Ioulia Vladimirovna Tsvetkova

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Ioulia Tsvetkova
Biographie
Naissance
Nom dans la langue maternelle
Юлия Владимировна ЦветковаVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Autres informations
Distinction
100 Women ()Voir et modifier les données sur Wikidata

Ioulia Tsvetkova, née le à Komsomolsk-sur-l'Amour (Russie), est une artiste russe, militante pour les droits LGBT.

Ioulia Tsvetkova est reconnue prisonnière politique le par Amnesty International[1],[2]. Selon les défenseurs des droits de l'homme, les poursuites pénales sont liées à son militantisme et à ses opinions féministes[3]. Organisatrice du festival d'art militant "Couleurs de safran", créatrice du projet corporel "La femme n’est pas une poupée", elle est aussi responsable d'une troupe théâtrale fondée en 2018 ainsi que directrice d'un théâtre pour enfants nommé Merak[4].

Biographie[modifier | modifier le code]

Enfant, Ioulia Tsvetkova est déjà intéressée par l'art. À l'adolescence, elle est une petite célébrité locale, qui expose ses dessins et peintures[5]. À l'âge adulte, elle continue ses activités artistiques et qualifie son style de primitiviste[5].

En 2018, Ioulia Tsvetkova crée un théâtre pour jeunes appelé Merak Balagan. Toutes les représentations comportaient des éléments de danse et d'improvisation.

Fin 2018, Merak se met à préparer un festival de théâtre indépendant qui doit se dérouler début 2019, intitulé Couleur safran dont Tsvetkova est l'organisatrice. Merak prépare 4 productions pour ce festival : une miniature de danse sur le Printemps de Prague, une miniature de danse sur le harcèlement scolaire appelée Les Intouchables, une pièce satirique anti-guerre Bénissez le Seigneur et ses munitions et une pièce humoristique sur les méfaits des stéréotypes de genre appelée Rose et Bleu[6]. Les enfants de sa troupe ont entre 6 et 16 ans et participent à la création des différentes pièces[6],[7].

Tout début 2019, l'administration de la ville contacte l'administration de la Maison de la Jeunesse, où les représentations devaient avoir lieu[6]. À la suite de ce téléphone[Lequel ?], la Maison de la Jeunesse informe Tsvetkova que ce lieu n'a plus de disponibilités pour eux pour les six prochains mois[6]. Les tentatives pour trouver un nouveau lieu pour héberger le festival restent vaines[7]. Finalement Tsvetkova décide de quand même donner une seule et unique représentation, le 16 mars 2019, en présence d'un public composé exclusivement des parents des comédiens et de journalistes, notamment dans le but de tenter de démontrer que le spectacle n'est pas inapproprié pour des mineurs[7]. Dans ce même but, la performance théâtrale est filmée[7]. Pour sa part, la police lance une enquête contre elle pour propagande auprès des mineures de relations sexuelles non traditionnelles, en vertu de l 'interdiction législative de la propagande homosexuelle en Russie auprès des mineurs[8].

En septembre 2019, Tsvetkova décide de dissoudre le théâtre Merak, dans le but d'éviter que les enfants se retrouvent confrontés à nouveau à la police ou à d'autres autorités[7]. En octobre 2019, elle se rend à un festival féministe à Saint-Petersbourg[7]. Elle fait l'objet de menaces en lignes, notamment des menaces de mort de la part du militant anti-LGBT Timor Bulatov.

Des questions lui sont posées sur l'idée du festival, sur la production de cartes postales anti-guerre en lien avec ce festival et sur les pièces en préparation, en particulier celle intitulée Rose et Bleu.

Accusation de création et diffusion de matériel pornographique[modifier | modifier le code]

Elle est arrêtée le 20 novembre 2019 par la police car elle est accusée d'avoir produit et diffusé du matériel pornographique en violation de l'article 242 (3b) du code pénal russe[9]. Tsvetkova a mis en ligne des dessins du corps féminin, y compris du sexe féminin. C'est ces dessins qui sont qualifiés de pornographie. Le délit de production et de diffusion de matériel pornographique est puni jusqu'à 6 ans d'emprisonnement. Lors de son arrestation, tout son matériel informatique ainsi que différentes publications et documents relatif au genre sont saisis[9]. Après un interrogatoire, elle est assignée à résidence le 23 novembre 2019[10]. Avant son arrestation, elle animait sur VKontakte un groupe qu'elle avait nommé "monologue du vagin" et qui visait à lutter contre les tabous liés au corps féminin dans une perspective féministe. C'est sur ce groupe qu'elle avait publié ses propres dessins ainsi que des œuvres d'autres artistes[11],[12].

