Niche écologique

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[ niches dscn1884.jpg|thumb|Deux espèces de lichens ; l'une verte (à gauche) et l'autre orange (à droite) cohabitent sur ce rocher dans deux niches écologiques différentes, résultant des conditions d'exposition et d'hygrométrie.]]

Deux espèces (mousses et lichens) cohabitent sur le même tronc, mais dans deux niches écologiques distinctes, notamment induites par l'élévation et l'hygrométrie.

[[Image:LichenArrageoisJanv2002.jpg|thumb|Diverses espèces de mousses et lichens épiphytes cohabitent dans ce qui semble être une même niche écologique, en situation de concurrence, ou de complémentarité, dans un ur un rocher alpin

La niche écologique est un des concepts théoriques de l'écologie[1]. Il traduit à la fois :

  1. la « position » occupée par un organisme, une population ou plus généralement une espèce dans un écosystème,
  2. la somme des conditions nécessaires à une population viable de cet organisme.

La description d'une telle niche se fait sur la base de deux types de paramètres :

  1. des paramètres physico-chimiques caractérisant les milieux où évolue l'organisme (et parfois significativement modifiés par cet organisme).
  2. des paramètres biologiques, incluant les relations avec les espèces avoisinantes et la modification de l'habitat par l'organisme et la communauté d'espèces dans laquelle il s'inscrit (interactions durables).

La niche écologique correspond au rôle de l'organisme dans le fonctionnement de l'écosystème, à sa spécialisation fonctionnelle. Deux espèces qui exploitent la même ressource de la même façon sont dits avoir la même niche et ne peuvent cohabiter durablement.

La guilde est un ensemble d'espèces appartenant à un même groupe taxonomique ou fonctionnel qui partagent la même niche écologique.

« L'habitat est l'adresse d'un organisme, la niche est sa profession, biologiquement parlant »

— Analogie d'Odum[2]

La niche de Grinnell

Le terme de niche écologique apparaît pour la première fois sous la plume du naturaliste Roswell Hill Johnson[3] mais Joseph Grinnell a sans doute été le premier, dans son article de 1917 « The niche relationships of the California Thrasher »[4], à employer le terme dans un programme de recherche[1]. Le concept de niche de Grinnell signifie tout ce qui conditionne l'existence d'une espèce à un endroit donné, ce qui inclut des facteurs abiotiques (température, humidité, précipitations) comme des facteurs biotiques (présence de nourriture, compétiteurs, prédateurs, abris, etc.)[1]. Les espèces évoluent et s'excluent les unes les autres en fonction de leurs niches, en vertu d'un principe d'exclusion compétitive souvent attribué à Gause[5], mais déjà très présent chez Darwin[1].

La niche d'Elton

La niche d'Eltonnt de son occupant, la nourriture en est un aspect majeur, mais la niche est aussi définie par les facteurs de micro-habitat et la relation aux prédateurs[1],[6].

La niche de Hutchinson

G. E. Hutchinson (1957)[7]. L'ingénierie des écosystèmes, où les organismes modifient leur environnement physique, est un concept proche, adapté à l'écologie.

Niche écologique et conservation

Si l'on veut préserver la biodiversité, il faut noter que la conservation d'une espèce implique obligatoirement la conservation de sa niche écologique. En effet, cette dernière regroupe tous les facteurs écologiques nécessaires à la survie d'une espèce.

La modélisation des niches écologiques (ENM) est un outil important pour l'évaluation de la conservation des espèces[8]. Il existe deux types de modèles, ceux fondés sur la physiologie de l'espèce et ceux fondés sur les relations empiriques entre les distributions observées d'une espèce et les variables environnementales (modèles corrélatifs). Les modèles physiologiques identifient les mécanismes physiologiques limitant de l'espèce et sont obtenus grâce à des expériences en laboratoire. Ce type de modèle permet en quelque sorte d'estimer la niche fondamentale d'une espèce. Les modèles corrélatifs, les plus utilisés à ce jour, établissent un lien entre la répartition géographique d'une espèce et les caractéristiques de l'habitat. Les plus courants sont Genetic Algorithm for Rule-set Prediction (GARP)[9], BIOCLIM, BIOMAPPER, Maximum entropy (Maxent) et Outlying Mean Index(OMI). Les applications potentielles de ces modèles à la biologie de la conservation sont nombreuses[10] et en voici quelques exemples :

  1. prédire la répartition actuelle et future d'une espèce
  2. déterminer des priorités de conservation[11]
  3. développer des zones de réserves ou les agrandir[12]
  4. évaluer la potentialité d'une espèce à devenir invasive pour une autre[13]
  5. évaluer ou réévaluer le statut de conservation des espèces[14]

De plus, ces modèles constituent des outils prometteurs dans d'autres domaines tels que la biogéographie, l'autoécologie ou encore l'étude des changements globaux.

