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| légende = Tigre II conservé au [[Musée des blindés de Saumur]] en [[France]]. C'est l'unique exemplaire au monde encore en état de marche avec son moteur d'origine.
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| constructeur = Henschel et Wegmann
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| unités = 492 exemplaires
| unités = 492 exemplaires
| variantes = Sd.Kfz. 186 Panzerjäger Tiger Ausf. B ''Jagdtiger'' (chasseur de chars)
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| équipage = 5 <small>(conducteur, radio-mitrailleur, opérateur tourelle, chargeur et chef de char)</small>
| équipage = 5 <small>(conducteur, radio-mitrailleur, tireur, chargeur et chef de char)</small>
| longueur = {{unité|7.62 m}} (caisse)<br>{{unité|10.28 m}} (avec le canon pointé à {{heure|12}})
| longueur = {{unité|7.62 m}} (caisse)<br>{{unité|10.28 m}} (avec le canon pointé à {{heure|12}})
| largeur = {{unité|3.75 m}} avec les chenilles de combat
| largeur = {{unité|3.75 m}} avec les chenilles de combat
| hauteur = {{unité|3.09 m}}
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| masse = {{unité|68.5 t}} (tourelle première version)<br>{{unité|69.7|t}} (tourelle de production)|blindage<br/>Avant {{unité|150 mm}}<br/>Avant (bas de caisse) {{unité|100 mm}}<br/>Flanc {{unité|80 mm}}<br/>Arrière {{unité|80 mm}}<br/>Tourelle avant ( v1 tourelle {{unité|100 mm}} v2 tourelle {{unté|185 mm}} )<br/>Tourelle flanc {{unité|80 mm}}<br/>Tourelle arrière {{unité|80 mm}}
| masse = {{unité|68.5 t}} (tourelle première version)<br>{{unité|69.7|t}} (tourelle de production)|blindage<br/>Avant {{unité|150 mm}}<br/>Avant (bas de caisse) {{unité|100 mm}}<br/>Flanc {{unité|80 mm}}<br/>Arrière {{unité|80 mm}}<br/>Tourelle avant ( v1 tourelle {{unité|100 mm}} v2 tourelle {{unté|185 mm}} )<br/>Tourelle flanc {{unité|80 mm}}<br/>Tourelle arrière {{unité|80 mm}}
| primaire = Un canon de 88 mm KwK 43 L/71<ref group=A name="KwK 43">KwK 43 signifie ''Kampfwagen Kanone'' (canon pour véhicule de combat - ou char - modèle 43. L71 signifie que la longueur du tube est égale au calibre multiplié par 71 soit 6,25 m environ. À comparer au 56 calibres du canon du Tigre soit 4,93 m. De plus la douille de l'obus du Tigre royal est plus longue et contient donc d'avantage de poudre propulsive </ref>. (80 à 86 obus)
| primaire = Un canon de 88 mm Kw.K. 43 L/71 (80 à 86 obus) (projet) canon de 10.5mm kwk.L/52
| secondaire = Trois mitrailleuses [[Maschinengewehr 34|MG 34]] de 7,92 mm, {{nombre|5850|cartouches}} et un mortier NbK 39 de {{unité|90 mm}}.
| secondaire = Trois mitrailleuses [[Maschinengewehr 34|MG 34]] de 7,92 mm, {{nombre|5850|cartouches}} et un mortier NbK 39 de {{unité|90 mm}}.
| moteur = [[Maybach HL230]] P30
| moteur = [[Maybach HL230]] P30
| puissance = {{unité|700|ch}} ({{unité|514|kW}}) à {{unité|3000|tr/min}}
| puissance = {{unité|700|ch}} ({{unité|514|kW}}) à {{unité|3000|tr/min}}
| transmission = Boîte de vitesses à présélection Maybach Olvar Type EG 40 12 16 B à 12 rapports <small>(8 AV et 4 AR)</small> avec une direction assistée hydrauliquement Henschel L 801 à double différentiel
| transmission = Boîte de vitesses à présélection Maybach Olvar Type EG 40 12 16 B à 12 rapports <small>(8 AV et 4 AR)</small> avec une direction assistée hydrauliquement Henschel L 801 à double différentiel
| suspension = Double barres de torsion
| suspension = Double barres de torsion
| vitesse = {{unité|38 km/h}}, {{unité|11 km/h}} en marche-arrière
| vitesse = {{unité|38 km/h}}, {{unité|11 km/h}} en marche-arrière
| vitesse hors route = {{unité|17 km/h}}
| vitesse hors route = {{unité|17 km/h}}
| ratio puissance = {{unité|10 ch/tonne}}
| ratio puissance = {{unité|10 ch/tonne}}
| réservoir = {{unité|860 ℓ}}
| réservoir = {{unité|860 ℓ}}
| carburant = Essence
| carburant = Essence
| autonomie = {{unité|170 km}}
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| autonomie hors route = {{unité|120 km}}
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Le '''''Panzerkampfwagen VI''''' ou '''''[[Sonderkraftfahrzeug|Sd.Kfz.]] 182 Panzer VI Ausf. B Tiger II''''', surnommé de façons non officieuse '''''Königstiger''''' (« tigre royal », nom allemand du tigre du Bengale), est un [[char d'assaut]] [[allemagne|allemand]] de la [[Seconde Guerre mondiale]].
Le '''''Panzerkampfwagen VI''''' ou '''''[[Sonderkraftfahrzeug|Sd.Kfz.]] 182 Panzer VI Ausf. B Tiger II''''', surnommé de façon officieuse '''''Königstiger''''' (« tigre royal », nom allemand du tigre du Bengale), est un [[char d'assaut]] [[allemagne|allemand]] de la [[Seconde Guerre mondiale]]. Il est produit à {{nobr|492 exemplaires}} entre novembre 1943 et mars 1945.


Malgré son appellation, ce n'est pas une version du [[Panzerkampfwagen VI Tiger|Tigre]] mais un char entièrement nouveau qui remplace ce dernier à partir de février 1944 au sein des [[Schwere Panzer-Abteilung|bataillons de chars lourds]] de l'armée de terre ([[Heer (Wehrmacht)|Heer]]) et de la [[Waffen SS]]. Mieux armé et mieux protégé que son prédécesseur, il amplifie cependant ses défauts (poids, complexité, manque de puissance, fiabilité). En effet, s'il est équipé d'un canon de 88 mm plus puissant et doté d'un [[blindage incliné]] très épais qui lui assure une protection supérieure, il est encore plus lourd que lui ({{unité|70 tonnes}} contre 57), tout en étant équipé du même moteur<ref group=A>Le même moteur équipe également le char [[Panzerkampfwagen V Panther|Panther]] qui ne pèse que {{unité|45 tonnes}}...</ref>. Son [[Puissance massique|rapport poids-puissance]] est donc moindre : il est lent et peu mobile et il ne peut franchir tous les ponts. De plus, il est extrêmement gourmand en carburant ({{unité|500 l}}/{{unité|100 km}} sur route et {{unité|700 l}}/{{unité|100|km}} en tout terrain).
Produit à {{nobr|50 exemplaires}} pour le modèle à tourelle « première version » et à {{nobr|439 exemplaires}} pour le modèle à tourelle « de production », ce char était pourvu d'un important blindage ainsi que d'un puissant canon, lui donnant la possibilité de mettre [[hors de combat]] tous les chars alliés en service lors des deux dernières années du conflit.


Le Tigre royal peut affronter les blindés alliés les plus puissants, et notamment le [[Joseph Staline (char)|IS-2]] de l'[[Armée rouge]] ([[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]]) mais il n'est produit qu'en faibles quantités. Enfin, son manque de mobilité et de fiabilité réduisent fortement son impact opérationnel, notamment parce que, du fait de son poids, la plupart des pannes ou immobilisations en territoire ennemi ou lors d'une retraite obligent les équipages à détruire leur char même quand il est réparable.
Cependant, il accusait en ordre de combat une masse de {{unité|70 tonnes}} tout en étant équipé du même moteur que le char [[Panzerkampfwagen V Panther|Panther]] qui lui ne pesait que {{unité|45 tonnes}}, son [[Puissance massique|rapport poids-puissance]] était donc moindre : il était lent et peu mobile, ne pouvait passer tous les ponts, était extrêmement gourmand en carburant ({{unité|500 L}} / {{unité|100 km}} en route et {{unité|700 L}} / {{unité|100|km}} en tout terrain) et devait changer de chenilles avant et après tout transport par rail.


Son châssis a servi de base pour le [[Jagdpanzer VI|Jagdtiger]], un chasseur de char doté d'un redoutable canon de 128 mm.
Par la volonté d'[[Hitler]], il fut surtout construit pour contrer le terrible [[Joseph Staline (char)|IS-2]] de l'[[Armée rouge]] ([[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]]).

Aujourd'hui une demi-douzaine de Tigre II restent visibles - généralement dans des musées. Un seul d'entre eux est en état de marche.

== Dénomination ==
Le modèle aboutissant à la production en série est appelé en interne chez Henschel d’abord VK 45.03 en {{date-|octobre 1942}} puis Tiger III entre {{date-|décembre 1942}} et {{date-|février 1943}} avant de devenir Tiger II en {{date-|mars 1943}}. En parallèle, le [[Wa Prüf 6]] nomme le même modèle Tiger III (VK 45.03) en {{date-|octobre 1942}}, Henschel Tiger B en {{date-|janvier 1943}}, Tiger II en mars puis à partir du {{date-|2 juin 1943}} Panzerkampfwagen Tiger Ausführung B, parfois abrégé simplement en Tiger B. La désignation complète, utilisée notamment dans les manuels ainsi que dans les documents organisationnels et de maintenance, est toutefois Panzerkampfwagen Tiger (8,8 cm K.w.K L/71) (Sd.Kfz. 182). Le surnom ''Königstiger'' n’apparaît qu’en {{date-|janvier 1945}} dans un rapport du [[Ministère de l'Armement et des Munitions du Reich]] et n’a jamais eu ni de valeur officielle ni un usage important au sein des Panzertruppen{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=16}}{{,}}{{sfn|Jentz|Doyle|1997|p=14}}.

Les dénominations attachées au modèle de série produit par Henschel ne doivent pas être confondues avec celles des modèles conçus par Porsche. En effet, alors que l’entreprise utilise en interne la dénomination Typ 180, qui ne prête pas à confusion, le Wa Prüf 6 désigne ce même modèle sous les noms de VK 45.01 (P2) et VK 45.02 (P) en 1942 ou encore Panzerkampfwagen Tiger P2 en 1943{{sfn|Jentz|Doyle|1997|p=8}}. (VK signifiant ''Versuchs Kampffahrzeug'', ou « véhicule de combat d’essai »).


== Historique ==
== Historique ==
=== Contexte ===
L'étude du [[panzer|blindé]] Tigre II commença dès le mois de [[Mai 1941 (guerre mondiale)|{{date-|mai 1941}}]], un an avant l'entrée en production du [[Panzerkampfwagen VI Tiger|Tigre I]]. Dès fin 1942, le projet dériva vers une étude plus précise : un char lourd qui puisse succéder au Tigre.
Bien que l’idée de produire un char lourd se soit fait jour chez les Allemands dès 1934, ce n’est qu’en 1937 que le développement débute sérieusement. Un contrat est d’abord attribué à l’entreprise [[Henschel & Sohn]] pour un char de trente tonnes et aboutit à plusieurs châssis expérimentaux : les [[Durchbruchswagen]] en 1937-1938 et le [[VK 30.01 (H)]] en 1938-1939. À partir de 1939, Henschel se trouve en outre en concurrence avec Porsche, qui produit son propre châssis expérimental, le [[VK 30.01 (P)]]. Dans les deux cas, les tourelles et l’armement sont conçus par [[Krupp (entreprise)|Krupp]], qui parvient à faire en sorte de conserver le monopole face à son concurrent [[Rheinmetall]]. Faute de direction claire, le programme manque rapidement d'unité et il existe ainsi au printemps 1941 trois modèles différents : le VK 30.01 (H) armé du 75 mm KwK L/24, le Type 100 armé du 88 mm KwK L/56 et le VK 36.01 armé du Waffe 0725, un canon expérimental de {{unité|75 mm}}<ref>{{Ouvrage |langue=en |nom1=Jentz |prénom1=Thomas |nom2=Doyle |prénom2=Hilary |titre=Germany’s Tiger Tanks |sous-titre=D.W. to Tiger I : Design, production & modification |lieu=Alglen |éditeur=Schiffer Publishing |année=2000 |pages totales=190 |passage=10-23 |isbn=0-7643-1038-0 }}</ref>{{,}}{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=3}}.