Les poursuites auraient débuté le , à la suite d'une dénonciation du militant Timor Bulatov, qui déclare mener un "jihad moral" contre les personnes LGBT[13],[14],[15],[16]

Accusation de promotion des relations sexuelles non traditionnelles[modifier | modifier le code]

Le , alors qu'elle reste assignée à résidence, Ioulia Tsvetkova est reconnue coupable de "Promotion de relations sexuelles non traditionnelles entre mineurs sur Internet" pour avoir animé un ligne deux groupes relatifs aux droits des LGBT et est condamnée à une amende de 50 000 roubles[11]. Cette condamnation intervient alors même que ces groupes n’étaient accessibles qu'aux personnes âgées de plus de 18 ans, en conformité avec la législation russe[17].

Le , elle est à nouveau poursuivie pour ce même motif de promotion de l'homosexualité auprès des mineurs. En cause, sa publication l'année précédente dans le groupe "Colour" sur le réseau social russe VKontakte d'un dessin représentant des familles homoparentales (l'une présentant un couple lesbien et l'autre un couple gay, toutes deux avec des enfants) accompagnées du message : «La famille est là où est l'amour. Soutenir les familles LGBT+»[18],[12],[17]Elle écope d'une amende de 75'000 roubles[19],[20],[11],[21].

Pressions diverses et soutien national et international[modifier | modifier le code]

Le , Tsvetkova a fait état de menaces et d'extorsion de fonds du projet homophobe "Vu"[22].

Le , Tsvetkova présente une demande à la commission d'enquête en rapport avec la restriction de son droit à recevoir des soins médicaux[23].

Le , le militant anti-LGBT Timur Bulatov dénonce auprès de la police la mère de Tsvetkova, Anna Khodyreva, qu'il accuse de promouvoir les relations «non traditionnelles ». La police se rend au domicile de la famille pour enquêter à ce sujet, mais mère et fille refusent de témoigner, invoquant leur droit constitutionnel à ne pas témoigner contre elles-mêmes ou leur proche parent[24]. La presse relate que pour sa part, Tsvetkova s'est plainte à plusieurs reprises, sur le site web du ministère russe de l'intérieur, du comportement de Bulatov, l'accusant d'ingérence dans l'enquête à son encontre et de dénonciation calomnieuse[24].

Le , le tribunal de la région de Komsomolsk lève la mesure d'assignation à résidence, Tsvetkova a cependant l'interdiction de quitter le territoire (de la ville)[25],[26].

Le , elle a reçu le prix international "Index on Censorship" (index sur la censure) dans la catégorie "Arts" [27] , devenant ainsi la deuxième femme russe à recevoir ce prix, après Anna Politkovskaïa.

Le 8 mars 2021, une centaine manifestantes à St-Petersburg scandent des slogans réclamant sa liberté dans le cadre d'une manifestation contre le fascisme, l'homophobie et le sexisme[28].

Procès de juillet 2022[modifier | modifier le code]

Le 3 juin 2022, le ministère de la justice annonce que Ioulia Tsvetkova est considérée par lui comme étant une «agent de l'étranger»[29]. Cette qualification judiciaire entraîne d'importantes restrictions légales et financières, comme par exemple l'obligation de mentionner le statut d'«agent de l'étranger» dans toutes ses publications en ligne[30],[31].

Le procès se déroule en juillet 2022 et la presse étrangère n'y a pas accès. Le 15 juillet 2022, elle est acquittée de l'accusation de production et de diffusion de matériel pornographique[2]. L'accusation avait requis trois ans et deux mois de prison à son encontre[32].

Une semaine plus tard, les procureurs font appel de cette décision[33]. À partir du mois d'août, sa page du réseau social russe VKontakte est bloquée[34].

Honneurs et récompenses[modifier | modifier le code]

  • En 2020, elle figure dans la liste des 100 femmes de l'année établie par la BBC dans le domaine "créativité"[35].