La modélisation de niche écologique présente toutefois des limites et il existe des restrictions à bien prendre en considération. Tout d'abord cette modélisation peut être en butte à des problèmes liés aux contraintes écologiques de l'espèce. Les espèces peu connues ou peu décrites sont souvent celles étudiées dans les problèmes de conservation et le fait que celles-ci soient peu représentées défie l'efficacité des ENM[12]. D'autre part, chaque facteur d'une niche écologique affecte significativement la distribution de l'espèce à une échelle donnée seulement, d'où l'importance de considérer ces échelles dans les problèmes de conservation[15]. Enfin, il est avéré que GARP surestime la distribution de l'espèce plus que les autres modèles et le manque d'informations environnementales pourrait avoir une incidence sur ces résultats. Ces modèles sont donc encore largement optimisables (par exemple en intégrant les processus de migration, les interactions biotiques ou en utilisant des nouvelles sources d'informations telles que l'imagerie satellite).

Bon nombre de méthodes de sélection de réserves se fondent sur les résultats de ces modèles et cherchent à maximiser la quantité de biodiversité qui peut être représentée dans les réseaux d'aires de conservation. Le changement climatique pose un nouveau défi pour ces méthodes de sélection, défi lié au problème de la persistance des espèces à long terme dans ces réserves et lié aux facultés de migration de ces espèces. Il se pourrait en effet que le changement climatique « pousse » les espèces hors des réserves qui leur sont consacrées. Il est donc temps de penser à des méthodes de sélection de réserves « nouvelle-génération » qui prendront en compte les besoins de dispersion des espèces dus au changement climatique[16].

Voir aussi

Articles connexes

Notes et références

  1. a b c d et e Arnaud Pocheville, Les Mondes Darwiniens. L'évolution de l'évolution, Paris, Matériologiques, , 897-933 p. (ISBN 978-2-919694-04-4, lire en ligne), « La Niche Ecologique : Histoire et Controverses Récentes »
  2. Eugene Pleasants Odum, Howard T. Odum, Fundamentals of Ecology, Saunders, , p. 27.
  3. (en) Roswell Johnson, Determinate evolution in the color-pattern of the lady-beetles, Washington, Carnegie Institution of Washington,
  4. (en) Joseph Grinnell, « The niche-relationships of the California Thrasher », The Auk, vol. 34,‎ , p. 427–433 (DOI 10.2307/4072271, lire en ligne [PDF])
  5. (en) G. F. Gause, The struggle for existence, Baltimore, Williams & Wilkins, (lire en ligne)
  6. (en) Thomas W. Schoener, Ecological concepts : the contribution of ecology to an understanding of the natural world, Cambridge, Blackwell Scientific Publications, (ISBN 978-0-632-02569-5), « The Ecological Niche »
  7. (en) George Evelyn Hutchinson, « Concluding remarks », Cold Spring Harbor Symposia on Quantitative Biology, vol. 22, no 2,‎ , p. 415–427 (lire en ligne [PDF}124])
  8. Using Ecological-Niche Modeling as a conservation tool for freshwater species : live-bearing fishes in central Mexico O. Dominguez-Dominguez, E. Martinez-Mayer, L. Zambrano, G. Pérez-Ponce De Leon. Conservation Biology, volume 20, No.6 (December 2006) 1730-1739
  9. Predicting species geographic distribution based on ecological niche modeling A. Townsend Peterson. The Condor, volume 103,No.3 (August 2001) 103:599–605
  10. Predicting distributions of Mexican birds using ecological niche modelling methods A. Towsend Peterson, L. G. Ball, K. P. Cohoon. Ibis, Volume 144, Issue 1 (February 2002) E27 - E32
  11. Niche analysis and conservation of the orchids of east Macedonia (NE Greece) S. Tsiftsis, I. Tsiripidis, V. Karagiannakidou, D. Alifragis. Acta oecologica, Volume 33, Issue 1 (January-February 2008) 27–35
  12. a et b Modelling ecological niches from low numbers of occurrences: assessment of the conservation status of poorly known viverrids (Mammalia, Carnivora) across two continents M. Papes, P. Gaubert. Diversity and Distributions, Volume 13, Issue 6 (July 2007) 890–902
  13. Using Ecological-Niche Modeling to Predict Barred Owl Invasions with Implications for Spotted Owl Conservation A. Towsend Peterson, C. Richard Robins.Conservation Biology, Volume 17, No. 4 (August 2003) 1161-1165
  14. Ecological niche Modeling of two cryptic bat species calls for reassessmentof their conservation status T.Sattler, F.Bontadina, A. H. Hirzel & R. Arlettaz. Journal of Applied Ecology, Volume 44, Issue 6 (May 2007) 1188-1199
  15. Predicting the impacts of climate change on the distribution of species : are bioclimate envelope models useful ? R.G. Pearson, T.P.Dawson. Global Ecology & Biogeography ,volume 12, No.5 (August 2003) 361-371
  16. Would climate change drive species out of reserves ? An assessment of existing reserve-selection methods M.B.Araújo, M.Cabezas, W.Thuiller, L.Hannah, P.H.Williams. Global Change Biology, Volume 10, Issue 9 (September 2004) 1618-1626