Lors d’une réunion le {{date-|26 mai 1941}}, [[Hitler]] fixe de nouveaux objectifs ambitieux tant en termes de calendrier que de performances, Porsche et Henschel devant ainsi livrer avant le début de l’été 1942 six prototypes d’un char de quarante-cinq tonnes. Les deux entreprises rencontrent alors des difficultés sur l’armement : les performances attendues par Hitler imposeraient l’utilisation du canon Flak 41 de Rheinmetall, mais celui-ci ne s’adapte pas à la tourelle déjà conçue pour le 88 mm KwK 36 L/56<ref group=A>KwK 36 signifie ''Kampfwagen Kanone'' (canon pour véhicule de combat - ou char - modèle 36. L56 signifie que la longueur du tube est égale au calibre multiplié par 56 soit 4,93 m.</ref> et il n’est pas possible de reprendre entièrement la conception de la tourelle dans les délais imposés.
En [[Janvier 1943 (guerre mondiale)|{{date-|janvier 1943}}]], [[Adolf Hitler|Hitler]], après lecture du cahier des charges, imposa pour le nouveau char un [[canon de 88 mm]] à haute vélocité, un blindage frontal de {{Unité|150|mm}} et un blindage latéral de {{Unité|80|mm}}. À la lumière de l'expérience du tout nouveau char moyen-lourd [[Panzerkampfwagen V Panther|Panther]], il fut décidé que le blindage serait incliné et conçu de manière à ne présenter qu'une coquille de métal d'un seul tenant par élément (châssis et tourelle).


Finalement, le char produit en grande série à partir de l’été 1942, le [[Panzerkampfwagen VI Tiger|Tigre]], est le modèle VK 45.01 de Henschel avec la tourelle et le canon de 88 mm KwK 36 L/56 conçus par Krupp<ref>{{Ouvrage |langue=en |nom1=Jentz |prénom1=Thomas |nom2=Doyle |prénom2=Hilary |titre=Germany’s Tiger Tanks |sous-titre=D.W. to Tiger I : Design, production & modification |lieu=Alglen |éditeur=Schiffer Publishing |année=2000 |pages totales=190 |passage=28-33 |isbn=0-7643-1038-0 }}</ref>{{,}}{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=4-5}}.
Comme pour le Tigre I, [[Henschel (usines)|Henschel]] et [[Porsche (usines)|Porsche]] se lancèrent sur le projet. Porsche étudia deux modèles, l'un avec une tourelle centrale et l'autre, avec une tourelle très en arrière sur le châssis (comme le char israélien {{Lien h'|Merkava}} à la fin des années 1970) respectivement appelé VK 45.02 A et B.


=== Développement ===
Mais, comme pour le Tigre, le concept de transmission et de [[châssis]] était trop avancé pour les techniques de l'époque, aussi ce fut le modèle d'Henschel, plus conventionnel, mais beaucoup plus moderne que le Tigre, qui emporta le marché, notamment parce qu'il permettait de réduire les coûts en présentant un certain nombre d'éléments utilisés aussi sur le char Panther. {{formatnum:1500}} furent commandés, seulement 489 furent construits, notamment à cause de la destruction par les bombes américaines de l'usine Henschel de [[Cassel (Hesse)|Cassel]].
Ce premier Tigre n’est toutefois qu’un expédient pour les Allemands : aussitôt qu’il apparaît en {{date-|septembre 1941}} que le Flak 41 ne peut pas être monté dans la tourelle de Krupp, Hitler impose la conception d’un nouveau char équipé de ce canon{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=5}}. Porsche et Henschel sont alors mis en concurrence pour produire un châssis plus grand permettant de monter cette arme. La seconde évolution significative par rapport au Tigre I est l'adoption de [[blindage incliné]] (comme sur le [[T-34]] et le [[Panzerkampfwagen V Panther|Panther]]) qui, à épaisseur égale, offre une meilleure protection à la pénétration{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=8, 11}}.


Bien que la motorisation hybride essence-électrique du VK 45.01 (P) ait joué un grand rôle dans l’échec de Porsche pour la production du Tigre, le constructeur reprend ce principe pour son nouveau projet, le Typ 180 ou VK 45.02 (P), qui débute au début de l’année 1942{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=8}}. Quatre variantes supplémentaires sont conçues avant l’automne. Les Typ 180A et B conservent la motorisation essence-électrique, mais le constructeur explore également la possibilité d’utiliser une motorisation plus classique avec les Typ 181A, B et C, équipés de différents moteurs à essence ou gasoil. Les problèmes de motorisation persistent néanmoins et le contrat de production de cent exemplaires, accordé de manière anticipée à Porsche en {{date-|février 1942}}, est annulé le {{date-|3 novembre}}{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=9}}. Le travail se poursuit toutefois sur trois prototypes, mais sans fixer de date de mise en production{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=9-10}}.
Au départ, les cinquante premiers exemplaires furent munis de la première version de la tourelle, mais une tourelle spécifique fut redessinée, acceptant plus de munitions, et surtout corrigeant un défaut de la précédente. En effet, à l'origine, le mantelet du canon, semblable à celui des premières tourelles de Panther, c'est-à-dire en demi-cylindre horizontal, risquait de provoquer la destruction du char au cas où un obus touchait de plein fouet la partie inférieure de ce mantelet, obus qui, par ricochet, pénètrerait ainsi les œuvres vives du char, par le toit du poste de pilotage faiblement blindé. La nouvelle tourelle comportait un mantelet « en groin de cochon », évitant ce problème. Mais ceci eut pour inconvénient d'alourdir le char déjà énorme, qui passait au changement de tourelle de {{unité|68,5 à 69,8 tonnes}}, c'est-à-dire plus lourd qu'un char moderne de type [[char Leclerc|Leclerc]].


De son côté, Henschel fait quelques dessins d’un VK 45.02 (H) en {{date-|avril 1942}}, mais, monopolisée par les problèmes de développement du Tigre, l’entreprise ne débute vraiment le développement de la nouvelle plateforme que vers la fin de l’été 1942 avec le VK 45.03 (H){{sfn|Jentz|Doyle|1997|p=14-15}}. Ce nouveau modèle est accompagné par un contrat pour la production de cent soixante-seize exemplaires, nombre qui est rapidement porté à trois cent cinquante exemplaires en novembre après l’annulation du contrat avec Porsche{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=11, 17}}. La progression du projet reste toutefois handicapée par les ingérences d’Hitler. Celui-ci accroît ainsi le {{date-|3 janvier 1943}} les exigences sur l’épaisseur du blindage, puis exige le {{date-|17 février}} qu’un maximum de composants soient mutualisés avec le futur Panther II. Ces changements sont pour certains poussés par [[Ferdinand Porsche]], qui est proche de Hitler et peut ainsi gêner son rival Henschel, dont le châssis prend plusieurs mois de retard sur le calendrier de développement prévu{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=11}}. Pour sa part, Porsche dispose en {{date-|février 1943}} de trois prototypes du Typ 180 en passe d’être achevés, mais envisage de passer à une motorisation classique, ce qui retarde à une date indéfinie la mise en production{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=9-10}}.
Pour déplacer une telle masse de métal, le plus puissant moteur de char de l'époque lui-même se montrait un peu faible : le [[Maybach HL230|Maybach HL 230]] P30 {{nobr|12 cylindres}} de {{unité|700 ch}}, parfait pour le Panther de {{unité|43 tonnes}}, supportait mal les {{unité|27 tonnes}} supplémentaires. Pour contrecarrer ce problème, les ingénieurs lui accouplèrent une [[boîte de vitesses]] très complexe, avec huit rapports avant et quatre rapports arrière, afin de démultiplier les efforts et de permettre au titan de se déplacer convenablement.


Henschel et Porsche ne produisant que les châssis, la conception et la production de la tourelle reviennent à Krupp, qui s’occupe également d’adapter aux chars le canon Flak 41 de Rheinmetall. En pratique Krupp, qui est un concurrent direct de Rheinmetall, développe un nouveau canon, différent mais comparable sur le plan des performances, qui reçoit l'appellation de KwK 43 L/71{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=7, 9}}{{,}}<ref group=A name="KwK 43"/>. Le premier modèle de tourelle est conçu au cours de l’année 1942 pour le châssis de Porsche et la production débute à l’automne 1942. Toutefois, étant donné les problèmes du modèle de Porsche, il est décidé le {{date-|7 décembre 1942}} d’adapter les tourelles déjà produites sur le châssis de Henschel. Ce modèle de tourelle ne donne pas entièrement satisfaction du fait de l’avant arrondi qui risque de dévier un projectile vers le toit de la caisse, plus fin. Néanmoins, afin de ne pas ralentir la production, il est décidé en {{date-|février 1943}} de produire les cinquante premiers exemplaires avec cette tourelle - souvent appelée à tort tourelle Porsche - le temps que la conception de la tourelle définitive soit achevée{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=13}}.
Ils mirent aussi au point un différentiel de chenille permettant au char de tourner sur place, caractéristique encore rare à l'époque, mais très utile pour compenser la relative lenteur de la tourelle et l'exposition du blindage avant en cas de danger repéré à temps. Les ingénieurs mirent au point un système de train de roulement permettant d'éviter, à l'inverse du {{nobr|Tigre I}}, que les chenilles ne s'enrayent avec la boue, la glace et les rochers. Ce système s'avéra cependant à l'usage plus délicat à entretenir.


=== Production ===
Pour en terminer avec le train de roulement, comme pour le {{nobr|Tigre I}}, deux jeux de chenilles étaient prévus : une paire de {{unité|660 mm}} pour le transport sur rail, et une paire de {{unité|800 mm}} pour le combat. Ces chenilles larges permettaient au char d'avoir une bonne tenue en terrain instable, comme la boue, malgré son poids énorme, générant une pression au sol assez faible. Ceci ne changeait en revanche pas grand-chose au fait que le char était trop lourd pour la majorité des ponts de l'époque, ce qui réduisait de beaucoup sa mobilité tactique.
Henschel achève son premier prototype en {{date-|novembre 1943}}, puis deux autres prototypes et les trois premiers exemplaires de production en {{date-|janvier 1944}}. Le retard est donc conséquent sur le calendrier établi en {{date-|octobre 1942}}, qui prévoyait la livraison du premier exemplaire de série en {{date-|septembre 1943}}. L’assemblage final est réalisé par Henschel dans son usine de [[Cassel (Hesse)|Cassel]]. Celle-ci est la cible d’intenses bombardements entre septembre et octobre 1944, entraînant sa destruction à 95 % et l’arrêt presque total de la production. D’autres bombardements ont encore lieu par la suite, ralentissant la reconstruction malgré leur plus faible ampleur. Ainsi, alors que le calendrier prévoyait la production de 940 exemplaires entre septembre 1944 et mars 1945, seulement 283 sont effectivement produits, entraînant une perte nette de production de 657 Tigre B{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=17}}.


=== Modifications ===
Mais, avec un ratio de seulement {{unité|10|chevaux}} à la tonne, le char souffrait d'un cruel manque de mobilité, et d'une consommation énorme. Sa vitesse plafonnait à {{unité|38 km/h}} sur route, et moins de {{unité|20 km/h}} en tout terrain, et sa consommation de {{unité|500 L}} aux {{unité|100 km}} ne lui permettait qu'une faible autonomie de {{unité|170 km}} sur route d'autant plus handicapante que le [[Troisième Reich|Reich]] manquait de carburant. De plus, les efforts sur la transmission dus au poids du mastodonte, ainsi que la fragilité de la trop complexe boîte de vitesses, contraignirent ces chars à connaître de nombreuses pannes. Ils nécessitaient une maintenance constante pour fonctionner convenablement.
Comme son prédécesseur, le Tigre B fait l’objet de modifications tout au long de sa production, sans que celles-ci ne donnent lieu à la création d’une nouvelle version identifiée par une lettre. Toutes ces modifications ne sont pas forcément très visibles – il peut s’agir par exemple de changements de joints ou d’écrous, mais même les petits changements contribuent à considérablement améliorer la fiabilité du véhicule. Bien que les dates d’adoption de ces changements soient généralement connues, celles-ci ne correspondent que rarement à l’introduction réelle sur les véhicules produits : il est en effet courant que les fabricants épuisent d’abord le stock d’anciennes pièces, voire dans certains cas qu’ils utilisent les nouvelles pièces immédiatement, mais utilisent d’anciens composants en cas de pénuries{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=18}}.


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Fichier:Munster Koenigstiger Porscheturm Modell detail.jpg|Un modèle représentant l'avant incurvé de la première version de la tourelle Krupp (souvent appelée à tort "tourelle Porsche").
Fichier:Munster Koenigstiger Porscheturm Modell detail.jpg|Un modèle représentant l'avant incurvé de la première version de la tourelle Krupp (souvent appelée à tort "tourelle Porsche").
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== Histoire opérationnelle ==
Comme son prédécesseur, le Tigre II n'est pas endivisionné<ref group=A>C'est-à-dire qu'il n'est pas affecté au régiment de char d'une ''Panzerdivision'' mais à un bataillon autonome de chars lourds directement subordonné à l'état-major d'un corps d'armée ou d'une armée</ref>. Il le remplace dans les {{lang|de|''schwere Panzer Abteilungen''}}, ou [[Schwere Panzer-Abteilung|bataillons de chars lourds]] autonomes. {{unité|150|exemplaires}} sont livrés à des unités de la [[Waffen-SS]], tous les autres sont affectés à l'armée de terre (Heer). Ils arrivent sur le front en [[Février 1944 (guerre mondiale)|{{date-|février 1944}}]].