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Feminist artist Yulia Tsvetkova is a political prisoner, Memorial says | Human Rights Center MEMORIAL », sur memohrc.org (consulté le ).
  2. a et b (en) Sophia Kishkovsky, « Russian artist Yulia Tsvetkova—who faced six years in prison on pornography charges for her drawings—is acquitted in court », sur The Art Newspaper, (consulté le ).
  3. « Russie. Une militante féministe condamnée à une amende pour «propagande gay» et visée par des poursuites pénales pour «pornographie» », sur amnesty.org (consulté le ).
  4. Valeria Costa-Kostritsky, CNN, « In Russia, portraying women's bodies can get you arrested », sur Cnn.com, (consulté le ).
  5. a et b (en) « In Russia's far east, a feminist theatre director comes under attack », sur openDemocracy (consulté le ).
  6. a b c et d (ru) « Нас обещают убить за разврат детей» Феминистка поставила детский спектакль. Ее обвиняют в экстремизме и допрашивают в полиции » [« On nous promet la mort pour avoir abusé d'enfants Une féministe a mis en scène une pièce de théâtre pour enfants. Elle est accusée d'extrémisme et est interrogée par la police. »], Lenta,‎ (lire en ligne)
  7. a b c d e et f (ru) « "Вы попали в очень крутой замес, уезжайте из этого города!" Интервью с мамой арестованной активистки », sur Сибирь.Реалии,‎ (consulté le ).
  8. (de) « Russland: LGBTI-Aktivistin droht mehrjährige Haftstrafe », sur amnesty.de, (consulté le ).
  9. a et b (de) « Russland: LGBTI-Aktivistin droht mehrjährige Haftstrafe », sur amnesty.de (consulté le ).
  10. « Une jeune artiste russe risque la prison pour des dessins de vulves », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. a b et c (en) Daria Litvinova, « Feminist artist put on trial for 'pornography' in Russia. - Document - Gale OneFile: News », sur go.gale.com, (consulté le ).
  12. a et b « Une féministe russe menacée de prison pour des images de sexes féminins », sur 20minutes.fr (consulté le ).
  13. (en) « Feminist artist Yulia Tsvetkova is a political prisoner, Memorial says », sur memohrc.org, .
  14. «Через неделю я наточу нож, и джихад выйдет за рамки закона», sur Lenta.ru (consulté le ).
  15. (en) « Memorial Human Rights Centre : Yulia Tsvetkova is a political prisoner - Rights in Russia », sur Rights in Russia, (consulté le ).
  16. « 'She Was Not Afraid to Tell The Truth': Russia Reacts to LGBT Activist's Gruesome Killing », The Moscow Times,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. a et b (en) Nicola Habersetzer, « Russian LGBT activist under house arrest is facing new charges », State News Service,‎
  18. (ru) « Амурской ЛГБТ-активистке грозит штраф до 100 тысяч за рисунок однополой семьи », sur Рамблер/новости,‎ .
  19. (ru) « В Перми откроют выставку в поддержку художницы Юлии Цветковой, которую обвиняют в распространении порнографии за рисунки », sur 59.ru - новости Перми,‎ (consulté le ).
  20. Liliane Charrier, « Pourquoi l'artiste et féministe russe Ioulia Tsvetkova risque-t-elle la prison ? », sur TV5MONDE, (consulté le ).
  21. (en) The Moscow Times, « Russian Feminist Activist Acquitted of ‘Porn’ Charges », sur The Moscow Times, (consulté le ).
  22. (ru) « ЛГБТ-активистка из Комсомольска-на-Амуре Юлия Цветкова подала заявление в полицию из‑за угроз «Пилы» »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur Novaïa Gazeta (consulté le ).
  23. « Une jeune artiste russe risque la prison pour des dessins de vulves », sur Une jeune artiste russe risque la prison pour des dessins de vulves (consulté le ).
  24. a et b (ru) « Новости Хабаровска », sur dvnovosti.ru,‎ (consulté le ).
  25. « ЛГБТ-активистку Юлию Цветкову освободили из-под домашнего ареста », sur ОВД-Инфо (consulté le ).
  26. « Tsvetkova removed from house arrest for distributing porn but continues to face prison sentence. - Document - Gale General OneFile », sur go.gale.com, Legal Monitor Worldwide, (consulté le ).
  27. (en-GB) Index on Censorship, « Arts 2020 », sur Index on Censorship, (consulté le ).
  28. (ru) « «Долой фашизм, гомофобию, сексизм»: петербургские феминистки встали в пикеты », sur Росбалт (consulté le ).
  29. (ru) « Минюст включил Пивоварова, Кашина, Чичваркина и других в списки иноагентов », sur Российская газета, Rossiskaïa Gazeta,‎ (consulté le ).
  30. « Russian justice ministry declares feminist artist Yulia Tsvetkova a 'foreign agent' », sur The Art Newspaper, (consulté le ).
  31. (ru) « Публициста Олега Кашина оштрафовали на 10 тысяч рублей из‑за отсутствия маркировки «иностранного агента» », sur Медиазона,‎ (consulté le ).
  32. (ru) « Прокуратура обжаловала оправдательный приговор художнице Юлии Цветковой », sur Росбалт,‎ (consulté le ).
  33. « Russie. Les procureurs relancent la campagne violente contre l’artiste Ioulia Tsvetkova », sur Amnesty International, (consulté le ).
  34. (en) « Crushing the anti-war movement OVD-Info breaks down the six months of unprecedented repressions that turned Russia into a dictatorship », sur Meduza (consulté le ).
  35. (en-GB) « BBC 100 Women 2020: Who is on the list this year? », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]