« Manele » : différence entre les versions

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Les '''manele''' (du roumain '''manea''', ''fem. sg''., '''manele''', ''fem. pl.'') forment un [[Genre musical|style de musique]] qui s'est développé dans la communauté des [[Roms]] des [[Balkans]] et entre autres, parmi les [[Roms de Roumanie]]. Les ''manele'' sont des créations contemporaines qui ont leurs racines dans la culture musicale à prédominance encore ottomane des ''[[Lăutari|tarafs]]'' roms du début du {{s-|XX|e}}, et plus précisément dans les chansons d'origine orientale<ref>{{Lien web |langue=ro |titre=Manea |url=https://dexonline.ro/definitie/manea |site=dexonline.ro |consulté le=2019-01-16}}.</ref>.
Les '''manele''' (du roumain '''manea''', ''fem. sg''., '''manele''', ''fem. pl.'') forment un [[Genre musical|style de musique]] qui s'est développé dans les [[Balkans]] et entre autres, parmi les [[Roms]], notamment [[Roms de Roumanie|ceux de Roumanie]]. Les ''manele'' sont également écoutées en [[Moldavie|République de Moldavie]], en [[Bulgarie]] (''[[Tchalga|čalga)]]'', en [[Serbie]] (''[[turbo folk]])'', en [[Albanie]] et au [[Kosovo]] (''[[tallava]])'', en [[Turquie]] (''{{Lien|fr=Arabesque (musique turque)|lang=en|trad = Arabesque (Turkish music)|texte=arabesque}}'') et en [[Grèce]] (''[[Rebetiko|skiladiko]]'' soit « à la chienne »).

Les ''manele'' sont un genre éclectique qui puise dans les [[Musiques du monde|musiques populaires]] [[Aroumains|aroumaine]], [[Musique grecque|grecque]], [[Musique turque|turque]], [[Musique arabe|arabe]], [[Musique serbe|serbe]] et des [[Lăutari|lăutari roumains]]. Au fil du temps, cette musique a pris des accents de [[disco]], de [[rap]], de musique [[House music|house]], [[pop (musique)|pop]] ou [[musique électronique|électronique]]. Aujourd'hui, la popularité de la musique manele déborde la communauté Rom et peut être appréciée dans tout le pays, en particulier par les jeunes, mais elle est également critiquée car les paroles sont souvent contestataires, provocatrices et parfois violentes, comme dans le cas du [[rap]] en [[Occident]].

Les ''manele'' s'écoutent aussi en [[Moldavie|République de Moldavie]], en [[Bulgarie]] (''[[Tchalga|čalga)]]'', en [[Serbie]] (''[[turbo folk]])'', en [[Albanie]] et au [[Kosovo]] (''[[Tallava]])'', en [[Turquie]] (''[[Arabesk (musique)|arabesk]])'' et en [[Grèce]] (''[[skiladiko]]'' soit « à la chienne »).


En Roumanie les musiciens qui jouent des ''manele'' sont appelés ''maneliști'' (singulier : manelist).
En Roumanie les musiciens qui jouent des ''manele'' sont appelés ''maneliști'' (singulier : manelist).


== Étymologie ==
== Étymologie ==
Le mot ''manea'' serait entré dans le lexique roumain au {{s-|XVIII}}, alors que le pays subissait l'influence de la [[musique turque|musique ottomane]] et des orchestres ''[[Mehter|meterhané]]'' ou ''tubulhané'' jouant pour la [[noblesse roumaine]] lorsque celle-ci donne des fêtes publiques. À cette époque, le [[Principauté de Moldavie|prince moldave]] [[Dimitrie Cantemir]] rédige le ''Livre de la science sur le style littéraire de la musique'' (en turc : ''Kitabu "Ilmi'l-Mûsikí ala Vechi'l-Hurûfât''), considéré comme un monument de la [[musique turque]], avec environ 350 œuvres musicales répertoriées, dont beaucoup n'ont survécu que dans ce recueil, où l'on découvre que ''manea'' est issu du mot ''amanea'', du [[turc]] ''amané'' (« ainsi soit-il ») et ''tamam'' (« d'accord »)<ref>{{Lien web|titre=Aman aman ! L’art de la complainte|url=https://romanimuzika.wordpress.com/2015/12/05/aman-aman-lart-de-la-complainte/|site=romanimuzika.wordpress.com|date=2015-12-05|consulté le=2017-05-23}}.</ref>. À l'origine, en Turquie, ''amané'' désigne un solo vocal improvisé.

