Émilie Ambre

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Émilie Ambre
Biographie
Naissance
Décès
Nom dans la langue maternelle
Emilie AmbreVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Émilie-Gabrielle-Adèle AmbroiseVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
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Tessiture

Émilie Gabrielle Adèle Ambre, née Émilie Gabrielle Adèle Ambroise à Oran le [1] et morte à Paris (9e arrondissement) le [2], est une chanteuse française d'opéra qui a interprété des rôles de soprano en Europe et en Amérique du Nord et termine sa carrière comme professeur de chant. Née à Oran en Algérie française et formée au Conservatoire de Marseille, elle est pendant plusieurs années la maîtresse de Guillaume III des Pays-Bas. Elle a un fils Robert par son amant Gaston de Beauplan, mais la relation s'est achevée après leur retour de la tournée américaine de 1880-1881, financièrement désastreuse que Beauplan a organisée pour mettre en valeur ses talents. À la suite de son retrait de la scène en 1890, Ambre ouvre une école de chant à Paris avec le compositeur Émile Bouichère avant de l'épouser en 1894.

En tant que chanteuse, elle est connue pour ses performances de Violetta, Manon et Aida, mais on se souvient surtout d'elle comme sujet du portrait d'Édouard Manet en Carmen.

Biographie[modifier | modifier le code]

Émilie Ambre est née à Oran en Algérie française au sein d'une famille française aisée[note 1]. Après la mort de son père à l'âge de seize ans, elle se rend en France pour étudier au Conservatoire de Marseille et fait ses débuts dans cette ville. Elle se rend ensuite à Paris pour se perfectionner auprès de Gustave-Hippolyte Roger et y apparaît pour la première fois à l'Opéra-Comique dans La fille du régiment, après quoi elle est engagée pour chanter à Genève, Bruges, Bruxelles, La Haye et Amsterdam. Selon la presse française de l'époque, elle apparaît à Amsterdam lors de la saison 1876/1877 avec succès dans les rôles de Mignon, Carmen et Piccolino d'Ernest Guiraud, et un brillant avenir lui est prédit[6],[7].

C'est en chantant aux Pays-Bas qu'elle rencontre le roi Guillaume III et devient sa maîtresse. Il lui confère le titre de «comtesse d'Ambroise» et lui achète des bijoux et une maison de campagne à Meudon où le couple séjourne souvent. Après la mort de son épouse la reine Sophie en , William installe Ambre dans les appartements de la défunte reine et annonce qu'il prévoit un mariage morganatique avec elle. Devant l'opposition de ses ministres et de la presse néerlandaise, finalement il met fin à la relation et en 1879, il épouse la princesse Emma de Waldeck.

Ambre revient sur la scène lyrique française. En 1878, chante Violetta dans La traviata au Théâtre-Italien et le rôle-titre dans Aida à l'Opéra de Paris. Elle chante aussi au Her Majesty's Theatre de Londres en novembre et décembre de la même année dans le rôle de Violetta de La traviata, Marguerite dans Faust et Gilda dans Rigoletto. En 1879, elle est de retour à Paris dans le rôle de Juliette dans Les amants de Vérone de Richard d'Ivry au Théâtre de la Gaîté-Lyrique[8].

Ambre en Aida, Paris 1878

Tournées américaines[modifier | modifier le code]

Le colonel Mapleson, impresario du Her Majesty's Theatre, recrute Ambre pour la tournée américaine de sa troupe qui se déroule de à . Elle apparait à New York, Philadelphie, Chicago, Saint-Louis, Détroit et Cleveland , reprenant ses rôles dans La traviata et Aida et chantant également le rôle-titre dans Carmen et Valentine dans Les Huguenots . Lors de la tournée Elle est accompagnée lpar son amant Gaston de Beauplan (1849–1890), fils d'Arthur de Beauplan et petit-fils d'Amédée de Beauplan, tous deux dramaturges et compositeurs actifs dans la vie musicale et théâtrale parisienne[note 2].

Quelques mois après leur retour de la tournée Mapleson, de Beauplan forme sa propre troupe d'opéra français avec Ambre comme soprano vedette et en partent pour l'Amérique. La tournée commence par une saison réussie à La Nouvelle-Orléans. Cependant, avec de violentes tempêtes de pluie, les inondations et la concurrence de la troupe de Sarah Bernhardt, en les recettes diminuent. La troupe se produit à Cincinnati, Chicago et Philadelphie, mais les recettes ne couvrent pas leurs dépenses. Au moment où ils arrivent à New York en mai 1881, les cinq chanteurs principaux refusent de se produire à moins de recevoir leurs arriérés de salaire. Ambre met en gage ses bijoux pour payer les dettes et part pour la France accompagnée du premier ténor de la troupe, Gabriel Tournié laissant de Beauplan régler le rapatriement des autres membres de la troupe[9].

