Joice Heth

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Joice Heth
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Statut

Joice Heth (c. 1756 – )[1] est une esclave afro-américaine.

Exhibée par Phineas Taylor Barnum comme étant âgée de 161 ans et l'ancienne nourrice de George Washington, le premier président des États-Unis, elle marque les débuts des freak show aux États-Unis durant le XIXe siècle.

Biographie[modifier | modifier le code]

Peu de choses sont connues de la vie de Joice Heth avant les années 1830. En 1835, elle est l'esclave de John S. Bowling et est exhibée à Louisville, Kentucky[2]. En , elle est vendue à deux promoteurs, R. W. Lindsay et Coley Bartram. Elle est présentée comme étant l'ancienne nourrice de George Washington, mais, faute de succès, elle est finalement vendue à P. T. Barnum[3].

Exhibition par Barnum en 1835[modifier | modifier le code]

Affiche consacrée à Joice Heth.

Elle est vers la fin de sa vie aveugle et presque complètement paralysée (elle pouvait cependant parler, et arrivait à déplacer son bras droit)[4] lorsque Barnum a commencé à l'exhiber le , au Niblo's Garden, à New York, où des milliers de personnes se pressent pour la voir[5],[6],[3]. L'affiche publicitaire est une image brute de gravure sur bois représentant une femme au visage ratatiné et aux ongles en forme de serre[7]. Elle la présente comme étant une esclave née sur l'île de Madagascar, sur la côte de l'Afrique, en l'an 1674 et par conséquent âgée de 161 ans[8]. Elle comporte les lignes suivantes : « Joice Heth est sans aucun doute la plus étonnante et intéressante curiosité du Monde ! Elle est l'esclave d'Augustine Washington, (le père de George Washington), et a été la première personne à mettre des vêtements sur l'enfant encore inconscient, qui, après des jours et des jours, a conduit nos héroïques pères à la gloire, à la victoire et à la liberté. Pour utiliser ses propres dires, quand elle parle de l'illustre Père de ce Pays, « elle l'a élevé »[9]. »

L'association publique de Barnum d'une femme esclave avec George Washington coïncide avec le début de l'opposition organisée à l'esclavage l'American Anti-Slavery Society fondée en 1833 et a rapidement gagné des membres tout au long de la décennie[10]. Contrairement aux expositions humaines ultérieures de Barnum, qui ont été photographiées assez souvent, c'est l'une des deux seules images de Heth à disposition en complément de l'illustration de l'autobiographie de Barnum de 1855 La vie de PT Barnum [7].

Son exhibition suscite des articles de presse notamment dans la presse populaire destinée aux lecteurs de la classe ouvrière urbaine et qui défiait l'autorité culturelle des journaux plus distingués et plus chers. Le premier article, du New York Evening Star décrit en détail ses attributs physiques et les signes de son âge extraordinaire. Le deuxième article est une lettre écrite au New York Sun protestant contre l'affichage de Heth à des fins commerciales précisément parce qu'elle était le dernier lien vivant avec Washington[11].

Pendant 7 mois, elle participe à l'exposition itinérante de Barnum pendant laquelle elle raconte des histoires à propos de little George et chante un hymne[12]. Eric Lott rapporte que Joice Heth gagne 1 500 $ par semaine, une somme considérable à cette époque[13]. C'est à ce moment-là que la popularité de Barnum grandit plus largement[14]. Le cas de Heth est largement débattu dans la presse américaine. Les doutes soulevés au sujet de son âge poussent Barnum à annoncer que le corps de Joice Heth serait autopsié publiquement, à sa mort. Celle-ci survient l'année suivante. Barnum affirme que sa dépouille a été enterrée dans sa maison natale, dans la ville de Bethel, au Connecticut[15].