''Manea'' est issu du mot turc ''aman'' (« d'accord »)<ref>{{Lien web|titre=Aman aman ! L’art de la complainte|url=https://romanimuzika.wordpress.com/2015/12/05/aman-aman-lart-de-la-complainte/|site=romanimuzika.wordpress.com|date=2015-12-05|consulté le=2017-05-23}}.</ref>. À l'origine, il désigne un solo vocal improvisé. ''Manea'' serait entré dans le lexique roumain au {{s-|XIX}}.

== Histoire et controverses ==
Les initiateurs de ce style disent qu'il est né dans la communauté [[Roms de Roumanie|rom de Roumanie]] et plus précisément dans les quartiers pauvres de [[Bucarest]] comme Ferentari dans le {{5e|secteur}}, peuplé à 80 % de Roms, avant de devenir rapidement un style apprécié par nombre de jeunes Roumains de toutes origines. La différence principale par rapport aux autres types de musique présents en Roumanie et Moldavie est que les ''manele'' s'opposent explicitement au système de valeurs de la société roumaine hérité du {{s-|XIX|e}} et de la [[Révolution roumaine de 1989|révolution de 1989]], et délivrent un message revendiqué comme « réaliste de la vie » (« ''despre realitatea vieții'' »), affirmant que l'[[argent]], les [[femme]]s, l'écrasement des ennemis et le désir, sont des valeurs suffisantes et complètes pour « faire un homme ». Les chanteurs de ''manele'' disent avoir voulu créer une alternative aux musiques traditionnelles (y compris tsigane) en se servant des nouveaux outils à leur disposition (notamment électroniques, introuvables sous le [[Régime communiste de Roumanie|régime communiste]]), pour améliorer les mélodies<ref>{{Ouvrage |langue=ro |auteur1=Mela Melin |titre=Despre manea : [fenomenul manelei în contextul civilizaţiei româneşti actuale] |éditeur=Universul Românesc |date=2007 |isbn=9789738780538 |oclc=644984624}}.</ref>. Deux chaînes de télévision sont, en Roumanie, exclusivement dédiées aux ''manele'' : « ''Taraf'' » et « ''Zu'' », tandis que trois autres se consacrent aux musiques populaires et ethno (roumaines, tsiganes traditionnelles et des [[Communauté ethnique (Roumanie)|autres minorités]]) : « Etno », « Favorit » et « Hora ».

C'est pourquoi les ''manele'' sont autant décriées qu'appréciées. On compte des amateurs chez les jeunes des classes moyennes et pauvres des villes, mais aussi des détracteurs notamment parmi les promoteurs de la musique traditionnelle roumaine ou tsigane, comme les groupes de ''[[lăutari]]'' traditionnels qui s'opposent également au « folklore [[disco]]ïsant » de la télévision, qui jouent des partitions ottomanes anciennes de musique mani, et qui reprochent aux textes des ''manele'' modernes de se poser en « manifeste militant pour légitimer une société brutale, [[inculte]] et [[stupidité|stupide]] ». Ces détracteurs affirment que les ''manele'' modernes « n'ont d'autres inspirations que les rythmes préenregistrés des synthétiseurs, le disco turc moderne et l'alcool des fêtes », et qualifient cette mouvance de ''subcultură'' (sous-culture)<ref>Mela Melin, ''[http://www.librariaeminescu.ro/isbn/973-87805-3-8/Mela-Melin__Despre-manea Despre manea]'', éd. Universul Românesc 2007, {{ISBN|973-87805-3-8}}.</ref>.