Leur premier engagement a lieu autour de [[Minsk]] en mai de la même année. Leur impact cependant limité, à cause des restrictions en carburant, des problèmes techniques et des pannes, et de l'efficacité de aviation d'attaque au sol alliée.

[[File:Bundesarchiv Bild 101I-721-0397-34, Frankreich, Panzer VI (Tiger II, Königstiger) crop.jpg|thumb|left|upright=1.2|Königstiger en France, Juin 1944]]
Une des premières utilisations au combat du Tiger II à l'Ouest est celle de la {{1re}} Compagnie du {{503e}} « s.H.Pz.Abt » lors de la [[Opération Overlord|bataille de Normandie]], s'opposant à l'[[opération Atlantic]] entre [[Troarn]] et [[Demouville]] le 18 juillet 1944. Deux sont perdus au combat, tandis que le char du commandant de compagnie reste irrémédiablement piégé après être tombé dans un cratère de bombe créé lors de l'[[opération Goodwood]]<ref name="Schneider133">Schneider 2000, p. 133.</ref>. Lors de la [[bataille de Normandie]], certains ''Königstiger'' sont même engagés par des [[croiseur]]s.

Sur le [[Front de l'Est (Seconde Guerre mondiale)|front de l'Est]], il est également utilisé le 12 août 1944 par le {{501e}} ''s.H.Pz.Abt'' faisant face à l'[[offensive de Lvov-Sandomierz]] où il attaque la tête de pont soviétique sur la [[Vistule]] près de [[Baranów Sandomierski]]. Sur la route vers [[Oględów]], trois Tiger II sont détruits dans une embuscade par quelques [[T-34|T-34-85]]<ref>Zaloga 1994, p. 14.</ref>. À la suite de pertes causées par l'explosion d'obus stockés à l'arrière de la tourelle, la capacité de stockage du véhicule est réduite à 68<ref>Schneider 2000, p. 46.</ref>. Jusqu'à quatorze Tiger II du {{501e}} sont détruits ou capturés dans la zone entre le 11 et le 14 août lors d'embuscades et d'attaques de flanc par des chars soviétiques T-34-85 et [[IS-2]] et des canons d'assaut [[ISU-122]] sur un terrain sablonneux peu favorable. La capture de trois Tiger II opérationnels permet aux Soviétiques d'effectuer des tests à [[Kubinka]] et d'évaluer les forces et les faiblesses du char<ref>Sledgehammers : Forces et défauts des bataillons de chars Tigre pendant la Seconde Guerre mondiale. Christopher W. Wilbeck. Aberjona, 2004. p. 135</ref>.

Le 15 octobre 1944, les Tiger II du {{503e}} bataillon de panzers lourds jouent un rôle crucial lors de l'[[Opération Panzerfaust]], en soutenant les troupes d'[[Otto Skorzeny]] dans la prise de la capitale hongroise, [[Budapest]], ce qui garantit le maintien du pays dans l'[[Axe Rome-Berlin-Tokyo|Axe]] jusqu'à la fin de la guerre. Le {{503e}} participe ensuite à la [[bataille de Debrecen]], restant sur le théâtre d'opérations hongrois pendant 166 jours, période pendant laquelle il détruit au moins 121 chars soviétiques, 244 canons antichar et pièces d'artillerie, cinq avions et un train, ratio avantageux comparé à la perte de 25 Tiger II ; dix sont détruits par les troupes soviétiques et incendiés, deux sont renvoyés à Vienne pour une révision en usine tandis que treize sont détruits par leurs équipages pour diverses raisons, généralement pour les empêcher de tomber entre les mains de l'ennemi.
[[Fichier:Tiger-II-La_Gleize.jpg|vignette|Le « Tigre II » de [[La Gleize]] en [[Belgique]], qui participa à l'[[Bataille des Ardennes|offensive des Ardennes]] pour la [[Joachim Peiper|colonne Peiper]]. La colonne fut stoppée et le char d'assaut définitivement abandonné sur place à La Gleize le {{nobr|[[24 décembre|24]] [[Décembre 1944 (guerre mondiale)|décembre 1944]]}}.]]
Le Tiger II est également engagé en nombre important, soit quatre bataillons de panzers lourds, lors de l'[[Offensive des Ardennes]] de décembre 1944<ref>Schneider 2005, pp. 214. –216.</ref>. Au moins 150 Tiger II sont présents, soit près d'un tiers de la production totale ; la plupart sont perdus au cours de l'offensive<ref>Green, Michael. "Les chars allemands de la Seconde Guerre mondiale". 14 mai 2000, p. 73.</ref>.

Certains Tigre II combattent également lors de l'[[Offensive Vistule-Oder]]<ref>Schneider 2000, p. 47.</ref> et les [[Offensive de Prusse-Orientale]]s en janvier 1945<ref>Schneider 2000, pp. 89-91.</ref>, ainsi que l'[[Opération Frühlingserwachen|Offensive du lac Balaton]] allemande en Hongrie en mars 1945<ref>Schneider 2005, p. 217.</ref>, la [[bataille de Seelow]] en avril 1945 et la [[bataille de Berlin]] à la fin de la guerre<ref>Schneider 2005, pp. 300-303.</ref>.

Le {{503e}} ''s.SS Pz.Abt'' revendique environ 500 victimes entre janvier et avril 1945 sur le front de l'Est pour la perte de 45 Tiger II, pour la plupart abandonnés et détruits par leur propre équipage à la suite de pannes mécaniques ou par manque de carburant)<ref>Schneider 2005, pp. 304, 324.</ref>.

Le dernier char de la guerre à être détruit est aussi un Tigre Royal, saboté par son équipage à la suite d'un problème mécanique, le {{nobr|[[10 mai|10]] [[Mai 1945 (guerre mondiale)|mai 1945]]}}, en [[Autriche]].

== L’héritage des Tigre ==
Après la guerre, les principaux modèles mis en service sont davantage comparables – sur la plan du poids - au Panther qu’au Tigre et à fortiori au Tigre II ([[Centurion (char)|Centurion]] britannique, [[Char M46 Patton|M46]], [[Char M47 Patton |M47]] américains) ou même plus légers pour les chars soviétiques ([[T-54]], [[T-55]]). Ils sont armés d’un canon de calibre égal ou supérieur à celui du Tigre II (90 à 105 mm) mais restent considérés comme des chars moyens. Le char lourd, lui, n'est plus une priorité car, comme le constate la majorité des états-majors, s'il procure un gain d'efficacité de 20 à 30% par rapport au char moyen, il coûte deux fois plus cher. Les différents programmes de chars lourds sont soit abandonnés après une production limitée (IS-3, [[IS-4]] puis [[T-10 (char)|T-10 soviétiques]], [[Char lourd M103|M-103]] américain ou [[Conqueror (char)| Conqueror]] britannique) soit annulés comme l'[[AMX-50]] français <ref>{{Ouvrage |langue=en |prénom1=Steven J. |nom1=Zaloga |titre=Tanks at the Iron Curtain 1946 - 1960 |volume=301 |lieu=Oxford |éditeur=[[Osprey Publishing]] |collection=New Vanguard|année=2021 |pages totales=48 |passage=7, 10, 20, 25, 30-31 |isbn=9781472843319}}.</ref>.

Les différents concepts de char ([[char moyen]], [[char lourd]], [[char de rupture]], [[char d'infanterie]] ou de [[char rapide|cavalerie]] etc.) fusionnent après la guerre sous l'appellation de [[Char de combat|Char de bataille principal]] (''Main Battle Tank'') <ref>{{Ouvrage |langue=en |prénom1=Steven J. |nom1=Zaloga |titre=Tanks at the Iron Curtain 1946 - 1960 |volume=301 |lieu=Oxford |éditeur=[[Osprey Publishing]] |collection=New Vanguard|année=2021 |pages totales=48 |passage=38 |isbn=9781472843319}}.</ref>. Il faudra attendre les années 1970 pour que le poids de ces tanks atteigne à nouveau ou dépasse celui du Tigre II, mais avec des motorisations deux fois plus puissantes<ref group=A>Par exemple, le char M1 Abrams américain et le Léopard 2 allemand sont tous deux dotés de moteurs développant 1.500 ch</ref>.


== Caractéristiques ==
== Caractéristiques ==
=== Armement ===
=== Mobilité ===
[[File:Maybach HL 230 Technikmuseum Sinsheim.jpg|thumb|Moteur Maybach HL 230 au Technikmuseum Sinsheim]]
Il était armé d'un [[canon de 88]] mm de {{unité|71|calibres}} de longueur (KwK 43 L/71, fût de {{unité|6,30|mètres}}), comparé aux {{Unité|88|mm}} {{nobr|56 calibres}} du Tigre I (KwK 36 L/56). La portée effective de ce canon était de dix kilomètres. Il pouvait percer le blindage frontal d'un char [[T-34|T-34/85]], d'un [[Sherman M4|Sherman M4 A1]] ou d'un [[Cromwell (char)|Cromwell]] à {{unité|3,5|km}}, au-delà même de la portée des canons de ces chars. L'optique de visée du canon était elle aussi à la hauteur de ces extraordinaires caractéristiques balistiques. À titre indicatif, le canon du Königstiger perforait entre {{unité|132 et 153 mm}} de [[blindage incliné]] à 30° à {{unité|2000 m}} de distance.
Pour déplacer une telle masse de métal, le plus puissant moteur de char de l'époque lui-même se montre un peu faible : le [[Maybach HL230|Maybach HL 230]] P30 {{nobr|12 cylindres}} de {{unité|700 ch}}, suffisant pour le Panther de {{unité|45 tonnes}}, supporte mal les {{unité|25 tonnes}} supplémentaires. Pour tenter de résoudre ce problème, les ingénieurs lui accouplent une [[boîte de vitesses]] très complexe, avec huit rapports avant et quatre rapports arrière, afin de démultiplier les efforts et de permettre au mastodonte de se déplacer convenablement.


Ils mettent aussi au point un différentiel de chenille permettant au char de tourner sur place, caractéristique encore rare à l'époque, mais très utile pour compenser la relative lenteur de la tourelle et favoriser la présentation du blindage avant en cas de danger repéré à temps. Les ingénieurs mettent au point un système de train de roulement permettant d'éviter, à l'inverse du {{nobr|Tigre I}}, que les chenilles ne s'enrayent avec la boue, la glace et les rochers. À l'usage, ce système s'avère cependant plus délicat à entretenir.
Le Tigre II embarquait plusieurs types de munitions. La ''Panzergranatpatrone'' (PzGrPatr) 39/43 était une [[munition anti-char]] de conception classique pour l’époque, composée d’une charge explosive et d’une pointe dure, l’idée étant que l’obus pénètre le blindage et explose à l’intérieur du blindé ennemi ; il était également possible d’employer la PzGr 39-1, une munition de même type, mais plus ancienne, sous réserve que le canon ait tiré moins de cinq cents coups. La PzGrPatr 40/43 était une munition antichar spéciale, sans charge explosive, mais avec un cœur en [[tungstène]], destinée à percer les blindages les plus épais. Cependant, en raison de la pénurie de tungstène touchant l’Allemagne, ces munitions étaient strictement rationnées et ne devaient être utilisées qu’en cas d’urgence ; pour cette même raison, vers la fin de la guerre, le tungstène a parfois été remplacé par de l’acier ou même du fer, les différents types furent alors distingués par le suffixe HK (''Hartkernor'') pour le tungstène, S (''Stahlkern'') pour l’acier et W (''Weicheisen'') pour le fer. La Gr Patr 39/43 HI était un obus antichar à [[charge creuse]]. Enfin la ''Sprenggranatpatrone'' 43 était un [[obus explosif]] classique destiné à être utilisé contre les véhicules légers, l’infanterie et les bâtiments ; la [[Fusée (artillerie)|fusée]] pouvait être réglée pour exploser à retardement ou à l’impact, mais dans ce dernier cas l’équipage devait être vigilant quant à la présence d’obstacles légers sur la trajectoire, surtout à proximité de la bouche, la fusée étant suffisamment sensible pour être déclenchée par des branches d’arbre{{sfn|Higgins|2011|p=23}}.


Pour en terminer avec le train de roulement, comme pour le {{nobr|Tigre I}}, deux jeux de chenilles sont prévus : une paire de {{unité|660 mm}} pour le transport sur rail<ref group=A>Le changement de chenilles avant et après le transport était pénalisant. L'armée allemande s'en dispensait lors des transports ferroviaires lorsqu'il n'y avait pas de risque de croisement d'autres convois, notamment sur le Front de l'Est - Source : Wilbeck - 2004 (''Sledgehammers'') p 139 </ref>, et une paire de {{unité|800 mm}} pour le combat. Ces chenilles larges procurent au char une bonne tenue en terrain instable, comme la boue, malgré son poids énorme, en générant une pression au sol assez faible. Mais le char est trop lourd pour la majorité des ponts de l'époque, ce qui réduit de beaucoup sa mobilité tactique.
Le nombre maximum d’obus pouvant être embarqués à bord était de quatre-vingts avec la première version de la tourelle et quatre-vingt-six avec la seconde version, le manuel recommandant de répartir le stock équitablement entre {{nobr|Sprgr. 43}} et {{nobr|PzGrPatr. 39/43}} et obus antichar. La {{nobr|Gr Patr 39/43 HI}} et la {{nobr|PzGrPatr 40/43}} ayant été produites en très faibles quantités, moins de dix mille exemplaires chacune, les Tigre II n’en emportaient pas systématiquement, et seulement en petit nombre lorsque c’était le cas{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=23}}.