À son retour en France, Ambre accorde une interview au journaliste Louis Besson dans Le Voleur démentant les rumeurs de fugue et envisage une tournée en Italie. Quant à de Beauplan, il retourne en France et en , Ambre et de Beauplan se retrouvent à Meudon[10],[11].

La Seine à Meudon dans un tableau d'Albert Lebourg

Le , à Meudon, Ambre donne naissance à un fils, Robert. Sur l'acte de naissance, il est inscrit comme le fils de Gaston de Beauplan et d'une « mère inconnue ». Elle commence à tourner dans les opéras provinciaux français connaissant un succès particulier dans Manon de Massenet. En 1885, son roman autobiographique Une Diva est publié par Paul Ollendorff. Paul Ginisty écrit dans Gil Blas, que si elle avait écrit une véritable autobiographie, cela aurait été encore plus intéressant que le roman.

Dernières années[modifier | modifier le code]

De Beauplan se lasse des absences d'Ambre et quitte Meudon pour s'installer à Montpellier où il meurt en à l'âge de 41 ans. En juin de la même année, Ambre reconnait officiellement son fils Robert qui a huit ans. Elle se retire de la scène et ouvre une école de chant à Paris avec Émile Bouichère, organiste, compositeur et maître de chapelle à l'église Sainte-Trinité. Le couple se marie en 1894, mais Bouichère décède un an plus tard à l'âge de 35 ans. Après la mort de Bouichère, Ambre poursuit son école de chant et ses soirées musicales et mène une vie solitaire[12]. Elle meurt à Paris en . Selon un article du Ménestrel publié quatre ans après sa mort, elle se serait suicidée par overdose de morphine. Son amie Marie Colombier rapporte que les funérailles d'Ambre étaient encore plus tristes que sa mort. Lorsque la voiture portant son cercueil couvert de fleurs est arrivée au Cimetière parisien de Saint-Ouen le pour être enterrée dans la tombe de Bouichère, les personnes présentes ont été informées que les frais requis n'avaient pas été réglés et le cercueil est posé sur le trottoir en attendant que les 200 francs dus soient payés. En vérifiant à nouveau les comptes, le fonctionnaire du cimetière demande 100 francs supplémentaires. Les personnes présentes n'ayant pas assez d'argent, Ambre est enterrée temporairement dans la fosse commune[13],[14],[15]. Elle est exhumée le 20 juillet suivant pour rejoindre son époux décédé en 1895[16] pour le rejoindre dans la 7e division[17].

Bien que cela faisait de nombreuses années qu'elle ne s'était pas produite aux États-Unis, sa mort est rapportée dans plusieurs journaux là-bas. Le magazine Brooklyn Life écrit en  :

« Les qualités éphémères du succès lyrique sont une fois de plus illustrées par le cas d'Emilie Ambre. Au début avec Mapleson, elle fit sensation à New York, notamment dans le rôle d'Aida, un rôle auquel son teint très foncé convenait bien. Maintenant, elle est morte. Il n'y a pas si longtemps, ses effets ont été vendus aux enchères à l'hôtel Drouot. Le monde civilisé apprit la nouvelle, mais le public eut à peine un soupir, car la chanteuse était complètement oubliée [18]. »

Portrait par Manet[modifier | modifier le code]

Emilie Ambre d'Manet dans le rôle de Carmen.

Édouard Manet rencontre Ambre pour la première fois à l'été 1879 alors qu'il se fait soigner dans une station thermale près de Meudon. Ambre et de Beauplan, qui prévoient de partir pour la tournée américaine proposent d'emmener L'exécution de l'empereur Maximilien de Manet peinte en 1869 mais jamais exposée et d'organiser son exposition à New York et à Boston. À l'été et au début de l'automne 1880, Manet et sa famille séjournent dans la maison à Meudon où il peint un portrait d'Ambre en tant qu'héroïne gitane espagnole de l'opéra Carmen de Bizet[19].