== Thèmes==
Les ''manele'' modernes reprennent souvent les mêmes thèmes dans leurs textes :
* ''Bani'', « l'argent », thème plus que récurrent : les chanteurs aiment dire dans leurs chansons qu'ils en ont beaucoup et qu'ils le dépensent sans compter. Parfois ils accusent leurs ennemis de les empêcher de s'enrichir.
* ''Femeile și durerea'', « les femmes et la douleur » : ils sont toujours accompagnés des plus belles femmes et ont beaucoup de succès en amour ou au contraire sont victimes de chagrins d'amour dus à l'infidélité ou à la perversité des femmes (ou des autres hommes, rivaux).
* ''Dușmanii și prietenii'', « les ennemis et les amis » : la vie n'est qu'une vaste foire d'empoigne, détruire ou être détruit, voilà le lot ; l'ennemi est l'objet de haine ou de moquerie, tandis que les mérites de l'ami fidèle sont infinis.
* ''Dragostea și ura'', « l'amour et la haine », sur ce point les chansons sont de véritables déclarations d'amour romantique ce qui ajoute à l'ambiguïté et au succès du style ''manele''. Les ''rois du manele'' disent aussi être les seuls à connaître le vrai amour-passion, celui qui fait tout risquer. Mais la trahison, l'infidélité, transforment l'amour en haine tout aussi ardente, et qui ne peut être noyée que dans le sang ou l'alcool : honneur et mort, ou déshonneur et oubli.
* ''Sexu' și Mafia'', « le sexe et la mafia », certains chanteurs se réclament ouvertement de clans [[Mafia|mafieux]] dans leurs chansons, d'autres plus modestement de [[Bande criminelle|clans de quartier]].
[[Image:Buzescu-Roma-Village.jpg|250px|right|thumb|Villas de style Rom, pouvant recevoir une nombreuse parentèle, dans le village de Buzescu, prospère grâce aux ''Rois des Manele''.]]
Du point de vue vestimentaire, les chanteurs de ''manele'' adoptent un style particulier, mode "ultra fashion" : jeans délavé et maillot moulants, beaucoup de gel dans les cheveux, signes extérieurs de richesse (chaînes en or, dollars et euros qui dépassent des poches) inspirés à la fois de la réalité vestimentaire des Roms riches, et du style ostentatoire « bling-bling » présent dans le rap américain. Par ailleurs dans les clips où ils apparaissent, on retrouve les stéréotypes de la grosse voiture de luxe et des « plus belles filles ».

Lorsqu'ils font construire, ils élèvent de grandes villas capables d'accueillir de nombreux invités, conformément aux traditions de solidarité des Roms, et les artistes qui gagnent le plus d'argent se prêtent parfois à des actes de charité ou des concerts de charité au profit des plus démunis.