Enfin, avec un ratio de seulement {{unité|10|chevaux}} à la tonne, le char souffre d'un cruel manque de mobilité, et d'une consommation énorme. Sa vitesse plafonne à {{unité|38 km/h}} sur route, et moins de {{unité|20 km/h}} en tout terrain, et sa consommation de {{unité|500 L}} aux {{unité|100 km}} ne lui procure qu'une faible autonomie de {{unité|170 km}} sur route d'autant plus handicapante que le [[Troisième Reich|Reich]] manque de carburant. De plus, les efforts sur la transmission dus au poids du mastodonte, ainsi que la fragilité de la trop complexe boîte de vitesses, provoquent de nombreuses pannes. Ils nécessitent une maintenance constante pour fonctionner convenablement.


=== Blindage ===
=== Blindage ===
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1975-102-14A, Panzer VI (Tiger II, Königstiger).jpg|vignette|Un rassemblement de Tiger II tourelle « de production » (voir la vidéo correspondante dans la section Liens externes).]]
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1975-102-14A, Panzer VI (Tiger II, Königstiger).jpg|vignette|Un rassemblement de Tiger II tourelle « de production » (voir la vidéo correspondante dans la section Liens externes).]]


La protection du Tigre II reposait sur un [[blindage homogène laminé]] de grande épaisseur. Celle-ci représentait un défi technique, dans le sens où plus l’épaisseur d’une plaque d’acier est importante, plus il est difficile d’assurer l’homogénéité de la structure interne du métal, or cette homogénéité influe considérablement sur la résistance du blindage et sa capacité à ne pas se fracturer lors de l’impact de projectiles. À cette fin, les Allemands ajoutèrent du [[chrome]] et du [[molybdène]], mais le bombardement systématique des usines par les alliés ne permettait pas toujours de réaliser le long processus de forgeage du métal dans de bonnes conditions et certaines plaques étaient de moins bonne qualité. Ces plaques avaient en particulier tendance à se fragmenter lors de l’impact d’un projectile, c’est-à-dire que, même en l’absence de pénétration, des fragments de métal se détachaient de la paroi intérieure et étaient projetés à haute vitesse à travers l’habitacle, blessant ou tuant l’équipage{{sfn|Higgins|2011|p=23}}. Par ailleurs, vers la fin de la guerre, les Allemands, confrontés à la pénurie de certains métaux, durent remplacer le molybdène par du [[vanadium]]{{sfn|Higgins|2011|p=24}}.
La protection du Tigre II repose sur un [[blindage homogène laminé]] incliné de grande épaisseur. Celle-ci représente un défi technique, dans le sens où plus l’épaisseur d’une plaque d’acier est importante, plus il est difficile d’assurer l’homogénéité de la structure interne du métal. Or cette homogénéité influe considérablement sur la résistance du blindage et sa capacité à ne pas se fracturer lors de l’impact de projectiles. À cette fin, les Allemands ajoutent du [[chrome]] et du [[molybdène]], mais le bombardement systématique des usines par les alliés ne permet pas toujours de réaliser le long processus de forgeage du métal dans de bonnes conditions et certaines plaques sont de moins bonne qualité. Ces plaques ont en particulier tendance à se fragmenter lors de l’impact d’un projectile, c’est-à-dire que, même en l’absence de pénétration, des fragments de métal se détachent de la paroi intérieure et sont projetés à haute vitesse à travers l’habitacle, blessant ou tuant l’équipage{{sfn|Higgins|2011|p=23}}. Par ailleurs, vers la fin de la guerre, les Allemands, confrontés à la pénurie de certains métaux, doivent remplacer le molybdène par du [[vanadium]]{{sfn|Higgins|2011|p=24}}.


'''Tigre II tourelle « première version » :'''
'''Tigre II tourelle « première version » :'''
Ligne 93 : Ligne 133 :
* {{unité|80|mm}} sur les latéraux
* {{unité|80|mm}} sur les latéraux


Seules quelques armes de l'époque pouvaient percer ce type de blindage, et seulement à très courte portée. Les canons 76,2 mm [[Ordnance QF 17 pounder]] des [[Sherman Firefly]], [[M10 Wolverine#17pdr SP Achilles|Achilles]] et [[Comet (char)|Comet]], 90mm M3 L/52 du [[M26 Pershing]], [[Canon de 85 mm M1939|85 mm M1939]] du [[T-34]]/85, [[D-10 (canon)|100 mm D-10S L/54]] du [[SU-100]] et 122 mm A-19 du [[Josef Stalin (char)|IS-2]], pouvaient être de dangereux adversaires, surtout s'ils réussissaient à le contourner par les flancs ou l'arrière.
Seules quelques armes de l'époque peuvent percer ce type de blindage, et seulement à très courte portée. Les canons 76,2 mm [[Ordnance QF 17 pounder]] des [[Sherman Firefly]], [[M10 Wolverine#17pdr SP Achilles|Achilles]] et [[Comet (char)|Comet]], 90mm M3 L/52 du [[M26 Pershing]], [[Canon de 85 mm M1939|85 mm M1939]] du [[T-34]]/85, [[D-10 (canon)|100 mm D-10S L/54]] du [[SU-100]] et 122 mm A-19 du [[Josef Stalin (char)|IS-2]], peuvent être de dangereux adversaires, surtout lors d'attaques par les flancs ou sur l'arrière.


Un témoignage d'un chef de char de la {{2e}} DB US, en 1945, ne laisse pas de zone d'ombre sur la considération des alliés pour ce char : {{citation bloc|Un jour un Tigre Royal me repéra à {{unité|150|mètres}} et mit mon char hors de combat. Cinq de nos tanks ont ouvert le feu sur lui, de {{unité|200|à=600|yards}} ({{unité|180|à=540|mètres}}). Six obus touchèrent le Tigre de face et firent ricochet sur sa cuirasse. L'engin recula et disparut dans la forêt. Si nous avions eu des chars comme ceux-là, nous serions tous rentrés chez nous aujourd'hui.}}
Un témoignage d'un chef de char de la {{2e}} DB US, en 1945, ne laisse pas de zone d'ombre sur la considération des alliés pour ce char : {{citation bloc|Un jour un Tigre Royal me repéra à {{unité|150|mètres}} et mit mon char hors de combat. Cinq de nos tanks ouvrirent le feu sur lui, de {{unité|200|à=600|yards}} ({{unité|180|à=540|mètres}}). Six obus touchèrent le Tigre de face et ricochèrent sur sa cuirasse. L'engin recula et disparut dans la forêt. Si nous avions eu des chars comme ceux-là, nous serions tous rentrés chez nous aujourd'hui.}}


=== Armement et équipement ===
== Utilisation opérationnelle ==
==== Armement principal ====
Ce char ne fut pas non plus endivisionné, à l'instar de son prédécesseur, et remplaça le [[Panzerkampfwagen VI Tiger|Tigre I]] dans les {{lang|de|''schwere Panzer Abteilungen''}}, ou [[Schwere Panzer-Abteilung|bataillons de chars lourds]]. {{unité|150|d'entre eux}} furent confiés à des unités de [[Waffen-SS]], tous les autres furent affectés à la [[Wehrmacht]]. Ils arrivèrent sur le front en [[Février 1944 (guerre mondiale)|{{date-|février 1944}}]].
[[File:Tiger II mg 7800.jpg|thumb|Le Tigre II est armé d'un canon de 88mm]]
Le Tigre II est armé d'un [[canon de 88]] mm de {{unité|71|calibres}} de longueur (KwK 43 L/71, fût de {{unité|6,30|mètres}}), comparé aux {{Unité|88|mm}} {{nobr|56 calibres}} du Tigre I (KwK 36 L/56). La portée effective de ce canon est de dix kilomètres. Il peut percer le blindage frontal d'un char [[T-34|T-34/85]], d'un [[Sherman M4|Sherman M4 A1]] ou d'un [[Cromwell (char)|Cromwell]] à {{unité|3,5|km}}, au-delà même de la portée des canons de ces chars. L'optique de visée du canon est elle aussi à la hauteur de ces extraordinaires caractéristiques balistiques. À titre indicatif, le canon du ''Königstiger'' perfore entre {{unité|132 et 153 mm}} de [[blindage incliné]] à 30° à {{unité|2000 m}} de distance.


Le [[viseur]] monoculaire Turmzielfernrohr 9d permet un grossissement de 3× ou de 6×. Les gravures en triangles permettent au tireur d’évaluer la distance de la cible et sa vitesse de mouvement avec l’aide d’[[Abaque (calcul)|abaques]] également gravées sur le verre. L’acquisition des cibles se fait en deux temps. Le canon est d’abord pointé dans la direction générale de la cible en utilisant le moteur hydraulique de la tourelle ; celui-ci nécessite que le moteur du char fonctionne et du régime de ce dernier dépend la vitesse de rotation, un rotation complète prenant dix-neuf secondes à {{unité|2000 t/m}} et moins de dix secondes à {{unité|3000 t/m}}. Le tireur ajuste ensuite précisément la cible manuellement à l’aide de volants{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=24}}.
Ses premiers engagements eurent lieu autour de [[Minsk]] en mai de la même année. Leur action fut cependant restreinte, surtout sur le front Ouest, à cause des restrictions en carburant, des problèmes techniques, pannes, et surtout à cause de la redoutable aviation d'attaque au sol (''{{lang|de|jabo}}'', de l'allemand « ''{{lang|de|Jagdbomber}}'' », [[chasseur-bombardier]]) des alliés.


[[File:88x822-mm-R Granatpatrone Munster.jpg|thumb|Munitions ''Granatpatrone'' 88x822-mm]]
[[File:Bundesarchiv Bild 101I-721-0397-34, Frankreich, Panzer VI (Tiger II, Königstiger) crop.jpg|thumb|left|upright=1.2|Königstigers en France, Juin 1944]]
Le nombre maximum d’obus pouvant être embarqués à bord est de quatre-vingts avec la première version de la tourelle et quatre-vingt-six avec la seconde version, le manuel recommandant de répartir le stock équitablement entre obus explosifs et obus antichars. Ces derniers peuvent être de plusieurs types. Le plus courant est le Pzgr.39/43, un [[Munition anti-char|obus perforant]] doté d’une charge explosive et conçu pour pénétrer le blindage de la cible grâce à l’énergie cinétique avant d’exploser à l’intérieur. Le second type est le Gr.39/43 HL, un obus à [[charge creuse]] moins performant contre les véhicules blindés que le Pzgr.39/43, mais plus polyvalent du fait de la quantité d’explosif plus importante ; de ce fait il remplace parfois une partie des obus explosifs dans la dotation. Enfin, le Pzgr. 40/43 est un boulet sous-calibré dont le projectile est un perforateur en tungstène ; très performant, il est également rare en raison de la faible disponibilité de ce métal et n’est donc embarqué qu’en faible quantités et réservé à l’attaque des chars lourds{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=23-24}}.
Une des premières utilisations au combat du Tiger II fut par la 1re Compagnie du 503ème « s.H.Pz.Abt » lors de l'[[Opération Overlord|Bataille de Normandie]], s'opposant à [[Opération Atlantic]] entre [[Troarn]] et [[Demouville]] le 18 juillet 1944. Deux furent perdus au combat, tandis que le char du commandant de compagnie resta irrémédiablement piégé après être tombé dans un cratère de bombe créé lors de l'[[Opération Goodwood]]<ref name="Schneider133">Schneider 2000, p. 133.</ref>. Lors de la [[bataille de Normandie]], certains Königstiger furent même engagés par des croiseurs.