Autopsie publique[modifier | modifier le code]

Joice Heth est morte à New York le , à l'âge estimé de 79 ans. Pour attirer le public, Barnum organise une autopsie publique en sollicitant les services d'un chirurgien, le docteur David L. Rogers, le , devant un public de 1 500 personnes, au New York City Saloon  – Barnum faisant payer l'entrée 50 centimes[5]. En pratiquant une dissection anatomique, Rogers déclare finalement que l'âge annoncé de Joice Heth était faux qu'elle ne pouvait pas avoir plus de 75 ou 80 ans, ce qui provoqua la une de titre de presse. Barnum répond en affirmant que l'autopsie a en réalité été pratiquée sur le corps d'une autre personne, et que Joice Heth est en vérité bien vivante, faisant le tour de l'Europe[3],[16].

Après l'autopsie, le corps de Heth n'a pas été rendu à sa famille. Barnum déclare plus tard qu'elle a été « enterrée de manière respectable » à Bethel, Connecticut, dans sa ville natale.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. "Joice Heth", Hoaxes.org
  2. « Heth, Joice (17??–19 Feb. 1836) », American National Biography (Oxford University Press (consulté le ) (subscription required)
  3. a b et c (en) Harriet A. Washington, Medical Apartheid : the dark history of medical experimentation on black americans from colonial times to the present, New York, Doubleday, , 501 p. (ISBN 0-385-50993-6), p. 86ff
  4. Benton (1891).
  5. a et b Benjamin Reiss, The Showman and the Slave : Race, Death and Memory in Barnum's America, Cambridge, MA, Harvard University Press, , 267 p. (ISBN 978-0-674-00636-2, lire en ligne), p. 3
  6. Freed, "Joice Heth"
  7. a et b « Joice Heth Poster, 1835 », sur lostmuseum.cuny.edu (consulté le )
  8. « Joice Heth (1674?-1836) », sur data.bnf.fr (consulté le )
  9. Joice Heth Poster, 1835.
  10. « Joice Heth Exhibit », sur lostmuseum.cuny.edu (consulté le )
  11. « Joice Heth, New York Evening Star and New York Sun, August 1835 », sur lostmuseum.cuny.edu (consulté le )
  12. Freed cites this to Phineas T. Barnum, Barnum's Own Story, ed. Waldo R. Browne (Massachusetts: Peter Smith, 1972), p. 49.
  13. Lott 1993.
  14. "P.T. Barnum", Britannica Eleventh Edition mentions the claim to have been nurse of George Washington and lists his exhibiting her as the first significant event in Barnum's career.
  15. The Life of P.T. Barnum: Written By Himself. Originally published 1855. Reprint ed., Champaign: University of Illinois Press, 2000. (ISBN 0-252-06902-1).
  16. (en-US) « Under Barnum's Knife: The Shocking Public Autopsy of Joice Heth », sur The Rotation, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • REISS Benjamin, « 1. P. T. Barnum, Joice Heth et les débuts des spectacles « raciaux » », dans : Nicolas Bancel éd., Zoos humains. Au temps des exhibitions humaines. Paris, La Découverte, « Poche / Sciences humaines et sociales », 2004, p. 23-30. DOI : 10.3917/dec.bance.2004.01.0023. URL : https://www.cairn.info/zoos-humains--9782707144010-page-23.htm
  • Benjamin Reiss, The Showman and the Slave : Race, Death and Memory in Barnum's America, Cambridge, MA, Harvard University Press, , 267 p. (ISBN 978-0-674-00636-2, lire en ligne), p. 3 — ouvrage tiré d'un travail universitaire, consacré à Joice Heth.
  • (en) Joel Benton, Life of Phineas T. Barnum (ouvrage très détaillé sur l'achat de Heth par Barnum, sur l'apparence de cette dernière et sur les exhibitions réalisées), Edgewood Publishing, .
  • (en) Eric Lott, Love and Theft : Blackface Minstrelsy and the American Working Class, New York, Oxford University Press, , 336 p. (ISBN 0-19-507832-2), p. 76–78.
  • (en) Harriet A. Washington, Medical Apartheid : The Dark History of Medical Experimentation on African Americans from Colonial Times to the Present, New York, Doubleday Press, (ISBN 0-19-507832-2), p. 86–90
  • The Life of Joice Heth, the Nurse of Gen. George Washington, (the Father of Our Country), New York, The Author, (lire en ligne).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]