois lydiens. La démonstration paraît sans réplique, à en juger par là réponse même qu'y a faite Larcher.

Il continua le même travail sur l'ouvrage entier d'Hérodote ; et, l'année suivante (1809), il publia sur ce sujet une nouvelle dissertation ayant pour titre : Chronologie d'Hérodote. Ces deux ouvrages, réunis par l'auteur dans le second tome de ses Recherches nouvelles sur l'histoire /ancienne, furent réimprimés en 1814 (2 vol. in-8°), sans autre changement que la suppression de quelques personnalités contre Larcher, envers lequel Volney ne se montra pas plus juste que Larcher lui-même ne l'avait été envers lui.

Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne[modifier | modifier le code]

Les Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne se composent encore de l'examen des antiquités de la Perse, de la Judée, de la Babylonie, etc. Volney attaque ouvertement le témoignage des Livres saints, et les discute avec autant de liberté que les sources de l'histoire profane.

Le linguiste[modifier | modifier le code]

Lettres additionnelles pour la translittération de l’arabe, dans Simplification des langues orientales publié en 1795.

La même observation s'applique à ses immenses travaux sur la simplification des langues orientales, sujet important qui avait déjà occupé le génie de Leibniz. Partant de cette vérité, que les différents signes du langage doivent représenter les différents sons, Volney avait conçu le projet d'un alphabet unique[147]. Il prétendait, d'après les divers caractères de leurs idiomes, juger de leurs connaissances en morale, en législation, en littérature, car les signes qu'un peuple admet dans son langage sont nécessairement ceux de ses idées. Il n'appartient qu'aux personnes versées dans les langues orientales d'apprécier sous le rapport technique la possibilité et les avantages de ce système.

De graves objections ont été adressées à Volney par des orientalistes, tels que Louis-Mathieu Langlès et Antoine-Isaac Silvestre de Sacy. Il leur a répondu par des critiques assez vives, mais il a eu pour lui le suffrage peu équivoque de l'académie de Calcutta qui, laissant à part les passions des gouvernements, l'inscrivit au nombre de ses membres, en 1798, au plus fort de la lutte entre la France et l'Angleterre.

Volney a développé son système dans quatre ouvrages ; le premier, intitulé Simplification des langues orientales, ou Méthode nouvelle et facile d'apprendre les langues arabe, persane et turque avec des caractères européens, fut publié en 1795. L'épigraphe, tirée de La Cité de Dieu de saint Augustin, donne une idée suffisante de l'objet du livre :

« La diversité des langues, a dit ce Père de l'Église, est un mur de séparation entre les hommes ; et tel est l'effet de cette diversité, qu'elle rend nulle la conformité parfaite d'organisation qu'ils tiennent de la nature. »

Le discours préliminaire passe pour un modèle de style. Volney, dont l'esprit étendu envisageait toutes les questions sous les rapports les plus élevés, y prédisait dès lors la subversion totale du système colonial de l'Europe, l'affranchissement de toute l'Amérique et la formation de nouveaux États destinés à rivaliser avec les anciens sur l'océan Atlantique.

Dix ans après, il fit paraître dans divers recueils un Rapport fait à l'académie celtique sur l'ouvrage russe de M. le professeur Pallas : Vocabulaires comparés des langues de toute la terre, Paris, 1805[148]. À ce rapport, Volney fit succéder, quatorze ans plus tard, un travail bien autrement important pour la simplification des langues : l' Alphabet européen appliqué aux langues asiatiques, ouvrage élémentaire utile à tout voyageur en Asie (Paris, 1819)[149] Enfin, il avait achevé de le développer dans un ouvrage qui parut en 1820, quelques mois après sa mort, mais dont il avait revu toutes les épreuves. Ce livre a pour titre l'Hébreu simplifié, un vol. in-8°.

Pour compléter la liste des différents écrits de Volney sur l'étude des langues, nous citerons encore :

  1. Vocabulaire de la langue des Miamis (peuple sauvage de l'Amérique), qui fait suite au Tableau du climat et du sol des États-Unis ;
  2. Discours sur l'étude philosophique des langues, lu à l'Académie française dans une séance particulière deux Lettres à M. le comte Lanjuinais sur l'antiquité de l'alphabet phénicien (1819) ;
  3. Vues nouvelles sur l'enseignement des langues orientales, imprimées pour la première fois en dans le huitième volume des œuvres complètes de Volney[150] ;
  4. Questions de statistique à l'usage des voyageurs, dressées en 1795, sous les auspices du gouvernement français, pour guider dans leurs observations les agents diplomatiques ; elles ont été réimprimées en 1813.

La Restauration[modifier | modifier le code]

Volney avait adhéré, le , à la déchéance de l'empereur, dont il prévoyait depuis longtemps la chute ; il se trouva, le 4 juin suivant, appelé à la pairie par Louis XVIII. Il eut quelques inquiétudes au retour du prisonnier de l'Ile d'Elbe et s'achemina à petites journées vers l'Anjou, mais, vite rassuré, revint dans la capitale.

Il ne fut point au nombre des pairs nommés par Napoléon Ier pendant les Cent-Jours ; aussi continua-t-il, après la Seconde Restauration, de siéger dans la chambre héréditaire. Il ne parut jamais à la tribune, la faiblesse de son organe ne le lui permettant pas ; mais, dans ses votes, il se montra fidèle aux principes qu'il avait professés toute sa vie.

Ses relations les plus fréquentes étaient avec Lanjuinais dont il raillait la dévotion, Boissy d'Anglas, Daunou, de Broglie[Lequel ?], Chaptal. Son intérieur était des plus modestes et ses goûts forts simples[151]. Il en était venu à détester presque également le gouvernement républicain, le gouvernement impérial et la royauté, mais avec modération.

Au reste, la dignité dont il était revêtu ne laissa pas de donner une importance toute particulière à un ouvrage qu'il publia en 1819, lorsqu'il fut un moment question du sacre de Louis XVIII. Ce livre avait pour titre : Histoire de Samuel, inventeur du sacre des rois, suivie d'une série de questions de droit public sur la cérémonie de l'onction royale[152].

Dans ses dernières années, un de ses amis le félicitait sur sa lettre à Catherine II :

« Et moi je m'en suis repenti, dit-il avec la sincérité d'un vrai philosophe. Si, au lieu d'irriter ceux des rois qui avaient montré des dispositions favorables à la philosophie, nous eussions maintenu ces dispositions par une politique plus sage et une conduite plus modérée, la liberté n'eût pas éprouvé tant d'obstacles, ni coûté tant de sang. »

La fin[modifier | modifier le code]

Tombeau de Volney, Père-Lachaise, Paris

Il mourut à 63 ans, le , sans avoir demandé les derniers sacrements de la religion. Ses obsèques, qui eurent lieu à Saint-Sulpice, furent honorées des cérémonies de cette religion catholique dont il avait si souvent attaqué les dogmes et dont il ne réclama point les consolations ; il fut inhumé au cimetière du Père-Lachaise[153].

Hommages et postérité[modifier | modifier le code]

Laya, directeur de l'Académie, prononça sur le cercueil les paroles d'un sage. Trois mois après (), l'éloge de Volney fut fait devant l'Académie par Pastoret, son successeur. Pierre Daru, exécuteur testamentaire de Volney, avait prononcé son éloge le 20 juin précédent au sein de la chambre des pairs[154].

Son tombeau, une pyramide, se trouve au cimetière du Père-Lachaise (division 41) à Paris. Il a été gravé plusieurs portraits ressemblants de Volney ; le meilleur est celui d'Alexandre Tardieu, d'après un buste de David. Une statue de bronze a été dressée en 1898 à Craon, près de la gare[155].

Volney s’était fait un écusson : de sable aux ruines antiques d’argent surmontées d'une hirondelle de même, volant en bande ; et une devise : Posside animam tuam. Armoiries officielles : De sable, aux deux colonnes et fragmens en ruines, surmontés d'une hirondelle d'argent, franc-quartier de comte sénateur[156].