Les performances brutes mesurées sur champ de tir sur des plaques d’acier inclinées à 30° montrent que l’obus Pzgr 39 peut les perforer sur une épaisseur de {{unité|165 mm}} à une distance de {{unité|1000 m}} et encore de {{unité|132 mm}} à {{unité|2000 mm}}. Avec le Pzgr 40, ces valeurs sont portées à respectivement {{unité|193 et 530 mm}}. De par sa nature même, le Gr 39 HL peut perforer {{unité|90 mm}} de blindage, quelle que soit la distance{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=23}}. Par comparaison, le blindage frontal de la caisse du M4 Sherman n’est que de {{unité|51 mm}} et celle de l’IS-2, un des plus redoutables adversaires du Tigre II, est de {{unité|120 mm}}<ref>{{Ouvrage |langue=en |nom1=Hunnicutt|prénom1=Richard Pierce|titre=Sherman|sous-titre=A History of the American Medium Tank |éditeur=Presidio Press |année=1976|passage=538|isbn=0891410805}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage |langue=en |nom1=Zaloga |prénom1=Steven J. |titre=IS-2 Heavy Tank |sous-titre=1944-73 |lieu=Oxford|éditeur=Osprey Publishing |collection=New Vanguard |volume=7 |année=1994 |pages totales=48 |passage=12 |isbn=1-85532-396-6 }}.</ref>. D’après le manuel du Tigre, en situation de combat il est possible de toucher avec le {{nobr|Pzgr 39}} une cible de {{unité|2 m}} de côté avec une précision proche de 100 % jusqu’à {{unité|1000 m}}. Celle-ci est toutefois divisée par deux à {{unité|2000 m}} et atteint 23 % à {{unité|3000 m}}, une performance respectable pour l’époque. Du fait de sa vélocité supérieure, le Pzgr 40 bénéficie d’une précision légèrement supérieure{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=23}}.
Sur le [[Front de l'Est (Seconde Guerre mondiale)|Front de l'Est]], il fut utilisé pour la première fois le 12 août 1944 par le 501éme ''s.H.Pz.Abt'' résistant aux [[Offensive Lvov-Sandomierz]]. Il a attaqué la tête de pont soviétique sur la [[Vistule]] près de [[Baranów Sandomierski]]. Sur la route vers [[Oględów]], trois Tiger II furent détruits dans une embuscade par quelques [[T-34|T-34-85]]<ref>Zaloga 1994, p. 14.</ref>. Parce que ces chars allemands ont subi des explosions de munitions, qui ont causé de nombreux décès d'équipage, les obus du canon principal n'étaient plus autorisés à être rangés dans la tourelle, réduisant la capacité à 68<ref>Schneider 2000, p. 46.</ref>. Jusqu'à quatorze Tiger II du 501st ont été détruits ou capturés dans la zone entre le 11 et le 14 août lors d'embuscades et d'attaques de flanc par les chars soviétiques T-34-85 et [[IS-2]], et [[ISU-122]] canons d'assaut sur un terrain sablonneux peu pratique. La capture de trois Tiger II opérationnels a permis aux Soviétiques d'effectuer des tests à [[Kubinka]] et d'évaluer ses forces et ses faiblesses<ref>Sledgehammers : Forces et défauts des bataillons de chars Tigre pendant la Seconde Guerre mondiale. Christopher W. Wilbeck. Aberjona, 2004. p. 135</ref>.


Krupp proposa en novembre 1944 de réarmer le Tigre II avec le canon de 10.5 cm KwK 46 L/68, stabilisé, associé à un télémètre Zeiss. Cette proposition sera refusée le 20 janvier 1945 car cela aurait nécessité de trop nombreuses modifications de la tourelle et aurait compliqué la logistique, de plus la cadence de tir aurait été diminuée ainsi que l'emport en munitions, en raison de la taille et du poids des projectiles de 105 mm<ref>http://www.wardrawings.be/WW2/Files/Site.htm</ref>.
Le 15 octobre 1944, les Tiger II du 503rd Heavy Panzer Battalion jouèrent un rôle crucial lors de l'[[Opération Panzerfaust]], en soutenant les troupes d'[[Otto Skorzeny]] dans la prise de la capitale hongroise, [[Budapest]], ce qui garantissait que le pays reste avec l'[[Axe Rome-Berlin-Tokyo|Axe]] jusqu'à la fin de la guerre. Le 503éme participa ensuite à la [[Bataille de Debrecen]], restant sur le théâtre d'opérations hongrois pendant 166 jours, période pendant laquelle il détruisit au moins 121 chars soviétiques, 244 canons antichar et pièces d'artillerie, cinq avions et un train. Comparé à la perte de 25 Tiger II; dix ont été détruits par les troupes soviétiques et incendiés, deux ont été renvoyés à Vienne pour une révision de l'usine, tandis que treize ont été détruits par leurs équipages pour diverses raisons, généralement pour les empêcher de tomber entre les mains de l'ennemi.
[[Fichier:Tiger-II-La_Gleize.jpg|vignette|Le « Tigre II » de [[La Gleize]] en [[Belgique]], qui participa à l'[[Bataille des Ardennes|offensive des Ardennes]] pour la [[Joachim Peiper|colonne Peiper]]. La colonne fut stoppée et le char d'assaut définitivement abandonné sur place à La Gleize le {{nobr|[[24 décembre|24]] [[Décembre 1944 (guerre mondiale)|décembre 1944]]}}.]]
Le Tigre II fut également utilisé en nombre important, réparti en quatre bataillons de panzers lourds, lors de l'[[Offensive des Ardennes]] de décembre 1944<ref>Schneider 2005, pp. 214. –216.</ref>. Au moins 150 Tiger II étaient présents, soit près d'un tiers de la production totale ; la plupart ont été perdus au cours de l'offensive<ref>Green, Michael. "Les chars allemands de la Seconde Guerre mondiale". 14 mai 2000, p. 73.</ref>.

Certains Tigre II étaient également présents lors de l'[[Offensive Vistule-Oder|Vistule-Oder]]<ref>Schneider 2000, p. 47.</ref> et les [[Offensive de Prusse-Orientale]]s en janvier 1945<ref>Schneider 2000, pp. 89-91.</ref>, ainsi que l'[[Offensive du lac Balaton]] allemande en Hongrie en Mars 1945<ref>Schneider 2005, p. 217.</ref>, la [[Bataille de Seelow]] en avril 1945 et la [[Bataille de Berlin]] à la fin de la guerre<ref>Schneider 2005, pp. 300-303.</ref>.

Le 503éme ''s.SS Pz.Abt'' revendique environ 500 victimes entre janvier et avril 1945 sur le front de l'Est pour la perte de 45 Tiger II (la plupart des qui ont été abandonnés et détruits par leurs propres équipages suite à des pannes mécaniques ou par manque de carburant)<ref>Schneider 2005, pp. 304, 324.</ref>.

Le dernier char de la guerre à être détruit fut aussi un Tigre Royal, saboté par son équipage à la suite d'un problème mécanique, le {{nobr|[[10 mai|10]] [[Mai 1945 (guerre mondiale)|mai 1945]]}}, en [[Autriche]].


== Variantes ==
La principale variante du Tigre B est sa version de commandement, dont le nom officiel est ''Panzerbefehlswagen Tiger Ausführung B''. Cette version est pratiquement identique au Tigre B standard, dont elle se distingue essentiellement par la présence de davantage d’équipement radio, au prix toutefois de l’emport en munitions, réduit à soixante trois obus. La version de commandement est elle-même subdivisée en deux sous-versions : le Sd.Kfz. 267 embarque un émetteur-récepteur FuG 8 en plus du FuG 5 standard ; le Sd.Kfz 268 embarque lui un émetteur-récepteur FuG 7. Les deux versions sont identifiables à leurs antennes : les deux comportent une antenne sur le toit de tourelle et une sur le panneau arrière, cette dernière étant en étoile pour le Sd.Kfz. 267 et droite pour le Sd.Kfz 268{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=16}}.


== Exemplaires survivants ==
== Exemplaires survivants ==
Le dernier de ces chars à être maintenu en état de marche est exposé au [[musée des blindés de Saumur]]. Certaines années, il est possible de le voir en démonstration, dans un tableau historique mis en scène et interprété par les Cadets de l'[[École de cavalerie de Saumur|École de Cavalerie de Saumur]], lors du Triomphe de l'école qui a lieu annuellement au début de l'été. Une présentation dynamique de ce blindé a été faite les 30 et {{date-|31 mai 2009}} devant ce musée. On peut aussi le voir rouler certaines années au ''Militracks.''
Le dernier de ces chars à être maintenu en état de marche est exposé au [[musée des blindés de Saumur]]. Certaines années, il est possible de le voir en démonstration, dans un tableau historique mis en scène et interprété par les Cadets de l'[[École de cavalerie de Saumur|École de Cavalerie de Saumur]], lors du Triomphe de l'école qui a lieu annuellement au début de l'été. Une présentation dynamique de ce blindé a été faite les 30 et {{date-|31 mai 2009}} devant ce musée. On peut aussi le voir rouler certaines années au ''Militracks.''


Aujourd'hui, on peut voir ce char :
Aujourd'hui, on peut également voir ce char :
* au [[musée des blindés de Saumur]], France ;
* au {{Lien|langue=en|trad=General George Patton Museum of Leadership|fr=musée Général-George-Patton}} de [[Fort Knox]], dont les blindés auraient été déplacés à [[Fort Benning]] en [[Géorgie (États-Unis)|Géorgie]] pour suivre l’{{Lien|langue=en|trad=United States Army Armor School|fr=École de l'arme blindée américaine}}, États-Unis ;
* au {{Lien|langue=en|trad=General George Patton Museum of Leadership|fr=musée Général-George-Patton}} de [[Fort Knox]], dont les blindés auraient été déplacés à [[Fort Benning]] en [[Géorgie (États-Unis)|Géorgie]] pour suivre l’{{Lien|langue=en|trad=United States Army Armor School|fr=École de l'arme blindée américaine}}, États-Unis ;
* au [[musée des blindés de Bovington]], Royaume-Uni ;
* au [[musée des blindés de Bovington]], Royaume-Uni ;
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File:King Tiger Tank La Gleize.jpg|King Tiger au musée « Décembre 44 » de La Gleize
File:King Tiger Tank La Gleize.jpg|King Tiger au musée « Décembre 44 » de La Gleize
</gallery>
</gallery>

== Production ==
{| class="wikitable center" style="text-align:center;"
|- style="vertical-align:center; text-align:center; border:1px solid #996; background-color:#996; font-weight:bold; color:#fff"
| colspan="19" | Production des Panzerkampfwagen VI Tiger II<ref>Thomas L. Jentz: ''Die deutsche Panzertruppe 1943–1945.'' S. 276, Unterschiede zu anderen Quellen möglich.</ref>
|- style="vertical-align:center; text-align:center; background-color:#ddb;"
! style="width:10%; text-align:left;" | Date
! style="width:7,5%;" | [[Novembre 1943 (guerre mondiale)|Nov. 43]]
! style="width:7,5%;" | [[Décembre 1943 (guerre mondiale)|Déc. 43]]
! style="width:7,5%;" | [[Janvier 1944 (guerre mondiale)|Jan. 44]]
! style="width:7,5%;" | [[Février 1944 (guerre mondiale)|Fév. 44]]
! style="width:7,5%;" | [[Mars 1944 (guerre mondiale)|Mars 44]]
! style="width:7,5%;" | [[Avril 1944 (guerre mondiale)|Avr. 44]]
! style="width:7,5%;" | [[Mai 1944 (guerre mondiale)|Mai 44]]
! style="width:7,5%;" | [[Juin 1944 (guerre mondiale)|Juin 44]]
! style="width:7,5%;" | [[Juillet 1944 (guerre mondiale)|Juil. 44]]
! style="width:7,5%;" | [[Août 1944 (guerre mondiale)|Août 44]]
! style="width:7,5%;" | [[Septembre 1944 (guerre mondiale)|Sep. 44]]
! style="width:7,5%;" | [[Octobre 1944 (guerre mondiale)|Oct. 44]]
! style="width:7,5%;" | [[Novembre 1944 (guerre mondiale)|Nov. 44]]
! style="width:7,5%;" | [[Décembre 1944 (guerre mondiale)|Déc. 44]]
! style="width:7,5%;" | [[Janvier 1945 (guerre mondiale)|Jan. 45]]
! style="width:7,5%;" | [[février 1945 (guerre mondiale)|Fév. 45]]
! style="width:7,5%;" | [[Mars 1945 (guerre mondiale)|Mars 45]]
! style="width:7,5%;" | Total
|-
| style="text-align:left;" | Nombre
| 1
| 0
| 5
| 5
| 6
| 6
| 15
| 32
| 45
| 94
| 63
| 26
| 26
| 56
| 40
| 42
| 30
| 492
|}

== Dans la culture populaire ==
=== Jeux vidéo ===
* Le Tigre Royal apparaît dans ''[[Medal of Honor : Débarquement allié]]'' où tout un segment de la campagne consiste à trouver le char, le voler, et s'en servir pour sécuriser un pont.
* Dans ''[[Day of Defeat]]'', il est l'objectif à détruire lors d'une mission.
* Dans ''[[Company of Heroes]] et [[Company of Heroes 2]]'' le joueur peut déployer un Tigre Royale.
* Dans ''[[War Thunder]]'', le char est disponible sous quatre versions (Première version (tourelle Porsche), tourelle de production (Henschel), un prototype équipé du moteur diesel Sla.16, plus puissant de {{unité|750|ch}}, les flancs de la tourelle protégés par des plaques de chenilles supplémentaires, et un projet papier, l'équipant du canon de {{unité|10.5|cm}} KwK L/68 sous une tourelle Henschel modifiée pour y accueillir un télémètre et équipé d'un moteur de 900 ch. Ce dernier n'est plus disponible en jeu depuis son retrait lors de la mise à jour 1.91 Night Vision, sauf pour les joueurs qui l'ont obtenu ou commencé à le rechercher avant cette mise à jour).
* Dans ''[[Blitzkrieg (jeu vidéo)|Blitzkrieg]]'' et ''Blitzkrieg II''.
* Dans ''[[Heroes and Generals]]''.
* Dans ''{{lien|Combat Mission: Battle for Normandy}}'', un Tigre II doit être récupéré par son équipage au début de la campagne « ''Kampfgruppe Engel'' ». Il devra appuyer le repli du camp allemand tout en échappant aux nombreux chars alliés et réussir à évacuer sans trop de dommages pour être engagé dans la bataille suivante.
* Dans ''[[World of Tanks]],'' où le joueur peut contrôler le « King Tiger (Captured) » un premium de rang 7 doté d'un canon KwK 43/L71 de {{unité|8.8|cm}} et le « Tiger II » un char lourd standard de rang 8.
* Dans ''{{lien|Men of War: Assault Squad 2}}''
* Dans ''[[Steel Division: Normandy 44]]'' et ''[[Steel Division II]]'', où l'on peut contrôler à peu près tous les chars du front de l'Est de la Seconde Guerre mondiale (dont le Tigre II).
* Dans ''[[Post Scriptum: The Bloody Seventh]]''.
* Dans ''[[Road to Valor WWII]]'', où le joueur peut déployer un Tigre II « Tigre féroce » en tant que compétence active dans la faction Ostheer, avec la tactique des blindés.
* Dans ''[[R.U.S.E.]]'', où le joueur peut ordonner la production de Tigre II.
*Dans [[Enlisted (jeu vidéo)]], le Tiger II est disponible dans la [[bataille de Berlin]].


