Girna

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Cabane maltaise en pierre sèche ou girna

L'Île de Malte présente des cabanes en pierre sèche qui ont pour nom girna, au pluriel giren. Leur inventeur[1] est P. Cassar, de l'Université royale de Malte, qui signala leur existence dans la revue anthropologique de langue anglaise, Man, en 1961. Elles ont été depuis étudiées de façon plus approfondie par le moine dominicain, Lawrence Fsadni, qui publia en 1992 une somme à leur sujet : The Girna. The Maltese Corbelled Stone Hut.

Étymologie[modifier | modifier le code]

Les cabanes répondent au nom de girna, terme qui serait dérivé de l'arabe et signifierait « amas de pierres ».

Aire d’extension[modifier | modifier le code]

Leur distribution concerne les trois îles principales de l'archipel maltais mais leur plus grand nombre s'observe dans la partie nord de l'île de Malte proprement dite, en des zones où le temps est peu clément (Bingemma, Bahrija, Zebbieh et Wardija). Il n’y en a quasiment pas dans l’île de Gozo.

Fonctions[modifier | modifier le code]

Leur rôle était celui d'abri en plein champ pour l'agriculteur, en particulier lorsque les travaux dans les champs nécessitaient d’y passer plus d’une journée.

Elles servaient aussi de resserres à outils et d’entrepôts pour le foin. Leur sommet aplati pouvait servir à sécher des figues, des caroubes ou des tomates. Il y a alors une rampe ou un escalier externe.

Certaines giren possèdent un enclos qui servait à abriter quelques bêtes.

Matériau[modifier | modifier le code]

Le matériau est un calcaire tendre, de teinte dorée (globigerina, en français « globigérine »)[2] le plus souvent mais parfois aussi du calcaire corallien dur (en français « coralline »).

Caractéristiques architecturales et morphologiques[modifier | modifier le code]

Girna de facture peu élaborée.

Les giren n’ont pas de fondations, étant édifiées directement sur le socle rocheux calcaire.

Il peut y avoir utilisation d'un banc rocheux saillant ; ou confection d'un mur-écran en forme de rectangle ou de quart ou de moitié de cercle en avant de l'entrée ; ou une rampe extérieure spiralaire; ou un renforcement circulaire ; ou encore deux niveaux, le bas communiquant avec une terrasse de culture inférieure, le haut avec une terrasse supérieure.

Plans[modifier | modifier le code]

De plan circulaire ou ovale, les giren sont en forme de cône tronqué ou de cylindre à fruit, tendant parfois vers une demi-sphère approximative. La hauteur intérieure varie entre 1,50 m et 2,20 m (hauteur d'un homme levant le bras). Le diamètre intérieur varie de 1 m (pour les plus petites) à 2,50 m[3].

Dans certains cas, le plan est non pas circulaire ou ovalaire mais carré ou rectangulaire, extérieurement comme intérieurement, donnant une forme pyramidale à l'extérieur mais avec rattrapage graduel des angles à l'intérieur au niveau de la voûte.

Voûtements[modifier | modifier le code]

La fermeture de la voûte encorbellée consiste le plus souvent de plusieurs dalles rectangulaires jointives, parfois d'une seule grande dalle.

Dans le cas d’une voûte clavée, on peut avoir un bloc conique placé la pointe en bas, faisant office de clé.

Le sommet plus ou moins bombé du tronc-de-cône ou cylindre à fruit entraîne l'emploi d’un revêtement de protection contre la pluie, soit une couche de cailloutis jouant le rôle de drain, soit, moins souvent, une couche de terre battue (nom local : torba – mélange de chaux, de gravier et de bouts de poterie).

On rencontre parfois des couvrements originaux :

  • voûte d'encorbellement fermée en haut par une panne médiane soutenant de part et d'autre 9 dalles jointives reposant sur les parois et recouvertes d'une couche de torba ;
  • couvrement de canisses et d’algues marines sous de la pierraille.

Certaines giren sont de simples guérites incorporées dans une muraille de pierre sèche.

Entrées[modifier | modifier le code]

Les entrées, dépourvues de porte, sont basses et étroites (entre 0,90 m et 1,20 m de haut sur 0,75 m de large) et orientées vers le sud ou le sud-est, à l'abri des vents du Nord. Leur couvrement est obtenu soit par un linteau monolithe, parfois déchargé par deux dalles en bâtière ou par un deuxième linteau au-dessus d’une ouverture, soit par un arc clavé[4].

