Josei

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Modèle:Unicode japonais Le josei manga (女性漫画?, litt. « manga féminin/pour femme »), aussi connu sous les noms de ladies' comics (レディースコミック?) et de redikomi (レディコミ?), est une catégorie éditoriale du manga, aussi parfois qualifié de « genre », apparue dans les années 1980. Formellement le josei se destine à un public de femmes adultes, insérées dans la vie active et/ou mariées et s'adresse ainsi à un lectorat plus âgé que celui du shōjo manga, destiné aux adolescentes et femmes jeunes adultes. Le josei manga est traditionnellement publié dans des magazines de prépublication de manga, qui peuvent se spécialiser sur un genre narratif.

Dans les faits la frontière entre le shōjo et le josei est parfois floue, notamment avec des magazines qui s'adressent explicitement à des femmes adultes mais se revendiquent comme des magazines de shōjo manga. En outre à partir des années 1990 une troisième catégorie éditoriale, le young ladies (ヤングレディース?), apparaît pour se positionner comme catégorie intermédiaire entre le shōjo et le josei.

L'expression « josei manga » est polysémique et peut être aussi utilisée pour décrire l'ensemble de la production de manga adressé à un public féminin, ce qui inclut notamment le shōjo et le boys' love manga, mais aussi les mangas publiés dans la presse féminine généraliste. Dans cet usage, le josei manga s'oppose alors à l'expression dansei manga (男性漫画?, litt. « manga masculin/pour homme ») qui recouvre les catégories du shōnen et du seinen manga.

Historique

Le manga féminin commence à se structurer à partir de la fin des années 1950 avec le shōjo manga, mais ce genre est dédié à un public constitué de jeunes adolescentes, tandis qu'apparaît le gekiga, un genre dédié à un public adulte et masculin. En 1968 apparaît les tous premiers gekiga dédiés à un public adulte et féminin ; l'autrice Miyako Maki, après 10 ans de carrière dans le shōjo manga, souhaite continuer à s'adresser à ses premières lectrices devenues maintenant adultes. Sa première œuvre dans le domaine est Mashūko banka (摩周湖晩夏?) publiée dans le magazine féminin Josei Seven[1]. Deux magazines dédiés au gekiga féminin sont alors créés : tout d'abord Funny (ファニー, Fanī?) de Mushi Production à partir de 1969, puis Papillon (パピヨン, Papiyon?) de Futabasha à partir de 1972. Mais ces magazines ne parviennent pas à trouver leur lectorat et finissent par disparaître[2].

Au cours des années 1970 le shōjo manga se développe grandement et notamment le Groupe de l'an 24 propose des mangas relativement sophistiqués et matures. Les maisons d'édition tentent de sécuriser ce nouveau lectorat shōjo plus mature en créant des magazines dédiés : Be Love de Kōdansha et You de Shūeisha sont lancés en 1980, tandis qu'en 1981 naît le Big Comic For Lady de Shōgakukan[3]. Ces trois magazines ont en commun le fait d'être nés en tant que hors-série de magazines shōjo et proposent un même type d'histoire : des histoires d'amour ayant pour finalité l'acte sexuel[3]. Ce nouveau genre gagne le nom de ladies' comics, souvent abrégé en « redikomi »[4].

Le ladies' comics se caractérise alors par son utilisation libre de l'acte sexuel[5], au contraire du shōjo manga où l'acte sexuel est encore très contraint[6]. L'autrice Milk Morizono, réputée pour ses histoires « porno-chic » devient rapidement la cheffe de file du ladies' comics[3]. Le genre se développe rapidement à partir de 1985 avec la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes[7], ainsi en 1991 sont recensés 48 magazines de ladies' comics[8].

Mais les années 1990 voient un déclin relatif du genre, empiré par la crise financière de la décennie perdue[9] : si les principaux magazines comme You ou Be Love ne contiennent que rarement du sexe, le marché est saturé de petits magazines au contenu érotique et pornographique. Le ladies' comics gagne ainsi la réputation d'être de la « pornographie féminine »[10]. C'est alors qu'apparaissent les magazines young ladies, qui se placent entre le shōjo manga et le ladies' comics[11]. Ce nouveau genre permet aux mangakas de continuer à dessiner du shōjo manga tout en s'adressant à un public adulte, ceci sans subir le stigma du ladies' comics. En parallèle le ladies' comics est concurrencé par le shōjo manga dans le domaine de l'érotisme et de la pornographie : le sous-genre du Teens' love reprend la même structure narrative, avec pour principale différence l'âge des protagonistes, sensiblement plus jeunes[12].

Des magazines de ladies' comics réagissent à cette nouvelle concurrence en proposant des mangas traitant de sujets sociaux. La stratégie s'avère payante car à partir de la fin des années 1990, de nombreux mangas de ce type sont adaptés au cinéma et à la télévision ; ceci permet de donner de la légitimité au genre et de toucher une audience grand public[10]. L'expression josei manga commence aussi à apparaître[11] pour s'éloigner du stigma associé au ladies' comics[réf. nécessaire].