== Notes et références ==
== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|groupe=A}}
=== Références ===
{{Références}}
{{Références}}


== Voir aussi ==
== Annexes ==
=== Chiffres de production ===
{| class="wikitable mw-collapsible"
|+Tableau récapitulatif des livraisons par année et type{{sfn|Jentz|Doyle|1993|p=17}}
| scope="row" |
! scope="col" |1943
! scope="col" |1944
!1945
!Total
|-
!Modèle standard
|0
|345
|97
|442
|-
!Modèle de commandement
|0
|17
|3
|20
|-
!Véhicules reconstruits
|0
|4
|9
|13
|-
!Total livrés
|0
|366
|109
|475
|-
!Cible de production
|3
|516
|140
|1175
|}

=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage|langue=en|nom=Higgins |prénom=David |titre=Kingtiger vs IS-2 |sous-titre=Operation Solstice 1945 |lieu=Oxford|éditeur=Osprey Publishing|collection=Duel |année=2011|tome=37|isbn=9781849084048}}
* {{Ouvrage|langue=en|nom=Higgins |prénom=David |titre=Kingtiger vs IS-2 |sous-titre=Operation Solstice 1945 |lieu=Oxford|éditeur=Osprey Publishing|collection=Duel |année=2011|tome=37|isbn=9781849084048}}
Ligne 216 : Ligne 231 :
* {{Ouvrage|langue=en|nom=Schneider |prénom=Wolfgang|titre=Tigers in Combat I |lieu=Mechanicsburg|éditeur=Stackpole Books|année=2004 |isbn=0811731715}}
* {{Ouvrage|langue=en|nom=Schneider |prénom=Wolfgang|titre=Tigers in Combat I |lieu=Mechanicsburg|éditeur=Stackpole Books|année=2004 |isbn=0811731715}}
* {{Ouvrage|langue=en|nom=Schneider |prénom=Wolfgang|titre=Tigers in Combat II |lieu=Mechanicsburg|éditeur=Stackpole Books|année=2005 |isbn=0811732037}}
* {{Ouvrage|langue=en|nom=Schneider |prénom=Wolfgang|titre=Tigers in Combat II |lieu=Mechanicsburg|éditeur=Stackpole Books|année=2005 |isbn=0811732037}}
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Christopher Wilbeck |titre=Sledgehammers |sous-titre=Strengths and Flaws of Tiger Tank Battalions in World War II |lieu=Bedford |éditeur=Aberjona Press |année=2004 |pages totales=262 |isbn=9780971765023}}.


=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===

Dernière version du 27 avril 2024 à 13:31

Sd.Kfz. 182 Panzerkampfwagen Vl Tiger II Ausf. B (H)
Image illustrative de l’article Panzerkampfwagen VI Tiger II
Tigre II conservé au Musée des blindés de Saumur en France. C'est l'unique exemplaire au monde encore en état de marche avec son moteur d'origine.
Caractéristiques de service
Type Char lourd
Service Janvier 1944 - Mai 1945
Utilisateurs Drapeau de l'Allemagne nazie Reich allemand

Drapeau de la France France (régime de Vichy)

Conflits Seconde Guerre mondiale
Production
Concepteur Caisse : Henschel
Tourelle : Krupp
Année de conception Août 1942 - octobre 1943
Constructeur Henschel et Wegmann
Production Novembre 1943 à mars 1945
Unités produites 492 exemplaires
Variantes Jagdtiger (chasseur de chars)
Caractéristiques générales
Équipage 5 (conducteur, radio-mitrailleur, tireur, chargeur et chef de char)
Longueur 7,62 m (caisse)
10,28 m (avec le canon pointé à 12 h)
Largeur 3,75 m avec les chenilles de combat
Hauteur 3,09 m
Masse au combat 68,5 t (tourelle première version)
69,7 t (tourelle de production)
Armement
Armement principal Un canon de 88 mm KwK 43 L/71[A 1]. (80 à 86 obus)
Armement secondaire Trois mitrailleuses MG 34 de 7,92 mm, 5 850 cartouches et un mortier NbK 39 de 90 mm.
Mobilité
Moteur Maybach HL230 P30
Puissance 700 ch (514 kW) à 3 000 tr/min
Transmission Boîte de vitesses à présélection Maybach Olvar Type EG 40 12 16 B à 12 rapports (8 AV et 4 AR) avec une direction assistée hydrauliquement Henschel L 801 à double différentiel
Suspension Double barres de torsion
Vitesse sur route 38 km/h, 11 km/h en marche-arrière
Vitesse tout terrain 17 km/h
Puissance massique 10 ch/tonne
Réservoir 860 
Autonomie 170 km
Autonomie tout terrain 120 km

Le Panzerkampfwagen VI ou Sd.Kfz. 182 Panzer VI Ausf. B Tiger II, surnommé de façon officieuse Königstiger (« tigre royal », nom allemand du tigre du Bengale), est un char d'assaut allemand de la Seconde Guerre mondiale. Il est produit à 492 exemplaires entre novembre 1943 et mars 1945.

Malgré son appellation, ce n'est pas une version du Tigre mais un char entièrement nouveau qui remplace ce dernier à partir de février 1944 au sein des bataillons de chars lourds de l'armée de terre (Heer) et de la Waffen SS. Mieux armé et mieux protégé que son prédécesseur, il amplifie cependant ses défauts (poids, complexité, manque de puissance, fiabilité). En effet, s'il est équipé d'un canon de 88 mm plus puissant et doté d'un blindage incliné très épais qui lui assure une protection supérieure, il est encore plus lourd que lui (70 tonnes contre 57), tout en étant équipé du même moteur[A 2]. Son rapport poids-puissance est donc moindre : il est lent et peu mobile et il ne peut franchir tous les ponts. De plus, il est extrêmement gourmand en carburant (500 l/100 km sur route et 700 l/100 km en tout terrain).

Le Tigre royal peut affronter les blindés alliés les plus puissants, et notamment le IS-2 de l'Armée rouge (URSS) mais il n'est produit qu'en faibles quantités. Enfin, son manque de mobilité et de fiabilité réduisent fortement son impact opérationnel, notamment parce que, du fait de son poids, la plupart des pannes ou immobilisations en territoire ennemi ou lors d'une retraite obligent les équipages à détruire leur char même quand il est réparable.

Son châssis a servi de base pour le Jagdtiger, un chasseur de char doté d'un redoutable canon de 128 mm.

Aujourd'hui une demi-douzaine de Tigre II restent visibles - généralement dans des musées. Un seul d'entre eux est en état de marche.

Dénomination[modifier | modifier le code]

Le modèle aboutissant à la production en série est appelé en interne chez Henschel d’abord VK 45.03 en puis Tiger III entre et avant de devenir Tiger II en . En parallèle, le Wa Prüf 6 nomme le même modèle Tiger III (VK 45.03) en , Henschel Tiger B en , Tiger II en mars puis à partir du Panzerkampfwagen Tiger Ausführung B, parfois abrégé simplement en Tiger B. La désignation complète, utilisée notamment dans les manuels ainsi que dans les documents organisationnels et de maintenance, est toutefois Panzerkampfwagen Tiger (8,8 cm K.w.K L/71) (Sd.Kfz. 182). Le surnom Königstiger n’apparaît qu’en dans un rapport du Ministère de l'Armement et des Munitions du Reich et n’a jamais eu ni de valeur officielle ni un usage important au sein des Panzertruppen[1],[2].

Les dénominations attachées au modèle de série produit par Henschel ne doivent pas être confondues avec celles des modèles conçus par Porsche. En effet, alors que l’entreprise utilise en interne la dénomination Typ 180, qui ne prête pas à confusion, le Wa Prüf 6 désigne ce même modèle sous les noms de VK 45.01 (P2) et VK 45.02 (P) en 1942 ou encore Panzerkampfwagen Tiger P2 en 1943[3]. (VK signifiant Versuchs Kampffahrzeug, ou « véhicule de combat d’essai »).

Historique[modifier | modifier le code]

Contexte[modifier | modifier le code]

Bien que l’idée de produire un char lourd se soit fait jour chez les Allemands dès 1934, ce n’est qu’en 1937 que le développement débute sérieusement. Un contrat est d’abord attribué à l’entreprise Henschel & Sohn pour un char de trente tonnes et aboutit à plusieurs châssis expérimentaux : les Durchbruchswagen en 1937-1938 et le VK 30.01 (H) en 1938-1939. À partir de 1939, Henschel se trouve en outre en concurrence avec Porsche, qui produit son propre châssis expérimental, le VK 30.01 (P). Dans les deux cas, les tourelles et l’armement sont conçus par Krupp, qui parvient à faire en sorte de conserver le monopole face à son concurrent Rheinmetall. Faute de direction claire, le programme manque rapidement d'unité et il existe ainsi au printemps 1941 trois modèles différents : le VK 30.01 (H) armé du 75 mm KwK L/24, le Type 100 armé du 88 mm KwK L/56 et le VK 36.01 armé du Waffe 0725, un canon expérimental de 75 mm[4],[5].

Lors d’une réunion le , Hitler fixe de nouveaux objectifs ambitieux tant en termes de calendrier que de performances, Porsche et Henschel devant ainsi livrer avant le début de l’été 1942 six prototypes d’un char de quarante-cinq tonnes. Les deux entreprises rencontrent alors des difficultés sur l’armement : les performances attendues par Hitler imposeraient l’utilisation du canon Flak 41 de Rheinmetall, mais celui-ci ne s’adapte pas à la tourelle déjà conçue pour le 88 mm KwK 36 L/56[A 3] et il n’est pas possible de reprendre entièrement la conception de la tourelle dans les délais imposés.

Finalement, le char produit en grande série à partir de l’été 1942, le Tigre, est le modèle VK 45.01 de Henschel avec la tourelle et le canon de 88 mm KwK 36 L/56 conçus par Krupp[6],[7].

Développement[modifier | modifier le code]

Ce premier Tigre n’est toutefois qu’un expédient pour les Allemands : aussitôt qu’il apparaît en que le Flak 41 ne peut pas être monté dans la tourelle de Krupp, Hitler impose la conception d’un nouveau char équipé de ce canon[8]. Porsche et Henschel sont alors mis en concurrence pour produire un châssis plus grand permettant de monter cette arme. La seconde évolution significative par rapport au Tigre I est l'adoption de blindage incliné (comme sur le T-34 et le Panther) qui, à épaisseur égale, offre une meilleure protection à la pénétration[9].

Bien que la motorisation hybride essence-électrique du VK 45.01 (P) ait joué un grand rôle dans l’échec de Porsche pour la production du Tigre, le constructeur reprend ce principe pour son nouveau projet, le Typ 180 ou VK 45.02 (P), qui débute au début de l’année 1942[10]. Quatre variantes supplémentaires sont conçues avant l’automne. Les Typ 180A et B conservent la motorisation essence-électrique, mais le constructeur explore également la possibilité d’utiliser une motorisation plus classique avec les Typ 181A, B et C, équipés de différents moteurs à essence ou gasoil. Les problèmes de motorisation persistent néanmoins et le contrat de production de cent exemplaires, accordé de manière anticipée à Porsche en , est annulé le [11]. Le travail se poursuit toutefois sur trois prototypes, mais sans fixer de date de mise en production[12].