Emilie Ambre en tant que Carmen est achetée aux Manet en 1883 par la veuve de Thomas A. Scott et reste dans la famille Scott jusqu'en 1964, date à laquelle leur collection est donnée au Philadelphia Museum of Art. Exposé en permanence le tableau est présenté dans plusieurs expositions internationales, à New York et à Paris en 2002-2003 dans le cadre de Manet/Velázquez : The French Taste for Spanish Painting, une exposition organisée par le Metropolitan Museum of Art, puis au Musée du Prado en pour la première rétrospective du musée consacrée à l'œuvre de Manet. En 2012-2013, il est présenté au Musée d'Art de Toledo dans l'Ohio et à la Royal Academy of Art de Londres dans le cadre de Manet: Portraying Life, une exposition entièrement consacrée aux portraits de Manet[7],[20],[21],[22].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Au cours de ses tournées américaines, la presse locale a publié une série de récits fantaisistes sur ses origines et sa jeunesse en Afrique du Nord. Il s'agissait notamment d'affirmations selon lesquelles elle était une Italienne maure, que sa mère était arabe ou semi-arabe, que, jeune fille, Ambre jouait des sérénades à la cithare et chantait aux enfants dans le désert, qu'elle était la nièce de l'empereur du Maroc, et qu'elle a eu une liaison avec un diplomate français en Algérie, mais qu'elle l'a quitté pour le khédive d'Égypte, Ismaïl Pacha, et que lorsqu'elle s'est lassée du khédive, elle est allée en France à la recherche du diplomate, mais qu'elle ne l'a pas retrouvé et s'est inscrite au Conservatoire de Marseille[3],[4],[5]
  2. Pour un récit détaillé de la tentative de la famille de Gaston de Beauplan de le faire déclarer fou par les tribunaux français, voir: Heulhard, Arthur (1886). Bravos & sifflets, pp.  258–264. A. Dupret

Références[modifier | modifier le code]

  1. ANOM Acte de naissance no 469 dressé le 06/06/1849, vue 135 / 275
  2. Archives de Paris Acte de décès no 457 dressé le 12/04/1898, vue 3 / 31
  3. St. Louis Post-Dispatch (30 January 1880) "Ambre, the Algerine", p. 2. Retrieved 28 February 2017.
  4. Lotos (30 November 1878). "Our New York Letter", p. 148. The Musical Record. Retrieved 28 February 2017.
  5. The Musical Record (8 March 1879). "Etcetera", p. 354. Retrieved 28 February 2017.
  6. Noël, Édouard and Stoullig, Edmond (1879). "Théâtre-Italien", p. 206. Les Annales du théâtre et de la musique. Charpentier
  7. a et b Tinterow, Gary and Lacambre, Geneviève (2003). Manet/Velázquez: The French Taste for Spanish Painting, p. 251, 503. Metropolitan Museum of Art
  8. The Athenaeum (30 November 1878). "Her Majesty's Theatre", p. 696.
  9. Kendall, John (1922). History of New Orleans, p. 730. Lewis Publishing Company.
  10. The New York Times (6 May 1881). "How Ambre Got Away". p. 5. Retrieved 1 March 2017.
  11. The Inter Ocean (11 June 1881). "Mme. Ambre", p. 16. Retrieved 1 March 2017.
  12. Musical Courier (12 October 1895). "Musical Progress: Paris". p. 6. Retrieved 27 February 2017.
  13. Archives de Paris Registres journaliers d'inhumation, cimetière parisien de Saint-Ouen, 13/04/1898, vue 13 / 31
  14. Colombier, Marie (1900). Mémoires: Fin de siècle,pp.  293–296; 304–305. E. Flammarion
  15. D'Estrées, Paul (30 April 1902). "L'art musical et ses interprètes", p. 123. Le Ménestrel Retrieved 27 February 2017.
  16. Archives de Paris Registres journaliers d'inhumation, cimetière parisien de Saint-Ouen, 09/10/1895, vue 09 / 31
  17. Archives de Paris Registres journaliers d'inhumation, cimetière parisien de Saint-Ouen, 20/07/1898, vue 17 / 31
  18. Brooklyn Life (13 August 1898), p. 4. Retrieved 27 February 2017
  19. Brennecke, Mishoe (Printemps 2009)."Double Début: Édouard Manet and The Execution of Maximilian in New York and Boston, 1879–80". Nineteenth-Century Art Worldwide, Vol. 8, Numéro 1. Consulté le 27 Février 2017.
  20. Thompson, Jennifer A. (2007). Masterpieces from the Philadelphia Museum of Art: Impressionism and Modern Art, p. 52. Consulté le 23 février 2017.
  21. Luxenberg, Alisa (Spring 2004). "Review: Manet/Velázquez: The French Taste for Spanish Painting". Nineteenth-Century Art Worldwide, Vol. 3, Numéro 1. Consulté le 27 février 2017.
  22. Juliet Wilson-Bareau (18 octobre 2013). "Review: Manet: Portraying Life. caa.reviews. College Art Association. Consulté le 3 mars 2017.

Liens externes[modifier | modifier le code]