== Exemples de vers ==
== Types ==
[[Fichier:P. Nadar - Exposition universelle de Paris. Section roumaine - Bande de Dinicu.jpg|vignette|''Lăutari'' de [[Ionică Dinicu]] (père de [[Grigoraş Dinicu]]). Photo de [[Nadar]].]]
* Le thème de l'argent et des amis :
Les ''manele'' sont essentiellement de deux types<ref>Mela Melin, ''Despre Manea'' (« sur la Manea »), Editura Universul Românesc 2007, {{ISBN|9789738780538}} - [http://www.librariaeminescu.ro/isbn/9789738780538/Mela-Melin__Despre-manea]</ref> :
: « Plutôt que d'aller en Espagne ou Italie / Je fais mieux d'aller à [[Constanța]] / J'ai là-bas plein d'amis / Et le garçon revient full » (plein d'argent).
* L'un, ancien, a été développé par les ''[[Lăutari|tarafs]]'' des marchés et foires populaires du {{s-|XVIII|e}} : il est en connexion avec la [[Musique turque|musique ottomane]] ou [[Musique grecque|grecque]] et [[Musique roumaine|celle]] de [[Principautés danubiennes|pays roumains]] ou des [[aroumains]]<ref>{{Lien web |langue=ro |titre=Manea |url=https://dexonline.ro/definitie/manea |site=dexonline.ro |consulté le=2019-01-16}} ; présentation de ce style par le groupe de ''manele'' anciennes « Trei Parale » : [https://treiparale.ro/]</ref> ; les principaux instruments sont le [[violon]], la [[Kobza|cobza]], le [[cymbalum]], la [[viole]], le [[taragot]], le [[naï (instrument)|naï]] ou la [[gaita]], et les thèmes des textes, proches du ''[[rebetiko]]'' grec et du ''[[fado]]'' portugais, conformes à l'esprit des [[Romance (musique)|romances traditionnelles]], sont la destinée, la chance, la fatalité, la force de l'amour, l'ombre de la mort et l'amitié qui transcende tout le reste.
* Le thème de l'argent et des femmes :
* L'autre, récent et contemporain, faisant appel aux [[musique électronique|instruments électroniques]] modernes, plonge ses racines dans la culture musicale festive des roms de la seconde moitié du {{s-|XX|e}}, et constitue un genre éclectique qui mixe les [[Musiques du monde|musiques populaires]] antérieures avec du [[disco]], du [[rap]], de la [[House music|house]] et de la [[pop (musique)|pop]]. Aujourd'hui, la popularité des ''manele'' modernes est grande parmi les jeunes, mais le genre moderne est également très critiqué, car les textes actuels, souvent considérés comme cyniques, machistes et vulgaires, ont adopté des thèmes beaucoup plus matérialistes, conformes à l'esprit de la société [[Post-communisme|postcommuniste]] actuelle, dont voici une compilation<ref>{{Ouvrage |langue=ro |auteur1=Mela Melin |titre=Despre manea : [fenomenul manelei în contextul civilizaţiei româneşti actuale] |éditeur=Universul Românesc |année=2007 |pages totales=128 |isbn=978-973-87805-3-8 |oclc=644984624}}.</ref> :
: « Donne mille pièces d'argent / Si tu aimes m'avoir / Je donne cent, je donne même mille / Si ce n'est pas une arnaque. »
** ''banii'' - « l'argent », thème plus que récurrent : les chanteurs aiment dire dans leurs chansons qu'ils en ont beaucoup et qu'ils le dépensent sans compter. Parfois ils accusent leurs ennemis de les empêcher de s'enrichir ;
: ''Dai o mie de parai / Daca-ți place să mă ai / Dau ș-o sută, dau ș-o mine / Numai țeapă să nu fie.'' - N. Guta & Claudia.
** ''femeile și durerea'' - « les femmes et la douleur » : les chanteurs sont toujours accompagnés de ''girls'' très sexualisées et ils ont beaucoup de succès en amour, ou au contraire sont victimes de chagrins d'amour dus à l'infidélité ou à la perversité des femmes (ou des autres hommes, rivaux) ;
* Le thème de la douleur, des amis et des ennemis :
** ''dușmanii și prietenii'' - « les ennemis et les amis » : la vie n'est qu'une vaste foire d'empoigne, détruire ou être détruit, voilà le lot ; l'ennemi est l'objet de haine ou de moquerie, tandis que les mérites de l'ami fidèle sont infinis… tant qu'il ne vous trahit pas ;
: « Tant que l'on vit sur terre / On ne trouvera pas la paix / Des ennemis j'en ai au kilogramme / Et des amis au gramme. »
** ''dragostea și ura'' - « l'amour et la haine » : sur ce point les chansons sont de véritables déclarations d'amour romantique, ce qui ajoute à l'ambiguïté et au succès du style ''manele''. Les ''rois du manele'' disent aussi être les seuls à connaître le vrai amour-passion, celui qui fait tout risquer. Mais la trahison, l'infidélité, transforment l'amour en haine tout aussi ardente, et qui ne peut être noyée que dans le sang ou l'alcool : honneur et mort, ou déshonneur et oubli ;
: ''Pe pamânt tu cât trăiești, / Liniște n-ai să găsești, / Dușmani am cu kilogramu' / și prieteni cu gramu'.'' - C. Ioniță.
** ''sexu' și mafia'' - « le sexe et la mafia » : certains chanteurs clament sans vergogne leurs prouesses sexuelles « toujours bio » (c'est-à-dire sans [[sildénafil]] ni [[préservatif]]), leur nombreuse progéniture et leur appartenance à des gangs [[Mafia|mafieux]] ou à des [[Bande criminelle|clans de quartier]]<ref name="MelaMelin_opcit">Mela Melin, ''op. cit.'' 2007</ref>.
* Le thème de l'argent, des ennemis et de la mafia :
: « Ne me provoquez pas mes ennemis / Vous savez que je suis le chef de l'argent / Si je me fâche vous savez ce que je vais faire / Je vais vous enterrer avec tout l'argent [que vous avez]. »
* Le thème de l'amour et de la douleur :
: « Dieu, prends mes jours difficiles / Pour que je puisse vivre heureux / Même si je n'aurai plus / Qu'un seul jour à vivre. »
* Le thème de l'argent et des femmes :
: « J'ai été en Italie / J'ai amené la voiture / Je drague les filles avec / Quand la lune est pleine. » Zorile din Galați - Am Fost In Italia.
* Les thèmes politiques : certains morceaux agonissent le président [[Traian Băsescu|Băsescu]], d'autres font son éloge :
: « Băsescu est joueur / mais il est proche du peuple / une seule chose compte / tous les Roumains votent pour lui. »
: ''Băsescu e jucător, dar e aproape de popor, un singur lucru contează, toți românii îl votează.''