De son côté, Henschel fait quelques dessins d’un VK 45.02 (H) en , mais, monopolisée par les problèmes de développement du Tigre, l’entreprise ne débute vraiment le développement de la nouvelle plateforme que vers la fin de l’été 1942 avec le VK 45.03 (H)[13]. Ce nouveau modèle est accompagné par un contrat pour la production de cent soixante-seize exemplaires, nombre qui est rapidement porté à trois cent cinquante exemplaires en novembre après l’annulation du contrat avec Porsche[14]. La progression du projet reste toutefois handicapée par les ingérences d’Hitler. Celui-ci accroît ainsi le les exigences sur l’épaisseur du blindage, puis exige le qu’un maximum de composants soient mutualisés avec le futur Panther II. Ces changements sont pour certains poussés par Ferdinand Porsche, qui est proche de Hitler et peut ainsi gêner son rival Henschel, dont le châssis prend plusieurs mois de retard sur le calendrier de développement prévu[15]. Pour sa part, Porsche dispose en de trois prototypes du Typ 180 en passe d’être achevés, mais envisage de passer à une motorisation classique, ce qui retarde à une date indéfinie la mise en production[12].

Henschel et Porsche ne produisant que les châssis, la conception et la production de la tourelle reviennent à Krupp, qui s’occupe également d’adapter aux chars le canon Flak 41 de Rheinmetall. En pratique Krupp, qui est un concurrent direct de Rheinmetall, développe un nouveau canon, différent mais comparable sur le plan des performances, qui reçoit l'appellation de KwK 43 L/71[16],[A 1]. Le premier modèle de tourelle est conçu au cours de l’année 1942 pour le châssis de Porsche et la production débute à l’automne 1942. Toutefois, étant donné les problèmes du modèle de Porsche, il est décidé le d’adapter les tourelles déjà produites sur le châssis de Henschel. Ce modèle de tourelle ne donne pas entièrement satisfaction du fait de l’avant arrondi qui risque de dévier un projectile vers le toit de la caisse, plus fin. Néanmoins, afin de ne pas ralentir la production, il est décidé en de produire les cinquante premiers exemplaires avec cette tourelle - souvent appelée à tort tourelle Porsche - le temps que la conception de la tourelle définitive soit achevée[17].

Production[modifier | modifier le code]

Henschel achève son premier prototype en , puis deux autres prototypes et les trois premiers exemplaires de production en . Le retard est donc conséquent sur le calendrier établi en , qui prévoyait la livraison du premier exemplaire de série en . L’assemblage final est réalisé par Henschel dans son usine de Cassel. Celle-ci est la cible d’intenses bombardements entre septembre et octobre 1944, entraînant sa destruction à 95 % et l’arrêt presque total de la production. D’autres bombardements ont encore lieu par la suite, ralentissant la reconstruction malgré leur plus faible ampleur. Ainsi, alors que le calendrier prévoyait la production de 940 exemplaires entre septembre 1944 et mars 1945, seulement 283 sont effectivement produits, entraînant une perte nette de production de 657 Tigre B[18].

Modifications[modifier | modifier le code]

Comme son prédécesseur, le Tigre B fait l’objet de modifications tout au long de sa production, sans que celles-ci ne donnent lieu à la création d’une nouvelle version identifiée par une lettre. Toutes ces modifications ne sont pas forcément très visibles – il peut s’agir par exemple de changements de joints ou d’écrous, mais même les petits changements contribuent à considérablement améliorer la fiabilité du véhicule. Bien que les dates d’adoption de ces changements soient généralement connues, celles-ci ne correspondent que rarement à l’introduction réelle sur les véhicules produits : il est en effet courant que les fabricants épuisent d’abord le stock d’anciennes pièces, voire dans certains cas qu’ils utilisent les nouvelles pièces immédiatement, mais utilisent d’anciens composants en cas de pénuries[19].

Histoire opérationnelle[modifier | modifier le code]

Comme son prédécesseur, le Tigre II n'est pas endivisionné[A 4]. Il le remplace dans les schwere Panzer Abteilungen, ou bataillons de chars lourds autonomes. 150 exemplaires sont livrés à des unités de la Waffen-SS, tous les autres sont affectés à l'armée de terre (Heer). Ils arrivent sur le front en .

Leur premier engagement a lieu autour de Minsk en mai de la même année. Leur impact cependant limité, à cause des restrictions en carburant, des problèmes techniques et des pannes, et de l'efficacité de aviation d'attaque au sol alliée.

Königstiger en France, Juin 1944

Une des premières utilisations au combat du Tiger II à l'Ouest est celle de la 1re Compagnie du 503e « s.H.Pz.Abt » lors de la bataille de Normandie, s'opposant à l'opération Atlantic entre Troarn et Demouville le 18 juillet 1944. Deux sont perdus au combat, tandis que le char du commandant de compagnie reste irrémédiablement piégé après être tombé dans un cratère de bombe créé lors de l'opération Goodwood[20]. Lors de la bataille de Normandie, certains Königstiger sont même engagés par des croiseurs.

Sur le front de l'Est, il est également utilisé le 12 août 1944 par le 501e s.H.Pz.Abt faisant face à l'offensive de Lvov-Sandomierz où il attaque la tête de pont soviétique sur la Vistule près de Baranów Sandomierski. Sur la route vers Oględów, trois Tiger II sont détruits dans une embuscade par quelques T-34-85[21]. À la suite de pertes causées par l'explosion d'obus stockés à l'arrière de la tourelle, la capacité de stockage du véhicule est réduite à 68[22]. Jusqu'à quatorze Tiger II du 501e sont détruits ou capturés dans la zone entre le 11 et le 14 août lors d'embuscades et d'attaques de flanc par des chars soviétiques T-34-85 et IS-2 et des canons d'assaut ISU-122 sur un terrain sablonneux peu favorable. La capture de trois Tiger II opérationnels permet aux Soviétiques d'effectuer des tests à Kubinka et d'évaluer les forces et les faiblesses du char[23].

Le 15 octobre 1944, les Tiger II du 503e bataillon de panzers lourds jouent un rôle crucial lors de l'Opération Panzerfaust, en soutenant les troupes d'Otto Skorzeny dans la prise de la capitale hongroise, Budapest, ce qui garantit le maintien du pays dans l'Axe jusqu'à la fin de la guerre. Le 503e participe ensuite à la bataille de Debrecen, restant sur le théâtre d'opérations hongrois pendant 166 jours, période pendant laquelle il détruit au moins 121 chars soviétiques, 244 canons antichar et pièces d'artillerie, cinq avions et un train, ratio avantageux comparé à la perte de 25 Tiger II ; dix sont détruits par les troupes soviétiques et incendiés, deux sont renvoyés à Vienne pour une révision en usine tandis que treize sont détruits par leurs équipages pour diverses raisons, généralement pour les empêcher de tomber entre les mains de l'ennemi.

Le « Tigre II » de La Gleize en Belgique, qui participa à l'offensive des Ardennes pour la colonne Peiper. La colonne fut stoppée et le char d'assaut définitivement abandonné sur place à La Gleize le 24 décembre 1944.

Le Tiger II est également engagé en nombre important, soit quatre bataillons de panzers lourds, lors de l'Offensive des Ardennes de décembre 1944[24]. Au moins 150 Tiger II sont présents, soit près d'un tiers de la production totale ; la plupart sont perdus au cours de l'offensive[25].

Certains Tigre II combattent également lors de l'Offensive Vistule-Oder[26] et les Offensive de Prusse-Orientales en janvier 1945[27], ainsi que l'Offensive du lac Balaton allemande en Hongrie en mars 1945[28], la bataille de Seelow en avril 1945 et la bataille de Berlin à la fin de la guerre[29].

Le 503e s.SS Pz.Abt revendique environ 500 victimes entre janvier et avril 1945 sur le front de l'Est pour la perte de 45 Tiger II, pour la plupart abandonnés et détruits par leur propre équipage à la suite de pannes mécaniques ou par manque de carburant)[30].

Le dernier char de la guerre à être détruit est aussi un Tigre Royal, saboté par son équipage à la suite d'un problème mécanique, le 10 mai 1945, en Autriche.

L’héritage des Tigre[modifier | modifier le code]

Après la guerre, les principaux modèles mis en service sont davantage comparables – sur la plan du poids - au Panther qu’au Tigre et à fortiori au Tigre II (Centurion britannique, M46, M47 américains) ou même plus légers pour les chars soviétiques (T-54, T-55). Ils sont armés d’un canon de calibre égal ou supérieur à celui du Tigre II (90 à 105 mm) mais restent considérés comme des chars moyens. Le char lourd, lui, n'est plus une priorité car, comme le constate la majorité des états-majors, s'il procure un gain d'efficacité de 20 à 30% par rapport au char moyen, il coûte deux fois plus cher. Les différents programmes de chars lourds sont soit abandonnés après une production limitée (IS-3, IS-4 puis T-10 soviétiques, M-103 américain ou Conqueror britannique) soit annulés comme l'AMX-50 français [31].

Les différents concepts de char (char moyen, char lourd, char de rupture, char d'infanterie ou de cavalerie etc.) fusionnent après la guerre sous l'appellation de Char de bataille principal (Main Battle Tank) [32]. Il faudra attendre les années 1970 pour que le poids de ces tanks atteigne à nouveau ou dépasse celui du Tigre II, mais avec des motorisations deux fois plus puissantes[A 5].

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Mobilité[modifier | modifier le code]

Moteur Maybach HL 230 au Technikmuseum Sinsheim

Pour déplacer une telle masse de métal, le plus puissant moteur de char de l'époque lui-même se montre un peu faible : le Maybach HL 230 P30 12 cylindres de 700 ch, suffisant pour le Panther de 45 tonnes, supporte mal les 25 tonnes supplémentaires. Pour tenter de résoudre ce problème, les ingénieurs lui accouplent une boîte de vitesses très complexe, avec huit rapports avant et quatre rapports arrière, afin de démultiplier les efforts et de permettre au mastodonte de se déplacer convenablement.

Ils mettent aussi au point un différentiel de chenille permettant au char de tourner sur place, caractéristique encore rare à l'époque, mais très utile pour compenser la relative lenteur de la tourelle et favoriser la présentation du blindage avant en cas de danger repéré à temps. Les ingénieurs mettent au point un système de train de roulement permettant d'éviter, à l'inverse du Tigre I, que les chenilles ne s'enrayent avec la boue, la glace et les rochers. À l'usage, ce système s'avère cependant plus délicat à entretenir.

Pour en terminer avec le train de roulement, comme pour le Tigre I, deux jeux de chenilles sont prévus : une paire de 660 mm pour le transport sur rail[A 6], et une paire de 800 mm pour le combat. Ces chenilles larges procurent au char une bonne tenue en terrain instable, comme la boue, malgré son poids énorme, en générant une pression au sol assez faible. Mais le char est trop lourd pour la majorité des ponts de l'époque, ce qui réduit de beaucoup sa mobilité tactique.

Enfin, avec un ratio de seulement 10 chevaux à la tonne, le char souffre d'un cruel manque de mobilité, et d'une consommation énorme. Sa vitesse plafonne à 38 km/h sur route, et moins de 20 km/h en tout terrain, et sa consommation de 500 L aux 100 km ne lui procure qu'une faible autonomie de 170 km sur route d'autant plus handicapante que le Reich manque de carburant. De plus, les efforts sur la transmission dus au poids du mastodonte, ainsi que la fragilité de la trop complexe boîte de vitesses, provoquent de nombreuses pannes. Ils nécessitent une maintenance constante pour fonctionner convenablement.

Blindage[modifier | modifier le code]

Un rassemblement de Tiger II tourelle « de production » (voir la vidéo correspondante dans la section Liens externes).

La protection du Tigre II repose sur un blindage homogène laminé incliné de grande épaisseur. Celle-ci représente un défi technique, dans le sens où plus l’épaisseur d’une plaque d’acier est importante, plus il est difficile d’assurer l’homogénéité de la structure interne du métal. Or cette homogénéité influe considérablement sur la résistance du blindage et sa capacité à ne pas se fracturer lors de l’impact de projectiles. À cette fin, les Allemands ajoutent du chrome et du molybdène, mais le bombardement systématique des usines par les alliés ne permet pas toujours de réaliser le long processus de forgeage du métal dans de bonnes conditions et certaines plaques sont de moins bonne qualité. Ces plaques ont en particulier tendance à se fragmenter lors de l’impact d’un projectile, c’est-à-dire que, même en l’absence de pénétration, des fragments de métal se détachent de la paroi intérieure et sont projetés à haute vitesse à travers l’habitacle, blessant ou tuant l’équipage[33]. Par ailleurs, vers la fin de la guerre, les Allemands, confrontés à la pénurie de certains métaux, doivent remplacer le molybdène par du vanadium[34].