Le prix Volney est décerné par l’Institut de France sur proposition de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, sous la forme d'une médaille, à un ouvrage de philologie comparée.

Il existe depuis 1879 une rue Volney dans le 2e arrondissement de Paris.

La loge Volney est une loge maçonnique créée en 1911 à Laval (Mayenne).

Un amphithéâtre de la faculté de Droit, d'Économie et de Gestion de l'Université d'Angers porte son nom.

Dans Frankenstein ou le Prométhée moderne, roman de Mary Shelley (1818), la créature de Frankenstein écoute la lecture de Les ruines ou Meditation sur les révolutions des Empires en espionnant un paysan. Ce livre lui permet de découvrir la géographie et l'histoire[157].

Publications[modifier | modifier le code]

Divers[modifier | modifier le code]

Tous les ouvrages de Volney sont indiqués, à l'exception de l’État physique de la Corse, publié pour la première fois dans l'édition de 1826, et qui est tout à fait indépendant du Précis de l'état actuel de la Corse.

Volney était collaborateur de la Revue encyclopédique. Il avait inséré plusieurs articles dans le Moniteur pendant la Révolution française, entre autres, le procès-verbal de la prétendue Entrevue de Bonaparte et de plusieurs muftis et imans dans l'intérieur de la grande pyramide. Cette supposition, qui mystifia beaucoup le Directoire, a induit en erreur plus d'un biographe de Napoléon (Moniteur du 7 frimaire an 7).

En 1788, Volney avait publié à Rennes une feuille intitulée la Sentinelle.

Ses ouvrages[modifier | modifier le code]

1781 - 1789[modifier | modifier le code]

  • 1781 : Mémoire sur la Chronologie d'Hérodote,
  • 1787 : Voyage en Syrie et en Égypte, pendant les années 1783, 1784 & 1785, Paris 1785 ; Paris, Volland et Dessenne, 1787, 2 vol. (tome 1 et tome 2 en ligne) (tome 1 et tome 2 disponibles sur Gallica)[158] ;
  • 1788 : Considérations sur la guerre actuelle des Turcs, Londres (en ligne)[159] ;
  • 1788 : Des Conditions nécessaires à la légalité des États généraux, Paris ;
  • 1788 : Lettre de M. C.-F. de Volney à M. le comte de S...t., Paris, 1788[160] ;
  • 1789 : Les ruines ou Meditation sur les révolutions des Empires. Précédé d'une notice par le comte Daru, Paris, 1826. Réédition (1789, édition princeps, voir supra)[161]

1790 - 1799[modifier | modifier le code]

  • 1790 : Chronologie des douze siècles antérieurs au passage de Xercès en Grèce ;
  • 1791 : Les Ruines Ou Méditations Sur Les Révolutions Des Empires, Par M.Volney, Député a L'Assemblée Nationale De 1789, Genève[162] ;
  • 1793 : La loi naturelle ou Catéchisme du Citoyen français, Grenoble[163],[164]  ;
  • 1793 : Précis de l'état actuel de la Corse (1793)[165] ;
  • 1794 : Simplification des langues orientales, ou méthode nouvelle et facile d'apprendre les langues arabe, persane et turque, avec des caractères européens, Paris, Impr. de la République, an III, in-8° (en ligne sur Gallica);
  • 1795 : Letter to Priestley[166] ;


1800 - 1815[modifier | modifier le code]

  • 1803 : Tableau du climat et du sol des États-Unis d'Amérique Suivi d'éclaircissements sur la Floride, sur la colonie Française au Scioto, sur quelques colonies Canadiennes et sur les Sauvages, Paris[167] ;
  • 1805 : Rapport fait à l'Académie Celtique sur l'ouvrage russe de M. le professeur Pallas. « Vocabulaires comparés des langues de toute la terre », Paris ;
  • 1808 Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, Paris[168] ;
  • 1808 Supplément à l'Hérodote de M. Larcher, Paris ;
  • 1809 : Chronologie de Hérodote, conforme à son texte, en réfutation des hypothèses de ses traducteurs et de ses commentateurs, Paris, 1809, Bossange, 1821 ;
  • 1813 : Questions de statistique à l'usage des Voyageurs, Paris ;

1816 - 1820[modifier | modifier le code]

  • 1819 : Histoire de Samuel, inventeur du sacre des rois ; fragment d'un voyageur américain. Paris, 1819, Bossange, 1820, 1822 ;
  • 1819 : L'alfabet européen appliqué aux langues asiatiques, Paris, F. Didot, 1819, 2e édition 1826 (édition de 1826 disponible sur Gallica) ;
  • 1820 : L'Hébreu simplifié par la méthode alfabétique, contenant un premier essai de la grammaire et un plan du dictionnaire écrit sans lettres hébraïques, et cependant conforme à l'hébreu ; avec des vues nouvelles sur l'enseignement des langues orientales, Paris, J.-M. Eberhart, 1820 (édition de 1826 disponible sur Gallica)[169] ;
  • 1820 : Discours sur l'étude philosophique des langues, lu à l'Académie des sciences, Paris 1820[170] ;
  • 1822 : Leçons d'histoire prononcées à l'École normale, en l'an III de la République française. Paris, 1799[171] ;
  • 1823 : Lettres de M. de Volney à M. le baron de Grimm, suivi de la réponse de ce dernier[172], Paris ;

1820 - 1899[modifier | modifier le code]

  • 1821 : Œuvres choisies, précédées d'une Notice sur la vie de l'auteur (par Adolphe Bossange). Les ruines. - La loi naturelle. - L'histoire de Samuel, Paris, 1821, Nouvelle édition, Lebigre Frères, 1836. Une Notice sur la vie et les écrits de G.-F. Volney, par Adolphe Bossange, se trouve en tête de l'édition des Œuvres complètes de Volney, publiée chez Bossange, 8 vol. in-8°, Paris, nouvelle édition, mais moins complète, Paris, 1837, grand in-8° ;

XXe – XXIe siècle[modifier | modifier le code]