Détails d’aménagement[modifier | modifier le code]

L’aménagement intérieur est spartiate. Il peut y avoir un regard réservé dans la paroi pour surveiller les alentours, une niche pour mettre une lampe, un siège rudimentaire en pierre. Il n’y a pas de cheminée. La cuisine se faisait sur un réchaud à l’extérieur.

Les parois intérieures des giren ne sont pas enduites de mortier[5].

Datation[modifier | modifier le code]

Les constructions existantes sont « modernes » même si les techniques de la voûte d’encorbellement et de la voûte clavée sont anciennes.

Végétation[modifier | modifier le code]

Quelques espèces végétales (chardons, oseille, fenouil, asphodèle) recherchent les parois des cabanes.

Anecdote[modifier | modifier le code]

Un homme du nom de Salvu Deguara, surnommé il-Banker, vécut dans une girna près de Mellieha, depuis sa jeunesse jusqu’à son départ à l’hospice des vieux où il mourut dans les années 1960. Il dormait sur une litière de foin et faisait sa cuisine sur un foyer en pierre devant sa porte, laquelle était fermée par de vieux sacs de jute. Il se refusa toujours de changer de mode de vie même quand on lui proposa une maison plus conforme aux normes modernes.

Muséologie[modifier | modifier le code]

À Siggiewi, une ancienne carrière de globigerina a été transformée en un musée privé, The Limestone Heritage (« Le patrimoine du calcaire »)[6]. On y voit la réplique d'une girna.

Épigone architectural[modifier | modifier le code]

Le village de Manikata, sur la côte ouest de l'île, possède une église moderne dont le concepteur, l'architecte Richard England, s'est inspiré de la forme de la girna[7]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Le terme est employé ici au sens de « découvreur ».
  2. La globigérine est par ailleurs le matériau d'élection de l'architecture maltaise. Elle est taillée en blocs prêts à l'emploi dans les carrières. Elle s'apparente au tuffeau des châteaux de la Loire en France ; cf. Dominique Auzas et al., Malte, Le Petit Futé, 2009, 382 p., pp. 220-221.
  3. Anthony Bonanno, Malta negli Iblei, gli Iblei a Malta, Officina di Studi Medievali, 2008, 377 p., pp. 278-279 : « Le dimensioni de queste giren ancora esistenti oggi vanno da un diametro minimo di un metro à metri 2,5. »
  4. Anthony Bonanno, op. cit. : « due blocchi di pietra che formano in triangolo, che serve non solo per ridurre il peso sopra l'architrave, o un primitivo arco di scarico, ma ache come finestra. »
  5. Anthony Bonanno, op. cit. : « L'interno della girna non è intonacato. »
  6. The Limestone heritage.
  7. Dominique Auzas et al., Malte, op. cit., pp. 220-221.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Dr P. Cassar, The Corbelled Stone Huts of the Maltese Islands, in Man, A Monthly Record of Anthropological Science, vol. LXI, April 1961, pp. 65-68 (compte rendu dans L'architecture vernaculaire rurale, t. 4, 1980, pp. 157-158) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Aleksandra Faber, Le "Bunje" sul littorale Nord-est dell'Adriatico e il problema delle loro origini, in Atti del XV Congresso di storia dell'architettura, Rome, 1970 (comporte une mention des giren de Malte)
  • Joe Tonna, Form-making in Maltese Culture, Unpublished M.A. (Arch.) thesis presented to the Department of Architecture at the University of Malta, 1971
  • Anthony Zammit, Housing Concepts in Maltese Culture, Unpublished B.A. (Arch.) thesis presented to the Department of Architecture at the University of Malta, 1975
  • Din l-Art Helwa / The National Trust of Malta, Malta's Heritage in Stone / Wirt Malta fil-Gebel, Malta, 1976
  • Andrew P. Vella, Storja ta' Malta, vol. II, Malta, 1979
  • Denis Delucca, Mediterranean Architecture - The Vernacular Idiom in Maltese Architecture, in Atrium, N. 4, Malta, 1984
  • Conrad Thake, The Maltese Vernacular Expression - In Search of a Humane Architecture, Unpublished B.A. (Arch.) thesis presented to the Department of Architecture of the University of Malta, 1987
  • Michael Fsadni, The Girna. The Maltese Corbelled Stone Hut, translated from the Maltese by Louis J. Scerri, Dominican Publication, Malta, 1992 Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Andrew Brown-Jackson, Giren. A personal account of walling on Malta and a brief review of Michael Fsadni's Girna. The Maltese corbelled Stone Hut, in Stonechat, No 22, automne 2010 Document utilisé pour la rédaction de l’article

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]

  • MALTA: The Limestone Experience, article en anglais initialement publié en deux parties dans les numéros de printemps et été 2008 de la revue britannique Waller & Dyker