Tigre II tourelle « première version » :

  • 110 mm en frontal de tourelle incliné de 0 à 55° (jusqu'à 200 mm de blindage effectif)
  • 150 mm pour le glacis incliné à 50° (~195 mm de blindage effectif)
  • 100 mm pour le bas de caisse
  • 80 mm sur les latéraux

Tigre II, tourelle « de production » :

  • 180 mm en frontal de tourelle incliné à 9° (200 mm sur le masque du canon.)
  • 150 mm pour le glacis incliné à 50° (~195 mm de blindage effectif)
  • 100 mm pour le bas de caisse
  • 80 mm sur les latéraux

Seules quelques armes de l'époque peuvent percer ce type de blindage, et seulement à très courte portée. Les canons 76,2 mm Ordnance QF 17 pounder des Sherman Firefly, Achilles et Comet, 90mm M3 L/52 du M26 Pershing, 85 mm M1939 du T-34/85, 100 mm D-10S L/54 du SU-100 et 122 mm A-19 du IS-2, peuvent être de dangereux adversaires, surtout lors d'attaques par les flancs ou sur l'arrière.

Un témoignage d'un chef de char de la 2e DB US, en 1945, ne laisse pas de zone d'ombre sur la considération des alliés pour ce char :

« Un jour un Tigre Royal me repéra à 150 mètres et mit mon char hors de combat. Cinq de nos tanks ouvrirent le feu sur lui, de 200 à 600 yards (180 à 540 mètres). Six obus touchèrent le Tigre de face et ricochèrent sur sa cuirasse. L'engin recula et disparut dans la forêt. Si nous avions eu des chars comme ceux-là, nous serions tous rentrés chez nous aujourd'hui. »

Armement et équipement[modifier | modifier le code]

Armement principal[modifier | modifier le code]

Le Tigre II est armé d'un canon de 88mm

Le Tigre II est armé d'un canon de 88 mm de 71 calibres de longueur (KwK 43 L/71, fût de 6,30 mètres), comparé aux 88 mm 56 calibres du Tigre I (KwK 36 L/56). La portée effective de ce canon est de dix kilomètres. Il peut percer le blindage frontal d'un char T-34/85, d'un Sherman M4 A1 ou d'un Cromwell à 3,5 km, au-delà même de la portée des canons de ces chars. L'optique de visée du canon est elle aussi à la hauteur de ces extraordinaires caractéristiques balistiques. À titre indicatif, le canon du Königstiger perfore entre 132 et 153 mm de blindage incliné à 30° à 2 000 m de distance.

Le viseur monoculaire Turmzielfernrohr 9d permet un grossissement de 3× ou de 6×. Les gravures en triangles permettent au tireur d’évaluer la distance de la cible et sa vitesse de mouvement avec l’aide d’abaques également gravées sur le verre. L’acquisition des cibles se fait en deux temps. Le canon est d’abord pointé dans la direction générale de la cible en utilisant le moteur hydraulique de la tourelle ; celui-ci nécessite que le moteur du char fonctionne et du régime de ce dernier dépend la vitesse de rotation, un rotation complète prenant dix-neuf secondes à 2 000 t/m et moins de dix secondes à 3 000 t/m. Le tireur ajuste ensuite précisément la cible manuellement à l’aide de volants[35].

Munitions Granatpatrone 88x822-mm

Le nombre maximum d’obus pouvant être embarqués à bord est de quatre-vingts avec la première version de la tourelle et quatre-vingt-six avec la seconde version, le manuel recommandant de répartir le stock équitablement entre obus explosifs et obus antichars. Ces derniers peuvent être de plusieurs types. Le plus courant est le Pzgr.39/43, un obus perforant doté d’une charge explosive et conçu pour pénétrer le blindage de la cible grâce à l’énergie cinétique avant d’exploser à l’intérieur. Le second type est le Gr.39/43 HL, un obus à charge creuse moins performant contre les véhicules blindés que le Pzgr.39/43, mais plus polyvalent du fait de la quantité d’explosif plus importante ; de ce fait il remplace parfois une partie des obus explosifs dans la dotation. Enfin, le Pzgr. 40/43 est un boulet sous-calibré dont le projectile est un perforateur en tungstène ; très performant, il est également rare en raison de la faible disponibilité de ce métal et n’est donc embarqué qu’en faible quantités et réservé à l’attaque des chars lourds[36].

Les performances brutes mesurées sur champ de tir sur des plaques d’acier inclinées à 30° montrent que l’obus Pzgr 39 peut les perforer sur une épaisseur de 165 mm à une distance de 1 000 m et encore de 132 mm à 2 000 mm. Avec le Pzgr 40, ces valeurs sont portées à respectivement 193 et 530 mm. De par sa nature même, le Gr 39 HL peut perforer 90 mm de blindage, quelle que soit la distance[37]. Par comparaison, le blindage frontal de la caisse du M4 Sherman n’est que de 51 mm et celle de l’IS-2, un des plus redoutables adversaires du Tigre II, est de 120 mm[38],[39]. D’après le manuel du Tigre, en situation de combat il est possible de toucher avec le Pzgr 39 une cible de 2 m de côté avec une précision proche de 100 % jusqu’à 1 000 m. Celle-ci est toutefois divisée par deux à 2 000 m et atteint 23 % à 3 000 m, une performance respectable pour l’époque. Du fait de sa vélocité supérieure, le Pzgr 40 bénéficie d’une précision légèrement supérieure[37].

Krupp proposa en novembre 1944 de réarmer le Tigre II avec le canon de 10.5 cm KwK 46 L/68, stabilisé, associé à un télémètre Zeiss. Cette proposition sera refusée le 20 janvier 1945 car cela aurait nécessité de trop nombreuses modifications de la tourelle et aurait compliqué la logistique, de plus la cadence de tir aurait été diminuée ainsi que l'emport en munitions, en raison de la taille et du poids des projectiles de 105 mm[40].

Variantes[modifier | modifier le code]

La principale variante du Tigre B est sa version de commandement, dont le nom officiel est Panzerbefehlswagen Tiger Ausführung B. Cette version est pratiquement identique au Tigre B standard, dont elle se distingue essentiellement par la présence de davantage d’équipement radio, au prix toutefois de l’emport en munitions, réduit à soixante trois obus. La version de commandement est elle-même subdivisée en deux sous-versions : le Sd.Kfz. 267 embarque un émetteur-récepteur FuG 8 en plus du FuG 5 standard ; le Sd.Kfz 268 embarque lui un émetteur-récepteur FuG 7. Les deux versions sont identifiables à leurs antennes : les deux comportent une antenne sur le toit de tourelle et une sur le panneau arrière, cette dernière étant en étoile pour le Sd.Kfz. 267 et droite pour le Sd.Kfz 268[1].

Exemplaires survivants[modifier | modifier le code]

Le dernier de ces chars à être maintenu en état de marche est exposé au musée des blindés de Saumur. Certaines années, il est possible de le voir en démonstration, dans un tableau historique mis en scène et interprété par les Cadets de l'École de Cavalerie de Saumur, lors du Triomphe de l'école qui a lieu annuellement au début de l'été. Une présentation dynamique de ce blindé a été faite les 30 et devant ce musée. On peut aussi le voir rouler certaines années au Militracks.

Aujourd'hui, on peut également voir ce char :


Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. a et b KwK 43 signifie Kampfwagen Kanone (canon pour véhicule de combat - ou char - modèle 43. L71 signifie que la longueur du tube est égale au calibre multiplié par 71 soit 6,25 m environ. À comparer au 56 calibres du canon du Tigre soit 4,93 m. De plus la douille de l'obus du Tigre royal est plus longue et contient donc d'avantage de poudre propulsive
  2. Le même moteur équipe également le char Panther qui ne pèse que 45 tonnes...
  3. KwK 36 signifie Kampfwagen Kanone (canon pour véhicule de combat - ou char - modèle 36. L56 signifie que la longueur du tube est égale au calibre multiplié par 56 soit 4,93 m.
  4. C'est-à-dire qu'il n'est pas affecté au régiment de char d'une Panzerdivision mais à un bataillon autonome de chars lourds directement subordonné à l'état-major d'un corps d'armée ou d'une armée
  5. Par exemple, le char M1 Abrams américain et le Léopard 2 allemand sont tous deux dotés de moteurs développant 1.500 ch
  6. Le changement de chenilles avant et après le transport était pénalisant. L'armée allemande s'en dispensait lors des transports ferroviaires lorsqu'il n'y avait pas de risque de croisement d'autres convois, notamment sur le Front de l'Est - Source : Wilbeck - 2004 (Sledgehammers) p 139

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Jentz et Doyle 1993, p. 16.
  2. Jentz et Doyle 1997, p. 14.
  3. Jentz et Doyle 1997, p. 8.
  4. (en) Thomas Jentz et Hilary Doyle, Germany’s Tiger Tanks : D.W. to Tiger I : Design, production & modification, Alglen, Schiffer Publishing, , 190 p. (ISBN 0-7643-1038-0), p. 10-23
  5. Jentz et Doyle 1993, p. 3.
  6. (en) Thomas Jentz et Hilary Doyle, Germany’s Tiger Tanks : D.W. to Tiger I : Design, production & modification, Alglen, Schiffer Publishing, , 190 p. (ISBN 0-7643-1038-0), p. 28-33
  7. Jentz et Doyle 1993, p. 4-5.
  8. Jentz et Doyle 1993, p. 5.
  9. Jentz et Doyle 1993, p. 8, 11.
  10. Jentz et Doyle 1993, p. 8.
  11. Jentz et Doyle 1993, p. 9.
  12. a et b Jentz et Doyle 1993, p. 9-10.
  13. Jentz et Doyle 1997, p. 14-15.
  14. Jentz et Doyle 1993, p. 11, 17.
  15. Jentz et Doyle 1993, p. 11.
  16. Jentz et Doyle 1993, p. 7, 9.
  17. Jentz et Doyle 1993, p. 13.
  18. Jentz et Doyle 1993, p. 17.
  19. Jentz et Doyle 1993, p. 18.
  20. Schneider 2000, p. 133.
  21. Zaloga 1994, p. 14.
  22. Schneider 2000, p. 46.
  23. Sledgehammers : Forces et défauts des bataillons de chars Tigre pendant la Seconde Guerre mondiale. Christopher W. Wilbeck. Aberjona, 2004. p. 135
  24. Schneider 2005, pp. 214. –216.
  25. Green, Michael. "Les chars allemands de la Seconde Guerre mondiale". 14 mai 2000, p. 73.
  26. Schneider 2000, p. 47.
  27. Schneider 2000, pp. 89-91.
  28. Schneider 2005, p. 217.
  29. Schneider 2005, pp. 300-303.
  30. Schneider 2005, pp. 304, 324.
  31. (en) Steven J. Zaloga, Tanks at the Iron Curtain 1946 - 1960, vol. 301, Oxford, Osprey Publishing, coll. « New Vanguard », , 48 p. (ISBN 9781472843319), p. 7, 10, 20, 25, 30-31.
  32. (en) Steven J. Zaloga, Tanks at the Iron Curtain 1946 - 1960, vol. 301, Oxford, Osprey Publishing, coll. « New Vanguard », , 48 p. (ISBN 9781472843319), p. 38.
  33. Higgins 2011, p. 23.
  34. Higgins 2011, p. 24.
  35. Jentz et Doyle 1993, p. 24.
  36. Jentz et Doyle 1993, p. 23-24.
  37. a et b Jentz et Doyle 1993, p. 23.
  38. (en) Richard Pierce Hunnicutt, Sherman : A History of the American Medium Tank, Presidio Press, (ISBN 0891410805), p. 538.
  39. (en) Steven J. Zaloga, IS-2 Heavy Tank : 1944-73, vol. 7, Oxford, Osprey Publishing, coll. « New Vanguard », , 48 p. (ISBN 1-85532-396-6), p. 12.
  40. http://www.wardrawings.be/WW2/Files/Site.htm
  41. Voir le site http://www.koenigstiger.ch/

Annexes[modifier | modifier le code]

Chiffres de production[modifier | modifier le code]

Tableau récapitulatif des livraisons par année et type[1]
1943 1944 1945 Total
Modèle standard 0 345 97 442
Modèle de commandement 0 17 3 20
Véhicules reconstruits 0 4 9 13
Total livrés 0 366 109 475
Cible de production 3 516 140 1175

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) David Higgins, Kingtiger vs IS-2 : Operation Solstice 1945, t. 37, Oxford, Osprey Publishing, coll. « Duel », (ISBN 9781849084048)
  • (en) Tom Jentz et Hilary Doyle, Kingtiger Heavy Tank 1942-1945, t. 1, London, Osprey Publishing, coll. « New Vanguard », (ISBN 185532282X)
  • (en) Thomas Jentz et Hilary Doyle, Germany’s Tiger Tank: VK45.02 to Tiger II : Design, Production & Modifications, Schiffer,
  • (en) Wolfgang Schneider, Tigers in Combat I, Mechanicsburg, Stackpole Books, (ISBN 0811731715)
  • (en) Wolfgang Schneider, Tigers in Combat II, Mechanicsburg, Stackpole Books, (ISBN 0811732037)
  • (en) Christopher Wilbeck, Sledgehammers : Strengths and Flaws of Tiger Tank Battalions in World War II, Bedford, Aberjona Press, , 262 p. (ISBN 9780971765023).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]