  • 1954 : Œuvres complètes. Précédées d'une Notice sur la Vie et les Écrits de l'Auteur, Firmin-Didot.
  • 2008 : Observations générales sur les Indiens ou sauvages d’Amérique du Nord, suivi de Les Ruines et de La Loi naturelle. Éditions CODA, (ISBN 9782-84967-063-7)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Huile sur toile (73,8 x 58,6 cm) conservée à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts, à Philadelphie.
  2. Cette version avec un « œ » s’est progressivement substituée à l’orthographe originelle « Chassebeuf ».
  3. D’origine paysanne, les Chassebœuf se sont enrichis au fil des générations, aux XVIIe et XVIIIe siècles, jusqu’à compter parmi les familles notables de Craon. Le trisaïeul de Volney était huissier royal, son bisaïeul notaire et son grand-père magistrat, maire de la ville en 1741.
  4. Préface de Jules Claretie à l’édition de 1868 des Ruines.
  5. Le pensionnat est doté par le duc de Charost.
  6. « Henri Besse, « Un homme des Lumières face aux langues du sud de la Méditerranée, ou Volney et sa “méthode alfabétique” », Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, 28 »
  7. Sainte-Beuve (qui s’intéresse à Volney dans le tome VII des Causeries du lundi, les 14 et 21 février 1853) regrettait « qu’au lieu de ce nom qui siérait aussi bien à un personnage de roman, il n’eût point gardé ce premier nom pittoresque de Chassebœuf, qui rappelait un chevalier et haut baron poursuivant dans la plaine le vilain et piquant les troupeaux de sa lance : mais le commun du monde y voyait naturellement le vilain et le bouvier encore plus que le chevalier. »
  8. Lettre de Volney à Bonaparte du 26 frimaire an VIII (17 décembre 1799).
  9. Jean Sibenaler, Il se faisait appeler Volney: approche biographique de Constantin-François Chassebeuf, 1757-1820, Hérault éditions, 1992, p.27-28. L’appartenance de Volney à la franc-maçonnerie fait toutefois débat parmi ses historiens. Il désignera plus tard les francs-maçons comme des « disciples égarés » du pythagorisme et contestera la continuité d'une tradition antique («malgré leur prétention, le fil de la science occulte est rompu »). Il verra d’un mauvais œil les sociétés secrètes : « En général, toute association qui a pour base le mystère [...] est une ligue de brigands contre la société, ligue divisée dans son propre sein en fripons et en dupes, c'est-à-dire en moteurs et en instruments ».
  10. « Jean Gaulmier, « Volney et la pédagogie de l’arabe », Jean Gaulmier, un orientaliste, Presses de l’Ifpo, 2006, p.145-158. »
  11. C’est la thèse de Jean Gaulmier, son biographe de référence au XXe siècle. Au début du règne de Louis XVI, devant l’affaiblissement des Ottomans qui paraît inexorable après la guerre russo-turque de 1768-1774, la politique à mener en Orient divise la diplomatie française en deux camps. Faut-il profiter de la dislocation de l’Empire pour s’emparer de l’Égypte ? Ou doit-on soutenir les Turcs face aux velléités austro-russes, en restant fidèle à l’amitié séculaire liant le sultan au roi de France ? La première tendance est défendue par Sartine, ministre de la marine, et par Saint-Priest, ambassadeur à Constantinople. Le baron de Tott conduit en 1777 une mission secrète de reconnaissance militaire en Égypte, et se montre favorable à une opération de conquête. La seconde approche, celle de la recherche du statu quo, est prônée avec constance par le comte de Vergennes, secrétaire d’État des Affaires étrangères, qui préfère se concentrer sur l’alliance avec les indépendantistes américains. C’est dans ce contexte diplomatique que s’inscrit le voyage de Volney, dont le témoignage s’accordera avec les vues de Vergennes.
  12. « Bibliothèque diplomatique numérique : « des langues orientales aux caractères bien européens » »
  13. Il écrit dans la préface : « Considérant les circonstances politiques où se trouve l’empire turc depuis vingt ans, et méditant sur les conséquences qu’elles peuvent avoir, ce me parut un objet piquant de curiosité, de prendre des notions exactes de son régime intérieur, pour en déduire ses forces et ses ressources. » Il s’attarde dès les premières pages sur la faiblesse des forces défensives d’Alexandrie, composées de janissaires qui ne « savent que fumer la pipe ». La conquête de cette ville serait cependant inutile, écrit-il, car des étrangers ne pourraient s’y maintenir faute d’accès à l’eau douce. Partout où il séjourne, il note avec soin les défenses et les garnisons, la valeur du commandement ou ses faiblesses, la qualité de l’armement…
  14. Le pays commence à subir les retombées funestes de l’éruption d’un volcan islandais
  15. « Icelandic Volcano Caused Historic Famine In Egypt, Study Shows, State University of New Jersey, 2006 »
  16. Au cours d’une discussion, le cheikh lui dit qu’il est surpris que Volney ait choisi de quitter son pays alors que l’eau y est abondante.
  17. « Quand j’arrivai de mon voyage en Orient, la fleur de ma réputation fut un enchantement : j’occupais les cercles, on me questionnait, on m’écoutait, j’étais enivré.... À la longue, les questions me devinrent fastidieuses, puis insupportables, et je finis par fuir les sociétés. »
  18. Un chapitre entier est consacré aux maladies qui y règnent : « Marchant dans les rues du Kaire, j’ai souvent rencontré sur cent personnes, vingt aveugles, dix borgnes et vingt autres dont les yeux étaient rouges, purulents ou tachés. Presque tout le monde porte des bandeaux, indices d’une ophtalmie naissante ou convalescente. » Cette exagération (même si les problèmes de vue dans la population égyptienne sont courants) suggère symboliquement l’aveuglement mental des orientaux, à l’opposé des Lumières européennes.
  19. Ce que Sainte-Beuve appelle ironiquement « le beau idéal dans le genre de la statistique ».
  20. On a coutume de le ranger parmi ces idéologues qui, d’après la plupart des critiques, sont de mauvais écrivains. Sainte-Beuve, l’accuse de manquer d’éclairs, d’écrire dans « un genre triste, aride, tour à tour médical ou topographique ».
  21. « Qu’on examine un voyageur arrivant de pays lointains, dans une société oisive et curieuse ; la nouveauté de ses récits attire l’attention sur lui ; elle va même jusqu’à la bienveillance pour sa personne : on l’aime parce qu’il amuse, et parce que ses prétentions sont d’un genre qui ne peut choquer. De son côté, il ne tarde pas de sentir qu’il n’intéresse qu’autant qu’il excite des sensations nouvelles. Le besoin de soutenir, l’envie même d’augmenter l’intérêt, l’engagent à donner des couleurs plus fortes à ses tableaux ; il peint les objets plus grands pour qu’ils frappent davantage ; le succès qu’il obtient l’encourage ; l’enthousiasme qu’il produit se réfléchit sur lui-même ; et bientôt il s’établit entre ses auditeurs et lui une émulation et un commerce par lequel il rend en étonnement ce qu’on lui paye en admiration. »
  22. Savary voit le Nil avec l’imagination d’un poète bucolique : « Les filles descendent du village pour laver leur linge et puiser de l’eau. Toutes font leur toilette. Leurs cruches et leurs vêtements sont sur le rivage ; elles se frottent le corps avec le limon du Nil, s’y précipitent et se jouent parmi les ondes... Leurs cheveux tressés flottent sur leurs épaules, elles ont la peau fort brune, le teint hâlé, mais la plupart sont très bien faites. » A cette idylle, Volney oppose l’ironie de ses impressions : « Jamais les eaux du Nil troubles et fangeuses n’auront pour l’Européen le charme des claires fontaines et des ruisseaux limpides ; jamais, à moins d’un sentiment exalté par la privation, le corps d’une Égyptienne, hâlé et ruisselant d’une eau jaunâtre, ne lui rappellera les naïades sortant du bain. »
  23. « Sarga Moussa. Noirceur orientale - l’Égypte de Volney, 2007 »
  24. « Les Turcs savent vaincre, mais ne savent pas gouverner » écrit-il. Et, à propos du port d’Alexandrie en piteux état : « C’est qu’en Turquie, l’on détruit sans jamais réparer. (…) L’esprit turc est de ruiner les travaux du passé et l’espoir de l’avenir, parce que dans la barbarie d’un despotisme ignorant, il n’y a point de lendemain. »
  25. Edward Saïd considère que cette œuvre est symptomatique d’une vision réificatrice de l’altérité. Il voit en Volney un précurseur de l’orientalisme européen du XIXe siècle (Urs App, The Birth of Orientalism, University of Pennsylvania Press, 2010, 440–79).
  26. « Tout saisit à la fois le cœur et l’esprit d’étonnement, de terreur, d’humiliation, d’admiration et de respect… »
  27. « Voyage en Syrie et en Égypte, C.-F. Volney, p.255 »
  28. Adolphe Bloch, « De l'origine des Egyptiens », Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, vol. 4, no 1,‎ , p. 393–403 (DOI 10.3406/bmsap.1903.6514, lire en ligne, consulté le )
  29. « Gilles Boëtsch, « Noirs ou blancs : une histoire de l'anthropologie biologique de l’Égypte », Égypte/Monde arabe, 24 »
  30. « Voyage en Syrie et en Égypte, C.-F. Volney, p.76 »
  31. « Génétique. L’ADN des momies dévoile l’ascendance des Égyptiens de l’Antiquité », sur Courrier international, (consulté le )
  32. « Pour la première fois, des scientifiques ont mis la main sur l'ADN de momies égyptiennes », sur France 24, (consulté le )
  33. « Jean Gaulmier, « Chateaubriand et Volney », Annales de Bretagne, Tome 75, numéro 3, 1968, p. 570-578. »
  34. L’itinéraire de Chateaubriand comprend une vingtaine de références à son livre. il parle de « l'excellent voyage de M. de Volney » et qualifie son livre de « véritable chef d'œuvre dans tout ce qui n'est pas érudition ». Il se montre plus réservé en privé, écrivant dans une lettre à Guizot le 12 juin 1809 : « M. de Volney est bon sur le gouvernement des Turks, mais il est évident qu'il n'a jamais vu Jérusalem. »
  35. Henriette Browne estime l’ouvrage de Volney « si exact et si bien fait qu’on ne peut le regarder que comme un des meilleurs de son genre. » Sainte-Beuve écrit quant à lui que l’honneur durable de Volney « sera d’avoir été un « excellent voyageur ».