Du point de vue vestimentaire, les chanteurs de ''manele'' modernes adoptent un style dit ''{{Citation|ultra fashion}}'' : jeans délavé et maillot moulants, gel dans les cheveux, signes extérieurs de richesse (chaînes en or, dollars et euros qui dépassent des poches) inspirés du style ostentatoire « bling-bling » présent dans le rap américain. Dans les clips où ils apparaissent, on retrouve aussi l'étalage de richesses, la grosse voiture aux chromes étincelants et les « plus belles filles » purement décoratives et [[Stéréotype|stéréotypées]] sur le modèle des [[call-girl]]s de luxe occidentales<ref name="MelaMelin_opcit" />.
==Grands noms==
On compte des dizaines de chanteurs qui sont très prolifiques. La plupart des chanteurs ne sortent pas ou très peu d'albums car ils distribuent leur musique gratuitement par le biais de nombreux sites spécialisés sur le net. Une fois connus, ils vivent de leurs passages dans les boîtes de nuit de Bucarest ou des soirées de mariage, source traditionnelle de revenus pour les Tsiganes.


== Diffusion ==
'''Quelques grands noms''' : (les chanteurs n'utilisent que des pseudonymes)
* [[Florin Salam]]
* Adrian Minune (Adrien le Magnifique) appelé aussi Adi De Vito, à cause de sa ressemblance avec l'acteur.
* Sandu Ciorba (''Alex la [[Tchorba]]'').
* Carmen Serban, rare femme à avoir percé dans le style.
* [[Denisa Răducu]]
* Claudia
* [[Nicolae Guță]]
* {{lien|Nicu Paleru}}
* [[Sorin Copilul de Aur]] (Sorin l'Enfant d'Or). Il a commencé à chanter à {{nombre|12|ans}} avec Nicolae Guță, connu pour sa voix qu'il peut placer très haut.
* Vali Vijelie (Vali la Tempête).
* Laura Vass, connu pour ses duos avec Sorin Copilul de Aur (Sorin l'Enfant d'Or).
* Sorinel Puștiu (Sorinel le Gamin).
* Florin Pește (Florian le Maquereau).
* Liviu Puștiu (Liviu le Gamin).
* Susanu, style plus pop.
* Play AJ
* Costi, pop aussi.
* Viorel de la [[Constanța]] (ville de Roumanie)
* Zorile din Galați (l'[[Aube (temps)|Aube]] de [[Galați]]).
* Adriano Prințul Manelelor (Adrien Prince des Mani).
* Don Genove
* Costel Ciofu
* Ștefan de la Bărbulești
* Cristi Rizescu
* Mirela
* Victor Raicu, surnommé Le Manouche.
* Jean de la Craiova
* Brandy
* A-Tentat, groupe difficile à définir car si la musique est bien du manele, les paroles sont des parodies [[Sarcasme|sarcastiques]] du manele, ce qui les classe parfois dans les groupes de détracteurs.


La chaîne de télévision ''Taraf'' est, en Roumanie, exclusivement dédiée aux ''manele'' et ''Zu'' (télévision et radio) en joue souvent elle aussi, tandis que trois autres, qui se consacrent aux musiques populaires et ethno (roumaines, roms traditionnelles et des [[Communauté ethnique (Roumanie)|autres minorités]]), jouent aussi des ''manele'' anciennes : ''Etno'', ''Favorit'' et ''Hora''<ref>Exemples : ''Taraf TV'' : [https://www.taraf.tv/] ; ''Zu'' (TV et radio) : [https://myzutv.ro/], [https://radiozu.ro/live] ; les chaînes ''Etno, Favorit'' et ''Hora'' : [https://www.etno.ro/], [www.favorittv.ro/] et [https://www.horatv.ro/]</ref>. Entre les producteurs et les amateurs de ''manele'' modernes et ceux de la musique traditionnelle roumaine ou rom, comme les ''[[lăutari]]'' à l'ancienne tel le groupe « ''Trei parale'' »<ref>[https://treiparale.ro/proiecte/]</ref>, il existe une certaine opposition, les seconds accusant les premiers de diffuser un {{Citation|folklore discoïsant}} et surtout de se poser en {{Citation|manifeste militant pour légitimer une société brutale, [[inculte]] et [[Cynisme|cynique]]}}. Ces détracteurs affirment que les ''manele'' modernes « n'ont d'autre inspiration que les rythmes préenregistrés des synthétiseurs, le disco turc moderne et l'alcool des fêtes », et qualifient cette mouvance de ''subcultură'' (sous-culture)<ref>Mela Melin, ''[http://www.librariaeminescu.ro/isbn/973-87805-3-8/Mela-Melin__Despre-manea Despre manea]'', éd. Universul Românesc 2007, {{ISBN|978-973-87805-3-8}}.</ref>.
Certains chanteurs se produisent déjà dans plusieurs pays d'Europe, mais exclusivement dans des soirées qui réunissent la diaspora roumaine : en Espagne, Italie, France et aux États-Unis.