Thèmes et narration

Selon Kinko Ito en 2002, le ladies' comics est alors divisé en trois grandes thématiques : les drames, les fantaisies romantiques et la pornographie[5]. Les deux premières concentrent près de 80% des ventes en volumes reliés, généralement publiés par des grandes compagnies, quand la pornographie représente les 20% restants et est le fait de petites maisons d'édition[10].

Drames

La plupart des drames racontent de façon relativement réaliste la vie d'une femme mariée ou qui travaille. Selon Fusami Ogi ces histoires permettent de présenter les modes de vie possibles et servir de rôle modèle pour les lectrices[13]. S'il arrive que ces rôles soient parfois extraordinnaires, les rôles les plus fréquemment représentés sont ceux de la femme au foyer, de l'office lady et du col rose[14].

Les thématiques abordées par ces drames reflètent ceux de la vie d'une femme japonaise ordinnaire et font écho aux problématiques de la société japonaise : amour, s'occuper des enfants ou au contraire des grands-parents, beauté, mariage sans amour, adultère, problèmes au travail, indépendance, carrière, etc.. Nombre d'œuvres abordent en outre des problématiques sociales, comme la vieillesse et la sénilité, la prostitution et les violences contre les femmes[15].

Fantaisies romantiques

Les fantaisies romantiques des ladies' comics sont généralement comparées aux soap operas et aux romans Harlequin[16] — la maison d'édition Ohzora Publishing adapte d'ailleurs ces derniers en ladies' comics.

Ces histoires sont généralement très stéréotypées, peu réalistes et suivent une même formule, où une jeune femme rencontre son prince charmant, vit quelques péripéties, puis parvient à l'épouser[16]. Le sexe est fréquent dans ces histoires, il est en outre idéalisé et représente la forme ultime de l'amour[17]. La fantaisie se manifeste notamment par l'environnement — fréquemment situé à l'étranger ou dans le passé —, par des fantaisies sexuelles — homosexualité, travestissement, transidentité — et par ses protagonistes souvent extraordinaires : princes et princesses, fantômes, réincarnations, pouvoirs magiques, etc.[18].

Ce type d'histoire vise un lectorat âgé comme jeune, et de nombreuses histoires s'adressent à des adolescentes, ce qui se manifeste par un usage important des furigana pour rendre la lecture plus facile[16].

Pornographie

Les ladies' comics pornographiques ne se distinguent guère des mangas pornogaphiques pour le lectorat masculin : la principale différence provient du point de vue, celui des personnages féminins, mais les rapports de domination homme-femme patriarchaux, où les femmes sont objectifiées, sont reproduits[19].

Ces histoires mettent souvent en scène des pratiques sexuelles extrèmes ou immorales comme le sadomasochisme, le viol, l'inceste, le voyeurisme, la vengeance ou le meurtre[20]. Le scénario typique met en scène une jeune femme timide et sage, qui se transforme petit à petit en une esclave sexuelle nymphomane[20].

En outre les relations lesbiennes sont communes dans ces mangas, ce qui peut suggérer un lectorat lesbien[21].

Annexes

Références

  1. Toku 2015, p. 171.
  2. Timothy Perper et Martha Cornog, Mangatopia : essays on manga and anime in the modern world, Libraries Unlimited, (ISBN 978-1-59158-909-9, OCLC 759597788)
  3. a b et c Pham 2010, p. 82.
  4. Ito 2002, p. 69.
  5. a et b Ito 2002, p. 70.
  6. Ogi 2003, p. 784.
  7. Ogi 2003, p. 781.
  8. Ogi 2003, p. 780.
  9. Pham 2010, p. 81.
  10. a b et c Ito 2002, p. 71.
  11. a et b Ogi 2003, p. 791.
  12. Pham 2010, p. 85.
  13. Ogi 2003, p. 786.
  14. Ito 2002, p. 72.
  15. Ito 2002, p. 73.
  16. a b et c Ito 2002, p. 74.
  17. Ito 2002, p. 76.
  18. Ito 2002, p. 75.
  19. Ogi 2003, p. 784-785.
  20. a et b Ito 2002, p. 77.
  21. Ito 2002, p. 79.

Bibliographie

  • [Ito 2002] (en) Kinko Ito, « The World of Japanese Ladies' Comics : From Romantic Fantasy to Lustful Perversion », The Journal of Popular Culture, Wiley-Blackwell, vol. 36, no 1,‎ (DOI 10.1111/1540-5931.00031).
  • [Ogi 2003] (en) Fusami Ogi, « Female Subjectivity and Shoujo (Girls) Manga (Japanese Comics) : Shoujo in Ladies' Comics and Young Ladies' Comics », The Journal of Popular Culture, Wiley-Blackwell, vol. 36, no 4,‎ (DOI 10.1111/1540-5931.00045).
  • [Pham 2010] Bruno Pham, « Le manga au féminin : « shōjo/josei », la frontière floue », Manga 10 000 images, Versailles, Éditions H, no 3 « Le manga au féminin »,‎ , p. 81-92 (ISBN 978-2-9531781-4-2, OCLC 893733727).
  • [Toku 2015] (en) Masami Toku (dir.), International Perspectives on Shojo and Shojo Manga : The Influence of Girl Culture, Routledge, (ISBN 978-1-31761-075-5).