  36. « Dans les circonstances présentes, il nous est de la plus étroite nécessité de conserver la paix : elle seule peut réparer le désordre de nos affaires : le moindre effort nouveau, la moindre négligence peuvent troubler la crise que l’on tâche d’opérer, et d’un accident passager faire un mal irrémédiable... Rassemblons toutes nos forces et toute notre attention sur notre situation intérieure : rétablissons l’ordre dans nos finances, rendons la vigueur à notre armée ; réformons les abus de notre constitution.... Par là, et par là seulement, nous arrêterons le mouvement qui déjà nous entraîne ; par là, nous régénérerons nos forces et notre consistance, et nous ressaisirons l’ascendant qui nous échappe ; par là, nous deviendrons supérieurs aux révolutions externes que le cours de la nature amène et nécessite. »
  37. « Lettre de M. de Volney a M. le baron de Grimm, chargé des affaires de Sa Majesté l'impératrice des Russies »
  38. « « Et la civilisation deviendra générale » : L’Europe de Volney ou l’orientalisme à l’épreuve de la Révolution, Antoine Lilti, cahiers de l’institut d’histoire de la Révolution française, 2011 »
  39. Sainte-Beuve, qui recueille des témoignages sur Volney, témoigne de ses qualités d’orateur mondain : « Il causait bien dans un salon ; il parlait comme il écrivait, avec la même netteté, et cela coulait de source. On aimait à l’écouter. »
  40. Chateaubriand note dans son récit des troubles de Bretagne l’action « d’un écrivailleur arrivé de Paris » qui « fomentait les haines ».
  41. « Roger Dupuy, « Volney, La Sentinelle du Peuple », dans « Aux origines idéologiques de la Révolution », Presses universitaires de Rennes, 2001, p.13-17. »
  42. « Si un ennemi puissant voulait vous ravir vos dignités, vos grades militaires, en un mot, votre noblesse, resteriez-vous tranquille ? Et moi, puis-je donc me taire quand vous tentez de m’enlever la mienne ? Car, à nous autres Roturiers, notre noblesse est l’estime publique ; et nous y mettons le plus haut prix parce qu’on ne l’obtient ni par faveur, ni par cabales, ni par intrigues… »
  43. Le comte La Galissonnière, sénéchal d’Anjou qui représente la noblesse aux états généraux, écrit le 21 mars 1789, dans une lettre adressée au garde des Sceaux Barentin, que Volney doit son élection à ces poursuites : « La cabale l’a nommé, à cause même de l’arrêt du Parlement, comme pour narguer l’autorité. »
  44. Il écrit le 12 mai 1789 dans son journal intime : « Le tumulte de ces grandes réunions d’hommes, la désunion des cœurs, la lutte des vanités, tout m’a porté à de fâcheuses réflexions sur l’existence des sociétés ; j’ai vu combien il était facile de semer la discorde, de susciter les passions, les rivalités, les haines, et de détruire la force publique par la contradiction des forces particulières. (…) La désunion existe surtout dans ces assemblées qui, comme la nôtre, sont composées d’hommes choisis pour avoir le plus de moyens et par conséquent le plus de prétentions : d’où naît plutôt une jalousie de talents qu’une émulation d’efforts pour le bien public. J’observe cette manie irréfrénable de parler sans écouter, qui fait que tous parlent à la fois et que personne n’est entendu. »
  45. Le Britannique Arthur Young écrit à son sujet : « Sa voix ressemble à un soupir de femme, comme si ses nerfs ne lui permettaient pas le violent effort de parler assez haut pour être entendu ; quand il exhale ses idées, il le fait avec les yeux mi-clos ; il tourne la tête de façon circulaire comme si ses opinions devaient être reçues comme des oracles. »
  46. La faiblesse de sa voix explique sa préoccupation de voir construire une salle dont l’acoustique permettrait à chacun d’exprimer ses idées, sans avoir besoin de « poumons de Stentor ».
  47. "Vous avez les officiers, mais nous avons les soldats avec lesquels nous buvons", rétorque Volney à un membre de la noblesse qui s'appuie sur le concours de l'armée. "Nous sommes encore cinquante contre un", réplique-t-il à ceux qui lui opposent l'union du clergé et de la noblesse.
  48. « Liste des membres composant le comité de Constitution, lors de la séance du 7 juillet 1789, Archives parlementaires de la Révolution française - Première série (1787-1799), Tome VIII, 1875, p.200 »
  49. Il me paraît donc que dans le principe, nous devons nous occuper d’organiser les assemblées paroissiales, les assemblées municipales, les assemblées provinciales, et, enfin, l’Assemblée Nationale.... Il est important et nécessaire de mettre sur-le-champ ces assemblées en activité. Par là, vous serez certains de votre autorité, vos décrets seront exécutés [...]. Ce moyen me paraît seul suffisant pour apaiser la fermentation du peuple...
  50. Volney propose le 20 août un préambule brutal à la déclaration des droits qui choque l’Assemblée : « L’an 1789, la seizième année du règne de Louis XVI, les représentants réunis en Corps législatif, considérant que, depuis longtemps et particulièrement depuis quelques années, les contributions des peuples ont été dissipées ; les trésors publics épuisés ; la sûreté, la liberté et la propriété, violées d’une manière indigne ; considérant que les causes de ces désordres tiennent à l’ignorance du peuple, à l’oubli des devoirs de la part du pouvoir exécutif, ont arrêté les articles suivants. »
  51. « Est-il possible que plus de deux mille individus soient rassemblés plusieurs heures, et même partie de la nuit, dans une salle avec deux cents bougies, sans y respirer l’air le plus délétère ? »
  52. Ingrandes, où se sont déroulées les émeutes contre la gabelle, est proche de ses propriétés de Candé. Il montre l’impossibilité de maintenir cette taxe, d’ailleurs peu productive pour le trésor puisqu’elle entraîne des fraudes considérables.
  53. « Le Moniteur universel du 2 mai 1790, p.2. »
  54. Il note dans son journal : « Une autre remarque sur mes riches amis, c’est qu’ils sont poltrons comme des lièvres. La moindre émeute, le moindre bruit les tourmente, les met hors d’eux. Ils veulent fuir Paris : les districts sont mutins ! Les paysans sont méchants ! Et où comptent-ils donc aller et n’avoir pas peur, s’ils portent partout des cœurs de poules ? (…) Comme ils ont beaucoup, ils craignent beaucoup, et voilà ce que c’est que la richesse. On s’attache à mille choses et l’on se donne mille soucis. On acquiert la crainte de perdre. »
  55. Critiqué pour le cumul de ce poste de fonctionnaire avec son mandat de député, il démissionne en janvier 1790.
  56. Il crie au tribun : « Attention, Mirabeau, hier le Capitole, aujourd’hui la roche Tarpéienne ! »
  57. Sainte-Beuve l’attribue sans preuve à Rivarol
  58. Dans l'avis qui précède la réimpression de cette réponse en 1823, Barbier écrit : « Il répugnait à ma délicatesse d'affliger un savant aussi recommandable que M. de Volney. Aujourd'hui qu'il n'est plus, je crois pouvoir compléter les opuscules de Grimm. M. de Volney laisse assez de titres à l'estime publique pour le venger des sarcasmes d'un ancien ami que les circonstances les plus extraordinaires avaient métamorphosé en implacable ennemi. »
  59. Une autre réponse satirique à cette lettre parut à l’époque sous le nom de Petroskoi.
  60. « Votre lettre est encore au-dessous de la médiocrité de vos autres productions. Vous appelez les Frères du Roi et les nobles Français des Révoltés. Il est vrai qu’ils ont tort : on les pille, on les insulte, on les brûle, on les assassine, et ils se révoltent contre les maîtres d’une Faction où le grand Volney occupe la place de manœuvre ! »
  61. « M. Volney est ici, et dans peu de jours nous partirons pour faire un tour de l’île. (…) Il veut s’établir chez nous et passer tranquillement sa vie dans le sein d’un peuple simple, d’un sol fécond, et du printemps perpétuel de nos contrées. » Lettre de Bonaparte à Simon de Sucy, 17 février 1792.
  62. Si Napoléon prétend le 17 février qu’il va faire visiter l’île à son hôte, une lettre de Volney datée du 24 février mentionne un autre compagnon, le frère de Charles André Pozzo di Borgo.
  63. Quelques 550 hectares de terrain
  64. « André Fazi, « Volney et la Corse », Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, 2007 »
  65. Les crises de l’industrie du lin qui ont durement affecté la région de Craon, conséquences des guerres coloniales et de la perte de débouchés commerciaux, expliquent sa méfiance envers les établissements lointains. De plus, il pressent les effets sur les colonies d’une possible abolition de l’esclavage.
  66. « Il n’y a pas de feuille publique circulant dans le département, les journaux français sont entendus de peu de personnes, il n’y a aucun libraire vendant des livres ; il n’y a qu’une imprimerie, entièrement soumise au directoire par qui elle subsiste. (…) Les élections se font toutes en armes, stylets, pistolets, souvent avec meurtre, toujours avec violence (...) ; le parti vainqueur accable et vexe l’autre dans la gestion de tous les pouvoirs dont il se saisit ; les voix s’y mendient, s’y achètent, s’y calculent comme une denrée ; (...) l’intérêt et le préjugé donnent aux Corses un dévouement si aveugle pour leurs chefs de parti et de parenté qu’ils n’en sont dans les assemblées que les échos serviles... Ces chefs forment entre eux des ligues aristocratiques, au moyen desquelles ils se partagent, se disputent, se donnent les places et les traitements ; ils se brouillent, se réconcilient avec une mobilité et une inconstance incroyables, mais la liberté de la multitude et l’argent du trésor français payent toujours les frais de leurs querelles.
  67. « Les motifs publics de ma défaveur, note Volney, ont été de passer pour un hérétique comme auteur des Ruines, et pour observateur dangereux à titre de Français. »