== Au cinéma ==
== Au cinéma ==


Outre l'actuel Manele lui-même, le monde et les valeurs des « manélistes » ont aussi inspiré quatre scénaristes de cinéma (qui ont utilisé le Manele traditionnel comme illustration musicale de leurs œuvres) et une équipe de télévision :
Le monde des « manélistes » roms, anciens ou modernes, ont aussi inspiré quatre scénaristes de cinéma (qui ont utilisé le ''manele'' traditionnelles comme illustration musicale de leurs œuvres) et une équipe de télévision :
* [[Aleksandar Petrović]] tourne dès [[1967 au cinéma|1967]] le film [[Yougoslavie|yougoslave]] ''[[J'ai même rencontré des tziganes heureux]]'' (en [[serbo-croate]] ''Skupljači perja'') ;
* [[Aleksandar Petrović]] tourne dès [[1967 au cinéma|1967]] le film [[Yougoslavie|yougoslave]] ''[[J'ai même rencontré des tziganes heureux]]'' (en [[serbo-croate]] ''Skupljači perja'') ;
* [[Emil Loteanu]], réalisateur [[Moldavie|moldave soviétique]], tourne en [[1976 au cinéma|1976]] le film ''[[Les Tsiganes montent au ciel]]'' (en [[Roumain|moldave]] ''șatra'') ;
* [[Emil Loteanu]], réalisateur [[Moldavie|moldave soviétique]], tourne en [[1976 au cinéma|1976]] le film ''[[Les Tsiganes montent au ciel]]'' (en [[Roumain|moldave]] ''Șatra'') ;
* [[Emir Kusturica]] tourne en [[1989 au cinéma|1989]] le film ''[[Le Temps des Gitans]]'' (en [[serbe]] ''Dom za vešanje/Дом за вешање'') et en [[1998 au cinéma|1998]] - ''[[Chat noir, chat blanc]]'' (en [[serbe]] ''Crna mačka, beli mačor/Црна мачка, бели мачор'') ;
* [[Emir Kusturica]] tourne en [[1989 au cinéma|1989]] le film ''[[Le Temps des Gitans]]'' (en [[serbe]] ''Dom za vešanje/Дом за вешање'') et en [[1998 au cinéma|1998]] - ''[[Chat noir, chat blanc]]'' (en [[serbe]] ''Crna mačka, beli mačor/Црна мачка, бели мачор'') ;
* [[Tony Gatlif]] tourne en [[1983 au cinéma|1983]] le film ''[[Les Princes]]'', en [[1993 au cinéma|1993]] - ''[[Latcho Drom (film)|Latcho Drom]]'', en [[1997 au cinéma|1997]] - ''[[Gadjo dilo]]'' et en [[2006 au cinéma|2006]] - ''[[Transylvania (film)|Transylvania]]'' ;
* [[Tony Gatlif]] tourne en [[1983 au cinéma|1983]] le film ''[[Les Princes]]'', en [[1993 au cinéma|1993]] - ''[[Latcho Drom (film)|Latcho Drom]]'', en [[1997 au cinéma|1997]] - ''[[Gadjo dilo]]'' et en [[2006 au cinéma|2006]] - ''[[Transylvania (film)|Transylvania]]'' ;
* En [[2011]], les scénaristes de la série américaine ''[[NCIS : Los Angeles]]'' mettent en scène un clan de roms de [[Constanța]] pour l'épisode ''[[Saison 2 de NCIS : Los Angeles#.C3.89pisode 24 : L.27Op.C3.A9ration Comescu .282.2F2.29 .2F Op.C3.A9ration Comescu|Opération Comescu]]''.
* En [[2011]], les scénaristes de la série américaine ''[[NCIS : Los Angeles]]'' mettent en scène un clan de roms de [[Constanța]] pour l'épisode ''[[Saison 2 de NCIS : Los Angeles#.C3.89pisode 24 : L.27Op.C3.A9ration Comescu .282.2F2.29 .2F Op.C3.A9ration Comescu|Opération Comescu]]''.