  68. Son fidèle ami Besnard témoigne : « Il ne me dissimula point que les tracasseries, les chicanes et même les menaces dont il était l’objet de la part de divers individus — et le ci-devant ami Paoli en faisant partie — rendaient sa position de jour en jour plus désagréable. »
  69. Pour lui nuire, les bergers font passer leurs troupeaux de chèvres à travers ses pépinières, occasionnant des pertes importantes.
  70. Besnard écrit : « Il m’a dit depuis que c’était avec peine qu’il était parvenu à s’enfuir et par là seulement à se soustraire aux poignards des assassins. »
  71. En juin, toute la famille Bonaparte devra à son tour se réfugier sur le continent
  72. La création des commissaires observateurs fait l’objet d’un arrêté du Comité de salut public, le 15 avril 1793. Ils doivent remplir un questionnaire d’enquête très détaillé, établi avec la collaboration de Volney, portant sur le commerce, l’agriculture, l’éducation, l’opinion publique et la religion. Son territoire d'enquête comporte les départements de la Manche, d'Ille-et-Vilaine, de la Loire-Inférieure, de Maine-et-Loire et de la Mayenne. Il doit aussi s'occuper de rendre l'Oudon navigable jusqu'à Segré.
  73. Sa morale peut être qualifiée d’utilitariste. Par son rejet de la métaphysique, il préfigure le positivisme d’Auguste Comte.
  74. Jean Gaulmier écrit à propos du ‘’Catéchisme du citoyen français : « Volney y apparaît à trente-cinq ans, avec sa certitude têtue de posséder la vérité, certitude qu’exprime l’affirmation tranchante de postulats qu’il considère comme établis. (…) Il se méfie trop de son prochain pour ne pas calculer ses élans vers autrui à proportion de ceux dont il sera lui-même bénéficiaire. Il aborde la vie avec gravité, réprouve toute fantaisie. Il déteste le monde, les gentilshommes bellâtres et paresseux, le luxe inutile et dispendieux. (…) Volontiers égalitaire lorsqu’il regarde des propriétés plus vastes que les siennes, il estime que « la pauvreté n’est pas une vertu », qu’elle est due souvent à la paresse ou à l’inconduite. (…) Avec cela, un peu vain de sa réputation d’homme éclairé, il se sent enclin à un mépris peu démocratique pour « le nombre infini » des sots et des ignorants. (…) Dépourvu d’enthousiasme, sauf pour la Raison, aussi prudent en ce qui concerne ses intérêts matériels qu’audacieux dans ses cogitations, Volney réunit tous les traits caractéristiques du bourgeois provincial, encore plein des solides et peu aimables vertus paysannes, dont la France verra l’ascension tout le long du XIXe siècle. »
  75. Son déisme affiché est interprété dans la recension du Moniteur universel, parue le 6 septembre 1793, comme une réponse aux accusations d’athéisme proférées par ses ennemis corses. Il est possible qu’il ait cherché à complaire au nouveau parti dominant, celui de Robespierre, pour qui « l’athéisme est aristocratique ».
  76. Besnard se souvient : « Il me raconta avoir dû la vie à un membre de la Commune, le citoyen Froidure, lequel en le faisant changer de prison, lui avait ainsi évité d’être envoyé au Tribunal révolutionnaire, car on était venu plusieurs fois le chercher dans celle où on le croyait trouver et on en emmenait un autre à sa place pour que le nombre des victimes du jour se trouvât le même. »
  77. Froidure fut lui même arrêté le 29 mars et guillotiné le 17 juin 1794.
  78. Lorsque les premiers échos de la campagne d’Italie parviendront aux États-Unis, il écrira de Philadelphie à son ami Vallée : « Je savais par les papiers tout ce que vous me dites de nos batailles et de nos victoires. Je savais même la campagne de Bonaparte, c’est-à-dire son plan, dès décembre 94, car je lus son projet à Nice ; je lui ai tenu le secret, mais je lui sais gré d’y avoir manqué. » C’est à cette occasion qu’il dira, en présence de plusieurs émigrés français : « Pour peu que les circonstances le secondent, ce sera la tête de César sur les épaules d’Alexandre. »
  79. Bernardin de Saint-Pierre est chargé d’écrire un traité de morale républicaine ; Lagrange, un manuel de calcul et de géométrie ; Garat, d’histoire ; Mentelle, de géographie ; Daubenton, d’histoire naturelle ; Sicard, de lecture et d’écriture ; Monge, de « description et usage des instruments de l’industrie de l’homme » ; et Haüy, de phénomènes de la nature.
  80. À l’exception de l’ouvrage de Sicard, aucun des livres ne paraîtra.
  81. « Henri Besse, « Un homme des Lumières face aux langues du sud de la Méditerranée, ou Volney et sa “méthode alfabétique” », Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, 28 »
  82. La grammaire arabe de Volney est évidemment très rudimentaire et ne saurait être comparée au chef d’œuvre d’érudition qu’est celle de Silvestre de Sacy, mais elle offre l’incontestable avantage de la simplicité. Son ouvrage est destiné non aux savants mais « aux voyageurs et aux négociants  ».
  83. Le questionnaire est divisé comme son Voyage en Égypte et en Syrie en deux sections, l’état physique et l’état politique.
  84. « L’histoire, si l’on veut la considérer comme une science, diffère absolument des sciences physiques et mathématiques. Dans les sciences physiques les faits subsistent : ils sont vivants et l’on peut les représenter au spectateur et au témoin. Dans l’Histoire, les faits n’existent plus ; ils sont morts, et l’on ne peut les ressusciter devant le spectateur, ni les confronter au témoin. Les sciences physiques s’adressent immédiatement aux sens ; l’histoire ne s’adresse qu’à l’imagination. (…) Les faits physiques portent avec eux l’évidence et la certitude. Les faits historiques au contraire, parce qu’ils n’apparaissent qu’en fantômes dans la glace irrégulière de l’entendement humain, ne peuvent arriver qu’à la vraisemblance et à la probabilité. »
  85. L’histoire a « le précieux avantage de jeter toujours une véritable lumière sur l’objet que l’on traite, soit par la confrontation des divers procédés ou méthodes, employés à des époques différentes chez des peuples divers, soit par la vue des erreurs commises ; soit enfin par la seule connaissance de la marche qu’a suivie l’esprit humain tant dans l’invention que dans les progrès de l’art ou de la science ; marche qui indique par analogie celle à suivre pour les perfectionner »
  86. Il se demande « si l’histoire n’a pas été plus nuisible qu’utile, n’a pas causé plus de mal que de bien soit aux nations, soit aux particuliers, par les idées fausses, par les notions erronées, par les préjugés de toute espèce qu’elle a transmis et comme consacrés. »
  87. À propos de l’enseignement primaire de l’histoire, il déclare : « Obligés de croire sur parole et sur autorité magistrale, les enfants y pourraient contracter des erreurs et des préjugés dont l’influence s’étendrait sur toute leur vie. Il ne s’agit pas de savoir beaucoup, mais de savoir bien, car le demi-savoir est un savoir faux, cent fois pire que l’ignorance. » L’histoire, affirme-t-il, a pour effet d’éveiller des rêves de gloire militaire chez les enfants, dont l’intérêt s’attache en général exclusivement aux récits de batailles.
  88. Il critique la fascination de ses contemporains pour l’antiquité gréco-romaine : « Nous n’avons fait que changer d’idoles, et que substituer un culte nouveau au culte de nos aïeux. (…) Nos ancêtres juraient par Jérusalem et la Bible, et une secte nouvelle a juré par Sparte, Athènes et Tite-Live. » Il lui paraît absurde d’ériger en modèles de liberté et d’égalité des sociétés esclavagistes et guerrières : « Ah ! cessons d’admirer ces anciens qui n’eurent pour constitutions que des oligarchies, pour politique que des droits exclusifs de cités, pour morale que la loi du plus fort et la haine de tout étranger ; cessons de prêter à cette antiquité guerroyeuse et superstitieuse une science de gouvernement qu’elle n’eut point. »
  89. « Raskolnikoff, Mouza. « Volney et les Idéologues : le refus de Rome ». Des Anciens et des Modernes, Éditions de la Sorbonne, 1990, p.111-127 »
  90. « L’historien qui a le sentiment de ses devoirs doit se regarder comme un juge qui appelle devant lui les narrateurs et les témoins des faits, les confronte, les questionne et tâche d’arriver à la vérité, c’est-à-dire à l’existence du fait tel qu’il a été. »
  91. « Nous tâcherons d’apercevoir, dans l’océan ténébreux de l’antiquité, quelques-uns de ces points saillants qui, tels que des îles, surnagent au flot des évènements. Sans quitter terre, nous essaierons de connaître par divers rapports, comme par des triangles, la distance de quelques-uns, et deviendrait pour nous une base chronologique qui servirait à mesurer la distance des autres. »
  92. « Ce ne sont pas tant les faits majeurs et marquants qui sont instructifs, que les faits accessoires, et que les circonstances qui les ont préparés ou produits. »
  93. « Ehrard Jean. L'histoire revisitée par la Révolution. Condorcet et Volney. In: Mélanges de l'École française de Rome. Italie et Méditerranée, tome 108, n°2. 1996. pp. 445-456. »
  94. Le rapprochement avec Londres divise les Américains en deux camps : les fédéralistes hamiltoniens favorables au traité, et les républicains jeffersoniens s’y opposant.
  95. On retrouve dès 1792 le nom de Volney parmi les banquiers et les bourgeois français (avec notamment Le Ray de Chaumont), qui s’intéressent aux vastes terrains de Castorland, dans le nord de l’État de New York. Il est aussi séduit, comme beaucoup de ses contemporains, par le projet illusoire de la compagnie du Scioto.
  96. Ses problèmes d’argent ne se sont pas arrangés depuis son incarcération. L’affaire corse n’est pas réglée et les rendements de ses propriétés de l’Ouest sont affectés par la Chouannerie.
  97. Henri et Anne Deneys, « Six lettres inédites de Volney à Grégoire », Dix-huitième siècle, n° 23, 1991, p. 233-245.
  98. Albert Mathiez, « Lettres de Volney à La Révellière-Lépeaux, 1795-98 », Annales Révolutionnaires, n° 3, 1910, p. 161-194.
  99. Philadelphie est peuplée d’anciens militaires de l’armée Rochambeau et d’anciens colons de Saint-Domingue ayant fui devant la révolte des esclaves.
  100. Moreau de Saint Méry, esclavagiste et opposant acharné de la Société des amis des Noirs, a été membre des Neuf Sœurs comme Volney.
  101. Noailles le présente au très influent sénateur William Bingham et aux trois fils du duc d’Orléans en exil aux États-Unis, Chartres (futur Louis-Philippe Ier), Montpensier et Beaujolais.
  102. Cabanis avait été reçu comme membre étranger de l’American Philosophical Society dès 1786, à l’initiative de Franklin.
  103. Sa nomination à l’Institut a été ratifiée le 21 novembre 1795.
  104. « Vos agents depuis trois légations, pour se rendre importans, n’ont tendu qu’à diviser et à brouiller. Ils vous ont brouillé avec les chefs et les riches et je vous prédis que, si cela continue, ils vous brouilleront avec le peuple. »
  105. Lettre à La Révellière du 31 mai 1797).
  106. « Ayez ici des artistes, des gens de lettres distingués, un papier français, un collège français, une bibliothèque. Soutenez-y un spectacle, un bon concert, et que l’hôtel de l’ambassade soit un rendez-vous de bonne société. On dépense des millions à tuer les gens pour les conquérir. Eh bien ! la centième partie, employée à les amuser, ferait de plus sûres conquêtes. »
  107. Adams tient rigueur à Volney d’avoir critiqué son ouvrage “Défense des constitutions américaines” (le philosophe français y avait décelé une tentative de capter les suffrages de ses compatriotes en flattant leur sentiment national).
  108. « Vente de la Louisiane : les dessous de l'affaire. Jacques Ducoin, 2003 »
  109. Il est au fait des récentes avancées théoriques en géologie (l’uniformitarisme en opposition au catastrophisme) et de l’importance de cette science dans le développement industriel.
  110. « Depuis l’avènement de M. Jefferson à la présidence, les fédéralistes n’ont cessé de l’assaillir d’invectives dans les papiers publics, et telle est la solidité des principes sur lesquels il opère, qu’il a tout laissé dire sans que son caractère en fût ébranlé dans l’opinion publique. » Ces quelques lignes agacent Bonaparte et Roederer y répond dans le Journal de Paris : « Nous espérons que le chef du Gouvernement ne croira pas nécessaire à l’affermissement de sa puissance d’autoriser ou de provoquer contre sa personne quatre années d’injures, à l’exemple de celles dont s’est si bien trouvé M. Jefferson. »
  111. Dans une lettre à Jefferson, le 10 mai 1803, il indique qu’il n’abordera pas la situation politique, arguant « qu’il faudrait trop dire ou trop peu ».
  112. Très malade, il rédige son testament en octobre 1803.
  113. Il critique la vanité nationale des Américains croyant former un « peuple neuf et vierge », qui n’est en réalité qu’une « réunion d’habitants de la vieille Europe ».
  114. « Les Américains vantent leur propreté, mais je puis attester que les quais de New York et de Philadelphie, avec certaines parties des faubourgs, surpassent en saleté publique et privée tout ce que j’ai vu en Turquie. (…) Philadelphie a dans ses plus beaux quartiers quatre énormes cimetières, dont j’ai très bien senti l’odeur en été. »
  115. Le café est trop léger, le thé trop fort, et l’on consomme des quantités excessives de porc et de beurre au petit-déjeuner.
  116. Volney, qui fréquentait les milieux diplomatiques à son retour d’Égypte, est au fait des déconvenues essuyées par Vergennes.
  117. « Je le dirai avec regret, mes recherches ne m’ont pas conduit à trouver dans les Anglo-Américains ces dispositions fraternelles et bienveillantes dont nous ont flattés quelques écrivains. »
  118. À Georgetown, les Blancs sont incités à la paresse et à l’oisiveté par la présence des Noirs. Ceux-ci, peu productifs, ne sont pas des investissements rentables pour les planteurs. Volney écrit : « On ne les veut plus pour esclaves parce qu’ils sont trop dispendieux, on préfère le travail d’un blanc à gages ; l’on ne les veut pas pour tenanciers parce qu’ils deviendraient propriétaires. On ne peut souffrir l’idée de les avoir pour égaux, de se mêler de race avec eux ; et cependant, ils s’agitent, s’ennuyent de leur état. Les quakers les encouragent, ces noirs deviennent indociles, mutins et si l’on n’y prend garde, ils feront quelque grave folie. »
  119. Il rapporte cette scène observée dans la plantation de Jefferson à Monticello : « Le maître prit un fouet pour les effrayer, et bientôt, ce fut une scène comique ; placé au milieu de leur troupeau, il s’agitait, grondait, menaçait et se tournait de tous côtés. Or, à mesure qu’il tournait le visage, les noirs changeaient d’attitude : ceux qu’il regardait en face travaillaient mieux ; ceux qu’il ne voyait qu’à demi travaillaient moins ; ceux qu’il ne voyait pas du tout cessaient tout travail. »
  120. Il a pu y observer de près les esclaves de Jefferson : « ces figures hagardes, cet air inquiet, cachotier, ces regards craintifs et haineux, tout cet ensemble me saisit d’un sentiment de tristesse et de terreur. »
  121. Jean Gaulmier, « Volney, un grand témoin de la Révolution et de l’Empire », Paris, Hachette, 1959, p.200.
  122. « Alexander Cook, « Entre l’ancien et le nouveau monde. C.F. Volney et la politique des récits de voyages en France, 1782-1803 », Annales historiques de la Révolution française, 2016/3 (n°385), p.87-108 »
  123. « Je fus étonné de voir appeler noirs et traiter comme tels des enfants aussi blancs que moi. »
  124. Même si, ne possédant aucun témoignages écrits, les Amérindiens ne conservent « aucune tradition exacte d’un fait qui ait cent ans de date ».
  125. « Michel Izard, « L’Indien de Volney », Gradhiva : revue d'histoire et d'archives de l'anthropologie, n°8, 1990. pp. 17-19. »
  126. Il considère que les conditions d’existence des chasseurs nomades, très différentes de la tradition pastorale des Bédouins, sont la cause de ces comportements antisociaux. Les autochtones ont l’habitude de vivre au bord de la famine, dans une extrême précarité, ce qui les a endurcis. Volney ne pense pas que les sauvages soient des dégénérés (il réprouve la théorie formulée par Corneille de Pauw), mais qu’ils témoignent d’un état antérieur de l’histoire humaine (il les compare à de multiples reprises aux Grecs de l’âge héroïque, citant des passages de Thucydide pour illustrer les similitudes).
  127. Il considère que dans leur contact avec les Européens, les Amérindiens ont pris ce qu’il y a de plus avilissant (particulièrement l’alcoolisme).
  128. Little Turtle inflige en 1791 une cinglante défaite aux troupes du général St. Clair à la bataille de la Wabash. Les Amérindiens de la Confédération du Nord-Ouest sont finalement vaincus en 1794 par le général Wayne et sont contraints de céder l’Ohio aux colons. Partisan de la paix, Little Turtle, accompagné de son gendre et interprète William Wells (en), est reçu par trois présidents américains (Washington, Adams et Jefferson).
  129. Son discours sur les Amérindiens est empreint d’une critique des excès de 1793, qui ont provoqué l’exécution de plusieurs de ses amis et ont manqué de lui coûter sa propre tête. Il s’oppose au culte révolutionnaire de l’antiquité classique et aux aspirations à un retour vers une pureté primitive fantasmée. La société amérindienne est d’ailleurs décrite comme une « démocratie terroriste », avec une référence polémique évidente à la convention montagnarde. Il conçoit la Révolution comme une rupture avec la barbarie des siècles et des millénaires passés. Ni les anciens, ni les sauvages (qu’il compare constamment) ne devraient servir de modèle politique pour l’avenir.
  130. « Alexander Cook, « Entre l’ancien et le nouveau monde. C.F. Volney et la politique des récits de voyages en France, 1782-1803 », Annales historiques de la Révolution française, 2016/3 (n°385), p.87-108 »
  131. « Alexander Cook, « Entre l’ancien et le nouveau monde. C.F. Volney et la politique des récits de voyages en France, 1782-1803 », Annales historiques de la Révolution française, 2016/3 (n°385), p.87-108 »
  132. « Jean Gillet, « Chateaubriand, Volney et le Sauvage américain », Romantisme, 1982, n°36, Traditions et novations, p. 15-26. »
  133. À propos de l'imperméabilité des autochtones au christianisme, Volney écrit : « Ils allaient à l'office et disaient le chapelet uniquement afin d'avoir le verre d'eau de vie et le pain qu'on leur distribuait et dont le don favorisait leur paresse. Je n'a jamais oui citer aux Etats-Unis l'exemple d'un seul sauvage réellement chrétien ; aussi lorsque chez nous un auteur préconisé a fondé l'intérêt d'un roman récent sur la dévotion presque monacale d'une Sqwa, ou fille sauvagesse, il a manqué à la règle de la vraisemblance, de laquelle naît cet intérêt ; mais s'il n'a eu en vue que de plaire à un parti et d'arriver à un but, il a parfaitement réussi, et c'est particulièrement le cas de dire : tout chemin mène à Rome. » En 1803, Bonaparte vient de nommer Chateaubriand secrétaire d'ambassade à Rome.
  134. Où il espérait voir élever un obélisque avec cette dédicace : A l'armée française victorieuses de l'Italie, de l'Afrique et de l'Asie, à Bonaparte, membre de l'Institut national, pacificateur de l'Europe.
  135. Dans lequel il représentait Bonaparte dans l'intérieur de la pyramide de Khéops, assis sur le sarcophage du pharaon avec les muftis et les entretenant de ses projets dans la langue prophétique de Mahomet et du Coran. Le conquérant répondit à ces louanges par des compliments qu'enregistre le Moniteur.
  136. Partisan éprouvé d'une liberté sage, Volney ne se sentait pas disposé à devenir le second, encore moins l'instrument du nouveau dominateur.
  137. Napoléon affectait de parler avec dédain des sénateurs dissidents, et les appelait idéologues, hommes spéculatifs, sans aucune connaissance des affaires.
  138. « Que pensez-vous d'un homme qui dit qu'avec de l'argent on a des hommes et qu'avec des hommes on a de l'argent »