==Notes et références==
== Notes et références ==
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[[Catégorie:Musique roumaine]]
[[Catégorie:World music]]
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Dernière version du 14 avril 2024 à 20:08

Manele
Origines stylistiques anciennes : Musique roumaine, musique aroumaine, musique grecque, musique turque, musique serbe, musique bulgare ; modernes pop, turbo folk, disco, house, musique arabe, rap, raï.
Origines culturelles anciennes : Tarafs des Balkans et des principautés danubiennes, fin du XVIIIe siècle ; modernes : Roms de Roumanie principalement, depuis 1970.
Instruments typiques anciens : cobza, cymbalum, violon, viole, contrebasse, naï, taragot, gaita, toban ; modernes : Violon électrique, guitare basse, clarinette, accordéon, saxophone, synthétiseur, tambourin, sifflet, batterie.

Genres associés

čalga, laïkó,

Les manele (du roumain manea, fem. sg., manele, fem. pl.) forment un style de musique qui s'est développé dans les Balkans et entre autres, parmi les Roms, notamment ceux de Roumanie. Les manele sont également écoutées en République de Moldavie, en Bulgarie (čalga), en Serbie (turbo folk), en Albanie et au Kosovo (tallava), en Turquie (arabesque (en)) et en Grèce (skiladiko soit « à la chienne »).

En Roumanie les musiciens qui jouent des manele sont appelés maneliști (singulier : manelist).

Étymologie[modifier | modifier le code]

Le mot manea serait entré dans le lexique roumain au XVIIIe siècle, alors que le pays subissait l'influence de la musique ottomane et des orchestres meterhané ou tubulhané jouant pour la noblesse roumaine lorsque celle-ci donne des fêtes publiques. À cette époque, le prince moldave Dimitrie Cantemir rédige le Livre de la science sur le style littéraire de la musique (en turc : Kitabu "Ilmi'l-Mûsikí ala Vechi'l-Hurûfât), considéré comme un monument de la musique turque, avec environ 350 œuvres musicales répertoriées, dont beaucoup n'ont survécu que dans ce recueil, où l'on découvre que manea est issu du mot amanea, du turc amané (« ainsi soit-il ») et tamam (« d'accord »)[1]. À l'origine, en Turquie, amané désigne un solo vocal improvisé.

Types[modifier | modifier le code]

Lăutari de Ionică Dinicu (père de Grigoraş Dinicu). Photo de Nadar.

Les manele sont essentiellement de deux types[2] :