    Volney.
  139. Occupée encore en 1852 par M. Dureau de la Malle, avec cette inscription : En 1802, le voyageur Volney, devenu sénateur, peu confiant dans la fortune, a bâti cette petite maison plus grande que ses désirs. Il acheta aussi une ferme en Brie et une grande et belle habitation à Sarcelles, avec un parc de 33 arpents qu'il saccagea pour expérimenter ses utopies agricoles et pour excéuter les plans d'architectes et de jardiniers qui l'exploitaient.
  140. Notice sur Volney, par Daru...
  141. Cette union entre eux avait été projetée dès leur jeunesse ; mais la vie errante de Volney y avait mis obstacle, et mademoiselle de Chassebœuf avait contracté un autre mariage. Quand elle devint veuve, Volney offrit à sa cousine sa fortune et sa main. Pour Yves Besnard, Volney obéit à l'empereur qui voulait que ses hauts dignitaires fussent mariés.
  142. Il dépensa des sommes considérables à l'embellissement de ce séjour, non que l'état de sa santé lui promît d'en jouir longtemps, mais, comme il le disait à ses amis, c'était pour lui un bonheur de se donner des soins pour le plaisir d'une épouse destinée à lui survivre
  143. On n'entre pas dans mon antre, cria-t-il un jour à l'un de ses intimes qui s'était permis de pousser la porte entrebâillée de sa chambre
  144. Là se trouve tracé de main de maître le plan topographique de cette vaste région ; l'exposition du système des vents est admirable par la vérité originale des observations, comme sous le rapport du style. On peut en dire autant de la description du saut de Niagara.
  145. Rappelant le succès éclatant de son Voyage en Syrie, il ajoute qu'il eût peut-être été plus prudent, plus habile à son amour-propre d'écrivain, de ne plus écrire dû tout ;