  • L'un, ancien, a été développé par les tarafs des marchés et foires populaires du XVIIIe siècle : il est en connexion avec la musique ottomane ou grecque et celle de pays roumains ou des aroumains[3] ; les principaux instruments sont le violon, la cobza, le cymbalum, la viole, le taragot, le naï ou la gaita, et les thèmes des textes, proches du rebetiko grec et du fado portugais, conformes à l'esprit des romances traditionnelles, sont la destinée, la chance, la fatalité, la force de l'amour, l'ombre de la mort et l'amitié qui transcende tout le reste.
  • L'autre, récent et contemporain, faisant appel aux instruments électroniques modernes, plonge ses racines dans la culture musicale festive des roms de la seconde moitié du XXe siècle, et constitue un genre éclectique qui mixe les musiques populaires antérieures avec du disco, du rap, de la house et de la pop. Aujourd'hui, la popularité des manele modernes est grande parmi les jeunes, mais le genre moderne est également très critiqué, car les textes actuels, souvent considérés comme cyniques, machistes et vulgaires, ont adopté des thèmes beaucoup plus matérialistes, conformes à l'esprit de la société postcommuniste actuelle, dont voici une compilation[4] :
    • banii - « l'argent », thème plus que récurrent : les chanteurs aiment dire dans leurs chansons qu'ils en ont beaucoup et qu'ils le dépensent sans compter. Parfois ils accusent leurs ennemis de les empêcher de s'enrichir ;
    • femeile și durerea - « les femmes et la douleur » : les chanteurs sont toujours accompagnés de girls très sexualisées et ils ont beaucoup de succès en amour, ou au contraire sont victimes de chagrins d'amour dus à l'infidélité ou à la perversité des femmes (ou des autres hommes, rivaux) ;
    • dușmanii și prietenii - « les ennemis et les amis » : la vie n'est qu'une vaste foire d'empoigne, détruire ou être détruit, voilà le lot ; l'ennemi est l'objet de haine ou de moquerie, tandis que les mérites de l'ami fidèle sont infinis… tant qu'il ne vous trahit pas ;
    • dragostea și ura - « l'amour et la haine » : sur ce point les chansons sont de véritables déclarations d'amour romantique, ce qui ajoute à l'ambiguïté et au succès du style manele. Les rois du manele disent aussi être les seuls à connaître le vrai amour-passion, celui qui fait tout risquer. Mais la trahison, l'infidélité, transforment l'amour en haine tout aussi ardente, et qui ne peut être noyée que dans le sang ou l'alcool : honneur et mort, ou déshonneur et oubli ;
    • sexu' și mafia - « le sexe et la mafia » : certains chanteurs clament sans vergogne leurs prouesses sexuelles « toujours bio » (c'est-à-dire sans sildénafil ni préservatif), leur nombreuse progéniture et leur appartenance à des gangs mafieux ou à des clans de quartier[5].

Du point de vue vestimentaire, les chanteurs de manele modernes adoptent un style dit « ultra fashion » : jeans délavé et maillot moulants, gel dans les cheveux, signes extérieurs de richesse (chaînes en or, dollars et euros qui dépassent des poches) inspirés du style ostentatoire « bling-bling » présent dans le rap américain. Dans les clips où ils apparaissent, on retrouve aussi l'étalage de richesses, la grosse voiture aux chromes étincelants et les « plus belles filles » purement décoratives et stéréotypées sur le modèle des call-girls de luxe occidentales[5].

Diffusion[modifier | modifier le code]

La chaîne de télévision Taraf est, en Roumanie, exclusivement dédiée aux manele et Zu (télévision et radio) en joue souvent elle aussi, tandis que trois autres, qui se consacrent aux musiques populaires et ethno (roumaines, roms traditionnelles et des autres minorités), jouent aussi des manele anciennes : Etno, Favorit et Hora[6]. Entre les producteurs et les amateurs de manele modernes et ceux de la musique traditionnelle roumaine ou rom, comme les lăutari à l'ancienne tel le groupe « Trei parale »[7], il existe une certaine opposition, les seconds accusant les premiers de diffuser un « folklore discoïsant » et surtout de se poser en « manifeste militant pour légitimer une société brutale, inculte et cynique ». Ces détracteurs affirment que les manele modernes « n'ont d'autre inspiration que les rythmes préenregistrés des synthétiseurs, le disco turc moderne et l'alcool des fêtes », et qualifient cette mouvance de subcultură (sous-culture)[8].

Au cinéma[modifier | modifier le code]

Le monde des « manélistes » roms, anciens ou modernes, ont aussi inspiré quatre scénaristes de cinéma (qui ont utilisé le manele traditionnelles comme illustration musicale de leurs œuvres) et une équipe de télévision :

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Aman aman ! L’art de la complainte », sur romanimuzika.wordpress.com, (consulté le ).
  2. Mela Melin, Despre Manea (« sur la Manea »), Editura Universul Românesc 2007, (ISBN 9789738780538) - [1]
  3. (ro) « Manea », sur dexonline.ro (consulté le ) ; présentation de ce style par le groupe de manele anciennes « Trei Parale » : [2]
  4. (ro) Mela Melin, Despre manea : [fenomenul manelei în contextul civilizaţiei româneşti actuale], Universul Românesc, , 128 p. (ISBN 978-973-87805-3-8, OCLC 644984624).
  5. a et b Mela Melin, op. cit. 2007
  6. Exemples : Taraf TV : [3] ; Zu (TV et radio) : [4], [5] ; les chaînes Etno, Favorit et Hora : [6], [www.favorittv.ro/] et [7]
  7. [8]
  8. Mela Melin, Despre manea, éd. Universul Românesc 2007, (ISBN 978-973-87805-3-8).