    « mais, ajoute-t-il, il m'a semblé qu'avoir bien fait un jour n'était pas une raison de ne rien faire lé reste de la vie ; et comme j'ai dû la plupart des consolations de l'adversité au travail et à l'étude, comme je dois les avantages de ma situation présente aux lettres et à la considération des bons esprits, j'ai désiré de leur rendre un dernier tribut de gratitude, un dernier témoignage de zèle. »

  146. Voir l'article sur ce philosophe, par de Fortia, dont les idées en chronologie ont plus d'une fois modifié celles de Volney, avec lequel le voisinage et la Conformité d'études l'avaient mis en très fréquente relation depuis 1803.
  147. Le moyen consistait à ajouter un petit nombre de signes indispensables à l'alphabet romain et à lui assujettir les langues de l'Asie. Cette unité alphabétique était déjà, pour les étudier, une difficulté de moins : Volney voulait, en outre, appliquer aux idiomes orientaux une partie des notions grammaticales que nous avons acquises sur les langues européennes ; en facilitant ainsi l'étude des langues asiatiques, il avait en vue de faciliter les rapports commerciaux. C'était déjà une grande vue politique ; mais il cherchait encore dans l'étude analytique de ces langues un nouveau moyen pour remonter jusqu'à l'origine des peuples les plus anciens.
  148. Ce rapport a pour but de prouver que le Vocabularia totius orbis, composé par ce savant d'après l'ordre de l'impératrice Catherine, ne peut servir de vocabulaire universel, l'alphabet russe étant trop incomplet pour cet usage, et qu'un alphabet universel est encore à trouver.
  149. Dans son épître dédicatoire à l'académie de Calcutta, l'auteur entre dans des détails pleins d'intérêt sur les efforts qu'il lui a fallu faire et sur les obstacles qu'il a dû vaincre pour faire prévaloir son système.
  150. On voit par les dates de ces ouvrages que l'idée de rapprocher des nations séparées par des distances immenses et par des idiomes si divers n'avait pas cessé de l'occuper pendant vingt-cinq ans. Il a craint même que ses essais, dont il avait entrevu l'utilité, ne fussent interrompus après lui ; et, de la main glacée dont il corrigeait son dernier ouvrage, il a tracé le testament par lequel il fondait un prix annuel de douze cents francs pour la continuation de ses travaux.
  151. Le , il écrit à Prosper Delauney, député de la Mayenne, en lui envoyant deux bouteilles de cidre de la récolte 1815, mis en bouteille au mois de juin 1816, fabriqué sans autre art que celui du soutirage et d'un mélange calculé de trois espèces de pommes pourqu'il se prononce, entre Madame Volney et lui, s'il se fait de meilleur cidre à Laval et à Craon.
  152. L'auteur, discutant les Livres de Samuel avec la plus grande liberté, représente Samuel comme un imposteur, Satil comme l'aveugle instrument de l'ambition d'un prêtre et David comme un ambitieux. L'Histoire de Samuel produisit une grande sensation, et l'on prétend que le monarque, à qui Volney avait voulu adresser une leçon indirecte, lut cet ouvrage avec plaisir.
  153. Sa femme, alors absente, croisa en rentrant le convoi qui accompagnait sa dépouille. Elle habita depuis à Dammartin-en-Goële et vendit la terre de la Giraudaie en Anjou qui était de son patrimoine.
  154. Cet éloge a été inséré dans le Moniteur, dans la Revue encyclopédique, puis réimprimé en tête de l'édition in-18 des Ruines, et traduit en anglais et en espagnol.
  155. https://e-monumen.net/patrimoine-monumental/monument-a-volney-craon/
  156. Titres et armoiries du Premier Empire (1808-1815). Inventaire analytique des registres cotés, BB/29/1060 page 99. M. le comte Chassebeuf de Volney, sénateur.
  157. Lire en ligne ici.
  158. Cette étude documentée fut utilisée par Bonaparte au cours de son expédition. 3e éd. avec des considérations sur la guerre des Russes et des Turcs, Paris, 1799, 1807, 1822, 1830.
  159. Édition originale de ce texte qui sera repris en 1799 dans la 3e édition du Voyage en Syrie.
  160. On lit au bas de la première page la note suivante : « Pour l'intelligence de cette lettre, il faut être prévenu que l'auteur publia, au commencement de novembre, la brochure intitulée : Des Conditions nécessaires à la légalité des États généraux, et que M. le comte de S..., depuis quelques jours y a répondu par une analyse, où sans réfuter l'ouvrage, il diffame la personne. »
  161. Constantin-François Volney, Les ruines, ou, Méditation sur les révolutions des empires : XVIIe – XIXe siècle : 1789-1826, Paris, Editions Desenne, (lire en ligne). (BNF 31601961), Édition de 1822.
  162. Première édition française : Paris, 1792, 3e éd. augmentée avec Le Catéchisme du Citoyen français, Paris, 1799. 5e éd. avec La Loi naturelle, Paris, 1817, 1820, 1821, 1826; 1822. L'ouvrage a été traduit en espagnol, en anglais, et presque dans toutes les langues de l'Europe ; il en existe une version arabe.
  163. 2e éd., 1813. Petit manuel qui constitue un excellent traité de morale. À la suite, on trouve diverses chansons : hymne à la raison. Hymne patriotique (la Marseillaise). Chanson sur l'air de la carmagnole.
  164. Constantin-François de Chasseboeuf de Volney, La loi naturelle, ou Catéchisme du citoyen français, (lire en ligne)
  165. Ce précis fait partie d'un plus grand ouvrage sur la Corse, non achevé, dont les fragments ont été recueillis dans ses Œuvres complètes.
  166. Imprimé aux États-Unis.
  167. 2e éd. Paris, 1822.
  168. 1813 et 1814. 2e éd. 1822. Il expose ses conceptions linguistiques et son idée d'appliquer un alphabet unique aux langues européennes et orientales.
  169. Ouvrage posthume.
  170. 2e édition revue et corrigée en 1820.
  171. 3e éd., 1822. Autre édition augmentée d'une leçon inédite, et suivie du Discours de Lucien sur la manière d'écrire l'histoire, Paris, 1826. Traduction en espagnol en 1827.
  172. Publié par Antoine-Alexandre Barbier

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  1. Qui regarde Volney comme l'homme le plus illustre qu'ait produit l'Anjou sous le rapport littéraire
  2. Mais il ne rendait pas la même justice à son caractère, ce qui donna lieu à une polémique dans le Journal des Débats, entre madame de Volney et M. Bodin, qui s'est pour ainsi dire rétracté en s'engageant à prendre de nouveaux renseignements (septembre 1823).

Source partielle[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]